VISITE AU PAPE BENOÎT XVI
DE SA BÉATITUDIE CHRYSOSTOMOS II,
ARCHEVÊQUE DE LA NOUVELLE JUSTINIENNE ET DE TOUT CHYPRE

 Samedi 16 juin 2007

 

DISCOURS DE SA BÉATITUDE CHRYSOSTOMOS II

 

"A tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, aux saints par vocation, à vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ" (Rm 1, 7).

Votre  Sainteté,  Pape  de  l'Antique Rome
et Evêque de la Chaire historique du Bienheureux Apôtre Pierre,

La grâce de l'Esprit Saint et notre devoir d'Archevêque-Primat de la Très Sainte Eglise martyre du saint Apôtre Barnabé pour l'unité et la paix entre nos Eglises apostoliques, ont conduit aujourd'hui nos pas, avec notre suite vénérable, sur le lieu du martyre des Coryphées des Apôtres, Pierre et Paul, au sanctuaire des catacombes des martyrs de notre sainte foi commune pour vous rencontrer, Vous qui, parmi les Evêques, possédez le primat d'honneur de la chrétienté indivise, pour Vous donner le baiser fraternel de la paix, et, après des siècles de chemin non fraternel, construire à nouveau des ponts de réconciliation, de collaboration et d'amour!

C'est la troisième fois que nous nous rencontrons, après les inoubliables obsèques de votre bien-aimé prédécesseur, le Pape Jean-Paul II de bienheureuse mémoire, et l'heureuse cérémonie de votre intronisation sur ce Trône apostolique, auquel aspire tout l'oekoumène chrétien avec de grandes espérances en attendant que celui qui le préside, le sage théologien, l'inlassable pasteur et le dynamique guide ecclésiastique, accomplisse des gestes de dialogue, de réconciliation, de rapprochement et d'amour.

Dans ce sens, le développement du dialogue théologique officiel entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe, auquel notre Eglise apostolique de Chypre participe avec responsabilité et cohérence, revêt une grande importance. Peut-être nos yeux ne pourront-ils pas voir l'unité tant désirée de l'Eglise, mais, avec la grâce de l'Esprit Saint, nous aurons fait nous aussi notre devoir dans le temps et dans l'espace comme réconciliateurs et comme véritables frères "ut omnes unum sint".

En outre, nous sommes personnellement convaincus que, de même que l'éloignement et le schisme entre nos Eglises-sœurs fut accompli au cours de l'écoulement de tant de siècles de malentendus accumulés, ainsi, leur réunification et le rétablissement de la confiance réciproque et du véritable amour entre elles nécessitera du temps, de la patience et des sacrifices, que toutefois, avec le sens de notre grande responsabilité, nous assumons le devoir de porter à terme, "en vérité et charité" sous la direction infaillible de l'Esprit vivifiant de Dieu.

Notre rencontre d'aujourd'hui a lieu d'heureuse façon à la veille du 35 anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques officielles entre le Saint-Siège et la République de Chypre. En effet, en 1973, après la rencontre de l'Archevêque ethnarque Makarios III avec le Pape Paul VI à Castel Gandolfo, la représentation des deux parties fut confiée respectivement à celui qui était alors Archevêque titulaire de Mauriana, Mgr Pio Laghi, Délégué apostolique à Jérusalem et en Palestine, l'actuel Cardinal, et à celui qui était Ambassadeur à Paris, M. Polys Modinòs. Permettez-moi, Votre Sainteté, de mentionner ici le premier Ambassadeur de Chypre près le Saint-Siège résident à Rome, S.E. M. Georgios Poulides, notre cher ami, et de le remercier de tout cœur pour sa dévotion, son respect et son amour envers l'Eglise, ainsi que pour son œuvre importante et indispensable.

Au cours des dernières décennies qui ont suivi le Concile Vatican II, certains de nos théologiens cypriotes, clercs et laïcs, ont suivi des études post lauream dans diverses Universités pontificales grâce à des bourses d'études du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens. Nous désirons donc vous exprimer nos remerciements et notre intention d'offrir également, pour notre part, humble antidoron de gratitude, des bourses d'études d'été à Chypre pour les théologiens catholiques désireux d'apprendre le grec moderne et de connaître de près les richesses liturgiques de l'Eglise orthodoxe, pour contribuer un jour eux aussi, à leur tour, à la vision de l'Eglise unie.

Récemment,  Son  Excellence le Président  de  la  République de  Chypre, M. Tassos Papadopoulos, a affirmé de façon très perspicace:  "Chypre a toujours appartenu à l'Europe, avant même l'institution de l'Europe. Avec son entrée dans l'Union européenne, Chypre est retournée à nouveau dans sa maison".

Toutefois, notre maison commune, l'Europe, le berceau de la civilisation occidentale, le siège glorieux de l'esprit chrétien, la mère des saints et des missionnaires, traverse une période de crise et de désorientation, d'athéisme et de doute, de sécularisation et de décadence. La société et l'homme de notre temps ont soif et sont en quête. Elle possède des valeurs et des principes, des traditions et des habitudes qui furent créées à la lumière de l'Evangile et sous la sage direction des Pères de l'Eglise  et  des  autres personnalités ecclésiastiques, mais elle ne peut reconnaître la présence du Christ et la force de son message sotériologique. Elle rejette l'importance fondamentale des racines chrétiennes de l'Europe:  c'est  l'heure  de l'Eglise et de la nouvelle évangélisation, l'heure de la mission ad intra! Toutefois, sans la collaboration des Eglises d'Europe et notre témoignage chrétien commun, il est certain que peu de choses peuvent avoir une issue positive et de nombreux efforts isolés des diverses Eglises et Confessions chrétiennes sont, malheureusement, voués à l'échec. Notre époque mondialisée, au lieu d'influencer de façon positive le chrétien européen convaincu, semble rejeter le caractère œcuménique historique du message chrétien et marginaliser sa dynamique et son efficacité. La sécularisation, l'eudémonisme, la déification de la technologie et de la science athée, désorientent notre prochain et le conduisent inévitablement à un désespoir existentiel. Son cri angoissant s'élève:  "Seigneur, à qui irons-nous?" (Jn 6, 68).

Quelle est, alors, notre responsabilité en tant que pères spirituels? Quelle sollicitude spirituelle devons-nous avoir face à notre jeunesse? Réussirons-nous enfin à protéger l'institution sacrée de la famille? Le caractère sacré de la personne humaine, désormais sans défense face à la recherche médicale, à l'avortement, à l'euthanasie? Le caractère unique de la création de Dieu qui nous entoure et qui risque d'être détruite de façon irréparable à cause de nous?

Le chemin de l'orthodoxie passe par la spiritualité, l'ascèse, le jeûne, l'étude des textes des Pères de l'Eglise inspirés par Dieu, le sens du sacré, et surtout, la Divine Eucharistie:  telles sont nos armes spirituelles et nous désirons lutter avec l'Eglise sœur de Rome pour transformer la société européenne anthropocentrique en une société christocentrique, dans le respect pour nos frères d'autres religions, les immigrés, les pauvres, les réfugiés et les faibles de la terre.

Votre Sainteté, notre présence ici aujourd'hui est un appel à Vous, le Pape provenant d'un pays ami, traumatisé par la division pendant des décennies, comme le nôtre, mais grâce à Dieu, réunifié. C'est pourquoi vous seul pouvez comprendre les sentiments de notre douleur! Notre patrie et votre Sœur, l'Eglise apostolique de Chypre, souffre, mais elle résiste également avec dignité par l'intercession de ses saints, et particulièrement grâce à la protection de son fondateur, le bienheureux Barnabé. Des droits humains sont foulés aux pieds, des monuments sont détruits, des œuvres de notre patrimoine spirituel deviennent l'objet d'un commerce international et la division de la dernière capitale européenne, Nicosie, semble durer éternellement. Qui entendra notre juste plainte et élèvera une voix de protestation vers les puissants de la Terre qui exploitent le nom du Christ, mais demeurent sourds à la loi de l'amour?

Votre Sainteté,

Nous demandons votre soutien à travers l'arme invincible de la prière fraternelle, mais également à travers votre cri paternel pour la défense des droits imprescriptibles de l'Eglise-sœur antique et apostolique de Chypre, ce carrefour des peuples, des religions, des langues, et des civilisations de la Méditerranée et du Moyen-Orient.

Nous désirons vous avoir à nos côtés! A travers nous, le saint Apôtre Barnabé invite son frère aîné, le bienheureux Apôtre Pierre, à visiter pour la première fois son humble demeure, à en être l'hôte, à s'y sentir chez lui, à la bénir! Votre Sainteté, nous vous attendons, en tant qu'Evêque du Siège romain qui préside à la charité, dans la Chypre du dialogue, de la démocratie, de la dignité, de la foi, du monachisme, de l'hospitalité, des monuments et des œuvres d'art! Daignez venir et donnez-nous l'occasion de répondre à votre hospitalité fraternelle de ces splendides jours que nous avons vécus dans la Ville éternelle!

Votre Sainteté,

Avec l'intercession des saints Apôtres Pierre et Paul, Patrons du diocèse de Rome, du Saint Apôtre Barnabé, Fondateur de l'Eglise de Chypre et des saints apôtres grecs Cyrille et Méthode, co-patrons de l'Europe, nous vous souhaitons du plus profond du cœur santé, longue vie et l'illumination de l'Esprit Saint pour l'heureux accomplissement de votre haute mission comme Pontife-bâtisseur de ponts entre les peuples, les religions et les cultures. "Que le Dieu de l'espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l'espérance surabonde en vous par la vertu de l'Esprit Saint" (Rm 15, 13)