VISITE AU PAPE BENOÎT XVI
DE SA BÉATITUDIE CHRYSOSTOMOS II,
ARCHEVÊQUE DE LA NOUVELLE JUSTINIENNE ET DE TOUT CHYPRE

 Samedi 16 juin 2007
 

DÉCLARATION COMMUNE

 

"Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles  aux  cieux,  dans  le Christ" (Ep 1, 3).

1. Nous, Benoît XVI, Pape et Evêque de Rome, et Chrysostomos II, Archevêque de Nuova Giustiniana et de tout Chypre, rendons grâce avec joie à Dieu pour cette rencontre fraternelle, dans la foi commune dans le Christ ressuscité, emplis d'espérance pour l'avenir des relations entre nos Eglises. Cette visite nous a permis de constater la façon dont ces relations se sont développées, tant au niveau local que dans le domaine du dialogue théologique entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe dans son ensemble. La délégation de l'Eglise de Chypre  a  toujours apporté une contribution positive à  ce dialogue  en accueillant, entre autres, en 1983 le Comité de Coordination de la Commission mixte internationale pour le Dialogue théologique, de façon à ce que les membres catholiques et orthodoxes, en plus d'accomplir le difficile travail préparatoire, puissent visiter et admirer les grandes richesses artistiques  et  spirituelles  de  l'Eglise  de Chypre.

2. En l'heureuse circonstance de notre rencontre fraternelle sur les tombes des saints Pierre et Paul, les coryphées des Apôtres, comme l'indique la tradition liturgique, nous voulons déclarer d'un commun accord notre sincère et ferme disposition, en obéissance à la volonté du Seigneur Jésus Christ, à intensifier la recherche de la pleine unité entre tous les chrétiens, accomplissant tous les efforts possibles et considérés comme utiles à la vie de nos communautés. Nous désirons que les fidèles catholiques et orthodoxes de Chypre vivent de façon fraternelle et dans la pleine solidarité fondée sur la foi commune dans le Christ ressuscité. Nous voulons, en outre, soutenir et promouvoir le dialogue théologique qui, à travers la Commission internationale compétente, s'apprête à affronter les questions les plus difficiles qui ont marqué l'histoire de la division. Il est nécessaire de parvenir à un accord substantiel pour la pleine communion dans la foi, dans la vie sacramentelle et dans l'exercice du ministère pastoral. A cet égard, nous vous assurons de notre prière fervente de Pasteurs dans l'Eglise et nous demandons à nos fidèles de s'unir à nous dans une invocation commune "pour que tous soient  un, afin que le monde croie" (Jn 17, 21).

3. Au cours de notre rencontre, nous avons considéré les circonstances historiques dans lesquelles vivent nos Eglises. En particulier, nous avons examiné la situation de division et de tensions qui caractérise depuis plus de trente ans l'Ile de Chypre, avec les tragiques problèmes quotidiens qui frappent également la vie de nos communautés et des familles. Nous avons considéré, plus généralement, la situation du Moyen-Orient, dans laquelle la guerre et les oppositions entre les peuples risquent de s'étendre en ayant des conséquences désastreuses. Nous avons invoqué la paix "qui vient d'en haut". Nos Eglises entendent accomplir un rôle de pacification dans la justice et dans la solidarité et, afin que tout cela se réalise, notre désir est de promouvoir les relations fraternelles entre tous les chrétiens, ainsi qu'un dialogue loyal entre les diverses religions présentes et œuvrant dans la Région. Que la foi dans l'unique Dieu aide les hommes de ces antiques et illustres terres à retrouver une coexistence amicale, dans le respect réciproque et dans une collaboration constructive.

4. Nous adressons donc cet appel à tous ceux qui, partout dans le monde, lèvent la main contre leurs frères, en les exhortant avec fermeté à déposer les armes et à œuvrer afin que les blessures provoquées par la guerre soient guéries. Nous les invitons, en outre, à se prodiguer afin que les droits de l'homme soient toujours défendus, dans toute nation:  le respect de l'homme, image de Dieu, est, en effet, un devoir fondamental pour tous. De même, parmi les droits humains à protéger, il faut souligner comme droit prioritaire celui de la liberté religieuse. Ne pas le respecter constitue une très grave offense à la dignité de l'homme, qui est frappé au plus profond du cœur, où habite Dieu. Et ainsi, profaner, détruire et saccager les lieux de culte de toute religion, représente un acte contre l'humanité et la civilisation des peuples.

5. Nous n'avons pas manqué de réfléchir sur une nouvelle opportunité qui s'ouvre pour un contact plus intense et pour une collaboration plus concrète  entre  nos  Eglises.  En effet, la construction de l'Union européenne progresse, et les catholiques et les orthodoxes sont appelés à contribuer à créer un climat d'amitié et de coopération. A une époque de sécularisation croissante et de relativisme, les catholiques et les orthodoxes en Europe sont appelés à offrir un témoignage commun renouvelé sur les valeurs éthiques, en étant toujours prêts à rendre raison de leur foi en Jésus Christ Seigneur et Sauveur. L'Union européenne, qui ne pourra pas se limiter à une coopération simplement économique, a besoin de solides bases culturelles, de références éthiques partagées et d'ouverture à la dimension religieuse. Il faut vivifier les racines chrétiennes de l'Europe, qui ont fait la grandeur de sa civilisation au cours des siècles, et reconnaître que les traditions chrétiennes occidentale et orientale ont, dans ce sens, un devoir commun important à accomplir.

6. Au cours de notre rencontre, nous avons donc considéré le long chemin historique de nos Eglises et la grande tradition qui, partant de l'annonce des premiers disciples arrivés à Chypre de Jérusalem, après la persécution contre Etienne, et en reparcourant le voyage de Paul des côtes de Chypre  jusqu'à Rome, comme nous le rapportent les Actes des  Apôtres (Ac 11, 19; 24; 4sqq), arrive jusqu'à nos jours. Le riche patrimoine de foi et la solide tradition chrétienne de nos terres doivent pousser les catholiques et les orthodoxes à un élan renouvelé dans l'annonce de l'Evangile à notre époque, pour être fidèles à notre vocation chrétienne et dans la réponse aux exigences du monde d'aujourd'hui.

7. La façon dont sont affrontées les questions concernant la bioéthique suscitent une grave préoccupation. Il existe en effet le risque que certaines techniques appliquées à la génétique, conçues de façon intentionnelle pour répondre à des nécessités légitimes, aillent en réalité porter atteinte à la dignité de l'homme, créé à l'image de Dieu. L'exploitation de l'être humain, les expérimentations abusives, les expériences d'une génétique qui ne respecte pas les valeurs éthiques, constituent une offense à la vie, portent atteinte à la sauvegarde et à la dignité de chaque personne humaine et ne peuvent ni ne doivent être justifiées ni permises à aucun moment de son existence.

8. Dans le même temps, ces considérations éthiques et la préoccupation commune pour la vie humaine nous conduisent à inviter ces nations qui, par la grâce de Dieu, ont accompli des progrès significatifs dans le domaine de l'économie et de la technologie, à ne pas oublier leurs frères qui habitent dans les pays frappés par la pauvreté, la faim et les maladies. Nous invitons donc les responsables des Nations à favoriser et à promouvoir une juste répartition des ressources de la terre, dans un esprit de solidarité avec les pauvres et avec toutes les personnes indigentes dans le monde.

9. Nous partageons également les mêmes préoccupations en ce qui concerne le risque de destruction de la création. L'homme l'a reçue afin de pouvoir réaliser, à travers elle, le dessein de Dieu. Mais, en s'érigeant lui-même au centre de l'univers, en oubliant le mandat du Créateur et en se refermant sur une recherche égoïste de son propre bien-être, l'être humain a géré le milieu dans lequel il vit en effectuant des choix qui mettent en péril son existence même, alors que celui-ci exige le respect et la préservation de la part de tous ceux qui l'habitent.

10. Nous élevons ensemble notre prière au Seigneur de l'histoire, afin qu'il renforce le témoignage de nos Eglises, pour que l'annonce de salut de l'Evangile atteigne les nouvelles générations et soit une lumière pour tous les hommes. Dans ce but, nous confions nos désirs et nos engagements à la Theotokos, à la Mère de Dieu Odigitria, qui indique le chemin vers Notre Seigneur Jésus Christ.

Du Vatican, le 16 juin 2007
 

Benedictus PP. XVI

Chrysostomos II

 

 

[Service d’information 125 (2007/III) 103-104]