COMISSION MIXTE DE DIALOGUE THÉOLOGIQUE 
ENTRE L’ÉGLISE CATHOLIQUE ET L’ÉGLISE ASSYRIENNE DE L’ORIENT

 

DÉCLARATION COMMUNE SUR "LA VIE SACRAMENTELLE"

24 novembre 2017 

 

Le 11 novembre 1994, Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II et Sa Sainteté Mar Dinkha IV, Catholicos-Patriarche de l'Église Assyrienne de l'Orient, ont signé une Déclaration christologique commune. Ce document historique était le résultat et arrivait en conclusion d'une première phase de dialogues non officiels (1984-1994) entre l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient. « Quelles qu'aient été nos divergences christologiques, nous pouvons aujourd'hui nous retrouver unis dans la confession d'une même foi au Fils de Dieu qui s'est fait homme pour que les hommes puissent devenir enfants de Dieu par sa grâce » : par ces mots, une controverse doctrinale séculaire concernant les implications christologiques et les conséquences du Concile d'Éphèse a été conclue et de nouveaux horizons de dialogue théologique et de collaboration pastorale se sont ouverts.

La Déclaration christologique poursuit ainsi : « Vivant de cette foi et de ces sacrements, il s'ensuit donc que les Églises catholiques particulières et les Églises assyriennes particulières peuvent se reconnaître comme Églises sœurs. Pour être pleine et entière, la communion présuppose l'unanimité concernant le contenu de la foi, les sacrements et la constitution de l'Église. N'ayant pas jusqu'à présent atteint cette unanimité vers laquelle nous devons progresser davantage, nous ne pouvons malheureusement pas encore célébrer ensemble l'Eucharistie, qui est ce signe de la communion ecclésiale déjà totalement restaurée ». La Commission mixte pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et l'Église assyrienne de l’Orient a par conséquent programmé deux phases supplémentaires à son activité : l'une sur la théologie sacramentelle et l'autre sur la constitution de l'Église. La phase portant sur la théologie sacramentelle s'est déroulée de 1994 à 2004 et s'est conclue par le présent document. Notre troisième étape de dialogue, qui commencera après cette « Déclaration commune », portera sur la constitution de l'Église. L'espoir sincère de la Commission mixte est donc de hâter le jour où l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient pourront célébrer ensemble l'Eucharistie, en signe du plein rétablissement de la communion ecclésiale.

La présente déclaration, élaborée par la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient, traite de la vie sacramentelle. Étant donné que l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient distinguent et énumèrent les sacrements de manières différentes, ce document est structuré selon une classification qui s'applique à leurs deux traditions. Tous les rites liturgiques considérés comme des célébrations sacramentelles dans les deux traditions ou dans une seule d'entre elles sont classés en cinq sous-divisions : 1. Les saints ordres et le signe de la croix; 2. Le saint baptême et la chrismation ; 3. Le saint Qurbana ou sainte Eucharistie, le saint levain et la consécration de l'autel ; 4. La vie chrétienne (mariage chrétien, vie religieuse) ; 5. La réconciliation, l’onction des malades et les funérailles. Le but principal de cette classification est de clarifier que ces deux traditions sacramentelles sont une dans leur diversité ; bien qu’ayant adopté des formes et des rites différents, elles entendent toutes les deux célébrer le même et unique mystère du salut.

 

I. THÉOLOGIE SACRAMENTELLE

La vie sacramentelle est participation au mystère de l'œuvre salvifique de Dieu par Jésus Christ, par la puissance de l’Esprit Saint. Ce mystère est rendu présent dans la liturgie de l'Église qui, dans la tradition syriaque, est appelée célébration de ‘Razeh’, ‘mystères’ dans la tradition grecque, ou encore ‘sacrements’ dans la tradition latine. Par la célébration de ces mystères, répondant avec gratitude à l'initiative de Dieu, l'Église donne aux fidèles de prendre part à la vie de Dieu et d’être le reflet concret de ce don dans leur vie quotidienne, par leur communion avec Dieu et entre eux.

En tant que signes efficaces, les sacrements transmettent la réalité divine qu'ils représentent. Par leur célébration, l'Église participe réellement aux fruits du mystère pascal du Christ et aux dons du Saint-Esprit. Les célébrations sacramentelles sont donc davantage qu’une simple mémoire ou image de cette réalité divine ; elles rendent présente et efficace la grâce qu'elles signifient. Elles introduisent réellement les fidèles dans l'œuvre de salut de Dieu, par et dans l'Église. Pour les croyants, les sacrements sont par conséquent des moyens ordinaires de salut.

Le Saint-Esprit est la principale cause de cette efficacité réelle. Il œuvre à travers toutes les paroles et tous les actes de la communauté rassemblée. Il associe à sa puissance transformatrice les ministres ordonnés, pour l'accomplissement de leur mission. Il sanctifie l'élément matériel de chaque sacrement (le pain, le vin, l'eau, l'huile, l'imposition des mains, etc.) et opère à travers eux. Il unit la communauté tout entière à la vie et à la mission  du  Christ. L'épiclèse est donc un élément fondamental de toute célébration sacramentelle.

Tous les sacrements sont célébrés dans l'espérance joyeuse de la venue du Royaume de Dieu ; ils sont célébrés « jusqu'à ce qu'il vienne » et « pour que Dieu soit tout en tous » (cf. 1 Co 11, 26 ; 15, 28)[1]. Les célébrations sacramentelles se tiennent donc dans la tension eschatologique entre la dimension du « déjà donné » et celle du « non encore accompli » du Royaume de Dieu. Elles donnent de participer effectivement, ici et maintenant, à la réalité finale du Royaume de Dieu, un Royaume qui est encore en attente de sa réalisation. Ils introduisent l'Église dans une vie qui tend encore vers son accomplissement : la pleine participation au mystère de la mort et de la résurrection de Jésus Christ (cf. Jn 3, 3-5 ; Rm 6, 3-4).

Les célébrations sacramentelles de l'Église ne sont pas arbitrairement établies. Elles découlent de la vie de Jésus Christ et de l'activité fondatrice des apôtres, à travers l'action de l’Esprit Saint. Elles ont également trait, et de manière décisive, aux étapes ou aux moments cruciaux de la vie humaine et chrétienne. Cette origine et ce but des célébrations sacramentelles en font l'une des actions les plus sacrées et essentielles de l'Église. Cependant, en ce qui concerne leur origine, leur statut et leur nécessité, certaines distinctions historiques et théologiques peuvent être faites parmi les célébrations sacramentelles. Cette différence interne entre les sacrements peut s'exprimer de différentes manières[2].

Bien qu’identique dans son essence, la vie sacramentelle dans les traditions liturgiques d'Orient et d'Occident possède des caractéristiques et des traits distincts. Ces différentes traditions sont le résultat et l'expression de mouvements missionnaires, d’évolu-tions ecclésiales et de contextes culturels divers. S’agissant du même mystère qui est célébré dans ces traditions respectives, leurs différentes caractéristiques et singularités peuvent être considérées comme un remarquable élément de complémentarité au sein de l'Église du Christ. « On vous a confié de veiller sur de précieuses choses ; garde le bon dépôt par l’Esprit Saint qui habite en nous » (2 Tm 1, 14) écrit saint Paul à Timothée. Les chapitres suivants présentent et expliquent cette ‘unité dans la diversité’, qui caractérise les traditions sacramentelles de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient.

Par la puissance du Saint-Esprit, l'Église a progressivement reconnu le trésor reçu du Christ et, en intendant fidèle des mystères de Dieu, a établi comment le ‘dispenser’. Dans l'Église catholique, cette reconnaissance progressive a conduit le magistère à distinguer entre toutes sept célébrations liturgiques comme étant, au sens strict du terme, des sacrements institués par le Seigneur[3]. Dans l'Église assyrienne de l'Orient, aucun discernement magistériel de ce genre n'a été établi. Au cours des siècles, cependant, certains auteurs faisant référence ont abordé de manières diverses les ‘Razeh’ ou ‘saints mystères’, tels qu’ils sont célébrés dans l'Église assyrienne de l’Orient. Ces approches sont légèrement différentes les unes des autres. Deux des plus importants traités, qui comprennent une liste de sept ‘Razeh’ ou ‘saints mystères’, ont été composés par le Métropolite Mar Abdisho de Nisibis (+ 1318) et le Patriarche Mar Timothée II (de 1318 à 1332)[4]. Dans le respect des traditions sacramentelles de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient, les chapitres suivants traitent uniquement de toutes les célébrations liturgiques considérées comme des ‘sacrements’ ou des ‘Razeh’, dans au moins une ou dans les deux traditions.

Les traditions liturgiques de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient pratiquent également un certain nombre de signes ou de rites liturgiques qui ressemblent aux sacrements, bien qu'aucune d’elles ne les considère comme des ‘sacrement’ ou ‘Razeh’ au sens strict du terme. Dans la tradition catholique, ces signes sont généralement appelés ‘sacramentaux’. Ils signifient les effets, en particulier de nature spirituelle, obtenus par l'intercession de l'Église. Ils comprennent toujours une prière, souvent accompagnée d'un signe spécifique, comme l'imposition des mains, le signe de la croix ou l'aspersion d'eau bénite. Certains de ces rites sont des bénédictions occasionnelles de personnes, de repas, d'objets ou de lieux. D'autres bénédictions ont une importance durable car elles consacrent des personnes à Dieu ou réservent des objets et des lieux à un usage liturgique. Grâce à ces divers signes rituels ou liturgiques, les chrétiens se disposent à recevoir l'effet principal des sacrements et différentes occasions dans leur vie sont ainsi sacralisées. Les chapitres qui suivent ne traitent pas des ‘sacramentaux’. Toutes les célébrations liturgiques mentionnées ci-après sont considérées par la tradition catholique et la tradition assyrienne comme appartenant au domaine de leurs ‘sacrements’ ou ‘Razeh’.

 

II. LES SAINTS ORDRES

Jésus Christ a personnellement appelé, formé et institué les douze apôtres ; dès le début, ils furent ses compagnons, appelés à l'assister dans la proclamation de la Bonne Nouvelle, par leurs paroles et par leurs actes (cf. Mc 3, 13-19). Après la résurrection, le Seigneur a chargé ses disciples de continuer son œuvre jusqu'à la fin des temps (cf. Mc 16, 15-16 ; Mt 28, 18-20 ; Lc 24, 47 ; Jn 20, 21-23 ; Ac 1, 8). À leur tour, les douze apôtres ont transmis leur ministère apostolique à leurs successeurs, par l'action du Saint-Esprit. Ils « prièrent et leurs imposèrent les mains » (Ac 6, 6 ;3, 3 ; 2 Tm 1, 6). L'Église a continué cette tradition apostolique. Par une prière de consécration spécifique et l'imposition des mains, elle habilite ses ministres à l'accomplissement de leur mission apostolique. L'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient croient l’une et l’autre que l'ordination est un charisme spirituel donné aux hommes élus par l'Église pour célébrer les ‘mystères de l'Église’ (Razeh d-Edta) en vue de l'édification des fidèles et de celle du Corps du Christ, mais ceci jamais en dehors de l'Église. Les saints ordres ne peuvent pas être répétés.

La nécessité que tous les ministres ordonnés de l'Église appartiennent à la succession apostolique, en vertu de leur ordination sacramentelle, exprime et garantit la continuité entre l'origine apostolique de l'Église et la qualification actuelle de ses ministres. Étant ordonnés dans la succession apostolique, tous les ministres de l'Église participent à la Pentecôte de l'Église : l’Esprit Saint descend sur les apôtres et leurs successeurs, après la résurrection du Christ, pour qu’ils puissent accomplir leur mission partout dans le monde et jusqu'à la fin des temps.

Le sacrement de l’Ordre est exercé à trois degrés différents : l’épiscopat, le presbytérat et le diaconat. Comme exprimé dans les rites liturgiques, les enseignements théologiques et la pratique ininterrompue de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l’Orient, ces trois degrés se rapportent au seul sacrement de l'Ordre. Bien que chacun de ces trois degrés soit relié d'une manière spécifique à l'unique ministère du Christ, ils sont tous les trois conférés selon un rite sacramentel particulier d' ‘ordination’. Comme l'évêque a la plénitude du sacerdoce, il peut aussi conférer l’ordination presbytérale et diaconale à d'autres. Le rite principal du sacrement de l'Ordre pour les trois degrés consiste dans l'imposition des mains de l'évêque sur la tête de l'ordinand et dans la prière consécratoire spécifique de l'évêque demandant à Dieu l'effusion du Saint-Esprit et ses dons propres pour le ministère auquel le candidat est ordonné.

Tous les sacrements doivent normalement être administrés par un ministre ordonné, selon son degré de participation au ministère du Christ[5]. Bien qu’étant fondamentalement similaires, certaines différences de pratiques existent entre l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient en ce qui concerne le ministère de certains sacrements, au moins dans certaines occasions. Ces différences seront indiquées ci-dessous, chacune d'entre elles dans leur contexte respectif.

Le ministère sacramentel doit être situé dans le contexte de la communauté chrétienne, comme un service au sacerdoce commun des baptisés. En effet, d'une manière spéciale toute la communauté des croyants est sacerdotale. Le Christ, grand prêtre et unique médiateur, a fait de l'Église « un royaume, des prêtres pour Dieu son Père » (cf. Ap 1, 6 ; 5, 9-10 ; 1 P 2, 5.9). Les laïcs exercent un sacerdoce baptismal à travers leur participation, chacun selon son propre charisme ou sa vocation, à la mission du Christ en tant que prêtre, prophète et roi. Par leur baptême et leur onction, ils participent pleinement à la mission de l'Église, en particulier à sa mission dans le monde. Les parents chrétiens, en tant que chefs de famille, éduquent leurs enfants dans la foi, leur donnent l'exemple des vertus chrétiennes et « s’offrent eux-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu » (Rm 12, 1); C'est là leur culte spirituel. Les laïcs chrétiens ont aussi le droit et le devoir, individuellement ou en groupes, de travailler pour que le message divin du salut soit connu et reçu de tous dans le monde entier. Certains chrétiens laïcs peuvent également être admis temporairement ou définitivement à différentes formes de ministère non ordonné[6].

 

LE SIGNE DE LA CROIX

La formule trinitaire, exprimée dans le ‘signe de croix’, est un élément fondamental de toutes les célébrations sacramentelles. Parce que tous les sacrements sont conférés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, le ministre ordonné fait à plusieurs reprises le ‘signe de croix’ pendant tous les saints mystères ou célébrations sacramentelles. Par cela, il exprime que ces célébrations sont effectuées au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En même temps, il administre efficacement à la communauté rassemblée et aux fidèles tous les dons divins, qui prennent leur origine et descendent sur eux de la Sainte Croix (cf. Col 1, 20). D'une célébration sacramentelle à l'autre, les chrétiens reçoivent toujours davantage les dons du salut, offerts par Jésus Christ dans le sacrifice de sa vie. La conviction fondamentale que toute célébration sacramentelle dépend de la mort et de la résurrection salvifiques de Jésus Christ explique pourquoi certains auteurs de l'Église assyrienne de l'Orient ont classé le ‘signe de croix’ parmi les ‘Razeh’ ou ‘saints mystères’.

Le ‘signe de croix’ fonctionne comme un symbole explicite de l'unité entre toutes les célébrations sacramentelles. Pour l'Église assyrienne de l'Orient, lorsqu'il est utilisé de manière sacramentelle par le prêtre dans tous les Saints Mystères (Razeh), il fait partie du processus consécratoire de chacun des sacrements par lequel ils sont ‘scellés’. Ils sont tous des moyens par lesquels l'Église associe ses membres à la mort et à la résurrection de Jésus Christ (cf. Rm 6, 6-11) et à la communion éternelle du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

 

III. BAPTÊME ET CHRISMATION

En suivant fidèlement le commandement du Seigneur avant son Ascension au ciel (Mt 28, 16-20), saint Pierre a dit le jour de la Pentecôte : « Convertissez-vous : que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit » (Ac 2, 38). Ainsi, dès le début de son existence, l'Église a célébré et administré le sacrement du saint baptême.

Par leur baptême, les chrétiens sont conduits des ténèbres de l'ignorance et du péché à la lumière de la connaissance et de la sainteté (cf. 1 Th 5, 5 ; Ep 5, 8). Le baptême est leur seconde naissance ; si, par leur première naissance, ils reçoivent le don de la vie humaine, par leur deuxième naissance de l'eau et de l’Esprit Saint, ils reçoivent le don de la vie et du salut en Dieu. Le baptême compte parmi les moyens ordinaires de salut, comme l'a déjà affirmé le Seigneur lui-même (cf. Jn 3, 5).

Selon les Écritures et la doctrine de l'Église, le baptême a des effets multiples. Il purifie les néophytes du péché (cf. Ac 2, 38). Il fait d’eux des « fils adoptifs de Dieu » (Ga 4, 5-7). Il les incorpore dans le Corps du Christ, qui est l'Église (cf. Rm 8, 17 ; 1 Co 6, 15.12, 27). Il les transforme en temples du Saint-Esprit (cf. 1 Co 6, 19). Il les fait participer, de manière spéciale, au sacerdoce du Christ et à sa mission prophétique et royale (cf. 1 P 2, 9). Il les habilite et les conduit dans une vie de sacrifice, de sainteté et de félicité (cf. 1 Co 16, 13-16 ; 2 Co 5, 15). Il leur fait prendre part à la mort et à la résurrection du Christ (cf. Rm 6, 3-11) et à la nature divine de Dieu (cf. 2 P 1, 4).

Conformément à l'Église primitive, lorsque des ‘foyers’ entiers recevaient le baptême[7], la tradition catholique et la tradition assyrienne pratiquaient le baptême des adultes et le baptême des enfants. Les enfants sont baptisés pour qu’ils puissent entrer dans le royaume de la liberté des enfants de Dieu, car ils sont ainsi libérés de la servitude du péché. En effet, tout être humain est conditionné ou touché par le péché (cf. Jn 1, 29 ; Rm 5, 12-13), comme l’a dit Mar Timothée II : « Une personne née d'un esclave est elle-même esclave jusqu’à ce qu’elle soit libérée de sa servitude »[8]. De plus, le baptême des enfants manifeste de manière très emphatique que tous les fidèles reçoivent leur nouvelle création en Christ comme un pur don gratuit de salut.

Puisque l'initiation chrétienne est incorporation au Christ et réception de l'Esprit Saint, le baptême de l'eau est complété par les actes d'imposition des mains et d'onction avec le saint chrême[9]. La liturgie latine administre une première onction post-baptismale annonçant une seconde onction habituellement postérieure avec le saint chrême, appelée confirmation. La liturgie de l'Église assyrienne de l’Orient, en accord avec la pratique orientale, administre un ‘signe final avec le saint chrême, immédiatement après le rite du baptême. On considère que ce ‘signe final parachève clairement le rite baptismal pour l'effusion du Saint-Esprit et le perfectionnement de la vie chrétienne. Il couvre ce que la liturgie latine signifie par le sacrement séparé et habituellement postérieur de la Confirmation[10].

Le rite de l'initiation à la vie chrétienne est un cheminement comportant plusieurs étapes ou phases distinctes, à savoir le catéchuménat, la profession de foi, le baptême de l'eau, l'onction avec le saint chrême et l'admission à la communion eucharistique. Bien que ces éléments essentiels soient les mêmes dans les traditions sacramentelles de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient, différentes pratiques et séquences liturgiques se sont développées. Pour le baptême des adultes, les deux traditions administrent normalement le baptême, la chrismation et la sainte Eucharistie au cours d'une même célébration. Cependant, pour le baptême des enfants, les pratiques liturgiques diffèrent. Dans le rite de l'Église assyrienne de l'Orient, conformément à la pratique orientale, l'initiation des enfants commence par le baptême, qui est immédiatement suivi au cours d'une même célébration liturgique du signe (shumlaya) avec le saint chrême et que l’on complète par la réception de l’Eucharistie. Dans le rite latin, le baptême des enfants est normalement suivi d'années de catéchèse, avant d'être complété plus tard par la confirmation et l'Eucharistie[11]. Le baptême des enfants, tel qu'il est pratiqué dans les deux traditions, exige que les parents, les parrains et marraines et la communauté chrétienne veillent à ce que les enfants soient élevés dans la foi chrétienne et dans la vie chrétienne.

Un chrétien est incorporé au Christ et confirmé avec le sceau du Saint-Esprit une fois pour toutes. Le baptême et l'onction confèrent donc un caractère spirituel indélébile aux fidèles.

 

IV. LE SAINT QURBANA OU SAINTE EUCHARISTIE

Dès le début, l'Église a été fidèle au commandement du Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi » (1 Co 11, 23-25). Pour ce qui est des toutes premières communautés chrétiennes, il est écrit qu’« ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières» (Ac 2, 42)[12]. Plus précisément, le dimanche, jour du Seigneur, les chrétiens se réunissaient pour célébrer le récit de sa passion et de sa résurrection, pour prendre part à son corps et à son sang et pour devenir des membres vivants de son Corps, qui est l'Église. Cette célébration est ainsi devenue le centre de la vie de l'Église[13].

Dans la théologie sacramentelle et eucharistique de l'Église assyrienne de l’Orient, le concept de 'Mdabranuta' est d'une importance particulière. Selon le vocabulaire syriaque, 'Mdabranuta' couvre l’ensemble du mystère salvifique, l'économie divine de Dieu pour la création et le salut de l'humanité. Ayant son origine dans le plan éternel de Dieu, 'Mdabranuta' trouve son ‘ancienne dispensation’ dans l'Ancien Testament et culmine dans l'avènement du Christ parmi les hommes. Son ‘actuelle dispensation’ est l'économie du Nouveau Testament : elle commence avec l'incarnation, culmine avec la mort et la résurrection de Jésus Christ, et est complétée par la descente du Saint-Esprit. Sa ‘dispensation future’, qui a commencé à la Pentecôte, attend toujours la seconde venue du Seigneur, la glorification de l'Église et le renouvellement de la création. Tout le ‘Mdabranuta’ ou mystère salvifique est commémoré et célébré tout au long de l'année liturgique, dans la Liturgie des Heures et dans les sacrements. Cependant, sa célébration la plus claire et la plus complète a lieu pendant le saint Qurban ou célébration eucharistique. Au cours de l'Eucharistie, on évoque la condition humaine avant l'incarnation, on confesse le besoin de l'humanité de l'économie salvifique de Dieu, et l’on prie pour le pardon. La gratitude est exprimée pour l'abondance de la grâce qui est donnée par l'Ancienne Alliance, l'incarnation, la mort et la résurrection de Jésus Christ, et par l'effusion de l’Esprit Saint. Une énumération est faite des nombreuses bénédictions et bienfaits obtenus grâce à l'économie du salut. Tout le mystère du salut ou ‘Mdabranuta’ est ainsi résumé, célébré et reçu avec gratitude dans chaque célébration eucharistique. Même si cette complétude est plus évidente ou plus étendue dans la tradition eucharistique syriaque, elle est également un trait caractéristique de toutes les traditions eucharistiques catholiques. Dans les deux traditions, l’ensemble du mystère du salut est commémoré et célébré avec gratitude dans chaque célébration eucharistique.

Reflétant leur foi eucharistique commune, c’est la même structure fondamentale qui caractérise les célébrations eucharistiques dans la tradition de l'Église catholique et celle de l'Église assyrienne de l'Orient : le rassemblement de la communauté locale présidée par l'évêque ou le prêtre, la Liturgie de la Parole incluant des lectures de l'Ancien et du Nouveau Testament, les intercessions des fidèles, la présentation des offrandes, l'anaphore ou prière eucharistique, la fraction et la communion dans le Corps et le Sang du Christ, suivies de prières d'action de grâce.

L'anaphore ou prière eucharistique conduit au cœur et sommet de la célébration eucharistique, qui est la réception du ‘pain du ciel’ et de la ‘coupe de salut’. Par l'invocation du Saint-Esprit et par la représentation de ce que notre Sauveur a fait et dit à la dernière Cène[14], les éléments du pain et du vin deviennent sacramentellement le Corps et le Sang de notre Seigneur. L'Épiclèse et les Paroles de notre Sauveur sont donc des éléments nécessaires de l'anaphore ou de la prière eucharistique. La présence réelle et véritable du Christ sous les espèces du pain et du vin fait d'ailleurs partie de notre foi et de notre dévotion communes.

Bien que nous partagions la même foi eucharistique, différentes traditions liturgiques se sont développées à la fois dans l'Église catholique et dans l'Église assyrienne de l'Orient pour la célébration du Qurban ou sainte Eucharistie. Ces contextes et traditions liturgiques différents sont un élément constitutif de nos identités ecclésiales respectives qui conduit à un enrichissement mutuel. Chacune de ces traditions devrait donc être fidèlement préservée et développée de manière organique. À cet égard, les anaphores traditionnellement utilisées dans nos patrimoines liturgiques, surtout celles remontant à la vénérable antiquité, méritent d’être considérées avec le plus grand respect.

 

LE SAINT LEVAIN

L'Église primitive pratiquait, de différentes manières, une partition du pain eucharistique, associée à la distribution de ces particules entre les églises ou les célébrants d'une région spécifique. Une telle pratique liturgique existait aussi bien dans l'Orient chrétien que dans l'Occident chrétien. L'une de ces pratiques, appelée ‘fermentum’ ou ‘levain’, consistait en une distribution de petites particules eucharistiques par l'évêque aux prêtres des environs ; chaque prêtre devait plonger cette particule dans la coupe de sa célébration eucharistique, d'où le nom de ‘fermentum’ ou ‘levain’. Des pratiques similaires ont progressivement disparu dans l'Église d’Occident et dans la plupart des Églises orientales.

Toutefois, l'Église assyrienne de l'Orient a fidèlement conservé cette pratique liturgique, appelée ‘Saint Levain’ ou ‘Malka’[15]. Chaque année, le jeudi saint, le curé de la paroisse locale renouvelle le Saint Levain en mélangeant le vieux levain avec le nouveau. Ce levain doit ensuite être utilisé pendant l'année dans tous les pains eucharistiques préparés par le prêtre avant la célébration eucharistique. Dans la tradition sacramentelle de l'Église assyrienne de l'Orient, ce Saint Levain est fondamental et occupe une place à part entière dans le processus global de consécration. En outre, le Saint Levain fonctionne comme un signe visible de continuité historique entre chaque célébration du Qurban/de l’Eucharistie et la dernière Cène (cf. Mt 26, 26).

 

CONSÉCRATION DE L’AUTEL

L'Église catholique et l'Église assyrienne de l’Orient ont, de par leur tradition, un respect révérenciel pour l'autel autour duquel la communauté est rassemblée, sur lequel sont présentés les dons eucharistiques et duquel sont reçus le Corps et le Sang du Christ. Une liturgie solennelle de consécration de l’autel est prévue dans leurs deux rites liturgiques. C’est l’évêque qui procède à cette consécration par une invocation du Saint-Esprit et une onction avec le saint chrême[16]. Cependant, dans les traditions catholique et assyrienne, la consécration de l'autel n'est pas considérée comme un sacrement.

 

V. LA VIE CHRÉTIENNE

 

LE MARIAGE CHRÉTIEN

Le mariage revêt une importance et une signification particulières exprimant à la fois l'ordre de la création et l'ordre du salut, à savoir le plan éternel de Dieu pour la création (cf. Gn 2) et le salut de l'humanité, qui culmine en Jésus Christ (cf. Ep 5, 32). C'est une alliance par laquelle un homme et une femme établissent entre eux une union totale et à vie qui, par son caractère naturel, est ordonné au bien des conjoints et à la génération et à l'éducation des enfants. Cette intime communion de vie et d'amour a été établie par le Créateur qui l’a dotée de ses propres lois. Le modèle du mariage chrétien est l'alliance entre le Christ et son Église, comme l'a clairement affirmé l'apôtre Paul : « Les maris devraient aimer leurs femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle pour la rendre sainte » (cf. Ep 5, 25-26). Par la célébration de l'Église, les époux reçoivent la grâce qui leur permet de représenter dans leur amour conjugal la fidélité de Dieu au peuple de son alliance et du Christ à son Église, et de témoigner de cette fidélité divine. Le mariage chrétien reçoit ainsi son caractère sacramentel[17].

Les parties engagées dans un mariage chrétien sont un homme et une femme baptisés, qui ne sont pas empêchés de contracter mariage et expriment librement leur consentement[18]. Le ministre de l'Église reçoit et bénit leur consentement au nom de l'Église[19]. Il prie en particulier le Saint-Esprit, source toujours accessible de leur amour et de leur fidélité, de bénir et de sceller leur union. La présence du ministre de l'Église ainsi que des témoins exprime visiblement le fait que le mariage chrétien est une réalité ecclésiale.

L'unité du mariage, distinctement reconnue par notre Seigneur, se manifeste dans l’égale dignité personnelle qui doit être accordée au mari et à la femme dans une affection mutuelle et totale. L'indissolubilité du mariage est clairement exprimée dans ces paroles du Seigneur : « Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni ! »(Mt 19, 6).

Participant à l'amour créateur de Dieu, le mariage est ordonné à la génération et à l'éducation de la progéniture (cf. Gn 1, 27-28). En notre époque et notre monde, souvent étrangers et même hostiles à la foi, les familles croyantes sont d'une importance primordiale comme centres de foi vivante et rayonnante. C'est au sein de la famille que les parents sont par la parole et l'exemple les premiers hérauts de la foi pour leurs enfants. Ils devraient soutenir leurs enfants dans la vocation propre à chacun d'entre eux, en encourageant avec une attention particulière toute vocation religieuse. Les conjoints ne pouvant avoir d’enfants peuvent aussi avoir une vie conjugale pleine de sens, tant sur le plan humain que chrétien. Leur mariage peut rayonner la fécondité de la charité et du sacrifice, à la fois entre eux et envers les autres.

 

LA VIE RELIGIEUSE

Dès les premiers siècles, la vie religieuse s'est développée dans la tradition de l'Église catholique et celle de l'Église assyrienne de l'Orient comme un charisme spécial et un mode de témoignage chrétien. La vocation à la vie religieuse était considérée comme un don spécial du Saint-Esprit pour la sanctification et l'enrichissement de l'Église[20]. Plusieurs questions spirituelles ou ecclésiales étaient liées de manière spécifique à la vie religieuse, tel que la vie au désert (cf. Mc 1, 12-13), l'imitation radicale de Jésus Christ (cf. Mc 10, 17-31) et la suite de l’exemple des premières communautés chrétiennes (cf. Ac 2, 42-47).

Différentes formes de vie religieuse se sont développées dans les deux traditions. Dans l'Église catholique, des périodes successives de fondation et de réforme ont contribué à plusieurs reprises au renouvellement interne et à la diversification de la vie religieuse. Dans l'Église assyrienne de l'Orient, la vie religieuse s'est répandue à la fin du troisième ou au début du IVe siècle et a prospéré pendant de nombreux siècles[21]. À la fin du XIVe siècle, cependant, elle a connu un rapide déclin et a presque complétement disparu, principalement en raison de circonstances sociales et politiques dramatiques[22].

 

VI. RÉCONCILIATION, ONCTION DES MALADES ET FUNÉRAILLES

 

RÉCONCILIATION

Dans les Saintes Écriture, il est dit que le cœur de Dieu n'est pas comme le cœur des hommes et il n'aime pas détruire (cf. Os 11, 8-11). Il ne veut pas la mort du méchant mais que celui-ci se détourne de ses mauvais chemins et qu’il vive (cf. Ez 18, 23). Jésus est la pleine représentation de la miséricorde de Dieu, comme lui-même l'affirmait : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs pour qu’ils se convertissent » (Lc 5, 32). Enfin, il a donné sa vie et versé son sang pour le pardon des péchés (cf. Mt 26, 28). En communion avec sa propre mission, le Christ a donné aux apôtres et à leurs successeurs le pouvoir de pardonner les péchés (cf. Mt 16, 19 ; Mt 18, 18 ; Jn 20, 22s). En vertu de ce mandat et de cette autorisation, les péchés peuvent être pardonnés par le ministère de l'Église, même après le baptême. Ce ministère de réconciliation a été confié aux évêques et aux prêtres. Ils ont reçu la faculté d'absoudre par un acte sacramentel d'absolution et de réconciliation.

L'administration du sacrement de réconciliation est présente aussi bien dans la tradition liturgique de l'Église catholique que dans celle de l'Église assyrienne de l'Orient. Les éléments constitutifs de cette réconciliation sont la repentance, la confession, la pénitence, l'absolution et la conversion (cf. Mt 3, 8). Différentes pratiques se sont développées dans les deux traditions liturgiques pour l'administration du sacrement de réconciliation et donnent priorité soit au caractère privé, soit au caractère commun de la réconciliation. La confession collective des péchés et la proclamation du pardon par le ministre, lors de la célébration du saint Qurana ou de la sainte Eucharistie, conservent une importance pénitentielle particulière dans les deux traditions liturgiques ; la conversion et la réconciliation chrétiennes trouvent en effet leur source et leur nourriture dans l'Eucharistie. La pratique de la confession personnelle et de l'absolution existe à la fois dans l'Église catholique et dans l'Église assyrienne de l’Orient, du moins pour les péchés graves. Dans l'Église catholique, la pratique ‘privée’ de la pénitence favorisait une fréquentation régulière du sacrement de la confession personnelle. Bien que moins habituelle et moins fréquente, l'Église assyrienne de l'Orient pratique aussi la confession personnelle et les pécheurs peuvent à tout moment la demander[23].

 

ONCTION DES MALADES

La maladie et la souffrance ont toujours fait partie de la réalité humaine. Dans les Saintes Écritures, la maladie est associée au péché humain et à la confiance en Dieu. D'une part, toutes les souffrances sur terre sont associées au péché d'Adam (cf. Gn 3, 16-19 ; Rm 5). D’autre part, c'est devant Dieu que les fidèles se lamentent dans leurs maladies, et c'est de Dieu, le Maître de la vie et de la mort, qu'ils implorent la guérison. La prière pour la guérison en une période de maladie est recommandée ainsi que le repentir pour les péchés commis (cf. Si 38, 9-11)[24]. De manière surprenante, Jésus Christ a donné la priorité au fait d'apporter la guérison aux pécheurs et aux malades. Sa compassion et la guérison qu’il apportait à toutes sortes d'infirmités devinrent un signe resplendissant que le Royaume de Dieu était proche (cf. Mt 11, 1-5). Déjà au cours de son ministère, il envoya ses disciples avec pour mission de guérir les malades (cf. Lc 10, 9). Et après sa glorification, il donna pour mandat aux Apôtres de continuer ce ministère de guérison : « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé…En mon nom, … ils imposeront les mains à des malades, et ceux-ci seront guéris » (Mc 16, 15-18 ; cf. Jc 5, 14-15).

Les traditions liturgiques de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient prévoient l'onction des malades. Cette onction doit être administrée par un ministre ordonné, notamment un évêque ou un prêtre. L'efficacité de cette onction est attribuée au pouvoir de guérison de Jésus Christ et à la présence du Saint-Esprit. Ceci n'est pas simplement indiqué par les prières correspondantes, mais aussi par le fait que l'huile doit être bénie par un ministre ordonné et que l'onction est accompagnée du signe de la croix. Ces éléments expriment le caractère sacramentel de ce rite d'onction[25].

Comme l'indiquent les prières liturgiques de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient[26], l'effet de cette onction est multiple : guérison du corps et de l'âme, sanctification de l'Église et fortification de la personne. Les multiples effets de cette onction de guérison sont spécifiés par l'apôtre saint Jacques : « L’un de vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les anciens de l’Église, et qu’ils prient après avoir fait sur lui une onction d’huile au nom du Seigneur… » (Jc 5, 14-15).

 

FUNÉRAILLES

Les communautés chrétiennes prient pour leurs morts bien-aimés. Ils prient Dieu de leur pardonner leurs péchés et qu'il les accueille avec miséricorde et générosité dans son Royaume. Ils implorent Dieu de les recevoir avec tous les justes au banquet de l'Agneau. Ils font mémoire d'eux et prient pour leur repos et leur joie éternels pendant la Sainte Eucharistie. Ils considèrent aussi ces prières comme une action de grâce à Dieu et un rappel pour les vivants[27].

 

 

VII. CONCLUSIONS

La vie sacramentelle et la théologie sont multiformes de par leur nature, car elles constituent une quête pour la compréhension du mystère de la foi dans les catégories humaines et pour la célébration de cette foi dans des formes propres à chaque culture et nation. Globalement, la vie sacramentelle et la théologie de l'Église catholique se sont développées dans un contexte gréco-romain. Quant à l'Église assyrienne de l'Orient, sa vie sacramentelle s'est développée sur des terres qui n'ont jamais été gouvernées par l'Empire romain, qu’il s’agisse de l'Empire romain d’Occident ou de l'Empire byzantin. Elle s'est développée dans un contexte théologique à prédominance sémitique et syriaque, très proche du contexte des communautés apostoliques primitives.

Pendant de nombreux siècles, en raison de circonstances historiques graves et parfois très douloureuses, l'Église de l’Orient n’a pu communiquer de façon normale avec le reste du christianisme, situé dans la zone gréco-romaine. Certaines évolutions ultérieures de la théologie et de la pratique sacramentelles, progressivement adoptées dans la zone gréco-romaine, n’affectèrent pas l'Église assyrienne de l'Orient. Demeurant cependant extrêmement fidèle à ses propres origines apostoliques, cette dernière a conservé et développé son patrimoine sacramentel, issu de la période apostolique. Ce patrimoine constitue une source et un témoignage uniques pour toute l'Église.

Une approche globale de la vie sacramentelle confirme donc que la vie chrétienne, à la fois dans l'Église catholique et dans l'Église assyrienne de l'Orient, est structurée par une seule réalité sacramentelle. Tout en célébrant les rites sacramentels selon différentes traditions liturgiques et culturelles, elles partagent toutes deux en substance la même foi sacramentelle et la même vie sacramentelle. Leurs rites sacramentels peuvent donc être considérés comme des expressions complémentaires d'une seule réalité divine, déployant sa merveilleuse richesse au sein de traditions ecclésiales diverses. Le principe de l'unité dans la diversité peut donc s'appliquer non seulement à la formulation de la doctrine, mais aussi à la célébration de la vie sacramentelle tant dans l'Église catholique que dans l'Église assyrienne de l'Orient.

Dans leur Déclaration christologique commune de 1994, l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient se sont déclarées unies « dans la confession d'une même foi au Fils de Dieu qui s'est fait homme pour que les hommes puissent devenir enfants de Dieu par sa grâce ». Cet héritage commun de la foi a été reçu, maintenu, enseigné, confirmé et clarifié par l'Esprit Saint dans les deux traditions, en particulier à travers leurs héritages sacramentels et liturgiques respectifs. Les sacrements étant des sacrements de foi, l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient sont maintenant en mesure de se déclarer unies dans la célébration de cette même foi dans le « Fils de Dieu qui s'est fait homme pour que les hommes puissent devenir enfants de Dieu par sa grâce » et en dispensant le même mystère salvifique, à travers leurs traditions sacramentelles et liturgiques respectives.

Pour être complète et entière, la communion entre l'Église catholique et l'Église assyrienne de l'Orient présuppose non seulement l'unanimité concernant le contenu de la foi et la célébration des sacrements, mais aussi la constitution de l'Église, telle qu'elle est énoncée dans la Déclaration christologique de 1994. En conséquence, la Déclaration christologique commune de 1994 et la présente Déclaration commune sur la vie sacramentelle jettent les bases de la troisième phase de notre dialogue théologique, à savoir la constitution de l'Église. Une fois achevée, la troisième phase aura complété l'accord sur la foi, la vie sacramentelle et la constitution de l'Église, et la voie s’ouvrira pour l'Église catholique et l'Église assyrienne de l’Orient pour « célébrer ensemble l'Eucharistie, qui est ce signe de la communion ecclésiale déjà totalement restaurée »[28].

 

24 novembre 2017 

 

 

Son Éminence 
le Cardinal Kurt Koch

 

Sa Béatitude 
Mar Meelis

Président du Conseil pontifical

pour la promotion de l’unité 
des chrétiens

 

Métropolite d’Australie, 
de Nouvelle Zélande 
et du Liban

Coprésident

 

Coprésident

 

 

 

 

 

[1]. Pour les citations des Saintes Écritures contenues dans ce document, la version de la Bible utilisée pour la traduction française est la Traduction œcuménique (TOB).

[2]. Au cours des siècles, plusieurs distinctions ont été établies dans la tradition catholique entre les sacrements nécessaires au ‘salut’, à la ‘perfection’ ou à la ‘préparation’ des fidèles, de même qu’entre les sacrements ‘majeurs’ et ‘mineurs’. De la même manière, différents auteurs de l'Église de l'Orient ont composé des listes sacramentelles distinctes, reflétant des considérations théologiques analogues.

[3]. Ce discernement fut officiellement décrété pour la première fois lors du Concile de Lyon II (1274) ; cette détermination fut par la suite confirmée au Concile de Florence (1439) et au Concile de Trente (1547).

[4]. Le Patriarche Mar Timothée II, dans son traité « Livre des Sept Causes des Mystères (Razeh) de l'Église » a présenté la liste suivante : (1) sacerdoce ; (2) baptême ; (3) consécration des autels ; (4) eucharistie ; (5) consécration à la vie monastique ; (6) funérailles ; (7) mariage. Par ailleurs dans l'introduction de son traité, le Métropolite Mar Abdisho présente la liste suivante du 'Razeh' : (1) sacerdoce ; (2) baptême ; (3) saint chrême ; (4) saint Qurbana ; (5) absolution ; (6) saint levain ; (7) signe de croix. Cependant, s’agissant du patrimoine historique, il convient de noter que dans le même traité sur le ‘Razeh’, Mar Abdisho substitue le chapitre sur le ‘signe de croix’ par un chapitre sur « Mariage et Virginité » ; il traite du sujet du ‘signe de croix’ dans la section suivante consacrée aux actes du culte. En raison des circonstances, la liste de Mar Abdisho devint plus accessible et par conséquent reconnue et adoptée dans l'Église assyrienne de l'Orient. En effet, sous le Patriarcat de Mar Dinkha IV, le Saint Synode de l'Église Assyrienne de l'Orient a déclaré en 2001 la liste de ‘Razeh’ d'Abdisho comme étant la liste officielle de l'Église Assyrienne de l’Orient.

[5]. Dans l'Église catholique comme dans l'Église assyrienne de l'Orient, tous les sacrements sont habituellement administrés par un ministre ordonné. Uniquement en ce qui concerne le sacrement de mariage, deux traditions différentes existent au sein de l'Église catholique (cf. infra).

[6]. Dans l'Église assyrienne de l'Orient, les ordres ou ministères mineurs tels que ceux de lecteur ou de sous-diacre sont transmis au cours d’une célébration liturgique particulière et sont reçus à travers un rite impliquant seulement une bénédiction rituelle. Des ministères similaires existent dans l'Église catholique : « En vue de servir les fonctions du sacerdoce commun des fidèles, il existe aussi d’autres ministères particuliers, non consacrés par le sacrement de l’Ordre, et dont la fonction est déterminée par les évêques selon les traditions liturgiques et les besoins pastoraux. Même les servants, les lecteurs, les commentateurs et ceux qui appartiennent à la chorale s’acquittent d’un véritable ministère liturgique » (Catéchisme de l'Église catholique, Paris, 1992, n° 1143).

[7]. Cf. Ac 16, 15.33 ; 18, 8 ; 1 Co 1, 16.

[8]. Mar Timothy II, Book on the Seven Causes of the Church Razeh, III, 20, The meaning of infant baptism.

[9]. Dans la tradition latine, la consécration du ‘saint chrême’ est réservée à l'évêque. Dans certaines traditions orientales, cette consécration est même réservée au Patriarche. Dans l'Église Assyrienne de l'Orient, c'est le célébrant qui consacre la nouvelle huile pour l’onction baptismale pendant la liturgie baptismale, en la signant avec l’ancienne huile sainte (appelée aussi ‘huile de la corne’), et en priant pour la venue du Saint-Esprit.

[10]. Les traditions diffèrent en ce qui concerne le ministre ordinaire de cette ‘onction finale’ ou ‘confirmation’. Dans le rite latin, c’est l'évêque qui administre la confirmation ; dans le rite de l'Église assyrienne de l'Orient, en accord avec la pratique orientale, le prêtre qui baptise confère lui-même ‘l'onction finale’ au cours d'une même célébration liturgique.

[11]. Dans la plupart des traditions orientales, les nouveaux-nés reçoivent immédiatement la communion avec leur baptême et leur onction, au cours d'une même cérémonie. Dans l'Église assyrienne de l'Orient, les enfants reçoivent le Saint Qurana ou sainte communion après avoir été confirmés au baptême. Le prêtre trempe le petit doigt de sa main droite dans le calice contenant les particules du Corps du Christ et le met dans la bouche de l'enfant.

[12]. Voici ce que l’on lit dans la Peshitta : « Et ils demeurèrent continuellement dans la doctrine des Apôtres, et ils participèrent à la prière et rompirent le pain eucharistique ».

[13]. Cf. Ac 2, 42.46 ; 20, 7.11.

[14]. Parmi les Anaphores de l'Église de l'Orient, celle d'Addaï et Mari occupe une position particulière et révérée et est reconnue comme étant la plus ancienne de cette tradition. La validité de l'eucharistie célébrée avec l'Anaphore d'Addaï et Mari a été reconnue par la Congrégation pour la doctrine de la foi, le 17 janvier 2001, décision qui par la suite a été . approuvée par le Pape Jean-Paul II (cf. Orientations pour l'admission à l'eucharistie entre l'Église chaldéenne et l'Église assyrienne de l'Orient et Admission à l’eucharistie dans des situations de nécessité pastorale, dans : L'Osservatore Romano, édition hebdomadaire en langue française, 27 novembre 2001).

[15]. En vertu de sa vénérable origine, de sa signification théologique et de son statut liturgique, le saint levain fut classé par Mar Abdisho de Nisibis parmi les ‘Razeh’ ou ‘Saints Mystères’. Le rite du saint levain est encore pratiqué par l'Église assyrienne et non par l'Église chaldéenne ou syro-malabare.

[16]. En raison de son importance ecclésiale et liturgique, la consécration de l'autel a été classée par le Patriarche Mar Timothée II parmi les ‘Razeh’ ou ‘Saints Mystères’. Selon son ordre liturgique, la consécration de l'autel fonctionne en même temps comme consécration de toute l'église et du sanctuaire où se trouve l'autel. Dans la pratique liturgique actuelle de l'Église assyrienne, selon la liste sacramentelle de Mar Abdisho, la consécration d'un autel est un rite liturgique qui n'est pas considéré comme un sacrement. De même, dans la tradition catholique, la consécration d'un autel appartient aux sacramentaux.

[17]. Le mariage n'apparaît pas sur la liste des 'Razeh' composée par Mar Abdisho. Sa liste est en effet le reflet d’une étape antérieure dans l’évolution de la liste actuelle des sept sacrements et est précédente à certains changements ultérieurs, communs à la tradition grecque et latine. Cependant, les textes liturgiques utilisés dans la tradition de l'Église assyrienne de l'Orient pour la célébration du mariage, ainsi que les textes doctrinaux expliquant sa signification, présentent les mêmes éléments qui sont considérés comme constitutifs de son caractère sacramentel dans la tradition catholique.

[18]. En ce qui concerne les mariages entre chrétiens appartenant à différentes communautés chrétiennes ou les mariages entre chrétiens et non-chrétiens, nous devons nous référer aux règles canoniques pertinentes de l'Église catholique et de l'Église assyrienne de l'Orient. Dans l'Église catholique, c’est l’évêque qui peut autoriser un mariage entre un catholique et un non-chrétien ; par contre, dans l'Église assyrienne de l'Orient, aucune permission de ce genre ne peut être accordée.

[19]. Dans l'Église latine, on estime que les époux, qui sont les ministres de la grâce du Christ, s'accordent mutuellement le sacrement du mariage en exprimant leur consentement devant l'Église. Dans l'Église assyrienne de l'Orient, conformément à la tradition orientale, le rite liturgique du mariage nécessite la présence du prêtre, de la coupe de bénédiction et de la croix comme ‘intermédiaires’ requis pour la validité du rite.

[20]. L'admission liturgique à la vie monastique a été classée par le Patriarche Mar Timothée II parmi les ‘Razeh’ ou ’Saints Mystères’. Dans la pratique liturgique actuelle de l'Église assyrienne del'Orient, selon la liste des ‘Razeh’ ou ’Saints Mystères’ de Mar Abdisho, l'admission à la vie monastique est un rite liturgique non considéré comme un sacrement. De même, dans la tradition catholique, la consécration des vierges et le rituel de la profession religieuse sont rangés parmi les sacramentaux.

[21]. Dans l’Antiquité, l'Église assyrienne de l'Orient ne connaissait qu’un seul genre de ‘Proto-monachisme’ connu sous le nom de Bnay / Bnath Qyama, ou ‘Fils/Filles de l'Alliance’. Cette ancienne forme de vie religieuse prévoyait que des hommes ou des femmes vivent une vie consacrée dans leur foyer et au sein de la communauté des fidèles. Elle est antérieure au monachisme formel institué par saint Antoine d'Égypte et est celle observée par saint Éphrem et Aphraate le Sage Persan.

[22]. Ces dernières années des tentatives ont été faites pour faire renaître la vie monastique dans l'Église assyrienne d'Orient en Irak, en Inde et aux États-Unis.

[23]. La confession privée était de plus en plus pratiquée dans l'Église chaldéenne et l'Église syro-malabare, alignant ainsi leurs liturgies sur celle de la tradition latine.

[24]. La présence salvifique de Dieu n'est pas partielle mais complète; elle tend à restaurer la vie humaine chaque fois qu’elle est faible et blessée. Selon les Saintes Écritures, la guérison du mal et du péché est considérée comme la guérison la plus importante qu'une personne puisse recevoir de Dieu (cf. Mt 9, 1-8 ; Mc 2, 1-12 ; Lc 5, 17-26).

[25]. L'onction des malades n'apparaît pas sur la liste des 'Razeh' composée par Mar Abdisho (cf. note 5). Toutefois, dans la tradition assyrienne les textes liturgiques utilisés pour la célébration de l'onction des malades, ainsi que les textes doctrinaux expliquant sa signification, présentent les mêmes éléments qui sont considérés comme constitutifs de son caractère sacramentel dans la tradition catholique.

[26]. Cf. cette prière de l'Église de l'Orient pour la consécration de l'huile pour l’onction des malades : « Ô véritable guérisseur dont la parole est pleine de tous les bien-être, aide, soin et guérison ; Ô Seigneur, que ta grâce habite cette huile et qu'elle nous soutienne et nous guérisse de toutes nos maladies, qu’elle nous soulage de la douleur, des tensions et des épreuves, qu’elle soit un remède pour nos blessures et lave nos souffrances, puissions-nous y trouver le remède à nos maladies, maintenant et toujours. Amen ».

[27]. En conséquence de sa signification liturgique, spirituelle et pastorale, la liturgie des funérailles a été classée par le Patriarche Mar Timothée II parmi les ‘Razeh’ ou ‘Saints Mystères’. Néanmoins, dans la pratique liturgique actuelle de l'Église assyrienne de l'Orient, selon la liste sacramentelle de Mar Abdisho, les funérailles sont un rite liturgique qui n'est pas considéré comme un sacrement.

[28]. La présente «Déclaration commune sur la vie sacramentelle» et la compréhension sacramentelle commune de nos deux Églises ne permettent pas la concélébration des sacrements et des rites de l'Église par leur clergé respectif.