DÉCLARATION CONJOINTE SUR LA DOCTRINE DE LA JUSTIFICATION
de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique
Préambule
1. La doctrine de la justification était centrale pour la Réforme luthérienne du XVIe siècle. Elle était considérée comme « le premier article, l’article capital »[1]à la fois « guide et juge pour tous les autres domaines de la doctrine chrétienne ».[2]On y défendait et affirmait surtout l’acception réformatrice et la valeur particulière de la doctrine de la justification face à la théologie et à l’Eglise catholique romaine de l’époque qui, de leur côté, affirmaient et défendaient une doctrine de la justification aux accents différents. Du côté de la Réforme, on considérait cette question comme étant le point de cristallisation de toutes les polémiques. Les confessions de foi luthériennes[3] et le Concile de Trente de l’Eglise catholique romaine ont prononcé des condamnations doctrinales qui restent en vigueur aujourd’hui et dont les conséquences sont causes de séparation entre les Eglises.
2. Pour la tradition luthérienne, la doctrine de la justification a gardé cette fonction particulière. C’est pour cela qu’une place importante lui revint dès le début du dialogue officiel luthérien-catholique.
3. On se référera avant tout aux rapports L’Evangile et l’Eglise (1972)[4] et Eglise et Justification (1994)[5]de la Commission internationale catholique-luthérienne, au rapport La justification par la foi (1983)[6]du dialogue luthérien-catholique aux Etats-Unis, et à l’étude Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?(1986)[7] du Groupe de Travail œcuménique de théologiens protestants et catholiques en Allemagne. Certains de ces rapports de dialogue ont connu une réception officielle. Un exemple important est la réception des conclusions de l’étude sur les anathèmes du XVIe siècle. L’Eglise évangélique luthérienne unie allemande a, avec d’autres Eglises protestantes allemandes, rédigé une prise de position à laquelle a été conférée la plus grande reconnaissance ecclésiale possible (1994).[8]
4. Dans leurs discussions de la doctrine de la justification, tous les rapports de dialogue ainsi que les prises de position qui s’y réfèrent montrent un haut degré d’accord dans leurs approches et leurs conclusions. Le temps est mûr pour un bilan et une récapitulation des résultats des dialogues à propos de la justification, de telle manière que nos Eglises soient informées avec la précision et la concision qui conviennent des conclusions de ce dialogue et qu’elles soient en mesure de prendre position de manière autorisée.
5. Telle est l’intention de la présente Déclaration conjointe. Elle veut montrer que désormais, sur la base de ce dialogue, les Eglises luthériennes signataires et l’Eglise catholique romaine[9] sont en mesure d’énoncer une compréhension commune de notre justification par la grâce de Dieu au moyen de la foi en Christ. Cette déclaration ne contient pas tout ce qui est enseigné dans chacune des Eglises à propos de la justification; elle exprime cependant un consensus sur des vérités fondamentales de la doctrine de la justification et montre que des développements qui demeurent différents ne sont plus susceptibles de provoquer des condamnations doctrinales.
6. Notre déclaration n’est pas une présentation nouvelle et autonome qui s’ajouterait aux rapports des dialogues et aux documents précédents ; elle ne veut en rien les remplacer. Elle se réfère, comme le montre l’annexe sur ses sources, à ces textes et à leurs argumentations.
7. Tout comme les dialogues, cette déclaration conjointe est portée par la conviction que le dépassement des condamnations et des questions jusqu’alors controversées ne signifie pas que les séparations et les condamnations soient prises à la légère ou que le passé de chacune de nos traditions ecclésiales soit désavoué. Elle est cependant portée par la conviction que de nouvelles appréciations adviennent dans l’histoire de nos Eglises et y génèrent des évolutions qui non seulement permettent mais exigent que les questions séparatrices et les condamnations soient vérifiées et réexaminées sous un angle nouveau.
1 . Le message biblique de la justification
8. Notre manière commune de nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu dans l’Ecriture Sainte a conduit à ces appréciations nouvelles. Nous écoutons ensemble l’Evangile qui nous dit que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3, 16). Cette bonne nouvelle est présentée dans l’Ecriture Sainte de diverses manières. Dans l’Ancien Testament nous entendons la parole de Dieu qui nous parle du péché humain (Ps 51, 1-5; Dn 9, 5s. ; Qo 8, 9s. ; Esd 9, 6s.), de la désobéissance humaine (Gn 3, 1-19 ; Ne 9, 16s.26), de la justice (Es 46, 13 ; 51, 5-8 ; 56, 1 ; [cf. 53, 11] ; Jr 9, 24) et du jugement de Dieu (Qo 12, 14 ; Ps 9, 5s. ; 76, 7-9).
9. Dans le Nouveau Testament, Matthieu (5, 10 ; 6, 33 ; 21, 32), Jean (16, 8-11), l’épître aux Hébreux (5, 13 ; 10, 37s.) et l’épître de Jacques (2, 14-26) n’abordent pas de la même manière les thèmes « justice » et « justification ».[10] Même les différentes épîtres pauliniennes évoquent le don du salut de diverses manières : comme « libération en vue de la liberté » (Ga 5, 1-13 ; cf. Rm 6, 7), comme « réconciliation avec Dieu » (2 Co 5, 18-21 ; cf. Rm 5, 11), comme « paix avec Dieu » (Rm 5, 1), comme « nouvelle création » (2 Co 5, 17), comme « vie pour Dieu en Christ Jésus » (Rm 6, 11.23), ou comme « sanctification en Christ Jésus » (cf. 1 Co 1, 2 ; 1, 30 ; 2 Co 1, 1).Parmi ces descriptions, une place particulière revient à celle de la « justification » du pécheur par la grâce de Dieu par le moyen de la foi (Rm 3, 23-25) qui a été plus particulièrement mise en avant à l’époque de la Réforme.
10. Paul décrit l’Evangile comme puissance de Dieu en vue du salut de la personne humaine tombée sous le pouvoir du péché : comme message qui proclame « que la justice de Dieu est révélée par la foi et pour la foi » (Rm 1, 16s.) et qui donne la « justification » (Rm 3, 21-31). Il proclame Christ comme étant « notre justice » (1 Co 1, 30) en appliquant au Seigneur ressuscité ce que Jérémie avait annoncé à propos de Dieu lui-même (Jr23, 6).Toutes les dimensions de son œuvre salvatrice ont leur racine dans la mort et la résurrection du Christ, car il est « notre Seigneur livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification » (Rm 4, 25). Tous les êtres humains ont besoin de la justice de Dieu car « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3, 23 ; cf. Rm 1, 18-3, 20 ; 11, 32; Ga 3, 22). Dans l’épître aux Galates (3, 6) et dans celle aux Romains (4, 3-9), Paul comprend la foi d’Abraham (Gn 15, 6) comme foi en ce Dieu qui justifie le pécheur (Rm 4, 5). Il fait appel au témoignage de l’Ancien Testament pour souligner son Evangile proclamant que la justice est conférée à tous ceux qui, comme Abraham, placent leur confiance en la promesse de Dieu.« Le juste vivra par la foi » (Ha 2, 4 ; cf. Ga 3, 11 ; Rm 1, 17). Dans les épîtres pauliniennes la justice de Dieu est également puissance de Dieu pour chaque croyant (Rm 1, 16s.). En Christ il la laisse être notre justice (2 Co 5, 21). La justification nous est conférée par Christ Jésus « que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang par le moyen de la foi » (Rm 3, 25 ; cf. 3, 21-28). « C’est par la grâce en effet, que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ; vous n’y êtes pour rien ; c’est le don de Dieu » (Ep 2, 8s.).
11. La justification est pardon des péchés (Rm 3, 23-25 ; Ac 13, 39 ; Lc 18, 14), libération du pouvoir de domination du péché et de la mort (Rm 5, 12-21) et de la malédiction de la loi (Ga 3, 10-14). Elle est accueil dans la communion avec Dieu, déjà maintenant, puis en plénitude dans le règne à venir (Rm 5, 1s.).Elle unit au Christ, à sa mort et à sa résurrection (Rm 6, 5). Elle advient par le don du Saint-Esprit dans le baptême en tant qu’incorporation dans l’unique corps (Rm 8, 1s. 9s. ; 1 Co 12, 12s.). Tout cela vient de Dieu seul, à cause du Christ, par la grâce par le moyen de la foi en « l’Évangile du Fils de Dieu » (Rm 1, 1-3).
12. Les justifiés vivent de la foi qui naît de la parole du Christ (Rm 10, 17) et qui agit dans l’amour (Ga 5, 6), lui-même fruit de l’Esprit (Ga 5, 22s.). Mais vu que des puissances et des convoitises extérieures et intérieures continuent à tenter les croyants (Rm 8, 35-39 ; Ga 5, 16-21) et que ceux-ci tombent dans le péché (1 Jn 1, 8.10), il faut qu’ils se mettent toujours plus à l’écoute des promesses de Dieu, reconnaissent leurs péchés (1 Jn 1, 9), participent au corps et au sang du Christ et soient exhortés à vivre avec droiture conformément à la volonté de Dieu. C’est la raison pour laquelle l’Apôtre dit aux justifiés : « Avec crainte et tremblement mettez en œuvre votre salut, car c’est Dieu qui fait en vous et le vouloir et le faire selon son dessein bienveillant » (Ph 2, 12s.). Mais la bonne nouvelle demeure : « Il n’y a donc maintenant plus aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus Christ » (Rm 8, 1) et en qui le Christ vit (Ga 2, 20). Par l’œuvre de justice du Christ, il y aura « pour tous les hommes la justification qui donne la vie » (Rm 5, 18).
2. La doctrine de la justification comme problème œcuménique
13. Les interprétations et applications contradictoires du message biblique de la justification ont été au XVIe siècle une raison principale de la division de l’Eglise occidentale ; les condamnations doctrinales en témoignent. De ce fait, une compréhension commune de la justification est fondamentale et indispensable pour surmonter la division des Eglises. La réception des données des sciences bibliques, de l’histoire de la théologie et de l’histoire des dogmes a permis de parvenir, dans le dialogue œcuménique depuis le deuxième Concile du Vatican, à un rapprochement significatif à propos de la doctrine de la justification. Ce rapprochement permet de formuler dans cette déclaration conjointe un consensus sur des vérités fondamentales de la doctrine de la justification à la lumière duquel les condamnations doctrinales correspondantes du XVIe siècle ne concernent plus aujourd’hui le partenaire.
3. La compréhension commune de la justification
14. L’écoute commune de la Bonne Nouvelle proclamée dans l’Ecriture Sainte ainsi que les dialogues théologiques de ces dernières années entre les Eglises luthériennes et l’Eglise catholique romaine ont conduit à une approche commune de la conception de la justification. Tout cela comporte un consensus dans des vérités fondamentales ; les divers éclaircissements concernant des arguments particuliers sont compatibles avec ce consensus.
15. Notre foi commune proclame que la justification est l’œuvre du Dieu trinitaire. Le Père a envoyé son Fils dans le monde en vue du salut du pécheur. L’incarnation, la mort et la résurrection de Christ sont le fondement et le préalable de la justification. De ce fait, la justification signifie que le Christ lui-même est notre justice, car nous participons à cette justice par l’Esprit Saint et selon la volonté du Père. Nous confessons ensemble : c’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes.[11]
16. Tous les êtres humains sont appelés par Dieu au salut en Christ. Nous sommes justifiés en lui seul lorsque nous recevons ce salut dans la foi. La foi elle-même est don de Dieu par le Saint-Esprit qui agit dans la communauté des croyants par la parole et les sacrements et conduit les croyants vers ce renouvellement de la vie que Dieu parachève dans la vie éternelle.
17. Ensemble nous sommes convaincus que le message de la justification nous renvoie d’une manière particulière au centre du témoignage néo-testamentaire de l’agir salvateur de Dieu en Christ : il nous dit que, pécheurs, nous ne devons notre vie nouvelle qu’à la miséricorde de Dieu qui nous pardonne et fait toute chose nouvelle, une miséricorde qui nous est offerte et est reçue dans la foi et que nous ne pouvons jamais mériter sous quelque forme que ce soit.
18. Pour ces raisons, la doctrine de la justification, qui reprend et développe ce message, n’est pas seulement une partie de l’enseignement chrétien. Elle se situe dans un lien essentiel à toutes les vérités de la foi qui doivent être considérées dans leur interdépendance interne. Elle est un critère indispensable qui renvoie sans cesse au Christ l’ensemble de la doctrine et de la pratique des Eglises. Lorsque les luthériens insistent sur la signification particulière de ce critère, ils ne nient pas l’interrelation et le sens de toutes les vérités de la foi. Lorsque les catholiques se savent redevables de plusieurs critères, ils ne nient pas la fonction spécifique du message de la justification. Ensemble, luthériens et catholiques ont pour but de confesser partout le Christ, de placer en lui seul leur confiance car il est le seul médiateur (1 Tm 2, 5s.) par lequel Dieu se donne lui-même dans l’Esprit Saint et offre ses dons renouvelants [cf. les sources pour chap. 3].
4. Le développement de la compréhension commune de la justification
4.1 L’incapacité et le péché de la personne humaine face à la justification
19. Nous confessons ensemble que la personne humaine est pour son salut entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu. La liberté qui est la sienne face aux personnes et aux choses de ce monde n’est pas une liberté vis-à-vis de son salut. Ceci signifie : en tant que pécheur il est placé sous le jugement de Dieu et incapable de se tourner de lui-même vers Dieu en vue de son salut, voire de mériter sa justification devant Dieu ou d’atteindre son salut par ses propres forces. La justification est opérée par la grâce seule. Parce que les catholiques et les luthériens confessent cela ensemble, on peut dire que :
20. Lorsque les catholiques affirment que, lors de la préparation en vue de la justification et de son acceptation, la personne humaine « coopère » par son approbation à l’agir justifiant de Dieu, ils considèrent une telle approbation personnelle comme étant une action de la grâce et non pas le résultat d’une action dont la personne humaine serait capable.
21. Dans la compréhension luthérienne, la personne humaine est incapable de coopérer à son salut car elle s’oppose en tant que pécheur d’une manière active à Dieu et à son agir salvateur. Les luthériens ne nient pas que la personne humaine puisse refuser l’action de la grâce. Lorsqu’ils affirment qu’elle ne peut que recevoir la justification (mere passive), ils nient par là toute possibilité d’une contribution propre de la personne humaine à sa justification mais non sa pleine participation personnelle dans la foi, elle-même opérée par la parole de Dieu [cf. les sources pour le chap. 4.1.].
4.2 La justification pardonne les péchés et rend juste
22. Nous confessons ensemble que, par la grâce, Dieu pardonne son péché à la personne humaine et que simultanément, en sa vie, il la libère du pouvoir asservissant du péché en lui offrant la vie nouvelle en Christ. Lorsque la personne humaine a part au Christ dans la foi, Dieu ne lui impute pas son péché et opère en elle, par l’Esprit Saint, un amour agissant. Ces deux aspects de l’agir salvateur de Dieu ne doivent pas être séparés. Le pardon des péchés et la présence sanctifiante de Dieu sont intrinsèquement liés par le fait que la personne humaine est, dans la foi, unie au Christ qui, dans sa personne, est notre justice (1 Co 1, 30).Parce que les catholiques et les luthériens confessent cela ensemble, on peut dire que :
23. Lorsque les luthériens insistent sur le fait que la justice du Christ est notre justice, ils veulent avant tout affirmer que par la déclaration du pardon le pécheur reçoit la justice devant Dieu en Christ et que sa vie n’est renouvelée qu’en union au Christ. Lorsqu’ils disent que la grâce de Dieu est amour pardonnant [« faveur de Dieu »][12], ils ne nient pas le renouvellement de la vie des chrétiens mais veulent affirmer que la justification demeure libre de toute coopération humaine et ne dépend pas non plus des conséquences régénératrices de la grâce en la personne humaine.
24. Lorsque les catholiques affirment que le renouvellement de l’être intérieur est offert au croyant par la réception de la grâce,[13] ils veulent insister sur le fait que la grâce pardonnante de Dieu est toujours liée au don d’une vie nouvelle qui par l’Esprit Saint s’exprime dans un amour agissant ; ce disant, ils ne nient pas que le don divin de la grâce demeure, dans la justification, indépendant de la coopération humaine [cf. sources pour le chapitre 4.2.].
4.3 Justification par la grâce au moyen de la foi
25. Nous confessons ensemble que le pécheur est justifié au moyen de la foi en l’œuvre salvatrice de Dieu en Christ ; ce salut lui est offert par l’Esprit Saint dans le baptême en tant que fondement de toute sa vie chrétienne. Dans la foi justifiante, la personne humaine place sa confiance en la promesse miséricordieuse de Dieu, une foi qui embrasse l’espérance placée en Dieu et l’amour. Cette foi est active dans l’amour ; c’est pour cela que le chrétien ne peut et ne doit pas demeurer sans œuvres. Mais tout ce qui dans la personne humaine précède et suit le don libre de la foi, n’est pas la cause de la justification et ne la mérite pas.
26. Selon la compréhension luthérienne, Dieu justifie le pécheur par la foi seule (sola fide). Dans la foi, la personne humaine place toute sa confiance en son créateur et sauveur et est ainsi en communion avec lui. Dieu lui-même provoque cette foi en créant pareille confiance par sa parole créatrice. Parce qu’il est nouvelle création, cet acte divin concerne toutes les dimensions de la personne et conduit à une vie dans l’espérance et dans l’amour. Ainsi l’enseignement de « la justification par la foi seule » distingue mais ne sépare pas la justification et le renouvellement de la vie qui est une conséquence nécessaire de la justification et sans lequel il ne saurait y avoir de foi. En outre, cela montre quel est le fondement de ce renouvellement. Celui-ci naît de l’amour de Dieu offert à la personne humaine dans la justification. Justification et renouvellement de la vie sont intimement unis dans le Christ qui est présent dans la foi.
27. La compréhension catholique insiste, elle aussi, sur le caractère fondamental de la foi pour la justification ; sans elle il ne saurait y avoir de justification. Auditrice de la parole et croyante, la personne humaine est justifiée par son baptême. La justification du pécheur est pardon des péchés et réalisation de la justice par la grâce justifiante qui fait de nous des enfants de Dieu. Dans la justification, les justifiés reçoivent du Christ la foi, l’espérance et l’amour et sont ainsi reçus dans la communion avec lui.[14] Cette nouvelle relation personnelle à Dieu est exclusivement fondée dans la miséricorde de Dieu et demeure toujours dépendante de l’œuvre créatrice et salvatrice du Dieu miséricordieux qui est fidèle à lui-même et en qui la personne humaine peut, pour cette raison, placer sa confiance. Il en résulte que la grâce justifiante ne devient jamais une possession de la personne dont cette dernière pourrait se réclamer face à Dieu. Si la compréhension catholique insiste sur le renouvellement de la vie par la grâce justifiante, ce renouvellement dans la foi, l’espérance et l’amour est toujours dépendant de la gratuité de la grâce de Dieu et exclut toute contribution de l’homme à la justification dont il pourrait s’enorgueillir devant Dieu (Rm 3, 27) [cf. sources pour le chapitre 4.3.].
4.4 L’être pécheur du justifié
28. Nous confessons ensemble que, dans le baptême, le Saint-Esprit unit la personne humaine au Christ, la justifie et la renouvelle effectivement. Malgré cela, le justifié demeure sa vie durant et constamment dépendant de la grâce de Dieu qui le justifie sans conditions. Il n’est pas soustrait au pouvoir toujours encore affluant du péché et à son emprise (cf. Rm 6, 12-14), il n’est pas dispensé de combattre perpétuellement la convoitise égoïste du vieil homme qui le met en opposition à Dieu (cf. Ga 5, 16 ; Rm 7, 7.10). Même le justifié doit quotidiennement implorer le pardon de Dieu comme dans le Notre-Père (Mt 6, 12 ; 1 Jn 1, 9). Il est constamment appelé à la conversion et à la repentance, et le pardon lui est toujours à nouveau accordé.
29. Les luthériens veulent exprimer cela lorsqu’ils disent que le chrétien est « à la fois juste et pécheur » : Il est entièrement juste car Dieu lui pardonne son péché par la parole et le sacrement, et lui accorde la justice du Christ qui dans la foi devient la sienne et fait de lui, en Christ et devant Dieu, une personne juste. Face à lui-même cependant, il reconnaît par la loi qu’il demeure aussi totalement pécheur, que le péché habite encore en lui (1 Jn 1, 8; Rm 7, 17.20) car il ne cesse de placer sa confiance dans de faux dieux et n’aime pas Dieu avec cet amour sans partage que Dieu, son créateur, exige de lui (Dt 6, 5 ; Mt 22, 36-40 par.). Cette opposition à Dieu est en tant que telle véritablement péché. Cependant, par le mérite du Christ, le pouvoir aliénant du péché est brisé : le péché n’est plus péché « dominant » le chrétien car il est « dominé » par le Christ auquel le justifié est lié par la foi ; ainsi, tant qu’il vit sur terre, le chrétien peut, du moins partiellement, mener une vie dans la justice. Malgré le péché, le chrétien n’est plus séparé de Dieu car, né de nouveau par le baptême et le Saint-Esprit, il reçoit le pardon de son péché par le retour quotidien à son baptême ; ainsi son péché ne le condamne plus et n’entraîne plus sa mort éternelle.[15] Lorsque les luthériens affirment que le justifié est aussi pécheur et que son opposition à Dieu est véritablement péché, ils ne nient pas que, malgré le péché, le justifié n’est plus, en Christ, séparé de Dieu et que son péché est un péché dominé. En cela ils s’accordent avec le partenaire catholique-romain malgré les différences dans la compréhension du péché du justifié.
30. Les catholiques considèrent que la grâce de Jésus Christ conférée dans le baptême extirpe tout ce qui est « vraiment » péché, tout ce qui est « condamnable » (Rm 8, 1).[16] Ils affirment cependant qu’une tendance venant du péché et poussant au péché (concupiscence) subsiste en la personne humaine. Etant donné que selon la conviction catholique un élément personnel est requis pour qu’il y ait péché humain, ils considèrent que l’absence de cet élément ne permet plus d’appeler péché au sens propre du terme la tendance opposée à Dieu. Ils ne veulent pas, par là, nier le fait que cette inclination ne correspond pas au dessein originaire de Dieu sur l’humanité, ni qu’elle se pose objectivement en contradiction avec Dieu et qu’elle est l’objet d’un combat de toute une vie ; dans la reconnaissance pour le salut reçu du Christ, ils veulent souligner que cette tendance opposée à Dieu ne mérite pas la punition de la mort éternelle[17] et qu’elle ne sépare plus le justifié de Dieu. Si, cependant, le justifié se sépare volontairement de Dieu, il ne suffit pas qu’il reprenne à observer les commandements. Il faut qu’il reçoive, dans le sacrement de la réconciliation, le pardon et la paix qui lui sont accordés par moyen de la parole du pardon qui lui est conféré en vertu de l’œuvre de réconciliation de Dieu dans le Christ [cf. sources pour le chapitre 4.4.].
4.5 Loi et Evangile
31. Nous confessons ensemble que l’homme est justifié par la foi en l’Evangile « indépendamment des œuvres de la loi » (Rm 3, 28). Le Christ a accompli la loi et l’a dépassée en tant que chemin du salut par sa mort et sa résurrection. Nous confessons aussi que les commandements de Dieu gardent leur validité pour les justifiés et que le Christ exprime par sa parole et sa vie la volonté de Dieu qui demeure aussi pour le justifié une règle de conduite.
32. Les luthériens font remarquer que distinguer et articuler correctement loi et Evangile est essentiel pour la compréhension de la justification. La loi, dans son usage théologique, est exigence et accusation. Chaque homme et chaque chrétien aussi, toute la vie durant, en tant qu’il est pécheur, est sujet à cette accusation et la loi dévoile ses péchés, de sorte qu’il puisse se tourner pleinement dans la foi en l’Evangile vers la miséricorde de Dieu en Christ qui seule justifie.
33. La loi, en tant que chemin du salut, étant accomplie et dépassée par l’Evangile, les catholiques peuvent dire que le Christ n’est pas un législateur comparable à Moïse. Lorsque les catholiques affirment que le justifié doit respecter les commandements de Dieu, ils ne nient pas que la grâce de la vie éternelle est miséricordieusement promise aux enfants de Dieu par Jésus Christ[18] [cf. sources pour le chapitre 4.5.].
4.6 La certitude du salut
34. Nous confessons ensemble que les croyants peuvent compter sur la miséricorde et les promesses de Dieu. Même face à leurs propres faiblesses et aux menaces multiples mettant en péril leur foi, ils peuvent, grâce à la mort et à la résurrection du Christ, se fonder sur la promesse efficace de la grâce de Dieu dans la parole et le sacrement et avoir ainsi la certitude de cette grâce.
35. Les réformateurs ont particulièrement souligné le fait que, dans l’épreuve, le croyant ne doit pas regarder vers lui-même mais, dans la foi, regarder vers le Christ et ne se confier qu’en lui seul. Dans la confiance en la promesse de Dieu, il a la certitude de son salut, alors qu’il n’en a aucune s’il ne regarde que vers lui-même.
36. Les catholiques peuvent partager le souci des réformateurs qui consiste à fonder la foi sur la réalité objective des promesses du Christ, à faire abstraction de l’expérience personnelle et à ne faire confiance qu’à la promesse du Christ (cf. Mt 16, 19 ; 18, 18). Avec le deuxième Concile du Vatican, les catholiques affirment : croire signifie se confier pleinement à Dieu[19] qui nous libère de l’obscurité du péché et de la mort et nous éveille à la vie éternelle.[20] Ainsi on ne peut pas croire en Dieu et en même temps douter de la fiabilité de sa promesse. Personne ne saurait douter de la miséricorde de Dieu et du mérite du Christ, alors que chacun pourrait être préoccupé de son salut en regardant ses propres faiblesses et déficiences. Cependant c’est en reconnaissant ses propres échecs que le croyant peut être certain que Dieu veut son salut [cf. sources chapitre 4.6.].
4.7 Les bonnes œuvres du justifié
37. Nous confessons ensemble que les bonnes œuvres – une vie chrétienne dans la foi, l’espérance et l’amour – sont les conséquences de la justification et en représentent les fruits. Lorsque le justifié vit en Christ et agit dans la grâce reçue, il porte, en termes bibliques, de bons fruits. Cette conséquence de la justification est pour le chrétien, dans la mesure où il lutte tout au long de sa vie contre le péché, une obligation qu’il doit remplir; c’est la raison pour laquelle Jésus et les écrits apostoliques exhortent les chrétiens à accomplir des œuvres d’amour.
38. Selon la conception catholique, les bonnes œuvres qui sont réalisées par la grâce et l’action du Saint-Esprit contribuent à une croissance dans la grâce afin que la justice reçue de Dieu soit préservée et la communion avec le Christ approfondie. Lorsque les catholiques affirment le « caractère méritoire » des bonnes œuvres, ils entendent par là que, selon le témoignage biblique, un salaire céleste est promis à ces œuvres. Loin de contester le caractère de ces œuvres en tant que don ou, encore moins, de nier que la justification reste un don immérité de grâce, ils veulent souligner la responsabilité de la personne pour ses actions.
39. Les luthériens partagent eux aussi l’idée d’une préservation de la grâce et d’une croissance dans la grâce et la foi. Néanmoins ils soulignent que la justice, en tant qu’acceptation par Dieu et participation à la justice du Christ, est toujours parfaite. Ils affirment en même temps que ses conséquences peuvent croître tout au long de la vie chrétienne. En considérant les bonnes œuvres des chrétiens comme étant les « fruits » et les « signes » de la justification et non des « mérites » propres, ils considèrent également, conformément au Nouveau Testament, la vie éternelle comme « salaire » non mérité dans le sens de l’accomplissement de la promesse de Dieu faite aux croyants [cf. sources pour le chapitre 4.7].
5. La signification et la portée du consensus obtenu
40. La compréhension de la doctrine de la justification présentée dans cette déclaration montre qu’il existe entre luthériens et catholiques un consensus dans des vérités fondamentales de la doctrine de la justification. A la lumière de ce consensus sont acceptables les différences qui subsistent dans le langage, les formes théologiques et les accentuations particulières dans la compréhension de la justification telles qu’elles sont décrites dans les paragraphes 18 à 39 de cette déclaration. C’est pourquoi les présentations luthérienne et catholique de la foi en la justification sont, dans leurs différences, ouvertes l’une à l’autre et ne permettent plus d’infirmer le consensus atteint dans des vérités fondamentales.
41. Il en découle que les condamnations doctrinales du XVIe siècle, dans la mesure où elles se référent à l’enseignement de la justification, apparaissent dans une lumière nouvelle : l’enseignement des Eglises luthériennes présenté dans cette déclaration n’est plus concerné par les condamnations du Concile de Trente. Les condamnations des Confessions de foi luthériennes ne concernent plus l’enseignement de l’Eglise catholique romaine présenté dans cette déclaration.
42. Cela n’enlève rien au sérieux des condamnations doctrinales liées à la doctrine de la justification. Certaines n’étaient pas simplement sans objet ; elles conservent pour nous « leur valeur d’avertissements salutaires » dont nous avons à tenir compte dans l’enseignement et la pratique.[21]
43. Notre consensus dans des vérités fondamentales de la doctrine de la justification doit avoir des conséquences et trouver sa confirmation dans la vie et l’enseignement des Eglises. A cet égard, il existe encore des questions d’importance diverse qui demeurent et exigent d’être ultérieurement clarifiées. Elles concernent, entre autres, la relation entre la Parole de Dieu et l’enseignement de l’Eglise, ainsi que l’ecclésiologie, l’autorité dans l’Eglise, son unité, le ministère et les sacrements, et enfin la relation existant entre justification et éthique sociale. Nous sommes convaincus que la compréhension commune à laquelle nous sommes parvenus constitue un fondement solide qui permettra cette clarification ultérieure. Les Eglises luthériennes et l’Eglise catholique romaine continueront à approfondir leur compréhension commune afin qu’elle porte ses fruits dans l’enseignement et la vie ecclésiale.
44. Nous rendons grâce à Dieu pour ce pas décisif dans le dépassement de la séparation des Eglises. Nous prions l’Esprit Saint de continuer à nous conduire vers cette unité visible qui est la volonté du Christ.
SOURCES DE LA DÉCLARATION CONJOINTE
SUR LA DOCTRINE DE LA JUSTIFICATION
Dans ses sections 3 et 4, la Déclaration conjointe reprend des expressions empruntées à divers dialogues luthériens-catholiques. Il s’agit en particulier des documents suivants :
Tous sous un seul Christ, prise de position de la Commission internationale catholique-luthérienne. In : Face à l’Unité. L’ensemble des textes adoptés (1972-1985) introduits et présentés, en traduction revue et corrigée, par Hervé Legrand et Harding Meyer. Cerf, Paris 1986.
Denzinger – Hünermann, Enchiridion symbolorum 37 ed, édition bilingue (Joseph Hoffmann) Paris 1996 [cité DH].
Commentaire du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens à propos de l’étude : Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels? (Vatican 1992), non publié [cité : Commentaire].
La justification par la foi. Document du Groupe mixte de dialogue luthérien-catholique des États-Unis. Texte français in : Documentation Catholique 1888/1985, 126-162 [cité USA].
Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?Les condamnations doctrinales du Concile de Trente et des Réformateurs justifient-elles encore la division de nos Églises? Propositions soumises aux Églises catholique, luthérienne et réformée en Allemagne sous la direction de Karl Lehmann et Wolfhart Pannenberg à la demande de l’Évêque E. Lohse et du Cardinal Ratzinger. Traduit de l’allemand par Pierre Jundt et Joseph Hoffmann. Cerf, Paris 1989 [cité : Anathèmes].
Prise de position de la Commission commune de l’Église évangélique unie d’Allemagne (VELKD) et du Comité national allemand de la Fédération Luthérienne Mondiale à propos du document «Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?» (13 septembre 1991). Texte allemand in : Lehrverurteilungen im Gespräch. Die ersten offiziellen Stellungnahmen aus den evangelischen Kirchen in Deutschland. Göttingen 1993, 57-160 [cité VELKD].
Section 3 :La compréhension commune de la justification, paragraphes 17 et 18 :
Cf. en particulier Anathèmes 115s. ; VELKD 95.
– « Une image de la justification centrée sur la foi et conçue de manière forensique est d’une importance majeure pour Paul, et, dans une certaine mesure, pour la Bible tout entière, bien que ce ne soit pas la seule manière paulienne ou biblique de représenter l’œuvre salvifique de Dieu [corr.] » (USA, 146).
– « Les catholiques comme les luthériens peuvent reconnaître le besoin d’évaluer les pratiques, les structures et les théologies de l’Eglise selon la manière dont elles aident ou entravent la proclamation de la promesse miséricordieuse et libre de Dieu dans le Christ Jésus qui ne peut être bien reçue que par la foi (n. 28) » (USA, 153).
A propos de l’« affirmation fondamentale » (USA, 157 ; cf. 4), il est dit :
– « Cette affirmation, comme la doctrine de la Réforme de la justification par la foi seule, sert de critère pour juger toutes les pratiques, structures et traditions ecclésiales, précisément parce que sa contre-partie est le Christ seul (solus Christus).C’est en lui seul, en fin de compte, qu’on doit avoir confiance comme étant l’unique médiateur par lequel Dieu, dans l’Esprit Saint, répand ses dons salvifiques. Chacun d’entre nous, qui participons à ce dialogue, affirme que tout enseignement chrétien, toute observance chrétienne, toute fonction chrétienne doit servir à nourrir l’obéissance de la foi (Rm 1, 5) en l’action salvifique de Dieu dans le Christ Jésus seul, par l’Esprit Saint, pour le salut du fidèle et la louange et l’honneur du Père des cieux » (USA, 160).
– « C’est pourquoi la doctrine de la justification et surtout son fondement biblique conservent à jamais dans l’Eglise une fonction spécifique : maintenir dans la conscience des chrétiens que nous autres, pécheurs, nous vivons uniquement de l’amour miséricordieux de Dieu dont nous ne faisons qu’accepter le don gratuit, et que cet amour, nous ne pouvons le mériter d’aucune manière, si modeste soit-elle, ou le lier à des conditions antérieures ou postérieures dont nous serions les auteurs. La doctrine de la justification devient ainsi la norme critique qui doit permettre de vérifier à tout moment si telle interprétation concrète de notre rapport à Dieu peut prétendre être qualifiée de chrétienne. Elle devient en même temps pour l’Eglise la norme critique qui doit permettre de vérifier à tout moment si sa prédication et sa pratique correspondent à ce qui lui a été confié par son Seigneur » (Anathèmes, 116)
– « L’accord sur le fait que la doctrine de la justification n’a pas seulement son importance comme un enseignement partiel particulier dans l’ensemble de la doctrine de nos Eglises, mais qu’elle a aussi une signification comme critère pour la doctrine et la pratique de nos Eglises, est pour les luthériens un progrès fondamental dans le dialogue œcuménique entre nos Eglises, que nous ne saurions assez saluer » (VELKD 95 ; cf.157)
– « La doctrine de la justification a certes, pour les luthériens et pour les catholiques, une place différente au sein de la hierarchia veritatum : les deux parties s’accordent cependant pour dire que la fonction spécifique de la doctrine de la justification est d’être une norme critique “qui doit permettre de vérifier à tout moment si telle interprétation concrète de notre rapport à Dieu peut prétendre être qualifiée de chrétienne”. Elle devient en même temps pour l’Eglise la norme critique qui doit permettre de vérifier à tout moment si sa prédication et sa pratique correspondent à ce qui lui a été confié par son Seigneur. La signification critériologique de la doctrine de la justification pour la sacramentologie, l’ecclésiologie et le domaine de l’éthique exige cependant un complément d’études approfondies » (Commentaire 106s.).
Section 4.1. : L’incapacité et le péché de la personne humaine face à la justification, paragraphes 19-21 :
Cf. en particulier Anathèmes 74ss. ; VELKD 77-81 ; 83s.
– « Ceux chez qui règne le péché ne peuvent rien faire pour mériter la justification, qui est le don gratuit de la grâce de Dieu. Même le début de la justification, par exemple le repentir, la prière pour la grâce et le désir du pardon, doit être l’œuvre de Dieu en nous » (USA, 156, 3).
– « Pour tous deux il s’agit… non pas de nier que l’homme y soit réellement partie prenante.… Une réponse n’est pas une œuvre. La réponse de la foi est elle-même opérée par la Parole de la promesse que rien ne peut extorquer et qui vient à l’homme de l’extérieur. Il ne peut y avoir de coopération qu’en ce sens que le cœur est là auprès de la foi (ist dabei) quand la Parole le touche et suscite la foi » (Anathèmes, 81).
– « Les canons 4, 5, 6 et 9 du Concile de Trente n’indiquent une différence significative à propos de la justification que si la doctrine luthérienne du rapport entre Dieu et sa créature dans l’événement de la justification insiste sur le monergisme divin et la seule action du Christ au point de ne plus conférer, lors de la justification, un rôle essentiel à la libre acceptation de la grâce de Dieu, qui est elle même don de Dieu » (Commentaire 25).
– « Côté luthérien, la stricte insistance sur la passivité de la personne humaine lors de sa justification n’a jamais voulu nier la pleine participation personnelle dans la foi. Elle voulait simplement exclure toute coopération dans l’événement de la justification. Celle-ci est exclusivement œuvre du Christ, œuvre exclusive de la grâce » (VELKD 84, 3-8).
Section 4.2. : La justification pardonne les péchés et rend juste, paragraphes 22-24 :
Cf. en particulier USA, 98-101 ; Anathèmes 82ss. ; VELKD 84ss. ainsi que les citations concernant 4.3.
– « Par la justification, nous sommes à la fois déclarés et faits justes. La justification n’est donc pas une fiction légale. Dieu, en justifiant, rend sa promesse effective ; il pardonne le péché et nous rend vraiment justes » (USA, 156, 5).
– «… La théologie des Réformateurs ne néglige pas ce que la théologie catholique met en relief : le caractère créateur et régénérant de l’amour de Dieu ; et elle n’affirme pas… l’impuissance de Dieu vis-à-vis d’un péché qui, dans la justification, ne serait que remis, mais dont le pouvoir qui sépare de Dieu ne serait pas véritablement supprimé » (Anathèmes, 85).
– «… (La doctrine luthérienne) n’a jamais considéré que “l’imputation de la justice du Christ” n’avait pas de conséquence dans la vie du croyant, car la parole du Christ opère ce qu’elle affirme. Par conséquent elle ne comprend pas la grâce comme une faveur mais comme une puissance efficace… car “là où il y a pardon des péchés, il y a vie et félicité” » (VELKD 86, 15-23).
– «… La doctrine catholique ne néglige pas ce que la théologie évangélique met en relief : le caractère personnel de la grâce et son caractère lié à la Parole ; et elle n’affirme pas… (que) la grâce (serait) comprise comme une possession concrète (dinghaft) et disponible de l’homme, s’agirait-il même d’une possession ayant fait l’objet d’un don gratuit » (Anathèmes, 85).
Section 4.3. : Justification par la grâce au moyen de la foi :
Cf. surtout USA, 105ff ; Anathèmes 85-91 ; VELKD 87-90.
– « Si on passe d’une langue à l’autre, ce que disent les Réformateurs de la justification par la foi correspond à la façon dont les catholiques parlent de la justification par la grâce, et d’autre part, quant au fond, la doctrine des Réformateurs comprend sous cet unique mot “foi” ce que la doctrine catholique, en référence à 1 Co 13, 13, résume dans la triade foi, espérance et charité » (Anathèmes, 90).
– « Nous soulignons que, dans le sens du premier commandement, la foi est toujours amour de Dieu et espérance en Lui qui s’exprime dans l’amour envers les prochains » (VELKD 89, 8-11).
– « Les catholiques… enseignent… comme le font les luthériens, que rien, avant le don gratuit de la foi, ne mérite la justification et que tous les dons salvifiques de Dieu viennent du Christ seul » (USA, 105).
– « Les Réformateurs… comprennent la foi comme le pardon et la communion avec le Christ opérés par la Parole de la promesse même… Tel est le fondement de l’existence nouvelle, grâce à laquelle la chair de péché est morte, et l’homme nouveau a sa vie en Christ (sola fide per Christum). Mais, même si une telle foi fait nécessairement de l’homme un homme nouveau, le chrétien n’édifie pas sa ferme assurance sur sa vie nouvelle, mais uniquement sur la promesse de grâce donnée par Dieu. L’acceptation de celle-ci par la foi suffit, dès lors que “foi” est compris au sens de confiance en la promesse (fides promissionis) » (Anathèmes, 86).
– Cf. Tridentinum, sess. 6 cap. 7 : « Aussi, avec la rémission des péchés, l’homme reçoit-il dans la justification même par Jésus Christ en qui il est inséré, tous les dons suivants infus en même temps : la foi, l’espérance et la charité » (DH 1530).
– « Selon la compréhension évangélique, la foi qui s’attache sans conditions à la promesse de Dieu offerte dans la Parole et les sacrements suffit pour être justifié devant Dieu, de sorte que la régénération des hommes, sans laquelle il ne peut pas y avoir de foi, n’apporte pour sa part aucune contribution à la justification » (Anathèmes, 91).
– « En tant que luthériens, nous maintenons la distinction entre justification et sanctification, entre la foi et les œuvres. Distinction ne veut pas dire séparation » (VELKD 89, 6-8).
– « La doctrine catholique se sait d’accord avec la préoccupation des Réformateurs pour qui la régénération de l’homme n’apporte aucune “contribution” à la justification, et surtout pas une contribution dont il pourrait se prévaloir devant Dieu… Elle se voit néanmoins tenue de souligner la régénération de l’homme par la grâce justifiante, par égard pour la puissance régénératrice de Dieu qui doit être confessée – mais cela d’une manière telle que cette régénération dans la foi, l’espérance et la charité n’est pas autre chose que la réponse à la grâce insondable de Dieu » (Anathèmes, 91).
– « Dans la mesure où la doctrine catholique souligne que la grâce est à comprendre de manière personnelle et relevant de la Parole…, que la régénération n’est rien d’autre que la réponse suscitée par la Parole de Dieu elle-même… et que ce renouvellement de la personne humaine n’est pas une contribution à la justification et certainement pas une donnée dont ce dernier pourrait se réclamer face à Dieu…, (la doctrine catholique) n’est plus touchée par notre contradiction » (VELKD 89, 12-21).
Section 4.4. : L’être pécheur du justifié, paragraphes 28-31 :
Cf. en particulier USA 102ss ; Anathèmes 76-81 ; VELKD 81ss.
– « Aussi justes et saints qu’ils soient [= les justifiés], ils tombent de temps en temps dans les péchés qui sont de tous les jours… Bien plus, l’action de l’Esprit n’exempte pas les croyants de lutter tout au long de leur vie contre les tendances au péché. La concupiscence et d’autres effets du péché personnel et originel, selon la doctrine catholique, demeurent dans les justifiés, qui doivent donc prier Dieu tous les jours pour demander pardon » (USA, 102).
– « Les Pères de Trente et la doctrine des Réformateurs s’accordent pour dire que le péché originel, mais aussi la concupiscence qui subsiste, consiste en une répulsion à l’égard de Dieu… La concupiscence qui demeure… est l’objet de cette lutte contre le péché qui dure la vie entière… Chez l’homme justifié, après le baptême, la concupiscence ne sépare plus l’homme de Dieu, c’est-à-dire que, dans le langage de Trente, elle n’est plus un péché au sens propre du mot, et que, dans le langage luthérien, elle est un peccatum regnatum (un péché maîtrisé) » (Anathèmes, 80).
– « L’enjeu est de voir comment on peut parler du péché du justifié sans limiter la réalité du salut. Le côté luthérien exprime cette tension grâce à l’expression “péché dominé” (peccatum regnatum) qui présuppose l’enseignement que le chrétien est “à la fois juste et pécheur” (simul justus et peccator). Le côté catholique, par contre, pensait seulement pouvoir préserver la réalité du salut en refusant le caractère pécheur de la concupiscence. Un rapprochement fondamental et significatif est obtenu lorsque le document “Les anathèmes du XVIe siècle” décrit la concupiscence qui demeure dans le justifié comme “aversion envers Dieu” et la qualifie ainsi de péché » (VELKD 82, 29-39).
Section 4.5. : Loi et Evangile, paragraphes 32-34 :
– Selon la doctrine paulinienne, il s’agit là du chemin de la loi juive comme chemin du salut. Celui-ci est accompli et dépassé en Christ. C’est ainsi qu’il faut comprendre cette affirmation et ses conséquences.
– VELKD (89, 28-36) dit à propos des Canons 19s du Concile de Trente : « Les dix commandements valent évidemment pour les chrétiens comme l’attestent de nombreux passages des écrits symboliques luthériens… Lorsque le canon 20 souligne que la personne humaine doit garder les commandements de Dieu, nous ne sommes pas concernés ; mais lorsque ce même canon affirme que la foi n’a de pouvoir salvateur qu’à condition que les commandements soient respectés, nous sommes concernés. Lorsque ce canon parle des commandements de l’Eglise, il n’y a entre nous aucune divergence si ces commandements expriment les commandements de Dieu. S’il n’en est pas ainsi, nous sommes concernés ».
Section 4.6. : La certitude du salut, paragraphes 35-37 :
Cf. en particulier Anathèmes 91-96 ; VELKD 90ss.
– « La question qui se pose est celle-ci : comment l’homme peut-il et ose-t-il vivre devant Dieu, malgré et avec sa faiblesse? » (Anathèmes, 92).
– «… Les points qui, pour Luther et les Réformateurs, constituent la base et le point de départ de leur conception ; la possibilité de faire confiance à la promesse de Dieu et à la puissance de la mort et de la résurrection du Christ, ainsi que leur caractère universellement satisfaisant ; la faiblesse de l’homme et la menace qu’elle implique et qu’elle fait courir à la foi et au salut » (Anathèmes, 95).
– Trente souligne qu’il est nécessaire de croire « que les péchés ne sont et n’ont jamais été remis que gratuitement par miséricorde divine à cause du Christ » (DH 1533) et que l’on ne saurait mettre « en doute la miséricorde de Dieu, les mérites du Christ, la vertu et l’efficacité des sacrements » (DH 1534) ; le doute et l’incertitude ne valent que lorsque nous nous considérons nous-mêmes.
– « Luther et ses partisans font un pas de plus. Ils invitent à ne pas supporter seulement cette incertitude, mais à détourner d’elle son regard et à saisir concrètement et personnellement dans sa pleine acception la valeur objective de l’absolution qui, dans le sacrement de la pénitence, vient de “l’extérieur”… Puisque Jésus a dit : “Ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux” (Mt 16, 19), le croyant… taxerait le Christ de mensonge,… s’il ne se fiait pas de façon inébranlable au pardon que Dieu lui attribue dans l’absolution… Que cette confiance puisse être elle-même incertaine du point de vue subjectif, et que la certitude (Gewissheit) du pardon n’est pas être sûr (Sicherheit : securitas) d’être pardonné, Luther le sait tout comme ses adversaires – mais il ne faut pas en faire en quelque sorte un autre problème : le croyant a le devoir de n’y pas prêter attention et de ne regarder qu’à la parole de pardon du Christ » (Anathèmes, 92-93).
– « Les catholiques peuvent aujourd’hui reconnaître le souci des réformateurs qui était de fonder la foi sur la réalité objective de la promesse du Christ : “Ce que tu délieras sur terre”… et d’orienter les croyants grâce à une parole explicite du pardon des péchés… Le souci initial de Luther était (de ne pas condamner), de faire abstraction de son expérience personnelle et de ne faire confiance qu’à Christ et à sa parole de pardon » (Commentaire 27).
– Une condamnation réciproque à propos de la certitude du salut n’est plus fondée «… et cela d’autant moins qu’on réfléchira en partant de l’assise que constitue une conception de la foi bibliquement renouvelée…Il peut arriver qu’un homme perde ou abandonne la foi, qu’il renonce à s’en remettre à Dieu et à sa promesse. Mais il ne peut pas, en ce sens, croire et, en même temps, considérer Dieu et sa promesse comme n’étant pas dignes de confiance. C’est en ce sens qu’on peut dire, aujourdhui encore, avec Luther : la foi est certitude du salut » (Anathèmes, 96).
– Pour la compréhension de la foi du deuxième Concile du Vatican, cf. Dei Verbum 5 : « A Dieu qui révèle, il faut apporter “l’obéissance de la foi”…, par laquelle l’homme s’en remet tout entier librement à Dieu en apportant “au Dieu révélateur la soumission complète de son intelligence et de sa volonté” et en donnant de toute sa volonté son assentiment à la révélation qu’il a faite ».
– « La distinction luthérienne entre certitude (certitudo) de la foi qui regarde exclusivement vers Christ et la sécurité (securitas) terrestre qui se fonde sur la personne humaine n’a pas été suffisamment reprise par l’étude “Les anathèmes...”. La foi ne se réfléchit jamais en elle-même, mais elle dépend totalement de Dieu dont la grâce lui est donnée de l’extérieur (extra nos) par la parole et le sacrement » (VELKD 92, 2-9).
Section 4.7. : Les bonnes œuvres du justifié, paragraphes 38-40 :
Cf. en particulier Anathèmes 112ss., VELKD 90ss.
– « Le Concile exclut tout mérite de la grâce – donc de la justification (can. 2 : DH 1552) –-, et fonde le mérite de la vie éternelle dans le don de la grâce elle-même qui est obtenue du fait d’être membre du Christ (can. 32 : DH 1582)... Le Concile entend se rattacher à Augustin qui introduit la notion de mérite pour affirmer, malgré le caractère de don gratuit qui est celui des œuvres bonnes, la responsabilité de l’homme » (Anathèmes, 112-113).
– Lorsque le langage de la « causalité » du canon 24 est compris de manière personnelle comme le fait le chapitre 16 du décret sur la justification, où l’idée de la communion avec Christ est fondamentale, alors on peut décrire l’enseignement catholique à propos des mérites comme le fait la première phrase du second paragraphe de 4.7. : contribution à une croissance dans la grâce, préservation de la justice reçue de Dieu, approfondissement de la communion avec Christ.
– « Beaucoup d’oppositions pourraient être surmontées si on comprenait l’expression ambiguë de “mérite” et si on y réfléchissait en se référant au sens véritable de la notion biblique de “récompense” » (Anathèmes, 114).
– « Les écrits symboliques luthériens soulignent que le justifié a la responsabilité de ne pas gâcher la grâce reçue mais de vivre en elle… Ainsi ces écrits peuvent parler d’une préservation de la grâce et d’une croissance en elle… Si la justice dont parle le canon 24 est comprise comme celle qui s’exprime dans et par l’humain, nous ne sommes pas concernés. Si la “justice” du canon 24 se réfère par contre au fait que le chrétien est accepté devant Dieu, nous sommes concernés ; car cette justice est toujours parfaite ; face à elle les œuvres du chrétien ne sont que “fruits” et “signes” » (VELKD 94, 2-14).
– « A propos du canon 26, nous renvoyons à l’apologie, où la vie éternelle est appelée récompense : “…nous reconnaissons que la vie éternelle est une récompense, puisqu’elle est chose due, non pas à cause de nos mérites, mais à cause de la promesse” » (VELKD 94, 20-24).
[1]Les articles de Smalkalde, II, 1 (n. 370 in : La foi des Eglises luthériennes. Confessions et catéchismes, Paris 1991).
[2]«Rector et iudex super omnia genera doctrinarum». WA 39 I, 205. Edition de Weimar des œuvres de Luther.
[3]Il faut signaler qu’un certain nombre d’Eglises luthériennes ne considèrent que la Confession d’Augsbourg et le petit catéchisme de Luthercomme étant leur référence doctrinale autorisée. A propos de la doctrine de la justification, ces écrits symboliques ne contiennent aucune condamnation doctrinale à l’encontre de l’Eglise catholique romaine.
[4]Rapport de la Commission internationale catholique-luthérienne : L’Evangile et l’Eglise (Rapport de Malte) 1972, dans Face à l’unité. Tous les textes officiels (1972-1985), Paris 1986, pp. 21-59.
[5]Commission internationale catholique-luthérienne, Eglise et Justification. La compréhension de l’Eglise à la lumière de la doctrine de la justification, in : La Documentation catholique 2101/1994, pp. 810-858, et in : Accords et Dialogues œcuméniques Ed. A. Birmelé et J. Terme. Paris 1996, VIII 93-201.
[6]Dialogue luthérien-catholique aux États-Unis : La justification par la foi (1983), in : La Documentation catholique 1888/1985, pp. 126-162.
[7]Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?Propositions soumises aux Eglises. (Ed.K. Lehmann et W. Pannenberg) Paris 1989.
[8]Prise de position commune de la Conférence d’Arnoldshain, de l’Église évangélique luthérienne unie et du Comité national de la Fédération Luthérienne à propos du texte « Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?» in : Oekumenische Rundschau 44/1995, pp. 99-102, ainsi que les documents préparant cette décision. Cf. à ce propos : Lehrverurteilungen im Gespräch. Die ersten offiziellen Stellungnahmen aus den evangelischen Kirchen in Deutschland, Göttingen 1993.
[9]Dans la présente déclaration, le terme « Eglise» est utilisé dans le sens de l’auto-compréhension de chaque partenaire, sans intention de résoudre les questions ecclésiologiques qui y sont liées.
[10]Cf. le Rapport de Malte n. 26-30 et le dialogue aux Etats-Unis : La justification par la foi. n. 122-147.Les affirmations néotestamentaires non-pauliniennes ont été analysées pour le dialogue des Etats-Unis par J. Reumann : Righteousness in the New Testament avec des réponses de J. Fitzmyer et J.D. Quinn (Philadelphie, New York 1982), pp.124-180. Les résultats de cette étude ont été résumés par le dialogue des Etats-Unis dans les paragraphes 139-142.
[11]Cf. Tous sous un seul Christ n.14 (1980), in : Face à l’unité. Tous les textes officiels (1972-1985), Paris 1986, pp. 185-194.
[12]Cf. WA 8, 106.
[13]Cf. DH 1528.
[14]Cf. DH 1530.
[15]Cf. Apologie de la Confession d’Augsbourg II, 38-45.In : La foi des Eglises luthériennes. op. cit. n. 89s.
[16]Cf. DH 1515.
[17]Cf. DH 1515.
[18]Cf. DH 1545.
[19]Cf. Vatican II, DV 5.
[20]Ibid 4.
[21]Cf. Les anathèmes du XVIe siècle sont-ils encore actuels?, p. 50.
[Service d’information 98 (1998/III) 85-95]