RAPPORT DE LA CONSULTATION INTERNATIONALE
ENTRE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET L'ALLIANCE ÉVANGÉLIQUE MONDIALE
(2009-2016)

 

« ÉCRITURE ET TRADITION » ET « L’ÉGLISE DANS LE SALUT »
CATHOLIQUES ET ÉVANGÉLIQUES ANALYSENT DÉFIS ET OPPORTUNITÉS

 

STATUT DE CE RAPPORT

Le présent rapport est le fruit d’une consultation internationale entre l’Église catholique et l’Alliance évangé­lique mondiale.
C’est un document d’étude produit par les participants à la consultation. Les autorités qui ont nommé les participants
ont autorisé la publication de ce Rapport pour qu’il puisse faire l’objet d’un plus ample débat.
Ce n’est pas une déclaration faisant autorité, ni pour l’Église catholique, ni pour l’Alliance évangélique mondiale qui,
l’une et l’autre, vont également évaluer ce document.

 

 

INTRODUCTION

POSER LE CADRE DE NOTRE CONSULTATION

 

Les fondements bibliques de cette consultation

1.     L’amour de Dieu a été répandu dans le cœur des croyants par l’Esprit Saint (Rm 5,5). Cet amour ap­pelle les chrétiens à suivre le Christ en embrassant le chemin de la croix avec abnégation et humilité (Ph 2,1-11). Dans cet esprit d’amour, ils sont tous appelés à re­chercher ce qui contribue à la paix et à l’édification du corps du Christ, chacun se sentant concerné par la communauté tout entière, les plus forts veillant sur les plus faibles (Rm 14,19-15,2). Unis au Christ par la foi, tous sont associés personnellement au Christ et de­viennent membres de son corps. Mais qu’est-ce que l’Église, et comment fait-on partie de l’Église, qui est son corps ? Nous avons la consolation de savoir que le Seigneur connaît les siens et que les siens le connaissent (Jn 10,14). Pour les évangéliques, cela advient par l’action de l’Esprit Saint : dès l’instant où l’on entre dans une relation personnelle avec le Christ en confes­sant que Jésus est le Seigneur et le Sauveur (Mt 16,16) et où l’on reçoit le Baptême, on fait partie de l’Église, la communauté qu’il a établie (Mt 16,18)[1].

Animé par sa foi, le chrétien suit le chemin du dis­ciple, un chemin de toute une vie. Pour les catholiques, on est reçu dans l’Église au moment Baptême, que ce soit comme enfant ou comme adulte, étant entendu que l’initiation des nouveaux baptisés sera approfondie à travers une relation personnelle avec Jésus Christ, scellée par la confirmation et par la participation à l’Eucharistie, à mesure qu’ils s’efforcent de vivre leur vie de disciple.

2.     L’unité du corps du Christ est fondée sur « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous » (Ep 4,5). L’Église célèbre l’unité avec le Christ et entre ses membres durant le Repas du Seigneur/Eucharistie, au cours duquel sont proclamées et célébrées la mort et la résurrection du Christ jusqu’à ce qu’il revienne dans la gloire. Lors de sa seconde ve­nue, elle se révélera dans la communauté céleste qui appartient à l’unité du corps du Christ dans tous les siècles, tous les pays et toutes les langues. Alors, toute la création sera incorporée à la doxologie éternelle de louanges à Dieu (Ap 5,11-14) ; Ph 2,10-11 ; Rm 8,19-23 ; 1 Co 15,28). Alors que nous attendons la consom­mation finale de toute chose, nous sommes appelés à être dans l’Église le corps du Christ, ici et maintenant.

3.     La prière du Christ pour l’unité en Jean 17 a pour prémisse que ses disciples présents et futurs se­ront introduits dans l’unité qu’il partage avec le Père et l’Esprit Saint. Cette unité témoigne au monde que « c’est toi qui m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,23). Il y a l’unité que l’Église re­çoit, et que Dieu a donnée[2]. Mais l’unité représente aussi pour nous une tâche qui ne peut pas être accom­plie uniquement par l’Esprit à l’œuvre en nous et à tra­vers nous. L’Apôtre Paul nous exhorte : « Qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous ; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée » (1 Co 1,10).

4.     Nous sommes conscients que dans l’histoire de l’Église, qui continue encore de nos jours, il y a eu des divisions qui ont blessé son unité visible, en affaiblis­sant la crédibilité de l’Évangile que nous devons an­noncer au monde. L’unité est quelque chose que notre Seigneur désire profondément, et que son Esprit favo­rise. C’est pourquoi l’Église ne peut pas avoir l’esprit tranquille, sachant que le corps du Christ est divisé (cf. 1 Co 12,25) ; elle est appelée à rechercher la plus grande unité possible, comme le Christ lui-même l’a demandé (Jn 17,20-23 ; Ph 2,5). En le faisant, nous af­firmons ensemble que l’Église ne doit négliger aucun effort pour annoncer l’Évangile dans sa vérité et sa pu­reté, bien que nous n’ayons pas toujours compris ce que cela signifie réellement. Nous devons reconnaître que dans l’histoire de l’Église, la défense de la vérité de l’Évangile n’a pas toujours abouti à l’unité, ni aplani toutes nos différences. Mais nous saluons l’effort re­nouvelé pour venir à bout de ces divisions dans notre présente consultation.

 

Défis rencontrés chez les évangéliques et chez les catholiques

5.     D’après les rapports commissionnés par notre consultation qui nous sont parvenus de vingt-deux pays des cinq continents, les relations entre catholiques et évangéliques varient beaucoup en fonction des régions, de l’histoire locale, de la reconnaissance publique et du rôle dans la société, et aussi en fonction d’autres fac­teurs émergents. Si dans certains pays l’ignorance mu­tuelle, la méfiance, la peur, les préjugés, ainsi que les dynamiques de majorité/minorité ont fait obstacle à une amélioration des rapports entre catholiques et évangéliques, dans d’autres régions où ils doivent faire face aux défis de la société contemporaine, où ils sont une minorité menacée par les persécutions religieuses, où ils luttent ensemble contre la pauvreté et les cala­mités naturelles, ils ont été en mesure d’établir une col­laboration à différents niveaux

6.     Il existe un grand éventail dans la qualité des rapports au niveau local. Quelquefois ces rapports sont caractérisés par une rivalité ouverte et une opposition dans le champ missionnaire, gâchés par les accusations et contre-accusations de prosélytisme, persécution, in­justice, idolâtrie et/ou refus de reconnaître de l’identité chrétienne de l’autre. Ailleurs et à d’autres périodes, ces rapports sont caractérisés par une collaboration ouverte dans la sphère publique, en particulier sur les questions liées à la famille et sur les questions morales à tous les niveaux, et par des initiatives communes de prière, d’évangélisation ou d’action caritative inspirée par la Bible.

7.     Les membres de la consultation ont noté avec joie que, dans la plupart des régions du monde, catho­liques et évangéliques sont conscients de la nécessité d’améliorer leurs relations, convaincus que « la mission fait partie de la nature même de l’Église. Annoncer la Parole de Dieu et en témoigner dans le monde sont es­sentiels pour chaque chrétien. Il est par ailleurs néces­saire de le faire en accord avec les principes de l’Évangile, avec un respect et un amour entiers pour tous les êtres humains  »[3]. En accord avec les principes de l’Évangile, d’importants pas en avant peuvent être accomplis ensemble grâce à la connaissance et la re­connaissance mutuelles, la guérison des mémoires, le dialogue théologique, et en encourageant la collabora­tion locale entre catholiques et évangéliques partout où cela paraît possible et opportun.

 

Défis contemporains pour le témoignage chrétien

8.     Ni les catholiques ni les évangéliques ne peuvent ignorer les défis posés par un monde de plus en plus globalisé, où le paradigme semble dériver vers une vision toujours plus laïque de la société et de la culture. D’où la question : comment, dans de telles conditions, pouvons-nous annoncer l’Évangile de fa­çon appropriée sans céder aux pressions pour que nous nous conformions au monde ? Ces défis se présentent à nous sous différentes formes :

  • il existe un sécularisme rampant, qui est contraire à la foi chrétienne, et qui nous fait vivre en exilés sur une terre qui nous est de plus en plus étrangère (1 P 1,1). En maints endroits, la religion a été en grande partie reléguée à la sphère privée des individus, et la présence publique de la religion n’est que peu ou pas du tout autorisée. Nombreux sont ceux qui ont oublié qu’ils ont oublié Dieu. On assiste de plus en plus à une éro­sion des Églises qui limite leur impact sur la société et sur la culture. Ce phénomène n’est pas propre unique­ment à l’Occident, mais représente un défi au niveau mondial. Les effets à long terme de cette érosion n’ont pas encore été pleinement compris.
  • notre époque est en proie à une désorientation morale qui, bien souvent, empêche que Dieu et sa ré­vélation puissent servir de point de référence dans les questions de nature éthique. En matière de morale sexuelle, on tend à affirmer que chacun est libre de faire comme bon lui semble ; il n’existe plus de consen­sus de base sur la définition du mariage ; l’orientation sexuelle est devenue la manière communément admise de nous définir comme êtres humains, et la redéfinition du mariage pour y inclure les unions entre personnes du même sexe gagne sans cesse du terrain. La dignité et la sainteté de la vie humaine à tous ses stades sont atta­quées. L’euthanasie, le suicide assisté, l’avortement et certaines technologies génétiques et reproductives me­nacent et sapent la conception fondamentale de ce que signifie être un homme. Et tout cela se répercute sur le pilier fondamental de la société qu’est la famille.
  • le pluralisme religieux et idéologique est devenu la norme pour nombre de sociétés et de cultures du monde entier. Sans être nécessairement problématique, ce phénomène constitue un défi pour l’Église, car la vé­rité de l’Évangile ne saurait être considérée comme une simple option parmi d’autres. Même les affirmations exclusives du Christ (Jn 14,6) sont vues par certains comme une atteinte directe à l’esprit de tolérance do­minant et omniprésent. Le pluralisme religieux a eu l’effet inattendu de favoriser un regain de la violence due à un environnement religieux de plus en plus pola­risé. Le manque de conviction apparent des uns fait pendant à la radicalisation religieuse des autres. Dans ce contexte polarisé, ceux qui se situent aux extrêmes s’appuient sur leurs convictions religieuses pour justi­fier la violence contre ceux avec qui ils sont en désac­cord. Dans une telle situation, nous notons avec cons­ternation et tristesse que les chrétiens sont persécutés en ce moment dans beaucoup de pays du monde. Nous avons le devoir de prier pour l’Église persécutée et de défendre la liberté de religion partout où elle est ba­fouée.
  •  

Notre réponse à ces défis et nos croyances com­munes

9.     Jusqu’à quel point évangéliques et catholiques peuvent-ils continuer à affronter séparément de tels dé­fis ? Qu’est-ce qui les empêche d’instaurer une collabo­ration plus étroite pour faire face aux défis du monde actuel ? Pour les participants à cette consultation, nommés par l’Alliance évangélique mondiale et par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, face à l’urgence de la situation actuelle, il est impératif qu’évangéliques et catholiques parlent et agissent ensemble partout où ils sont confrontés à ces défis. Ensemble, nous sommes appelés par le Christ à faire en sorte que le monde prenne conscience de sa présence, ce monde fracturé et fragmenté, ce monde qu’il a aimé et aime encore au point de s’être livré pour lui (Jn 3,16 ; 17,20-23). L’un des buts de cette consulta­tion a été d’explorer les domaines d’intérêt commun. En cherchant à discerner ce que nous pouvons faire ensemble, nous avons progressé dans la connaissance mutuelle de notre foi personnelle et de notre engage­ment en faveur de l’Évangile du Christ et de sa mission, qui est de sauver ce monde à l’agonie. Nous nous sommes également efforcés d’approfondir les questions qui continuent à nous diviser. Et cela, parce que notre témoignage divisé affaiblit notre réponse à ces défis aux yeux du monde. Tout en reconnaissant nos divisions persistantes, nous constatons le travail accompli par les uns et les autres, et nous envisageons même la possibi­lité de travailler ensemble dans le plus grand nombre de domaines possibles.

10.   Nous, catholiques et évangéliques, pouvons af­firmer ensemble que les chrétiens croient : que Dieu est un et trine, Père, Fils et Saint-Esprit, un seul Dieu en trois personnes (Gn 1,1-3 ; Mt 28,19 ; Jn 1,1 ; 10-30, etc.) ; qu’il a créé toute chose, visible et invisible, par sa Parole (Gn 1 ; Jn 1,3 ; Col 1,16-17) ; que les hommes ont apporté le péché dans le monde, et qu’en consé­quence ils sont tous nés pécheurs et ont tous besoin d’être pardonnés et de se réconcilier avec Dieu (Rm 3,20-23) ; que le Verbe, deuxième personne de la Trinité, s’est fait chair (Jn 1,14), qu’il est notre Seigneur et Sauveur, vrai Dieu et vrai homme en une personne (Col 1,19) ; qu’il est venu sur terre à la fois comme Dieu et comme homme pour nous délivrer de nos pé­chés (Ph 2,5-11 ; Col 2,9), qu’il est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié pour nos péchés, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers (1P 3,18-19), est ressuscité le troisième jour, est monté au ciel, est assis à la droite du Père où il jugera les vivants et les morts au jour du jugement dernier. Nous croyons au Saint-Esprit qui nous conduit à la re­pentance, nous appelle à la foi, nous justifie par la grâce sur la base de notre foi, et nous éclaire par la Parole de Dieu telle qu’il l’a inspirée aux apôtres et aux pro­phètes ; c’est pourquoi nous croyons que tous les chré­tiens, quelle que soit leur communauté d’appartenance, peuvent vivre une relation à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, rendue possible par ce même Esprit ; tous les chrétiens ont la responsabilité et le privilège de procla­mer la Bonne Nouvelle du salut à tous les hommes afin qu’ils se repentent, croient et s’engagent dans la suite de Jésus Christ (2 Co 5,18) ; nous croyons également que l’Esprit Saint appelle tous les croyants et les rassemble dans son Église une, sainte, catholique[4] et apostolique, pour qu’ils s’y fortifient mutuellement et deviennent ensemble le corps du Christ en recevant les dons du Baptême et du Repas du Seigneur (1 Co 11,23-34 ; 1 Co 12,12 ; Mt 28,19 ; Mt 16,16 ; Mt 26,26-29). Nous attendons la résurrection des corps et le jour où nous verrons Dieu face à face, et où nous vivrons auprès de lui à jamais (1 Co 15,1 ; 1 Co 13,12).

11.   Tout en nous réjouissant de pouvoir proclamer ensemble ces articles de foi, nous devons reconnaître que nous sommes appelés à grandir dans la compré­hension des points sur lesquels l’entente entre nous n’est pas complète et à les affronter sans détour. Nous traiterons ici deux points sur lesquels les divergences  sont anciennes et de grande portée, à savoir l’autorité de l’Écriture et de la Tradition, et le rôle de l’Église dans le salut. Il existe d’autres importants sujets de dé­saccord que nous espérons pouvoir résoudre dans nos discussions futures. Mais compte tenu des limites de temps et de ressources, nous n’aborderons ici que ces deux grandes questions qui nous divisent depuis des siècles.

12.   En vue de cette discussion, il est important de noter que le mouvement évangélique lui-même se pré­sente comme un réseau œcuménique hautement diffé­rencié. L’Alliance évangélique mondiale regroupe les chrétiens évangéliques des traditions anglicane, luthé­rienne, réformée, anabaptiste et pentecôtiste. Une telle diversité a des conséquences importantes, en particulier sur l’ecclésiologie, autrement dit sur les questions rela­tives au ministère, à l’autorité et aux structures ecclé­siales, aux sacrements, et à la nature de l’Église. Il existe aussi de grandes différences dans les relations que ces Églises entretiennent avec l’Église catholique. Toutes ces différences ont été mises en évidence lorsque nous avons abordé les questions doctrinales dans notre dia­logue. Ce défi est rendu encore plus complexe du fait que le mouvement évangélique a décidé de ne pas aborder les différences ecclésiologiques existant entre les membres de l’Alliance évangélique mondiale, et de se concentrer plutôt sur la coopération dans la prière commune, l’évangélisation et le témoignage[5].

 

Méthode utilisée dans cette consultation

13.   La présente tournée de consultations s’est ba­sée sur le Dialogue sur la mission entre évangéliques et catholiques romains (1977-1984), sur la Consultation de Venise entre l’Alliance évangélique mondiale et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, et sur le document « Église, évangélisation et les liens de la koinonia » (2002). La présente consultation a réuni 13 participants issus de 10 pays des 5 conti­nents, en garantissant ainsi que des perspectives di­verses puissent s’exprimer dans nos discussions.

14    Les participants à cette consultation avaient pour mandat de représenter leurs communautés dans une conversation visant à approfondir leur compréhen­sion mutuelle, à identifier l’état de leurs relations et le moyen de les poursuivre de façon responsable et ap­propriée. Au cours des six dernières années, nous nous sommes rencontrés à Sao Paolo, Brésil ; Rome, Italie ; Chicago, États-Unis ; Guatemala City, Guatemala ; Bad Blankenburg, Allemagne ; et Saskatoon, Canada. En tous ces endroits, nous avons eu des rencontres avec les évangéliques et les catholiques du lieu en nous met­tant à l’écoute de leurs sujets de préoccupation et de leurs récits de collaboration au niveau local. Au cours de nos rencontres, nous avons présenté des exposés, expliqué notre position, discuté, posé des questions, prié ensemble (et séparément) en demandant à Dieu la grâce de la réconciliation, approfondi notre compré­hension mutuelle et posé de nouvelles questions. Notre propos n’était pas de négocier pour trouver un com­promis, mais de mener une conversation respectueuse et franche, conscients que seule une parfaite honnêteté, manifestée de façon amicale, pourrait  être profitable à nos communautés. Durant ces réunions, nous avons cherché à être fidèles à Jésus Christ, même lorsque nous buttions sur des divergences. La méthode que nous avons employée consistait en premier lieu à défi­nir nos divergences en nous basant sur les consulta­tions précédentes et sur nos pratiques et  enseigne­ments respectifs ; en deuxième lieu, de nommer les as­pects des autres traditions qui constituent un encoura­gement pour nous, où nous avons la joie de voir Dieu à l’œuvre, et où nous pouvons apprendre les uns des autres ; et en troisième lieu, avec l’aide de nos parte­naires dans le dialogue, de nous poser mutuellement des questions de façon respectueuse et intelligente (d’où le terme « fraternel »), afin de mieux cerner les problèmes que nous n’étions pas capables de résoudre dans cette tournée de consultations et qui devront être traités ultérieurement par nos communautés respec­tives. Dans la confiance mutuelle et le respect, nous avons entrepris cette tâche en profitant de la bonne entente qui s’est développée entre nous et qui nous a permis de poser les questions autrement que nous ne l’aurions fait avant cette tournée de consultations. Soutenus par la prière et avec le désir d’être fidèles à notre appel et à nos convictions, nous avons posé des questions visant à stimuler le débat entre catholiques et évangéliques, en souhaitant que cette conversation puisse se poursuivre dans nos communautés respec­tives. Notre espoir fervent est que l’Esprit Saint nous donnera d’approfondir notre connaissance de nous-mêmes à mesure que nous apprendrons les uns des autres à mieux connaître ce Dieu qui nous aime et qui s’est livré pour nous.

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

LA PAROLE DE DIEU EST VIVANTE ET AGISSANTE :
ÉVANGÉLIQUES ET CATHOLIQUES RÉFLÉCHISSENT ENSEMBLE
SUR L’ÉCRITURE ET LA TRADITION APOSTOLIQUE

 

Introduction

15.   Nous, catholiques et évangéliques, nous sommes longtemps considérés comme ayant des points de vue opposés sur l’autorité de l’Écriture et sur son rapport à la Tradition. Depuis l’époque de la Réforme et de la Contre-Réforme, nos positions respectives semblent pouvoir se résumer en deux propositions ra­dicalement différentes : l’Écriture seule et l’Écriture et la Tradition. Les Églises de la Réforme, qui représentent une partie importante de la mouvance évangélique, demeurent convaincues que la Bible sera toujours l’autorité suprême en matière de foi, de doctrine et de pratiques, que l’Église peut se tromper comme elle l’a déjà fait, et que l’autorité ne peut être recherchée que dans la Parole de Dieu. Les catholiques mettent l’accent sur le besoin d’une fonction d’enseignement dans l’Église et sur son autorité dans l’interprétation de la Bible[6].

16.   En nous rencontrant aujourd’hui, cinq cents ans après le début de la Réforme, nous, catholiques et les évangéliques qui avons participé à cette consulta­tion, avons pris conscience de tout le chemin parcouru depuis les conflits et les lignes de défense du XVIe siècle. Non pas que nous soyons maintenant en plein accord ou proches d’un plein accord, mais nous avons pu constater avec joie la centralité croissante des Écritures dans la vie des catholiques comme des évan­géliques. Nous nous réjouissons aussi des convergences qui nous sont apparues dans notre interprétation de la signification de la Tradition apostolique et de la trans­mission de la foi à travers les générations[7].

17.   Sous les titres « Les Écritures », « La Tradition apostolique » et « Écriture et Tradition », nous allons commencer par identifier le terrain qui nous est com­mun et les convergences entre nous ; nous tenterons ensuite, à la lumière d’une meilleure compréhension de nos partenaires, d’indiquer les domaines où nous per­cevons des nouveautés intéressantes dans leur vie ec­clésiale ; enfin, nous leur poserons, de façon amicale mais directe, des questions sensibles qui les mettront au défi de définir les fondements théologiques de leurs convictions, en cherchant à découvrir un terrain com­mun entre nous.

 

1.    LES ÉCRITURES

 

A.  Notre terrain commun

18.   À travers la discussion et l’étude de nos docu­ments respectifs, nous, évangéliques et catholiques, avons découvert de nombreux points communs à pro­pos de la révélation de Dieu et de la place des Écritures dans l’Église. Ensemble, nous croyons fermement que Dieu a parlé aux hommes en leur révélant sa nature di­vine – Père, Fils et Esprit Saint – et la volonté de Dieu pour le genre humain. Et ensemble, nous croyons que la plénitude de la révélation se trouve en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, Verbe éternel fait chair. En Jésus nous est révélée la vérité la plus intime sur Dieu. Par ses paroles et par ses actes, par ses miracles et par ses enseignements, et surtout par sa mort pour nos pé­chés et sa résurrection, il nous a délivrés du péché et nous a apporté la rédemption ; il nous a montré le vi­sage de Dieu et nous a appris ce que veut dire être un homme.

19.   Après la résurrection de Jésus et son ascension chez le Père, l’Esprit Saint est descendu sur la commu­nauté de ses disciples, et ceux-ci sont allés proclamer ce qu’ils avaient reçu de Jésus. Leur proclamation a été fi­dèlement transcrite dans des livres, devenus ensuite le Nouveau Testament. Jésus avait compris que l’Ancien Testament était la parole écrite de Dieu, révélée à Israël, le peuple élu (Jn 5,39). Par son autorité, l’Église chrétienne a accepté l’Ancien Testament depuis le commencement (et plus tard à côté du Nouveau Testament) comme l’unique parole écrite de Dieu[8]. La Bible est la Parole écrite de Dieu d’une manière tout à fait particulière (2 Tm 3,16).

20.   Catholiques et évangéliques ont la joie de pou­voir proclamer ensemble que les Écritures sont la plus haute autorité en matière de foi et de pratiques (2 P 1,20-21)[9]. Le but des Écritures, en accord avec le but de la révélation de Dieu, est de conduire les hommes à la foi au Christ, qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Les chrétiens approchent les Écritures cons­cients de leur cohérence interne en tant que Parole de Dieu, et les lisent la lumière de la plénitude de la révé­lation de Dieu dans le Christ. Nous croyons que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ont été écrits dans leur entièreté sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Dieu se sert d’auteurs humains, dotés d’un lan­gage humain, pour nous communiquer sa parole dans les textes sacrés de l’Écriture. C’est pourquoi l’enseignement de l’Écriture est solide, fidèle, sans er­reur et efficace, et nous guide vers la vérité tout entière. Nous affirmons ensemble que nous pouvons connaître le Christ à travers les Écritures avec l’assistance de l’Esprit Saint, et nous proclamons l’authenticité et l’historicité de ce que l’Évangile rapporte sur la vie, les enseignements, les actes et la mort de Jésus. Nous n’attendons pas d’autre révélation publique jusqu’au retour de Notre Seigneur Jésus Christ dans la gloire (He 1,1-2).

21.   La Bible occupe une place centrale dans tous les ministères chrétiens, ainsi que dans le culte et dans la vie de l’Église. Le recours aux Écritures dans le culte et dans l’enseignement a eu un rôle essentiel dans la formation du canon. Dans les premiers siècles, l’Église, sous la conduite de l’Esprit Saint, a reconnu et admis vingt-sept livres, parmi de nombreux écrits, comme ca­non du Nouveau Testament. Bien qu’il existe quelques divergences entre évangéliques et catholiques sur le contenu du canon de l’Ancien Testament, ils peuvent affirmer ensemble que les Écritures de l’Ancien Testament attestent la promesse de la venue du Messie, Jésus Christ (Lc 24,27 ; Jn 5,39). Ces Écritures font autorité dans l’Église.

22.   Évangéliques et catholiques s’accordent à dire que la prière devrait être accompagnée de la lecture et de l’étude des Écritures, et que l’Esprit Saint peut et veut nous guider vers la vérité (Jn 16,13). Ensemble, ils déclarent également que la Parole écrite de Dieu est fondatrice pour la théologie et la catéchèse. Comme le disait le Père de l’Église Jérôme, « l’ignorance des Écritures est l’ignorance de Dieu »[10]. Et ensemble, ils croient que les chrétiens sont appelés à façonner leur vie, dans toutes ses dimensions, d’après les Écritures. Nous croyons fermement que plus nous sommes proches du Christ, plus nous sommes proches les uns des autres ; et plus nous assimilons les Écritures et vi­vons en fonction d’elles, plus nous devenons proches de Dieu et des hommes, comme individus et comme communautés.

 

B.  Paroles d’encouragement mutuel

23.   Nous, catholiques, sommes encouragés par :

  • la fidélité des évangéliques dans l’action mission­naire et leur zèle à proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ ;
  • l’engagement des évangéliques en faveur d’une morale fondée sur les Écritures et d’une vie vécue en accord avec les Écritures ;
  • la place de l’Écriture dans la vie dévotionnelle et théologique des évangéliques ;
  • leur affirmation que l’Écriture a besoin d’être lue en communauté ;
  • l’intérêt de certains évangéliques pour les com­mentaires patristiques des Écritures (tels qu’on les trouve dans The Ancient Christian Commentary on Scripture ou dans The Church’s Bible) ;
  • enfin, le rôle attribué à la Bible pour donner forme aux communautés évangéliques.

24.   Nous, évangéliques sommes encouragés par :

  • le renouveau du témoignage rendu à la Parole de Dieu dans l’Église catholique aujourd’hui. Nous sa­luons l’accent mis plus fortement sur l’Écriture comme fondement de la foi et des pratiques, tel qu’on le trouve notamment dans certaines parties de la Constitution dogmatique de Vatican II sur la Révélation divine Dei Verbum (1965) et dans l’Exhortation apostolique de Benoît XVI Verbum Domini (2010) ;
  • le fait que les catholiques considèrent la Parole écrite de Dieu comme faisant autorité, et comme point de référence et fondement dans toutes les questions de foi et de vie ;
  • enfin, les efforts accomplis par l’Église catholique en matière de traduction et de distribution des Écritures, tant parmi le clergé que chez les laïcs, ainsi que l’encouragement pastoral à lire et à étudier les Écritures, et pas seulement à les garder chez soi.
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C. Questions sensibles posées dans un esprit fra­ternel

25.   Nous, catholiques, croyons avec les évangé­liques que les Écritures sont le récit normatif de la ré­vélation de Dieu en Jésus Christ. Avec eux, nous croyons que Jésus Christ est le Verbe définitif pro­noncé par Dieu. Nous saluons également la reconnais­sance, de la part des évangéliques, de la tradition orale antérieure au Nouveau Testament (kerygma, viva vox evangelii, la Parole de Dieu annoncée). Cependant nous voudrions demander : 

  • si l’assimilation entre Parole de Dieu et Saintes Écritures de la part de certains évangéliques prend suf­fisamment en considération l’incarnation du Verbe en tant que personne, et pas seulement en tant que texte ?
  • Le principe du Sola Scriptura et l’identification du Verbe avec l’Écriture, sans faire référence apparem­ment à la Tradition, ne limitent-ils pas indûment notre réception de la révélation de Dieu ?
  • la prise de position des évangéliques sur l’« Écriture seule » prend-t-elle suffisamment en compte la valeur de l’action permanente de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église afin de préserver sa doc­trine et son enseignement, spécialement dans la for­mulation et le développement de la Tradition ?
  • nous avons pu observer des interprétations di­verses de l’Écriture parmi les chrétiens, même bien in­tentionnés. Si le sens des Saintes Écritures était parfai­tement évident, comme le soutiennent les évangéliques, ne serait-il pas plus facile de maintenir l’unité entre les chrétiens ?

26.   Malgré tout, nous nous réjouissons de voir que les évangéliques prennent au sérieux les Écritures et les défis qu’elles présentent, en formant notre compréhen­sion de qui est Dieu et comment il continue à œuvrer dans le monde, et qu’ils évitent de relativiser leur mes­sage lorsqu’ils s’adressent au monde d’aujourd’hui.

27.   Nous, évangéliques, tout en saluant le rôle croissant de l’Écriture dans la vie de l’Église catholique, voudrions cependant demander aux catholiques :

  • nous reconnaissons avec vous que les Saintes Écritures sont la Parole inspirée de Dieu et qu’elles sont donc la révélation véridique et immuable de Dieu. Cependant nous continuons à buter sur l’affirmation de Vatican II en Dei Verbum 9 selon laquelle « La sainte Tradition et la Sainte Écriture... doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de res­pect », qui reprend une déclaration fondamentale de la quatrième session du Concile de Trente (1546). Com­ment ces positions peuvent-elles être compa­tibles ?
  • en ce qui concerne l’inerrance des Écritures affir­mée en Dei Verbum 11, à laquelle nous adhérons volon­tiers, nous souhaiterions une clarification sur les impli­cations de cette prise de position, et sur la signification de l’inerrance face aux défis posés par la méthode his­torico-critique moderne qu’un certain nombre d’interprètes semblent approuver au sein de l’Église catholique contemporaine.
  • comment concilier votre affirmation que la Bible est l’autorité suprême en matière de foi et de doctrine avec certaines déclarations dogmatiques faites depuis le XIXe siècle, comme le dogme de l’Immaculée Conception (1854), ou celui de l’Assomption de Marie dans son corps (1950) ?
  • enfin, nous voudrions interroger les catholiques sur l’autorité qu’ils accordent aux livres apocryphes ou deutérocanoniques de l’Ancien Testament dans la for­mation de la doctrine, sachant que dans l’Église primi­tive, nombreux étaient ceux qui distinguaient entre livres canoniques et livres apocryphes, en considérant que ces derniers ne faisaient pas autorité en matière de doctrine et de pratiques.

28.   Cependant, aucune de ces questions ne doit nous faire oublier que nous nous réjouissons sincère­ment de l’engagement accru des catholiques dans leur défense de la vérité scripturale, et de la convergence qui existe entre nous sur l’autorité de l’Écriture dans les questions de foi et de vie. Le fait que l’Écriture suscite un intérêt croissant dans la piété et dans la vie de l’Église catholique est extrêmement encourageant pour nous, évangéliques.

 

 

2.  LA TRADITION APOSTOLIQUE

 

A.  Notre terrain commun

29.   En jetant un regard en arrière sur l’histoire de la diffusion de l’Évangile, catholiques et évangéliques reconnaissent et se réjouissent de l’action de l’Esprit Saint dans la mission de l’Église d’évangéliser les peuples et de transformer les cultures. Nous avons vu que l’Esprit Saint a une histoire : il n’a jamais cessé d’agir dans l’histoire, en donnant naissance à des croyants fervents et en nous appelant à demeurer fi­dèles à la vérité révélée. « Nul ne peut dire ‘Jésus est Seigneur’ si ce n’est par l’Esprit Saint » (1 Co 12,3). Aussi devons-nous nous mettre à l’écoute de ce que nos prédécesseurs dans la foi ont reçu de Dieu, de la façon dont ils ont interprété les Écritures et vécu leur vie de chrétiens (He 11).

30.   Paul a dit : « Ce que tu as appris de moi en pré­sence de nombreux témoins, confie-le à des hommes fidèles qui seront eux-mêmes capables de l’enseigner encore à d’autres » (2 Tm 2,2). La transmission de la foi est un processus dynamique qui se poursuit dans la vie de l’Église en tous temps et en tous lieux, avec une ré­férence constante aux Écritures comme étant la plus haute autorité en matière de foi (cf. Ut unum sint 79). Catholiques et évangéliques croient que la Parole de Dieu révélée à laquelle l’Église apostolique a rendu té­moignage une fois pour toutes dans les Écritures con­tinue d’être reçue et communiquée à travers la vie de toute la communauté chrétienne. En tant qu’Église, et sous la conduite de l’Esprit Saint, de génération en gé­nération, nous transmettons le témoignage apostolique que nous avons reçu de ceux qui nous ont précédés et qui nous ont transmis la foi.

31.   Ce qui précède a été réaffirmé par les partici­pants à cette consultation comme étant accepté et ap­précié tant par les catholiques que par les évangéliques. Car même si nous définissons différemment le terme « Tradition », nous le faisons toujours en nous référant au processus dynamique de transmission de la foi au cours des siècles. À ce propos, il est important de jeter un regard en arrière sur l’époque de la Réforme. Les réformateurs s’en sont pris à certaines traditions et pra­tiques apparues dans l’Église qui, à leurs yeux, non seulement n’avaient pas de fondements scripturaires, mais étaient en contradiction avec l’Écriture. Cepen­dant ils n’entendaient pas rejeter la Tradition dans son ensemble. Luther, et dans une certaine mesure aussi Calvin, jetaient sur la Tradition un regard critique, mais dans l’ensemble favorable[11]. Ils attribuaient une grande valeur aux Credo et  aux confessions de l’Église, et dans leur interprétation de l’Écriture ils s’inspiraient souvent des écrits de l’Église primitive comme faisant autorité. Tout ceci faisait partie à leurs yeux de la Tradition.

32.   Dans notre monde contemporain, la critique de l’individualisme post-moderne est partagée par les évangéliques et les catholiques qui reconnaissent l’importance du rôle de la communauté, consistant à affermir et à soutenir les membres individuels du corps du Christ. Les uns comme les autres sont conscients que la communauté élargie dans l’espace et le temps dont l’individu fait partie – passé, présent et futur – est une composante essentielle pour aider chaque membre du corps du Christ à demeurer dans la foi transmise de génération en génération, sous la conduite et la direc­tion de l’Esprit Saint.

33.   Tant les évangéliques que les catholiques peuvent avoir une appréciation critique de la contribu­tion des Pères de l’Église à la foi chrétienne, alors qu’ils continuent à réfléchir sur le rôle de la Tradition dans la formulation postérieure de la foi de la communauté apostolique. Il conviendrait d’approfondir en particulier le rôle la liturgie au cours des siècles et son influence sur l’explication et sur l’assimilation de l’Écriture, ainsi que sur certains aspects si durables de la vie sacramen­telle de l’Église ; ce sont des domaines où nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.

34.   Tout en nous réjouissant d’avoir découvert ce terrain commun dans notre dialogue, nous devons ad­mettre qu’il existe encore entre évangéliques et catho­liques des différences significatives sur la compréhen­sion de la Tradition qui nécessiteront une discussion plus approfondie.

35.   L’Église catholique établit une nette distinction quand elle traite la question de la Tradition. Dans son sens premier, la Tradition est la transmission vivante, sous l’inspiration du Esprit Saint, de ce que les apôtres ont appris sur l’enseignement et sur la vie de Jésus et qui s’est transmis jusqu’à nous. « Il faut en distinguer les traditions théologiques, disciplinaires, liturgiques ou dévotionnelles nées au cours du temps dans les Églises locales. Elles constituent des formes particulières sous lesquelles la grande Tradition reçoit des expressions adaptées aux divers lieux et aux diverses époques. C’est à sa lumière que celles-ci peuvent être maintenues, mo­difiées ou aussi abandonnées sous la conduite du Magistère de l’Église »[12], qui « n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis » (Dei Verbum 10).

36.   Les évangéliques ont du mal à accepter toute notion de Tradition qui élèverait celle-ci au-dessus de l’Écriture. Les catholiques sont d’accord sur ce point. Mais il subsiste des divergences entre eux sur la façon dont tout cela se traduit dans leurs communautés res­pectives. Catholiques et évangéliques sont cependant prêts à réaffirmer ensemble leur ouverture à la Tradition, pour peu qu’elle ne soit pas en contradiction avec l’Écriture.

 

B.  Paroles d’encouragement mutuel

37.   Nous, évangéliques, nous sentons encouragés et gratifiés par :

  • le fait que l’Église catholique encourage en son sein un courant de ressourcement[13] qui promeut la redé­couverte de l’ensemble de la tradition patristique dans toute l’Église ;
  • les efforts de l’Église catholique pour défendre le dépôt de la foi historique (depositum fidei) – la vérité pé­renne de la foi chrétienne (Jude 3,1 ; 1 Tm 6,20 ; 2 Tm 1,13-14) – face aux défis du sécularisme moderne et de ses valeurs philosophiques ;
  • Le fait que les questions mises en évidence par la Réforme – telles la centralité de la Parole et l’insistance sur le rôle de la prédication dans le culte – sont désor­mais considérées et reconnues comme faisant partie de la riche tradition de l’Église tout entière.

38.   Nous, catholiques, nous sentons encouragés et gratifiés par :

  • la reconnaissance croissante, de la part des évan­géliques, de l’action constante de l’Esprit Saint au cours des 2000 ans de l’histoire de l’Église ;
  • l’intérêt de certains théologiens évangéliques et de leurs communautés pour les écrits patristiques et autres sources de l’Église des premiers siècles (ad fontes) ;
  • une meilleure compréhension, de la part de nombre d’évangéliques, de la distinction entre Tradition apostolique et traditions locales.
  •  

C. Questions sensibles posées dans un esprit fra­ternel

39. Nous, évangéliques, avons compris que cer­tains aspects de la piété populaire catholique peuvent être positifs. Nous sommes heureux d’apprendre que, dans de nombreux cas, les catholiques ont cherché à corriger certains excès apparus dans leurs pratiques dé­votionnelles[14]. Nous voudrions cependant demander :

  • s’il existe chez les catholiques un principe critique pour évaluer ce qui apparaît, aux yeux des évangéliques,  comme des enseignements extrabibliques, qui sont à la base de certains aspects de la tradition catholique, comme la doctrine du purgatoire ou celle les indul­gences et le dogme de l’Immaculée Conception ?
  • comment pouvez-vous vous assurer que le déve­loppement de la doctrine et les nouvelles traditions qui apparaissent demeurent fidèles à l’enseignement de l’Écriture, alors que certaines doctrines et traditions semblent se fonder davantage sur des allusions des Écritures que sur un témoignage scripturaire explicite ?
  • conscients qu’il y aurait aussi beaucoup de ques­tions à poser sur leurs propres pratiques dévotionnelles, les évangéliques aimeraient néanmoins demander aux catholiques comment ils s’accommodent d’une piété qui paraît s’inspirer davantage de la ou des traditions que de l’Écriture (comme la piété mariale ou le culte des saints) ?

40.   Encore une fois, ces questions ne doivent rien ôter à ce que nous pouvons dire et faire ensemble, en nous réjouissant de la foi reçue et transmise à travers les générations sous la conduite de l’Esprit Saint qui a promis de nous conduire à la vérité tout entière (Jn 16,13).

41.   Nous, catholiques, sommes parvenus à une meilleure appréciation de l’insistance des évangéliques sur l’action du Esprit Saint dans l’histoire de l’Église, et du fait que certains évangéliques se tournent vers les Pères de l’Église. Cependant nous voudrions deman­der :

  • comment décider s’il faut accepter ou rejeter ce que les Pères de l’Église ont à nous dire ? Par exemple, à côté du Baptême et l’Eucharistie, pourquoi ce que les catholiques appellent « les autres sacrements » sont-ils si problématiques pour les évangéliques, alors que l’Église des premiers siècles les acceptait comme tels (et que certains ont une base scripturaire explicite, comme dans le cas du pardon des péchés, Jn 20,23 et Mt 16,19, ou du sacrement des malades Jc 5,14-15) ?
  • la tendance à redécouvrir les Pères de l’Église est-elle propre aux pays du Nord ou est-elle partagée aussi par les évangéliques de l’hémisphère Sud ? Et quelle est l’influence de l’enseignement des Pères de l’Église sur la vie de leurs communautés ?
  • au cours de nos consultations, nous avons pu constater que l’Alliance évangélique mondiale ras­semble des communautés chrétiennes qui, tout en ayant une déclaration de foi commune, présentent aussi une grande diversité, notamment en ce qui concerne le rôle attribué à la tradition. Certaines communautés ne lui accordent qu’une importance minime dans la vie présente et future de l’Église, alors que pour d’autres elle a une importance croissante. Quelles sont les va­leurs en jeu dans ce processus ? Sur la base de la vision des évangéliques de l’unité dans la diversité, comment pouvez-vous discerner si l’unité que vous défendez est une réponse suffisante aux appels à l’unité du Nouveau Testament (Jn 17,20-21, 1 Co 1,10) ?

42.   Alors même que nous posons ces questions avec un intérêt fraternel et dans un but de clarification, nous nous réjouissons du témoignage fidèle à la vérité immuable de l’Évangile que nous avons pu constater chez les évangéliques.

 

 

3. ÉCRITURE ET TRADITION

 

A. Notre terrain commun

43.   Il y a eu entre nous dans le passé de la suspi­cion, de la méfiance, et peut-être même une tendance à caricaturer nos convictions mutuelles sur Écriture et Tradition et sur le rapport qui existe entre elles. À la base de cet esprit critique et de cette méfiance, on ne trouve pas seulement des représentations et des inter­prétations déformées, mais de réelles différences en matière de doctrine et de pratiques. Les divergences qui nous ont divisés continuent de nous empêcher de té­moigner notre unité dans la foi (Jn 17,11). Nous, évan­géliques et catholiques, nous efforçons de vivre en dis­ciples de Jésus, en nous réunissant pour dialoguer, nous consoler mutuellement et chercher à nous réconcilier. Notre but est de parvenir à une meilleure compréhen­sion de la vérité de la Parole de Dieu, alors même que nous reconnaissons la nécessité d’apprendre de nos passés séparés. Le cardinal Joseph Ratzinger, devenu par la suite le pape Benoît XVI, nous rappelle que « nos ancêtres querelleurs étaient en réalité beaucoup plus proches les uns des autres puisque dans toutes leurs disputes ils demeuraient conscients qu’ils ne pouvaient être que les serviteurs d’une unique vérité qui doit être reconnue comme étant grande et pure telle qu’elle a été voulue pour nous par Dieu »[15].

44.   Tant les évangéliques que les catholiques prennent de plus en plus conscience que l’Écriture ne doit pas nécessairement être opposée à la Tradition ou à l’Église, et que la Tradition et l’enseignement de l’Église ne doivent pas nécessairement être opposés à l’Écriture. Les uns comme les autres ont pu constater les progrès réalisés dès lors qu’ils ont laissé derrière eux les disputes du XVIe siècle entre les réformateurs et le Concile de Trente, tout en reconnaissant la validité de certaines de leurs intuitions critiques. L’Église catho­lique a beaucoup appris aussi dans ses conversations avec d’autres communions issues de la Réforme du monde entier, en parvenant ainsi à une meilleure ap­préciation des réformateurs. Ces dialogues ont abouti à des progrès significatifs, en produisant notamment une formulation partagée du rapport entre Écriture et Tradition[16].  Le retour aux sources (ad fontes), percep­tible chez nombre d’évangéliques, qui inclut la lecture des anciens auteurs chrétiens, les conduit à une meil­leure appréciation des Credo de l’Église, en renouant avec leur passé chrétien antérieur au XVIe siècle. Dans un nombre croissant de communautés évangéliques, en ce début du XXIe siècle, la tradition et les intuitions des Pères de l’Église et de ceux venus après eux sont prises en considération dans l’interprétation biblique et dans l’exégèse doctrinale, quoique toujours avec un regard critique, comme c’est aussi le cas chez les catholiques. Sans aller jusqu’à dire que l’interprétation des Pères de l’Église fait autorité, les évangéliques commencent à prendre conscience qu’ils l’ont ignorée à leurs dépens. Les Pères de l’Église connaissaient la Bible beaucoup mieux que la plupart d’entre nous. Ils sont nos maîtres dans la foi, des maîtres qui ont des années d’expérience, sinon des siècles de façon cumulative. Nous avons beaucoup à apprendre de leurs traités doctrinaux sou­vent basés simplement sur une exégèse prenant en compte toute l’Écriture pour expliciter une doctrine particulière. Nous sommes tombés d’accord pour dire qu’il y a interpénétration et interconnexion entre l’Écriture et la Tradition[17]. La tradition peut représen­ter une importante pierre de touche dans l’interprétation de l’Écriture et dans l’explication de la doctrine, même si les évangéliques demeurent attachés à la Sola Scriptura.

 

B.   Paroles d’encouragement mutuel

45.   Nous, évangéliques, nous sentons encouragés par :

  • la tendance que nous constatons dans l’Église ca­tholique – tant chez les laïcs que dans le clergé – à ac­corder une place croissante à l’étude des Écritures dans le culte et la vie dévotionnelle ; l’insistance des catholiques sur le rôle que doit jouer la communauté ecclésiale dans la rencontre avec les Écritures, tout en reconnaissant l’importance de la conversion personnelle et de l’approfondissement de la relation personnelle avec Jésus ;
  • la capacité de discernement des catholiques dans la lecture des Pères de l’Église où l’on trouve une grande sagesse, notamment dans l’exégèse de l’Écriture. Ils sont nos maîtres communs, même si l’Écriture de­meure le texte qui fait autorité.

46.   Nous, catholiques, nous sentons encouragés par :

  • la diffusion de la lecture des Pères de l’Église chez les évangéliques et leur reconnaissance du grand res­pect que les Pères avaient pour les Saintes Écritures ; leur reconnaissance croissante de l’importance des in­terprétations patristiques lorsqu’ils abordent les Saintes Écritures ;
  • la valeur attribuée à la correction fraternelle par certains leaders évangéliques reconnus, considérés comme une « sorte d’autorité » dans le monde évangé­lique ;
  • la persistance du sensus fidelium parmi les membres du mouvement évangélique qui témoignent de la conti­nuité du témoignage biblique ;
  • l’attention croissante accordée par les évangéliques au rôle de la communauté, et en particulier à sa capacité de fortifier les individus au sein de la communauté chrétienne.

 

C. Questions sensibles posées dans un esprit fra­ternel

47.   À la lumière des nombreux signes encoura­geants et des convergences que nous avons décou­vertes, nous, évangéliques, comprenons que nous avons beaucoup de raisons de nous réjouir. Malgré cela, il reste encore un certain nombre de questions à af­fronter. C’est pourquoi nous voudrions demander aux catholiques :

  • comment ils concilient l’affirmation selon laquelle « les relations entre la sainte Écriture, autorité suprême en matière de foi, et la sainte Tradition, interprétation indispensable de la Parole de Dieu » avec la déclaration de Dei Verbum qui dit que « l’une et l’autre doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de respect » (Dei Verbum 9), où Écriture et Tradition semblent être mises sur le même plan ?
  • à la lumière des nouvelles relations qui se sont instaurées entre évangéliques et catholiques, comment le principe de la Sola Scriptura a-t-il été reçu et incorporé dans la vie des catholiques et dans la théologie catho­lique contemporaine ?
  • reconnaissant notre péché et notre besoin de cor­rection, nous voudrions demander aux catholiques si l’Église peut reconnaître que des erreurs ont été com­mises dans sa tradition, telle qu’elle s’exprime dans sa piété dévotionnelle, compte tenu de la faillibilité hu­maine, et si oui, s’ils pensent qu’ils serait possible de corriger ces erreurs à la lumière de l’Écriture ?
  • comment les catholiques peuvent-ils concilier l’exhortation de Paul «  Rien de plus que ce qui est écrit » (1 Co 4,6) avec la notion d’infaillibilité papale, sachant que même les habitants de Bérée, en Actes 17,11, ont examiné les Écritures pour voir si tout ce que rapportaient les apôtres était vrai ?
  • sachant que d’une part, le Christ nous a promis que son Esprit guiderait l’Église « vers la vérité tout entière » (Jn 16,13), et que d’autre part, il est écrit que « toute Écriture est inspirée de Dieu » (2 Tm 3,16), nous voudrions demander aux catholiques s’ils considèrent que l’Esprit Saint a opéré de la même ma­nière dans la vie postérieure de la Tradition qu’il ne le faisait lorsqu’il a inspiré les auteurs des Écritures ?
  • la notion de ce que les évangéliques appellent Ecclesia semper reformanda (l’Église toujours en train de se réformer) existe-t-elle dans l’Église catholique au­jourd’hui ?
  • à la lumière de sa position sur Écriture et Tradition, comment l’Église catholique traite-t-elle le cas de ceux qui – membres du clergé, laïcs, religieuses ou professeurs universitaires – sont en désaccord avec l’Écriture et avec l’Église ? Quel est le processus à suivre pour ces dissidents, et est-il appliqué ?

48.   Nous, catholiques, saluons les convergences positives apparues entre évangéliques et catholiques dans l’affirmation de l’autorité des Écritures et dans une appréciation croissante du rôle de la tradition. Nous souhaiterions cependant poser aux évangéliques les questions suivantes :

  • nous avons observé la pratique bien établie chez vous d’utiliser l’Écriture pour interpréter l’Écriture, en cherchant à découvrir la cohérence interne du message biblique. Nous apprécions aussi votre insistance sur le fait que les Écritures doivent être lues au sein de la communauté chrétienne, et sur le rôle de l’Esprit Saint dans la lecture et l’interprétation de l’Écriture. Nous notons cependant que des interprétations divergentes des Écritures, parfois en conflit entre elles, peuvent ap­paraître chez les évangéliques comme chez les catho­liques. En l’absence d’une référence à un magistère, comment les évangéliques maintiennent-ils l’unité et se défendent-ils des conflits internes dans l’interprétation de la sainte Écriture ? Quel est le rôle de la Tradition dans l’interprétation de l’Écriture ? Confrontés à des interprétations divergentes de l’Écriture, quelle est la méthode utilisée pour assurer le discernement et la dis­cipline au sein de l’Église ?
  • vous, évangéliques, avez maintenu un fort sens moral traditionnel que nous saluons. Nous voudrions cependant vous demander comment vous vous défen­dez du relativisme moral, lorsqu’il se manifeste dans l’enseignement de vos pasteurs ou parmi les laïcs ?
  • puisque vous croyez que l’Esprit Saint agit dans l’histoire et qu’il nous conduit vers l’unité, où voyez-vous l’Esprit à l’œuvre au moment de la Réforme qui a apporté la division dans l’Église ? L’Esprit Saint opé­rait-il seulement chez les réformateurs et dans leurs communautés, ou était-il également à l’œuvre dans l’Église catholique en temps-là ? Comment les évangé­liques d’aujourd’hui voient-ils les réformateurs du XVIe siècle, et quel rôle leurs enseignements jouent-ils dans leur vie ? Comment les communautés formées après la période de la Réforme se rattachent-elles à la Réforme ?
  • le renouveau liturgique a été un trait marquant de la vie ecclésiale au cours du siècle dernier. Nous cons­tatons une grande diversité de pratiques liturgiques et spirituelles dans le culte et dans la vie dévotionnelle des évangéliques, dont certains reprennent même les pra­tiques de l’Église primitive. Les évangéliques peuvent-ils considérer les formes sacramentelles et liturgiques développées au temps des Pères de l’Église comme une expression de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église ? Et si oui, de quelle façon cela pourrait-il influer sur leur doctrine et sur leurs pratiques ?

 

* * *

 

49.   Se réjouissant du message de salut de Jésus Christ, le Verbe fait chair, mort pour apporter le par­don et la vie aux pécheurs, catholiques et évangélique peuvent affirmer ensemble que l’Écriture est la règle qui fait autorité et la norme de leur foi et de leur vie. Jésus Christ, le Verbe par qui Dieu s’est révélé, parle à travers et dans sa Parole à un monde qui a soif de l’Évangile. Dieu a aussi donné à son Église son Esprit, qui non seulement a inspiré les Écritures, mais qui ga­rantit que la vérité de l’Évangile puisse perdurer et être transmise dans la vie de l’Église, qui la proclame de manière nouvelle à chaque époque. Des différences subsistent entre nous sur la façon dont nous interpré­tons la Tradition et ses rapports avec l’Écriture et sur le niveau d’autorité qu’il faut attribuer à la Tradition. Les questions que nous nous sommes posées mutuellement ne marquent pas la fin de notre conversation, mais doivent motiver chacun d’entre nous à entrer plus à fond dans notre théologie, nos pratiques, et notre piété, et à poursuivre ces discussions pour le bien de l’Évangile et de sa mission. Ce n’est qu’en présentant ensemble la Parole devant le monde, par la puissance de l’Esprit, que nous pouvons espérer offrir un mes­sage qui a passé l’épreuve du temps en demeurant in­changé. A ce monde, nous offrons Jésus Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais (He 13,8).

 



DEUXIÈME PARTIE

LE DON DE DIEU DU SALUT DANS L'ÉGLISE :
ÉVANGÉLIQUES ET CATHOLIQUES RÉFLÉCHISSENT ENSEMBLE SUR LE SALUT ET SUR L'ÉGLISE

 

A. Notre terrain commun

50.   La mort et la résurrection rédemptrices du Christ ont eu lieu une fois pour toutes dans l’histoire. La mort du Christ en croix, point culminant de toute une vie d’obéissance, fut un sacrifice unique, parfait et suffisant pour les péchés du monde. Il ne peut y avoir de répétition ou d’addition à ce qui fut accompli alors par le Christ une fois pour toutes[18]. Le don du salut, donné librement, est reçu librement (Rm 3,24 ; 1 Co 2,12). Tant pour les catholiques que pour les évangéliques, la question du salut en Jésus Christ revêt une importance primordiale et occupe une place de premier plan dans notre vie de foi et dans le dévelop­pement de notre théologie. Le salut est un don gratuit de Dieu (Ep 2,8-9). Il ne nous est pas donné simple­ment parce que nous sommes nés dans une famille chrétienne, ou que nous sommes formellement membres d’une Église chrétienne ; c’est une initiative miséricordieuse de Dieu. « Du Seigneur vient le salut » (Ps 3,9). Le salut rend manifeste l’ensemble du plan de Dieu et son désir pour l’humanité, et répond au besoin fondamental de rédemption des hommes. Les Actes des Apôtres nous assurent que le salut nous vient par Jésus Christ, et qu’« aucun autre nom sous le ciel n’est offert aux hommes, qui soit nécessaire à notre salut » (Ac 4,12).

51.   « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20). Les Écritures nous disent que depuis le commencement l’Église a fait par­tie du plan de salut de Dieu (Ep 1,4-10.22-23). En par­tant d’Adam et Ève et en se prolongeant tout au long de l’histoire de l’Alliance rapportée par les Écritures, Dieu a formé pour lui-même le peuple d’Israël, séparé du monde (ekklesia) en une communauté, et envoyé en­suite au monde pour être la lumière des nations (Es 60,3). La plénitude de cette communauté réside en Christ, le Verbe Incarné, tout Israël en Un, venu sur terre pour racheter les hommes en les délivrant de leurs péchés par sa souffrance, sa mort en croix et sa résur­rection à la vie. Dieu a fait connaître ce plan de salut au monde par son Fils (Jn 3,16), qui a rassemblé un nou­veau peuple de l’Alliance (Jr 31,31-34 ; Rm 9) dans la communauté de son Église. Il nous a dit qu’il édifiera lui-même cette Église, et que la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle (Mt 16,18). Plus tard, le Christ nous a expliqué comment il veillera sur son Église (Mt 18,15-20 ; Jn 20,23) en nous assurant que le pardon des péchés qu’il a obtenu pour nous et pour notre salut est, et sera toujours, central dans le but et le message de l’Église. Il a donné à son Église le don des ministres (1 Co 12,28 ; Ep 4,11-13) appelés à devenir par la suite les intendants des mystères et les serviteurs du Peuple de Dieu (1 Co 4,1). La première tâche à la­quelle le Christ a appelé l’Église, ses ministres et tout son peuple, est d’aller et de faire des disciples, en bapti­sant et en proclamant tout ce qu’il nous a appris (Mt 28,19-20). Comme il l’avait promis, il a envoyé l’Esprit Saint à son Église le jour de la Pentecôte pour la soute­nir dans sa mission. On peut donc dire que l’Église est évangélisée par Dieu, tout en évangélisant pour Dieu. Les disciples suscités par l’action de Dieu-le-Saint-Esprit sont ensuite nourris dans la foi au sein de la communauté des croyants (Ac 2,42-47), de tous ceux qui mettent leur foi et leur confiance en Celui qui les a sauvés. L’Esprit s’épanouit dans cette communauté que le Christ a appelée son Église, en l’animant par ses dons (Ac 2,1-4 ; 1 Co 12 ; Rm 8,10-11) afin qu’elle témoigne au monde l’amour de Dieu, tout en affermissant et en édifiant ses membres dans le corps du Christ (1 Th 5,11).

52.   L’apôtre Paul utilise deux grandes métaphores (mais il y en a d’autres) pour décrire cette communauté. En 1 Corinthien 12, il compare l’Église au corps du Christ, dont le Christ lui-même est la tête. Sans tête, il ne peut y avoir de corps, de même que sans vigne il ne peut y avoir de sarment (Jn 15). Le salut nous vient de notre incorporation au corps du Christ par l’action de l’Esprit Saint, puisque nul ne peut dire « Jésus est Seigneur » si ce n’est par l’Esprit, et qu’un sarment coupé de la vigne se dessèche et meurt (Jn 15,1-6). Comme nous l’a dit Jésus, sans lui nous ne pouvons rien faire (Jn 15,5). Le corps ne peut pas exister sans l’Esprit, de même qu’il ne peut pas exister sans la tête, qui est le Christ. Mais avec la tête et l’Esprit, il existe bel et bien un corps, une communion des saints rache­tés qui, animés par l’Esprit, accomplissent les œuvres que Dieu a préparées d’avance pour eux, non pas pour leur salut, mais à sa gloire (Ep 2,10) et pour attirer d’autres personnes dans son corps qu’est l’Église (Mt 5,16.28,19-20).

53.   Une seconde métaphore de l’Église liée à celle du corps se trouve en Éphésiens 5. Paul nous y pré­sente l’image de l’Église comme épouse du Christ, dans laquelle le Christ est décrit encore une fois comme « le chef de l’Église, lui le Sauveur de son corps... qui a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour  elle ; il a voulu ainsi la rendre sainte en la purifiant avec l’eau qui lave, et cela par la Parole ; il a voulu se la présenter à lui-même splendide, sans tache ni ride, ni aucun défaut ; il a voulu son Église sainte et irréprochable » (Ep 5,23.25-27). Cette métaphore nous présente le don sacrificiel de sa vie par l’Époux, pour pouvoir présenter l’épouse comme sienne en vertu du don de sa propre chair sur la croix. Par le sacrifice de lui-même, le Christ a lavé son épouse, en la présentant pure et sans tache, pour pouvoir la prendre auprès de lui afin qu’elle vive avec lui dans la sainteté et la rectitude. L’Église n’est pas celle qui sacrifie, ni celle qui purifie. C’est plutôt l’époux qui se sacrifie pour son épouse et qui la lave ; il est celui qui la nourrit et veille sur elle, c’est-à-dire sur les membres de son corps (Ep 5,29-30). L’épouse, l’Église, est en ce sens unie et soumise à son Bien-Aimé ; comme telle, elle fait ce qu’il lui a donné à faire en lui promettant qu’il sera avec elle jusqu’à la fin des temps (Mt 28,19-20).

54.   L’Église, donc, est un don de Dieu au monde. Même si tous les évangéliques ne reconnaissent pas l’autorité des credo, catholiques et évangéliques peuvent affirmer ensemble que les credo expriment ce qui est au cœur de l’enseignement biblique dans divers champs de la doctrine, y compris au sujet de l’Église. Après avoir professé la foi en Dieu-le-Père et en son œuvre, en Notre-Seigneur Jésus Christ et en sa vie, et à l’Esprit Saint et en sa sanctification des croyants, nous proclamons que nous croyons à l’Église « une, sainte, catholique et apostolique ». Les chrétiens professent leur foi en une Église qui montre les signes d’unité, sainteté, catholicité[19] et adhérence à la foi et à l’enseignement apostolique. Cependant nous ne croyons pas en l’Église de la même façon que nous croyons dans les personnes divines de la Trinité con­fessées précédemment dans le credo[20]. Lorsque nous disons que nous croyons en Dieu-le-Père... en son Fils unique Jésus Christ... et en l’Esprit Saint qui est Seigneur et donne la vie », nous professons notre foi dans l’œuvre du salut du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Nous mettons notre confiance et notre foi en Dieu Un et Trine. Nous nous confions et nous remet­tons entièrement à lui, notre rocher et notre salut. Nous croyons en seul Dieu, notre salut vient de lui (Ps 62,2). L’Église et ses ministres sont au service de ce salut partout où se manifestent les signes de la vraie Église. L’annonce pure de l’Évangile et l’usage juste des sacrements/ordonnances que le Christ a commandé à son Église d’observer (Mt 28,19 ; Mc 16,15-16 ; Lc 22,19-20 ; 1 Co 11,23-25) sont des dons vivifica-teurs destinés à nourrir son troupeau[21].

55.   L’Église est au service de l’Évangile, comme le dit Paul, car lorsque le Christ nous a réconciliés avec lui, il nous a donné aussi le ministère de la réconcilia­tion, autrement dit « c’était Dieu qui en Christ réconci­liait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation » (2 Co 5,19). Le monde n’entend pas ce message de réconciliation en dehors de l’Église, de ses ministres et de son peuple, appelés à le proclamer afin que tous les hommes puissent l’entendre (Rm 10,14-17 ; Mt 28,19-20). « Or comment l’invoque-raient-ils sans avoir cru en lui ? Et comment croiraient-ils en lui sans l’avoir entendu ? Et comment l’entendraient-ils si personne ne le proclame ? Et com­ment le proclamer sans être envoyé ? » (Rm 10,14). C’est pourquoi l’Église a le devoir et le privilège d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. L’Église, corps du Christ, est le lieu habituel où l’offre du salut est entendue et diffusée. Par la puissance de l’Esprit Saint, elle proclame que Jésus Christ est le Sauveur et le Seigneur, afin de persuader les hommes de se repentir et de venir à lui personnellement, en étant ainsi réconciliés avec Dieu et entrant dans sa communauté de foi (Mt 4,17). Le salut, qui présuppose une conversion, un élan vers Dieu et une régénération par la grâce de Dieu, se manifeste par une réorientation de toute notre vie d’après la nouvelle vie révélée en Jésus Christ. Pour beaucoup sinon pour la plupart des évangéliques, le baptême est le premier moyen par le­quel Dieu incorpore son peuple à son Église (Mt 28,19). Une fois entrés dans l’Église, les membres du corps du Christ sont appelés à vivre pleinement leur vie chrétienne dans un service fidèle à lui et les uns aux autres.

 

B. Paroles d’encouragement mutuel

56.   Nous, évangéliques, nous sentons encouragés par :

  • le sérieux avec lequel les catholiques proclament le Credo des Apôtres, spécialement là où il parle de la ré­alité glorieuse de Dieu Un et Trine et de son œuvre gratuite qui apporte « la rémission des péchés » ;
  • l’insistance renouvelée dans l’enseignement catho­lique sur les métaphores bibliques de l’Église, qui la mettent en relation avec le salut (par ex. le peuple de Dieu, le corps du Christ, le temple de l’Esprit), l’emploi moins fréquent de certaines images attribuées autrefois à l’Église qui semblaient exclure les autres chrétiens de la possibilité du salut (par ex. societas perfecta, arche du salut) ; et l’affirmation que pour le Christ « les Églises et les communautés ecclésiales séparées » sont un moyen de salut ;
  • le regain d’intérêt de l’Église catholique et de ses ministres pour le ministère de la Parole et pour sa pré­dication, considéré comme un aspect important de la foi et de la vie chrétiennes tant au niveau communau­taire que pour chacun de ses membres ;
  • la mise en évidence de la dimension communau­taire du salut contre les tendances individualistes qui ont caractérisé certains courants du protestantisme ;
  • l’insistance sur la centralité de la conversion, les nombreuses initiatives des catholiques pour présenter l’Évangile du salut au monde entier, et l’accent mis plus récemment sur l’importance de la rencontre person­nelle avec Jésus Christ en vue du salut.

57.   Nous, catholiques, nous sentons encouragés par :

  • la confiance des évangéliques dans ce que Dieu a réalisé pour nous en Jésus Christ, et leur loyauté cons­tante à l’enseignement biblique concernant la promesse de salut de Dieu, une question qui a pour eux une im­portance primordiale ;
  • la reconnaissance que l’insistance des évangéliques sur le caractère salvifique de la mort du Christ s’accompagne d’une égale insistance sur sa résurrection d’entre les morts et sur l’espérance qui en découle ;
  • la conviction des évangéliques qu’il n’existe pas de christianisme entièrement privé, autrement dit leur conviction que le salut est relationnel, en liant la con­version à la régénération par l’eau et par la Parole qui conduit à une vie nouvelle en Christ ; et que la conver­sion à Jésus Christ entraîne nécessairement l’incorpo-ration dans l’Église ;
  • la conviction des évangéliques que le salut ne peut pas se limiter à une appartenance formelle à l’Église, mais implique de vivre activement la suite du Christ ;
  • la conviction des évangéliques que la foi chré­tienne implique un fort engagement dans l’évangé-lisation et la mission pour le salut de tous.
  •  

C. Commentaires fraternels et questions sensibles

58.   En préalable à nos questions, nous, évangé­liques, voudrions tout d’abord faire l’observation sui­vante : nous avons noté et apprécié l’accent mis par les catholiques au cours de nos discussions sur l’amour et la miséricorde de Dieu, lorsque nous avons abordé la question de l’assurance du salut. Nous avons pu voir que les catholiques sont convaincus de l’amour et de la miséricorde de Dieu et du fait que Dieu prend le péché au sérieux. C’est pourquoi, lorsqu’on demande aux ca­tholiques s’ils sont assurés de leur salut, ils répondent avec espérance et confiance, mais aussi avec ce qui, aux yeux des évangéliques, apparaît comme une pointe d’incertitude. Cette incertitude, nous disent-ils, vient du fait qu’ils sont confrontés à un Dieu Tout-Puissant, transcendant et saint, mais aussi miséricordieux, devant lequel ils se sentent indignes à cause de leur péché ; telle est la cause de la réticence des catholiques à se dire assurés de leur salut, alors que les évangéliques se montrent confiants d’obtenir le salut. Nous avons compris que lorsque les catholiques parlent de l’espérance, c’est dans l’esprit de Romains 5,1-5 et 8,24-25, où il est question d’une espérance qui ne sera pas déçue car elle est fondée dans le Christ. Nous avons compris aussi que les catholiques craignent que cette doctrine de l’assurance du salut puisse être mal inter­prétée, en impliquant que ceux qui n’expriment pas une telle assurance n’ont pas la foi, ce qui est effectivement ce que certains évangéliques pensent.

59.   Nous, évangéliques, apprécions la confiance des catholiques dans la miséricorde de Dieu et leur humilité face à la sainteté de Dieu. Nous avons compris qu’ils pensent qu’il ne leur appartient pas de parler au nom de Dieu en se disant assurés de leur salut person­nel : à leurs yeux, ce serait présumer de Dieu. Quand on leur demande s’ils seront sauvés, ils répondent géné­ralement « Je l’espère » ou « J’ai confiance ». Nous avons pris conscience au cours de ces discussions que quand les catholiques disent qu’ils espèrent être sauvés, cela ne signifie pas nécessairement « J’espère que je peux faire quelque chose qui soit agréable à Dieu » ou « J’espère le mériter », mais plutôt qu’ils sont convain­cus que Dieu est amour et qu’il est fidèle ; ils mettent donc leur espérance dans cet amour et cette fidélité qui dépassent infiniment tout ce qu’ils pourraient mériter. Cet amour s’est révélé à travers  la vie, la mort et la ré­surrection de Jésus Christ. Ils espèrent obtenir le salut parce qu’ils ont expérimenté la miséricorde de Dieu dans leur vie par la puissance de l’Esprit Saint, qu’ils se fient à sa promesse. Dire qu’ils seront sauvés, en le considérant comme un fait accompli, serait  présomp­tueux de leur part, et ne serait pas conforme à l’enseignement catholique.

60.   Les évangéliques souhaiteraient cependant demander aux catholiques :

  • quelle espérance et quel réconfort pratiques pou­vez-vous proposer à ceux dont la conscience est trou­blée, ou à ceux qui ont des craintes au sujet de leur destin éternel, si vous n’avez à offrir que l’espérance (serait-ce même l’espérance d’Abraham « contre toute espérance » Rm 4,18) ? Comment pouvez-vous vivre avec l’espérance de la promesse, sans l’assurance qu’elle s’avérera ? Qu’est-ce qui vous fait hésiter ou douter alors que l’Écriture nous présente clairement la promesse que nous obtiendrons le pardon dans le Christ Jésus, et que le Christ lui-même veut notre salut (voir Gn 3,15 ; Ex 15,2-3 ; Ps 62,2-3.6,9 ; Es 53,3-12 ; Jn 3,16.10,27-30 ; Rm 8,1-5.26-39 ; 2 Co 5,17-21 ; Ep 1,1-14.2,8-10 ; 1 Th 5,9-11 ; 1 Tm 2,4, parmi beaucoup d’autres) ?
  • le Concile Vatican II parle de la possibilité que Dieu puisse offrir le salut même à ceux qui n’ont pas reçu l’Évangile (Lumen Gentium 16), en se fondant sur la croyance en la miséricorde de Dieu. Nous, évangé­liques, avons pu apprécier au cours de nos discussions votre insistance sur la miséricorde et sur l’amour de Dieu et votre conviction que Dieu aime tous les hommes, qu’il désire que tous soient sauvés et puissent connaître la vérité (1 Tm 2,4). En affirmant que Dieu est amour (1 Jn 4,8), que Dieu sera tout en tous (Ep 1,23), et que tout genou fléchira au ciel, sur terre et sous terre (Ph 2,10-11), l’Écriture met l’accent sur la miséricorde de Dieu, comme nous le faisons aussi. Pourtant nous nous demandons si, dire une chose sur laquelle l’Écriture ne dit rien, à savoir que même ceux qui n’ont pas reçu l’Évangile peuvent être sauvés, ne risque pas d’être mal interprété par certains catholiques qui pourraient en tirer la conclusion qu’il n’est pas né­cessaire d’évangéliser ? (Mt 28,19-20) ?
  • pour nous, évangéliques, le pardon du Christ, au moment du Jugement dernier et au-delà, efface non seulement le péché comme offense à Dieu, mais toutes les conséquences du péché. Aucune autre expiation n’est nécessaire après la mort, puisque le Christ nous a lavés de nos péchés sur la croix que nous nous appro­prions par la foi. Lorsque nous avons abordé la ques­tion du purgatoire dans nos discussions, vous avez parlé de l’action transformatrice de la miséricorde de Dieu qui, selon vous, continue même après la mort ; d’après vous, les effets de nos péchés doivent être effa­cés avant que nous puissions nous présenter devant le trône de Dieu. Nous avons compris que vous ne con­sidérerez pas cette expiation comme étant méritoire, mais nous voudrions néanmoins vous demander sur quel passage des Écritures se fonde la croyance dans le purgatoire, et quelle en serait la nécessité vu que le Christ nous a entièrement rachetés, corps et âme ? Et encore : puisque vous croyez vraiment en un Dieu ai­mant et miséricordieux qui nous a rachetés en Christ, et que ce n’est pas par nos propres mérites que nous sommes sauvés mais que le salut nous est donné, pour­quoi continuez-vous à utiliser le langage de la compta­bilité des mérites, de l’expiation et des indulgences ?
  • dans nos communautés où l’on pratique le bap­tême des enfants, on demande une préparation au baptême. Nous avons vu que les catholiques demandent eux aussi une préparation au baptême et une formation spirituelle des parents et des enfants, ce qui est très important. Mais nous avons constaté que bien souvent les familles ne viennent plus à l’église après le baptême, en le considérant de fait comme une simple formalité. Nous voudrions vous demander quel suivi vous préconisez dans le cas des baptêmes d’enfants ? N’avez-vous pas l’impression, vous aussi, que dans certains cas le baptême est une simple forma­lité ? Nous avons appris avec plaisir que vous donnez une grande importance à la catéchèse de la famille des baptisés, mais quel rôle attribuez-vous à la discipline en matière de baptême ? L’Église fait-elle assez après que l’enfant a été baptisé pour s’assurer qu’elle a fait des disciples ? Quel est le rôle du clergé, et celui de la communauté ecclésiale tout entière ?
  • nous avons pu constater au cours de nos discus­sions que vous attribuez un rôle central aux sacrements en vue du salut, en particulier le Baptême et la célébra­tion de l’Eucharistie. Mais nous avons vu aussi que pour l’Église catholique, l’efficacité des sacrements est en grande partie liée aux sacrements de l’ordination, en particulier de l’ordination épiscopale. D’autre part, nous avons appris avec plaisir que vous reconnaissez que nos actes sacramentels ont un effet, bien que vous ne précisiez pas clairement de quel effet il s’agit. Nous savons aussi que vous reconnaissez la validité de nos baptêmes et que vous ne demandez pas le rebaptême. Mais sachant que vous liez l’efficacité et les bénéfices des sacrements aux ordres épiscopaux, nous voudrions vous demander : en limitant le plein bénéfice des actes de l’Église au clergé ordonné de l’Église catholique, ne finissez-vous pas par dévaluer et, en définitive, par re­mettre en question les bénéfices des sacrements pour le salut dans les Églises évangéliques ? Autrement dit, si les sacrements occupent une place centrale dans la vie de l’Église, mais que les sacrements des Églises évangé­liques (du moins pour celles qui en ont) n’ont pas au­tant d’effet que ceux de l’Église catholique, cela ne veut-il pas dire en fin de compte que notre ministère est moins efficace que celui de l’Église catholique ? Cette question devient particulièrement sensible dans le cas de l’absolution. Les évangéliques qui confessent leurs péchés et reçoivent le pardon de leur pasteur – ou d’un autre chrétien pour ceux qui n’ont pas de clergé – peuvent-ils être assurés que leurs péchés leur sont re­mis ?

61.   En préalable à nos questions, nous, catho­liques, tenons à souligner que nos conversations nous ont apporté de nombreux éclaircissements sur la façon dont les évangéliques comprennent l’assurance du salut. Nous pensions que lorsque vous affirmiez être sauvés, cela voulait dire en quelque sorte « sauvés une fois, sauvés toujours », comme si c’était gagné d’avance et que, quoique vous fassiez ensuite, cela n’affecterait pas votre salut. Mais nous avons compris que le moment décisif où vous déclarez votre assurance d’obtenir le salut doit être suivi de toute une vie vécue jour après jour à la suite du Christ, en vous confiant entièrement à lui, et en louant Dieu chaque jour pour ses bienfaits. Nous saluons votre insistance sur la nécessité de mani­fester avec diligence votre fidélité au Christ dans votre vie de tous les jours par la repentance et la foi.

62.   Nous avons compris aussi que vous, évangé­liques, distinguez entre certitude et sécurité. Du point de vue d’une conscience morale chrétienne rationnelle, il ne peut y avoir aucune certitude formelle du salut, mais seulement une certitude qui, avec Dieu, met en pais notre conscience exposée aux tentations. C’est le cas quand, dans la foi, vous rappelez hardiment à Dieu la promesse contenue dans l’Écriture, face à vos fai­blesses et à vos tentations. Nous avions cru déceler une certaine présomption dans votre assurance et dans votre certitude, et une certaine arrogance dans la re­vendication autoréférentielle que « vous avez décidé » de suivre Jésus et que, de ce fait, vous êtes sauvés. Mais nous avons compris que vous pouvez l’affirmer parce que vous vous fiez à la promesse de Dieu, et que vous remettez tout entre les mains du Christ. Votre assu­rance ne découle pas de vous-mêmes, mais de l’œuvre réalisée par Dieu en Jésus Christ et dans son mystère pascal. Puisque l’Évangile est la Bonne Nouvelle de la promesse du salut, vous faites confiance à Dieu et croyez à ses promesses, d’où votre assurance et votre certitude. La différence entre le langage catholique de la confiance et de l’espérance et le langage évangélique de l’assurance n’est pas aussi grande que nous ne l’avions cru. Nous croyons nous aussi que Dieu désire nous pardonner et nous racheter, que son Fils est mort pour le pardon de nos péchés et pour nous révéler sa miséri­corde infinie. Nous avons aussi entendu cette promesse dans les Écritures, nous l’avons sentie s’éveiller au fond de nous, et nous avons accueilli l’invitation de l’Évangile à vivre dans la joie à cause de tout ce que Dieu fait pour nous. Sur ce point, nous avons décou­vert beaucoup plus de convergences que nous ne l’avions anticipé.

63.   Les catholiques voudraient néanmoins de­mander aux évangéliques :

  • nous avons souvent eu l’impression, en vous en­tendant dire « Je suis sauvé » ou en vous entendant chanter dans vos hymnes « Assurance bénie, Jésus est à moi » et « J’ai décidé de suivre Jésus » que vous mettiez un peu trop l’accent sur la décision et les convictions personnelles, et pas assez sur la décision de Dieu. La question que vous posez aux autres : « Croyez-vous que vous êtes sauvés ? » nous paraît ne pas tenir suffisam­ment compte du fait que c’est Dieu qui nous appelle et qui nous convertit. En pratique, ne pourriez-vous pas aller au-delà de ce discours autoréférentiel en mettant plutôt l’accent sur la fidélité de Dieu et sur sa miséri­corde infinie ?
  • nous avons noté quelques divergences parmi les évangéliques sur le point de savoir si on peut perdre le salut, et nous avons constaté qu’ils ne partagent pas tous la même définition de l’« assurance du salut ». Aux communautés évangéliques qui proclament qu’une fois reçu, le don du salut ne peut pas être perdu, nous vou­drions demander : comment envisagez-vous le cas de ceux qui se détournent de la foi ou qui semblent ne pas prendre au sérieux le défi quotidien d’être fidèle à l’Évangile ? Comment envisagez-vous le cas de péchés commis après qu’on se soit engagés à suivre le Seigneur ? Et comment interprétez-vous He 6,4-6, où il est question de ceux qui se détournent de l’Évangile après avoir « savouré la Parole excellente de Dieu et les forces du monde à venir » ?
  • l’assurance qui naît de votre certitude d’être sauvés vous permet-elle de reconnaître humblement, dans votre action évangélisatrice,  qu’il existe de nombreux moyens par lesquels Dieu est à l’œuvre dans l’autre, et que son action dépasse infiniment tout ce que nous pouvons obtenir par nos propres efforts ? Et quelle se­rait l’approche pastorale appropriée vis-à-vis de ceux qui confessent leur foi en Jésus Christ le Seigneur et professent l’Évangile du salut, sans toutefois manifester la même assurance ?
  • en écoutant parler les évangéliques, nous avons compris qu’ils voudraient avoir une garantie biblique explicite pour certaines doctrines comme celle du pur­gatoire. Et que, d’autre part, ils mettent l’accent sur l’efficacité de l’action salvifique de la mort de Jésus sur la croix. Pour les catholiques, le purgatoire est l’état de ceux qui, étant morts dans l’amitié de Dieu, sont assu­rés de leur salut éternel, tout en ayant encore besoin d’être purifiés avant d’entrer dans la félicité du ciel. En raison de notre croyance dans la communion des saints, nous sommes convaincus que les fidèles encore en marche sur la terre peuvent aider les âmes du pur­gatoire par leurs prières de suffrage, spécialement dans l’Eucharistie. On trouve une confirmation explicite du purgatoire dans le livre des Maccabées (2 M 12,46), qui fait partie de la Bible des Septante mais n’est pas inclus dans le canon des Écritures des évangéliques. On trouve aussi dans l’Ancien Testament une référence au châtiment des péchés commis après avoir reçu le par­don (2 S 12,13-18). Tant dans l’Ancien (Ps 15,1-2) que dans le Nouveau Testament (Ap 21,27 et Mt 5,48), on trouve des références à la nécessité d’une purification avant d’aller au ciel pour que rien de souillé n’entre en présence de Dieu. Hébreux 12,22-23 nous dit comment l’esprit des « justes » est « parvenu à l’accomplis-sement ». 1 Co 3,13-15 et Mt 12,32 suggèrent qu’il existe un lieu, ou état d’existence, autre que le ciel et l’enfer. Tout en affirmant le pouvoir salvifique de la croix une fois pour toutes – ce que les catholique reconnaissent aussi –  les évangéliques ne pourraient-il pas s’ouvrir à la possibilité qu’il puisse exister des états intermédiaires de purification compatibles avec l’Écriture ? Et ne pourraient-ils pas admettre que la communion des saints puisse jouer un rôle dans cette étape de purification ?
  • en ce qui concerne la possibilité que des non-chrétiens puissent obtenir le salut, vous nous avez dit que vous ne vouliez pas présumer de la miséricorde de Dieu, ni aller au-delà de ce que l’Écriture dit explicite­ment à ce sujet. Nous sommes d’accord avec vous que l’Évangile doit être proclamé à toutes les créatures, et que nous avons l’obligation et le privilège d’annoncer Jésus Christ à ceux qui n’ont jamais entendu le message de l’Évangile. Mais en considérant le cas de ceux qui sont morts sans avoir entendu l’annonce de l’Évangile, ou qui ont entendu cette annonce d’une manière in­complète, nous voudrions vous suggérer que la grande miséricorde de Dieu révélée dans le mystère pascal de la mort et résurrection de Jésus nous donne des raisons d’espérer que ces personnes puissent ne pas être ex­clues automatiquement du plan salvifique de Dieu, et qu’elles puissent obtenir elles aussi le salut éternel par Jésus Christ. Le concile Vatican II a déclaré que la par­ticipation au mystère pascal est possible « pas seule­ment pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur des­quels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mys­tère pascal » (Gaudium et Spes 22 ; cf. Lumen Gentium 16, Ad Gentes 7). Tout en étant conscients qu’il ne fait par­tie ni de notre mission, ni de notre appel biblique, de présumer de ce que Dieu fera, nous demeurons con­vaincus que la miséricorde de Dieu est infiniment plus grande que la nôtre, et nous osons espérer que l’offre de salut de Dieu dépassera les paramètres de l’Église. Cette espérance ne nous dispense en aucune façon, en tant que chrétiens, de proclamer l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre : cette mission demeure d’une importance primordiale pour nous. Mais nous deman­dons aux évangéliques si ce même mystère pascal qui leur donne l’assurance de salut pour les croyants ne leur permettrait pas d’avoir davantage confiance dans la possibilité que Dieu puisse offrir le salut aux non-croyants, d’une façon connue de lui seul ?
  • au cours de nos conversations avec les évangé­liques, nous avons apprécié leur insistance sur le salut éternel, qui est évidemment un point central dans les Écritures. Mais nous avons eu parfois l’impression que cette insistance sur le salut dans la vie future ne prend pas toujours suffisamment en considération la condi­tion humaine dans la vie présente. Peut-être est-ce dû simplement au nombre limité de sujets que nous avons traités. Nous voudrions néanmoins vous demander : votre assurance d’obtenir le salut fait-elle une diffé­rence dans votre vie présente ? (Es 58,6-7 ; He 13,1-3 ; Mt 25,31-46) ? Et ne serait-il pas avantageux de contrebalancer votre insistance sur le salut dans la vie future par l’enseignement de Jésus sur le royaume de Dieu dans cette vie, avec ses préoccupations pour la justice sociale et le bien-être de l’humanité ? Ne de­vrions-nous pas souhaiter changer aussi le monde pré­sent, tout comme le monde à venir ?
  • nous avons apprécié beaucoup de choses chez les évangéliques, comme leur intense vie de culte ou en­core l’engagement que beaucoup d’Églises demandent à leurs membres. Nous avons compris qu’il existe des différences parmi les évangéliques du point de vue du rôle des sacrements dans la vie de l’Église. Nous avons reconnu ensemble l’importance donnée au Baptême et au Repas du Seigneur dans l’enseignement de Jésus sur l’Église, et les bienfaits qu’ils apportent aux croyants (Mt 28,19 ; Mc 16,16 ; Jn 3,3 ; Tt 3,4-7 ; Mt 26,26-29 ; Mc 14,22-25 ; Lc 22,14-23 ; Jn 6 ; 1 Co 11,17-34)[22]. Conscients des différences qui existent entre les di­verses communautés évangéliques sur la place des sa­crements dans la vie de l’Église, les catholiques vou­draient poser des questions différentes aux diverses Églises évangéliques, et en particulier : Pourquoi les sa­crements ont-ils perdu leur rôle central dans votre Église, et ne craignez-vous pas de passer à côté de quelque chose d’important en ne célébrant pas les sa­crements ? Ne pourriez-vous pas envisager de les réta­blir comme don de Dieu à son peuple, ainsi qu’ils sont présentés dans le Nouveau Testament ? Toutes les formes de culte et d’actes sacramentels ont-ils la même valeur dans votre tradition ? Est-il en contradiction avec le Nouveau Testament de qualifier les actes sa­cramentels de signes et instruments du salut ? La célé­bration dominicale du Repas du Seigneur n’est-elle pas le lieu privilégié où l’Évangile est entendu et où la foi est vécue, proclamée et professée ? Les évangéliques n’auraient-ils pas beaucoup à apprendre sur les sacre­ments/ordonnances en revenant aux enseignements des réformateurs ? Et ne pourraient-ils pas envisager d’utiliser ces dons de Dieu de façon plus profonde et marquante dans la vie de l’Église ?

 

* * *

 

64.   Ensemble, catholiques et évangéliques se ré­jouissent des dons du salut et de l’Église que Dieu a faits au monde qu’il aime tant, des dons librement donnés et librement reçus. Les Écritures nous disent que l’Église a fait partie du plan de salut de Dieu depuis le commencement (Ep 1,4-10. 22-23). Le Christ nous a promis qu’il veillerait sur son Église afin que le pardon des péchés qu’il a obtenu pour nous et pour notre salut demeure toujours central dans le but et dans le message de l’Église. Ensemble, évangéliques et catholiques se réjouissent du don du ministère de la réconciliation, donné à l’Église par Jésus Christ. « Il n’y a aucun salut ailleurs qu’en lui ; car aucun nom sous le ciel n’est of­fert aux hommes, qui soit nécessaire à notre salut » (Ac 4,12). Ayant reçu ce don du Seigneur crucifié et ressus­cité, l’Église a été chargée par l’Esprit Saint de trans­mettre ce message d’espérance et de pardon à un monde qui a désespérément besoin de se réconcilier avec son Créateur. Comme le dit l’hymne de Samuel J. Stone, chanté par nombre de catholiques et d’évangéliques :

The church’s one foundation
Is Jesus Christ, her Lord ;
She is his new creation
By water and the Word.
From heaven he came and sought her
To be his holy bride ;
With his own blood he bought her,
And for her life he died.

L’unique fondement de l’Église
est Jésus Christ, son Seigneur ;
Elle est sa nouvelle création
par l’eau et par la Parole.
Il est descendu du ciel
et il a voulu qu’elle soit sa sainte épouse ;
Avec son sang il l’a épousée,
et il est mort pour qu’elle vive.

 

 

CONCLUSION

65.   Nous sommes des chrétiens engagés – catho­liques et évangéliques – provenant du Guatemala, de Colombie, du Brésil, des Philippines, du Ghana/Kenya, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne, du Canada et des États-Unis. Nous venons d’endroits où les rapports sont excellents et d’endroits où les rapports sont gâtés par les tensions et la méfiance. Nous avons été chargés de représenter fidèlement nos traditions ecclésiales et de montrer la réalité des rapports entre catholiques et évangéliques dans le monde entier. Il est devenu clair assez vite que l’Alliance évangélique mondiale repré­sente des communautés chrétiennes très diverses. Chaque communauté a présenté sa propre perspective, en nous mettant parfois au défi, mais en nous permet­tant en même temps de découvrir la riche et légitime diversité du peuple de Dieu et les liens de communion qui existent entre nous.

66.   Le premier but de cette consultation était d’apprendre les uns des autres, et aussi de nous interro­ger mutuellement sur ce que nous croyons, ce que nous enseignons, et ce que nous confessons. Son deuxième but était de clarifier l’état actuel de nos rapports et d’identifier des chemins qui nous permettent d’avancer, en améliorant nos rapports là où ils sont difficiles, et en nous soutenant et nous encourageant mutuellement là où la situation est plus favorable. Durant cette consul­tation, nous avons pu voir la foi profonde et engagée de nos partenaires, et nous avons eu la possibilité de partager nos expériences de foi de façon ouverte et sin­cère. Nous avons cherché aussi à traiter les questions de doctrine et de pratiques, toujours attentifs à la pers­pective des communautés locales.

67.   Durant les six dernières années, nous avons éta­bli avec nos partenaires dans ce dialogue des rap­ports de confiance qui nous ont permis d’aborder les questions sensibles d’une manière franche, mais ami­cale. Nous invitons nos Églises à prendre le temps de s’engager dans un processus d’étude et de réflexion sur les questions, les défis et les interrogations qu’elles trouveront dans ce rapport. Cette consultation nous a appris qu’en nous respectant et en nous traitant de ma­nière chrétienne, nous pouvons aider nos communau­tés à améliorer leurs rapports mutuels dans le Christ. Avec humilité, nous avons appris à mettre de côté nos certitudes et à nous centrer sur Jésus Christ, « le che­min, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Nous avons appris aussi que nous devons chercher à comprendre les pa­roles des autres au sens où eux-mêmes les entendent. Nous sommes tous venus avec des préjugés sur les autres, mais nous nous sommes ouverts pour écouter et découvrir comment les autres voient les doctrines choi­sies comme thème de discussion dans cette consulta­tion : « Écriture et tradition », et « Église et salut ». Nous avons fait de nouvelles expérience et nous avons acquis une compréhension des autres que nous n’aurions pas pu avoir autrement. À travers ces expé­riences, nous avons appris à mieux nous connaître les uns les autres, et à mieux nous connaître nous-mêmes.

68.   Notre consultation a confirmé qu’il existe en­core de réelles différences entre évangéliques et catho­liques sur certains aspects de la vie de foi, mais aussi que nous partageons un certain nombre de convictions sur Jésus qui sont à la base de notre appel à la mission. Nos communautés partagent la même conviction sur la vie chrétienne, à savoir que le Christ nous a constitués par l’Esprit Saint en un peuple de fidèles appelés en­semble et envoyés dans le monde pour lui obéir et le servir en participant à sa vie et à sa mission. Le Seigneur nous appelle non seulement à entrer en con­versation, mais aussi à vivre pleinement les implications de cette conversation. L’unité qu’il désire pour ses dis­ciples n’est pas une unité théorique, mais une unité vé­cue, « afin que le monde croie » (Jn 17,21).

69.   Dans cette partie conclusive, nous souhaitons nous adresser aux communautés locales évangéliques et catholiques du monde entier, conscients des différences qui existent dans les situations et dans l’état de leurs relations. Nous les invitons à considérer à la fois les convergences indiquées dans le texte ci-dessus et les domaines de divergence et de questionnement mutuel. Là où il y a un accord ou une convergence, nous les in­vitons à se demander : qu’est-ce que cette convergence rend possible pour nous ? Que pouvons- nous entre­prendre ensemble, de façon appropriée et responsable, sans renoncer à nos convictions et sans exagérer notre niveau d’accord présent ? Comment le Seigneur nous demande-t-il à grandir ensemble en ce moment de l’histoire ?

70.   Il y a des limites à ce qui peut être dit en ré­ponse à chacune de ces questions. En outre, il faut te­nir compte aussi des différences qui existent d’un pays à l’autre. Ce qui est possible au Canada peut ne pas l’être au Guatemala ; ce qui est possible en Allemagne peut ne pas l’être en Espagne[23]. Nous reconnaissons aussi qu’il a fallu des années à notre consultation inter­nationale, durant lesquelles nous avons appris à nous connaître et à nous engager dans la discussion, avant que ces convergences puissent être confirmées. Si, à première vue, aucun pas en avant significatif ne paraît possible dans votre situation locale et si les conver­gences indiquées ici vous semblent problématiques, nous vous encourageons à vous demander quels petit pas en avant seraient néanmoins possibles ici et main­tenant. Dans tout ceci, nous sommes conscients que la réconciliation est toujours l’œuvre de Dieu, et non la nôtre ; mais le Seigneur nous invite à jouer notre rôle dans cet effort de réconciliation mutuelle.

71.   Dans les domaines où notre conversation a noté des convergences, nous vous invitons à vous po­ser les questions suivantes :

  • à la lumière de ces convergences, comment pour­rions-nous collaborer à l’édification du bien commun et à l’affermissement de nos communautés ? Y a-t-il des choses qu’il serait particulièrement opportun que nos communautés entreprennent ensemble dès mainte­nant ?
  • à la lumière du déboussolement social et moral du monde qui nous entoure et du besoin qu’il a d’entendre l’Évangile du Christ, comment pouvons-nous témoi­gner ensemble nos valeurs communes de façon respon­sable, en affrontant quelques-unes des questions so­ciales et politiques qui se posent dans le monde tel qu’il se présente à nous aujourd’hui ?  Ne pourrions-nous pas saisir l’occasion du 500e anniversaire de la Réforme pour réfléchir ensemble à ce que l’Évangile signifie pour nous, et à la Bonne Nouvelle qu’il peut apporter à notre monde qui en a tant besoin ?
  • même si, dans certaines situations, prier ensemble n’est pas considéré comme praticable par les évangé­liques et les catholiques, nous devons néanmoins nous demander : y a-t-il des lieux et des moments où il serait approprié de prier ensemble ? Et si oui, quelle forme devrait prendre notre prière commune ?

72.   Nous vous invitons aussi à évaluer les diver­gences et les questions mises en évidence dans notre rapport. Comme nous l’avons dit, les divergences et les questions restées en suspens ne signifient pas la fin de nos relations, mais pourraient être mises au programme des discussions futures entre nous. S’il est vrai que les convergences peuvent nous encourager à entreprendre des initiatives communes et à progresser dans nos rap­ports mutuels, une plus grande clarté sur les conver­gences et les divergences peut nous inciter à les appro­fondir, en particulier au niveau local, afin de mieux comprendre ce que nous proclamons conjointement et ce qui nous sépare. Une particularité de ce rapport a été notre questionnement mutuel dans le but de mieux nous comprendre. Quelques-unes des questions posées ici pourraient être discutées de façon fructueuse dans le cadre des communautés ; d’autres se prêteraient mieux à une discussion dans les cercles ministériels, les sémi­naires ou les facultés de théologie. Les questions que nous nous sommes posées les uns aux autres ne sont pas exhaustives. Nous les avons posées à la fois pour stimuler la discussion, pour approfondir la compréhen­sion que nous avons de nous-mêmes, et pour ap­prendre à mieux connaître les autres.

73.   Peut-être n’avons-nous pas posé vos questions. Peut-être que votre expérience au niveau local vous laisse entrevoir plus de convergences que celles relevées ici ; ou peut-être moins. Nous vous encourageons à po­ser d’autres questions dans votre propre contexte en suivant la méthode que nous avons employée. Nous vous invitons à essayer de réunir un groupe d’évangéliques et de catholiques intéressés dans votre région pour entamer une série de discussions sur les questions importantes dans votre situation locale. Ces questions ne doivent pas nécessairement être compli­quées. Choisissez un sujet que vous aimeriez traiter, d’intérêt commun, et invitez les participants à faire un exposé ou à partager sur le thème qui est discuté. En­trez dans ce processus avec vos convictions, mais aussi avec humilité et ouverture de cœur. Posez-vous les uns les autres des questions, et écoutez attentivement les réponses de vos partenaires dans la conversation. Re­cherchez les domaines où vous pouvez vous encoura­ger mutuellement, ou vous pouvez apprendre les uns des autres. Essayez de répondre aux questions des autres et de poser de nouvelles questions. Priez afin que l’Esprit Saint guide vos conversations. L’Alliance évangélique mondiale et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens vous seraient recon­naissants de leur faire connaître le résultat de vos con­versations.

74.   Enfin, nous vous invitons à considérer le dia­logue et les consultations comme une façon d’engager votre foi, comme une façon de se tenir ensemble de­vant le Christ. Le Christ est Vérité, et la plénitude de la vérité se trouve en lui seul. Nous vous invitons à con­sidérer la possibilité de vous joindre à nous, en vous engageant avec nous dans la conversation mutuelle, la consolation, et la continuation, en vous exhortant et en vous encourageant les uns les autres à être fidèles à la Parole, qui nous a promis d’ avec nous jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20).

75.   « À celui qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons demander et imaginer, à lui la gloire dans l’Église et en Jésus Christ, pour toutes les générations, aux siècles des siècles. Amen » (Ep 3,20-21).

 

 

ANNEXE 1: PARTICIPANTS

 

Participants catholiques

Mgr Juan Usma Gómez, Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Vatican/Colombie, Coordinateur (2009-2016)  [P D R]
Mgr Donald Bolen, Archevêque de Regina, Canada, (2009-2016)  [D R]
Mgr Gregory J. Fairbanks, Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, - Saint Charles Borromeo Seminary, Philadelphie, États-Unis (2009-2016)
Mme Beatriz Sarkis Simões, Mouvement des Focolari, Brésil (2009-2016)
Mgr Rodolfo Valenzuela Núñez, Évêque de La Vera Paz, Guatemala (2009-2016)
Dr Nick Jesson, (participant local), Responsable à l’œcuménisme, Diocèse catholique de Saskatoon, Canada (2015-2016)

Participants évangéliques

Rév. Pr Dr Rolf Hille, Directeur des affaires œcumé­niques de l’AEM, Allemagne, Coordinateur (2009-2016)  [P D R]
Rév. Dr Leonardo De Chirico, Alliance évangélique italienne, Italie  (2009-2016)
Rév. José De Segovia Barrón, Alliance évangélique espagnole, Espagne (2009-2013)
Rév. Pr Dr Joel C. Elowsky, Concordia Seminary, St. Louis, MO (Église luthérienne-Concordia Seminary), États-Unis (2009-2016) [D R]
Rév. Pr Dr Timoteo D. Gener, Asian Theological Seminary, Philippines (2009-2016)
Rév. Jaume Llenas, Alliance évangélique espagnole, Espagne (2014-2016)
Rév. Pr Dr James Nkansah–Obrempong, Vice-président, Commission théologique de l’AEM, Kenya (2009-2016)
Rév Pr Dr Claus Schwambach, Directeur général de la FLT – Faculté luthérienne de théologie de São Bento do Sul, SC, Brésil, (2009-2016)
Rév Dr Salomo Strauss, Église évangélique de Wuerttemberg, Allemagne (2009-2016)
Rév, James Kautt (Observateur), Église Chrétienne internationale de Tübingen, Allemagne/États-Unis (2009-2014)

 

P : Comité de planification
D : Comité de direction
R : Comité de rédaction

 

 

ANNEXE 2: LIEUX ET DOCUMENTS DE TRAVAIL

 

2008  Rome: Réunion du comité de planification

2009  São Paulo (Brésil)

« Un terrain d’entente sur les questions dogmatiques et les sujets d’éthique »

Gregory Fairbanks, « Fondements de la doctrine sociale catholique »
James Nkansah-Obrempong, « Points de vue évangé­liques sur les principes éthiques : Perceptions et pers­pectives issues du milieu africain »
Beatriz Sarkis Simões, « Économie de communion : Une expérience catholique » (communication)

Contacts avec des représentants locaux : Ministère évangélique à São Paulo

 

2011  Rome (Italie)

« Écriture et tradition » et « L’interprétation officielle de la Parole de Dieu » [The Authoritative Interpretation on the Word of God »

Donald Bolen, « Écriture et tradition dans la vision doctrinale catholique »
Joel Elowski, « Écriture et tradition dans un contexte évangélique », Concordia Journal, Hiver 2016, 41-62.
José de Segovia, « La question de l’Écriture et de la tra­dition dans les pays de tradition catholique  en Europe, tel que l’Espagne »
« Les Écritures dans la vie et la mission de l’Église » (communications)
Rodolfo Valenzuela, « Point de vue catholique dans une perspective latino-américaine »
Pr James Nkansah-Obrempong, « Réflexions dans une perspective africaine »
Carlo Maria Martini, SJ, « Le rôle central de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église. La Bible dans le ministère pastoral », (Extraits du Congrès sur Dei Verbum, Rome 2005)
Gregory J. Fairbanks, « Les Écritures dans la vie et la mission de l’Église : analyse historique »
Beatriz Sarkis Simoes, « La Bible et moi : cheminement spirituel chrétien »
Claus Schwambach, « Les Écriture dans la vie et la mis­sion de l’Église au Brésil »
Thomas Oden et Joel Elowsky, « Les Écriture dans la vie et la mission de l’Église en Amérique »

Contacts avec des représentants locaux : rencontre avec le Président du CPPUC, le Cardinal Walter Kasper

 

2012 Chicago (États-Unis)

“Le rôle de l’Église dans le salut et préparation des questionnaires”

Leonardo De Chirico, “Le salut ne peut venir que du Seigneur : consensus évangélique dans le dialogue avec le catholicisme romain” Evangelical Review of Theology 39:4 (2015) 292-310
Jean-Marie Tillard, “Église et salut”, (Sur la sacramen­talité de l’Église), ARCIC II.

Contacts avec des représentants locaux : Visite au Billy Graham Center et rencontre avec des représentants du Wheaton College

 

2013 Ville de Guatemala (Guatemala)

Premières réponses évangéliques aux questionnaires

Rolf Hille, « Quelques considérations œcuméniques fondamentales concernant le dialogue entre l’Église catholique et des théologiens évangéliques »

Contacts avec des représentants locaux Rencontre avec des responsables évangéliques du Guatemala et le Nonce Apostolique au Guatemala, l’Évêque Nicolas Henry Marie Denis Thevenin

Travail sur l’ébauche de document

Réunion du Comité de rédaction : Rome, mars 2014.

 

2014 Bad Blankenburg (Allemagne)

« Aux sources de la Réforme »

Nouvelle ébauche de document

Rencontre avec des responsables évangéliques auprès de la Maison de l’Alliance à Bad Blankenburg.

Visites d’étude à plusieurs importants sites historiques de la Réforme luthérienne (Erfurt, Wittemberg et Eisleben).

Réunion du Comité de rédaction : Boston (États-Unis), mars 2015

2015 Saskatoon (Canada) - Travail de rédaction du document final

Rencontre avec les membres du dialogue catholique-évangélique local et divers responsables évangéliques

Le Comité de rédaction reçoit le mandat de mettre définiti­vement au point  le texte final après consultation de tous les participants.

 

 

ANNEXE 3 : QUESTIONNAIRES

 

Questionnaire catholique sur les relations entre évangéliques et catholiques

 

Veuillez répondre à ce questionnaire de manière franche et honnête.

Conférence épiscopale de……………..

1.  Quel est le pourcentage des populations évangé­lique et catholique vivant dans votre pays, région ou contexte ? Il serait utile de recevoir toute information statistique sur la présence d’évangéliques dans votre contexte. Quels contacts avez-vous avec eux ?

2. Citez trois questions d’intérêt commun se posant aux évangéliques et aux catholiques dans votre région et offrant des occasions de témoignage commun dans la vie publique. Avez-vous entrepris un témoignage commun sur ces questions ?

3.  Y a-t-il des occasions où évangéliques et catho­liques se réunissent pour prier ensemble dans votre ré­gion, que cette prière ait simplement lieu entre vos deux communautés, lors de célébrations œcuméniques plus vastes ou en présence de membres d’autres reli­gions ?

4.  Avez-vous des occasions d’entreprendre en­semble un travail en faveur du bien commun ou des initiatives visant à promouvoir la justice et la paix ?

5. Pouvez-vous citer des exemples où évangéliques et catholiques ont entrepris une étude commune (p. ex. de la Bible) ou un dialogue commun dans votre ré­gion ? Êtes-vous au courant de consultations interna­tionales entre évangéliques et catholiques ou de débats au niveau national ayant eu lieu dans certains pays au cours des dernières décennies ?

6.  Pouvez-vous citer des exemples de coopération entre évangéliques et catholiques dans des établisse­ments d’enseignement ou des facultés théolo­giques/séminaires dans votre région ? Faites-vous quelque chose dans vos Églises pour approfondir votre compréhension de l’autre, afin de faire disparaître les incompréhensions et les idées reçues ?

7.  Les responsables évangéliques et catholiques ont-ils l’opportunité de se rencontrer régulièrement dans votre région ? Si oui, prenez-vous part à ces réu­nions ? Les organisations œcuméniques de votre région comptent-elles parmi leurs membres des évangéliques et des catholiques ?

8.  Avez-vous eu d’autres contacts avec des évangé­liques ? Quel genre de relation avez-vous établi (qu’elle soit positive ou négative) ? Ces relations ont-elles évo­lué ces dernières années ?

9.  Des changements notables se sont-ils produits au sein des Églises évangélique au cours des dernières décennies ? Si oui, dans votre région quelles répercus­sions ont-ils entraînées dans vos relations ?

10. Dans votre contexte, quels sont selon vous les principales difficultés à surmonter dans le cadre des relations et du dialogue évangélique-catholique ? Qu’est-ce qui fait obstacle à votre travail commun ?

11. Dans quelle mesure l’activité évangélique de pro­clamation de l’Évangile – évangélisation, tentative d’approfondir la foi personnelle de l’auditeur – est-elle perçue du côté catholique comme du prosélytisme ? Trouvez-vous que le prosélytisme complique les rela­tions entre évangéliques et catholiques dans votre ré­gion et faites-vous quelque chose pour affronter ce problème ?

12. Estimez-vous que les communautés évangé­liques sont des communautés ecclésiales ou des sectes ? Comment considérez-vous les évangéliques pris indivi­duellement ? Voyez-vous en eux des compagnons dans la foi, des frères et sœurs en Christ ?

 

 

Questionnaire évangélique sur les relations catholiques-évangéliques

 

Alliance évangélique nationale de ………………….

1.    À votre connaissance, quel est le nombre ap­proximatif d’évangéliques vivant dans votre pays ?

2.    Dans le passé, quels étaient les motifs de tension entre évangéliques et catholiques ? Quelles sont les ten­sions qui, éventuellement, persistent encore au­jourd’hui ? Avez-vous remarqué une amélioration dans les relations entre les deux groupes ?

3.    Votre Communauté (Église) a-t-elle eu des con­tacts avec des catholiques dans le passé ? Des contacts existent-ils actuellement avec des catholiques ? Si oui, comment étaient-ils (ou sont-ils) ?

4.    Votre Communauté (Église) considère-t-elle les catholiques comme des frères et sœurs en Christ en (ajouter la zone géographique) ? Si oui ou si non, pour­quoi ?

5.    Si vous pouvez, citez trois sujets de préoccupa­tion communs auxquels sont confrontés les évangé­liques et les catholiques dans votre région et qui sont l’occasion de témoigner ensemble ouvertement (p. ex. des questions de société, de justice, des problèmes po­litiques). Vous êtes-vous engagé, vous-même ou votre alliance nationale, à témoigner ensemble sur ces ques­tions ?

6.    Avez-vous remarqué des changements dans l’Église catholique (EC) durant les dernières décennies, par exemple depuis le Concile Vatican II ? Ces chan­gements ont-ils eu des retombées sur les relations avec les catholiques dans votre région et si oui, lesquelles ?

7.    Pouvez-vous citer des exemples où évangéliques et catholiques ont entrepris une étude commune (p. ex. de la Bible) ou un dialogue dans votre région ?

8.    Êtes-vous au courant des consultations au ni­veau international entre évangéliques et catholiques ou du débat au niveau national qui ont eu lieu dans cer­tains pays au cours des récentes décennies ?

9.    Les évangéliques et les catholiques prennent-ils part dans votre région au travail de certains organismes à vocation œcuménique ou interconfessionnelle ?

10. Les responsables évangéliques et catholiques ont-ils la possibilité de se réunir régulièrement dans votre région ? Si oui, participez-vous à ces rencontres ?

11. Inciteriez-vous un catholique converti à rester dans son Église ?

12. Selon vous, quels sont les plus importants défis auxquels, dans votre région, les relations et le dialogue entre évangéliques et catholiques sont confrontés ? Qu’est-ce qui fait obstacle à notre travail commun ?

13. En quoi les alliances nationales estiment-elles que le rôle joué par l’Alliance mondiale (AEM) dans les contacts et le dialogue avec l’EC peut contribuer de manière positive à leur action ? En tant qu’AEM, comment pouvons-nous aider les alliances nationales et régionales à développer le dialogue avec les catholiques au niveau national ou régional ?

 

NOTES

[1]. Comme le dit le document Dialogue entre évangéliques et ca­tholiques sur la mission, « la conversion et le Baptême sont les portes d’entrée dans la nouvelle communauté de Dieu, même si les évangéliques distinguent entre les aspects visibles et in­visibles de cette communauté. Pour eux, la conversion est le moyen pour entrer dans l’Église invisible, et le Baptême, le moyen approprié qui en découle pour entrer dans l’Église visible » (4.3).

[2]. La Déclaration de foi de l’Alliance évangélique mon­diale dit : « Nous croyons en... l’unité d’Esprit de tous les vrais croyants, l’Église, corps du Christ », et le Décret sur l’œcuménisme Unitarisme rédintégration 1 dit : « Une seule et unique Église a été fondée par le Christ Seigneur ».

[3]. Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, Con­seil mondial des Églises et Alliance évangélique mondiale, Le témoignage chrétien dans un monde multi-religieux : recommandations de conduite, Préambule, Genève, 28 juin 2011.

[4]. Dans le Credo, le mot « catholique » signifie « universel ».

[5]. Sur les convergences et les divergences ecclésiolo­giques entre évangéliques et catholiques, voir « Église, évan­gélisation et les liens de la koinonia, Rapport de la consulta­tion internationale entre l’Église catholique et l’Alliance évangélique mondiale (1993-2002), en particulier la première partie, « Catholiques, évangéliques et koinonia », sections B et C.

[6]. Pour le sens donné au mot « Église » dans ce docu­ment, voir les paragraphes 50 et suivants.

[7]. Voir la section 2 sur la Tradition apostolique, para­graphes 29 et suivants.

[8]. Comme le Déclare l’Engagement du Cap du Lausanne Movement, 2010, Partie 1,6 : « Nous affirmons que la Bible est la parole écrite finale de Dieu qui n’a été surpassée par aucune révélation postérieure, tout en nous réjouissant de voir que l’Esprit Saint éclaire le peuple de Dieu afin que la Bible puisse continuer à transmettre les vérités de Dieu de façon nouvelle aux hommes de toutes les cultures ».

[9]. Cf. Jean-Paul II, Ut unum sint 79.

[10]. Jérôme, Commentaire sur Isaïe, Livre 18, Prologue, PL 24,17b.

[11]. Les réformateurs confessaient les trois Credo œcumé­niques ; Mélanchton et Luther citaient souvent les Pères de l’Église qui sont en effet fréquemment mentionnés dans la Formule de Concorde de Luther, laquelle inclura plus tard un Catalogue des témoignages rédigé par Jakob Andreae et Martin Chemnitz ; pour le recours de Calvin aux textes des Pères de l’Église, voir l’ouvrage d’Anthony Lane, John Calvin: Student of the Church Fathers (New York, Continuum Interna­tional Publishing, 1991).

[12]. Catéchisme de l’Église catholique (CEC) 83.

[13]. Mouvement né au XXe siècle parmi les théologiens ca­tholiques engagés en faveur d’un retour aux sources an­ciennes, à utiliser dans la liturgie, la théologie et l’interprétation biblique.

[14]. Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sa­crements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie (2001).

[15]. Joseph Ratzinger, Église, œcuménisme et politique, Fayard 2005.

[16]. Cf. Walter Kasper, Récolter les fruits : Aspects fondamen­taux de la foi chrétienne en dialogue œcuménique, 2009.

[17]. Un autre terme utilisé était celui de co-inhérence. Pour une explication plus détaillée, voir Évangéliques et catho­liques ensemble. Ta parole est vérité (2002).

[18]. Ni les catholiques ni les évangéliques n’acceptent l’idée que le Christ puisse être resacrifié durant l’Eucharistie par le prêtre qui y préside.

[19]. Voir note en bas de page 4.

[20]. La traduction anglaise du Credo peut prêter à confu­sion, parce que le latin dit : Credo in unum Deum, Pater omnipotentem... Et in unum Dominum Jesum Christum... Et in Spiritum Sanctum... Et unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam. Nous « croyons en » les Personnes divines, mais dans le texte latin on ne trouve pas « in » devant « l’Église ».

[21]. Les catholiques indiqueraient aussi Ac 2,11 (Confirma­tion) ; Jn 20,22-23 (Repentance et Réconciliation) ; Jc 5,14-15 (Onction des malades) ; Nb 11,25 (Saints Ordres) ; Mt 19,6 ; Gn 1,28 ; Mc 10,9 (Mariage) pour se réfé­rer aux autres sacrements.

[22]. Chez les catholiques il existe sept sacrements, tous ins­titués par notre Seigneur Jésus-Christ, dont les deux prin­cipaux sont le Baptême et l’Eucharistie. Les sacrements sont « les chefs d’œuvre de Dieu » (saint Augustin, De civ. Dei 22,17), « Forces qui sortent du Corps du Christ, toujours vi­vant et vivifiant  » (CEC 116 ; cf. Lc 5,17.6,19.8,46). Les sa­crements sont de l’Église et ils font l’Église, en ce qu’ils « manifestent et communiquent aux hommes, surtout dans l’Eucharistie, le Mystère de la Communion du Dieu Amour, Un en trois Personnes »  (CEC 1118). Les catholiques sont convaincus que dans les sacrements, l’Église fait plus que professer et exprimer sa foi : elle rend présent le mystère qu’elle célèbre.

[23]. Dans certaines parties du monde, catholiques et évan­gélique parlent de s’engager dans une « mission commune ». En disant cela, ils ne veulent pas dire qu’ils projettent d’implanter des Églises ensemble, mais plutôt qu’ils veulent poursuivre conjointement des objectifs humanitaires en tra­vaillant ensemble pour la justice, la paix, les droits humains et le bien commun. Dans d’autres parties du monde, évangé­liques et catholiques seraient très mal à l’aise avec la notion d’une mission commune.