LE DIALOGUE CATHOLIQUE ROMAIN-ÉVANGÉLIQUE SUR LA MISSION 
(ERCDOM)

1977-1984

 

UN RAPPORT

 

CONTENU

Introduction 

1. Les participants 
2. L'arrière-plan
3. L'expérience vécue
4. Le rapport

1. Révélation et autorité 

1) La révélation, la Bible et la formulation de la vérité
2) Principes d'interprétation biblique 
3) L'autorité doctrinale de l'Église
4) L'Église peut-elle être réformée ?

2. La nature de la mission 

1) Le fondement de la mission
2) L'autorité et l'initiative dans la mission
3) L'évangélisation et la responsabilité socio-politique
4) L'œuvre de Dieu à l'extérieur de la communauté chrétienne

3. L'Évangile du salut 

1) Les besoins de l'humanité
2) La personne de Jésus Christ
3) L'œuvre de Jésus Christ
4) Le caractère unique et l'universalité de Jésus Christ
5) La signification du salut

Appendice : Le rôle de Marie dans le salut

4. Notre réponse dans l'Esprit Saint à l'Évangile 

1) L'œuvre du Saint Esprit
2) Conversion et baptême
3) L'appartenance ecclésiale
4) L'assurance du salut

5. L'Église et l'Évangile 

1) L'Église fait partie de l'Évangile 
2) L'Église est un fruit de l'Évangile
3) L'Église est une incarnation de l'Évangile
4) L'Église est un agent de l'Évangile

6. L'Évangile et la culture 

1) La culture et la Bible
2) Culture et évangélisation
3) Culture et conversion
4) Culture et formes ecclésiales

7. Les possibilités de témoignage commun 

1) Notre unité et notre désunion
2) Témoignage commun
3) Contre-témoignage

Conclusion 

Appendice : Les participants
Notes

   

 

INTRODUCTION

Le dialogue Évangélique-Catholique romain sur la Mission* comprend une série de trois rencontres échelonnées sur une période de sept ans, la première à Venise en 1977, la seconde à Cambridge en 1982 et la troisième à Landévennec, en France, en 1984.

 

1. Les participants

Ceux qui ont pris part au dialogue sont des théologiens et des missiologues venant de nombreuses parties du monde. Leurs noms se trouvent en annexe. Six d'entre nous (trois de chaque côté) sont venus aux trois rencontres, alors que les autres ne pouvaient être présents qu'à une ou deux sessions.

Les participants évangéliques provenaient de plusieurs églises et organisations chrétiennes. Ils n'étaient cependant pas des représentants officiels d'un organisme international. Le mouvement évangélique embrasse un large éventail de groupements qui comprend des confessions évangéliques (qui font partie ou non du Conseil œcuménique des Églises), des fraternités évangéliques (existant à l'intérieur de confessions principales) et des agences évangéliques para-ecclésiales (se spécialisant dans des œuvres comme la traduction de la Bible, l'évangélisation,[1] les missions interculturelles, l'aide au Tiers-Monde et le développement) qui se reconnaissent des degrés variés de responsabilité face à l'Église.[2]

Il n'est pas facile de résumer les croyances distinctes des chrétiens évangéliques, car chaque église et chaque groupe mettent en relief des doctrines différentes. Cependant, tous les Évangéliques partagent un noyau de convictions théologiques qui ont été redécouvertes et réaffirmées par les réformateurs du XVIe siècle. Ces convictions comprennent (en plus des grandes affirmations du Credo nicéen) l'inspiration et l'autorité de la Bible, la suffisance de son enseignement pour le salut et sa suprématie sur les traditions de l'Église ; la justification des pécheurs (c'est-à-dire leur admission comme justes aux yeux de Dieu) sur le seul fondement de la mort de Jésus Christ pour nos péchés – souvent dite « par substitution » –, par la seule libre grâce de Dieu, reçue par la foi seule, sans l'apport d'œuvres humaines ; l'œuvre intérieure de l'Esprit Saint en vue de la nouvelle naissance et de la transformation des régénérés à l'image du Christ ; la nécessité du repentir personnel et de la foi au Christ (« conversion ») ; l'Église comme Corps du Christ qui incorpore tous les vrais croyants et dont tous les membres sont appelés au ministère, certains comme « évangélistes, pasteurs et enseignants » ; le « sacerdoce de tous les croyants » qui (sans aucune médiation sacerdotale sauf celle du Christ) ont tous également accès à Dieu et qui tous lui offrent leur sacrifice de louange et leur culte ; l'urgence du grand commandement de répandre l'évangile à travers le monde, à la fois verbalement par la proclamation et visuellement par les bonnes œuvres d'amour ; et l'attente du retour personnel, visible et glorieux de Jésus Christ pour sauver, régner et juger.

Les participants catholiques-romains, qui sont intervenus à partir du point de vue de l'enseignement officiel de leur Église, ont été nommés par le Secrétariat du Vatican pour la promotion de l'unité des chrétiens. L'existence de ce Secrétariat est une preuve du renouveau effectif de l'attitude des Catholiques romains face aux autres chrétiens, commencé à la suite du Concile Vatican II, il y a vingt ans, et qui continue toujours à produire ses effets. Au Concile, il a été reconnu que « l'Église, au cours de son pèlerinage, est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu'institution humaine et terrestre ».[3] Il en a résulté que les Catholiques romains sont capables de reconnaître dans la joie « les richesses du Christ et sa puissance agissante dans la vie de ceux qui témoignent pour le Christ ».[4] Ce même renouveau a conduit les Catholiques romains à une nouvelle manière d'aborder les Écritures, exhortant l'Église « à acquérir une connaissance de jour en jour plus profonde des Saintes Écritures » qui « contiennent la Parole de Dieu et, parce qu'elles sont inspirées, sont réellement la parole de Dieu ».[5] Le Concile a également conduit à une meilleure expression du rapport entre Écriture et tradition dans la communication de la Parole de Dieu dans sa pureté. Voilà donc les éléments qui ont permis aux Catholiques romains de reconnaître qu'il existe un terrain commun avec les autres chrétiens et d'assumer leur propre responsabilité pour dépasser les divisions au nom de la mission de Dieu et de la plénitude de sa gloire.

 

2. L'arrière-plan

Dieu veut que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il n'y a qu'un seul Dieu, qu'un seul médiateur aussi entre Dieu et les hommes, un homme : Christ Jésus, qui s'est donné en rançon pour tous » (1 Tm 2, 4-5), « il n'y a aucun salut ailleurs qu'en lui » (Ac 4, 12). La mission a son point de départ dans l'activité même de Dieu qui a envoyé son propre Fils et dont le Fils a envoyé son Esprit. Tous ceux qui appartiennent à Dieu en Jésus Christ doivent partager cette mission de Dieu.

Un dialogue sur la mission entre Évangéliques et Catholiques romains a été possible pour deux raisons. Premièrement, les deux parties ont récemment centré leur attention sur l'évangélisation. En juillet 1974, le Congrès évangélique international sur l'évangélisation du monde a eu lieu en Suisse et a publié « La Convention de Lausanne ».[6] Quelques mois plus tard la troisième Assemblée générale du Synode des évêques de l'Église catholique romaine a étudié le même sujet et à leur demande, le Pape Paul VI a publié en décembre 1975 son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi ou « L'Évangélisation dans le monde moderne ».[7]

Deuxièmement, l'étude de ces deux documents révèle une certaine convergence dans notre compréhension de l'évangélisation, comme le démontrent les citations suivantes : « Évangéliser, c'est répandre la bonne nouvelle que Jésus Christ est mort pour nos péchés et qu'il est ressuscité des morts selon les Écritures... L'évangélisation est en soi la proclamation du Christ historique et biblique comme Sauveur et Seigneur... ».[8] Encore, le témoignage doit être « explicité par une annonce claire, sans équivoque, du Seigneur Jésus. (...) Il n'y a pas d'évangélisation vraie si le nom, l'enseignement, la vie, les promesses, le Règne et le mystère de Jésus de Nazareth Fils de Dieu ne sont pas annoncés ».[9]

 

3. L'expérience vécue

De nos jours, plusieurs formes de dialogue sont possibles. Certains dialogues sont entrepris en vue de travailler immédiatement à l’unité organique entre les différents corps représentés par les participants. D'autres, sans exclure cet objectif, commencent le dialogue à partir du lieu où ils se tiennent avec un objectif plus général. Et d'autres encore débutent le dialogue en affirmant qu'ils ne visent pas l'unité organique ou structurelle mais se proposent plutôt d'échanger des perspectives théologiques afin d’améliorer la compréhension mutuelle et de découvrir quels fondements théologiques ils ont en commun. ERCDOM appartient à ce dernier type de, dialogue. Il n'a pas été conçu comme une étape vers des négociations pour l'unité ecclésiale. Il a plutôt été une recherche d'un terrain commun révélé au fur et à mesure que les Évangéliques et les Catholiques romains essaient d'être toujours plus fidèles à leurtâche missionnaire. Ce dialogue a également été entrepris avec la conscience qu'il existe encore des désaccords et des malentendus entre Évangéliques et Catholiques romains, qui portent atteinte à notre témoignage rendu à l'Évangile, qui sont en contradiction avec la prière du Seigneur pour l'unité de ses disciples, et qui demandent, si possible, à être dépassés.

Au cours des trois rencontres, des amitiés se sont formées, le respect et la compréhension mutuelle ont grandi au fur et à mesure que les participants ont appris à s'écouter réciproquement et à se battre avec des questions difficiles qui entraînent la division, tout en se réjouissant de la découverte de quelques points d'entente commune.

Ce fut une expérience éprouvante et enrichissante. Elle a été pénétrée de la volonté de dire la vérité, simplement, sans équivoque et avec amour. Ni le compromis ni la recherche du plus petit dénominateur n'ont eu droit de cité, alors que la recherche patiente de la vérité et le respect de l'intégrité des uns et des autres avaient leur place.

 

4. Le rapport

Ce rapport n'est absolument pas une « déclaration commune » mais un résumé fidèle des idées partagées. Il ne recouvre pas tout, car beaucoup plus de questions ont été effleurées que ce qui peut trouver place dans ce bref rapport. Cependant, nous englobons suffisamment de contenu pour donner une idée substantielle du développement du dialogue et pour en partager des aspects sans pour autant créer des incompréhensions ou de fausses attentes.

Un effort a été fait pour indiquer ce qui s'est passé aux trois rencontres, en considérant, toutefois qu'à aucune des rencontres un exposé complet n'a été donné sur la plupart des thèmes. ERCDOM n'était qu'une première étape quoique non négligeable.

Notre rapport donne une description de certains domaines où les Évangéliques et les Catholiques romains partagent des vues similaires ou communes qui nous deviennent plus limpides au fur et à mesure que nous dépassons les stéréotypes et les préjugés que nous avons les uns des autres. En plus, il met en évidence certains sujets sérieux sur lesquels Évangéliques et Catholiques romains diffèrent, mais sur lesquels les participants d'ERCDOM ont appris, depuis sept ans, à dialoguer et à s'écouter l'un l'autre.

Quoique tous ceux qui ont participé aux trois rencontres aient largement contribué à ce rapport, la responsabilité de la rédaction définitive repose sur ceux qui étaient à Landévennec. Nous le publions avec l'approbation générale des participants de 1984, quoique ce ne soit pas un type de document exigeant l'assentiment formel de chacun. Néanmoins ceux-ci souhaitent ardemment que ce rapport puisse encourager des rencontres locales de dialogue entre Évangéliques et Catholiques romains. Notre rapport est loin d'être définitif ; le dialogue doit continuer et se développer.

Les participants d'ERCDOM offrent ce rapport aux autres Évangéliques et Catholiques romains en signe de leur conviction que la fidélité à Jésus Christ exige aujourd'hui que nous prenions plus au sérieux son désir pour ses disciples. Jésus a prié pour la vérité, la sainteté, la mission et l'unité de son peuple. Nous croyons que ces dimensions du renouveau de l'Église forment un tout. C'est avec ce sentiment que nous faisons nôtre sa prière pour nous-mêmes et les uns pour les autres : « Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde... Je prie... que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient un en nous eux aussi, afin que le monde croie... » (Jn 17, 17-21).

 

 

1. RÉVÉLATION ET AUTORITÉ

On peut se demander avec raison pourquoi les participants à un dialogue sur la mission passeraient du temps à discuter de questions théologiques telles que la révélation divine, les Écritures, la formulation de la vérité, les principes de l'interprétation biblique et le magistère de l'Église ou l'autorité doctrinale. Ces sujets peuvent ne pas sembler directement reliés à notre mission chrétienne dans le monde. Cependant, nous avons jugé leur discussion nécessaire à notre tâche pour deux raisons principales : La première raison est historique : le problème de l'autorité en général et du rapport entre Écriture et Tradition en particulier ont été un des points principaux de litige au XVIesiècle. En effet, l'insistance évangélique sur la « sola Scriptura » a toujours été reconnue comme le principe « formel » de la Réforme. Les Catholiques romains et les Évangéliques ne pourront jamais arriver à une meilleure compréhension mutuelle ou à un accord sur quelque sujet que ce soit s'ils n'arrivent pas à une entente sur celui-ci. En effet, dans toutes les branches de l'Église chrétienne, l'ancienne question « par quelle autorité ? » (Mc 11, 28) demeure centrale à toute discussion œcuménique. La deuxième raison pour laquelle nous avons inclus ce sujet à notre ordre du jour, c'est qu'il est plus pertinent pour la mission qu'il ne peut le sembler à première vue. Car il ne peut y avoir de mission sans message, il ne peut y avoir de message sans qu'il soit défini et aucune définition n'est possible sans entente sur le comment ou sur la base sur laquelle celui-ci sera défini.

 

1. La Révélation, la Bible et la formulation de la vérité

Les Catholiques romains et les Évangéliques sont complétement d'accord sur la nécessité de la révélation si jamais l'homme doit arriver à la connaissance de Dieu. Car Dieu est infini dans ses perfections, alors que nous, nous sommes des créatures finies et des pécheurs déchus. Ses pensées et ses voies sont aussi élevées au-dessus de nous que les cieux le sont au-dessus de la terre (Is 55, 9). Il est au-delà de nous, infiniment inconnaissable s'il ne choisit pas de se faire connaître, infiniment impénétrable s'il ne choisit pas de se faire proche de nous. Et ensemble nous croyons que c'est ce qu'il a fait. Il a révélé la gloire de sa puissance dans l'univers créé,[10] et la gloire de sa grâce dans son Fils Jésus Christ et dans les Écritures dont celui-ci dit qu'elles lui portent témoignage (par ex. Jn 5, 39).

Ce processus de révélation spéciale prend naissance au temps de l'Ancien Testament. « Dieu a parlé autrefois aux pères dans les prophètes » (He 1, 1). Il a fait d'Israël son peuple et il les a enseignés par la loi et les prophètes. Les Écritures de l'Ancien Testament rapportent cette histoire et cet enseignement. Puis, le Père a envoyé son Fils qui a revendiqué d'être l'accomplissement de la prophétie, qui a proclamé qu'il était lui-même la bonne nouvelle du salut, qui a choisi les douze apôtres pour être ses témoins privilégiés et qui leur a promis l'inspiration de son Esprit. Après la Pentecôte, ils sont allés partout annonçant l'Évangile. Par leur parole, des communautés chrétiennes ont pris naissance, nourries par l'Ancien Testament et l'Évangile. L'enseignement des apôtres a été recueilli dans des hymnes, des confessions de foi et plus particulièrement dans leurs lettres. Avec le temps, l'Église a reconnu l'autorité unique de leurs écrits comme témoin de l'authentique Évangile de Jésus Christ. De cette manière, a été constitué le canon du Nouveau Testament qui, avec l'Ancien Testament, forme les Écritures chrétiennes.

Nous reconnaissons tous que dans les Écritures, Dieu utilise des mots humains comme véhicules de sa communication. L'action inspiratrice de l'Esprit est telle, cependant, que ce qu'ont écrit les auteurs humains est ce que Dieu voulait révéler. L'Écriture est donc sans erreur. Parce qu'elle est la Parole de Dieu, son autorité divine et son unité doivent être reconnues et parce que Dieu a parlé par des êtres humains, le contexte humain originaire doit être aussi pris en considération dans le travail d'interprétation.

Mais les mots humains, même inspirés, suffisent-ils à décrire pleinement Dieu ? Non. La réalité infinie du Dieu vivant est un mystère qui ne peut pas être parfaitement communiqué par des mots ou parfaitement compris par l'esprit humain. Aucune formulation verbale ne peut être co-extensive à la vérité qui est en elle. Néanmoins, Dieu a daigné utiliser des paroles aussi bien que des œuvres comme un moyen approprié pour se révéler et nous devons nous efforcer de les comprendre. Nous le faisons avec la confiance que s'ils ne révèlent pas Dieu pleinement, ils le révèlent cependant en vérité.

Les Catholiques romains et les Évangéliques diffèrent quelque peu dans leur compréhension de la nature de l'Écriture et beaucoup plus sur un processus adéquat d'interprétation de la Parole. Les deux groupes reconnaissent que Dieu a parlé par des auteurs humains, dont la langue appartient à des cultures précises.

Les Catholiques romains parlent de cette relation entre le divin et l'humain dans l'Écriture en analogie avec le divin et l'humain dans le Christ. Comme le dit le Concile Vatican II : « Les paroles de Dieu, en effet, exprimées en des langues humaines, ont pris la ressemblance du langage humain, tout comme autrefois le Verbe du Père éternel, ayant pris la chair de la faiblesse humaine, s'est fait semblable aux hommes ».[11] Ainsi le témoignage écrit des auteurs bibliques est inscrit dans la logique de l'Incarnation.

Les Évangéliques utilisent parfois cette analogie, mais ils ne sont pas complétement à l'aise avec elle. Même s'ils lui reconnaissent une certaine justesse, ils ne la croient pas exacte car il n'y a pas d'union hypostatique entre l'humain et le divin dans l'Écriture. Ils font plutôt valoir habituellement le modèle de la providence de Dieu, c'est-à-dire que celui-ci est capable d'accomplir sa parfaite volonté même à travers des humains déchus. Il a donc parlé par les auteurs humains de la Bible de telle manière qu'il n'a ni supprimé leur personnalité, ni déformé sa révélation.

Nous affirmons donc ensemble que la Parole de Dieu écrite est l'œuvre et de Dieu et d'hommes. Les éléments divins et humains forment une unité qui ne peut pas être brisée et qui exclut toute confusion et toute séparation entre eux.

En ce qui concerne le processus d'interprétation, les Catholiques romains tiennent que l'Écriture doit être perçue comme ayant été produite par et dans l'Église. Elle nous est transmise par le témoignage inspiré des premiers chrétiens. L'authentique processus d'interprétation est déterminé par le processus de la formation de l'Écriture. Nous ne pouvons pas la saisir dans sa vérité à moins de la recevoir dans la foi vivante de l'Église qui, assistée de l'Esprit Saint, nous garde dans l'obéissance à la Parole de Dieu.

Les Évangéliques reconnaissent qu'il est sage d'écouter l'Église et ses maîtres, passés et présents, pour la compréhension de la Parole de Dieu, mais ils insistent sur le fait que chaque croyant doit pouvoir exercer librement sa responsabilité personnelle devant Dieu dans l'écoute et l’obéissance à sa Parole. Si les interprétations ecclésiales peuvent souvent aider, elles ne sont pas finalement nécessaires car l'Écriture, sous l'illumination de l'Esprit, est claire et s'interprète d'elle-même.

Par conséquent, l'idée de contemporanéité a une signification différente dans nos deux communautés. Chacune reconnaît que la Parole de Dieu doit être écoutée pour et dans le monde d'aujourd'hui. Pour les Catholiques romains, la Parole de Dieu est contemporaine en ce sens qu'elle est écoutée et interprétée à l'intérieur de l'Église vivante. Pour les Évangéliques, elle est contemporaine dans le sens que sa vérité doit s'appliquer au monde moderne par l'illumination du Saint-Esprit.

Malgré ces différences, nous sommes d'accord pour que les textes bibliques, puisqu'ils ont été inspirés par Dieu, demeurent la référence ultime, permanente et normative de la révélation de Dieu. L'Église doit toujours s'y référer afin de discerner plus clairement leur signification et, en conséquence, en recevoir des aperçus, des réformes et des défis. Les textes eux-mêmes n'ont pas à être réformés même s'ils ont besoin d'être constamment interprétés, surtout dans des situations où l'Église rencontre de nouveaux problèmes et des cultures différentes. Les Catholiques romains estiment que « la charge d'interpréter authentiquement la parole de Dieu écrite ou transmise a été confiée au seul Magistère vivant de l'Église ».[12] Ceci, pour les Évangéliques, semble porter atteinte à l'Écriture comme « la référence ultime, permanente et normative ». Néanmoins, les deux parties tiennent fermement à l'inspiration divine de l'Écriture.

 

2. Principes d'interprétation biblique

Notre compréhension de la nature de la Bible détermine l'interprétation que nous en faisons. Parce qu'elle est la Parole de Dieu, nous l'aborderons d'une manière, et parce qu'elle est aussi paroles d'homme, nous le ferons d'une autre.

a) Humble dépendance de l'Esprit Saint

Parce que la Bible est la Parole de Dieu, nous devons l'aborder avec respect et humilité. Nous ne pouvons pas comprendre par nous-mêmes la révélation de Dieu car c'est « spirituellement qu'on en juge » (1 Co 2, 14). Est seul à pouvoir nous interpréter son message celui qui a parlé par les prophètes et les apôtres. Seul l'Esprit de vérité peut ouvrir nos cœurs pour comprendre, croire et obéir. Telle est la « sagesse » et l'Esprit Saint est « l'Esprit de sagesse et de révélation » dans notre connaissance de Dieu (Ep 1, 17). De plus, l'Esprit œuvre à l'intérieur du Corps du Christ, comme nous le verrons plus loin.

b) L'unité de l'Écriture

Parce que la Bible est une Parole de Dieu, elle a une unité fondamentale. Il s’agit d’une unité d'origine parce que celui qui se révèle ne se contredit pas, mais aussi une unité de message et d'objectif. Car le Seigneur a dit : les Écritures « me rendent témoignage » (Jn 5, 39 ; cf. Lc24, 25-27). De même lisons-nous que les « Écritures saintes ont le pouvoir de te communiquer la sagesse qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus » (2 Tm 3, 15). L'objectif que Dieu poursuit par l'Écriture est de rendre témoignage au Christ comme Sauveur, de convaincre tous les hommes et toutes les femmes de venir à lui pour leur salut, de les conduire à la maturité dans le Christ et de les envoyer dans le monde avec la même bonne nouvelle.

Au cœur d'un contenu très divers, l'Écriture a donc un seul sens qui pénètre et illumine tous les sens partiels. Nous renonçons à tout effort d'imposer une unité artificielle à l'Écriture ou même d'insister sur un seul concept englobant. Nous découvrons plutôt dans l'Écriture une unité donnée par Dieu, qui se centre sur le Christ qui est mort et ressuscité pour nous et qui offre sa propre vie nouvelle à tous les siens, identique pour tous les âges et toutes les cultures. Cette place centrale du Christ dans les Écritures est une clé herméneutique fondamentale.

c) La critique biblique

Puisque la Bible est la Parole de Dieu transmise par des mots humains sous la mouvance de l'Esprit Saint, qui seul peut nous conduire à la compréhension de l'Écriture, nous devons faire usage des instruments de la critique scientifique pour son élucidation. Nous apprécions les gains positifs des sciences bibliques modernes. La critique humaine et l'Esprit de Dieu ne s'excluent pas l'un l'autre. Par « critique » nous ne voulons pas dire que nous mettons en jugement la Parole de Dieu, mais plutôt que nous devons scruter les fondements historiques, culturels et littéraires des livres bibliques.

Nous devons aussi faire un effort pour demeurer conscients des présupposés que nous apportons à notre étude du texte, car aucun d'entre nous ne vit dans un milieu religio-culturel vide. Nous devons essayer de nous assurer que nos présupposés sont chrétiens et non sécularisés. Certains présupposés de la philosophie profane qui ont vicié l'étude critique de la Bible sont : a) évolutionnistes (la religion s'est développée d'en-bas au lieu d’être révélée d'en-haut) ; b) anti-surnaturels (les miracles sont impossibles et donc les miracles bibliques ne sont que des légendes) ; c) démythologisants (l'univers de la pensée qui a servi à transmettre le message biblique est entièrement incompatible avec l'âge moderne et doit être écarté). Les présupposés sociologiques sont aussi dangereux, par exemple lorsqu'on projette sur l'Écriture un système économique donné que nous favorisons, qu'il soit capitaliste, communiste ou autre.

Un critère qui permet d'évaluer notre méthodologie critique est de savoir si oui ou non celle-ci rend le peuple capable d'entendre le message biblique de la bonne nouvelle de Dieu qui se révèle et qui se donne dans la mort et la résurrection du Christ au sein de notre histoire.

d) Le sens « littéral »

La première tâche de toute étude critique est de nous aider à découvrir l'intention originelle des auteurs. Quel est le genre littéraire utilisé ? Qu'avaient-ils l'intention de dire ? Que voulaient-ils nous faire comprendre ? Car ceci est le sens « littéral » de l'Écriture et sa recherche est un des plus anciens principes affirmés par l'Église. Nous ne devons jamais séparer un texte de son contexte biblique et culturel, mais plutôt nous transporter à l'époque où la parole fut prononcée et entendue pour la première fois.

e) Un message contemporain

Nous concentrer uniquement sur le texte ancien nous conduirait cependant à une archéologie peu pratique. Nous devons dépasser le sens original pour atteindre le message contemporain. En effet, il y a un urgent besoin pour l'Église d'appliquer l'enseignement de l'Écriture avec créativité aux questions complexes d'aujourd'hui. Cependant, la quête de pertinence ne doit pas remplacer la fidélité. L'ancien et le moderne, l'original et le contemporain doivent toujours se retrouver ensemble. Un texte signifie toujours ce que son auteur entendait dire.

Dans cette dialectique entre l'ancien et le nouveau, nous devenons souvent conscients d'un heurt entre cultures, qui exige de nous une grande sensibilité spirituelle. D'une part, nous devons être au courant des anciens termes culturels par lesquels Dieu a parlé afin de pouvoir distinguer entre la vérité éternelle et la composition transitoire. D'autre part, nous devons être conscients de la culture moderne et des univers intellectuels qui nous conditionnent, certaines de ces valeurs nous rendant aveugles et sourds à ce que Dieu veut nous dire.

 

3. L'autorité doctrinale de l'Église

C'est une chose d'avoir des principes d'interprétation biblique, c'en est une autre de savoir comment les utiliser. Comment ces principes doivent-ils être mis en pratique et qui est responsable de celle-ci ?

a) L'individu et la communauté

Les Évangéliques, qui depuis la Réforme ont insisté à la fois sur « le sacerdoce de tous les croyants » et sur « le droit du jugement privé », mettent l'accent sur la valeur et le devoir de l'étude personnelle de la Bible. Le Concile Vatican II a aussi recommandé que « l'accès à la Sainte Écriture soit largement ouvert aux chrétiens ».[13]

Tant les Évangéliques que les Catholiques romains reconnaissent cependant les dangers soulevés par l'accessibilité de l'Écriture à tous les chrétiens et par l'encouragement à sa lecture. Comment protéger ceux-ci de fausses interprétations ? Quelles sauvegardes peuvent être trouvées ? Que nous soyons Évangéliques ou Catholiques romains, notre première réponse à ces questions est identique : le garde-fou principal contre une exégèse individualiste est l'Esprit Saint qui demeure et qui œuvre dans le Corps du Christ qu'est l'Église. Les Écritures doivent être interprétées à l'intérieur de la communauté chrétienne. C'est seulement « avec tous les saints » que nous pouvons comprendre la pleine dimension de l'amour de Dieu (Ep 3, 18).

Les Catholiques romains affirment également que l'Écriture est interprétée par l'Église. Cependant, la tâche de l'Église requiert paradoxalement en un seul et même moment qu'elle se soumette entièrement au témoignage des Écritures, afin de se mettre à l'écoute de la Parole de Dieu, et qu'elle l'interprète avec autorité. L'acte d'autorité par lequel elle interprète la Parole de Dieu est en même temps un acte d'obéissance envers elle.

Mais, comment la communauté chrétienne nous aide-t-elle, dans la pratique, à atteindre la vérité tout en nous gardant de l'erreur ? Nous sommes d'accord pour dire que le Christ a toujours voulu que son Église comprenne des maîtres autorisés et doués, à la fois des érudits et des pasteurs. Quand Philippe demanda à l'Ethiopien s'il comprenait le passage de l'Ancien Testament qu'il lisait, celui-ci répondit : « Et comment le pourrais-je si je n'ai pas de guide ? » (Ac 8,31).

Beaucoup de nos maîtres appartiennent au passé. Tant les Évangéliques que les Catholiques romains ont reçu un riche héritage de la Tradition. Nous aimons les Credo, les confessions et les déclarations conciliaires. Nous étudions les écrits des Pères de l'Église. Nous lisons livres et commentaires.

Le Christ donne aussi à son Église des maîtres pour aujourd'hui (Ep 4, 11) et c'est le devoir du peuple chrétien de les écouter avec respect. Le contexte normal de cette écoute est le culte public où la Parole de Dieu est lue et commentée. En plus, nous assistons à des Synodes et des Conciles d'Église, à des assemblées nationales, régionales et internationales où, en raison de la prière et des débats, notre compréhension chrétienne s'accroît.

L'écoute respectueuse et la discussion mutuelle sont de saines pratiques ; elles se distinguent largement de l'assentiment non-critique. Tant les Évangéliques que les Catholiques romains sont inquiets devant l'influence autoritaire exercée par certains chefs charismatiques et certains maîtres puissants de traditions différentes. L'espèce de soumission irréfléchie qui est accordée à certains d'entre eux fut fermement rejetée par les apôtres. Les gens de Bérée ont été félicités parce qu'ils avaient examiné les Écritures pour savoir si l'enseignement de Paul était véridique (Ac 17, 11). Paul invite les Thessaloniciens à « examiner tout » et Jean à « éprouver les esprits », c'est-à-dire les maîtres qui se disent inspirés (1 Th 5, 21 ; 1 Jn 4, l). De plus, les apôtres exhortent le peuple à évaluer tous les maîtres à partir du critère du dépôt de la foi, des vérités qui avaient été entendues « dès le commencement » (1 Jn 2, 24 ; 2 Jn 9).

b) La règle de la foi chrétienne

Nous sommes tous d'accord pour dire que le fait de la révélation entraîne le besoin de son interprétation. Nous acceptons également que dans la tâche de l'interprétation tant la communauté de foi que l'individu croyant ont leur rôle. L'importance que nous accordons à l'une ou l'autre varie cependant, car les Évangéliques craignent la perte de la Parole de Dieu dans les traditions ecclésiales alors que les Catholiques craignent qu'elle ne se perde dans la multiplicité d'interprétations particulières.

Pour cette raison les Catholiques romains insistent sur le rôle nécessaire du magistère, alors que les Évangéliques croient que celui-ci en fait n'a pas empêché une diversité de points de vue dans l'Église catholique romaine, même s'il a permis un discernement entre eux.

Les Évangéliques avouent que certaines de leurs congrégations, de leurs dénominations et de leurs institutions ont une espèce de magistère. Car ils élèvent leur Credo particulier ou leur confession à ce niveau puisqu'ils l'utilisent comme leur interprétation officielle de l'Écriture et comme critère pour l'exercice de la discipline.

Tant les Catholiques romains que les Évangéliques ont de l'affection pour certains Credo et certaines confessions qui résument leurs croyances. Ils sont également d'accord pour dire que de nouvelles formulations de la foi peuvent être écrites et exprimées pour notre époque. D'autres déclarations doctrinales peuvent être soit révisées soit remplacées par de meilleures déclarations, si ceci semble être requis par une compréhension plus claire de l'Écriture ou pour une proclamation plus limpide de la Bonne Nouvelle. Nous acceptons tous la responsabilité d'écouter toujours plus attentivement ce que l'Esprit dit aux Églises à travers la Parole, de telle sorte que nous puissions croître dans la connaissance de Dieu, dans l'obéissance de la foi et dans un témoignage plus fidèle et plus pertinent.

Quel est alors, se demandent les Évangéliques, le statut (et l'autorité pour les Catholiques romains) des différents types de déclarations faites par ceux qui ont un ministère doctrinal officiel ? En réponse, les Catholiques romains disent que la fonction du magistère est d'exercer une régulation des formulations de la foi, pour qu'elles demeurent fidèles à l'enseignement de l'Écriture. Ils font également une distinction. D'une part, il y a certaines formulations privilégiées, par exemple une définition formelle qui exprime la foi de l'Église faite en concile par le Collège des évêques que le Pape préside, ou une définition similaire par le Pape lui-même dans des circonstances spéciales et soumises à certaines conditions particulières. Ils concèdent que ces définitions ne réussissent pas nécessairement à communiquer tous les aspects de la vérité qu'elles cherchent à exprimer et même si ce qu'elles expriment demeure vrai, la manière dont la vérité est exprimée n'a pas nécessairement la même pertinence pour tous les temps et toutes les situations. Néanmoins, pour les Catholiques romains elles donnent une certitude de foi. Ces formulations sont peu nombreuses, mais très importantes. D'autre part, les déclarations faites par ceux qui ont un rôle doctrinal spécial dans l'Église catholique romaine ont différents niveaux d'autorité (par exemple les encycliques du Pape et d'autres déclarations, les décisions d'un synode ou d'un concile provincial, etc.). Ces dernières déclarations demandent le respect mais n'exigent pas le même assentiment que celles de la première catégorie.

Nous croyons tous que Dieu veut protéger son Église car il a promis de le faire et il nous a donné tant les Écritures que son Esprit ; notre désaccord porte sur le sens et le degré de sa protection.

Les Catholiques romains croient que c'est l'autorité doctrinale de l'Église qui a la responsabilité de surveiller l'interprétation de l'Écriture, en permettant une grande liberté dans la compréhension, mais en excluant certaines interprétations comme inadmissibles parce que erronées. Les Évangéliques, d'autre part, croient que Dieu utilise la communauté chrétienne dans son ensemble pour protéger ses membres d'erreurs et du mal. Les Catholiques romains ont également foi en ce « sensus fidelium ». Car dans le Nouveau Testament, les membres de l'Église sont ainsi exhortés : « Que la Parole du Christ habite parmi vous dans toute sa richesse : instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres ... » (Col 3, 16). Ils sont aussi invités à « faire en sorte » que leurs frères et leurs sœurs demeurent fermes dans la vérité et la droiture.[14]

 

4. L'Église peut-elle être réformée ?

a) Le besoin de réforme

Jusqu'ici, dans cette première partie de notre rapport, nous nous sommes centrés sur la responsabilité doctrinale de l'Église. L'Église peut-elle aussi apprendre ? L'Église qui instruit, peut-elle aussi être instruite ? Plus précisément, l'Écriture peut-elle exercer un rôle réformateur dans l'Église ? L'Église elle-même est-elle soumise à l'Écriture qu'elle explique ?

Ce sont des interrogations que l'Église catholique romaine s'est posée de nouveau pendant le Concile Vatican II, et qu'elle continue à se poser depuis.

Les Évangéliques, cependant, pour qui la continuelle réforme par la Parole de Dieu a toujours été une préoccupation fondamentale, se demandent si la réforme entreprise par Vatican II est suffisamment radicale. A-t-elle été plus qu'un « aggiornamento » d'institutions ecclésiastiques et de formes liturgiques ? A-t-elle touché la vie théologale de l'Église ou sa structure centrale ? Y a-t-il eu un repentir intérieur ?

En même temps, les Catholiques romains ont toujours demandé si les Évangéliques, dans la discontinuité entraînée par la Réforme du XVIe siècle, n'ont pas perdu quelque chose d'essentiel à l'Évangile et à l'Église.

Cependant, nous acceptons tous que l'Église doive être réformée et que cette réforme vienne de Dieu. La vérité unique est en Dieu lui-même. C'est lui le réformateur par le pouvoir de son Esprit selon les Écritures. Pour discerner ce qu'il dit, les chrétiens, individuellement et en communautés, ont besoin les uns des autres. Les croyants individuels ne doivent pas perdre de vue la communauté de foi dans son ensemble, et les églises doivent écouter l'Esprit qui peut leur apporter amendement ou perspicacité par le truchement d'un croyant.

b) Notre réponse à la Parole de Dieu

Nous sommes d'accord quant à l'objectivité de la vérité que Dieu nous a révélée. Pourtant elle doit être reçue subjectivement, en fait « appréhendée », si Dieu doit pouvoir faire œuvre de réforme par elle. Comment alors décrire notre réponse à la révélation ?

Nous reconnaissons tous les difficultés que nous éprouvons dans l'acceptation de la Parole de Dieu. Car lorsqu'elle vient à nous, elle trouve chacun d'entre nous dans son propre contexte social et culturel. Elle crée, il est vrai, une communauté nouvelle, mais cette communauté a aussi ses caractéristiques culturelles qui lui viennent à la fois de la société plus vaste dans laquelle elle vit et de sa propre histoire qui a façonné sa compréhension de la révélation de Dieu. Nous devons donc être attentifs pour que notre réponse à la Parole de Dieu ne soit pas déformée par notre conditionnement culturel.

Une forme de réponse sera intellectuelle. Car la révélation de Dieu est rationnelle et l'Esprit Saint est l'Esprit de vérité. La communauté chrétienne est donc toujours préoccupée par la compréhension et la formulation de la foì, de manière à préserver la vérité et repousser l'erreur.

Cependant, la réponse à la vérité de Dieu ne peut jamais être simplement cognitive. La Vérité dans le Nouveau Testament exige le « faire » aussi bien que le « connaître » afin de trouver sa place dans la vie et l'expérience des individus et des églises. Paul a appelé cette réponse plénière « l'obéissance de la foi » (Rm 1, 5 ; 16, 26). C'est un engagement de toute la personne.

Compréhension, foi et obéissance conduiront alors à la proclamation. Car la révélation de par sa nature même exige la communication. La communauté croyante et obéissante doit être une communauté qui témoigne. Au fur et à mesure qu'elle proclame fidèlement ce qu'elle comprend, elle comprendra de plus en plus ce qu'elle proclame.

Par conséquent, la réforme est un processus continu, une œuvre de l'Esprit de Dieu par le moyen de la Parole de Dieu.

 

 

2. LA NATURE DE LA MISSION

L'existence même du Dialogue évangélique-catholique romain sur la mission témoigne de notre engagement commun à la mission. Un des facteurs qui ont provoqué son inauguration a été la publication de la « Convention de Lausanne » (1974) et de l'exhortation apostolique de Paul VI, Evangelii Nuntiandi, « L'Évangélisation dans le monde moderne » (1975). Ces deux documents fournissent une indication d'une convergence croissante dans notre compréhension de la mission. Non pas que les Évangéliques ou les Catholiques romains considèrent l'une ou l'autre de ces déclarations comme exhaustive, mais plutôt comme de précieux résumés et des instruments pédagogiques.

 

1. Le fondement de la mission

En réponse à la critique générale que nous n'avons pas le droit d'évangéliser tous les peuples, nous réaffirmons ensemble l'universalité du dessein de Dieu. La création de l'univers et de l'humanité par Dieu signifie que tout doit être soumis à sa Seigneurie (Ps 24, 1-2 ; Ep 3, 8-11). La vocation d'Abraham et du peuple d'Israël comporte le dessein plus large que toutes les nations puissent voir la gloire de Dieu dans son peuple et qu'elles soient ainsi conduites à l'adorer. Dans le Nouveau Testament, Jésus envoie ses disciples comme témoins de sa parole, préparant ainsi la mission apostolique à toutes les nations. Dans l'Épître aux Romains, Paul enseigne que, puisque tous sans distinction ont péché, à tous sans distinction est offert le salut, aux païens comme aux juifs (3, 22 ss. ; 10, 12).

Nous sommes d'accord pour dire que la mission provient du don de la vie et de l'amour du Dieu trinitaire lui-même et de son dessein éternel pour toute la création. Son but est le Royaume du Père qui a Dieu pour centre, manifesté à travers la construction du Corps du Christ et cultivé dans la communauté avec l'Esprit. À cause de la première venue du Christ et du don de son Esprit Saint, la mission chrétienne a une dimension eschatologique : elle invite les hommes et les femmes à entrer dans le Royaume de Dieu grâce au Christ, le Fils, par l’œuvre et la régénération de l'Esprit.

Nous sommes tous d'accord pour dire que l'avènement du Royaume messianique par Jésus Christ exige la proclamation de la Bonne Nouvelle, l'appel au repentir et à la foi, et le rassemblement du peuple de Dieu. Parfois Jésus utilise clairement le « Royaume de Dieu » et « le salut » comme des synonymes.[15] Car annoncer l'arrivée du Royaume de Dieu, c'est proclamer sa réalisation dans l'avènement du Christ Jésus. Et l'Église rend témoignage au Royaume quand elle manifeste le salut qu'elle a reçu.

En même temps, des tensions existent de longue date entre Catholiques romains et Évangéliques. Alors que les deux partenaires affirment que l'Église pérégrinante est missionnaire de par sa nature, son activité missionnaire est différemment comprise.

Vatican II définit l'Église pour les Catholiques romains comme « le sacrement du salut », le signe et la promesse de rédemption pour toute et chaque personne sans exception. Pour eux, donc, la « mission » comprend non seulement l'évangélisation, mais aussi le service de l'humanité et la construction et la manifestation de la fraternité en Église. Il appartient à la mission de l'Église de donner un avant-goût du Royaume de Dieu comme libération de l'esclavage du péché, de l'esclavage de la loi et de la mort, en prêchant l'Évangile, par le pardon des péchés et par le partage du Repas du Seigneur.[16] Mais l'Esprit de Dieu est toujours à l'œuvre dans l'histoire humaine pour faire advenir le règne libérateur de Dieu.

L'Évangélisation est la proclamation (par la parole et par l'exemple) de la Bonne Nouvelle aux Nations. La Bonne Nouvelle est que les gestes de Dieu en Jésus Christ sont le sommet de la révélation divine et de la relation proposée à chacun depuis les débuts. Les Catholiques romains font valoir que toute l'humanité vit une histoire collective que Dieu transforme en histoire du salut. Le « mysterion » de l'Évangile est la proclamation au monde par l'Église de cette incorporation de l'histoire du salut dans l'histoire du monde.

D'autre part, les Évangéliques en général ne considèrent pas l'histoire du salut comme coextensive à l'histoire du monde, même si certains se questionnent à ce sujet. L'Église est le début et l'anticipation de la nouvelle création, la première-née parmi ses créatures. Alors que tous meurent en Adam, tous ne sont pas automatiquement en Christ. La vie en Christ doit donc être reçue par la grâce à travers le repentir dans la foi. Avec un vif désir, les Évangéliques plaident pour une réponse à l'œuvre d'expiation du Christ dans sa mort et sa résurrection. Mais avec tristesse, ils savent que tous ceux qui sont appelés ne sont pas choisis. Le jugement (tant ici que dans l'autre monde) est la réaction divine de Dieu au péché et au refus de la Bonne Nouvelle. « De jeunes notables riches » continuent à s'éloigner du royaume de la grâce. L'évangélisation est donc l'appel à ceux du dehors à devenir enfants du Père dans la plénitude de la vie éternelle en Christ par l'Esprit, et dans la joie d'une communauté aimante dans la fraternité de l'Église.

 

2. Autorité et initiative dans la mission

Nous sommes d'accord pour dire que l'obéissance chrétienne fondamentale est due au Seigneur Jésus Christ et s'exprime dans notre vie individuelle et commune sous son autorité. Les Catholiques romains et les Évangéliques reconnaissent que la tension entre autorité ecclésiastique et initiative personnelle, tout comme entre institution et charisme, se retrouve dans toute l'histoire biblique et ecclésiale.

Quoique pour les Catholiques romains les structures hiérarchiques d'autorité dans la doctrine et dans la pastorale soient essentielles, l'Église servante, telle que la décrit le Concile Vatican II, est appelée à s'exprimer encore plus dans l'exercice de la collégialité apostolique et de la subsidiarité (le principe selon lequel les décisions ecclésiales sont prises au niveau le plus bas de responsabilité).

Les Évangéliques ont traditionnellement insisté sur le droit personnel de chaque croyant d'entrer en contact direct avec Dieu et avec les Écritures. On réalise aussi parmi eux de manière croissante l'importance de l'Église en tant que Corps du Christ, ce qui tempère l'initiative personnelle par les contraintes et la direction de la communauté.

Cette question de l'autorité a une influence sur la mission. Les missionnaires sont-ils envoyés ou s'offrent-ils volontairement, ou les deux ? Quel est le statut des ordres religieux, des comités ou sociétés missionnaires et des organisations para-ecclésiales ? Quel est leur rapport avec les Églises et avec d'autres corps ecclésiaux ? Comment réconcilier le souci de préserver la juridiction (surtout géographique) avec les besoins des sous-cultures, surtout en milieu urbain, qui sont si souvent perdus de vue ?

Bien que nos traditions se distinguent dans la réponse que nous donnons à ces questions, nous désirons tous trouver des réponses qui tiennent compte tant des structures de l'Église que de la liberté de l'Esprit qui les déborde.

 

3. Évangélisation et responsabilité socio-politique

La controverse sur le rapport entre évangélisation et responsabilité socio-politique ne se limite pas seulement aux Catholiques romains et aux Évangéliques ; cette question est débattue parmi et entre tous les chrétiens.

Nous sommes d'accord pour dire que la « mission » a un rapport avec toutes les sphères du désir humain, tant spirituel que social. La responsabilité sociale fait partie intégrale de l'évangélisation et la lutte pour la justice peut être une manifestation du Royaume de Dieu. Jésus a prêché tout comme il a guéri, et il a envoyé ses disciples faire de même. Sa prédilection pour les sans pouvoir et les sans voix prolonge le souci de Dieu pour la veuve, l'orphelin, le pauvre et l'étranger sans défense, dans l'Ancien Testament.

Plus précisément, nous sommes d'accord pour dire :

a) que répondre aux besoins spirituels, sociaux et matériels de nos frères humains est constitutif de l'amour du prochain et donc de la « mission » ;

b) qu'une authentique proclamation de la « Bonne Nouvelle » doit conduire à un appel au repentir, et qu'un authentique repentir amène à se détourner du péché individuel tout comme du péché social ;

c) que, puisque chaque communauté chrétienne est engagée dans la réalité du monde, elle devrait s'identifier avec amour à la lutte pour la justice, au titre de communauté souffrante ;

d) que dans cette lutte contre le mal dans la société, le chrétien doit faire attention à utiliser des moyens qui reflètent l'esprit de l'Évangile. La responsabilité de l'Église dans une situation d'injustice comprend le repentir pour toute complicité avec celle-ci, aussi bien que la prière d'intercession, l'aide pratique et l'enseignement prophétique qui met en évidence les exigences de Dieu et de son Royaume.

Nous reconnaissons que certains Catholiques romains et certains Évangéliques trouvent difficile de souscrire à une unité inséparable entre l'évangélisation et l'engagement socio-politique tel qu'il est décrit ci-dessus. Il y a également une certaine tension au sujet de la répartition des responsabilités dans le domaine du service social et de l'action. Les Catholiques romains acceptent la légitimité de l'engagement de l'Église comme organisme, aussi bien que des groupes et des individus. Parmi les Évangéliques, cependant, il y a des différences entre les compréhensions traditionnelles que les Luthériens, les Réformés et les Anabaptistes ont de l'Église et de la société. Tous sont d'accord pour dire que les chrétiens individuellement et en groupes ont des responsabilités sociales ; les divergences apparaissent quant à la responsabilité assignée à l'Église considérée comme un tout.

 

4. L’œuvre de Dieu à l'extérieur de la communauté chrétienne

Nous avons déjà parlé de l'Église et du Royaume. Nous sommes d'accord pour dire que le concept d'Église implique des limites, car nous parlons des « membres de l'Église » ce qui suppose qu'il existe des « non-membres ». Mais jusqu'où devons-nous comprendre que s'étend le Royaume de Dieu ? Nous sommes tous d'accord pour dire que Dieu œuvre à l'intérieur de la communauté chrétienne, car il y demeure et il y règne. Mais œuvre-t-il également à l'extérieur et si oui, comment ?

Ceci est une question qui a des implications missiologiques importantes. Nous sommes tous conscients qu'il faut éviter une interprétation de la volonté salvifique universelle de Dieu qui rende le salut automatique sans la réponse libre de la personne.

Au moins quatre convictions communes sont ressorties de nos discussions. Elles concernent les grandes doctrines de la création, de la révélation, du salut et du jugement.

1. Création. Dieu a créé toute l'humanité et par droit de création toute l'humanité lui appartient. Dieu aime donc toute la famille humaine et il donne à tous « la vie, le souffle et tout le reste » (Ac 17, 25).

2. Révélation. Il y a des éléments de vérité dans toute religion. Ces vérités sont le fruit d'un don par révélation de Dieu. Les Évangéliques identifient souvent leur source avec les termes de révélation générale, de grâce commune ou de vestiges de l'image de Dieu dans l'humanité. Les Catholiques romains les associent plus fréquemment avec l’œuvre du Logos, la vraie lumière qui vient dans le monde et qui éclaire tout homme (Jn 1, 9), et avec l’œuvre de son Esprit Saint.

3. Salut. Il n'y a qu'un seul Sauveur et un seul Évangile. Il n'y a pas d'autre nom que celui du Christ par lequel on puisse être sauvé (Ac 4, 12). Donc, tous ceux qui reçoivent le salut sont sauvés par l'initiative libre de Dieu moyennant la grâce du Christ.

4. Jugement. Bien que le concept biblique de jugement se réfère aux deux notions de punition et de récompense, il est clair que ceux qui demeurent dans le péché en résistant à la libre grâce de Dieu (qu'ils soient à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières visibles de l'Église) provoquent son jugement, ce qui conduit à une séparation éternelle. L'Église elle-même est soumise au jugement de Dieu, lorsqu'elle refuse ou néglige de proclamer l'Évangile du salut à ceux qui n'ont pas entendu le nom du Christ.

La sphère de l'activité missionnaire est décrite différemment dans chaque tradition. Les Catholiques romains attendent de la miséricorde de Dieu qu'elle s'exerce efficacement au nom de la bienveillance de sa grâce pour la majorité de l'humanité, à moins que ses membres n'aient spécifiquement rejeté son offre. Une telle perspective ne peut se fonder explicitement dans la Bible et qu'elle aurait comme conséquence de diminuer le zèle évangélique de l’Église. Les Évangéliques sont donc moins optimistes quant au salut de ceux qui n'ont pas une relation personnelle avec Dieu par Jésus Christ.

Nous affirmons tous que l’œuvre missionnaire est une participation à la mission de Jésus et à la mission de son Église. L'urgence de rejoindre tous ceux qui ne se reconnaissent pas de sa Seigneurie stimule notre mission.

Quoi qu'il en soit de la possibilité ou non du salut à l'extérieur de la communauté chrétienne, quelle est la motivation de notre travail missionnaire ? Nous sommes d'accord pour dire que les fortes raisons suivantes poussent avec urgence les chrétiens à la tâche missionnaire :

a) Promouvoir la gloire de Dieu ; la terre devrait être le miroir qui reflète sa gloire.

b) Proclamer la Seigneurie de Jésus Christ ; tous les hommes et toutes les femmes sont appelés à se soumettre à son autorité.

c) Proclamer que le Christ a lutté avec Satan et qu'il l'a vaincu ; par le baptême et la conversion, nous renonçons au domaine de Satan et nous nous retournons vers le Christ et la droiture.

d) Proclamer que l'homme ne vit pas seulement de pain ; l'Évangile du salut est le don parfait de la grâce aimante de Dieu.

e) Hâter le retour du Seigneur, la dimension eschatologique. Nous attendons le Jour du Seigneur où l'ordre naturel sera complétement sauvé, où la terre tout entière sera remplie de la connaissance du Seigneur et où les gens de toute nation, de tout peuple, de toute tribu et de toute langue proclameront parfaitement le Dieu trinitaire.

 

 

3. L'ÉVANGILE DU SALUT

Les Catholiques romains et les Évangéliques partagent un souci profond pour le contenu de la Bonne Nouvelle que nous proclamons. Nous sommes préoccupés d'une part d'être fidèles au cœur vivant de la foi chrétienne, et d'autre part de la communiquer en termes contemporains. Comment donc définir l'Évangile ?

 

1. Les besoins de l'humanité

Le diagnostic doit toujours précéder l'ordonnance. Ainsi, bien que les besoins de l'humanité ne fassent pas strictement partie de la Bonne Nouvelle, ils en sont une toile de fond essentielle. Si l'Évangile est la Bonne Nouvelle du salut, c'est parce que les humains sont des pécheurs qui ont besoin d'être sauvés.

Dans notre description de la condition humaine, cependant, nous insistons sur l'importance d'une approche positive. Nous affirmons que tous les hommes et toutes les femmes sont faits par Dieu, pour Dieu et à l'image de Dieu, et que le péché a défiguré sans détruire ce dessein et cette image (Gn 9, 6 ; Jc 3, 9). Donc, en tant que créature de Dieu, l'être humain a une valeur et une dignité intrinsèques. Aussi, à cause de la lumière qui éclaire chacun, nous avons tous en nous un désir inné pour Dieu que rien d'autre ne peut combler. Comme chrétiens, nous devons respecter tout homme qui cherche Dieu, même quand cette recherche s'exprime par l'ignorance (Ac 17, 23).

Néanmoins, le péché originel est intervenu. Nous avons noté la description du péché originel chez Thomas d'Aquin, qui parle de « la perte de la justice originelle » (c'est-à-dire une relation droite avec Dieu) et de la « concupiscence » qui constitue un désordre fondamental de la nature humaine et de ses relations, de telle sorte que tous nos désirs sont orientés à prendre des décisions qui déplaisent à Dieu.

Les Évangéliques insistent sur le fait que le péché originel a défiguré tous les aspects de la nature humaine, de sorte qu'elle est imprégnée d'égocentrisme. Par conséquent, l'apôtre Paul dit que tous les hommes sont « réduits en esclavage », « aveugles », « morts », et « sous la colère de Dieu », et donc qu'ils sont totalement incapables de se sauver eux-mêmes.[17]

Les Catholiques romains parlent aussi du péché originel comme d'une blessure et d'un désordre qui a affaibli sans le détruire le libre arbitre humain. Les hommes se sont « dressé(s) contre Dieu... en désirant parvenir à (leur) fin hors de Dieu ».[18] Il en résulte que ceci a renversé la relation liant l'homme à Dieu et « a rompu toute harmonie (de l'homme) soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création ».[19] Par conséquent, les hommes se trouvent attirés par ce qui est mauvais et ils sont incapables, par eux-mêmes, de vaincre avec succès les assauts du mal, « et ainsi chacun se sent comme chargé de chaînes ».[20]

Certaines divergences existent nettement entre les Catholiques romains et les Évangéliques au sujet de la manière dont nous comprenons le péché et les besoins de l'humanité, tout comme dans le langage utilisé pour les exprimer. Les Catholiques romains trouvent que les Évangéliques exagèrent la corruption de l'homme en affirmant sa « dépravation totale » (c'est-à-dire que chaque aspect de la réalité humaine a été corrompu par la faute), alors que les Évangéliques pensent que les Catholiques romains la sous-estiment et qu'ils sont de ce fait naïvement optimistes au sujet de la capacité, de la faculté, et du désir des hommes de répondre à la grâce de Dieu. Cependant, nous sommes tous d'accord pour dire que tous sont pécheurs et que tous ont besoin d'un salut radical qui comprend la délivrance du pouvoir du mal, avec la réconciliation avec Dieu et l'adoption dans sa famille.

 

2. La personne de Jésus Christ

Le salut radical dont ont besoin les hommes a été accompli par Jésus Christ. Les Évangéliques et les Catholiques romains sont d'accord au sujet de la place centrale du Christ et au sujet de ce que Dieu a fait par lui pour le salut. « Le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde » (1 Jn 4, 14). Mais qui était ce Sauveur Jésus ?

Jésus de Nazareth était un homme, qui est venu faisant le bien autour de lui, enseignant avec autorité, proclamant le Royaume de Dieu et se faisant ami des pécheurs à qui il offrait le pardon. Il s'est fait connaître à ses apôtres, qu'il avait choisis et avec qui il a vécu, comme le Messie (Christ) promis par les Écritures. Il revendiquait une relation filiale unique avec Dieu que dans sa prière il appelait son Père (« Abba »). Il se savait donc Fils de Dieu, et il a manifesté le pouvoir et l'autorité de Dieu sur la nature, sur les êtres humains et sur les pouvoirs démoniaques. Il parlait également de lui-même comme Fils de l'homme. Il a accompli l'obéissance parfaite du Serviteur en allant jusqu'à la mort sur la croix. Puis, Dieu l'a ressuscité des morts, confirmant qu'il était dès le début le Fils qu'il prétendait être (Ps 2, 7). Par conséquent, il était à la fois « descendant de David selon la chair » et « établi, selon l'Esprit Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa Résurrection d'entre les morts » (Rm 1, 3-4). Voilà pourquoi ses apôtres l'ont confessé comme Seigneur et Christ, Fils de Dieu, Sauveur de l'humanité, envoyé par le Père, par qui Dieu a créé toutes choses, en qui nous avons été choisis dès avant la fondation du monde (Ep 1, 4), le Verbe fait chair.

L'Incarnation du Fils, par laquelle le Verbe divin a revêtu la nature humaine, a été un événement objectif de l'histoire. Dans une seule personne se sont unies la pleine divinité et la pleine humanité. Même si cette compréhension du Fils n'a pas été formulée avec précision avant les débats théologiques des premiers siècles, nous sommes tous d'accord pour dire que la définition de Chalcédoine exprime fidèlement les vérités auxquelles le Nouveau Testament rend témoignage.

Les buts de l'Incarnation étaient les suivants : nous révéler le Père car autrement notre connaissance de Dieu aurait été défectueuse ; assumer notre nature, afin de mourir pour nos péchés et ainsi réaliser notre salut, puisque le Fils ne pouvait racheter que ce qu'il avait assumé ; établir une communion vivante entre Dieu et les hommes, puisque seul le Fils de Dieu fait homme pouvait transmettre la vie de Dieu aux hommes et aux femmes ; fournir les fondements de 1'« imitation », puisque c'est Jésus incarné que nous devons suivre ; réaffirmer la valeur et la dignité de l'humain, puisque Dieu n'avait pas honte de prendre sur lui notre humanité ; fournir en Jésus les prémices de la nouvelle humanité, puisqu'il est le « premier-né d'une multitude de frères » (Rm 8, 29) ; effectuer la rédemption de l'univers à la fin des temps.

Alors, en fidélité avec l'Évangile, et en accord avec les Écritures, nous confessons ensemble la personne de Jésus Christ comme le Fils éternel de Dieu qui est né de la Vierge Marie et est devenu véritablement un homme, afin d'être le Sauveur du monde.

Dans notre travail missionnaire, nous n'avons pas seulement à confesser nous-mêmes le Christ, nous avons à l'expliquer aux autres. Ce faisant, nous devons envisager, par exemple, comment réconcilier pour les Juifs et les Musulmans le monothéisme de la Bible avec la filiation divine de Jésus, comment présenter la personnalité transcendante de Dieu aux Hindous et aux Bouddhistes, et comment proclamer la Seigneurie suprême du Christ aux adhérents des religions traditionnelles ainsi qu'à ceux qui font l'expérience d'un nouvel éveil religieux. Notre christologie doit toujours être à la fois fidèle à l'Écriture et sensible à chaque contexte particulier d'évangélisation.

 

3. L’œuvre de Jésus Christ

Ce fut cette personne historique, Jésus de Nazareth, pleinement Dieu et pleinement homme, en qui le Père a agi pour la rédemption et la réconciliation du monde. En effet, seulement une personne qui était à la fois Dieu et homme pouvait être médiateur entre Dieu et les hommes. Parce qu'il était homme, il pouvait nous représenter et s'identifier avec nous dans notre faiblesse. Parce qu'il était Dieu, il pouvait porter notre péché et détruire le pouvoir du mal.

Cette œuvre de rédemption a été accomplie surtout dans la mort de Jésus Christ, même si nous reconnaissons l'unité de sa vie incarnée, de sa mort expiatrice et de sa résurrection corporelle. Car sa mort a achevé le service de sa vie (Mc 10, 45) et sa résurrection a confirmé l'accomplissement de sa mort (Rm 3, 25).

Le Christ était sans péché et n'avait donc pas à mourir. Il est mort pour nos péchés et en ce sens « à notre place ». Nous sommes d'accord sur cette vérité fondamentale et sur d'autres aspects de l'expiation. Mais dans nos discussions, deux insistances différentes sont ressorties, que nous avons résumées par les mots de « substitution» et de «solidarité », même si ces concepts ne s'excluent pas complètement.

Les Évangéliques insistent beaucoup sur la vérité que la mort du Christ a été « substitutive ». Par sa mort celui-ci a fait quelque chose qu'il n'avait pas fait pendant sa vie. Il est réellement « devenu péché » pour nous (2 Co 5, 21) et « devenu malédiction » pour nous (Ga 3, 13). Ainsi Dieu lui-même a apaisé sa propre colère en Christ, afin de la détourner de nous. Par conséquent, ayant pris notre péché, celui-ci nous donne sa vertu. Nous devenons agréables à Dieu dans le Christ, non parce que le Christ a offert notre obéissance au Père, mais parce qu'il a porté notre péché et l'a remplacé par sa vertu.

Les Catholiques romains expriment davantage la mort du Christ en des termes de « solidarité ». Selon leur compréhension, Jésus Christ, dans sa mort, a fait à son Père l'offrande parfaite d'amour et d'obéissance qui a récapitulé toute sa vie. Par conséquent, nous pouvons entrer dans le sacrifice du Christ et nous offrir au Père en lui et avec lui. Car il est devenu un avec nous afin que nous puissions devenir un avec lui.

Ainsi le mot « Évangile » en est venu à revêtir différentes significations dans nos deux communautés.

Pour les Évangéliques, il est le message de la délivrance du péché, de la mort et de la condamnation et la promesse du pardon, du renouveau et de la vie en nous de l'Esprit du Christ. Ces bénédictions découlent de la mort substitutive du Christ. Elles sont données seulement par Dieu à travers sa grâce, sans mérite de notre part, et elles sont reçues seulement à travers la foi. Lorsque nous sommes accueillis par le Christ, nous faisons partie de son peuple, puisque tout son peuple est « en » lui.

Pour les Catholiques romains, l'Évangile se concentre dans la personne, le message et l'activité bienveillante du Christ. Sa vie, sa mort et sa résurrection sont le fondement de l'Église et l'Église porte au monde l'Évangile vivant. L'Église est un véritable sacrement de l'Évangile.

La différence entre nous se rapporte donc à la relation entre l'Évangile et l'Église. D'un côté, l'Évangile nous réconcilie avec Dieu par le Christ et nous fait entrer dans son peuple ; de l'autre, l'Évangile se trouve porté par la vie de son peuple et c'est ainsi que nous trouvons la réconciliation avec Dieu.

Même si certains facteurs pastoraux, missionnaires et culturels peuvent nous conduire à insister sur l'un ou l'autre modèle de l’œuvre salvatrice du Christ, l'éventail total des paroles bibliques (par ex. victoire, rédemption, propitiation, justification, réconciliation) doit être préservé et aucune de celles-ci ne peut être ignorée.

Nous sommes d'accord pour dire que la Résurrection se situe au cœur de l'Évangile et qu'elle a plusieurs significations. Elle conduit l'Incarnation à sa consommation glorieuse, car c'est l'homme Jésus Christ qui règne glorifié à la droite du Père, où il nous représente et intercède pour nous. Par la Résurrection également le Père a rendu justice à Jésus, renversant la sentence de ceux qui l'avaient condamné et crucifié, manifestant visiblement sa filiation, et nous donnant l'assurance que son sacrifice expiatoire avait été accepté. C'est le Seigneur ressuscité et exalté qui a envoyé son Esprit sur l'Église et qui, se réclamant d'une autorité universelle, nous envoie maintenant dans le monde comme ses témoins. La Résurrection a aussi été le début de la nouvelle création de Dieu et le gage tant de notre résurrection que de la régénération finale de l'univers.

 

4. Le caractère unique et l'universalité de Jésus Christ

Dans un monde où croît le pluralisme religieux, nous affirmons ensemble le caractère absolument unique de Jésus Christ. Il était unique dans sa personne, dans sa mort et dans sa résurrection. Puisqu'en aucune autre personne, Dieu n'est devenu homme, n'est mort pour les péchés du monde et n'est ressuscité des morts, nous déclarons qu'il est le seul chemin vers Dieu (Jn 14, 6), le seul Sauveur (Ac 4, 12) et le seul Médiateur (1 Tm 2, 5). Nul autre n'a ses titres.

Le caractère unique de Jésus Christ implique son universalité. Celui qui est seul et unique l'est pour tous. Nous le proclamons donc à la fois « Sauveur du monde » (Jn 4, 42) et « Seigneur de tous » (Ac 10, 36).

Nous n'avons pas pu nous mettre d'accord cependant sur les implications du salut universel qu'il apporte et de sa Seigneurie. Ensemble nous croyons que « Dieu... veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4), que l'offre du salut en Christ est ouverte à tous, que l’Église a la responsabilité irremplaçable d'annoncer la Bonne Nouvelle du salut à tous les peuples, que tous ceux qui entendent l'Évangile ont l'obligation d'y répondre, et que ceux qui y répondent sont incorporés dans la communauté nouvelle, mondiale, multiradicale et multiculturelle de Dieu, qui est la famille du Père, le Corps du Christ et le Temple de l'Esprit Saint. Ces aspects de l'universalité du Christ, volontiers nous les affirmons ensemble.

Les Catholiques romains vont plus loin, cependant, et ils considèrent que si le péché des hommes est universel, le salut du Christ l'est plus encore. Si chacun de ceux qui naissent dans le monde devient solidaire de la désobéissance du premier Adam, toutefois la situation des hommes en tant que telle a été transformée par l'événement définitif du salut, c'est-à-dire, par l'Incarnation du Verbe, sa mort, sa résurrection et le don de l'Esprit. Tous font maintenant partie de l'humanité dont la nouvelle Tête a vaincu le péché et la mort. Pour tous il y a une nouvelle possibilité de salut qui marque leur situation tout entière, de sorte qu'il est possible de dire « tout homme sans exception a été racheté par le Christ, parce que le Christ est en quelque sorte uni à tout homme, sans aucune exception, même si ce dernier n'en est pas conscient... » ?[21] Pour devenir bénéficiaires de l'obéissance du Second Adam, les hommes et les femmes doivent se tourner vers Dieu et naître de nouveau avec le Christ dans la plénitude de sa vie. La mission de l'Église est d'être l'instrument qui éveille cette réponse par la proclamation de l’Évangile, qui est don du salut pour tous ceux qui le reçoivent, et de transmettre la vérité et la grâce du Christ à tous.[22]

Les Évangéliques, par contre, comprennent l'universalité du Christ autrement. Celui-ci est universellement présent en tant que Dieu (puisque Dieu est omniprésent) et en tant que Sauveur potentiel (puisqu'il offre le salut à tous), mais non pas comme Sauveur effectif (puisque tous n'acceptent pas son offre). Les Évangéliques désirent préserver la distinction, qu'ils croient être apostolique, entre ceux qui sont dans le Christ et ceux qui ne le sont pas (et qui sont donc dans le péché et sous le jugement), et donc entre l'ancienne et la nouvelle communauté. Ils insistent sur la réalité du passage d'une communauté à l'autre, qui ne peut se réaliser que par une nouvelle naissance : «Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature » (2 Co 5, 17).

Le rapport entre la vie, la mort et la résurrection de Jésus et toute la race humaine conduit naturellement les Catholiques romains à se demander s'il existe une possibilité de salut pour tous ceux qui appartiennent à des religions non chrétiennes et même pour des athées. Vatican II est clair sur ce point : « En effet ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l'Évangile du Christ et son Église... peuvent obtenir le salut éternel ». D'une part, il y a ceux qui « cherchent Dieu d'un cœur sincère et qui, sous l'influence de la grâce, s'efforcent d'accomplir dans leurs actes sa volonté ». D'autre part, il y a ceux qui « ne sont pas encore parvenus à une connaissance explicite de Dieu et s'efforcent, avec l'aide de la grâce divine, de mener une vie droite ».[23] Les deux groupes sont préparés par la grâce de Dieu à recevoir son salut, soit au moment où ils entendront l'Évangile, soit qu'ils ne l'entendent pas. Ils peuvent être sauvés par le Christ dans une relation mystérieuse avec son Église.

Les Évangéliques insistent, cependant, sur le fait que selon le Nouveau Testament tous ceux qui sont en dehors du Christ « périssent », et qu'ils ne peuvent recevoir le salut qu'en et par le Christ. Ils sont donc profondément préoccupés par le destin éternel de ceux qui n'ont jamais entendu parler du Christ. La majorité des Évangéliques croit que, parce que ces hommes refusent la lumière qu'ils ont reçue, ils se condamnent eux-mêmes à l'enfer. Plusieurs hésitent davantage à se prononcer sur le destin de ces gens, n'ayant aucun désir de limiter la souveraineté de Dieu, et ils préfèrent laisser à Dieu le soin de trancher la question. D'autres vont plus loin, exprimant leur ouverture à la possibilité que Dieu sauve certains de ceux qui n'ont pas entendu parler du Christ, mais en ajoutant immédiatement que s'il le fait, ce n'est pas à cause de leur religion, de leur sincérité ou de leurs actions (il n'y a aucune possibilité de salut par les bonnes œuvres), mais seulement par sa grâce librement donnée à cause de la mort expiatoire du Christ. Tous les Évangéliques reconnaissent la nécessité urgente de proclamer l'Évangile du salut à toute l'humanité. Tout comme Paul dans son message à son auditoire de Gentils à Athènes, ils déclarent que Dieu « annonce maintenant aux hommes que tous et partout ont à se convertir. Il a en effet fixé un jour où il doit juger le monde avec justice par l'homme qu'il a désigné... » (Ac 17, 30-31).

 

5. La signification du salut

Dans l'Ancien Testament, le salut signifiait sauvetage, guérison et restauration pour tous ceux qui étaient déjà en relation avec Dieu par l'Alliance. Dans le Nouveau Testament, il est adressé à ceux qui ne sont pas encore entrés dans la Nouvelle Alliance en Jésus Christ.

Le salut doit être compris tant en termes de l'histoire du salut (les gestes puissants de Dieu en Jésus Christ) qu'en ceux de l'expérience du salut (une appropriation personnelle de ce que Dieu a fait en Christ). Les Catholiques romains et les Évangéliques insistent fortement ensemble sur l'objectivité de l’œuvre divine en Christ, mais les Évangéliques tendent à insister davantage que les Catholiques romains sur la nécessité d'une réponse personnelle à la grâce salvifique de Dieu et d'une expérience de celle-ci. Pour décrire ceci, encore une fois il faut avoir recours à tout le vocabulaire du Nouveau Testament (par exemple, le pardon des péchés, la réconciliation avec Dieu, l'adoption dans sa famille, la rédemption, la nouvelle naissance, tous ces dons nous venant par l'Esprit Saint), même si les Évangéliques continuent à donner une importance première à la justification par la grâce moyennant la foi.

Nous sommes d'accord pour dire que ce qui nous est offert par la mort et la résurrection du Christ, c'est essentiellement la « délivrance », dans son aspect tant négatif que positif. Négativement, celle-ci est le sauvetage du pouvoir de Satan, du péché et de la mort, de la culpabilité, de l'aliénation (éloignement de Dieu), de la corruption morale, de l'égoïsme, du désespoir existentiel et de la peur de l'avenir, y compris la mort. Positivement, elle est le passage dans la liberté du Christ. Cette liberté accomplit l'épanouissement de l'homme. C'est essentiellement le fait de devenir « des fils dans le Fils » et donc des frères les uns des autres. L'unité des disciples de Jésus est à la fois un signe que le Père a envoyé son Fils et que le Royaume est arrivé. De plus, la communauté nouvelle s'exprime dans le culte eucharistique, dans le service de ceux qui sont dans le besoin (surtout les pauvres et les sans-droits), dans la fraternité ouverte aux gens de tout âge, race et culture et dans la continuité consciente du Christ historique par la fidélité à l'enseignement de ses apôtres, Le salut est-il plus large que cela ? Comprend-il la libération socio-politique ?

Les Catholiques romains attirent l'attention sur les trois dimensions de l'évangélisation qu'Evangelii Nuntiandi met en lien. Ce sont la dimension anthropologique, selon laquelle l'humanité est toujours considérée dans une situation concrète ; la dimension théologique, selon laquelle le plan unifié de Dieu est perçu tant dans la création que dans la rédemption ; et la dimension évangélique, selon laquelle l'exercice de la charité (le refus d'ignorer la misère humaine) est compris à la lumière de la parabole du Bon Samaritain.

Nous sommes tous d'accord pour dire que la signification essentielle du salut qui vient du Christ est la restauration du rapport brisé entre l'humanité pécheresse et le Dieu Sauveur ; ce salut ne peut donc pas être compris comme un projet temporel ou matériel, qui rendrait l'évangélisation inutile.

Cette restauration de l'humanité est une véritable « libération » de forces qui nous asservissent ; cependant cette tâche a pris un sens plus large et plus précis en Amérique latine. Certainement le plan de Dieu dont parle l'Écriture comprend la réconciliation des êtres humains avec lui et les uns avec les autres.

Les conséquences socio-politiques de l'action salvifique de Dieu par le Christ ont été rendues manifestes à travers l'histoire. Elles le sont toujours. Des problèmes spécifiques (par ex. l'esclavage, l'urbanisation, le rapport État-Église et la religiosité populaire) doivent être considérés à la fois dans leur contexte précis et en rapport avec le plan global de Dieu, tel qu'il est révélé dans l'Écriture et vécu dans la communauté de foi par l'action de l'Esprit.

 


APPENDICE : LE RÔLE DE MARIE DANS LE SALUT

Les Catholiques romains préfèrent considérer la question de Marie dans le contexte de l'Église plutôt que dans celui du salut. Ils voient en celle-ci une femme immaculée, puisqu'elle a été à la fois recouverte de 1'ombre de l'Esprit à l'incarnation (Lc 1, 35) et baptisée de l'Esprit au jour de la Pentecôte (Ac 1, 14 ss. et 2, 1-4). Elle représente donc tous les chrétiens qui ont été rendus vivants par l'Esprit, et les Catholiques romains parlent d'elle comme de la « figure » ou du « modèle » de l'Église.

La raison pour laquelle nous avons gardé cette section sur Marie à l'intérieur du chapitre consacré à « l'Évangile du salut » (bien qu'en appendice) vient du fait que c'est en référence au salut que les Évangéliques éprouvent la plus grande difficulté devant la doctrine mariale. C'est pourquoi nous avons discuté du rôle de Marie lors de la 2e rencontre de l'ERCDOM.

La place de Marie dans le dessein du salut a toujours été un sujet délicat entre Catholiques romains et Évangéliques. Nous avons essayé d'y faire face avec honnêteté.

 

a) L'interprétation de l'Écriture

Ce point soulève de manière aiguë la question préalable de l'usage et de l'interprétation de la Bible. Nous sommes d'accord sur le fait que l'exégèse biblique commence par une recherche du sens « littéral » d'un texte, c'est-à-dire de ce que l'auteur avait voulu dire. Davantage, nous sommes d'accord pour dire que quelques textes ont aussi un sens « spirituel », fondé sur le sens littéral, mais qui le dépasse, parce qu'il a été voulu par l'auteur divin mais pas forcément par l'auteur humain (par ex. Is 7, 14). Cela s'appelle le « sensus plenior ». La différence entre les Catholiques romains et les Évangéliques concerne la question de savoir à quel degré le sens spirituel peut être séparé du sens littéral. Les deux parties sont d'accord pour dire que, lorsque l'Écriture n'est pas explicite, il est nécessaire de soumettre à une certaine vérification la fantaisie des interprètes. Nous sommes aussi d'accord pour dire que le contexte fournit ce contrôle, tant le contexte immédiat que l'Écriture en sa totalité, qui constitue une unité. Les Catholiques romains, cependant, disent que l'Écriture doit être lue à la lumière du développement de la tradition vivante de l'Église et que l'Église a autorité pour indiquer ce qu'est le véritable message de l'Écriture. En ce qui concerne Marie, les Catholiques romains conviennent que la dévotion à Marie a été une pratique de l'époque post-apostolique, mais ils ajoutent que ce fut un développement légitime. Au contraire, les Évangéliques croient que ce fut introduit sans fondement dans l'interprétation de l'Écriture par les Catholiques romains.

 

b) Marie et le Salut

Dans l'une de nos séances de la 2e session de l'ERCDOM, sous le titre « La place de la Vierge Marie dans le salut et dans la mission », les Évangéliques apportèrent une réponse à l'exhortation apostolique Marialis Cultus de Paul VI en 1974. Certains membres Évangéliques du dialogue ont demandé une explication sur deux expressions qui, au moins apparemment, leur semblent donner à Marie un rôle de participation active dans l’œuvre du salut.

La première (I, 5) décrit le temps de Noël comme une commémoration prolongée de la « maternité divine, virginale et salvifique » de Marie. En quel sens, demandèrent les Évangéliques, la maternité de Marie peut-elle être salvifique ? Les Catholiques romains répondirent que l'explication du terme se trouvait dans le texte lui-même, à savoir que Marie « apporta le Sauveur au monde » par sa réponse obéissante à l'appel de Dieu.

Le deuxième passage (I, 15) parle de la « place singulière » qui appartient à Marie dans le culte chrétien, pas seulement comme la « Sainte Mère de Dieu », mais comme la « digne associée du Rédempteur ». Les Évangéliques demandèrent en quel sens Marie pouvait être proprement désignée comme la « digne associée du Rédempteur ».

Cela ne voulait pas dire, répondirent les Catholiques romains, qu'elle n'avait pas personnellement besoin de la rédemption ; car, au contraire, elle fut elle-même sauvée par la mort de son Fils. Dans son cas, cependant, le mot « salut » ne voulait pas dire le pardon des péchés ; mais, à cause de sa prédestination à être la « Mère de Dieu », elle a été préservée du péché originel (« Immaculée Conception »), et ainsi elle n'a pas péché. Positivement, elle peut être appelée « l'associée du Rédempteur » à cause du lien étroit qu'elle a avec lui, en tant qu'elle a été sa mère. Le terme n'a rien de choquant, car nous aussi, nous sommes les « associés du Rédempteur », tant comme bénéficiaires de sa rédemption que comme les agents de celle-ci. Par nos prières, notre exemple, notre sacrifice, notre service, notre témoignage et notre souffrance, nous proclamons sa rédemption aux autres.

Les Évangéliques répondirent à ces explications de deux façons. Premièrement, ils trouvent ce langage toujours ambigu, et même considèrent cette ambiguïté particulièrement malheureuse dans le domaine central qu'est le salut. Ensuite, ils pensent que toute l'insistance catholique romaine sur le rôle de Marie dans le salut est exagérée, car lorsque les apôtres Jean et Paul décrivent le mystère de 1'incarnation, c'est pour honorer le Christ comme Fils et non Marie comme Mère. En même temps, ils sont volontiers d'accord pour dire que dans les récits de l'enfance chez Luc, on reconnaît à Marie le privilège unique d'être la Mère du Sauveur et qu'on la salue à la fois comme celle qui a « toute la faveur de Dieu » et qui est « bénie entre les femmes » (1, 28-42). Si les Évangéliques se veulent fidèles à leur position sur le « sola scriptura », ils doivent surmonter les inhibitions qu'ils peuvent avoir et expliquer fidèlement de tels textes.

Notre discussion a aussi porté sur l'usage du terme de « coopération ». Par exemple, il est dit au chapitre 8 de Lumen Gentium que Marie est à bon droit considérée comme celle qui « dans la liberté de la foi et de l'obéissance a coopéré au salut des hommes » (II, 56) et que « l'unique médiation du Rédempteur n'exclut pas, mais plutôt suscite... une coopération variée, participée de l'unique source » (III, 62). Les Évangéliques ont été d'accord pour dire que la notion de coopération avec Dieu est biblique (par ex. « être à l’œuvre ensemble avec lui » 2 Co 6,1) mais ils soulignent que ceci se réfère à une association divino-humaine dans laquelle notre part consiste à proclamer et en aucun cas à procurer le salut.

Les Catholiques romains en ont été d'accord. La « coopération » entre le Christ et nous, disent-ils, ne signifie pas que nous pouvons ajouter quelque chose au Christ ou à son œuvre, parce que celui-ci est en lui-même total et que son œuvre a été conduite à son achèvement. Ceci veut plutôt dire que nous avons part aux bienfaits de ce qu'il a accompli (et non pas à l'acte comme tel) et que (seulement par le don qu'il nous a fait, comme dans le cas de Marie) nous nous offrons à Lui dans la gratitude, pour consacrer notre vie à son service et pour être utilisés par lui comme des instruments de sa grâce (cf. Ga 1). Les Évangéliques furent en partie satisfaits, mais ils estiment encore que l'usage du mot de « coopération » en ce sens est inapproprié.

Un autre terme que nous avons considéré fut celui de « médiatrice », le féminin de « médiateur ». Les Évangéliques réagirent avec une véhémence compréhensible contre son application à Marie et furent appuyés par quelques Catholiques romains. Il ne faut pas la désigner ainsi, insistèrent-ils puisque l’œuvre de la médiation revient au Christ seul. Dans leur réponse les Catholiques romains ont voulu les rassurer. Bien que le mot (ou plutôt son équivalent en grec) ait été appliqué à Marie depuis le Ve siècle et que quelques évêques aient insisté, lors de Vatican II, pour que le terme soit inséré dans le texte, le Concile l'a délibérément évité. Il n'apparaît qu'une fois et seulement dans une liste de titres traditionnels attribués à Marie. De plus, dans la même section de Lumen Gentium (III, 60-62), le Christ est appelé à deux reprises « l'unique Médiateur » en accord avec 1 Tm 2, 5-6, et son unique médiation est aussi mentionnée par deux fois, médiation (ajoute-t-on) que le ministère maternel de Marie « ne rend obscure ou ne diminue en aucune façon ».

Le document final de la Conférence de Puebla sur l'Évangélisation en Amérique latine (1979), qui contient un long passage intitulé : « Marie, Mère et Modèle de l'Église » (§§ 283-303), fut cité par les participants Évangéliques. Le § 293 déclare que Marie « vit maintenant immergée dans le mystère de la Trinité, louant la gloire de Dieu et intercédant pour les êtres humains ». Les Évangéliques trouvent que c'est une expression malheureuse, et d'ailleurs tous les Catholiques romains n'en sont pas satisfaits, car elle est trop ambiguë (si vraiment « immergée » est une traduction fidèle du terme original espagnol « immersa » : il y a eu débat à ce sujet). Les Catholiques romains expliquent que la notion de « l'immersion » de Marie dans la Trinité signifie que celle-ci est la fille du Père, la Mère du Fils et le Temple de l'Esprit (les trois expressions sont présentes dans le § 53 de Lumen Gentium). Mais ils insistent fortement sur le fait que, bien entendu, Marie ne peut pas être située au même niveau que les trois personnes de la Trinité, encore moins considérée comme une quatrième personne. De plus ils précisent que ni le document de Puebla ni les expressions populaires de la piété mariale ne sont normatifs pour la foi catholique romaine concernant Marie. Celle-ci est plutôt à chercher dans le chapitre 8 de Lumen Gentium, la « Constitution dogmatique sur l'Églises de Vatican II.

Les peurs des Évangéliques furent en quelque sorte atténuées par ces explications des Catholiques romains. Mais une certaine méfiance chez les Évangéliques demeure toujours. Premièrement, l'accent traditionnellement mis par les Catholiques sur le rôle de Marie dans le salut (par ex. comme la nouvelle Ève, la mère qui donne la vie) leur apparaît encore incompatible avec la place beaucoup plus modeste que lui accorde le Nouveau Testament. Ensuite, le vocabulaire employé à propos de Marie leur semble ambigu et susceptible d'induire en erreur. N'est-il pas d'une importance vitale, demandent-ils, spécialement dans la doctrine centrale du salut par le Christ seul, d'éviter des expressions qui nécessitent des explications élaborées (aussi consacrées qu'elles soient par une longue tradition) et de nous restreindre à un langage simple et sans équivoque dans son christocentrisme ?

En même temps, les Catholiques romains sont inquiets devant ce qui leur paraît être une négligence notable de la part des Évangéliques, en ce qui concerne la place donnée par Dieu à Marie dans l'histoire du salut et dans la vie de l'Église.

 

 

4. NOTRE RÉPONSE DANS L'ESPRIT-SAINT À L'ÉVANGILE

Nous sommes d'accord pour dire que l'évangélisation n'est pas seulement une proclamation de l’œuvre historique du Christ et de son œuvre de salut. L'évangélisation comprend aussi l'appel à une réponse que l'on appelle souvent « conversion ».

 

1. L'œuvre du Saint-Esprit

Cette réponse, cependant, ne dépend pas des efforts de la personne humaine mais de l'initiative du Saint-Esprit. Comme il est dit dans l'Écriture, « c'est par la grâce que vous êtes sauvés par le moyen de la foi ; vous n'y êtes pour rien, c'est le don de Dieu. Cela ne vient pas des œuvres, afin que nul n'en tire orgueil » (Ep 2, 8-9). Il y a donc une dimension trinitaire de la réponse humaine : c'est le Père qui donne ; son don suprême est son Fils Jésus Christ pour la vie du monde (Jn 6, 23) ; et c'est l'Esprit Saint qui ouvre nos esprits et nos cœurs, afin que nous puissions admettre et proclamer que Jésus Christ est le Seigneur (1 Co 12, 3) et vivre comme ses disciples. Cela signifie que l'Esprit Saint est la garantie que le salut, commencé par le Père en Jésus Christ, devient efficace en nous de manière personnelle.

Quand des personnes humaines font l'expérience de la conversion, le Saint-Esprit illumine leur compréhension, afin que Jésus Christ puisse être confessé comme la Vérité même, révélée par le Père (Jn 14, 6). L'Esprit Saint transforme aussi les convertis en nouvelles créatures qui participent à la vie éternelle du Père et du Fils (Jn 11, 25-26). De plus, le Saint-Esprit, à travers les dons de la foi, de l'espérance et de l'amour, donne déjà la possibilité à ces convertis d'avoir un avant-goût du Royaume qui sera totalement réalisé quand le Fils remettra tout entre les mains du Père (1 Co 15, 28).

Ainsi l’œuvre du Saint-Esprit dans la conversion chrétienne doit être vue comme la continuation actuelle de son activité antérieure dans la création et dans la rédemption à travers l'histoire. En effet, au commencement l'Esprit Saint était présent à l'acte de la création (Gn 1, 2) et il est constamment envoyé comme le souffle divin par lequel tout est créé et par lequel se renouvelle la face de la terre (Ps 104, 29-30). Bien que toute personne soit sous l'influence de l'Esprit vivifiant de Dieu, c'est particulièrement dans l'Ancien Testament, qu'il a inspiré lui-même, que l’œuvre recréatrice de l'Esprit Saint, après la chute de l'humanité, s'est manifestée concrètement. Afin de jeter les fondements du dessein divin de recréation de l'humanité, l'Esprit Saint a d'abord enseigné aux patriarches à craindre Dieu et à pratiquer la justice. Pour rassembler son peuple Israël et le ramener à l'observance de l'Alliance, l'Esprit Saint a suscité des juges, des rois et des sages. De plus, les prophètes, sous la mouvance de l'Esprit, ont annoncé que l'Esprit Saint créerait un cœur nouveau et donnerait une vie nouvelle en se répandant d'une manière unique sur Israël et à travers lui, sur toute l'humanité (Ez 36, 24-28 ; Jl 2, 28-29).

L’œuvre de recréation de l'Esprit Saint a atteint son sommet dans l'incarnation du Christ qui, comme Nouvel Adam, fut rempli de l'Esprit Saint sans mesure (Jn 3, 34). Parce que Jésus a porté de manière privilégiée l'Esprit Saint, c'est Lui qui donne l'Esprit Saint pour la régénération des êtres humains : « Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint » (Jn 1, 33). À travers sa mort donnée pour une humanité pécheresse et son élévation à la gloire, Jésus Christ communique l'Esprit Saint à tous ceux qui se sont convertis à lui, c'est-à-dire qui le reçoivent par la foi comme leur Sauveur et Seigneur personnel. Cette nouvelle vie en Jésus Christ par le Saint-Esprit est manifestée par le baptême et par notre appartenance au Corps du Christ qu'est l'Église. De plus, par son enracinement dans les convertis, le Saint-Esprit atteste que ceux-ci sont des cohéritiers avec le Christ de la gloire éternelle.

 

2. Conversion et baptême

Nous avons été agréablement surpris de découvrir ce consensus considérable entre nous : le repentir et la foi, la conversion et le baptême, la régénération et l'incorporation dans la communauté chrétienne vont de pair. Cependant, nous avons été obligés de débattre de leur situation respective dans le dessein du salut.

« La conversion » signifie un retournement initial vers le Christ dans le repentir et la foi, en vue de recevoir le pardon des péchés et le don de l'Esprit et d'être incorporé dans l'Église. Le tout est conclu pour nous dans le baptême (Ac 2, 38-39). L'expression de « conversion continuelle » (si l'on s'en sert) doit être comprise comme se référant à notre repentir quotidien de chrétiens, à notre réponse aux nouveaux défis divins et à notre transformation graduelle à l'image du Christ dans l'Esprit (2 Co 3, 18). De plus, certains qui ont grandi dans un foyer chrétien se trouvent être des chrétiens régénérés, sans avoir la mémoire d'une conversion consciente.

Nous sommes d'accord pour dire que le baptême ne doit jamais être isolé, ni dans la théologie ni dans la pratique, du contexte de la conversion. Il appartient essentiellement à l'ensemble du processus de repentir, de foi, de régénération par l'Esprit Saint et d'appartenance à la communauté de l'Alliance qu'est l'Église. Un grand nombre d'Évangéliques (peut-être la majorité) pratiquent seulement le baptême « pour les croyants », c'est-à-dire qu'ils ne baptisent que ceux qui ont personnellement accueilli Jésus Christ comme leur Sauveur et leur Seigneur, et ils comprennent le baptême tant comme la profession de foi publique du converti que comme la mise en scène (par l'immersion dans l'eau) du fait qu'il (elle) est mort(e) et ressuscitée) avec le Christ. La pratique du baptême des enfants (en usage chez quelques Évangéliques, rejetée par d'autres) suppose d'une part que les parents ont la foi et vont élever leurs enfants dans la foi chrétienne et d'autre part que les enfants vont eux-mêmes arriver plus tard à un repentir et à une foi consciente.

Nous nous réjouissons ensemble de ce que tout le processus du salut soit l'œuvre de Dieu par l'Esprit Saint. C'est dans cette perspective que les Catholiques romains comprennent l'expression « ex opere operato » en ce qui regarde le baptême. Ceci ne veut pas dire que les sacrements ont une efficacité mécanique ou automatique. Le terme met plutôt l'accent sur le fait que le salut est une œuvre souveraine du Christ, en opposition à une confiance pélagienne ou semi-pélagienne dans la capacité de l'homme.

Il y a une dimension supplémentaire de l’œuvre de l'Esprit Saint dans notre réponse à l'Évangile, à laquelle nous sommes devenus de plus en plus sensibles et qui appartient, croyons-nous, à notre compréhension de l’œuvre de l'Esprit dans la mission.

À la lumière de l'enseignement biblique, particulièrement dans l'Épître aux Ephésiens[24] et en raison du discernement acquis à travers l'expérience missionnaire chrétienne, nous croyons que, même si la révélation par l'Esprit Saint de Jésus Christ comme la vérité est en soi complète dans les Écritures, néanmoins Celui-ci veut mener l'Église à une compréhension encore plus complète de cette révélation. Nous nous réjouissons donc de ce que dans les différents contextes culturels dans lesquels hommes et femmes à travers presque vingt siècles d'histoire chrétienne ont été amenés par l'Esprit à répondre à l'Évangile, nous puissions percevoir les nombreuses facettes de Jésus Christ, le Seigneur unique et le Sauveur de toute l'humanité.

Nous espérons donc que l'Esprit Saint nous ouvrira à de nouvelles et de plus profondes expériences dans notre compréhension de Jésus Christ, selon qu'il lui plaira de les communiquer par le moyen des différentes manifestations de la vie chrétienne dans nos communautés chrétiennes, ainsi que dans les sociétés humaines où nous désirons ardemment qu'il suscite une réponse à l'Évangile par la conversion, le baptême et l'incorporation au Corps du Christ qu'est l'Église.

 

3. L'appartenance ecclésiale

La conversion et le baptême sont la porte d'entrée dans la nouvelle communauté de Dieu, bien que les Évangéliques distinguent entre les aspects visibles et invisibles de cette communauté. Ils voient la conversion comme le moyen d'entrer dans l'Église invisible et le baptême comme le moyen par conséquent approprié d'entrer dans l'Église visible. Les deux parties sont d'accord pour dire que l'Église devrait se caractériser par l'étude, le culte, la sainteté, la charité fraternelle, le service et l'évangélisation (Ac 2, 42-47). De plus, la vie dans l'Église se caractérise par l'espérance et l'amour, comme résultat du débordement de l'Esprit Saint : « L'espérance ne trompe pas, parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cceurs, par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). C'est l'Esprit Saint qui éveille et soutient notre réponse au Christ vivant. Par la force de l'Esprit Saint, l'unité de la famille humaine, qui fut rompue par le péché, se recrée graduellement au fur et à mesure que la nouvelle humanité se révèle (Ep 2, 15).

Le sujet de l'appartenance ecclésiale a soulevé dans notre dialogue la question délicate et difficile de la conversion de ceux qui sont déjà baptisés. Que devons-nous penser de leur baptême ? À quelle Église devraient-ils appartenir ? Cette question pratique peut avoir de graves répercussions dans les relations entre Catholiques romains et Évangéliques. Elle est particulièrement aiguë dans des endroits comme l'Amérique latine où un grand nombre de Catholiques romains ont gardé une relation minime avec leur Église depuis leur baptême.

Quand de tels Catholiques romains font une expérience de conversion, plusieurs Églises Évangéliques les accueillent sans les rebaptiser. Quelques Églises baptistes cependant, et même d'autres, insisteraient sur la nécessité de baptiser de tels convertis, de même qu'ils baptisent les convertis protestants qui ont été baptisés pendant leur enfance.

Il y a ensuite le problème opposé de chrétiens protestants qui veulent devenir membres de l'Église catholique romaine. Depuis Vatican II, l'Église catholique romaine reconnaît les autres chrétiens d'abord comme des frères plutôt que comme des sujets à convertir. Néanmoins, parce que l'Église Catholique romaine croit que l'Église unique du Christ subsiste en elle dans un sens unique, elle croit aussi qu'il est légitime de recevoir d'autres chrétiens dans sa communion. Une telle appartenance n'est pas vue comme un pas initial vers le salut, mais comme un pas en avant dans la croissance chrétienne. On prend un soin considérable aujourd'hui pour s'assurer qu'un tel pas n'est pas fait sous une pression déloyale ou en raison de motifs indignes. Bref, on évite le « prosélytisme » dans le mauvais sens du terme. Ensuite, pourvu qu'il y ait quelque preuve de l'administration d'un baptême valide, il n'est pas question de rebaptiser.

Les membres de l'Église ont constamment besoin d'être remplis de force par la grâce de Dieu. Les Catholiques romains et les Évangéliques comprennent cependant la grâce différemment : les Catholiques romains la conçoivent davantage comme une vie divine et les Évangéliques comme une faveur divine. Les deux parties sont d'accord pour dire que c'est par un don totalement gratuit du Père que nous sommes unis au Christ et que nous devenons capables de vivre comme le Christ par la puissance de l'Esprit Saint. Les deux parties comprennent aussi l'Eucharistie (ou la Cène du Seigneur) comme un sacrement (ou une ordonnance) de la grâce. Les Catholiques romains affirment la présence réelle du corps et du sang du Christ et mettent l'accent sur le mystère du Christ et de son salut qui deviennent présents et efficaces par l’œuvre du Saint-Esprit sous le signe sacramentel,[25] tandis que les Évangéliques (avec des différences selon leurs traditions ecclésiales propres) voient le sacrement comme le moyen par lequel le Christ nous bénit en nous amenant à sa communion fraternelle, pendant que nous rappelons sa mort jusqu'à ce qu'Il revienne (1 Co 11, 26).

En dépit de l'absence d'un accord complet, que l'on vient d'exprimer, les Catholiques romains et les Évangéliques sont d'accord pour dire que l'Eucharistie est une nourriture et une boisson spirituelles (1 Co 10 ; 3-4, 16), parce que l'Esprit source d'unité œuvre dans se sacrement. En tant que mémorial de la Nouvelle Alliance, l'Eucharistie est un signe privilégié dans lequel la grâce salvifique du Christ est spécialement manifestée et/ou rendue accessible aux chrétiens. Dans 1'eucharistie l'Esprit Saint rend efficaces dans l'Église les paroles que Jésus a dites à la dernière Cène, et assure les chrétiens que par le moyen de leur foi ils sont intimement unis au Christ et les uns aux autres dans la fraction du pain et le partage de la coupe.

 

4. L'assurance du salut

Il a été depuis toujours traditionnel chez les Évangéliques de mettre l'accent non seulement sur le salut comme sur un don présent, mais aussi sur l'assurance du salut éprouvée par ceux qui l'ont reçu. Ils aiment, par exemple, citer 1 Jn 5, 13 : « Je vous ai écrit tout cela, pour que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui avez la foi au nom du Fils de Dieu ». Ainsi la vie éternelle commence en nous maintenant, grâce à l'Esprit du Christ ressuscité, parce que nous sommes « ressuscités avec lui, puisque nous avons cru en la force de Dieu qui l'a ressuscité des morts » (Col 2, 12). Malgré cela, dans la vie quotidienne nous vivons la tension entre ce qui est déjà donné et ce qui est encore attendu comme promesse, car « votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3, 3-4).

Les Catholiques romains et les Évangéliques sont d'accord pour dire que le seul fondement de notre assurance est l’œuvre objective du Christ et que ce fondement n'est nullement le fait du croyant.

Nous parlons assez différemment de l’œuvre du Christ et nous en rendons compte différemment en termes de piété pratique. Les Évangéliques parlent de l’œuvre « achevée » du Christ sur la croix et font reposer leur confiance uniquement sur elle. Les Catholiques romains tiennent aussi que l’œuvre du Christ a été accomplie « une fois pour toutes » ; ils estiment donc qu'elle ne peut pas être répétée. Néanmoins, ils estiment que par l'Eucharistie l’œuvre unique du Christ accomplie une fois pour toutes est rendue présente et que par ce moyen ils gardent une relation actuelle avec elle. La relation à l’œuvre accomplie par le Christ dont les Évangéliques font l'expérience est maintenue par la foi ; mais c'est une foi en ce qui fut accompli et ce qui a été accompli n'est jamais rendu présent à nouveau.

Les Catholiques romains et les Évangéliques affirment les uns et les autres connaître une expérience religieuse authentique, qui comprend une prise de conscience de la présence de Dieu et un goût pour les réalités spirituelles. Les Évangéliques pensent que les Catholiques romains manquent parfois de la joie visible dans le Christ que leur assurance leur a pourtant donnée, tandis que les Catholiques romains pensent que les Évangéliques sont quelquefois inattentifs aux avertissements du Nouveau Testament contre la présomption. Les Catholiques romains s'estiment aussi plus réalistes que les Évangéliques au sujet du caractère aléatoire de l'expérience religieuse. L'expérience vécue des Évangéliques les conduit très peu à douter de leur salut, mais les Catholiques romains savent que l’âme peut avoir ses nuits obscures. En résumé, les Évangéliques semblent aux Catholiques romains plus pessimistes au sujet de la nature humaine avant la conversion, mais plus optimistes après celle-ci, tandis que les Évangéliques considèrent que le contraire est vrai pour les Catholiques romains. Les uns et les autres sont ensemble d'accord pour dire que l'assurance chrétienne est plus une assurance de la foi (He 10,22) que de l'expérience, et que la persévérance jusqu'à la fin est un don gratuit de Dieu.

 

 

5. L'ÉGLISE ET L'ÉVANGILE

Les Évangéliques, en raison de leur insistance sur la valeur de l'individu, ont traditionnellement négligé la doctrine de l'Église. La question ne fut pas, cependant, négligée dans notre dialogue. Nous nous trouvons unis sur certaines convictions concernant l'Église et notre engagement envers elle. Nous nous sommes mis d'accord sur quatre points concernant les rapports entre l'Église et l'Évangile.

 

1. L'Église fait partie de l'Évangile

Le dessein rédempteur de Dieu a été depuis le commencement d'appeler un peuple à lui. En appelant Abraham, Dieu a promis de bénir toutes les nations à travers sa postérité, et il a tenu sa promesse. Car tous ceux qui sont unis au Christ, les Gentils comme les Juifs, sont les enfants spirituels d'Abraham et ont part à la bénédiction promise.[26]

Ce nouvel état de choses merveilleux, c'est-à-dire l'abolition du mur qui divisait les Juifs et les Gentils et la création d'une humanité nouvelle, a été au cœur de l'Évangile de Paul (Ep 2, 14-15). Celui-ci l'appelle le « mystère du Christ » qui lui a été révélé et qu'il doit maintenant révéler aux autres (Ep 3, 3-9).

Tant les Évangéliques que les Catholiques romains sont conscients d'un appauvrissement dans le passé de leur compréhension de l'Église. Les Catholiques romains concentraient leur attention sur l'Église comme institution hiérarchique, mais maintenant (depuis Vatican II) ils la voient sous un autre jour, en mettant l'accent sur les images bibliques majeures, telles que celle de Peuple de Dieu. Les Évangéliques ont quelquefois prêché un Évangile excessivement individualiste : « Le Christ est mort pour moi ». Cela est vrai (Ga 2, 20), mais c'est loin d'être toute la vérité, selon laquelle le Christ s'est donné pour nous, afin de « purifier un peuple qui lui appartienne » (Tt 2, 14).

Ainsi Catholiques romains et Évangéliques sont-ils d'accord pour dire que l'Église comme Corps du Christ fait partie de l'Évangile ; c'est-à-dire que la Bonne Nouvelle englobe le dessein de Dieu de créer pour lui-même par le Christ, un peuple nouveau, sauvé, uni et international, qui sera le sien.

 

2. L'Église est un fruit de l'Évangile

La première proclamation claire de la Bonne Nouvelle dans la puissance de l'Esprit Saint a eu pour résultat le rassemblement de la communauté du Peuple de Dieu, l'Église (Ac 2, 39-42). Ceci devait devenir le modèle suivi par les autres entreprises apostoliques et missionnaires avec l'Évangile. La condition pour l'appartenance à la communauté est le repentir (principalement du péché d'incroyance et de rejet du Christ) et la foi dans le Seigneur Jésus Christ, témoignée par l'acte de se soumettre au baptême en son nom (Ac 2, 38). Les bienfaits de cette appartenance comprennent la pacification personnelle due au pardon des péchés et la participation à la vie nouvelle de l'Esprit (Ac 2, 38-39 ; 1 Co 12, 13).

Dès le commencement, la communauté du peuple de Dieu fut marquée par une assiduité à l'enseignement apostolique, à la charité fraternelle (un partage qui allait jusqu'aux attentions d'un amour concret), à la fraction du pain (le repas du Seigneur) et aux prières ou au culte public (Ac 2,42). À cette communauté qui croyait, priait, partageait et témoignait, le Seigneur adjoignait dans ses rangs, jour après jour, ceux qui trouvaient le salut (Ac 2, 47).

Les Évangéliques dans l'ensemble ont eu tendance à mettre l'accent sur le salut personnel, au point de perdre de vue la place centrale de l'Église. La multiplication des organisations évangéliques et des agences qui n'ont pas de fondement ecclésial a contribué à ce désordre. Il y a, cependant, un désir croissant de réparer l'erreur. Car là où va l'Évangile, il porte du fruit dans la croissance et l'épanouissement de l'Église.

 

3. L'Église est une incarnation de l'Évangile

La vie même de l'Église comme nouvelle communauté de Dieu devient en soi un témoignage rendu à l'Évangile. « La vie de la communauté acquiert seulement son plein sens quand elle devient un témoignage, quand elle suscite l'admiration et la conversion et quand elle devient la prédication et la proclamation de la Bonne Nouvelle ».[27] Ainsi l'Église est-elle le signe de la puissance et de la présence de Jésus, la lumière du Christ brillant visiblement afin de réunir tous les hommes sous cette lumière.[28]

Comme fraternité de communautés à travers le monde, l'Église doit être « un peuple porté à une unité qui vient de l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit Saint » (Cyprien). C'est pourquoi Jésus est venu dans le monde et pourquoi la communion vivante des croyants, entre eux et le Seigneur et entre eux-mêmes, doit être la proclamation qui va mouvoir les cœurs vers la foi (Jn 13, 34-35 ; 17, 23).

En tout lieu la communauté croyante parle au monde par une vie authentiquement chrétienne, rendue à Dieu dans une communion que rien ne devrait détruire et en même temps donnée au prochain avec un zèle sans limite (cf. 1 P 2, 12).

C'est aussi la communauté de paix qui unit les Juifs et les Gentils, dans laquelle la puissance du Corps rompu du Christ détruit la haine qui se dressait comme un mur les divisant les uns des autres et où une seule humanité nouvelle a été créée (Ep 2, 15-16). L'Église ne peut pas prêcher avec honnêteté l'Évangile de la réconciliation, à moins d'être elle-même à l'évidence une communauté réconciliée.

C'est une communauté qui rend présent le Seigneur obéissant qui est mort pour nous. Elle est fondée sur lui (Ep 2, 20), il en est le Seigneur (Ep 1, 22). Le pouvoir qu'a l'Église de parler de lui vient de la manière dont elle reproduit en tous ses membres et dans sa vie commune l'obéissance du Christ au plan salvifique de Dieu.

Cette unité, cette sainteté, cet amour et cette obéissance sont les signes authentiques que le Christ n'est pas un Seigneur anonyme et lointain. Ils sont les marques d'une communauté toute confiée à Dieu, et ils parlent de la Bonne Nouvelle du salut en Jésus Christ.

 

4. L'Église est un agent de l'Évangile

Que l'Église doive être un agent de l'Évangile découle de sa vie intérieure. L'Église qui reçoit la Parole doit aussi l'annoncer en retour (1 Th 1, 5-8). L'Église qui incarne le message visiblement doit le déclarer verbalement.

Premièrement, l'Église continue et prolonge la même mission que le Christ.[29]

Deuxièmement, l'Église a reçu l'ordre du Christ d'être son témoin, dans la puissance de l'Esprit, jusqu'aux confins de la terre (Ac 1, 8).

Troisièmement, l'Église proclame le message avec l'autorité du Seigneur lui-même, qui lui a donné la puissance de l'Esprit. En ce qui concerne les sujets investis de cette autorité, il y a des divergences entre Évangéliques et Catholiques romains. Pour les Évangéliques l'agent de la proclamation est constitué par toute la communauté des croyants qui sont équipés pour cette tâche par ceux qui sont nommés au ministère pastoral (Ep 4, 11-12). Pour les Catholiques romains aussi, la tâche de l'évangélisation appartient à tout le peuple de Dieu, mais ils croient que les évêques ont un rôle et une responsabilité spéciale, tant pour guider la vie de la communauté dans cette tâche que pour prêcher la Bonne Nouvelle du Royaume, au titre de successeurs du ministère de l'époque apostolique.

En résumé, l'Église et l'Évangile appartiennent indissolublement l'un à l'autre. Nous ne pouvons pas penser à l'un séparément de l'autre. Car le dessein de Dieu de créer une communauté nouvelle dans le Christ est en lui-même un élément important de la Bonne Nouvelle. L'Église est aussi à la fois le fruit et l'agent de l'Évangile, puisque c'est par l'Évangile que l'Église se propage et par l'Église que l'Évangile se propage. Pour tout dire, à moins que l'Églisen’incarne l'Évangile, en lui donnant visiblement chair et sang, l'Évangile manque de crédibilité et l'Église d'efficacité dans le témoignage.

De plus en plus de chrétiens reconnaissent que ce manque de témoignage pleinement crédible et efficace est dû aux divisions qui existent entre eux. Ils croient que le Christ a appelé tous ses disciples, en tout âge, à lui rendre témoignage, à lui et à son Évangile, jusqu'aux confins de la terre (Ac 1, 8). Pourtant ceux qui confessent être ainsi ses disciples divergent sur le sens de l'unique Évangile et vont chacun de son côté, comme si le Christ lui-même était divisé (1 Co 1, 13).

Il est vrai que les séparations et les divisions entre chrétiens ont souvent été dues à des convictions tenues en conscience, et l'unité chrétienne ne doit pas être recherchée aux dépens de la vérité chrétienne. Néanmoins, les divisions et leurs causes contredisent la volonté de Jésus Christ qui désire que son peuple soit uni dans la vérité et dans l'amour. Elles contredisent aussi la proclamation de sa Bonne Nouvelle de réconciliation. Ainsi, l'Évangile appelle l'Église à être renouvelée en vérité, en sainteté et en unité, afin qu'elle soit effectivement renouvelée pour la mission aussi.

 

 

6. L'ÉVANGILE ET LA CULTURE

L'influence de la culture sur l'évangélisation, la conversion et l'organisation ecclésiale est reconnue de plus en plus comme un sujet d'importance missiologique majeure. Le rapport Willowbank « Évangile et Culture » (1978) définit la culture comme un système intégré de croyances (sur Dieu, ou la réalité, ou la signification ultime du monde), de valeurs (sur ce qui est vrai, bon, beau et normatif), de coutumes (comment se comporter, nos rapports humains, nos façons de parler, de prier, de nous habiller, de travailler, de jouer, de faire du commerce, de cultiver la terre, de manger, etc... ) et d'institutions qui expriment ces croyances, ces valeurs, ces coutumes (gouvernement, tribunaux, temples ou églises, famille, écoles, hôpitaux, usines, magasins, syndicats, clubs, etc...), qui rassemblent une société et lui donnent un sens de son identité, de sa dignité, de sa sécurité et de sa continuité.[30] Ainsi la culture informe-t-elle toute la vie humaine et il est essentiel que les chrétiens sachent l'évaluer.

On reconnaît que les Évangéliques et les Catholiques romains partent d'un vécu différent. Les Évangéliques semblent mettre l'accent sur la discontinuité, et les Catholiques romains le mettent sur la continuité, entre l'homme non racheté et l'homme racheté. En même temps, les deux points de vue sont nuancés. La discontinuité est nuancée chez les Évangéliques par la reconnaissance de l'image de Dieu dans l'humanité. La continuité l'est chez les Catholiques romains par la reconnaissance que les êtres humains et les sociétés sont contaminés par le péché. La Convention de Lausanne résume cette tension comme suit : « Parce que l'homme est la créature de Dieu, une part de sa culture est riche en beauté et en bonté. Parce qu'il est tombé, le tout est teinté de péché, et une autre part est démoniaque ».[31]

Nous avons particulièrement centré nos efforts sur la place qu'occupe la culture en quatre domaines : la Bible, l'évangélisation multiculturelle, la conversion et l'organisation ecclésiale.

 

1. La culture et la Bible

Nous avons déjà affirmé que la Bible est la Parole de Dieu à travers des paroles humaines. Nous rendant compte que le langage humain et la pensée humaine sont le reflet des cultures humaines, nous avons senti le besoin d'explorer deux questions majeures :

a) quelle fut l'attitude des auteurs bibliques vis-à-vis de leurs cultures ?

b) comment devons-nous nous-mêmes réagir au conditionnement culturel de l'Écriture ?

Pour répondre à la première, nous avons réfléchi sur le Nouveau Testament. Son message nous vient du contexte du monde du premier siècle, avec ses images et son vocabulaire propre et il est donc exprimé dans le contexte de la culture de ce monde-là. La culture est devenue le véhicule du message.

Mais à l'intérieur de cette culture du premier siècle, il y avait des éléments auxquels les chrétiens et l'Église furent appelés à résister au nom de leur loyauté envers le Seigneur Jésus. Les distinctions entre la communauté nouvelle et la culture environnante furent clairement établies. En même temps, le chrétien et l'Église jouissaient d'une liberté nouvelle dans le Christ, qui leur donnait la possibilité de discerner ceux des éléments de la culture qui devaient être rejetés comme hostiles à leur foi et ceux qui étaient compatibles avec elle et qui pouvaient ainsi être soutenus. La cécité qui conduit les chrétiens à tolérer le mal et/ou à méconnaître le bien dans leur culture est une tentation permanente.

L'autre question fut de savoir comment nous-mêmes devons réagir au conditionnement culturel de l'Écriture. Celle-ci se subdivise en deux sous-questions qui expriment les options qui sont devant nous. Premièrement, les formulations bibliques (dont nous avons déjà affirmé la normativité) sont-elles intrinsèquement conditionnées par leur mode d'expression culturelle et spécifique, au point de ne pas pouvoir être modifiées, en fonction des différents milieux culturels ? Autrement dit, est-ce que l'inspiration biblique (que tant les Évangéliques que les Catholiques romains reconnaissent) rend normatives les formes culturelles elles-mêmes ? L'alternative consiste à se demander si c'est l'enseignement révélé qui est normatif, mais de telle sorte qu'il puisse être réexprimé sous d'autres formes culturelles. Nous croyons que la dernière hypothèse est la plus juste, et que la responsabilité de telles réexpressions ou traductions incombe tant aux missionnaires des milieux pluriculturels qu'aux dirigeants chrétiens locaux.[32]

 

2. Culture et évangélisation

Les missionnaires chrétiens se trouvent dans une situation de défi biculturel et souvent triculturel. Ils viennent eux-mêmes d'une culture particulière, ils voyagent vers des gens nourris d'une autre culture que la leur et apportent avec eux un Évangile biblique originellement formulé dans une troisième culture. Comment cette interférence de cultures influencera-t-elle leur évangélisation ? Et comment peuvent-ils être à la fois fidèles à l'Écriture et pertinents vis-à-vis de cette culture locale ?

Dans l'histoire de la mission, un progrès est discernable. Les approches successives peuvent être résumées comme suit :

a) Dans la première période, le missionnaire apportait avec le message évangélique plusieurs formes culturelles venues de sa propre situation. Dès lors la culture, au lieu d'être (comme dans le Nouveau Testament) un véhicule pour la proclamation de l'Évangile, est devenue un obstacle à celle-ci. Des aspects accidentels de la doctrine et de la pratique furent enseignés comme s'ils étaient essentiels, et un christianisme culturel fut prêché comme s'il était l'Évangile.

b) Dans la deuxième période, le message de l'Évangile fut traduit en des termes (formes de langage, de pensée, symboles artistiques et musique) appropriés à ceux à qui il était apporté, et les formes de la culture missionnaire furent peu à peu abandonnées. Désormais les cultures locales, au lieu d'être négligées, furent respectées et furent utilisées pour une meilleure communication de l'Évangile. En somme, l'Évangile commençait à être « contextualisé ».

c) Dans la période actuelle, les missionnaires essaient d'apporter à la fois l'Évangile biblique et une expérience de vie dans le Christ. Ils essaient aussi de prendre au sérieux les gens pour lesquels ils sont venus, avec leur manière de vivre et de voir le monde, de sorte que ceux-ci puissent trouver une manière authentique qui leur soit propre d'expérimenter et d'exprimer le salut du Christ. Cette forme d'évangélisation essaie d'être à la fois fidèle à la révélation biblique et pertinente pour la culture des gens. En fait, le but est de rapprocher l'Écriture, le contexte et l'expérience dans une relation active qui puisse présenter efficacement l'Évangile.

 

3. Culture et conversion

Il est clair pour nous que la conversion comprend le repentir, et ce repentir consiste à se détourner de la vie ancienne. Mais quels sont les aspects de la vie ancienne dont le converti doit se détourner ? La conversion ne peut pas être seulement l'acte de se détourner du « péché », tel qu'il est défini selon les normes de telle ou telle culture particulière. Car les différentes cultures ont des idées différentes sur le péché et nous devons reconnaître cet aspect du pluralisme. Les missionnaires et les chefs d'Église en chaque région ont donc besoin d'une grande sagesse, à la fois au moment où une personne se convertit et pendant le temps de sa maturation chrétienne, afin de distinguer entre l'aspect moral et le culturel, entre ce qui est approuvé ou condamné clairement par l'Évangile d'une part ou par les convenances de la coutume d'autre part. Le repentir de la conversion devrait être uniquement une renonciation à ce que condamne l'Évangile.

 

4. Culture et formes ecclésiales

Dans le développement de la communauté chrétienne en chaque lieu, comme dans les autres domaines mentionnés, les missionnaires doivent éviter toute forme d'impérialisme culturel, c'est-à-dire l'imposition à l'Église de formes culturelles étrangères. De même que l'Évangile a besoin d'être inculturé, l'Église de même doit l'être.

Nous sommes d'accord pour dire que le but de « l'indigénisation » ou de « l'inculturation » est de faire des chrétiens de chaque lieu des membres à part entière du Corps du Christ. Ceux-ci ne doivent pas s'imaginer que pour devenir chrétien, il faut devenir un occidental, en rejetant pour ce faire leur propre héritage culturel et national. Le même principe s'applique en Occident, où trop souvent devenir chrétien voulait dire entrer dans la classe moyenne.

Il y a de nombreuses sphères dans lesquelles il devrait être permis à chaque Église de développer sa propre identité. La première est la question de certaines formes d'organisation, spécialement en ce qui concerne la direction de l'Église. Bien que les Catholiques romains et les Évangéliques aient une approche différente de l'autorité et de son exercice, nous sommes d'accord pour dire que dans chaque communauté chrétienne (surtout nouvelle) l'autorité doit être exercée dans un esprit de service : « Je suis parmi vous comme celui qui sert », a dit Jésus (Lc 22, 27). Aussi l'expression donnée à la direction de l'Église peut-elle varier selon les différentes cultures.

La deuxième sphère est celle de la créativité artistique, par exemple l'architecture d'Église, la peinture, les symboles, la musique et le théâtre. Des Églises locales vont vouloir exprimer leur identité chrétienne dans des formes artistiques qui reflètent leur culture locale.

Un troisième domaine est la théologie. Chaque Église devra encourager la réflexion théologique sur les aspirations de sa culture et chercher à développer une théologie qui leur donne une expression. Cependant, elle le fera seulement de façon à mettre en pratique la révélation biblique et non à la compromettre.

Deux problèmes guettent une Église qui cherche à « s'auto-inculturer » : le provincialisme et le syncrétisme. Le « provincialisme » pousse l'affirmation de la culture locale d'une Église particulière jusqu'au point de se séparer des autres Églises et même de les rejeter. Nous sommes d'accord pour dire que des expressions nouvelles de la vie de l'Église locale ne doivent nullement briser les liens de fraternité avec la communauté chrétienne plus large.

Le « syncrétisme » est la tentative de fusionner l'Évangile biblique avec des éléments de la culture locale qui, erronés ou malfaisants, sont incompatibles avec lui. Mais la vraie relation de l'Évangile à la culture est celle du discernement qui en refuse certains éléments et en accueille d'autres. Les critères mis en œuvre engagent la question de savoir si tel ou tel élément se trouve sous le jugement de la Seigneurie du Christ et s'il manifeste les fruits de l'Esprit.

Il faut admettre que toute expression de la vérité chrétienne est inadéquate et peut être faussée. Il y a donc besoin d'un dialogue mutuellement respectueux sur les mérites respectifs des vieilles et des nouvelles formes, à la lumière tant de la révélation biblique que de l'expérience d'une plus large communauté de foi.

Le Concile de Vatican II s'est penché sur ces questions importantes. Il a reconnu que dans chaque culture il y a des éléments qui ont besoin d'être « délivrés des associations mauvaises » et rendus « au Christ leur auteur qui détruit l'empire du diable et arrête la malice infiniment diverse des crimes ». De cette manière, « tout ce qu'on découvre de bon semé dans le cœur et l’âme des hommes ou dans les rites particuliers et les cultures particulières des peuples... est purifié, élevé et porté à sa perfection... ».[33]

Ainsi la question n'est-elle pas d'adapter des choses qui viennent du monde usurpé par Satan, mais de les remettre en possession du Christ. Les prendre comme elles sont serait du syncrétisme. D'autre part une « reprise de possession » comprend quatre étapes : a) la sélection de certains éléments de sa culture ; b) le rejet d'autres éléments qui sont incompatibles avec l'essence de la foi biblique ; c) la purification des éléments choisis et adoptés de tout ce qui est indigne du Christ ; d) l'intégration de ces éléments dans la foi et la vie de l'Église.

L'âge à venir est entré dans l'âge présent de telle manière qu'il atteint notre vie tant avec la grâce qu'avec le jugement. Il rompt avec chaque culture. Vatican II a fait allusion à cette discontinuité et a souligné le besoin « pour les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge » d'être fortifiés, « rendus parfaits et restaurés dans le Christ ».[34]

Jésus Christ est le Seigneur de tout et notre suprême désir vis-à-vis de chaque culture est de « rendre toute pensée captive pour l'amener à obéir au Christ » (2 Co 10, 5).

 

 

7. LES POSSIBILITÉS DE TÉMOIGNAGE COMMUN

Dans ce dernier chapitre nous quittons le plan de l'exploration théologique pour celui de l'action pratique. Nous avons indiqué nos points d'accord et de désaccord. Nous considérons maintenant ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire ensemble. Parce que notre discussion sur ce sujet fut incomplète, ce qui suit doit attendre encore de plus amples développements.

 

1. Notre unité et notre désunion

Nous avons essayé de regarder avec honnêteté et franchise les points qui nous divisent comme Catholiques romains et comme Évangéliques. Nous n'avons ni ignoré, ni sous-évalué, ni non plus minimisé ces points, puisqu'ils sont réels et en certains cas sérieux.

En même temps nous savons et nous avons fait l'expérience que les murs de notre séparation n'atteignent pas le ciel. II y a beaucoup de points qui nous unissent et beaucoup aussi dans chacune des manifestations différentes de la foi et de la vie chrétienne que nous avons évaluées. Notre préoccupation tout au long de notre dialogue n'a pas été d'aboutir à l'unité structurelle des Églises, mais plutôt d'arriver à la possibilité d'un témoignage commun. Quand nous parlons donc d'« unité », c'est ce à quoi nous pensons.

Pour commencer, nous reconnaissons chez nous et chez les autres une foi ferme en Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Cette foi est pour nous plus qu'une conviction, c'est un engagement. Nous sommes venus au Père à travers le Fils par le Saint Esprit (Ep 2, 18).

Nous reconnaissons aussi que l'Évangile est la Bonne Nouvelle de Dieu au sujet de son Fils Jésus Christ (Rm 1, 1-3), de sa divinité et de son humanité, de sa vie et de son enseignement, de ses actes et de ses promesses, de sa mort et de sa résurrection, et du salut qu'Il a accompli une fois pour toutes et qu'il offre maintenant. En outre, Jésus Christ est notre Sauveur et notre Seigneur, car il est l'objet de notre confiance personnelle, de notre dévotion et de notre attente. En effet, la foi, l'espérance et l'amour sont les dons qu'il nous fait, qui nous sont accordés gratuitement sans aucun mérite de notre part.

De plus, la Parole de Dieu et l'Esprit nourrissent cette vie nouvelle en nous. Nous voyons les uns chez les autres le « fruit de l'Esprit » qui est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23). Il n'est pas surprenant que Paul continue dans ce texte, avec cette exhortation : qu'il n'y ait entre nous « aucun orgueil personnel, pas de provocation, aucune envie vis-à-vis de l'autre » (v. 26).

Il y a donc entre nous une unité première, mais qui reste incomplète.

Néanmoins les divisions subsistent, même sur certaines doctrines d'importance, comme nous l'avons précisé dans les chapitres antérieurs de notre rapport. Notre foi a développé en nous des convictions fortes (comme il se devait), certaines nous unissent, d'autres nous divisent. La force même de nos convictions ne nous a pas seulement rapprochés dans un respect mutuel, mais elle a été aussi une source de tension pénible. Ce fut le prix de notre rencontre ; essayer de cacher ou de diluer nos différences n'aurait pas contribué à un dialogue franc, mais l'aurait travesti ; tout comme l'aurait fait toute tentation de grossir nos différences ou de les présenter sous un faux jour. Nous confessons que dans le passé des membres de nos deux appartenances ont été coupables de se donner les uns des autres une mauvaise représentation, à cause d'une paresse dans l'étude, d'un refus d'écouter, de jugements superficiels ou purement et simplement de préjugés. En agissant ainsi, nous avons porté de faux témoignages à l'encontre de notre prochain.

Voilà donc la situation. Il y a des vérités profondes qui nous unissent déjà dans le Christ, mais des convictions réelles et importantes nous divisent encore. À la lumière de tout cela nous posons la question : que pouvons-nous faire ensemble ?

 

2. Témoignage commun

« Témoignage » dans le Nouveau Testament signifie normalement le témoignage unique des témoins oculaires que sont les apôtres qui parlaient de Jésus Christ d'après ce qu'ils avaient vu et entendu. Plus généralement, le terme est employé à propos de tous les chrétiens qui désignent le Christ à l'attention des autres d'après l'expérience personnelle qu'ils ont de Lui et par leur réponse à ses instructions. Nous employons cependant le mot ici dans un sens encore plus large, à propos de toute activité chrétienne orientée vers le Christ, selon un usage familier qui vient des deux documents produits par le Conseil œcuménique des Églises et l'Église Catholique romaine, intitulés « Témoignage commun et prosélytisme » (1970) et « Témoignage commun » (1980).

a) Témoignage commun dans la traduction et la publication de la Bible

Il est très important que les Catholiques romains et les Protestants aient un texte commun et approuvé de la Bible en chaque langue vernaculaire. Des textes différents font naître un climat de suspicion mutuelle, et un texte accepté en commun développe la confiance et facilite une étude conjointe de la Bible. L'Alliance Biblique Universelle a rendu de bons services en ce domaine et la Bible commune (R.S.V.), publiée en anglais en 1973, a marqué un pas de plus dans les relations entre Catholiques romains et Protestants.

L'insertion des Apocryphes de l'Ancien Testament (des livres écrits en grec pendant les deux derniers siècles avant le Christ), que les Catholiques romains considèrent comme faisant partie de la Bible, ont posé un problème et, dans certains pays, les Évangéliques n'ont pas cru pouvoir pour cette raison se servir de cette version. L'Alliance Biblique Universelle et le Secrétariat pour la promotion de l'unité chrétienne ont publié des guides en cette matière,[35]qui recommandent que les Apocryphes soient imprimés « comme une section séparée avant le Nouveau Testament » et qualifiés comme « deutérocanoniques ». Beaucoup d'Évangéliques se sentent libres de se servir d'une Bible commune dans ces conditions, même si la plupart préféreraient que les Apocryphes soient totalement omis.

b) Témoignage dans l'utilisation des media

Même si nous avons considéré que l'accessibilité à une Bible commune est un besoin prioritaire, les Évangéliques et les Catholiques romains sont unis pour reconnaître l'importance de la littérature chrétienne en général et des supports audio-visuels chrétiens. En particulier, il est très précieux que la Bible commune soit complétée par des notes de lecture rédigées en commun. Dans certaines parties du monde, des atlas et des manuels, des dictionnaires et des commentaires bibliques, des notes explicatives pour une lecture quotidienne de la Bible sont à la portée de tous, sous une forme qui ne trahit aucun penchant dénominationnel ou ecclésial. La même chose se vérifie au sujet de certaines projections et de films chrétiens. Les Évangéliques et les Catholiques romains gagneraient à se familiariser chacun avec le matériel des autres, dans l'idée de s'en servir chaque fois que cela serait possible.

De plus, les Églises ont la possibilité dans certains pays de se servir de la radio et de la télévision nationales pour la diffusion d'émissions chrétiennes. Nous suggérons, spécialement dans les pays où les chrétiens forment une petite minorité de la population totale, que l'Église catholique romaine, les Églises protestantes et les organisations spécialisées coopèrent plutôt que de se faire concurrence dans le développement de programmes appropriés.

c) Témoignage commun dans le service communautaire

La disponibilité des services sociaux varie beaucoup d'un pays à l'autre. Quelques gouvernements proposent des services sociaux généreux, même si souvent la dimension spirituelle leur fait défaut ; les chrétiens peuvent apporter la foi, la compassion et l'espoir à un service qui sinon resterait séculier. Dans d'autres pays, les possibilités du gouvernement sont inadéquates ou mal réparties. Dans ces cas, les Églises ont une responsabilité particulière pour découvrir les plus grosses lacunes et essayer de les combler. Dans de nombreux cas, le gouvernement accueille avec joie la contribution de l'Église.

Au nom du Christ, les Catholiques romains et les Évangéliques peuvent se mettre ensemble au service des besoins des hommes, en apportant une aide d'urgence aux victimes des séismes, des inondations, des famines, des tremblements de terre, et aux réfugiés pour leur hébergement. Ils peuvent promouvoir des développements urbains et ruraux, nourrir les affamés et soigner les malades, s'occuper des vieillards et des mourants, développer le conseil matrimonial, travailler à l'enrichissement et à la réconciliation, développer un service d'aide aux futures mères et de soutien aux familles monoparentales. Ils peuvent encore organiser des formations à l'alphabétisation pour les illettrés et rechercher des emplois pour les chômeurs, entreprendre des actions afin de sortir les jeunes (garçons et filles) des milieux de la drogue et de la prostitution. Il semble injustifiable que les Catholiques romains et les Évangéliques aient des projets séparés de nature purement humanitaire. Il y a toute raison pour que ces projets se réalisent en commun. Même si la foi nous divise sur certains points, l'amour du prochain devrait nous unir.

d) Témoignage commun dans la pensée et l'action

Il existe un urgent besoin d'une nouvelle pensée chrétienne au sujet des problèmes sociaux que nous pose le monde contemporain. L'Église catholique romaine a fait un travail remarquable en ce domaine, notamment à travers les encycliques sociales des récents papes. Les Évangéliques commencent seulement maintenant à rattraper leur retard après quelques décennies de négligence. Il serait de notre intérêt mutuel de nous engager ensemble dans le débat social chrétien. Un témoignage chrétien, clair et uni, est nécessaire devant des défis tels que la course aux armements nucléaires, l'inégalité économique entre le Nord et le Sud, la crise de l'environnement, la révolution dans la morale sexuelle.

Le passage d'une réflexion en commun à des actions communes dépendra largement de la mesure où le gouvernement de nos pays sera démocratique ou autocratique, influencé par les valeurs chrétiennes ou imbu d'une idéologie hostile à l'Évangile. Quand un régime est oppresseur et quand une voix prophétique chrétienne doit se faire entendre, une seule voix devrait pouvoir parler au nom des Catholiques romains et des Protestants. Un tel témoignage uni pourrait aussi apporter un soutien à la recherche de la paix, de la justice et du désarmement. Il pourrait être rendu en faveur de la sainteté de la sexualité, du mariage et de la vie de famille. Il pourrait faire campagne pour la réforme d'une législation qui permet l'avortement, défendre les droits de l'homme et la liberté religieuse, dénoncer l'usage de la torture et agir en faveur de ceux qui sont prisonniers pour des raisons de conscience ; promouvoir les valeurs morales chrétiennes dans la vie publique et dans l'éducation des enfants, chercher à éliminer la discrimination raciale et sexuelle ; contribuer au renouveau des centre-ville en déclin, s'opposer à la malhonnêteté et à la corruption. Il y a beaucoup de domaines comme ceux-là dans lesquels les Catholiques romains et les Évangéliques peuvent réfléchir et engager des actions ensemble. Notre témoignage sera plus fort, s'il est un témoignage commun.

e) Témoignage commun dans le dialogue

Le terme de « dialogue » a des significations différentes pour différentes personnes. Certains chrétiens l'interprètent comme intrinsèquement compromettant, parce qu'ils croient qu'il exprime un manque de volonté dans l'affirmation de la vérité révélée, sans parler de sa proclamation. Mais pour nous le « dialogue » veut dire une conversation franche et sérieuse entre des individus ou des groupes, dans laquelle chaque partie est prête à écouter respectueusement l'autre, dans l'idée d'une meilleure compréhension réciproque. Nous n'y voyons pas de compromission. Au contraire, nous croyons qu'il est essentiellement chrétien de se rencontrer face à face, plutôt que de préserver notre isolement mutuel et mêmeune indifférence l'un envers l'autre, et d'écouter la déclaration des positions propres de chacun, plutôt que de se fier à des rapports de seconde main. Dans un dialogue authentique, nous essayons d'écouter attentivement non seulement ce que dit l'autre, mais aussi les préoccupations qu'il nourrit avec force et qui sous-tendent ses paroles. De la sorte, les images caricaturales que nous avons les uns des autres se corrigent.

Nous croyons que les dialogues les plus fructueux entre Catholiques romains et Évangéliques naîtront de notre étude commune de la Bible. Comme le dit ce rapport, les deux parties regardent la Bible comme la Parole de Dieu et reconnaissent le besoin de la lire, de l'étudier, de la croire et de lui obéir. C'est sans doute grâce à la Parole de Dieu qu'éclairés par l'Esprit de Dieu nous allons faire des progrès vers une entente meilleure.

Nous pensons aussi que nous avons besoin d'un dialogue Évangélique-Catholique romain sur les grandes questions théologiques et éthiques actuellement débattues dans toutes les Églises et qu'un échange de professeurs invités entre les séminaires serait particulièrement fécond.

Tout dialogue honnête et charitable est bénéfique à ceux qui y participent ; il enrichit notre foi, approfondit notre compréhension et fortifie et clarifie nos convictions. Il est aussi un témoignage en lui-même, dans la mesure où il atteste un désir de réconciliation. En même temps, il exprime un amour qui englobe même ceux qui ne sont pas d'accordo

De plus, le dialogue théologique peut mener à des affirmations communes, spécialement en ce qui concerne le monde de l'incroyance et les nouvelles tendances théologiques qui doivent plus à la culture contemporaine qu'à la révélation ou à la tradition chrétienne. Des déclarations pondérées et communes faites par des Catholiques romains et des Évangéliques pourraient apporter une puissante contribution aux discussions théologiques contemporaines.

f) Témoignage commun dans le culte

Le mot de « culte » est employé en un large éventail de sens, allant de la prière spontanée, quand « deux ou trois » se rencontrent au nom du Christ dans une maison, jusqu'au service liturgique dans une église. Nous pensons que ni les Évangéliques ni les Catholiques romains ne devraient hésiter à s'unir pour une prière commune, lorsqu'ils se rencontrent les uns chez les autres. En effet, s'ils se rencontrent pour un groupe d'étude biblique, il serait tout à fait normal qu'ils prient ensemble, pour demander la lumière avant le cours et, après celui-ci, pour recevoir la grâce de lui obéir. Des rencontres informelles encore plus importantes ne devraient donner lieu à aucune difficulté non plus. En effet, dans diverses parties du monde, les Évangéliques et les Catholiques romains se rencontrent déjà pour une louange et une prière commune dans des célébrations charismatiques et des rassemblements qui ne se présentent pas comme tels. À travers de telles expériences, ils ont été amenés à faire une expérience plus profonde de Dieu et à vivre une communion plus étroite les uns avec les autres. Une participation occasionnelle dans les offices à l'église des uns et des autres est également naturelle, spécialement pour renforcer la solidarité familiale et les liens d'amitié.

C'est quand la question de la possibilité d'une participation commune à la Sainte Communion ou à l'Eucharistie est soulevée, que se posent des problèmes majeurs de conscience. Les deux parties de notre dialogue voudraient décourager sérieusement des approches insuffisamment réfléchies pour un culte sacramentel commun.

La Messe est au cœur de la doctrine et de la pratique catholiques romaines et son importance est encore plus grande dans la spiritualité catholique depuis le concile de Vatican II. N'importe qui est libre d'assister à la Messe. Les autres chrétiens ne peuvent cependant pas y recevoir la communion, sauf quand ils le demandent en certains cas limités de « nécessité spirituelle » spécifiés par la législation catholique romaine en vigueur. Les Catholiques romains peuvent à l'occasion assister à un service de communion protestant en tant qu'il est un acte de culte. Mais il n'y a pas de disposition de l'Église Catholique romaine qui permettrait à ses membres de recevoir la communion dans un service d'une Église protestante, même lors de célébrations œcuméniques. Les Catholiques romains ne se sentiraient pas non plus la conscience libre de le faire.

Plusieurs Églises évangéliques pratiquent une politique de communion « ouverte », en annonçant la bienvenue à tous ceux qui « mettent leur confiance en Jésus Christ pour leur salut et ont une attitude d'amour et de charité envers tous et chacun », quelle que soit leur appartenance ecclésiale. Elles n'excluent pas les croyants Catholiques romains. La plupart des Évangéliques se sentiraient incapables en conscience de se présenter à une messe catholique romaine, même s'ils y avaient été invités. Cela, parce que la doctrine de la Messe fut l'un des principaux points en question pendant la Réforme du XVIe siècle et que les Évangéliques ne sont pas satisfaits de l'explication catholique romaine de la relation entre le sacrifice du Christ sur la croix et le sacrifice de la Messe. Mais cette question ne fut pas débattue lors de nos réunions.

Parce que tant les Catholiques romains que les Évangéliques croient que le repas du Seigneur fut institué par Jésus comme un moyen de grâce,[36] et que Celui-ci a ordonné à ses disciples de « faire cela en mémoire » de lui, il nous est très pénible de nous voir si profondément divisés en un domaine qui devrait nous unir et de constater que nous sommes ainsi incapables d'obéir ensemble au commandement du Christ. Avant que cela ne soit possible, une étude théologique profonde et soutenue de ce sujet sera nécessaire. Nous ne l'avons pas même commencée à l'ERCDOM.

g) Témoignage commun dans l'évangélisation

Même s'il y a des différences dans nos définitions de l'évangélisation, les Catholiques romains et les Évangéliques sont d'accord pour dire que l'évangélisation implique la proclamation de l'Évangile et qu'ainsi toute évangélisation commune présuppose nécessairement un engagement commun envers le même Évangile. Dans les chapitres précédents de ce rapport, nous avons attiré l'attention sur certaines doctrines dont notre compréhension est identique ou presque. Nous désirons affirmer ces vérités ensemble. En d'autres domaines importants, cependant, un accord substantiel nous échappe encore et ainsi un témoignage commun dans l'évangélisation semblerait-il prématuré, même si nous connaissons des situations en plusieurs parties du monde dans lesquelles Évangéliques et Catholiques romains ont cru pouvoir faire une proclamation commune.

Les Évangéliques sont particulièrement sensibles à ce point, ce qui n'est peut-être pas surprenant, puisque l'appellation d'« Évangélique » contient en soi le mot « Évangile ». Les Évangéliques se disent eux-mêmes des gens de 1'« Évangile », et ils sont habituellement prêts, si on le leur demande, à donner un résumé de leur compréhension de l'Évangile. Au cœur de leur compréhension, il y aura ce qu'ils appellent souvent « l’œuvre accomplie par le Christ », c'est-à-dire que Jésus, en portant nos péchés sur la croix, a fait tout ce qui était nécessaire pour notre salut et que nous n'avons qu'à mettre notre confiance en lui pour être sauvés. Même si bien des Évangéliques admettent que leur présentation de l'Évangile est souvent unilatérale ou défectueuse, il reste qu'ils ne pourraient pas envisager une évangélisation dans laquelle la Bonne Nouvelle de la justification des pécheurs par la grâce de Dieu dans le Christ à travers la foi seule ne serait pas proclamée. Les Catholiques romains ont eux aussi leurs problèmes de conscience. Ils ne voudraient pas nier nécessairement la validité du message que prêchent les Évangéliques, mais ils ajouteraient que des aspects importants de l'Évangile y manquent. En particulier, ils soulignent le besoin de vivre l'Évangile dans la vie sacramentelle de l'Église et de respecter l'autorité doctrinale de celle-ci. En effet, l'évangélisation est pour eux essentiellement une activité de l'Église, faite par l'Église et menée en relation avec l'Église.

Tant que chaque partie regardera la vision qu'a l'autre de l'Évangile comme défectueuse, il existera un obstacle formidable à surmonter. C'est pour nous la cause d'une peine particulière dans notre dialogue sur la mission, au cours duquel nous avons éprouvé beaucoup d'estime les uns pour les autres et nous avons découvert des points d'accord inattendus. Mais nous devons respecter mutuellement notre intégrité. Nous nous engageons à continuer à prier, à réfléchir et à discuter ensemble dans l'espoir de trouver une solution.

 

3. Contre-témoignage

Nous sentons le besoin de faire allusion à la pratique qui cherche à évangéliser ceux qui sont déjà membres d'une Église. Car cet agissement est une source de malentendus, voire de ressentiment, surtout quand des Évangéliques essaient de « convertir » des Catholiques romains. Ceci provient du phénomène que les Évangéliques appellent le « christianisme nominal » et qui dépend de la distinction plutôt tranchante qu'ils font entre l'Église visible (des chrétiens nominaux) et l'Église invisible (des chrétiens engagés et authentiques), bref, entre ceux qui ne sont chrétiens que de nom et ceux qui le sont en réalité. Les Évangéliques considèrent que les chrétiens nominaux ont besoin d'être gagnés au Christ. Les Catholiques romains parlent aussi d'« évangélisation » de telles personnes, mais ils les appellent des gens « tombés », « non-pratiquants », plutôt que « nominaux », car ils ne font pas de séparation entre Église visible et invisible. Il est donc compréhensible qu'ils soient offensés quand les Évangéliques semblent regarder tous les catholiques romains « ipso facto » comme des incroyants, et basent leur évangélisation sur une vue erronée de la doctrine et de la pratique catholique romaine. De l'autre côté, puisque les Évangéliques veulent évangéliser les membres nominaux de leurs propres Églises, aussi bien que ceux des autres, ils considèrent cette activité comme une réelle préoccupation évangélique, et non comme une manière répréhensible de « dérober des ouailles ». Les Catholiques romains n'acceptent pas cette forme de raisonnement.

Nous reconnaissons qu'une conviction de conscience conduit certaines personnes à changer d'allégeance, soit de la foi catholique à la foi évangélique, soit de la foi évangélique à la foi catholique, et en conduit d'autres à essayer de convaincre des gens de le faire. Si la chose se passe en conscience et sans coercition, nous ne la considérerons pas comme du prosélytisme.

Il y a d'autres formes de témoignage que nous pourrions désigner comme du « contre-témoignage» et donc comme du « prosélytisme » plutôt que comme de « l'évangélisation ». Nous sommes d'accord en général avec l'analyse donnée dans le document d'étude intitulé « Témoignage commun et prosélytisme » (1970) et nous allons en souligner en particulier ici trois aspects.

Premièrement, le prosélytisme est bien vérifié lorsque notre mobile est indigne, par exemple, quand notre vraie préoccupation dans le témoignage n'est pas la gloire de Dieu par le salut de tous, mais plutôt le prestige de notre propre communauté chrétienne, voire notre propre prestige personnel.

Deuxièmement, nous sommes coupables de prosélytisme lorsque nos méthodes sont indignes, spécialement quand nous avons recours à toute sorte de « coercition physique, de contrainte morale ou de pression psychologique » ; quand nous cherchons à effectuer une conversion en offrant des bienfaits matériels et politiques, ou quand nous exploitons les besoins, les faiblesses ou le manque de formation des autres. Ces pratiques sont un affront à la liberté et à la dignité humaine, de même qu'à l'Esprit Saint dont le témoignage est fait de douceur et d'absence de contrainte.

Troisièmement, nous sommes coupables de prosélytisme quand notre message inclut « une référence injuste et peu charitable aux croyances et aux pratiques d'autres communautés religieuses dans l'espoir de gagner des adeptes ». Si nous estimons nécessaire de faire des comparaisons, nous devons comparer les forces et les faiblesses d'une Église avec celles de l'autre, et ne pas mettre ce qu'il y a de meilleur dans l'une en opposition avec ce qu'il y a de pire dans l'autre. En venir à donner des appréciations délibérément tendancieuses est incompatible avec la vérité et l'amour.

 

Conclusion

Ceux qui ont participé à la troisième session de l'ERCDOM sont d'accord pour dire que nous devrions saisir chaque occasion de témoignage commun, sauf là où notre conscience ne le permet pas. Nous ne pouvons pas décider les uns pour les autres, cependant, parce que nous reconnaissons que la situation varie selon les différents groupes et endroits. En tout cas, la triste réalité de nos divisions sur des questions importantes de la foi met un frein au témoignage commun qui est possible. À une extrémité du spectre se trouvent ceux qui ne songent à aucune coopération de quelque sorte qu'elle soit. À l'autre bout, il y a ceux qui désirent une coopération vraiment complète. Entre les deux, il y a ceux qui trouvent encore que certaines formes de témoignage commun sont impossibles en conscience, tout en considérant que d'autres sont l'expression naturelle, positive d'une préoccupation et d'une conviction communes. Dans plusieurs situations du Tiers-Monde par exemple, les divisions qui ont pris naissance en Europe se font sentir avec moins d'intensité, et la confiance mutuelle a grandi par la pratique unie de la prière et de l'étude de la Parole de Dieu. Bien que tous les chrétiens doivent comprendre les origines historiques et les enjeux théologiques de la Réforme, encore est-il que nos divisions continues sont une pierre d'achoppement et que l'Évangile nous appelle au repentir, au renouveau et à la réconciliation.

Nous croyons que le dialogue Évangélique-Catholique romain sur la Mission a achevé sa tâche. En même temps, nous espérons que le dialogue sur la mission entre Catholiques romains et Évangéliques va continuer, de préférence sur une base régionale ou locale, afin que des progrès ultérieurs puissent être réalisés en vue d’une compréhension, un partage et une proclamation communs de « la foi qui fut une fois pour toutes transmise aux saints » (Jude 3). Nous soumettons ces entreprises passées et futures à Dieu et nous prions pour que « confessant la vérité dans l'amour, nous grandissions à tous égards vers celui qui est la tête, Christ » (Ep 4, 15).

 


Appendice

LES RENCONTRES ET LES PARTICIPANTS

 

ERCDOM I (Venise), avril 1977

Participants évangéliques

Professeur Peter Beyerhaus 
Évêque Donald Cameron 
Dr Orlando Costas 
M. Martin Goldsmith 
Dr David Hubbard 
Rév. Gottfried Osei-Mensah 
Rév. Peter Savage 
Rév. JohnScott

Participants catholiques romains

Sœur Joan Chatfield 
Père Pierre Duprey 
Monseigneur Basil Meeking 
Père Dionisio Minguez Fernandez 
Père John Paul Musinsky 
Père Waly Neven 
Père Robert Rweyemamu 
Père Thomas Stransky

 

ERCDOM II (Cambridge), mars 1982

Participants évangéliques

Dr Kwame Bediako 
Professeur Peter Beyerhaus 
Évêque Donald Cameron 
M. Martin Goldsmith 
Dr David Hubbard 
Rév. Peter Savage 
Rév. John Scott 
Dr David Wells

Participants catholiques romains

Sœur Joan Chatfield 
Père Pierre Duprey 
Père René Girault 
Monseigneur Basil Meeking 
Père Parmananda Divarkar 
Monseigneur Jorge Mejia 
Père John Mutiso-Mbìnda 
Père John Redford 
Monseigneur Pietro Rossano 
Père Thomas Stransky

 

ERCDOM III (Landévennec), avril 1984

Participants évangéliques

Dr Kwame Bediako 
Évêque Donald Cameron 
Dr Harvie Conn 
M. Martin Goldsmith 
Rév. John Scott 
Dr David Wells

Participants catholiques romains

Sœur Joan Chatfield 
Père Matthieu Collin 
Sœur Joan Delaney 
Père Claude Geffré 
Monseigneur Basil Meeking 
Père Philip Rosato 
MonseigneurAnselme Sanon, évêque 
Père Bernard Sesboüé
Père Thomas Stransky

 

NOTES

*Note du traducteur: En anglais « The Evangelical-Roman Catholic Dialogue on Mission » qui donne le sigle ERCDOM. Cette abréviation sera reprise telle quelle dans le cours de la traduction.

[1] « Evangelism » et « Evangelization » sont utilisés sans distinction dans le texte anglais de ce rapport. Le premier terme est plus fréquent chez les Évangéliques, le second chez les Catholiques romains, mais les deux termes décrivent la même activité de la diffusion de l'Évangile.

Note du traducteur: les deux mots ont été rendus en français par « évangélisation ».

[2] Étant donné la diversité de l'appartenance Évangélique, de même que les différences d'interprétation entre Évangéliques et Catholiques romains, l'usage du terme « Église » dans ce rapport charrie inévitablement certaines ambiguïtés. D'autres échanges seraient nécessaires avant qu'il ne soit possible d'arriver à une plus grande clarté, et à une terminologie commune dans le discours ecclésiologique.

[3] Décret sur l'œcuménisme (Unitatis Redintegratio), 6.

[4] Ibid., 4.

[5] Constitution dogmatique sur la Révélation divine (Dei Verbum), 23, 24.

[6] La Convention de Lausanne, exposition et commentaire de John Stott (World Wide Publications 1975), Lausanne Occasional Paper n. 3.

[7] PAUL VI, L'Évangélisation dans le monde moderne (Evangelii Nuntiandi), 22. Traduction française : La Documentation catholique, 1689 (1976), 5.

[8] La Convention de Lausanne, § 4.

[9] Evangelii Nuntiandi, 22.

[10] Par exemple Ps 19, 1-6; Rm 1, 19-20.

[11] Dei Verbum, 13.

[12] Ibid., 10.

[13] Ibid., 22.

[14] Par ex. 1 The 5, 14-15; He. 3, 12-13; 12, 15.

[15] Par ex Mc 10, 23-27, Is 52, 7.

[16] Dans ce rapport, nous utilisons les expressions « La cène du Seigneur », « la Sainte Communion » et « l'Eucharistie » sans distinction ; aucune théologie précise n'est impliquée par ces termes. « La messe » est limitée à des contextes catholiques romains. De même, nous utilisons « sacrement » ou « ordonnance » au sujet du baptême et de l'Eucharistie sans implications doctrinales.

[17] Par ex Ep 2, 1-3; 4, 17-19; 2 Co 4, 3-4.

[18] Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes), 13.

[19] Ibid.

[20] Ibid.

[21] JEAN-PAUL II, Encyclique Redemptor Hominis, 14. Traduction française : La Documentation catholique, 1761 (1979), 309.

[22] Constitution dogmatique sur l'Église (Lumen Gentium), 8.

[23] Ibid., 16.

[24] Cf. Ep 3, 10; 3, 18; 4, 13.

[25] Constitution sur la sainte Liturgie (Sacrosanctum Concilium), 7, 47.

[26] Par ex, Rm 4; Ga 3.

[27] Evangelii Nuntiandi, 15.

[28] Lumen Gentium, I.

[29] Jn 20, 21-22; cf. Mt 28, 16-20; Lc 24, 46-49.

[30] Le rapport Willowbank: Consultation on Gospel and culture (Lausanne Committee for World Evangelization 1978), Lausanne Occasional Paper n. 2, § 2.

[31] La Convention de Lausanne, § l0.

[32] Ici les Catholiques romains voudront faire référence à l'encyclique du Pape Jean-Paul II, Slavorum Apostoli, 2 juin 1985.

[33] Décret sur l'activité missionnaire de l'Église (Ad Gentes), 9.

[34] Gaudium et Spes, 58.

[35] Guiding Principles for Interconfessional Cooperation in Translating the Bible (1968).

[36] Voir le chapitre 4 (3).