Commentaire dans une perspective catholique
du Rapport de la Commission internationale de dialogue
entre méthodistes et catholiques

« Rencontrer le Christ, notre Sauveur - Église et sacrements »

 

P. Robert Christian, O.P

 

Introduction

Dans son rapport intitulé « Rencontrer le Christ, notre Sauveur : Église et sacrements », la Commission internationale de dialogue entre méthodistes et catholiques fait une présentation honnête et rigoureuse de la théologie des sacrements chez les méthodistes et les catholiques.

Le rapport signale, ainsi qu’il convient, les points de convergence, mais il met aussi en évidence les points de divergence. Et presque toujours, les raisons pour lesquelles il y a convergence sur certains points, et divergence sur d’autres, sont présentées. En outre, les points qui ne sont pas clarifiés à l’intérieur de l’une ou l’autre des deux communautés sont signalés, en sorte que s’il n’y a pas accord dans une communauté sur une notion théologique, cela est dit franchement.

Le rapport dégage une impression d’authentique bonne volonté et d’affection entre les participants à la commission du dialogue, qui manifestent le désir sincère qu’un accord plus large puisse intervenir.

Le rapport est très bien organisé. Dans les chapitres qui traitent séparément des sacrements, les points qui ont besoin d’être traités se tiennent de façon cohérente. L’ordre interne est tel que le lecteur peut anticiper ce qui va suivre en lisant un paragraphe, et que ses anticipations s’avèrent être justes.

L’Église catholique, respectueuse comme elle l’est de la Révélation transmise par l’Écriture et la Tradition, ne peut que se réjouir de la révérence du rapport envers les hymnes wesleyens. Assurément ces hymnes, qui expriment admirablement la lex orandi non seulement des méthodistes, mais aussi dans une large mesure des catholiques, peuvent être considérés par les deux communautés comme exprimant le mystère de l’action de Dieu dans la liturgie. Le rapport cite notamment au paragraphe 166 l’un des Hymnes sur le Repas du Seigneur de Wesley dont les paroles reflètent presque mot pour mot le O Sacrum Convivium de Thomas d’Aquin. Les deux communautés ont eu ainsi la joie de constater que les textes de ces hymnes les aident à exprimer la lex credendi, qui est le sujet de ce rapport. Au-delà des différences qui existent entre les deux communautés sur la nature et le rôle de la Tradition, l’utilisation abondante de ces hymnes indique leur perception commune que Dieu parle dans la liturgie, y compris dans ses parties qui, bien qu’étant clairement d’origine humaine, expriment magnifiquement 1) le désir de l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, de communiquer avec ce même Dieu, et 2) l’initiative de Dieu qui rend cette communion effective[1].

Tout aussi impressionnante est l’affirmation que « l’enseignement scriptural et patristique » sur l’Église formée par le baptême et par l’eucharistie est « un précieux héritage partagé »[2]. Il faut espérer qu’à l’avenir, les grands Pères et Docteurs de l’Église seront cités fréquemment dans les prochaines conversations.

De plus, vers la fin du rapport, on trouve une référence aux liturgies méthodistes de l’ordination, qualifiées de « source précieuse pour comprendre ce que les méthodistes croient au sujet de l’ordination ». Bien que l’on puisse regretter l’« absence chez les méthodistes d’une doctrine officielle en la matière » (sur l’Ordre comme signe efficace)[3], la référence faite à la lex orandi est familière aux catholiques. C’est indiquer le chemin vers une méthode pour traiter de ce thème qui pourrait porter du fruit à l’avenir.

Dans les pages suivantes, d’importants points de convergence sont signalés, suivis de points de divergence. Notre intention, en les mentionnant ici, n’est pas de répéter ou de remplacer le texte du rapport, mais seulement de mettre en évidence quelques points saillants. Dans la troisième partie, nous signalons les questions sur lesquelles une clarification ou un approfondissement serait souhaitable. Les paragraphes qui ne sont pas commentés du tout sont considérés comme ne nécessitant pas de remarque, étant acceptables tant pour les catholiques que pour les méthodistes.

Le résultat d’ensemble du rapport est louable, et les membres de la Commission de dialogue méritent la gratitude des catholiques et des méthodistes pour avoir produit un document qui peut aider chacune des communautés à approfondir la compréhension de sa vie en Dieu.

 

I. Points de convergence

Ces points sont indiqués dans l’ordre où ils apparaissent dans le rapport.

a. Baptême

Au paragraphe 15, l’eucharistie est qualifiée de « remède d’immortalité » selon l’expression de Saint Ignace d’Antioche. Le rapport cite à ce propos, d’un ton approbateur, un hymne de Charles Wesley qui dit : « Qu’il a coûté cher, Seigneur, / Le remède apporté par tes blessures ! / Pour que je vive, pour que je guérisse, / Mon Agneau, mon Bon Médecin est mort ». Ce faisant, la Commission de dialogue souligne non seulement l’orientation eschatologique de l’eucharistie, mais aussi l’idée connexe selon laquelle l’eucharistie est un remède pour les péchés véniels.

Le paragraphe 16 met par conséquent en lumière le rapport entre purification du péché – accomplie de façon radicale dans le baptême et renouvelée par la réception valide de l’eucharistie – et action purificatrice, sanctificatrice et salvatrice du Christ à l’égard de l’Église, son épouse.

Il était important que la Commission de dialogue souligne l’aspect « corporel » du salut. Au cœur de la théologie sacramentelle, il y a le mystère de l’homme, un être à la fois spirituel et matériel dont la vie spirituelle dépend en grande partie de ses sens et de ses rencontres corporelles. À certaines époques de l’histoire chrétienne, la dimension corporelle de l’existence humaine et le rôle du corps dans l’expression ce qui est spirituel – un rôle que Dieu utilise dans les sacrements – ont été dénigrés, dans la tentative de dépouiller la dimension spirituelle de tout ce qui est charnel. C’est pourquoi l’affirmation que « les actes sacramentels sont des célébrations corporelles du salut que le Christ a acquis pour nous ; ils utilisent des éléments physiques de la création tels que l’eau, le pain, le vin et l’huile, toujours accompagnés de la proclamation de la Parole »[4] est essentielle pour une juste compréhension de cet aspect dans les deux communautés.

D’où cette affirmation qui suggère un changement radical de perspective : « Méthodistes et catholiques n’opposent plus parole et sacrements comme deux catégories distinctes de la présence et de l’action du Christ, mais regardent plutôt les importants points communs qui existent entre eux »[5]. Ce qui conduit, par voie de conséquence, à considérer l’Église comme sacramentelle (n. 20, citant Séoul n. 102). Puisque Lumen gentium dit que l’Église est « comme » un sacrement[6], l’emploi de l’adjectif « sacramentel » plutôt que du nom « sacrement »[7] paraît acceptable ici pour les deux communautés. De même, l’application de cette notion élargie du « sacramentel » au Verbe incarné et aux Écritures, et l’affirmation que les sacrements sont des proclamations de la parole, sont des points de convergence.

Le paragraphe 30 indique que les deux communautés « considèrent qu’il est juste de baptiser les enfants de parents croyants ». Le rapport ajoute que les membres des deux communautés sont encouragés à « saisir les occasions qui leur sont offertes pour renouveler les vœux qu’ils ont faits ou qui ont été faits pour eux lors du baptême ». Cela est vrai, et c’est un point important, mais comme il est précisé dans la section dédiée aux points de divergence, il serait utile d’ajouter à ce propos que la confirmation, qui pour les méthodistes n’est pas un sacrement, diffère essentiellement du renouvellement des vœux de baptême pratiqué par les catholiques pendant la veillée pascale et par les méthodistes en diverses occasions spéciales durant l’année liturgique et au cours de la vie du croyant[8].

À partir du paragraphe 34, le rapport aborde la question du rapport entre foi et baptême en termes acceptables à la fois pour les catholiques et pour les méthodistes. Mais comme il y est dit que les catholiques mettent l’accent sur « la foi de l’Église », tandis que les méthodistes « tendent plutôt à considérer la foi comme le choix personnel de croire à Jésus Christ et d’avoir confiance en Dieu pour l’amour du Christ et par la puissance du Saint-Esprit » – une tendance que l’on retrouve d’ailleurs aussi dans la pensée catholique – il serait utile d’introduire ici la distinction entre fides quae et fides qua. Une telle distinction conduirait certainement les uns et les autres à admettre qu’il existe entre eux une différence dans la fides quae – ce qu’il faut croire – mais aussi à reconnaître l’importance attribuée à la fides qua – l’acte personnel de la foi – dans les deux communautés. Cette distinction pourrait aider les participants au dialogue à résoudre le dilemme décrit au n. 40 selon lequel les catholiques mettraient surtout l’accent sur le baptême comme ianua ou fondement de la vie chrétienne, alors que les méthodistes tendraient plutôt à « insister sur l’importance de la foi ».

Le paragraphe 66 exprime l’espoir qu’une meilleure compréhension des « degrés » de communion puisse « aider les méthodistes et les catholiques à prendre conscience de la nature à la fois réelle et incomplète de la communion qui s’exprime dans le baptême que nous nous reconnaissons mutuellement ». Il rappelle que l’Église catholique utilise généralement des adjectifs comparatifs pour décrire l’effet du sacrement de la confirmation sur les baptisés : étant déjà unis à l’Église par le baptême, la confirmation rend leur lien plus parfait, et ils s’obligent plus strictement à témoigner le Christ[9]. Dans cette perspective, on entrevoit la possibilité d’une convergence.

b. Eucharistie

L’accord indiqué dans le rapport sur le fait que la présence du Christ dans l’eucharistie « ne dépend pas de l’expérience ou de la foi du communiant, n de celles de l’assemblée réunie » (n. 79) est un excellent point de départ pour une réflexion sur l’eucharistie, et il est encourageant qu’après avoir énuméré les différents modes de présence du Christ au milieu de son peuple, le rapport précise que « dans l’eucharistie, le Christ est présent d’une façon spéciale ».

Les paragraphes 83 et 84 sont importants. Le premier décrit la doctrine catholique de la transsubstantiation. Le second dit que les méthodistes parlent aussi de la « présence réelle du Christ, mais dans un sens spirituel », et que pour eux cette présence advient d’une manière qui « demeure inconnue ». Bien que la question de la manière ne fasse pas partie de cette convergence, il est rassurant que les méthodistes déclarent croire dans « une transformation » du pain et du vin qui rend la présence du Christ « certaine et réelle ». Les deux communautés sont donc loin de l’hérésie de Bérenger de Tours.

Les paragraphes 87 et 88 indiquent à leur manière une convergence, ou un début de convergence, entre les deux communautés sur la Présence réelle (entendue ici communément comme un effet de la liturgie, en laissant de côté la question de la succession apostolique et celle de l’Ordre valide). Les catholiques pratiquent la réserve du Saint-Sacrement. Les méthodistes consomment les éléments, les distribuent aux absents ou les restituent à la terre. Aucune des deux communautés ne juge possible d’utiliser les éléments comme simples aliments corporels à l’issue de la liturgie eucharistique.

De même, les paragraphes qui mènent à, et se concluent par, le n. 108 présentent une merveilleuse convergence sur l’eucharistie comme sacrifice, tout en reconnaissant que l’accord pourrait être encore plus profond (n. 107). Les deux communautés admettent en outre que la perception historique d’une divergence sur le rapport entre l’eucharistie et le sacrifice unique du Christ au Calvaire n’est plus justifiée (voir nn. 100-101). Même si la consonance entre les positions des deux communautés n’est pas parfaite, il y a certainement ici davantage de consonance que de dissonance.

Bien qu’il n’y ait pas affirmation explicite, de la part des méthodistes, du rôle indispensable du ministre ordonné dans la célébration de l’eucharistie (c’est-à-dire du rôle que seul un ministre ordonné peut remplir pour que l’effet soit réel), tant les catholiques que les méthodistes attribuent en premier lieu l’efficacité de la célébration eucharistique au Christ lui-même, et considèrent les officiants de la célébration eucharistique comme les ministres du Christ. Les méthodistes s’appuient tout spécialement sur les hymnes de Wesley pour affirmer cette conviction. On pourrait y ajouter la référence « symétrique » des catholiques aux poèmes ou aux hymnes eucharistiques de Saint Thomas d’Aquin. Le paragraphe 127 cite O sacrum convivium de Saint Thomas : les grands penseurs des deux communautés pourraient être mis, pour ainsi dire, côte à côte. Étant donné que l’eucharistie dépasse la capacité de définition du discours rationnel, les deux communautés doivent recourir à la force suggestive de la poésie et de l’hymnodie. Il s’agit là d’une bonne indication de leur foi commune dans le mystère de l’eucharistie, un mystère que la raison, à elle seule, ne peut pas saisir entièrement.

c. Ministère ordonné

Les paragraphes 149 et 153 parlent de l’appel spécial qui distingue le ministère ordonné de la vocation baptismale. Cela fait venir à l’esprit la déclaration de Lumen gentium qui dit que le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel diffèrent en essence, et pas seulement en degré (LG 10). Le rapport n’utilise pas cette terminologie, mais il affirme que le ministère ordonné est une vocation qui ne dépend pas « des capacités ou des choix humains » (n. 150). Cette affirmation ouvre la voie à un accord possible à l’avenir sur le contenu de Lumen gentium 10. Le paragraphe 170 affirme en effet très justement que « les ministres ordonnés ne tiennent pas leur autorité du peuple de Dieu par délégation. De même, le sacerdoce du ministère ordonné ne découle pas du sacerdoce commun du peuple de Dieu ».

Le paragraphe 152, citant Brighton n. 63, ouvre la voie à un accord possible à l’avenir sur ce que l’Église latine appelle le caractère sacramentel. Cette citation dit expressément que le ministre ordonné est « appelé irrévocablement et mis à part par Dieu ». Comme la tradition catholique affirme que l’une des raisons pour poser l’indélébilité du caractère sacramentel est l’immuabilité de la volonté de Dieu[10], il pourrait être possible qu’à l’avenir catholiques et méthodistes reconnaissent ensemble le lien entre la nature irrévocable de l’appel et l’indélébilité du caractère sacramentel.

Tout en indiquant qu’à la différence des catholiques, les méthodistes n’attribuent pas un caractère indélébile à l’ordination, le n. 158 précise cependant que les méthodistes ne peuvent être ordonnés qu’une seule fois et ne sont jamais ordonnés une seconde fois, et qu’« en ce sens, leurs ordres sont inamovibles ». Ensemble, catholiques et méthodistes peuvent aussi jeter un regard en arrière sur la conviction de l’Église primitive que certains sacrements n’étaient jamais répétés, ce qui a conduit à la croyance qu’ils ne pouvaient pas être répétés, parce que leur effet ne pouvait pas être effacé. Ces considérations sont à l’origine de l’apparition de la notion de caractère sacramentel, et il pourrait être fructueux pour les méthodistes et les catholiques de poursuivre cette réflexion ensemble.

 

II. Points de divergence

a. Baptême

Le rapport reconnaît qu’il existe une divergence entre catholiques et méthodistes au sujet de la confirmation. Du fait qu’ils ne considèrent pas la confirmation comme un sacrement, les méthodistes mettent davantage l’accent que les catholiques sur le devoir que le baptême crée chez ceux qui ont été lavés du péché de s’engager résolument dans les activités publiques de l’Église[11].

Au n. 24, le rapport note que l’Église catholique souligne l’« importance de la continuité visible dans la vie de l’Église », alors que les méthodistes reconnaissent qu’il y a eu « à différents moments des risques et des discontinuités en matière de foi ». Il serait profitable d’approfondir la nature de cette divergence. Car sinon, la déclaration finale de ce paragraphe « À la lumière de tout ceci [vraisemblablement à la lumière de la compréhension catholique de l’Église du Christ, qui subsiste dans l’Église catholique], il est vraiment remarquable que catholiques et méthodistes voient aujourd’hui une occasion de situer le ministère méthodiste dans un cadre plus reconnaissable de succession apostolique » manque de précision et apparaît plutôt comme un vœu pieux. Que signifie exactement « un cadre plus reconnaissable de succession apostolique » ? Plus reconnaissable que quoi ? Il serait utile de souligner la différence entre l’accord sur l’interprétation de la question de la succession apostolique (en tant que transmission d’une foi qui remonte au temps des apôtres et permanence dans l’Église des munera de sanctification et de gouvernement) et le désaccord sur les moyens pour la garantir, à savoir la continuité visible de l’office apostolique depuis le temps des apôtres. Une telle clarification s’appliquerait aussi à la façon dont le terme « épiscopat historique » est interprété par les méthodistes.

Comme le paragraphe suivant mentionne le problème, déjà soulevé dans les conversations entre catholiques et protestants, du rôle des évêques dans la succession apostolique comme prêtres qui offrent le sacrifice eucharistique, il serait souhaitable que la notion de succession apostolique soit étudiée plus à fond.

Le paragraphe 58 déclare : « Lorsque les catholiques affirment les effets du baptême, ils ne disent pas que le rituel est la seule cause de ces effets ». Cette affirmation devrait être reformulée de façon plus précise, en disant par exemple : « Lorsque les catholiques affirment les effets du baptême, ils ne disent pas que le rituel est la seule cause de ces effets. Mais ils affirment que le baptême est le moyen normal pour communiquer ces effets ». Ceci afin d’éviter de faire uniquement du baptême un moyen parmi d’autres. Les sacrements communiquent leurs effets avec certitude : telle est leur raison d’être. Donc, si ces effets peuvent exister sans le baptême, ils peuvent être absents, de fait, dans la vie de certaines personnes. Il conviendrait de préciser en outre que la tradition catholique considère généralement que le caractère sacramentel est communiqué par le rite sacramentel lui-même.

b. Eucharistie

Le paragraphe 85 déclare que le Saint-Esprit est invoqué sur le pain et le vin dans « nombre de liturgies eucharistiques méthodistes ». Une divergence sur la lex orandi au sein de la communauté méthodiste peut conduire à des leges credendi différentes.

Une autre divergence parmi les méthodistes vient du fait que tous n’exigent pas que l’eucharistie soit présidée par un ministre ordonné (voir n. 164).

c. Ministère ordonné

Le paragraphe 140 dit que tout le peuple de Dieu est envoyé par le Christ et que, de ce fait, il est apostolique. Mais lorsque ce même paragraphe décrit ensuite un unique ministère qualifié d’apostolique « parce qu’il a commencé avec le choix par le Christ, parmi ses disciples, des douze qu’il appela apôtres », il oublie de mentionner la succession apostolique. Ainsi, le paragraphe suivant (n. 141) dit que « le ministère apostolique n’a pas pris fin avec la mort des Douze, mais est nécessaire dans l’Église en tout temps ». En raison de la compréhension différente qu’ont les deux communautés du mécanisme de la succession apostolique (voir nn. 142 et 143), aucune déclaration commune n’est possible à l’heure actuelle.

Le rapport dit que « les méthodistes voient dans la continuité du ministère ordonné à la fois un signe et un instrument de la succession apostolique dans l’Église » (n. 144). Mais dans le même paragraphe, il ajoute que les méthodistes font une distinction entre continuité visible comme symbole de la continuité de l’Église et continuité visible comme instrument de la continuité de l’Église. Selon la perspective catholique, l’instrumentalité est précisément ce qui constitue également le symbole visible.

Toutefois, comme cela a été indiqué précédemment dans la section dédiée aux convergences, il y a un certain accord au niveau de vue de la nécessité du ministère (« il est nécessaire dans l’Église en tout temps »). Cette nécessité a trait en particulier au rôle prophétique – c’est-à-dire d’enseignement et de prédication – des évêques et des autres ministres. Même si tous les méthodistes n’ont pas un office épiscopal, le fait qu’ils aient senti le besoin d’affirmer la continuité dans la foi des apôtres et dans sa transmission en désignant des responsables est quelque chose qu’ils ont en commun avec les catholiques[12].

À cause de cette différence de points de vue sur la succession apostolique, le rapport adopte un langage prudent en parlant de l’ordination ou sacrement de l’Ordre. Il est clair que la question de savoir comment l’Église continue à préserver sa doctrine, son ministère, ses sacrements et sa vie – qui revient à se demander comment Dieu continue à les préserver – et par l’entremise de quels ministres dûment consacrés, a besoin d’être encore approfondie. Puisque tant les méthodistes que les catholiques en expriment le besoin, on peut espérer qu’une forme d’accord pourra être trouvée à l’avenir sur la façon dont ce besoin est satisfait dans le dessein de Dieu.

Le paragraphe 146 pose plusieurs problèmes. Il cite Brighton n. 168 qui dit que « les institutions de nos deux communions sont des moyens de grâce… ». Cette affirmation peut être interprétée en général dans un sens positif, mais il faudrait préciser que pour les catholiques le terme moyens, tel qu’il est employé dans ce paragraphe, a deux sens distincts, quoique voisins. Si cette analogie n’est pas développée, cela pourrait induire certains en erreur en leur laissant croire qu’il y a accord, alors qu’en réalité il existe encore des différences significatives. Pour les catholiques, les ministères ordonnés constituent des moyens de grâce infaillibles. Ce paragraphe parle des ministères ordonnés. Les catholiques croient que les ministères exercés par ceux qui ne sont pas ordonnées peuvent aussi être des moyens de grâce. Le premier sens découle de la conviction des catholiques que les Ordres ont été institués par Jésus. Le second se rapporte à l’action moins prévisible du Saint-Esprit. Certainement, dans le sillage de Unitatis redintegratio 3 (cf. UR, n. 23), le rapport interprète le terme moyens comme dénotant les grâces que l’Esprit accorde aux croyants dans le service de leur ministère. Mais il conviendrait de clarifier si ces ministères sont des moyens au sens d’occasions habituelles de grâce, ou des moyens au sens qu’ils communiquent la grâce dans leur ministère sanctifiant.

Ce paragraphe (n. 146) mentionne aussi l’« opportunité de situer le ministère méthodiste dans un cadre plus reconnaissable de succession apostolique »[13], et estime qu’une « reconnaissance mutuelle de nos ministères ordonnés » pourrait en découler à travers « un nouvel acte créatif de réconciliation ». Mais il oublie de dire que l’Église catholique considère actuellement que pour être admis dans son clergé, les ministres des communautés issues de la Réforme doivent recevoir l’ordination absolue, sauf cas exceptionnels où il existe de bons motifs pour procéder à une ordination conditionnelle. En cohérence avec cette insistance, il est difficile d’envisager un « nouvel acte créatif de réconciliation » qui rendrait possible pour l’Église catholique de reconnaître l’ordination dans une communauté où, historiquement, il y a eu une interruption dans les ordinations épiscopales. Les difficultés qui surgissent lorsqu’on envisage un tel acte ne signifient pas qu’il n’est pas envisageable, mais force est de reconnaître que pour le moment cette difficulté paraît insurmontable du côté catholique.

Bien que le n. 157 contienne beaucoup de choses vraies sur la compréhension catholique du caractère sacramentel des Ordres, l’affirmation selon laquelle « de nos jours, les catholiques tendent à interpréter le caractère sacramentel de l’ordination comme une consécration irréversible à servir Dieu et le peuple de Dieu » n’est pas correcte. Le mot consécration a parfois une connotation ontologique, mais souvent aussi il ne l’a pas. Celui qui est baptisé est consacré, et cette consécration comporte une « caractérisation » ontologique. Celui qui professe les conseils évangéliques est également consacré, mais cela n’entraîne pas en lui un changement ontologique. À la Messe, lorsque le pain et le vin sont consacrés, un changement a lieu dans leur essence même. Le calice et la patène utilisés pour contenir les éléments pendant la messe sont consacrés – mis à part – mais cette consécration n’entraîne aucun changement en eux ; simplement, leur utilisation est restreinte ou réservée. Puisque l’Église catholique considère qu’il se produit un changement ontologique chez celui qui reçoit les ordres sacrés, cela devrait être mentionné dans ce paragraphe. Cela contribuerait en outre à clarifier l’idée exprimée au n. 159 selon laquelle les ordres créent une relation nouvelle et permanente entre l’ordonné et le Christ.   

Le paragraphe 178 dit que les divergences sur le nombre précis des sacrements « ne doivent pas être considérées nécessairement comme constituant une impasse œcuménique ». Mais si l’on tient compte du fait que pour les catholiques l’institution par le Christ des sept sacrements est un article de foi, ajouter dans ce même paragraphe que « méthodistes et catholiques sont d’accord pour dire que l’Église a autorité pour instituer d’autres rites et ordonnances qui sont considérés comme des gestes sacrés et des signes de l’amour rédempteur de Dieu en Christ » peut prêter à confusion. Cette affirmation est conforme à la croyance catholique selon laquelle le sacramentel est institué par l’Église, mais non les sacrements qui sont institués par le Christ. Sachant que pour les catholiques, l’Ordre est un sacrement institué par le Christ et non un signe institué par l’Église, cette phrase devrait être supprimée, car elle n’apporte aucun élément utile dans la discussion.

 

III. Clarifications

a. Baptême

Le paragraphe 23 définit le concept de ex opere operato comme indiquant qu’ils confèrent infailliblement la grâce de Dieu lorsqu’ils sont célébrés validement. En même temps, ils permettent aux individus d’avoir une expérience subjective du salut dès lors que la grâce offerte est reconnue et accueillie, un aspect qui est plus marqué dans l’enseignement méthodiste sur l’« assurance ». En tant qu’aspects objectif et subjectif, respectivement, d’une même réalité, non seulement les approches catholique et méthodiste peuvent être réconciliées, mais elles auraient beaucoup à gagner d’une recomposition dans laquelle elles pourraient se compléter mutuellement. Il n’est donc pas nécessaire que catholiques et méthodistes considèrent cette différence particulière entre eux comme un motif de division.

En elle-même, cette définition est juste, et l’inclusion du terme ex opere operato dans un rapport de ce genre est remarquable. En outre, il est vrai que la réalité objective (res) d’un sacrement célébré validement habilite l’individu à avoir une expérience certaine (c’est-à-dire effective) de la grâce salvifique. Ainsi comprise, il n’est pas nécessaire en effet que la différence d’accentuation soit considérée comme un motif de division.

Néanmoins ce paragraphe pourrait être amélioré en expliquant plus précisément ce qu’il faut entendre par sacrement « célébré validement ». Ainsi, on comprendrait mieux pourquoi cet enseignement ne doit pas être un motif de division, comme le conclut le rapport. C’est précisément parce que l’un des facteurs qui entrent en jeu pour pouvoir dire qu’un sacrement est efficace ex opere operato est l’intention de celui qui le reçoit (le « sujet »), que les autres facteurs – matière propre, forme et intention de celui qui l’administre de faire ce que fait l’Église – sont objectivement efficaces. Il serait utile d’ajouter en outre que lorsqu’un sacrement est célébré ex opere operato, la grâce n’est pas seulement « offerte… reconnue… et embrassée », mais elle est reçue infailliblement parce que le désir du sujet de recevoir cette grâce est une composante essentielle du concept de ex opere operato.

Le paragraphe 47, après avoir mentionné le péché originel, dit que « devant Dieu tous les hommes sont condamnés, incapables de se sauver eux-mêmes, ayant besoin de la miséricorde et du pardon divins ». Mais tout de suite après il ajoute : « Le baptême est le sacrement de la grâce inconditionnelle de Dieu : par le baptême, Dieu guérit tout ce qui nous sépare de lui et nous fait entrer dans la vie nouvelle en Christ par la puissance de l’Esprit ». Tel qu’il est formulé, ce passage ne peut être acceptable pour les catholiques que si un certain nombre de conditions sont remplies, et il serait bon que le rapport indique ces conditions, à savoir :

  • « Tous les hommes sont condamnés » se réfère à l’humanité sans la grâce. Dans son étude de 2007 sur L’espérance de salut pour les enfants qui meurent sans le baptême, la Commission théologique internationale met en lumière la responsabilité des damnés pour être privés de la grâce, par opposition avec la gratuité de la grâce et du salut pour ceux qui coopèrent à l’œuvre de salut[14].
  • Dans le rite latin de l’Église catholique, seul le rituel du baptême des nouveau-nés mentionne explicitement le péché originel. Tant les sources anciennes comme Thomas d’Aquin que récentes comme le Concile Vatican II envisagent la possibilité du salut et de la grâce même en dehors du système sacramentel[15]. Or le salut et la grâce sont incompatibles avec le péché originel, de telle sorte que s’ils sont présents chez ceux qui ne sont pas baptisés, on ne peut dire que devant Dieu, tout homme est perdu, etc., qu’en précisant bien que cette affirmation se réfère uniquement à la nature humaine sans la grâce.
  • Le rapport pourrait mentionner le concept de hiérarchie des vérités utilisée par la Commission théologique internationale, afin donner à cette affirmation une connotation plus positive : « L’Église respecte la hiérarchie des vérités et commence par réaffirmer clairement la primauté du Christ et de sa grâce qui l’emporte sur Adam et le péché » (n. 7).

La réflexion des n. 48 à 57 sur la régénération présente l’ambivalence traditionnelle des méthodistes sur cette question. De leur côté, les catholiques reconnaissent aussi que leur activité pastorale s’adresse souvent à des baptisés dont la conduite ne manifeste aucun signe de régénération. Dans ces conditions, et en particulier au n. 57, il pourrait être utile de distinguer entre le caractère sacramentel qui est indélébile, entre autres parce que le Christ le veut ainsi et qu’il ne le retire pas une fois qu’il est donné[16], et la grâce. Cette distinction inclurait aussi la notion de reviviscence des sacrements chez ceux qui sont morts spirituellement, en faisant qu’il est possible de poser la permanence de la régénération tout en reconnaissant que beaucoup de baptisés ne vivent apparemment pas leur nouvelle naissance.

En introduisant cette distinction, le n. 61 qui dit qu’« il est évident que pour nos deux communions, célébration du baptême et régénération ou nouvelle naissance vont ensemble » serait plus convaincant. La réflexion sur caractère sacramentel donnerait un contenu au « vont ensemble ».

Le premier point du paragraphe 63 cite Rio n. 101, mais cette idée pourrait être rendue de façon plus claire en disant que « le péché originel est effacé, tous les péchés sont pardonnés… ».

Les paragraphes 69 à 72 font partie de la section qui traite du baptême comme participation à la vie et à la mission du Christ. Le paragraphe 70 décrit la différence entre les approches catholique et méthodiste de la confirmation. Mais du fait que les méthodistes ne considèrent pas la confirmation comme un sacrement, la formulation du n. 69 reste un peu en retrait par rapport à la position des catholiques : « Recevoir le baptême, ce n’est pas être introduit statiquement dans une communauté particulière, mais c’est être envoyé comme disciple en mission au service du Royaume à venir ». Pour les catholiques, l’envoi en mission est généralement associé à la confirmation. Cela ne pose pas de problème ici, car cela est dit tout de suite après, au n. 70. Cependant le sens de l’affirmation selon laquelle « recevoir le baptême, ce n’est pas être introduit statiquement dans une communauté particulière » n’est pas suffisamment clair. Les catholiques affirment au contraire qu’on est baptisé dans une communauté particulière (par exemple la communauté méthodiste, la communauté luthérienne, l’Église gréco-orthodoxe, etc.), en devenant ainsi, avec tous les autres baptisés, un membre du corps du Christ. On n’est pas baptisé de façon générique, on est baptisé dans une communauté de foi. Ce qui pose problème ici, c’est le mot « statiquement » : il conviendrait de mieux en préciser le sens.

En conclusion du chapitre sur le baptême du rapport, on trouve un résumé des points de convergence traités précédemment. Ce résumé est bon, mais il pourrait être amélioré en parlant non seulement du baptême comme appel, mais en mentionnant aussi le changement ontologique qui en découle, et en précisant qu’avec l’appel de Dieu, le baptisé reçoit aussi les moyens pour y répondre. Il conviendrait en outre de mentionner, même brièvement, la perspective offerte par le baptême dans l’Église catholique du fait que la confirmation y est considérée comme un deuxième sacrement de l’initiation, dont les effets correspondent dans une certaine mesure à ceux que les méthodistes attribuent au baptême.

b. Eucharistie

Le paragraphe 78 parle de la forme distinctive de la présence du Christ, révélée pendant la dernière Cène, telle qu’elle est décrite dans l’Évangile. Il conviendrait d’y ajouter une référence à 1 Co 11,23-29 qui met l’accent sur la forme particulière de la présence eucharistique du Christ.

La note en bas de page 127, qui se réfère au n. 85, cite en parallèle le texte de la Prière eucharistique 2 sur lequel on a beaucoup discuté (Qu’ils deviennent pour nous le corps et le sang…) et la Grande action de grâce du United Methodist Book of Worship (Fais qu’ils deviennent pour nous le corps et le sang..). Il est vrai qu’il est dit dans le rapport que la présence du Christ ne dépend pas de la foi des fidèles, mais il serait utile de le préciser aussi dans la note. Sinon, la citation finale de la note, tirée du Methodist Worship Book (Fais que [ces dons du pain et du vin] deviennent pour nous le corps et le sang..) pourraient donner lieu à un contresens. De même, il est dit au paragraphe : « Pour [les catholiques comme pour les méthodistes], le Christ est présent pour nous ici et maintenant  ». C’est exact, bien entendu, mais la pratique de réserver le sacrement chez les catholiques montre que le « nous » de « pour nous ici et maintenant » ne désigne pas uniquement ceux qui participent à la liturgie eucharistique.

Le paragraphe 133 se réfère au purgatoire et à la prière pour les morts en rapport avec le sacrifice du Christ accompli une fois pour toutes. Mais le rapport montre par ailleurs que l’un des points qui n’ont pas besoin d’être discutés, pour ce qui a trait aux défunts, est le fait que ce sacrifice, qui est réel en tout temps pour tout homme, est réel aussi hors du temps pour les hommes qui ne jouissent pas encore de la plénitude du Royaume.

c. Ordres

Il sera nécessaire de mieux préciser ce que signifie l’affirmation selon laquelle les ministres ordonnés sont les signes et les instruments de la grâce et de la puissance du Christ (n. 147). Il est vrai que pour les deux communautés, le ministre est considéré comme intervenant dans les actes sacrés dans le cadre de la « causalité instrumentale », et que « le Christ lui-même est la source du ministère » (n. 147). Pour les catholiques, c’est par le changement ontologique produit par l’ordination que les ministres ordonnés deviennent de tels instruments, et il serait utile que ce paragraphe le mentionne.

Le paragraphe 164, qui fait suite aux paragraphes qui situent correctement le sacerdoce ministériel dans le cadre du sacerdoce éternellement efficace du Christ, affaiblit très nettement l’impression d’une doctrine commune en déclarant : « Dans l’Église catholique et normalement [sic] dans les Églises méthodistes, la présidence du Christ dans l’eucharistie est signifiée et représentée par un ministre ordonné … ». L’Église catholique soutient que la présidence de l’eucharistie est exercée toujours et exclusivement par quelqu’un qui a reçu l’ordre sacerdotal. Les services de communion en l’absence d’un prêtre ne sont pas considérés comme des célébrations eucharistiques, précisément parce que le prêtre n’est pas là. Ici encore, la question du caractère sacramentel des ministres ordonnés, qui les distingue essentiellement et pas seulement en degré de ceux qui exercent le sacerdoce baptismal, se révèle importante. Le fait que les méthodistes tolèrent, même dans les circonstances exceptionnelles, une présidence laïque de l’eucharistie montre qu’il reste encore du chemin à parcourir pour qu’une convergence sur la nature irrévocable de l’appel au ministère puisse être énoncée en termes acceptables pour les fidèles des deux communautés. Le paragraphe 186 signale explicitement cette difficulté, et le paragraphe 187 suggère que les méthodistes pourraient peut-être reconsidérer leur position.

Les paragraphes 171 et 172 montrent qu’un travail ultérieur sera nécessaire sur « la différence essentielle » entre sacerdoce commun des fidèles et sacerdoce ministériel et sur « la capacité du ministre ordonné d’agir […] au nom du Christ [qui] dépend […] de l’effet particulier que l’ordination exerce sur celui qui la reçoit ». Pour les catholiques, l’ordination imprime dans l’ordonné un caractère qui le distingue du laïcat et l’habilite à participer à l’action sacerdotale du Christ, en sorte qu’il est généralement appelé « prêtre », un terme que les méthodistes évitent d’utiliser.

Le paragraphe 177, venant juste après l’affirmation que, chez les méthodistes, seuls le baptême et l’eucharistie sont considérés comme des sacrements, parle comme on pouvait s’y attendre de la possibilité d’un « accord théologique de base sur la nature sacramentelle de l’ordination ». L’emploi de l’adjectif sacramentel plutôt que du nom sacrement est irénique. Il conviendrait d’ajouter, à la fin de cette proposition, la précision suivante : « même s’il n’y a pas accord entre les deux communautés sur l’ordination comme sacrement ».

Du point de vue catholique, une clarification serait nécessaire sur la notion d’« indéfectibilité de l’Église » mentionné au n. 183. La « confiance [des méthodistes dans] la conduite et la fidélité du Saint-Esprit » peut paraître naïve aux catholiques, qui croient que l’assistance du Saint-Esprit intervient à travers les structures humaines[17]. C’est précisément parce que la curiosité humaine et les circonstances du moment posent un défi à chaque génération pour l’interprétation correcte de la vérité révélée que l’Église catholique considère l’infaillibilité en matière de foi et de morale non pas comme un substitut de l’indéfectibilité, mais comme un guide pour celle-ci.

La section finale sur les ordres sacrés énumère les questions qui doivent encore être étudiées. Parmi les questions non encore mentionnées, il y a celle de la triple structure du ministère ordonné, celle de la figure qui peut ordonner validement (une question dont les implications théologiques et canoniques ont fait l’objet d’études dans les cercles catholiques au XXe siècle à la suite de la découverte des rescrits papaux autorisant les prêtres à administrer l’ordination[18]), et celle de l’ordination des femmes.

 

IV. Observations conclusives

La lecture du rapport montre que les membres de la Commission sont conscients de l’existence de points de convergence réels et potentiels, mais aussi de points de divergence. La Commission a délibérément et louablement cherché à ne pas se laisser conditionner par les prises de positions du passé qui utilisaient des constructions linguistiques pour suggérer des différences théologiques, alors qu’en fait les diverses positions pourraient bien ne pas être aussi disparates qu’il pourrait sembler.

Il pourrait être utile d’énumérer les questions pour lesquelles un dialogue ultérieur serait profitable :

1.  La liturgie comme élément constitutif de la Tradition ; la Tradition comme expression de la Révélation.

2.  La distinction entre sacrements et sacramentel ; et en même temps, le ou les sens associé(s) respectivement aux notions d’institution par le Christ et d’institution par l’Église.

3.  La différence entre réaffirmation de la foi baptismale et sacrement de la confirmation.

4.  Pour le baptême, la confirmation et les ordres, la notion de caractère sacramentel, en approfondissant en particulier la notion de participation au sacerdoce du Christ.

5.  La notion de reviviscence du baptême après avoir commis un péché personnel.

6.  Le lien entre Ordre et présidence de l’eucharistie.

 

 

 

[1]. Voir en particulier le n. 75.

[2]. N. 17.

[3]. N. 173.

[4]. N. 18.

[5]. N. 20.

[6]. LG n. 1 : « Ecclesia […] in Christo veluti sacramentum seu signum et instrumentum intimæ cum Deo unionis totiusque generis humani unitatis… ».

[7]. Le mot sacramentel est utilisé dans un sens légèrement différent en d’autres endroits du rapport. Ces différents sens et les problèmes qui pourraient en découler devraient être mis en lumière.

[8]. Les occasions où les méthodistes font ce renouveau sont décrites en Gerard Austin, O.P., The Rite of Confirmation: Anointing with the Spirit, New York, Pueblo Publishing, 1985, 90-91. Austin note que le premier rituel de renouvellement des promesses baptismales y est quelquefois appelé « confirmation ».

[9]. Voir CIC 879 : « …perfectius Ecclesiae vinculantur…arctiusque obligat ut verbo et opere testes sint Christi fidemque diffundant et defendant ».

[10]. Voir Thomas d’Aquin, Summa Theologiae III, 63, 5 ad 2.

[11]. Voir n. 22.

[12]. Voir la discussion de Herbert Vorgrimler dans Sacramental Theology, Collegeville, Liturgical Press, 1992, p. 250.

[13]. Citant Séoul n. 106.

[14]. Voir nn. 7 et 49, de Commission théologique internationale.

[15]. Voir Summa Theologiae I-II, 89, 6 et Lumen gentium 16.

[16]. Thomas d’Aquin, Summa Theologiae, III, 63, 5 ad 2.

[17]. Voir la Relatio de l’évêque Gasser à Vatican I (citée quatre fois dans Lumen Gentium) dans James T. O’Connor, éd., The Gift of Infallibility, San Francisco, Ignatius, 2008, pp. 46-47.

[18]. Boniface IX, Bulle Sacrae Religionis, 1er février 1400, Denzinger-Schönmetzer 1145 ; Martin V, Bulle Gerentes ad vos, 16 novembre 1427, Denzinger-Schönmetzer 1290.