LE DON DE L'AUTORITÉ

Commentaire du P. William Henn, OFM Cap.

 

Cette Déclaration sur Le don de l’autorité cherche à approfondir et à élargir l’accord sur l’un des problèmes les plus difficiles qui se posent au mouvement œcuménique. Le document reconnaît franchement la difficulté, mais elle ne l’empêche pas de prendre avec courage une position claire :

La nature et l’exercice de l'autorité dans les Eglises et dans la société sont l’objet d’un vaste débat. Anglicans et catholiques romains veulent témoigner devant les Eglises et devant le monde que l'autorité correctement exercée est un don de Dieu qui apporte réconciliation et paix à l’humanité.(1)

Si ce texte n’avait d’autre résultat que d’être sans cesse dans l’esprit de ses lecteurs et de ceux qui viendraient à jeter un coup d’œil sur son titre le rappel que les notions d’« autorité » et de « don » vont ensemble, ce serait là déjà un précieux service rendu à l’unité chrétienne. Il ne pourra jamais y avoir de réconciliation sur la question de l’autorité, entre les communautés chrétiennes divisées, si ces communautés ne voient pas l’autorité comme quelque chose de positif.

Mais à part l’intérêt de faciliter une plus grande unité, une approche positive de l’autorité, consistant à voir en elle un don de Dieu, est nécessaire surtout parce qu’une telle approche est vraie. Dieu veut en effet que l'Eglise soit guidée par la grâce de sa propre autorité, active dans les missions salvatrices du Fils et du Saint-Esprit. L’Evangile de Matthieu se termine sur ces paroles consolantes et stimulantes de Jésus :

Toute autorité m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc et de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé, et voici je suis avec vous toujours jusqu’à la fin des temps (Mt 28,18-20 ).

Cette autorité est partagée de manière unique avec ceux qui, successeurs des apôtres, sont ordonnés au ministère épiscopal et chargés de servir l’unité de l'Eglise dans la foi et la charité. En accomplissant ce ministère selon les besoins du temps et des circonstances, ils ont le devoir de décider de questions relatives à la doctrine et à la vie de l'Eglise. Au temps de la division entre l'Eglise d’Angleterre et l'Eglise catholique romaine, ces convictions ne furent pas matière à controverse entre les deux communautés. ARCIC II veut les affirmer une fois de plus, dans le contexte d’une réflexion ecclésiologique sur la nature et l’exercice de l’autorité dans l'Eglise en général. Ce contexte rend possible une tentative sereine et prudente d’arriver à une compréhension commune de ce qui fut un vrai contentieux au temps de la rupture entre les deux communautés : le ministère de la primauté de l’évêque de Rome au service de l’unité universelle.(2)

Une autre caractéristique du texte est sa « catholicité », dans le sens, plein et riche, où anglicans et catholiques se disent les uns et les autres « catholiques ». Cette qualité apparaît spécialement dans le refus inflexible du document de se laisser prendre à de trompeuses alternatives ou d’opposer des traits de la vie chrétienne qui doivent en réalité être tenus ensemble, en complémentarité. Le don de l’autorité refuse ainsi d’opposer la liberté et l’obéissance. Jésus, auteur de la vérité qui rend libre (Jn 8,31), est aussi celui dont la soumission à la volonté du Père peut être qualifiée à juste titre d’ « obéissance [...] qui est source de vie » (cf. Don, 10). Ou encore, il ne peut être question de choisir entre la foi de l’individu ou la foi de l'Eglise (cf. Don, 11-13). Elles vont ensemble. De même, l'Eglise n’a pas à se demander, pour discerner la volonté de Dieu, s’il faut consulter l'Ecriture ou la Tradition, il faut les deux. Le texte montre de façon précise que diverses dichotomies de ce genre sont de faussesalternatives. Aucune ecclésiologie adéquate ne peut se satisfaire d’une liste de « ou bien ou bien », du genre : ou la Parole de Dieu ou l’autorité de l'Eglise, ou le ministère ordonné ou le laïcat, ou l'Eglise locale ou l'Eglise universelle, ou la synodalité ou la primauté. Le désaccord sur l’autorité découle souvent de l’erreur qui consite à opposer deux réalités ou deux valeurs, ou deux sujets, qui tout simplement ne s’opposent pas. La grand mérite de la Déclaration est de l’indiquer constamment.

Le résultat de cette catholicité théologique est un texte très riche du point de vue de l’ecclésiologie. Je ne me risquerai pas à évaluer la manière dont il reflète effectivement l’héritage doctrinal anglican, mais les catholiques y trouveront bien des échos des thèmes auxquels les ont familiarisés le Deuxième concile du Vatican et les écrits des papes Paul VI et Jean-Paul II. Et même, dans ce qui est peut-être parmi les paragraphes les plus remarquables dans le dialogue œcuménique à ce jour, il y a un effort pour réaffirmer certaines des doctrines essentielles de la Constitution Pastor aeternus de Vatican I sur la primauté et l’infaillibilité papales (cf. Don, 45-48).

 

Première partie: l’appui des accords précédents

Le texte a quatre parties, dont la première est rétrospective. Elle regarde le passé et cherche à résumer les convergences acquises dans les textes antérieurs de l’ARCIC sur l'autorité ( « Déclaration de Venise », 1976, avec l’ « Elucidation », « Déclaration de Windsor », de 1981). Les réponses officielles de la Communion anglicane en 1988 et de l'Eglise catholique romaine en 1991 à ces textes se sont avérées extrêmement utiles à la commission de dialogue pour cerner les thèmes précis à examiner dans ce troisième document sur l’autorité. Ces réponses officielles ont aidé la commission à formuler son but précis, comme étant de chercher à élargir l’accord sur les sujets suivants :

  • la relation entre l'Ecriture, la Tradition et l’exercice de l’autorité doctrinale ;
  • la collégialité, la conciliarité et le rôle des laïcs dans les prises de décision ;
  • le ministère pétrinien de la primauté universelle, en relation avec l'Ecriture et la Tradition. (Don ,3).

Le fait que la Déclaration vise de nouveaux progrès sur précisément les questions jugées par les réponses officielles comme ayant besoin d’être travaillées davantage, est important pour discerner sa part dans l’évaluation du degré d’accord entre anglicans et catholiques au sujet de l’autorité. Cet accord est plus large et plus profond que ce qui est exprimé dans ce seul texte, précisément parce que dans une certaine mesure il se limite à des problèmes non suffisamment résolus par les accords antérieurs. On ne devra pas oublier l’importante attention accordée dans les documents précédents à des questions telles que le ministère de l’épiscopè, la primauté régionale, la juridiction, le ius divinum et les textes pétriniens du Nouveau Testament. Le sous-titre : « L’autorité dans l’Eglise III », est à prendre à la lettre.

 

Deuxième partie: l'autorité dans l'Eglise.

Cette partie et la suivante représentent ce qui est précisément le nouveau stade d’accord atteint avec Le don de l’autorité. La deuxième partie discute de l’autorité en référence à l'Eglise locale et universelle (Don, 13-14 ; 22-27 ; 30), à l'Ecriture et à la Tradition (Don, 14-23), à l’apostolicité et à la catholicité (Don, 16-17 ; 26-27). C’est tout le peuple de Dieu qui est le récepteur de la Parole de Dieu transmise dans l'Ecriture et la Tradition (Don, 28). Au sein du peuple, l’attention se porte particulièrement sur la relation entre le croyant individuel et l'Eglise locale (Don, 11-13) et sur la relation entre ceux chargés du ministère de l’épiscopè, d’une part, et le peuple doté du sensus fidei d’autre part (Don, 24-30). Les paragraphes qui suivent vont tenter de dégager quelques uns des thèmes importants de cette deuxième partie.

Tout d’abord, l’estimation positive de l'autorité, qui est le leitmotiv du document, ressort clairement de l’heureuse initiative d’avoir fait un refrain du mot hébreu « Amen », expression biblique de la foi comme acte et comme attitude.

En Jésus Christ, Fils de Dieu et né d’une femme, le « Oui » de Dieu à l’humanité et l’ « Amen » de l’humanité à Dieu deviennent une réalité humaine concrète. Ce thème du « Oui » de Dieu et de l’ « Amen » de l’humanité en Jésus Christ est la clé de l’étude de l'autorité dans cette déclaration (Don,8).

Les différents sujets traités : l’acte de foi du croyant individuel, la foi de l'Eglise locale, la réception de la Tradition et de l'Ecriture ou la catholicité qui unit les Eglises locales dans le temps et l’espace, sont tous développés dans le cadre de l’« Amen » dit à Dieu en réponse au « Oui » de Dieu aux humains. Ce fil d’or continue dans les autres parties du document, jusqu’à la toute dernière phrase du texte, qui rassemble habilement les affirmations précédentes, les plaçant de façon précise dans la perspective de la recherche de la pleine communion : « Ainsi, l’ “Amen” qu’anglicans et catholiques romains disent à l’unique Seigneur est plus près de devenir un “Amen” dit ensemble par l’unique et saint peuple de Dieu, témoignant du salut de Dieu et de son amour de réconciliation dans un monde brisé ». (Don, 63). De cette façon, la commission a sagement choisi de rappeler que l’acte très banal et sans problèmes de dire « Amen » importe à la question de l'autorité dans l'Eglise. L’exercice de l'autorité au sein de l'Eglise et l’acceptation de cet exercice doivent être compris comme constitutifs de l’ « Amen » de l'Eglise à Dieu.

Cette approche positive est renforcée par le fait que la deuxième partie s'ouvre sur plusieurs paragraphes fortement bibliques et trinitaires. Le matériau biblique appuie le sens chrétien de la normativité de la Parole de Dieu. Une attitude positive envers l'autorité a pour elle la sanction des Ecritures. Jésus lui-même est le modèle de l'acceptation de l'autorité du Père et de l'obéissance à cette autorité dans la puissance du Saint-Esprit. Le thème trinitaire illustre ce que le décret de Vatican II sur l'œcuménisme, Unitatis redintegratio, 11, proposait comme un sain principe de méthode à appliquer dans le dialogue œcuménique, en attirant l'attention sur l'ordre, ou la "hiérarchie", qui existe entre les vérités de foi. Lorsque la question de l'autorité ecclésiale est située dans le contexte des vérités centrales de la foi, de l'économie par laquelle le Dieu Un et Trine réalise le salut des humains, elle apparaît dans une lumière bien plus positive. La Déclaration sur Le don de l'autorité devrait en être plus convaincante et plus crédible, non seulement pour les anglicans et les catholiques romains, mais aussi pour les membres d'autres communautés.

La relation entre la Tradition et l'Ecriture, entre l'interprétation du magistère et la réception, domine la deuxième partie du la Déclaration. Le texte part de la Tradition, se référant explicitement à la fameuse déclaration de la Commission Foi et Constitution de Montréal en 1963 (Don, 14-18). Dans cette section, le lecteur peut observer la remarquable qualité synthétique du texte. Le Saint-Esprit guide le processus de tradition (pneumatologie) à travers le ministère de la Parole et du Sacrement, et dans la vie commune du peuple de Dieu (les trois dimensions de la communion, qui correspondent à l'agir du Christ comme prophète, prêtre et berger/roi ; cf. Lumen gentium, 13-14 et Unitatis redintegratio, 2; Don, 14). La Tradition est « un canal de l'amour de Dieu », qui est « partie intégrante de l'économie de la grâce », un « acte de communion », qui « unit les Eglises locales » les unes aux autres, ainsi qu' « à celles qui les ont précédées dans l'unique foi apostolique ». Le processus de tradition est ainsi un fait de « réception constante et perpétuelle » dans les temps et circonstances diverses. Il élicite l' « Amen » qui unit l'Eglise entière dans la réponse au « Oui » de Dieu à l'humanité (Don, 15-16). Yves Congar a souvent souligné la qualité profondément synthétique qui caractérisait les écrits de tant de Pères de l'Eglise. Il semble clair que ce texte jouit lui aussi d'un tel don de synthèse. Ses auteurs ont choisi avec raison une manière de penser patristique.

L'Ecriture est située dans le contexte de la Tradition. Elle a une « place normative » parce qu' «unique attestation inspirée» ; elle fait par là « seule autorité». La discussion relative à l'Ecriture frappe par son extrême souci des enjeux herméneutiques. La manière dont la composition des livres du Nouveau Testament s'est faite, en rapport avec les questions auxquelles étaient confrontées les communautés locales de l'âge apostolique, semble s’accorder avec l'approche historico-critique adoptée par la plupart des savants biblistes (cf. Don, 20-21). Mais même ici il y a lieu de nuancer. L'interprétation n'est pas simplement laissée aux érudits, elle est une activité ecclésiale. « La signification de l'Evangile révélé de Dieu n'est pleinement perçue qu'au sein de l'Eglise » (Don, 23). Ce paragraphe du texte non seulement affirme la nécessité de la foi comme présupposé herméneutique sans lequel une interprétation adéquate de la Bible est impossible, mais il note en plus que « la foi de la communauté précède la foi de l'individu » (Don, 23). Il est extrêment satisfaisant de voir dans cette discussion de l'autorité de l'Ecriture que l'interprétation individuelle est présentée comme guidée par celle de la communauté à laquelle elle contribue à son tour. Quand il est affirmé (Don, 23) que «l'Eglise ne saurait être décrite en sa vérité comme un aggrégat de croyants individuels, pas plus que sa foi n’est la somme des croyances individuelles», il est difficile pour un catholique de ne pas penser à des formules semblables utilisées par le Pape Jean-Paul II en parlant de la relation des évêques au collège épiscopal,(3) ou par la Congrégation pour la Doctrine de la foi à propos de l'unité des Eglises locales au sein de l'Eglise universelle.(4) En outre, le contenu herméneutique de la Déclaration est en résonance avec le travail fait récemment par la Commission Foi et Constitution sur l'herméneutique œcuménique. Il serait tout-à-fait intéressant d'examiner comment les résultats de ces deux commissions pourraient s'éclairer mutuellement.

Les divisions chrétiennes ont été parfois attribuées à une prétendue opposition entre l'Ecriture, que l'on doit suivre puisqu'elle est la Parole de Dieu, et la Tradition, accusée de contredire l'Ecriture en introduisant des nouveautés. Ou encore, certains ont vu une opposition entre l'obéissance à l'Ecriture et l'obéissance à ceux qui exercent l'autorité dans l'Eglise. Le présent texte contient un certain nombre de vrais joyaux, dont l'un répond exactement à ces prétendues oppositions, en montrant, de manière très satisfaisante, l'harmonie existant entre l'Ecriture, la Tradition, l'autorité et l'obéissance.

La formation du canon des Ecritures était partie intégrante du processus de la tradition. La reconnaissance par l'Eglise de ces Ecritures comme canoniques, après une longue période de discernement critique, représentait à la fois un acte d’obéissance et un acte d’autorité. Acte d’obéissance, en ce que l'Eglise discernait et recevait le « Oui » vivifiant de Dieu par les Ecritures, les acceptant comme normes de la foi. Acte d’autorité, en ce que l'Eglise, guidée par le Saint-Esprit, recevait et communiquait ces textes en déclarant qu’ils étaient inspirés et que d’autres ne sauraient être inclus dans le canon (Don, 22).

Les deux paragraphes amenés par le sous-titre spécifique « Réception et Re-réception » contiennent des propositions qui plairont beaucoup aux catholiques, mais j'imagine qu'on pourrait en dire autant des anglicans. Tout d'abord, la Declaration affirme clairement que c'est la totalité de la Tradition apostolique qui est reçue par l'Eglise. La réponse catholique officielle à la discussion de l'ARCIC I sur l'autorité avait explicitement relevé comme un point faible la suggestion que seules les doctrines centrales pouvaient faire l'objet de définitions solennelles par les détenteurs de l'autorité dans l' Eglise.(5) Ce qui semblait suggérer une sorte de supériorité et d'indépendance de l'Eglise par rapport à la Révélation par le fait de déclarer quelles sont les doctrines centrales et normatives, tout en laissant libre le croyant individuel pour les vérités jugées non centrales. Ce thème a fait l'objet d'amples discussions au cours des trente dernières années, spécialement de la part de ceux qui ont essayé d'expliquer la compatibilité entre l'enseignement de Vatican II sur la « hiérarchie des vérités » et la conviction traditionnelle que l'autorité de Dieu est sous-jaçante à la totalité de la révélation, conviction exprimée, pour ne donner qu'un exemple, dans l'encyclique Mortalium animos de Pie XI en 1928. Le présent texte atteste sans ambiguïté que catholiques et anglicans sont convaincus que l' « Amen » de l'Eglise est donné à toute la révélation de Dieu, et pas seulement à ce qui peut en être considéré comme ses articles les plus fondamentaux. En même temps, il illustre joliment la hiérarchie des vérités, comme noté ci-dessus, quand il relie organiquement ses diverses affirmations les unes aux autres et aux vérités fondamentales sur la Trinité en tant que base ultime de la vie de l'Eglise et de l'exercice de l'autorité ecclésiale.

De plus, la réception est présentée comme une activité dans laquelle la mémoire de l'Eglise est rafraîchie et même guérie. A mon avis, ceci est un des thèmes les plus profonds et les plus prometteurs de ceux liés à la notion théologique de réception. Il s'harmonise bien avec l'appel de Jésus à la conversion, la metanoia, et à un changement d'esprit et de cœur. En ce sens, la notion de « re-réception » peut même trouver un fondement vétérotestamentaire dans l'appel des prophètes à se rappeler l'Alliance tombée dans l'oubli et à réformer sa vie en conséquence. Ceci va très bien avec une approche catholique de l'œcuménisme qui a constamment souligné la conversion comme une partie absolument nécessaire de la marche à la pleine communion. Le Pape Jean-Paul II peut même bien avoir forgé une formule neuve à cet égard, en parlant de « dialogue de conversion ».

L’Eglise catholique doit entrer dans ce qu’on pourrait appeler un « dialogue de conversion », qui constitue le fondement spirituel du dialogue œcuménique. Dans ce dialogue, qui a lieu devant Dieu, chaque individu doit reconnaître ses propres fautes, confesser ses péchés et se mettre dans les mains de Celui qui est notre intercesseur devant le Père, Jésus Christ. ... Le « dialogue de conversion » avec le Père, de la part de chaque communauté, avec la pleine acceptation de tout ce qu’il exige, est la base de relations fraternelles qui veulent être quelque chose de plus qu’une simple entente cordiale ou une sociabilité purement extérieure. Les liens de la koinonia fraternelle doivent être forgés devant Dieu et dans le Christ Jésus (Ut unum sint, 82).

La deuxième partie se conclut par six paragraphes qui relient l'autorité à la catholicité de l'Eglise. On y affirme plusieurs points importants. Tout d'abord, l'Eglise est comprise comme un tout, s'étendant dans le temps et l'espace (Don, 26). Il faut voir là une claire opposition à une ecclésiologie qui poserait l'Eglise locale comme une communauté se suffisant à elle-même. Même affirmation, et même en plus explicite, dans la discussion de la troisième partie sur la synodalité :

L’interdépendance mutuelle de toutes les Eglises est constitutive de la réalité de l'Eglise telle que Dieu la veut. Aucune Eglise locale inscrite dans la Tradition vivante ne peut se considérer comme auto-suffisante (Don, 37).

Même l'Eucharistie, sommet de la vie de l'Eglise locale, révèle le dynamisme indéracinable qui met la communauté locale en communion avec l'unité catholique du tout.

L’Eglise locale est une communauté eucharistique. Au centre de sa vie est la célébration de la Sainte Eucharistie dans laquelle tous les croyants entendent et reçoivent le « Oui » de Dieu pour eux en Christ. Dans la grande Action de grâces, lorsque le mémorial du don de Dieu dans l’œuvre salvifique du Christ crucifié et ressuscité est célébré, la communauté est une avec tous les chrétiens de toutes les Eglises qui, depuis le commencement et jusqu’à la fin, prononcent l’ « Amen » de l’humanité à Dieu,- l’ « Amen » dont l’Apocalypse affirme qu’il est au cœur de la grande liturgie du ciel (Ap 5, 14, 7, 12). (Don, 13).(6)

En second lieu, l'Eglise comme telle est présentée comme étant le seul sujet qui entre en ligne de compte pour la réception et la transmission de la Tradition vivante. Laïcs, théologiens et ministres ordonnés, tous ont une responsabilité dans la réception et la transmission de la Parole de Dieu, chacun selon sa capacité spécifique (Don, 28). Les catholiques reconnaîtront immédiatement l'affinité de ce paragraphe avec Lumen Gentium 12, de Vatican II, qui affirme que « le saint Peuple de Dieu a part également à l'office prophétique du Christ » et que « le corps entier des fidèles ... a une onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2,20 et 27) ». Dans ce contexte, la Déclaration décrit le sensus fidei comme « une capacité active de discernement spirituel, une intuition formée par la participation au culte et par la vie en communion comme membre fidèle de l'Eglise » (Don, 29). La discussion du sensus fidei et de la notion corrélative de sensus fidelium, semble être une des principales manières dont ARCIC II exécute la tâche requise par la réponse anglicane officielle à ARCIC I, qui demandait que la suite du dialogue examine « le rôle des laïcs dans les prises de décision au sein de l'Eglise ».(7) La relation entre ceux qui exercent l'épiscopè, « le ministère de la mémoire » d'une part, et tout le peuple dont la réception de la Parole de Dieu dans la foi peut se résumer dans le sensus fidelium, d'autre part, est décrite à l'aide de l'analogie de la symphonie. Du fait que le Saint-Esprit est à l'œuvre dans l'Eglise, il y a harmonie entre épiscopè et sensus fidelium. Le « ministère [...] de l'évêque et de ceux ordonnés sous sa responsabilité» est attentif et « sensibilisé au sensus fidelium, qu’ils ont eux aussi en partage... Le sensus fidelium du peuple de Dieu et le ministère de la mémoire existent ainsi ensemble et dans une relation réciproque » (Don, 30). Alors que ces affirmations sont vraies, en même temps on se demande si le texte ne ferait pas bien de considérer également la très réelle possibilité de tensions dans la communauté à propos de questions de foi et de discipline. Je reviendrai sur ce point dans une section concernant des améliorations possibles susceptibles de rendre encore plus impressionnant l'accord enregistré dans le présent texte.

 

Troisième partie: l'exercice de l'autorité dans l'Eglise

Il faut noter ici l'emploi du mot « exercice ». La Déclaration insiste sur le style dans lequel l'autorité doit être exercée dans l'Eglise, spécialement en se référant à «l'esprit et l'exemple » de Jésus et à son «autre façon de faire», caractérisée par son service et son abnégation (cf. Don, 5, 9, 35, 48, 49). Le texte ne cache pas qu'il peut y avoir abus et déformation de l'autorité, du fait de la malice ou de la faiblesse de ceux qui l'exercent (Don, 5, 25, 48). Ceci dit, la troisième partie ne porte pas simplement sur les vertus nécessaires à l'exercice de l'autorité dans l'Église, mais également sur les buts, les sujets et les caractéristiques de cet exercice. Il semble y avoir cinq thèmes spécifiques dans cette section, dont chacun appelle un bref commentaire : l'unité pour la mission, la synodalité, la vérité, la primauté et la discipline.

Du simple point de vue du nombre de paragraphes dans notre texte, la section sur mission et unité est tout-à-fait centrale. On pourrait dire que là se trouve également le cœur doctrinal de l'accord. Les paragraphes 32 et 33 tentent de fournir la raison d'être [en français dans le texte : n.d.T.] de l’autorité dans l'Eglise. Quel est son but ? La commission situe utilement ce but dans le contexte du but de l'Eglise comme telle. L'Eglise existe comme instrument pour continuer la mission du Christ de promouvoir la réalisation du Royaume de Dieu. Ce royaume est par nature communion.(8) La mission de l'Eglise est d'être un instrument de communion (cf.1 Jn 1, 1-3). Le manque d'unité nuit à cette mission ; Jésus prie pour que ses disciples soient un, « afin que le monde croie » (Jn 17, 21). Le présent texte exprime très bien ces points :

Lorsque les chrétiens ne s’accordent pas sur l'Evangile lui-même, la prédication « en puissance » est compromise. N’étant pas un dans la foi, ils ne peuvent être un dans la vie, et donc démontrer pleinement leur fidélité à la volonté de Dieu qui est la réconciliation de toutes choses avec le Père en Christ (cf. Col 1, 20).... Pour ceux qui sont investis de l’autorité dans l'Eglise, l’enjeu et la responsabilité de leur ministère sont de promouvoir l’unité de toute l'Eglise dans la foi et la vie d’une façon qui enrichisse, loin de l’amoindrir, la légitime diversité des Eglises locales.(Don, 33).

Du point de vue catholique, cela est très utile en ouverture d'une section qui va traiter de l'épiscopat, de la synodalité et de la primauté. Lumen Gentium 23 associe intimement le ministère des évêques et du pape à la fonction de servir l'unité de l'Eglise, et cela précisément dans le contexte de la mission de l'Eglise d'annoncer l'Evangile au monde entier.(9) On pourrait dire que les thèmes dominants de l'ecclésiologie catholique dans la période après Vatican II tournent autour des questions de la communion (l'unité) et de la mission. Même les plus récents synodes généraux concernant les laïcs, les ministres ordonnés et les personnes vouées à la vie consacrée, ont tous développé la compréhension de ces vocations en termes de l'ecclésiologie de communion et de mission. Le Pape Jean-Paul II fut guidé par ces discussions dans la rédaction de ses trois exhortations apostoliques, fruits de ces synodes : Christifideles laici, Pastores dabo vobis et Vita consecrata. A présent, dans leur déclaration sur Le don de l'autorité, les membres de ARCIC II nous ont donné deux précieux paragraphes qui relient l'autorité dans l'Eglise précisément à sa nature comme communion et mission.

Les paragraphes consacrés à la synodalité (Don, 34-40) commencent par une belle description de l'Eglise, en tant que constituée de la communion de toutes les Eglises locales, comme une communauté cheminant ensemble (jeu de mot sur le grec synodos) sous la conduite du Saint-Esprit, dans la fidélité à la vivante Parole de Dieu. A la suite viennent les paragraphes les plus forts du document, sur les évêques. Il leur faut une autorité pastorale certaine pour l’exercice effectif de l'épiscopè dans une Eglise locale. Ce qui signifie qu'ils doivent pouvoir prendre et appliquer des décisions dans l'intérêt de la communion. Les fidèles « ont le devoir de recevoir et d'accepter » ces décisions. « La juridiction des évêques est une conséquence de l'appel qu'ils ont reçu de conduire leurs Eglises ... ; ce n'est pas un pouvoir arbitraire donné à un seul au détriment de la liberté des autres ». Il y a une complémentarité entre l'évêque et la communauté, qui est symbolisée et exprimée par le dialogue de la prière entre le président et le peuple durant la célébration de l'Eucharistie. Ces affirmations, toutes d'après Don, 36, réussissent à harmoniser une autorité épiscopale claire et décisive avec le sens et le respect de la foi des croyants individuels qui constituent la communauté. C'est là la sorte d'autorité qu'on associe naturellement à Jésus lui-même, le berger et l'évêque des âmes (cf. 1 P 2, 25). La section poursuit en rappelant quelques unes des structures qui facilitent la synodalité, soulignant que «la garde de la communion requiert qu'à tous les niveaux il y ait la capacité de prendre les décisions appropriées à ce niveau. Lorsque ces décisions soulèvent de sérieuses questions pour la communion générale des Eglises, la synodalité doit s'élargir en conséquence » (Don, 37). Afin d'actualiser cette synodalité les évêques ont besoin de se rencontrer. La consultation des fidèles est également un aspect nécessaire du gouvernement épiscopal (Don, 36). Les paragraphes 39-40 exposent de façon fascinante les différentes manières dont les anglicans et les catholiques donnent expression à la synodalité, exposé particulièrement intéressant à cause des accents différents présents dans les descriptions. Le paragraphe 39 nous assure de la large pratique de la synodalité et de la consultation du laïcat dans la Communion anglicane ; mais il semble presque avoir à trop protester que les évêques ont une responsabilité « distincte et décisive » , un « ministère distinct et propre» de gouvernement. Le paragraphe 40, au sujet de l'Eglise catholique romaine, d'un autre côté, suppose un vigoureux exercice de l'autorité épiscopale et primatiale mais semble presque avoir à trop protester que « la tradition de la synodalité n'a pas été interrompue », et que les trois conciles tenus par l'Eglise catholique après la Réforme, et notamment beaucoup de développements structurels accomplis depuis Vatican II, ont conduit à un accroissement de synodalité. Le texte ajoute : « En complément de cette synodalité collégiale, une croissance de la synodalité à l'échelon local développe la participation active des laïcs à la vie et à la mission de l'Eglise locale » (Don, 40). Ceci donne l'impression que la participation du laïcat dans le catholicisme n'est qu'au plan de l'Eglise locale, ce qui peut minimiser indûment sa participation au plan national, régional ou même universel (aux synodes généraux, par exemple). Ces deux différents accents reparaîtront dans la quatrième partie, là où la commission énumère quelques questions auxquelles catholiques et anglicans sont respectivement confrontés (Don, 56-57).

La section sur la persévérance dans la vérité (Don, 41-44) tente de tenir ensemble diverses affirmations qui pourraient sembler être en tension les unes avec les autres. Elle dit clairement qu'anglicans et catholiques peuvent affirmer tant l'indéfectibilité que l'infaillibilité de l'Eglise. Tout comme Vatican I avait enseigné que le pape, à certaines conditions, peut exercer « cette infaillibilité dont le Christ a voulu que son Eglise soit dotée » (Denzinger-Hünermann, 3074), ainsi ARCIC II note que l’assurance, fondée sur la Bible, qu'ont à juste titre les chrétiens pour proclamer la vérité de l'Evangile repose sur la foi en la promesse de Jésus que le Saint-Esprit n'abandonnera pas l'Eglise comme telle et la guidera vers la vérité entière. Cette confiance est ce qu'exprime notre conviction commune de l' « indéfectibilité » de l'Eglise. Le texte essaie d'harmoniser une telle confiance avec l'expérience que le développement doctrinal, qui peut conduire à de nouvelles formulations de foi, consiste en un processus prudent et circonspect dans lequel ces formulations sont testées. Le « test » en question doit être compris d’après les principes de l'Essai sur le développement doctrinal de Newman, qui expose comment l'Eglise est arrivée à de nouvelles formulations, telles que l'emploi du mot homoousious pour décrire la relation du Fils au Père. Dans le contexte de l'indéfectibilité, la Déclaration affirme sans l'ombre d'un doute que c'est précisément le rôle du collège des évêques que de «dégager et prodiguer un enseignement auquel on peut se fier parce qu'il exprime en toute sûreté la vérité de Dieu ». Il est des circonstances dans lesquelles les évêques ont besoin d'urgence de « tester de nouvelles formulations de foi »; ils peuvent même, « assistés par le Saint-Esprit,... en venir à un jugement qui, étant fidèle à l'Ecriture et en harmonie avec la Tradition apostolique, est exempt d'erreur » (Don, 42).

Une des questions les plus cruciales dans le présent texte apparaît précisément sur ce point, où ARCIC II tente d'harmoniser le magistère infaillible du collège des évêques avec la réception de son enseignement par tout le corps des croyants. Au paragraphe 43, la Déclaration traite d'une préoccupation présente dans les deux réponses officielles aux textes de ARCIC I sur l'autorité. Comme on l'a vu, la réponse anglicane appelait à la poursuite de l'examen du rôle des laïcs dans les prises de décision au sein de l'Eglise. Le présent texte semble se livrer à cette tâche, spécialement dans ses réflexions sur le sensus fidelium et la réception, objets de Don, 43. La réponse catholique officielle, d'autre part, cite plusieurs passages de ARCIC I, comme :

... Les anglicans n'acceptent pas la possession garantie d'un tel don de l'assistance divine dans la fonction de jugement inhérent à la charge de l'Evêque de Rome, (assistance) en vertu de laquelle ses décisions formelles peuvent être connues comme étant totalement sûres avant leur réception par les fidèles.(10)

Ce texte concerne le magistère de l'Evêque de Rome, mais la question centrale porte sur la « réception », qui est précisément le sujet du paragraphe 43 que nous commentons. La réponse catholique résume sa préoccupation sur cette question dans les termes suivants :

Il est dit clairement, en outre, dans L'autorité dans l'Eglise, Elucidation n.3, que la réception par le Peuple de Dieu d'une vérité définie « ne crée pas la vérité ni ne légitime la décision ». Mais comme on vient de le noter à propos de la primauté, il semblerait qu'ailleurs le Rapport final voit l' « assentiment des fidèles » comme requis pour qu'il soit reconnu qu'une décision doctrinale du Pape ou d'un concile œcuménique est indemne d'erreur (A II, 27 et 31). Pour l'Eglise catholique, la connaissance certaine de toute vérité définie n'est pas garantie par le fait que la réception des fidèles la dit conforme à l'Ecriture et à la Tradition, mais par la définition infaillible elle-même de la part des détenteurs authentiques du magistère.(11)

Comment notre texte traite-t-il ces questions ? D'abord, il déclare que le corps entier des croyants participe dans des manières distinctes à l'exercice du magistère dans l'Eglise. Il ne dit pas que le corps entier des croyants est le détenteur de cette autorité magistérielle attachée au collège des évêques, autorité qui, d’après le précédent paragraphe 42, peut, dans certaines conditions, arriver à un jugement exempt d'erreur. Quelle est la nature de la participation en question ? « Le sensus fidelium [y] est à l'œuvre », sans doute comme l'une de ces sources consultées par les évêques avant toute décision. Les évêques ne consultent pas seulement la Parole de Dieu telle qu'elle est exprimée dans l'Ecriture et transmise par la Tradition, mais ils sont également attentifs à la manière dont cette Parole a été reçue par le peuple guidé par son sensus fidei et dont la compréhension commune de la Parole peut être qualifiée de sensus fidelium. La Déclaration veut dire que pareille participation du corps entier ne fait pas que précéder l'enseignement officiel mais qu'elle le suit aussi. Le texte poursuit :

Puisque c'est la fidélité de tout le peuple de Dieu qui est en jeu, la réception de l'enseignement est partie intégrante du processus. Les définitions doctrinales sont reçues comme faisant autorité en vertu de la vérité divine qu'elles proclament et à cause de la mission spécifique de celui ou de ceux qui les proclament du sein du sensus fidei de tout le peuple de Dieu. (Don, 43).

Il paraîtrait ici que ce n'est pas la réception qui est la condition « garantissant » une définition infaillible. Bien plutôt, si l'on veut parler de « garantie », ARCIC II dirait que de telles définitions « font autorité » « en vertu de la vérité divine qu'elles proclament et à cause de la mission spécifique de celui ou de ceux qui les proclament ». L'expression «du sein du sensus fidei de tout le peuple de Dieu » ne semble pas faire de la réception la condition de possibilité d'une définition doctrinale, mais semble plutôt confirmer les assertions des paragraphes 41 et 42, et également, auparavant, de Pastor aeternus de Vatican I, selon lesquelles tout exercice du magistère infaillible ne peut se justifier, en fin de compte, que comme exercice de cette «infaillibilité dont le Christ a voulu que son Église soit dotée ». La réception est néanmoins partie intégrante de telles définitions car le but précis d'une définition est d'exprimer la foi normative de l'Église, et donc la foi partagée par tous. Si l'enseignement n'était pas reçu, il n'atteindrait pas son but.

Pourquoi le corps des fidèles accepte-t-il une définition doctrinale ?

C’est parce qu’il reconnaît que cet enseignement exprime la foi apostolique et ne s’écarte pas de l’autorité et de la vérité du Christ, Tête de l'Église. La vérité et l’autorité de la Tête est la source de l’enseignement infaillible dans le Corps du Christ. Le « Oui » de Dieu révélé en Christ est la règle à laquelle se mesure un tel enseignement normatif. Un tel enseignement doit être accueilli par le peuple de Dieu comme un don de l’Esprit Saint destiné à maintenir l'Eglise dans la vérité du Christ, notre « Amen » à Dieu.(Don, 43).

Il semble clair, d'après ce texte, que ce n'est pas l'acceptation par les individus qui peut être la source de l'enseignement infaillible. Cette source est plutôt Jésus Christ, qui est la tête de l'Eglise et qui agit par l'Eglise. La Déclaration utilise ici, en référence à l'enseignement infaillible, les deux verbes « être mesuré » et « être accueilli ». Un enseignement peut-il être en même temps mesuré et accueilli ? Cela signifie-t-il qu'un croyant individuel ou que des groupes de croyants, ou le corps des croyants comme tel, sont pour ainsi dire juges des définitions solennelles d'un concile œcuménique ou de l'Evêque de Rome voulant enseigner de la manière décrite à Vatican I ?

Cela semble clairement n'être pas l'intention du texte. Il ne dit pas que le croyant jouit d'une autorité plus haute que celle du Christ ou que celle que le Christ lui-même exerce par le collège épiscopal. Je soupçonne que la conjonction des deux verbes veut au contraire marquer, dans ce contexte de la réception de l'enseignement officiel, la même doctrine que le Pape Jean-Paul II a indiquée dans le contexte de la relation entre la philosophie et la théologie, c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir en dernière analyse de conflit entre la foi et la raison.(12) La foi des croyants engage la personne humaine entière, et la saisie intellectuelle de la doctrine par la personne engage nécessairement sa capacité de jugement. On ne peut séparer l'un de l'autre les deux verbes « accueillir » et « mesurer » du texte, en matière de réception d’une doctrine définie, comme si l'on était capable d'accueillir un enseignement comme une interprétation authentique de la Parole révélée de Dieu, tout en se trouvant complètement incapable de mesurer si elle peut raisonnablement être considérée comme telle. Dans ce cas, la foi serait ramenée à un fidéisme aveugle, rejeté à juste titre à la fois par Fides et ratio et par Dei Filius de Vatican I, comme contraire à la dignité de la personne humaine créée à l'image de Dieu.

La section sur la vérité se termine sur une répétition de l'unique rôle et responsabilité du collège épiscopal, qui « est lié, par la succession, aux apôtres » de maintenir l'Eglise dans la vérité. Dans ce contexte, la Déclaration redit avec Vatican II que l'évêque individuel enseigne solidairement avec tout le collège épiscopal et que le magistère doit être fidèle à l'Ecriture et à la Tradition, car il n'est pas « au-dessus de la Parole de Dieu mais à son service » (Don, 44 ; cf. Vatican II, Dei verbum, 10).

La section consacrée à la primauté (Don, 45-48) commence par reconnaître que la synodalité de l'Eglise a à son service non seulement l'autorité conciliaire et collégiale, mais également l'autorité primatiale. Les deux communautés reconnaissent le ministère primatial à différents niveaux de la vie ecclésiale. Le paragraphe 46 reconnaît explicitement sa dette envers ce qui doit être un des plus importants acquis de ARCIC I : la reconnaissance commune non seulement du besoin du ministère primatial au niveau universel, mais également du fait que ce ministère doit être exercé par l'Evêque de Rome. S'il est vrai que les origines de la division entre ces deux communautés gisent « précisément dans le problème de la primauté papale », comme le disait le Rapport de Malte, alors il faut créditer ARCIC I d'avoir déjà accompli une avancée d'importance historique.

La réponse officielle de la Communion anglicane à l'étude que fait ARCIC I de la primauté appelait à poursuivre l'étude

  • du fondement dans l'Ecriture et la Tradition du concept d'une primauté universelle, en conjonction avec la collégialité, comme instrument de l'unité,
  • du caractère, en pratique, d'une telle primauté,
  • et de l'expérience des autres Eglises chrétiennes en matière d'exercice de la primauté, de la collégialité et de la conciliarité.(13)

A propos de cette dernière demande, le paragraphe 4 de la Déclaration mentionne brièvement que tant les catholiques que les anglicans essaient d'être ouverts à l'expérience d'autres Eglises concernant la nature et l'exercice de l'autorité. Le texte ne se réfère pas ensuite explicitement à d'autres Eglises, bien que sa description de l'Eglise comme [le lieu] « où la Parole de Dieu est prêchée et les sacrements du Christ célébrés » (Don, 17-18) semble faire écho à un thème ecclésiologique cher à la Réforme protestante, tandis que le cadrage de la discussion sur la collégialité et la conciliarité, en termes de « synodalité » (Don,34-40; 45), renverrait plutôt à la pensée orthodoxe. Pour ce qui est du fondement dans l'Ecriture et la Tradition, la Déclaration rappelle les réflexions bibliques plus développées de L'autorité dans l'Eglise II, 2-9 et leur ajoute un texte et plusieurs exemples de la période patristique. La mention ici des commémorations liturgiques anglicanes de deux évêques de Rome, Léon et Grégoire, est une addition particulièrement sympathique. La relation entre la primauté et la collégialité est traitée par le lien fait entre ces questions dans la troisième partie de la Déclaration: la synodalité mène à la discussion de la persévérance dans la vérité, puis à l’examen de la primauté. Finalement, le « caractère » de la primauté, en termes de son but - le service de l'unité, - son origine dans le modèle fixé par Jésus lui-même avec le choix d'un des Douze, son style collégial et sa vulnérabilité aux faiblesses de son titulaire, tout cela semble traité dans Don, 46-48. Il paraît ainsi que le texte a abordé toutes les questions mentionnées dans la réponse anglicane officielle.

Qu'en est-il des réactions catholiques au traitement de la primauté dans ARCIC I ? Les difficultés catholiques concernaient ce qui pouvait être considéré comme les deux composantes générales de l'enseignement de Vatican I sur la papauté : la primauté et l'infaillibilité. Sur la primauté, la réponse officielle contestait la déclaration d'ARCIC I selon laquelle « du point de vue de l'Eglise catholique, il peut ne rien manquer à une Eglise qui n'est plus en communion avec le Siège de Rome, si ce n'est qu'elle ne fait pas partie de la manifestation visible de la pleine communion chrétienne qui est préservée dans l'Eglise catholique romaine (AII 12)». Mais il manque au contraire à une Église dans ce cas « plus que simplement la manifestation visible de l'unité ».(14) ARCIC II semble répondre à cela lorsqu’elle affirme clairement que « l'interdépendance mutuelle de toutes les Eglises est constitutive de la réalité de l'Eglise telle que Dieu la veut» (Don, 37) et que « les exigences de la vie de l'Eglise appellent un exercice spécifique de l'épiscopè au service de l'Eglise entière » (Don, 46). Par sa nature même, l'Eglise locale n'est pas auto-suffisante (Don, 37). Dans la question de la communion avec le ministère qui sert de point de référence pour l'unité du tout, il y a donc plus en jeu que simplement la manifestation visible de l'unité.

Le réponse catholique relève en outre qu' ARCIC I ne fait pas droit à la croyance catholique que « la primauté de l'Evêque de Rome appartient à la structure divine de l'Eglise » et que « la primauté des successeurs de Pierre [est] quelque chose voulu expressément par Dieu et découlant de la volonté et de l'institution de Jésus Christ ».(15) En réponse, ARCIC II reprend ARCIC I en déclarant que le «modèle de complémentarité entre les aspects primatial et conciliaire de l’épiscopé au service de la koinonia des Eglises doit être réalisé au plan universel» (c'est moi qui souligne). Les «exigences de la vie de l'Eglise appellent un exercice spécifique de l'épiscopè au service de toute l'Eglise » (c'est moi qui souligne). La référence au Nouveau Testament met en évidence le choix de Pierre par Jésus Christ lui-même, alors que le texte de saint Augustin parle de « la prééminence reconnue à Pierre » et rapporte les paroles dites à Pierre seulement (« à toi, je remets ») aux dons faits à l'Église comme telle (tous ces textes d'après Don, 46). La Déclaration semble donc dire que le ministère primatial est de l'esse, non du bene esse de l'Eglise. Il est requis. De plus, les fondements bibliques et patristiques qui sont fournis présupposent que l'initiative de fournir à l'Eglise ce dont elle avait besoin venait de Jésus lui-même.

Ce n’est pas là ramener le texte à une interprétation fondamentaliste des Ecritures ou des origines de l'Eglise. Le concept de ius divinum peut et doit être compris d’une manière qui corresponde aux résultats assurés d'une saine recherche historique. Les récentes considérations de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la primauté du successeur de Pierre admettent un « développement doctrinal » et une « clarté croissante » concernant ce ministère. En même temps, la Congrégation souligne la continuité dans ce développement, et que la clarté croissante concernait une conviction que l'Eglise tenait dès ses origines, à savoir que « tout comme il existe une succession des apôtres dans le ministère des évêques, ainsi le ministère de l'unité confié à Pierre appartient à la structure immuable de l'Eglise du Christ, et que cette succession est liée au siège de son martyre ».(16) En affirmant sa nécessité et en se référant aux textex bibliques et patristiques qui parlent des paroles de Jésus dites spécifiquement à Pierre, le choisissant pour un rôle qui concernait l'Église comme totalité, l'appelant à exercer des pouvoirs confiés à l’ensemble, ARCIC II semble affirmer en substance ce que la Congrégation affirme aussi pour ce qui est du fondement de la primauté dans la volonté du Christ pour l'Eglise. On comprend évidemment que la discussion de la primauté par la Congrégation soit plus développée, et ses affirmations plus explicites. Je soupçonne néanmoins qu'ARCIC serait en mesure d’entériner une assertion succincte telle que « l'épiscopat et la primauté, en connexion réciproque, et inséparables, sont d'institution divine ».(17) D'après ce qui est dit dans le texte dans son ensemble, cette asssertion pourrait être acceptable aux deux communautés.

De même qu'après avoir présenté en général l'exercice synodal de l'autorité par le collège des évêques (Don, 34-40), la Déclaration passe à la question plus spécifique de son magistère (Don, 41-44), ainsi sa discussion d'une primauté universelle (Don, 46) conduit à un paragraphe sur le magistère du primat (Don, 47). Le texte envisage clairement la possibilité de « définitions solennelles prononcées sur la chaire de Pierre », cette dernière expression évidemment inspirée du latin ex cathedra (« depuis la chaire »). Le paragraphe 47, d'une façon semblable à Pastor aeternus de Vatican I, affirme qu'une telle habilitation à enseigner découle du ministère de la primauté, elle y est en quelque sorte incluse : « La réception de la primauté de l'Evêque de Rome implique la reconnaissance de ce ministère spécifique du primat universel ».(18) L'intention première de ce paragraphe semble être de prévenir et d'éviter ces « difficultés et ces malentendus » qui ont surgi concernant le ministère particulier du discernement de la vérité.

Tout bon connaisseur de Vatican I se rappelle ici le fameur rapport de l’évêque Vincent Gasser, porte-parole de la commission de fide du concile, le 11 juillet 1870, discours cité jusqu’à quatre fois en note dans le principal paragraphe de Vatican II sur le magistère et l’infaillibilité (Lumen gentium25). Mgr Gasser tentait de répondre aux craintes de certains évêques catholiques que la définition de l’infaillibilité papale confère au pape une autorité qui lui permettait d’ imposer à toute l'Église une doctrine solennellement définie sur la seule base de sa décision personnelle. L’argument de Gasser tournait autour de l’interprétation de trois adjectifs : personnel, séparé et absolu. En quel sens l’infaillibilité papale peut-elle être qualifiée par de tels adjectifs ? Pour ce qui est du troisième, Gasser admet ouvertement (ce sont ses propres termes) « que l’infaillibilité pontificale n’est absolue en aucun sens car l’infaillibilité absolue n’appartient qu’à Dieu ».(19) En quel sens est-elle personnelle ? « En vérité, elle est dite personnelle afin d’exclure par là une distinction entre le Siège et son titulaire. ...Nous défendons l’infaillibilité personnelle du Pontife romain en tant que cette prérogative appartient, de par la promesse du Christ, à chaque et à tout successeur légitime de Pierre dans sa chaire ».(20) Gasser explique encore que l’adjectif « personnel » doit être limité précisément au pape en tant que « personne publique, c'est-à-dire en tant que chef de l'Eglise, dans sa relation à l'Eglise universelle ».(21) L’évêque nie explicitement que le pape soit infaillible en tant que personnne privée, ou docteur privé.(22)
En quel sens l’infaillibilité du pape est-elle séparée ? Elle peut être dite séparée, ou plutôt distincte parce qu’elle se fonde sur une promesse spéciale du Christ et donc sur une spéciale assistance du Saint-Esprit, assistance qui n’est pas la même que celle dont jouit tout le corps de l'Eglise enseignante uni à son chef.(23)

Le langage de Gasser, l’ « Eglise enseignante », doit être compris en fonction de la distinction prévalente à l’époque entre l’ecclesia docens et l’ecclesia discens. Il s’agit donc du collège des évêques. Cette distinction pratique l’aurait empêché de reconnaître une « participation » du laïcat à l’exercice du magistère de l'Eglise. Cette limitation n’a pas à être un problème pour nous aujourd’hui, du fait qu’une doctrine et une théologie plus adéquates du laïcat ont montré sa participation unique à la mission prophétique de Jésus. Mais le texte de Gasser, ici, aide à saisir les limites dans lesquelles les évêques de Vatican I admettaient que l’enseignement de l’Evêque de Rome est « séparé ». La relation du primat à l'Eglise entière, par comparaison avec celle du collège des évêques, est « complètement spéciale» :

  • .. à ce statut distinct et spécial correspond un privilège distinct et spécial. C’est pourquoi, en ce sens, appartient au Pontife romain une infaillibilité séparée. Mais en disant cela nous ne séparons pas le Pontife de son union statutaire avec l'Eglise. Car le Pape n’est infaillible qu’en exerçant sa fonction d’enseignant de tous les chrétiens, et c’est pourquoi, représentant toute l'Eglise, il juge et définit ce qui doit être cru ou rejeté par tous. ... En vérité, nous ne séparons pas le Pape, lorsqu’il prononce une définition, de la coopération et du coonsentement de l'Eglise, du moins en ce sens que nous n’excluons pas cette coopération et ce consentement de l'Eglise.
  • .. La raison pour laquelle, par cette doctrine, nous n’excluons pas la coopération de l'Église est que l’infaillibilité du Pontife romain ne lui vient pas sous forme d’inspiration ou de révélation mais par l’assistance divine. Le Pape, en raison de sa charge et de la gravité de la matière, est donc tenu d’utiliser les moyens convenables pour discerner la vérité de façon appropriée et l’énoncer avec justesse. Ces moyens sont les conciles, l’avis des évêques, des cardinaux, des théologiens, etc. En vérité, les moyens sont divers, selon la diversité des situations, et la piété nous oblige à croire que dans l’assistance divine promise à Pierre et à ses successeurs par le Christ il y a aussi simultanément une promesse concernant les moyens nécessaires et convenables d’élaborer un jugement pontifical infaillible.

Finalement, nous ne séparons pas le moins du monde le Pape du consentement de l'Eglise tant que ce consentement n’est pas posé comme une condition soit antécédente, soit conséquente.(24)

Cette longue citation de Mgr Gasser le montre essayant d’expliquer en quel sens restreint l’infaillibilité papale, telle que Vatican I l’a définie, était « séparée » de l'Eglise et les nombreux sens où elle n’est pas à comprendre comme séparée. Il essayait de convaincre les évêques catholiques qui avaient manifesté une inquiétude au sujet de cette autorité spéciale du primat en matière d’enseignement.

Les remarques de Gasser semblent particulièrement utiles pour une interprétation correcte de l’intention du paragraphe 47 de la déclaration sur Le don de l’autorité. Ce paragraphe paraît répondre fondamentalement à la même préoccupation. L’autorité magistérielle du primat universel pour déclarer la foi authentique de toute l'Église est « une forme particulière d’exercice [c’est moi qui souligne] de la vocation et de la responsabilité du corps des évêques d’enseigner et d’affirmer la foi », et, à ce titre, elle est unique, mais elle ne s’en exerce pas moins « du sein du collège ... et non pas en dehors de ce collège», elle ne fait qu’exprimer la foi de toute l'Eglise et des Eglises particulières. Elle est fidèle à l'Ecriture et à la Tradition, « à la foi proclamée depuis les origines ».

ARCIC I a exprimé diverses inquiétudes, de la part des anglicans, au sujet de l’infaillibilité papale, spécialement du fait des définitions des dogmes marials en 1854 et 1950, ce qui, d’après la réponse catholique officielle, « illustre le besoin de beaucoup d’autres études sur le ministère pétrinien dans l'Eglise ».(25) Ces inquiétudes anglicanes ne sont plus évoquées dans la déclaration d’ ARCIC II sur Le don de l’autorité. On a à la place un effort pour souligner l’unité entre le pape, lorsqu’il exerce son autorité magistérielle unique de définition doctrinale solennelle, et l'Eglise entière. Cet effort a de remarquables points communs avec le discours de Mgr Gasser, qui apaisa avec succès de semblables inquiétudes chez des évêques catholiques romains à Vatican I.

Les affirmations d’ARCIC II sur la relation entre pareils enseignements spéciaux du primat et la foi de l'Eglise entière peuvent-elles être interprétées comme faisant de l’approbation de toute l'Eglise la condition juridique garantissant les enseignements en question, comme si, en l’absence d’une unanimité universelle antécédente ou d’une réception conséquente, on ne pourrait parler de définition infaillible ? Une telle interprétation d’ARCIC II, à mon avis, serait un contresens. La simple preuve en est la compréhension de l’enseignement et de la réception que donne le document au paragraphe 43. Il y est dit que les définitions tirent leur autorité non de la réception mais de la vérité divine, de l’autorité du Christ Tête, agissant par « la mission spécifique de celui ou de ceux qui les proclament ». Mgr Gasser s’en prenait à l’opinion gallicane selon laquelle les actions du primat sont conditionnées absolument par leur réception positive. Il cherchait à l’emporter sur les évêques qui voulaient l’assurance qu’on accorderait une considération suffisante à l’opinion de l’Eglise entière, spécialement sous sa formé manifestée par l’avis des évêques, chaque fois que le pape proposerait un enseignement définitif. Il écrivait :

C’est dans cette nécessité stricte et absolue que consiste toute la différence entre nous. La différence ne porte pas sur l’opportunité ou sur une nécessité relative qu’il faut laisser complètement au jugement du Pontife romain lorsqu’il définit en fonction des circonstances.(26)

Mgr Gasser réussit à convaincre ses collègues évêques, que préoccupait cette question, que l’insistance gallicane sur la réception comme une condition absolue de tout enseignement définitif en éliminerait effectivement la possibilité. C’est pour cette raison que Vatican I a ajouté la phrase que les définitions papales sont irréformables « par elles-mêmes et non à cause du consentement de l'Église ». On ne comprend bien cette phrase qu’à la lumière de ce contexte anti-gallican, comme les paroles de Gasser le montrent en toute clarté. Il réussit à apaiser les craintes de certains de ses collègues évêques. ARCIC II veut aussi éviter les malentendus au sujet de l’enseignement spécial du primat en relation avec le tout. La commission semble reprendre des thèmes présents dans la très importante intervention de Mgr Gasser à Vatican I. Il faut espérer qu’elle réussira à apaiser les craintes de chrétiens sincèrement préoccupés par la question de savoir comment l’autorité magistérielle unique du primat peut être comprise comme intégrée à la foi de la communauté dans sa totalité, sans la menacer, comme elle était menacée par les faux docteurs si fréquemment mentionnés dans le Nouveau Testament (cf. Ac 20, 29-31 ; Ep 4, 14 ; différents pasages des épîtres pastorales et des épîtres johanniques) , mais au contraire la confirmant (cf. Lc 22,31).

La section sur la primauté se termine en souscrivant aux affirmations du Pape Jean-Paul II sur la fragilité humaine des ministres chrétiens, y compris de celui qui exerce le ministère de Pierre. On en vient ensuite à une subdivision finale concernant la discipline (Don, 49). Ce paragraphe pourrait peut-être indiquer plus clairement ce qu’on entend par le mot « discipline », car il peut avoir bien des sens. Le texte cherche-t-il ici à ajouter à ce que le document sur L'autorité dans l'Eglise : Elucidation 5 disait de « l’autorité de l’évêque [ou ici, du primat] qui doit en certaines circonstances exiger la soumission » ?(27) Pareille interprétation semble correcte à la lumière du reste de l’Elucidation 5, qui parle du « besoin possible de prendre des mesures disciplinaires ». Quoi qu’il en soit, le présent texte propose une reconnaissance équilibrée aussi bien du devoir de l’individu de suivre les directives de la communauté entière incarnée par les détenteurs de l’autorité, que le devoir de ces derniers de respecter les consciences de ceux qu’ils ont vocation de servir. Ce point ne doit pas faire dire à tort qu’on ignore le fait que la conscience est formée au sein de la communauté, ce qui a été explicitement reconnu en Don 13.

 

Quatrième partie: synthèse et regard sur l’avenir

« Nous croyons que si cette déclaration au sujet de la nature de l’autorité et de la manière de l’exercer est acceptée et mise en pratique, cette question cessera d’être une cause de rupture permanente de communion entre nos deux Eglises » (Don, 51). Il y a ici une affirmation vigoureuse et pleine d’espoir du degré d’accord présent dans la Déclaration, de même qu’une reconnaissance de la différence entre la théorie et la pratique (signalée par l’insistance « et mise en pratique »). Cette différence importe à l’interprétation de la quatrième partie.

La récapitulation des nouveaux points d’accord en Don 52 n’est pas seulement très impressionnante mais elle peut même être trop modeste. Elle inclut la plupart des points que nous avons discutés mais ne mentionne pas les paragraphes 32-33 qui situent précisément l'autorité dans le contexte d’une ecclésiologie de communion et de mission. On a relevé plus haut l’utilité particulière de ces paragraphes, au vu des accents nouveaux à la fois dans l’ecclésiologie et dans l’enseignement catholique officiel.

La description des développements au sein de chaque communauté (Don, 53-55) semble tout-à-fait exacte. L’Eglise catholique romaine a indubitablement donné ces dernières années une attention et une importance nouvelles à l’exercice de l’autorité localement, synodalement et avec l’inclusion du laïcat. Les anglicans sont plus attentifs depuis peu à l’exercice de l’autorité au plan universel, et ils ont l’intention de continuer. Ils semblent par là avancer dans des directions qui les rapprocheront entre eux sur les questions de l’autorité et de son exercice.

Les « Questions posées aux anglicans et aux catholiques romains » de Don 56-57 ne doivent pas être considérées comme contredisant la déclaration de l’accord enregistré en Don, 51, mais plutôt comme une expression de la différence entre la théorie et la pratique. L’indication de tels défis, après avoir parlé d’accord, est en harmonie avec ce que le Pape Jean-Paul II a appelé le « dialogue de conversion » (Ut unum sint, 82), dont il a été question plus haut.

Ces « Questions » (Don, 56-57), avec les paragraphes sur la « Collégialité rénovée » (Don, 58-59), répondent à une demande croissante exprimée dans les publications concernant la réception des documents œcuméniques. On demande de plus en plus aux commissions de dialogue non seulement de produire des textes mais également de suggérer des pas concrets par lesquels le progrès de la communion puisse se traduire de façon visible. La coopération entre évêques anglicans et catholiques aux plans des rencontres, de la prière, du témoignage et même de l’enseignement en commun semble pleinement en harmonie avec l’expérience rapportée par le Pape Jean-Paul II au chapitre II de Ut unum sint, sur « Les fruits du dialogue », de sa collaboration de diverses manières avec d’autres dirigeants chrétiens. La suggestion d’envisager la participation d’évêques anglicans aux visites ad limina semble un geste noble, une manière concrète d’exprimer la reconnaisance anglicane d’une primauté universelle rapportée aux paragraphes 45-48 de la déclaration sur Le don de l’autorité. En même temps, on imagine qu’un tel pas demanderait une certaine prudence pastorale. Ici comme dans le cas d’un enseignement en commun, on devrait examiner soigneusement comment de telles démarches seraient comprises par les fidèles et, autant que possible, il faudrait se protéger de l’exploitation par un média peu porté à se retenir de donner aux faits une portée sensationnelle facilement trompeuse.

La déclaration sur Le don de l’autorité s’achève sur plusieurs paragraphes qui caractérisent aussi le ministère de la primauté universelle comme un « don ». Les catholiques ne peuvent que se réjouir de cette aimable disposition chez leurs frères et sœurs anglicans. Plusieurs expressions dans cette section amèneront probablement des critiques à s’en prendre au texte, avec l’objection qu’il n’affirme seulement qu’une certaine sorte de primauté, celle qui « maintient la diversité légitime » (Don, 60) et qui « protège la recherche théologique » (Don, 61), une primauté qui peut être recouvrée et re-reçue par les anglicans seulement « sous certaines conditions claires » (Don, 62). A mon sens, ce serait une erreur que d’interpréter de telles expressions comme suggérant une sorte de crypto-gallicanisme. La doctrine et la théologie catholiques peuvent prendre ces expressions en un sens compatible avec une compréhension correcte de la primauté papale. Il est juste de dire que dans l’univers œcuménique aucune autre communauté n’a été aussi loin avec les catholiques sur la question d’un accord commun au sujet de la primauté de l’Evêque de Rome. On se rappelle les paroles poignantes du Pape Paul VI, selon lequel il n’est pas de plus grand « obstacle » à l’œcuménisme que la papauté.(28) Ici, peut-être pour la première fois dans le dialogue œcuménique, les anglicans parlent en commun avec leurs partenaires de dialogue catholiques de la primauté comme un « don ».

 

Interrogations critiques et résultat

Tout au long de ce commentaire j’ai essayé d’indiquer comment ARCIC II a tenté d’aborder les sujets signalés par les deux réponses officielles au travail d’ARCIC I sur l’autorité. La déclaration sur Le don de l’autorité semble avoir réussi le mieux possible à réaliser cette tâche. Mais en même temps, c’était inévitable, en se centrant sur ces sujets elle a pu manquer l’occasion de développer plus pleinement des thèmes moins profilés par les réponses officielles. A cet égard, j’aimerais indiquer simplement deux domaines dans lesquels je crois qu’une plus grande précision rendrait encore plus adéquate la compréhension de l’autorité présente dans ce texte, approfondissant aussi par là l’accord entre anglicans et catholiques.

Une question concerne ce qu’on désigne comme le sensus fidelium. Le texte ne pourrait-il pas être plus clair quand au sens précis de cette expression ? Le sensus fidelium est-il distinct du sensus fidei, que l’on décrit comme « une capacité active de discernement spirituel, une intuition formée par la participation au culte et par la vie en communion comme membre fidèle de l'Eglise » (Don, 29) ? Le paragraphe 29 déclare : « Quand cette capacité est exercée de concert avec le corps des fidèles on peut parler d’exercice du sensus fidelium ». Que veut dire exercer le sensus fidei « de concert » ? Plus loin, le sensus fidelium est décrit presque comme une force ou un principe actif : « Au sein du sensus fidelium, il y a une relation de complémentarité entre l’évêque et le reste de la communauté » (Don, 36; voir aussi Don, 1, 43 et 56). Finalement, une autre signification semble apparaître, comme si la formule ne renvoyait pas à une capacité subjective, exercée isolément ou de concert, mais plutôt à un contenu doctrinal concernant les matières de foi et de morale et effectivement cru par les fidèles : « Lorsque les évêques tiennent conseil ensemble, ils cherchent à la fois à discerner et à articuler le sensus fidelium » (Don, 38). Il me semble que le texte serait amélioré s’il restreignait la signification de sensus fidelium à ce dernier sens. Vatican II pourrait peut-être y aider. Lumen gentium 12, à quoi se réfère Don, 43, n’utilise pas l’expression sensus fidelium, mais se contente de parler du « sensus fidei de tout le peuple ».

Par cette appréciation de la foi (sensus fidei) suscitée et soutenue par l’Esprit de vérité, le Peuple de Dieu, guidé par l’autorité sacrée chargée de l’enseignement (magisterium) et lui obéissant, reçoit non la simple parole des hommes, mais vraiment la Parole de Dieu (cf. 1 Th 2, 13), la foi conférée une fois pour toutes aux saints (cf. Jude 3). Le Peuple adhère infailliblement à cette foi, la pénètre plus profondément avec un jugement droit et l’applique plus pleinement dans la vie quotidienne.

Dans ce texte, le sensus fidei est clairement une capacité subjective qui accompagne la foi ; il est un don du Saint-Esprit. Si tout le peuple, guidé par ce don du sensus fidei, s’accorde par un consentement universel sur une question de foi ou de mœurs, il n’errera pas sur ce point de foi (d’après Lumen gentium 12). L’expression sensus fidelium ne pourrait-elle pas renvoyer précisément au degré d’accord sur une question particulière de foi ou de morale ? Ce n’est qu’en cas d’unanimité que l’on serait assuré que tout le corps des fidèles est exempt d’erreur. Sans cette unanimité, les opinions communes à tout le peuple ne sont pas pour autant dénuées de signification. Elle contribuent encore à l’interprétation de la Parole révélée de Dieu. Mais cette affirmation même dévoile le vrai rôle du sensus fidelium. Il n’est pas que l'Église a besoin de discerner le sensus fidelium comme un but en soi. Le but ultime du discernement est plutôt de recevoir la Parole de Dieu, d’y adhérer et de l’appliquer à la vie. Le sensus fidei est un don fait à chaque croyant pour l’assister à faire cela. Le sensus fidelium est comparable à une « lecture » faite pour savoir ce que les fidèles croient effectivement. De telles clarifications permettraient à ARCIC II d’indiquer plus clairement comment le sensus fidelium contribue à l’enseignement normatif, il permettrait aussi de reconnaître plus franchement les difficultés de la tâche de discerner ce que les fidèles croient et le degré de leur unanimité. Spécialement dans un âge où l’ « opinion publique » est si souvent consultée et paraît être si malléable, une réflexion plus rigoureuse sur ce très important aspect de la vie ecclésiale serait utile.

Une seconde suggestion n’est pas sans lien avec la première. C’est ceci. Ne serait-il pas possible de définir plus clairement l’autorité propre d’enseignement de l’épiscopat comme partage, par le Christ, de sa propre autorité d’enseignement ? Il y a quelque chose de cela dans la Déclaration, sans aucun doute. On peut être particulièrement reconnaissant des références christologiques dans les paragraphes 36 et 43 ainsi que pour la pneumatologie présente dans tout le tissu du texte (Don, 4, 18, 28, 30, 35, 36, 41, 42, 43, 47, 49). Ces références aux missions du Fils et du Saint-Esprit justifient une évaluation optimiste de l’autorité ministérielle dans l'Eglise. En même temps, on se demande si cet optimisme n’admettrait pas un traitement plus étoffé de l’ordination épiscopale comme rite sacramentel épiclétique, dans lequel l’évêque nouvellement ordonné reçoit la grâce d’avoir part d’une manière pastorale unique à l’autorité du Christ le bon Pasteur.

En outre, l’accent mis utilement sur le laïcat, spécialement en recourant au thème du sensus fidelium, peut, ce nonobstant, donner l’impression que ceux chargés du « ministère de la mémoire » ont accès à la Parole de Dieu principalement par les convictions communément tenues dans le peuple. Le fait est, bien sûr, que les évêques apprennent de laïcs la Parole de Dieu. Qui pourrait oublier ces paroles adressées au nom de Paul à Timothée, paroles empreintes d’un certain charme familial mais qui suggèrent aussi l’enracinement personnel profond des ministres ordonnés dans toute la communauté des croyants ?

J’évoque le souvenir de la foi sincère qui est en toi, foi qui habita d’abord en Loïs, ta grand-mère et en Eunice, ta mère, et qui, j’en suis convaincu, réside aussi en toi. C’est pourquoi je te rappelle d’avoir à raviver le don de Dieu qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains (2 Tm 1, 5-6).

Ceci étant, le texte ne serait-il pas encore plus satisfaisant s’il pouvait inclure une réflexion plus développée sur la relation entre le ministère ordonné et la proclamation de la Parole de Dieu ? Elle utiliserait avec profit les passages bibliques dans lesquels Jésus partage sa mission de proclamation avec les douze (tel que Mt 10, 1-42). Elle pourrait aussi rappeler la responsaibilité spéciale de l’épiscopat de conserver et de garder la foi, une idée qui a pour elle non seulement le Nouveau Testament mais aussi un abondant matériau dans les écrits et la pratique des Pères de l'Eglise.

Les anglicans et les catholiques romains, qui sont convaincus les uns et les autres que l’épiscopat fait partie de la volonté de Dieu pour l'Eglise et qui n’ont jamais été formellement en conflit à ce sujet, peuvent naturellement éprouver à un degré moindre la nécessité de donner un solide fondement à l’épiscopat dans leurs textes d’accord. Il est vrai qu’une critique à L’autorité I était justement qu’elle se centrait trop sur la hiérarchie et disait trop peu au sujet du laïcat.(29) Du fait que la déclaration sur Le don de l’autorité tente d’exécuter le mandat spécifié dans les réponses officielles à ARCIC I, il est naturel que le laïcat soit mis spécialement en relief dans le texte. Peut-être que plus d’attention au fondement sacramentel et à la signification de l’ordination épiscopale améliorerait encore ce qui est déjà un accord remarquable.

Au seuil d’un nouveau millénaire, il semble remarquablement providentiel, un signe de l’influence du Saint-Esprit, que dans l’intervalle de quelques mois d’importants textes d’accord ont paru, qui ont recueilli un consensus significatif sur deux des questions doctrinales les plus décisives qui divisent les communautés chrétiennes. En plus de la Déclaration sur Le don de l’autorité, étudiée dans le présent commentaire, une Déclaration commune, luthéro-catholique, sur la doctrine de la justification a été publiée en juin 1998.(30) Ces documents ne résultent pas de processus identiques et n’ont pas la même doctrine pour objet, mais les deux thèmes et les deux accords ne sont pas sans rapports les uns avec les autres. Dans les deux cas, il s’agit de la guérison et de l’élévation de la nature par la grâce rédemptrice du Christ. La Déclaration sur la justification porte sur la manière dont cela se produit dans la vie de l’individu racheté. Le don de l’autorité contemple en revanche l’œuvre de la grâce dans toute la communauté qui est l'Eglise, locale et universelle. On pourrait prédire avec confiance que l’impact de ces accords débordera le cadre des relations entre l'Église catholique romaine et les seules communautés luthériennes et anglicanes. Le texte sur la justification pourrait bien faciliter le dialogue catholique avec beaucoup d’autres communautés de la Réforme. Le texte sur l’autorité peut faire de même, mais pourrait aussi contribuer à la prise en considération commune de la primauté qui reste spécialement préoccupante pour la guérison des divisions entre les Eglises orthodoxe et catholique.

Le Pape Jean-Paul II a relevé que ce qui nous unit est bien plus grand que ce qui nous divise. Il a espéré que le nouveau millénaire nous trouverait plus proches qu’auparavant, sinon complètement un. Ce dernier accord offert par la Commission internationale anglicane-catholique romaine aide certainement à ce que ce rêve devienne réalité. L’espoir de la Commission, « que l’ “ Amen ” qu’anglicans et catholiques disent en commun à l’unique Seigneur » sera plus proche « d’être un “ Amen ” dit ensemble par l’unique peuple saint au salut de Dieu et à son amour réconciliateur, dans un monde brisé » n’est pas irréaliste. Son travail contribuera à susciter ce témoignage commun et cet « Amen » commun si indiqué et si nécessaires à l’aube du nouveau millénaire.

 

(1) Le don de l’autorité, paragraphe 5. Les références à ce document apparaîtront ici entre parenthèses dans le texte, sous cette forme : Don, suivi du numéro du paragraphe.

(2) La première déclaration de l’ARCIC sur l’autorité (L'autorité dans l'Eglise I, 1976) notait : « C’est précisément dans le problème de la primauté papale que nos divisions historiques ont trouvé leur malheureuse origine » : dans La Documentation catholique 74, 1977, 118.

(3) Apostolos suos, texte français dans La Documentation catholique 95, 1998, 751-759, voir 754.

(4) Communionis notio, 9. Texte français dans La Documentation catholique 89, 1992, 729-734, voir 731.

(5) Voir «Réponse du Saint-Siège au document final de l’ARCIC I (1982)» dans La Documentation catholique 89, 1992, 113.

(6) Une idée semblable est exprimée dans Communionis notio, qui souligne que la célébration elle-même de l'Eucharistie démontre que l'Eglise locale n’est pas auto-suffisante mais, par nature, intrinsèquement reliée au tout.

(7) Voir The Truth Shall Make You FreeThe Lambeth Conference 1988, Londres 1988, 211.

(8) Un des textes les plus explicites sur la nature du Royaume comme communion est Redemptoris missio, 15, de Jean-Paul II.

(9) En fait, Lumen gentium ne fait que développer le thème annoncé dès la première phrase de Pastor aeternus de Vatican I. Ce texte fait de Jésus le pastor aeternus (le berger éternel) et l’episcopos de nos âmes (I P 2,25), qui édifie son Eglise de manière que « dans la maison de Dieu tous les fidèles puissent être unis ensemble par les liens de l’unique foi et de la charité vivante » (Denzinger-Hünermann, Enchiridion symbolorum, 3050).

(10) Voir «Réponse du Saint-Siège », 113, qui cite L’autorité dans l’Eglise II, n. 31.

(11) Ibid., 113.

(12) Cf. Jean-Paul II, Fides et ratio, 34 et la totalité du chapitre IV, intitulé « La relation entre la foi et la raison », paragraphes 36-48. Dans ce chapitre, Jean-Paul II essaie de montrer comment de grands théologiens du passé ont appliqué la raison à la foi et il déplore la tendence, spécialement chez des philosophes des siècles récents, à séparer les deux.

(13) The Truth Shall Make You Free, 211.

(14) Citations de la « Réponse du Saint-Siège», 113.

(15) Ibid., 113.

(16) Ces points et les citations (ma traduction) sont prises dans « Il primato del successore di Pietro nel mistero della Chiesa. Considerazioni della Congregazione per la Dottrina della Fede », dans Il Primato del Successore di Pietro. Atti del Simposio Teologico. Roma, dicembre 1996, Cité du Vatican 1998, 493-503 (voir 493 et 495).

(17) Ibid., 497.

(18) Ceci suit le plan présent à Vatican I, selon lequel la capacité de l’Evêque de Rome de définir la doctrine découle comme une conséquence de son ministère de primauté. Cf Denzinger-Hünermann, 3065.

(19) J’utilise la traduction fournie par James T. O’Connor. Son ouvrage, The Gift of Infallibility. The Official Relatio on Infallibility of Bishop Vincent Gasser at Vatican Council I, Boston 1986, présente une introduction et traduction de l’intervention de Gasser, ainsi qu’une synthèse théologique sur l’infaillibilité. Le discours de l’évêque dura quatre heures et occupe quelque 26 colonnes de Mansi, Collectio Conciliorum Reentiorum, Vol. 52, Arnhem 1927, 1204-1230.

(20) O’Connor, 41; Mansi, col. 1212.

(21) O’Connor, 42; Mansi, col. 1213.

(22) O’Connor, 41; Mansi, col. 1212.

(23) O’Connor, 42; Mansi, col. 1213.

(24) O’Connor, 43-44; Mansi, col. 1213-1214.

(25) «Réponse du Saint-Siège », 112.

(26) O’Connor, 48; Mansi, col. 1215.

(27) Voir La Documentation catholique 79, 1982, 500.

(28) « Le Pape, Nous le savons bien, est sans doute l’obstacle le plus grave sur la route de l’œcuménisme. Que dirons-Nous ? Devrons-Nous en appeler, une fois de plus, aux titres qui justifient Notre mission ? Devrons-Nous, une fois encore, tenter de la présenter dans ses termes exacts, telle réellement qu’elle veut être : principe indispensable de vérité, de charité, d’unité ? Mission pastorale de direction, de service et de fraternité, qui ne conteste la liberté et l’honneur à aucune personne ayant une position légitime dans l’Eglise de Dieu, mais bien plutôt protège les droits de tous et ne réclame d’autre obéissance que celle qui est requise des enfants d’une même famille ? » D’après l’allocution du Pape Paul VI au Secrétariat pour l’unité des chrétiens, le 28 avril 1967 ; dans Acta Apostolicae Sedis, 59, 1967, 498.

(29) Voir Elucidation 4, dans La Documentation catholique 79, 1982, 500.

(30) Texte français dans La Documentation catholique 94, 1997, 875-885 ; Réponse catholique officielle et déclaration à la presse du Cardinal Cassidy dans La Documentation catholique 95, 1998, 713-718.