RAPPORT DE LA DEUXIÈME PHASE DE DIALOGUE INTERNATIONAL
ENTRE LES DISCIPLES DU CHRIST ET L'ÉGLISE CATHOLIQUE

1983-1992

 

 

L'ÉGLISE COMME COMMUNION DANS LE CHRIST 

 

Sommaire

Introduction

I. La nature spécifique de ce dialogue dans l'ensemble du mouvement œcuménique 
Différences dans la foi et la vie chrétiennes 
Une convergence de vision?

II. Nouvelle création et communion 
Eucharistie et continuité avec la communauté apostolique 
Enseignement et continuité avec la communauté apostolique 
Les dons de l'Esprit à l'Église 
L'Église 
Le travail futur

   

 

INTRODUCTION

1. Au terme de la première phase (1977-1981) du dialogue entre les Disciples du Christ et l'Église catholique romaine, et après la publication du rapport commun, Apostolicité et catholicité (1982), il avait été convenu que l'état actuel de l'œcuménisme exigeait une étude approfondie de la nature de l'Église. Nous étions en effet convaincus que l'identité chrétienne en soi et la mission chrétienne dans le monde sont inséparables d'une compréhension claire et profonde de l'Eglise.

2. Le choix qui a été fait de concentrer notre attention sur l'Église coïncide avec celui de nombreux autres dialogues œcuméniques actuellement en cours dans le monde: c'est le cas des Commissions internationales anglicane-catholique romaine, orthodoxe-catholique romaine, anglicane-réformés et Disciples-réformés ainsi que de la Commission luthérienne-catholique romaine aux États-Unis. Cette question fait l'objet de la même attention de la part de la Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises et du Groupe mixte de travail du Conseil œcuménique des Eglises et de l'Église catholique romaine. C'est un signe de notre temps qui montre que le mouvement œcuménique traverse une période d'approfondissement des liens qui existent entre l'œcuménisme et la nature de l'Église.

3. Pour cette seconde phase, notre groupe de dialogue s'est réuni dix fois: en 1983 à Venise (Italie), en 1984 à Nashville (Tennessee, USA), en 1985 à Mandeville (Jamaïque), en 1986 à Cambridge (Angleterre), en 1987 à Duxbury (Massachusetts USA), en 1988 à Gethsemani (Kentucky, USA), en 1989 à Venise (Italie), en 1990 à Toronto (Canada), en 1991 à Rome (Italie), et en 1992 à St. Louis (Missouri USA). À chaque réunion, nous avons prié ensemble, nous avons rencontré des membres des assemblées ecclésiales locales et nous avons examiné et discuté les ressemblances et les différences qui caractérisent nos deux communautés. Au cours de nos séances de travail, nous avons porté notre attention sur la façon dont l'Église comme communion est liée à la nouvelle création voulue par Dieu. Nous avons examiné la question de la visibilité de la communion ecclésiale (koinonia) telle qu'elle est révélée dans la célébration de l'Eucharistie et maintenue par la continuité de la tradition apostolique. Et nous avons approfondi le rôle du ministère et de l'Église tout entière pour conserver la foi des apôtres.

 

 

I. LA NATURE SPÉCIFIQUE DE CE DIALOGUE DANS L'ENSEMBLE DU MOUVEMENT ŒCUMÉNIQUE

4. Le dialogue entre les Disciples du Christ et l'Église catholique romaine a un caractère spécifique. Dans des catégories empruntées à la sociologie, on pourrait dire qu'il découle non seulement de la rencontre entre un ethos[1] catholique et un ethos protestant, mais plus particulièrement des manières par lesquelles les uns et les autres ont conscience d'exprimer un tel ethos, protestant pour les Disciples et catholique pour les catholiques romains.

5. En général, dans un ethos catholique romain, l'accent est mis tout particulièrement sur les sacrements et la liturgie. Le caractère communautaire de la foi tant dans la définition de la doctrine que dans son affirmation constante dans la vie de l'Église est mis en évidence. La surveillance épiscopale, enracinée dans la continuité et la succession apostolique, est jugée nécessaire à la sauvegarde de l'Evangile et de la vie de l'Église.

6. En général, dans un ethos protestant, l'accent est mis plus particulièrement sur la proclamation de la Parole, sur la nécessité de juger chaque conscience individuelle selon ses liens avec l'Évangile, et sur la responsabilité de chaque individu de transmettre la Parole de Dieu. La surveillance épiscopale peut être considérée comme étant souhaitable mais non pas essentielle pour le bien de l'Église. On a parfois contesté qu'une forme particulière de surveillance ait son origine dans la volonté du Christ pour l'Église. Les structures ecclésiales se jugent à la mesure dans laquelle elles sont fidèles à l'Évangile et facilitent une proclamation authentique et une vie chrétienne.

7. Ces différences d'ordre général entre un ethos catholique romain et un ethos protestant expliquent les importantes différences qui existent entre Disciples et catholiques romains. Non seulement leurs traditions théologiques et leurs structures ecclésiales sont différentes, mais leurs manière d'appliquer le mystère chrétien à la vie quotidienne ne sont pas les mêmes. Néanmoins, sur un certain nombre de questions essentielles, ce qu'ils ont en commun a une importance plus décisive que leur appartenance à un ethos protestant ou catholique romain. Le vocabulaire courant des divisions entre protestants et catholiques romains ne s'applique pas exactement aux priorités spécifiques des Disciples et des catholiques romains.

8. Le mouvement des Disciples est issu du protestantisme du dix-neuvième siècle, mais il n'a rien à voir avec une rupture délibérée avec l'Église catholique romaine et il lui manque la mémoire des controverses des XVIe et XVIIsiècles. En outre, il s'est attaché particulièrement à la critique de la façon dont le protestantisme contemporain comprend et vit la fidélité au témoignage apostolique. Son intention a été de guider l'Église vers une unité enracinée dans la célébration de la Cène du Seigneur. Alexander Campbell était convaincu que «l'union des chrétiens est essentielle à la conversion du monde », intuition qui n'a rien perdu de sa force au vingtième siècle.[2] L'Église catholique romaine proclame, elle aussi, qu'elle est chargée d'une mission spécifique en vue de l'unité du monde et affirme que cette unité est manifestée et donnée dans la communion eucharistique. Elle aussi enseigne que le salut du monde est lié au rétablissement de l'unité de tous les chrétiens. En fait, Disciples et catholiques romains poursuivent ces buts avec des moyens fortement marqués par leurs histoires respectives. Mais ils devront essayer de discerner si toutes ces affirmations et ces convictions ne sont pas, en fait, l'expression d'une profonde communion dans quelques-uns des dons les plus essentiels de la grâce de Dieu.

9. C'est pourquoi, après avoir exprimé dans Apostolicité et catholicité, un certain accord, Disciples et catholiques romains ont poursuivi leur dialogue afin de découvrir le degré de communion qui existe déjà entre eux. Leur but est de parvenir ensemble, en progressant dans cette communion et en la renforçant, et avec tous les chrétiens, à être (comme il est dit dans la première épître de Pierre) : «le peuple que Dieu s'est acquis, pour que vous proclamiez les hauts faits de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière» (1 Pt 2,9).

10. Pour être honnête et éviter qu'il ne conduise à un « œcuménisme bon marché», ce dialogue exigeait d'approfondir deux pistes importantes et complémentaires. Il a fallu d'abord préciser clairement les problèmes sur lesquels Disciples et catholiques romains diffèrent en raison de leur histoire et de leur ethos. Mais ensuite il a fallu discerner en quoi ces différences sont réellement causes de division. Ne sont-elles pas plutôt deux manières différentes de manifester ou de vivre la même conviction fondamentale ? S'il en était ainsi, il faudrait poser une autre question: comment pourrait-on manifester visiblement cette communion qui existe déjà? Plus précisément: quels sont les changements nécessaires pour que ce degré de communion contribue au plein rétablissement de l'unité chrétienne?

 

Différences dans la foi et la vie chrétienne 

11. À première vue, les différences historiques entre l'Église catholique romaine et les Disciples du Christ semblent rendre leur division irrémédiable. Les catholiques romains estiment qu'ils se situent dans le contexte de l'histoire ininterrompue de l'Église, et les Disciples estiment qu'ils se situent dans le contexte de leur origine en tant que mouvement réformé (issu de l'Église presbytérienne) déterminé à rechercher les moyens de surmonter le dénominationalisme. Tandis que les catholiques romains considèrent l'Église en continuité, tout au long de son histoire, avec l'enseignement des apôtres, les Disciples pensent que certaines discontinuités dans la vie de l'Église ont été nécessaires dans l'intérêt de l'Évangile. Les catholiques romains voient dans les professions de foi et les définitions doctrinales un signe de l'assistance du Saint-Esprit pour maintenir l'Église dans l'unité et la guider vers la vérité parfaite. Les Disciples ont voulu rester fidèles à l'Église apostolique du Nouveau Testament avec sa vision de l'unité dans le Christ, mais ils se montrent méfiants à l'égard de nombreux credo, confessions et enseignements doctrinaux au sein de la tradition chrétienne, estimant que la façon dont ils sont utilisés représente une menace pour l'unité. Cela les a conduits à se méfier également de la structure de l'autorité épiscopale que l'Église catholique romaine considère comme un moyen nécessaire pour assurer la continuité avec les apôtres et avec leur enseignement. Les catholiques romains sont convaincus que le collège des évêques en communion avec le Siège de Rome, enseignant conjointement avec d'autres ministres ordonnés et avec l'Eglise tout entière, est un moyen nécessaire pour maintenir l'Église dans la continuité des apôtres.

12. La célébration de l'Eucharistie (appelée également Cène du Seigneur ou messe) occupe une place centrale aussi bien chez les catholiques romains que chez les Disciples, mais elle est comprise de manière différente.

13. Pour les Disciples, la centralité de la Cène du Seigneur est mise en évidence par sa célébration dominicale. En obéissant au commandement du Seigneur, «Faites ceci en mémoire de moi », les Disciples estiment qu'ils sont en communion avec les fidèles de tous les lieux et de tous les temps. C'est pourquoi ils appellent tous les baptisés à la table de communion et ont éliminé, en particulier, tout credo formel qui puisse empêcher les chrétiens de recevoir ensemble la communion. Ils n'ont toutefois pas reconnu, en général, la validité du baptême des enfants, et ce jusqu'à notre époque. Se considérant comme une église de croyants sur le modèle de l'Église du Nouveau Testament, les Disciples ont administré le baptême sur la base de la confession de foi dans le Christ, et ont vu dans la foi plutôt une attitude confiante et une vie de témoignage qu'une adhésion à des formules doctrinales. Ils ont mis l'accent sur le rôle de toute l'assemblée eucharistique dans le témoignage de la foi apostolique et se sont sentis libres de désigner, selon leur ordre ecclésial, des membres de la communauté autres que les ministres et les anciens ordonnés pour présider l'Eucharistie, spécialement en cas d'absence du pasteur ou de l'ancien habituels. Par la pratique du baptême des croyants et le rétablissement de la célébration hebdomadaire de l'Eucharistie, les Disciples affirment qu'ils sont dans la continuité de la foi apostolique.

14. Les catholiques romains, lorsqu'ils célèbrent l'Eucharistie, affirment eux aussi qu'ils sont dans la continuité avec la foi des apôtres. En fait, ils considèrent la célébration de l'Eucharistie comme un moyen d'être en communion avec le Corps du Christ tout entier. Ils soulignent que l'Eucharistie est le signe de l'unité de l'Église et c'est pourquoi ils n'invitent à la célébration eucharistique que ceux qui sont en communion avec l'évêque et, par lui, avec toutes les églises locales en communion avec l'évêque de Rome partout dans le monde. Ils administrent le baptême aux enfants et soulignent le rôle de toute la communauté pour soutenir et nourrir la foi. En utilisant les anciens credo et les liturgies traditionnelles, les catholiques romains estiment qu'ils sont dans la continuité des générations de chrétiens qui les ont précédés depuis les apôtres. Pour les catholiques romains, la foi ne se limite pas à l'adhésion à ces formulations, mais elle n'est pas reconnaissable sans cette adhésion. Alors que les différents membres ont des dons différents dans la vie de l'Église, seul l'évêque ou un ministre ordonné en communion avec lui est autorisé à présider la célébration de l'Eucharistie.

15. Les Disciples n'ont pas manqué de critiquer certains développements dans l'histoire de l'Église, en y voyant même des erreurs qui devraient être corrigées, car ils sont conscients des limites humaines. Ils sont enclins à voir le péché dans beaucoup d'aspects de l'Église institutionnelle. Les catholiques romains voient le péché dans les membres de l'Église pris individuellement, mais parce qu'ils croient que l'Église appartient au Christ et qu'elle a reçu les dons de l'Esprit qui la gardent dans la sainteté et dans la vérité, ils sont réticents à voir le péché et l'erreur dans les actions et dans les enseignements de l'Église, préférant de beaucoup y voir la continuité avec l'enseignement apostolique.

16. Disciples et catholiques romains considèrent les enseignements de l'Église d'un œil favorable, encore que critique. La différence de leurs positions respectives à l'égard de l'Église comme institution pousse les catholiques romains à être mieux disposés, et les Disciples à être plus critiques envers elle. Aussi diffèrent-ils sur l'importance relative accordée, d'une part au discernement et à la conscience de chaque individu, et d'autre part à l'esprit communautaire. On peut dire que les catholiques romains ont la conviction que, bien qu'ils doivent décider pour eux-mêmes, ils ne peuvent pas décider par eux-mêmes. De leur côté, les Disciples ont la conviction que, bien qu'ils ne puissent pas décider par eux-mêmes, ils doivent décider pour eux-mêmes.

17. En fait, catholiques romains et Disciples paraissent si différents et vivent de façon si différente que, pour beaucoup de leurs membres, l'idée que ces différences pourraient être surmontées est presque inimaginable.

 

Une convergence de vision ?

18. Notre dialogue nous a toutefois permis de constater que malgré ces différences réelles et persistantes, nos façons respectives de comprendre l'Église sont convergentes sur certains points essentiels que Disciples et catholiques romains considèrent comme nécessaires pour l'unité visible de l'Église. Nous sommes convaincus que cette convergence est importante non seulement pour nos deux traditions mais aussi pour toutes les communautés qui dialoguent dans ce même but.

19. Nous avions déjà commencé à constater cette convergence au cours de la première phase de notre dialogue. Dans Apostolicité et catholicité, nous avons vu que nos deux traditions avaient parfois poursuivi le même objectif par des moyens différents. Nous avons acquis la conviction que «c'est l'unique Esprit de Dieu qui nous a amenés au Christ et qui continue de nous mouvoir vers la pleine unité visible. »

20. Dans la seconde phase de notre dialogue, nous avons approfondi notre conviction que nous sommes en accord sur quelques points essentiels, et le but de cette déclaration de convergence est de préciser notre vision commune de l'Église. Nous n'avons pas l'intention d'examiner le degré de communion qui existe entre Disciples et catholiques romains. Nous n'entendons pas non plus aborder séparément d'autres questions sur lesquelles nous sommes divisés. Nous désirons plutôt exposer notre commune compréhension de l'ensemble du plan de Dieu pour rassembler et racheter la famille humaine, et du rôle primordial de l'Eglise dans la manifestation et la réalisation de ce plan. En partant de l'offre de salut faite par Dieu à l'humanité tout entière, et des moyens qu'il nous donne pour remémorer et annoncer cette offre, nous avons découvert que nous avons la même compréhension de la nature fondamentale de l'Église.

 

 

II. NOUVELLE CRÉATION ET COMMUNION

21. Les chrétiens professent que le même Dieu qui a créé les hommes les a aussi sauvés. Dieu n'a pas abandonné l'humanité à son inclination au péché, mais par le plan du salut il lui a donné la possibilité d'obtenir le pardon de ses péchés et d'entreprendre une nouvelle vie. Ce plan de salut culmine en Jésus Christ. Dans l'Esprit Saint, par le Fils, le Père rassemble en une communauté tous ceux qui s'étaient éloignés. En faisant sortir les hommes de leur isolement et en les réunissant dans une communion (koinonia), Dieu fait une nouvelle création - une humanité constituée à présent en enfants de Dieu, un peuple conscient d'avoir obtenu le pardon de ses péchés et d'avoir renoncé à l'ancien et revêtu le nouveau, même dans l'attente de l'achèvement encore à venir (Rm 8, 18-25).

22. Cette action de Dieu -le pardon des péchés et la nouvelle création et notre réponse sous forme d'action de grâce et de louange - est essentielle pour vivre et comprendre la koinonia. On trouve plusieurs sens de la koinonia dans le Nouveau Testament. Saint Paul utilise ce terme pour décrire la participation à l'Eucharistie (1 Co 10, 14-20). Lorsqu'ils rompent le pain et bénissent le calice, les chrétiens sont en koinonia avec le corps et le sang du Christ. Les communautés qui ont contribué à la collecte en faveur des saints à Jérusalem étaient unies à ceux-ci dans la koinonia (ou partenariat) par le partage des biens matériels (2 Co 8, 3-4; Rm 15, 26-27; Ph 1,5). Toutefois, dans une autre acception du terme, l'accent est mis sur la communion fraternelle de ceux qui marchent dans la lumière parce qu'ils sont en communion avec le Père et le Fils, et par conséquent, les uns avec les autres ( 1 Jn 1,3, 7).

23. Parler de communion (koinonia) c'est parler de la manière dont les hommes parviennent à connaître Dieu par la révélation de son dessein pour l'humanité. Dieu, dans le Christ par le Saint-Esprit, appelle les hommes à participer à la communion fraternelle dans la vie divine, un appel auquel ils répondent par la foi. Ainsi, le terme communion s'applique d'abord à la communion avec Dieu et ensuite au partage des uns avec les autres. En fait, ce n'est qu'en vertu du don de la grâce de Dieu par Jésus Christ qu'une communion profonde et durable est possible: par le baptême, les personnes participent au mystère de la mort, de la mise au tombeau et de la résurrection du Christ et sont incorporées dans le seul et unique Corps du Christ qui est l'Église.

24. La nouvelle création est un avant-goût de ce qui adviendra dans toute sa plénitude par l'Esprit à la fin des temps. L'Esprit de Dieu, agissant dans l'histoire, est l'agent principal de cette communion qui est l'Église. Les personnes sont mises en relation vivante avec le Père à travers le Fils par la puissance de l'Esprit. Ainsi, les rapports humains se situent dans un nouveau contexte qui permet à tous de se reconnaître les uns les autres comme fils égaux de Dieu et de voir dans les liens qui les unissent un don de Dieu. Ceux qui sont parvenus à cette nouvelle compréhension d'eux-mêmes voient en chaque être humain des hommes et des femmes que Dieu veut également sauver. L'acte rédempteur de Dieu en Christ exige que toute l'humanité soit unie.

 

Eucharistie et continuité avec la communauté apostolique 

25. Pour être la communion voulue par Dieu, l'Église doit vivre avec la mémoire de ses origines, en se rappelant avec reconnaissance ce que Dieu a fait par le Christ Jésus. Sa vie s'appuie sur cette mémoire et se nourrit par elle. Dans l'accomplissement de sa mission, l'Église proclame la bonne nouvelle des actes gratuits et salvifiques de Dieu, en prêchant la Parole, en célébrant les sacrements et en donnant la nouvelle vie qui vient de Dieu.

26. Vivre avec cette mémoire signifie, tant pour les Disciples que pour les catholiques romains, être dans la continuité du témoignage de la génération apostolique. Le Nouveau Testament parle de différentes façons de ceux que, dans les tout premiers temps, l'on appelait les apôtres; et ils ont joué un rôle capital et exceptionnel en élaborant et en communiquant l'Évangile. L'Église est fondée sur leur proclamation. Ils ont formé ou nourri les premières communautés et ont choisi très tôt des collaborateurs parmi la première génération de chrétiens pour partager avec eux le travail apostolique de prédication, d'enseignement et de conduite pastorale.

27. Disciples et catholiques romains ont en commun la détermination de vivre et d'enseigner de telle manière que le Seigneur, à son retour, puisse trouver une Église qui témoigne la foi des apôtres. En conservant la mémoire de l'enseignement des apôtres, en le proclamant et en le vivant à nouveau dans les temps présents, Disciples et catholiques romains estiment qu'ils se maintiennent dans la continuité du témoignage apostolique et forment une tradition vivante intégrée « dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus-Christ lui-même comme pierre maîtresse » (Ep 2, 20).

28. La mémoire, dans l'usage biblique, est plus qu'un rappel du passé. C'est l'œuvre du Saint-Esprit qui relie le passé au présent et conserve le souvenir de ce dont tout dépend - la foi elle-même et l'Église qui incarne cette foi. Par conséquent, grâce à l'Esprit, la force de ce qu'on remémore est de nouveau actualisée et les générations qui se succèdent s'approprient l'événement commémoré. L'Esprit maintient vivant le sens de la foi dans l'ensemble de la communauté et prodigue une variété de charismes qui la rendent capable de vivre avec la mémoire de Jésus-Christ. Dans l'Eucharistie, en particulier, l'Esprit rend le Christ présent aux membres de la communauté.

29. Disciples du Christ et catholiques romains célèbrent régulièrement et fréquemment l'Eucharistie - au moins chaque dimanche. Malgré des différences dans leur compréhension de l'Eucharistie, ils partagent la conviction que la communion voulue par Dieu revêt sa spécificité dans la Cène du Seigneur. En fait, la célébration de l'Eucharistie renouvelle, actualise et approfondit la communion visible avec Dieu. Dans l'assemblée eucharistique, ils célèbrent le salut comme un don donné par Dieu en Jésus Christ, un don qui confère le pouvoir de servir. Participer à la célébration eucharistique c'est être confirmé dans l'appartenance au peuple de Dieu, être investi de pouvoirs par le Christ à travers le Saint-Esprit, et participer ainsi à l'œuvre de réconciliation dans le monde.

30. L'Eucharistie est un acte par lequel une réalité divine qui, sans cela, serait plus ou moins cachée, émerge et devient présente. Ce qui est révélé c'est le plan du salut, la bonne nouvelle que Jésus Christ réconcilie l'humanité avec le Père. L'Eucharistie symbolise et actualise, en même temps que le don du Christ lui-même, le salut qu'il nous offre. Dans l'Eucharistie, la foi est nouvellement évoquée et nourrie dans celui qui y participe; pour la communauté, elle est l'expression des éléments essentiels de la foi et de la vie chrétienne.

31. L'Eucharistie est un événement communautaire. En elle, les chrétiens sont unis au Christ et les uns aux autres. C'est l'action qui exprime le plus pleinement la communauté qui est l'Église. Par elle, les chrétiens approfondissent davantage et consolident les liens qui unissent leur communauté locale à d'autres communautés chrétiennes. En outre, ils se sentent sollicités par la communion eucharistique à s'occuper de tous ceux que Dieu a créés, surtout ceux qui souffrent. En fait, l'Eucharistie est essentielle pour l'existence et la mission de l'Église de Dieu dans le monde. Les chrétiens reconnaissent qu'un des critères de leur crédibilité aux yeux du monde en tant que symbole de la présence de Dieu consiste dans la qualité de la communion qui les unit entre eux et avec d'autres.

32. Dans le Christ, Dieu invite à l'Eucharistie et unit en un seul corps tous ceux qui rompent le même pain et partagent le même coupe. À la table du Seigneur l'unité de l'Église s'accomplit, car les croyants y sont unis au Christ et entre eux. Ainsi, c'est précisément parce que la célébration de l'Eucharistie est le point culminant de la vie de l'Église que la désunion entre chrétiens est plus vivement ressentie au moment de l'Eucharistie; leur incapacité de célébrer ensemble la Cène du Seigneur les rend moins aptes à manifester la pleine catholicité de l'Église.

 

Enseignement et continuité avec la communauté apostolique 

33. Disciples et catholiques romains sont convaincus qu'ils doivent, dans leur foi, demeurer dans la continuité des apôtres, même s'ils conçoivent cette exigence de façon différente. Cette conviction commune les stimule à examiner la manière dont ils sont restés, de chaque côté, dans la continuité avec la communauté apostolique et d'envisager aussi la possibilité de trouver un enrichissement dans les dons commémorés et pratiqués plus intégralement par les autres. En apprenant à mieux se connaître, ils se sont rendu compte qu'ils conservent, de part et d'autre, bon nombre de moyens par lesquels la tradition apostolique est maintenue.

34. Les uns et les autres acceptent les Écritures comme un témoignage normatif de la foi apostolique. Ils concordent également sur le fait que l'histoire de l'Église, après la rédaction du Nouveau Testament et la formation du canon, appartient à la continuité de l'Église dans la tradition apostolique, bien qu'ils mettent l'accent sur des points différents dans leur compréhension de l'importance de cette histoire. Ils trouvent, des deux côtés, de nombreux développements de cette histoire, qui, parce qu'ils sont l'œuvre du Saint-Esprit, ont une valeur normative pour l'Église. Ils affirment que l'Évangile fait partie intégrante de la Tradition[3] de l'Église.

35. Lorsqu'ils évaluent les premières formulations doctrinales, catholiques romains et Disciples veulent le faire en restant dans la continuité de l'histoire de l'Église, bien que de façon différente; cette différence est importante et demande un examen supplémentaire. De part et d'autre, on reconnaît que les déclarations doctrinales n'épuisent jamais la signification de la Parole de Dieu et que pour être claires elles ont besoin d'être interprétées ou complétées par d'autres formulations. Ils reconnaissent également que de nouvelles déclarations doctrinales peuvent être nécessaires pour préserver l'Évangile lorsqu'il est en danger, ou pour l'annoncer dans un nouveau contexte culturel.

36. La finitude et le péché peuvent rendre la mémoire humaine insuffisante et sélective, et ces limitations affectent l'Église en marche. Mais catholiques romains et Disciples sont d'accord pour dire que le Saint-Esprit soutient l'Église en communion avec la communauté apostolique, car le Christ a promis que l'Esprit «vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit» (Jn 14,26). L'Esprit aide l'Église à comprendre son passé, à se rappeler ce qui aurait été oublié et à discerner ce qui doit être renouvelé pour proclamer efficacement l'Évangile à chaque époque et dans chaque culture. Cela souligne l'importance de la réflexion et de l'étude dans la vie de l'Église pour que la mémoire reste vivante.

37. La continuité avec la tradition apostolique exige une nouvelle compréhension ou une nouvelle pratique de la condition de disciple choisie par l'Église afin de transmettre efficacement la même foi apostolique dans des temps et des lieux nouveaux. Étant donné que l'Église reçoit la Tradition apostolique dans des conditions et des contextes différents, l'Esprit lui permet de rester fermement ancrée à la foi apostolique et de discerner les développements authentiques de sa pensée et de sa pratique. Le Saint-Esprit garantit qu'en définitive l'Église ne manquera pas de rendre un témoignage fidèle au plan divin.

38. De cette manière, l'Église ne fait pas seulement mémoire (au sens biblique) de ce qui a été fait dans le passé, à savoir l'acte salvifique en Jésus Christ, ni uniquement de ce qui est promis pour les temps futurs (cf. paragr. 28): mais au cœur même de la mémoire de l'Église, les actes salvifiques de Dieu dans le passé sont les signes avant-coureurs d'une transformation, si bien que l'avenir se manifeste déjà dans le présent. Vu dans la perspective des Écritures, le salut émerge du passé et fait irruption dans l'avenir.

 

Les dons de l'Esprit à l'Église 

39. Le Saint-Esprit donne à l'Église non seulement cette mémoire qui lui permet de rester dans la Tradition apostolique, mais il est également présent dans l'Église lorsqu'elle aide les chrétiens et toute la communauté des baptisés à pénétrer plus profondément dans le mystère du Christ. Disciples et catholiques romains reconnaissent en cela un don constitutif de Dieu à l'Église. Par le Saint-Esprit, le croyant est attiré dans l'amour du Christ pour son Père, pour l'humanité et pour la création tout entière. La volonté du croyant est amenée, elle aussi, à s'unir à la volonté du Christ dans l'obéissance au Père. Ainsi, chaque croyant est-il attiré de façon de plus en plus profonde dans une communion avec le Christ dans son acte d'offrande de lui-même, manifesté dans l'Eucharistie. À son tour, cette communion devient le centre d'une vie de témoignage au Christ.

40. Le chrétien reçoit le don de la foi à l'intérieur de la communion (koinonia) qui est l'Église et en vue de celle-ci. C'est pourquoi, le sens de la foi (sensus fidei) dans la vie d'un chrétien est une expression de l'étendue de sa participation, par le même Esprit, à la vie du corps ecclésial en tant que tel; cela exprime l'instinct de foi du corps tout entier. Le dynamisme intérieur du don de la foi - la force du Saint-Esprit qui attire les croyants dans une unité spirituelle - soutient l'interaction de la foi de chaque individu et de la foi de la communauté.

41. L'Esprit dispense une variété de dons ou de charismes qui permettent à l'Église dans son ensemble de recevoir et de transmettre la Tradition apostolique. Les dons essentiels sont ceux qui sont propres au culte, surtout à la célébration de la Cène du Seigneur. Dans l'acte de célébrer l'Eucharistie, toute la communauté des baptisés est rassemblée par le Saint-Esprit dans une unité visible de foi, d'espérance et d'amour. Avec le charisme de celui qui préside la célébration, beaucoup d'autres charismes peuvent être mis au service de l'Église dans cette action centrale de sa vie. Car il y a des charismes de formation chrétienne, tel que le témoignage de foi donné par les parents à leurs enfants et par ceux qui enseignent dans les écoles et les communautés.

42. La mémoire de la foi apostolique est encore conservée dans la vie vécue selon l'Évangile. Les fidèles ont le sens de la sollicitude envers tous les hommes, de la responsabilité pour leur bien-être et de la participation à leurs souffrances, à leurs peines, à ce qui les opprime ainsi qu'à leurs joies, à leur bonheur et à leur libération. Les charismes qui permettent les œuvres de miséricorde - en faveur des pauvres, des indigents, des sans-abri, des malades et des personnes âgées - rappellent à toute la communauté l'impératif évangélique de l'amour.

43. En outre, des dons extraordinaires se trouvent dans la vie des personnes qui rendent un témoignage vivant à l'Évangile et qui captivent l'imagination de la communauté des baptisés d'une manière qui rappelle l'Évangile et la tradition apostolique. L'authenticité de ces dons, comme de tous les autres dons, doit être vérifiée par l'Église.

44. Dans la réciprocité et la complémentarité des différents charismes dispensés à l'Église pour son bien, le ministère ordonné reçoit le don particulier de maintenir la communauté dans la mémoire de la Tradition apostolique. Disciples et catholiques romains affirment que le ministère chrétien existe pour actualiser, transmettre et interpréter fidèlement la Tradition apostolique dont l'origine remonte à la première génération. Il a également pour tâche spéciale de servir et de promouvoir l'unité de l'Église. À l'origine, l'intention de la communauté apostolique, en instituant des ministères dans d'autres localités, était de désigner des collaborateurs plutôt que de se choisir des successeurs: ce qui avait commencé comme une expansion de la communauté dans l'espace est devenu plus tard une expansion dans le temps. Cette constatation nous est apparue comme un éclaircissement utile qui nous permet d'affirmer notre compréhension commune de l'importance de la succession.

45. Même si, historiquement, les Disciples sont issus de traditions qui, lors de la Réforme, ont rejeté l'épiscopat tel que les réformateurs le voyaient dans l'Eglise catholique romaine, ils ont toujours reconnu que la tâche ministérielle, répartie dans la communauté locale entre les ministres et les anciens ordonnés, est essentielle pour l'existence de l'Église et est un signe de la continuité de la Tradition apostolique. Les catholiques romains estiment que l'évêque - agissant dans l'Église locale en collaboration avec les prêtres, les diacres et la communauté tout entière, et en communion avec tout le collège des évêques du monde entier uni à son chef, l'évêque de Rome maintient vivante la foi apostolique dans l'Église locale afin que celle-ci puisse rester fidèle à l'Évangile.[4] Disciples et catholiques romains affirment que toute l'Église participe au sacerdoce et au ministère du Christ. Ils affirment en outre que les ministres ordonnés ont le charisme spécifique de représenter le Christ pour l'Église, et que leurs ministères sont des expressions du ministère du Christ pour toute l'Église. Ils estiment que Dieu a accordé à l'Église tous les dons nécessaires à la proclamation de l'Évangile; mais cela ne veut pas dire que chaque membre a reçu tous les charismes ou l'autorité pour le faire. C'est plutôt parce qu'il est constitué en corps par l'Évangile que tout le peuple de Dieu peut rester fermement attaché à « la foi qui a été transmise aux saints définitivement» (Jude 3). Le ministère ordonné reçoit expressément le charisme de discerner, de déclarer et de promouvoir ce qui est contenu dans la mémoire authentique de l'Église. Dans un tel processus, ce charisme au service de la mémoire est en communion avec l'instinct de foi du corps tout entier. Par cette communion, l'Esprit guide l'Eglise.

 

L'Église

46. Nous découvrons ainsi que nos diversités sont réelles mais qu'elles ne sont pas toutes nécessairement des signes de division. Catholiques romains et Disciples ont plus de choses en commun qu'on ne pourrait le penser après l'exposé de leurs différences. A présent, nous avons la certitude qu'en proclamant ensemble que l'Église est communion, nous sommes d'accord sur une question extrêmement importante qui ne peut pas être isolée de beaucoup d'autres questions fondamentales concernant la foi. Nous sommes d'accord - avec un bon nombre d'autres chrétiens également - sur d'importantes vérités:

  • une personne est sauvée en devenant membre de cette communion de croyants, représentée dans le Nouveau Testament par des images telles que le Corps du Christ, le Temple de Dieu, la vigne, la maison de Dieu;
  • cette communion n'est jamais donnée au croyant sans la participation d'autres croyants, dont certains sont les ministres de l'Église qui ont la charge spécifique d'annoncer la Parole de Dieu et de présider la célébration des sacrements. Par la Parole et par les sacrements, l'Église est la servante ou l'instrument du plan de salut de Dieu;
  • en définitive, c'est une communion avec la communauté apostolique, dont la mémoire est constamment gardée vivante et présente, surtout grâce à l'action du ministère ordonné, au témoignage des membres saints et engagés de la communauté et à la manifestation de la pensée de l'Église par tous les membres qui s'efforcent d'être fidèles à leur vocation.

47. Nous aboutissons ainsi à un accord très important sur la nature et la mission de l'Église. L'Église de Dieu est cette partie de l'humanité qui, par la foi et par la puissance du Saint-Esprit, répond au plan de salut de Dieu révélé et actualisé en Jésus Christ. Elle devient donc la communauté de tous ceux qui, dans le Christ et par le don de Dieu, sont unis en une communion avec le Père et entre eux. Ses membres sont appelés à vivre de telle façon que, malgré leurs échecs et leurs faiblesses, cette communion soit visible et constamment à la recherche d'une réalisation plus parfaite.

48. Cette visibilité se réalise spécialement dans la célébration de l'Eucharistie. Rassemblés après avoir confessé leur foi, les baptisés y reçoivent le corps et le sang du Christ, Fils de Dieu, qui a réconcilié l'humanité avec Dieu en un seul corps par la croix. Ils prennent part à la communion avec les saints et avec les membres de toute la maison de Dieu. En outre, ce qui est célébré dans l'Eucharistie doit être actualisé dans une vie de prière et de foi communes, de fidélité à l'Évangile, de partage des biens spirituels et même matériels de la communauté, et d'engagement à accomplir la volonté de Dieu afin que l'œuvre salvifique du Christ soit étendue et offerte à tous.

49. La participation à cette communion commence par le baptême et elle trouve son soutien continu dans le contexte de l'assemblée eucharistique. Le Saint-Esprit utilise l'Église comme la servante par qui la Parole de Dieu est gardée vivante et est constamment proclamée, les sacrements sont célébrés, le peuple de Dieu est servi par les ministres qui ont la responsabilité de la surveillance, et par qui la vie authentiquement évangélique est manifestée par la vie de sainteté et d'engagement des membres du Christ. C'est pourquoi Disciples et catholiques romains sont d'accord pour dire que l'Église est l'assemblée de tous les baptisés, la communauté par laquelle ils sont constamment maintenus dans la mémoire du témoignage apostolique et nourris par l'Eucharistie. L'Eucharistie n'est jamais célébrée ni reçue par un membre isolé de la communauté ecclésiale réunie autour de ses ministres. L'Église est donc à la fois le signe du salut (être sauvé c'est être en communion) et la communauté par laquelle le salut est offert.

50. Par cette communion - qui est l'Église Dieu donne également un signe efficace au monde. Ce signe contraste avec les divisions et la haine qui existent au sein de l'humanité. Bien qu'elle soit toujours marquée par les faiblesses de ses membres, l'Église de Dieu démontre que la division de l'humanité causée par la corruption du cœur humain, avec son égoïsme et son désir de possession ou de pouvoir, a été vaincue par la vie, la mort et la résurrection du Christ. Une nouvelle vie est devenue possible, la vie des enfants de Dieu dont les liens qui les unissent sont un don du Père.

51. En outre, sachant que Dieu veut que tous les êtes humains deviennent aussi membres du Christ, les chrétiens sont appelés à se donner eux-mêmes en témoignage vivant au service de l'humanité. Ce service atteint son point culminant lorsqu'ils s'engagent dans la prédication de l'Évangile, en obéissance au commandement du Christ, leur Seigneur. De cette façon, l'Église est non seulement un signe de la nouvelle humanité voulue par Dieu, mais elle est aussi un instrument que le Saint-Esprit utilise pour apporter le salut dans toutes les situations et dans tous les besoins des hommes, en tous lieux, jusqu'à la fin de l'histoire.

52. Nous pouvons donc affirmer avec joie la conviction traditionnelle que l'Église est à la fois une épiphanie de la destinée voulue par Dieu pour toute l'humanité et un moyen pour accomplir cette destinée. Ces fonctions inséparables de signe et d'instrument, d'épiphanie et de moyen sont contenues dans l'expression « l'Église est le sacrement du dessein de Dieu », employée dans les traditions catholique et orthodoxe. Cette phrase signifie que Dieu réalise le plan du salut dans et par la communion de tous ceux qui confessent Jésus Christ et qui vivent selon cette confession. En vérité, nous savons que cette œuvre salvifique ne se limite pas à ceux qui confessent le Christ explicitement, mais que les bénéfices de l'œuvre du Christ sont offerts à tous les hommes. Nous souhaitons que ces bénéfices puissent être acceptés par bon nombre de ceux qui ne reconnaissent pas pleinement le dispensateur des dons qu'ils reçoivent. Néanmoins, nous croyons fermement que l'Église, en rendant visible l'œuvre réconciliatrice de Dieu et en étant la servante de Dieu dans l'accomplissement de cette œuvre, apparaît comme une lumière au sommet de la montagne, éveillant le monde à prendre conscience de sa vraie destinée. La communion qui est l'Église permet aux hommes de rendre témoignage à ce que professe la foi chrétienne: le salut existe et il vient de Dieu par le Christ.

 

Le tavail futur 

53. En fait, nous n'avons pas encore abordé certains points parmi les plus importants qui continuent de nous diviser. Car nous croyons que ces questions ne peuvent être traitées honnêtement et en profondeur que sur la base d'un accord semblable à celui réalisé dans le document que nous publions. En outre, nous sommes convaincus qu'elles devront être examinées en relation avec le travail d'autres dialogues œcuméniques bilatéraux qui sont eux aussi aux prises avec ces questions. Elles seront proposées pour être mises à l'ordre du jour de nos futures rencontres.

Quatre de ces questions ont une importance très particulière pour l'unité visible de l'Église:

a) En premier lieu, notre dialogue nous a fait prendre conscience d'un point que nous devrons étudier plus à fond: bien que nous soyons d'accord sur la signification et la fonction de l'Eucharistie, nous pensons qu'il nous faudra encore examiner notre pratique et notre enseignement traditionnels concernant la présence du Seigneur dans la célébration de la Cène, sa nature sacrificielle, le rôle du ministre ordonné et celui de la communauté. Cela est important, compte tenu de l'accent mis aussi bien par les Disciples que par les catholiques romains sur la célébration hebdomadaire de la Cène du Seigneur et de son lien avec l'unité visible des chrétiens.

b) Une deuxième question concerne la façon dont nous comprenons la structure fondamentale de l'Église rassemblée autour de l'Eucharistie et la compréhension de la tradition catholique romaine de l'épiscopat - conféré par un sacrement comme institution nécessaire pour la célébration d'une Eucharistie authentique.

c) La troisième question est celle de la nature de la règle de foi dans une histoire qui change. Dans quel sens «la foi transmise définitivement aux saints)} est-elle exprimée dans l'enseignement de l'Église à travers les siècles?

d) Enfin, une question qui devra être examinée par toutes les Églises et Communautés qui dialoguent avec l'Église catholique romaine est celle de la primauté de l'évêque de Rome et l'affirmation que cette primauté est fondée sur la volonté du Christ pour l'Église.

54. Il s'agit là de questions délicates. Nous croyons néanmoins - après ces dix années de dialogue sur l'Église - qu'il sera possible d'éclaircir bien des interprétations erronées (de part et d'autre) et éventuellement de trouver la voie pour progresser vers le genre de metanoia (repentance) mutuelle et de convergence qui permettront d'être en communion profonde sur quelques-uns des dons les plus importants de la grâce de Dieu, et de rendre possible des pas significatifs et irréversibles sur notre chemin vers la pleine unité voulue par Dieu.

 

7 décembre 1992

 

LISTE DES PARTICIPANTS

Disciples du Christ

Dr PAUL A. CROW JR, Indianapolis, Indiana, U.S.A. (coprésident)
Dr M. EUGENE BORING, Fort Worth, Texas, U.S.A. (1988-92)
Rév. DR BEVIS BYFIELD, Kingston, Jamaïque Dr EFEFE ELONDA, Mbandaka, Zaïre (1983-90)
Dr H. JACKSON FORSTMAN, Nashville, Tennessee, U.SA
Dr NADIA LAHUTSKY, Fort Worth, Texas, U.S.A.
Dr RUSSEL D. LEGGE, Waterloo, Ontario, Canada (1983-90)
Dr W. PAULSELL, Lexington, Kentucky, U.S.A. (1986)
Dr ROY STAUFFER, Memphis, Tennessee, U.SA (1987)
Dr PAUL S. STAUFFER, Indianapolis, Indiana, U.S.A. (1983-86)
Dr M. JACK SUGGS, Fort Worth, Texas, U.S.A. (1983-87)
Dr WILLIAM TABBERNEE, Enid, Oklahoma, U.S.A. (1989-92)
Dr DAVID M. THOMPSON, Cambridge, Angleterre, cosecrétaire
Dr ROBERT K. WELSH, Indianapolis, Indiana, U.S.A. (Staff 1983-87)

Catholiques

S. Exc. Mgr SAMUEL E. CARTER, SJ, Kingston, Jamaïque (coprésident)
S. Exc. Mgr KEVIN McNAMARA, Dublin, Irlande (198387)
S. Exc. Mgr BASIL MEEKlNG, Christchurch, NouvelleZélande
R.P. MICHAEL JACKSON, Londres, Angleterre (1988-92)
RP. Dr KILIAN McDoNNELL, OSB, Collegeville, Minnesota, USA
RP. Dr JOHN P. MEIER, Washington, D.C., U.S.A.
Mgr JOHN MUTISO-MBINDA, Cité du Vatican (1986-92), co-secrétaire
Dr MARGARET O'GARA, Toronto, Canada
R.P. Dr J.M.R TILLARD, OP, Ottawa, Canada

 

NOTES

[1]. Par ethos nous entendons l'atmosphère sociale, mentale, religieuse et philosophique qui entoure un groupe et influence son mode de vie.

[2]. Campbell, « Foundation of Christian Union », Christianity Restored, Beathany (Va), 1835, pp. 103-4 (plus communément cité dans la 2e édit. The Christian System, 1839, p. 115). Alexander Campbell (1788-1866), fils du Rév. Thomas Campbell, pasteur presbytérien sécessionniste d'Ahorey (Irlande) qui avait émigré aux États-Unis en 1807, était Président du Bethany College (West Virginia et a joué un rôle de premier plan dans l'affirmation des Disciples du Christ en tant que mouvement religieux distinct.

[3]. L'emploi d'un T majuscule fait suite à la définition adoptée par la Conférence de Foi et Constitution à Montréal en 1963: « Par la Tradition on entend l'Évangile lui-même, transmis de génération en génération dans et par l'Église, le Christ lui-même présent dans la vie de l'Église ».

[4]. Cf. Concile Vatican II, Lumen Gentium, 22: Norman P. Tanner (éd.), Decrees of the Ecumenical Councils, II, 866.

 

Service d'information 84 (1993/III-IV) 168-176