RAPPORT DE LA QUATRIÈME PHASE DU DIALOGUE INTERNATIONAL CATHOLIQUE-RÉFORMÉ[1]

 

JUSTIFICATION ET SACRAMENTALITÉ :
LA COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE, AGENT DE JUSTICE

 

Introduction

1. « Justification et sacramentalité : la communauté chrétienne, agent de Justice » a été le thème de la quatrième phase du dialogue international catholique-réformé, qui s’est tenue entre 2011 et 2015 sous l’égide du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (CPPUC) et de la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER). Durant ces rencontres, les représentants de l’Église catholique et des Églises réformées ont approfondi les divers aspects de ce thème : « Justification : réformés et catholiques (historiquement et de nos jours) » a ouvert les débats à Rome (Italie) en 2011. « Justification et sacramentalité », avec une attention spéciale pour les sacrements du baptême et de l’eucharistie ou repas du Seigneur, était au programme de la rencontre de Decatur, Géorgie (États-Unis), en 2012. En 2013, nos conversations se sont poursuivies à South Bend, Indiana (États-Unis), sur le thème « Justification et sanctification » dans le contexte de l’autorité d’enseignement de l’Église. Durant sa quatrième rencontre à Coatbridge (Écosse), en 2014, l’équipe du dialogue a examiné le rapport entre justification et justice, discuté l’avant-projet du premier chapitre, et fixé les grandes lignes de l’ensemble du texte. À Gent (Belgique) en 2015, après quelques courts exposés sur certains points particuliers dont il a été reconnu qu’ils nécessitaient un examen plus approfondi, l’avant-projet de l’ensemble du texte a été attentivement révisé, diverses tâches ont été assignées, et un programme a été établi pour la révision finale et la version définitive du rapport.

2. Ces phases plus récentes du dialogue sont la continuation de discussions informelles entre les membres de l’Alliance réformée mondiale (ARM) et l’Église catholique engagées lors de la Quatrième Assemblée générale du Conseil œcuménique des Églises (COE)  à Uppsala (Suède),  en 1968.   Les deux communions étaient convaincues qu’à la lumière de la nouvelle situation créée par le Concile Vatican II (1962-1965), le moment était venu d’entamer des conversations officielles au niveau international. Le thème choisi pour la première rencontre, « La présence du Christ dans l’Église et dans le monde » (1970-1977), abordait les thèmes de la christologie, de l’ecclésiologie, de l’Eucharistie et du ministère. La deuxième phase du dialogue, « Vers une compréhension commune de l’Église » (1984-1990), s’est efforcée d’élargir la réflexion sur l’ecclésiologie, en se concentrant spécialement sur le rapport entre l’Évangile et l’Église dans ses rôles ministériel et instrumental consistant dans la proclamation de l’Évangile et dans la célébration des sacrements. La première a pris une importance centrale dans les Églises réformées, déterminant leur conception de l’Église comme « créature du Verbe » (creatura verbi). La catégorie des sacrements a marqué de façon décisive la conception catholique de l’Église comme « sacrement de la grâce » (sacramentum gratiae). Un progrès significatif de cette phase de dialogue a été la reconnaissance mutuelle que ces deux conceptions de l’Église sont complémentaires : Parole et sacrements sont nécessaires pour toute conception adéquate de l’Église. Dans la troisième phase, « L’Église comme communauté de témoignage commun du Royaume de Dieu » (1998-2005), les deux communions ont cherché à éclairer davantage l’ecclésiologie et le témoignage chrétien au moyen d’une vaste enquête biblique sur le royaume de Dieu. Deux raisons au moins – d’ordre méthodologique et thématique – sont à l’origine de ce choix. Premièrement, le mouvement œcuménique avait déjà commencé à s’interroger à ce moment-là sur les buts du dialogue : en quoi les efforts pour surmonter les divisions entre chrétiens au sujet de la foi et des structures ecclésiales sont-ils liés aux efforts pour surmonter ce qui divise les sociétés, les nations, les cultures et les religions dans le monde actuel ?[2] Puisque le royaume de Dieu – le règne universel de la paix, but final de toute la création – embrasse d’une façon mystérieuse toutes les cultures, les sociétés, les nations et les religions, le thème fut considéré  comme  pouvant  apporter  une  réponse  à question. Deuxièmement, ce thème paraissait attractif à la lumière de ses racines bibliques et patristiques, de son délaissement relatif de la part des deux camps que la Réforme avait divisés, et de son utilité pour répondre à l’espérance des chrétiens d’aujourd’hui d’une plus grande mesure de paix, de justice et de joie dans l’Esprit Saint (Rm 14,17) dans un monde turbulent[3].

3. En quoi peut-on dire que le thème « Justification et sacramentalité : la communauté chrétienne, agent de justice » continue et bâtit sur ce qui a précédé ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de mentionner les développements advenus dans la première décennie de ce siècle, en particulier depuis la fin de la troisième phase de notre dialogue en 2005. Ces développements ont influencé dans une large mesure le choix de ce thème.

4. Le 31 octobre 1999, la Déclaration commune sur la doctrine de la justification (DCDJ) a été signée par la Fédération luthérienne mondiale et par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens à Augsbourg (Allemagne). Fruit de trente années de dialogue bilatéral sur une doctrine considérée comme l’une des plus importantes controverses de l’époque de la Réforme, cette déclaration de consensus a été – et est toujours – considérée aujourd’hui comme un important jalon dans le parcours œcuménique que catholiques et luthériens ont entrepris ensemble. Cet événement historique a eu également des répercussions sur d’autres Églises qui n’avaient pas participé au processus qui a abouti à la DCDJ. Ses signataires ont invité le Conseil méthodiste mondial (CMM) et l’Alliance réformée mondiale (ARM), ainsi que des observateurs de la Commission Foi et Constitution du COE, à des consultations théologiques à Columbus, Ohio (États-Unis), en 2001. Cette invitation avait deux objectifs : 1) soumettre la DCDJ à ces Églises pour une évaluation théologique, et 2) déterminer les moyens pour les faire participer à la discussion en cours dans le but final de les inviter à s’associer à la DCDJ. Les délégués du CMM approuvèrent, pour leur part, le contenu de la DCDJ, et le CMM décida de s’associer à la DCDJ durant sa Conférence mondiale de Séoul (République de Corée), en juillet 2006.

5. L’ARM adopta une démarche un peu différente en réponse à la DCDJ. À cause de leur engagement historique en faveur de la doctrine de la justification et de ses implications sur la vie individuelle et sociale, les réformés furent invités à participer à une commission d’étude quadrilatérale dans laquelle leur perspective aurait dû contribuer à une compréhension œcuménique plus large de la justification. Cette commission ne fut pas créée à l’époque. Parmi les réponses non officielles à la DCDJ, il y eut trois conférences des réformés à Colombus[4]. À la suite de la consultation de Columbus, le Comité de l’ARM pour l’Europe nomma en outre un sous-comité théologique chargé de présenter la doctrine de la justification dans la perspective réformée, en accordant une attention particulière au rapport entre justification et justice. Ces rapports furent rassemblés par la suite dans un volume paru en 2009[5]. Mais aucune initiative officielle ne fut prise par l’ARM au sujet de la DCDJ.

6. L’année suivante fut témoin d’un événement significatif dans l’histoire de la famille mondiale des Églises réformées : en 2010, l’ARM et le Conseil œcuménique réformé (COR) organisèrent un Conseil général d’unification (CGU) à Grand Rapids, Michigan (États-Unis), en vue de fusionner ces deux entités dans la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER). Ce nouvel organisme, qui rassemble les Églises réformée, presbytérienne, congrégationnelle, vaudoise ainsi que les Églises unies et en voie d’union, est l’aboutissement d’un processus entamé pour l’ARM à Accra (Ghana) en 2004, et pour l’Église épiscopalienne à Utrecht (Pays-Bas) en 2005.

7. Cet événement offrit à la CMER nouvellement constituée l’occasion de sonder les Églises membres sur un certain nombre de questions qui les touchent de près. Pour apporter des réponses concrètes à ces questions, les délégués furent répartis en divers ateliers, dont l’un avait pour thème « Unité entre les chrétiens et engagement œcuménique ». Ici, les délégués insistèrent pour que les rencontres œcuméniques futures mettent l’accent sur les implications des positions théologiques sur l’engagement pour la justice dans le monde. Devant le thème proposé pour la nouvelle phase du dialogue catholique-réformé sur la justification, les délégués observèrent qu’il existe un rapport nécessaire entre justice et justification. En Jésus Christ, le « redressement » accompli dans l’œuvre de justification de Dieu appelle et engage le justifié à œuvrer pour la justice dans le monde. Pour les Églises réformées d’aujourd’hui, « justification » et « justice » font partie intégrante l’une de l’autre. Cette dernière ne peut donc être ignorée dans aucun consensus doctrinal sur la justification. La DCDJ elle-même parle de la nécessité de clarifier certaines questions de doctrine, parmi lesquelles le rapport entre justification et morale sociale n’est pas la moindre[6]. Dans cet esprit, il y avait une certaine disponibilité de la part des délégués à approfondir ce que signifierait pour les réformés s’associer à la DCDJ. Une nouvelle déclaration sur la justification pourrait servir de fondement théologique à l’engagement pour la justice des Églises réformées. Et annexer une telle déclaration à l’occasion de leur association à la DCDJ aurait en outre une importance symbolique en vue du 500e anniversaire du début de la Réforme en 2017.

8. Depuis la signature de la DCDJ en 1999, plusieurs événements significatifs sont également advenus dans l’Église catholique, liés au thème de la présente phase du dialogue. Premièrement, le grand Jubilé de l’an 2000 a réservé une attention particulière à la dimension œcuménique, et au terme du jubilé, dans son exhortation apostolique Novo millennio ineunte (2001), le pape Jean Paul II a exprimé l’espoir d’un engagement renouvelé sur le chemin de l’œcuménisme. Deuxièmement, la première décennie du nouveau millénaire a fourni maintes occasions d’approfondir la réflexion sur la DCDJ, tant au sein de l’Église catholique qu’avec diverses autres communautés chrétiennes, comme on l’a vu plus haut. Troisièmement, cette décennie a été marquée aussi par les synodes des évêques catholiques sur l’Eucharistie (2005) et sur la Parole de Dieu (2008), qui ont donné lieu chacun à une importante littérature théologique et à un enseignement officiel sur Parole et sacrement. Quatrièmement, le pontificat du pape Benoît XVI (2005-2013) a comporté non seulement de nombreuses rencontres et initiatives œcuméniques, mais aussi trois lettres encycliques (Deus caritas est (2005), Spe salvi (2007), et Caritas in veritate (2009), qui contiennent des éléments bibliques et théologiques substantiels liés aux thèmes choisis pour la présente phase de notre dialogue. Par exemple, l’attention réservée par la dernière de ces trois encycliques à l’enseignement social catholique et aux fondements théologiques d’une société juste fait écho aux considérations de la troisième phase du dialogue et à l’une des principales préoccupations des Églises réformées ces dernières années. En outre, l’Année spéciale paulinienne (juin 2008-juin 2009) a fourni maintes occasions de réfléchir sur les écrits de saint Paul, en particulier le cycle des catéchèses du pape Benoît XVI sur la doctrine de la justification de Paul[7]. Par la suite, les interventions du pape François ont confirmé quelques-uns des thèmes mentionnés ici.

9. Les divers développements intervenus dans nos deux communions ont ainsi préparé la voie à l’ouverture d’une nouvelle phase de notre dialogue bilatéral, la quatrième. Le thème de la justification par la foi s’est présenté tout naturellement comme sujet évident et préféré à la lumière des diverses conversations inachevées entre nous portant sur la DCDJ dans la première décennie du nouveau siècle, comme on l’a vu ci-dessus. En outre, la convergence déclarée et approfondie dans nos deux précédentes phases de dialogue sur la complémentarité entre Parole et sacrement offrait la perspective passionnante de réfléchir sur les rapports entre ces deux dimensions essentielles de la vie ecclésiale et la justification par la foi et la sanctification. Le fait que tant les croyants réformés que catholiques voient un lien indissoluble entre justification et sanctification, toutes deux étroitement liées à la Parole et au sacrement, promettait d’ouvrir de nouveaux niveaux de convergence entre nous. Enfin, le vif intérêt de nos deux communions pour le rôle de l’Église comme agent de justice a conduit à l’intuition stimulante que justification et engagement des chrétiens pour la justice dans le monde devraient être intimement liés. Ces considérations ont été à l’origine du choix d’examiner les liens entre justification et sanctification d’une part, et ministère de la Parole et sacrement de l’autre, afin de clarifier le rôle des chrétiens et de l’Église tout entière en tant qu’agents de justice dans le monde.  

10. Les réflexions qui précèdent sur ces développements expliquent la décision de dédier cette quatrième phase du dialogue à l’approfondissement du thème « Justification et sacramentalité : la communauté chrétienne comme agent de justice ». C’est pourquoi le présent rapport s’articule en trois chapitres, à savoir : I. « Justification et sanctification » ; II. « Justification et sanctification à travers le ministère de l’Église de la Parole et du sacrement » ; et III. « Justification, sanctification et engagement des chrétiens pour la justice dans le monde ».

 

CHAPITRE UN

Justification et sanctification

11. L’interprétation de la doctrine de la justification par la foi a occupé une place centrale dans les controverses de l’époque de la Réforme. La centralité de cette doctrine a été réaffirmée dans la DCDJ, signée par la Fédération luthérienne mondiale et l’Église catholique, le 31 octobre 1999. Plusieurs Églises membres de l’ARM commentèrent de manières diverses, et parfois critiques, ce document. Plus tard, le CMER nouvellement se déclara d’accord avec son insistance sur l’importance de la doctrine de la justification par la foi. Une phase précédente du dialogue catholique-réformé avait enregistré un accord entre nous sur les fondements trinitaires et christologiques de la justification et de la sanctification, que nous avons considéré comme un point de départ utile pour nos propres réflexions :

Devant tous les hommes, mes sœurs et mes frères, nous annonçons la mort du Seigneur (cf. 1 Co 11,26) et nous proclamons sa résurrection d’entre les morts (cf. Rm 10,9 ; Ac 2,32 ; 3,15). Nous confessons que le mystère de sa mort et de sa résurrection est l’événement qui a sauvé l’humanité, en la libérant de la détresse où elle était emprisonnée par le péché et en l’établissant dans la communion avec Dieu… Par sa vie et sa mort, Jésus s’est révélé comme le Fils de Dieu par excellence, le seul qui connaît le Père, et que seul le Père connaît (cf. Mt 11,27), qui peut s’adresser au Père en l’appelant « Abba, Père » (Mc 14,36)… Enfin, l’œuvre de Jésus, le Fils, nous révèle le rôle de l’Esprit, commun à lui et au Père : elle nous révèle que Dieu est Trinité. Par sa vie, sa mort et sa résurrection, l’Esprit Saint devient le don commun du Père et du Fils à l’humanité[8].

12. Les paragraphes suivants de ce même rapport[9] présentent du matériel en rapport avec la justification et la sanctification. C’est de Jésus Christ, unique médiateur entre Dieu et l’humanité, que vient la grâce par laquelle nous sommes justifiés par la foi et introduits ainsi dans la communion avec Dieu dans l’Esprit Saint. Cette équipe de dialogue proclame en outre que la réception de la justification par la foi est déjà en soi un don de la grâce : « Compter pour ce salut sur autre chose que sur la foi serait [le soustraire] à la plénitude du salut accompli et offert en Jésus Christ »[10].

13. Cette foi par laquelle nous recevons notre justification, notre « pardon, notre libération, notre vie avec Dieu »[11] est une « foi vivante et vivificatrice »[12] autrement dit, c’est une foi qui « reçoit librement la grâce » et qui lui « porte témoignage activement » en agissant par l’amour (cf. Ga 5,6). La justification peut donc être vue comme se traduisant par des bonnes œuvres. « Justifiés par le don gratuit de la foi, [nous] pouvons désormais vivre selon la justice »[13], et « engagés dans l’action de grâce et le service, nous portons des fruits dignes de la grâce » que nous avons reçue. À ce propos, cette phase précédente du dialogue affirmait que « la justification par la foi apporte le don de la sanctification, qui peut grandir continuellement à mesure qu’elle crée la vie, la justice et la liberté »[14]. Ainsi, Jésus Christ n’est pas seulement l’unique médiateur ; il est aussi l’« unique chemin » par lequel nous pouvons vivre une vie agréable à Dieu.

 

A. Justification et sanctification : la perspective réformée

14. La tradition réformée a développé initialement sa conception de la justification au XVIe siècle, conformément à l’accent mis par Martin Luther sur le fait que le Christ seul est notre justice, et que nous la recevons par la foi seule, et non par nos œuvres. Jean Calvin a même appelé la justification « le principal article de la religion chrétienne »[15]. D’autre part, l’œuvre de Calvin et les documents confessionnels tels que la Confession belge (1561), le Catéchisme de Heidelberg (1563), la Seconde Confession helvétique (1566), et la Confession de Westminster (1647) témoignent d’un profond intérêt pour la sanctification, ce processus de croissance dans la sainteté qui, pour les réformés, est un aspect vital mais distinct de la vie chrétienne. Depuis le XVIe siècle et jusqu’à nos jours, cette « double grâce » de la justification et de la sanctification a caractérisé la vision réformée du salut. Justification et sanctification doivent être considérées comme distinctes, mais jamais séparées l’une de l’autre. Ce double accent se retrouve également dans les documents confessionnels plus récents, quoiqu’ils n’utilisent généralement pas ces termes spécifiques, leur préférant ceux de « délivrance » et de « service »[16].

15. Jésus Christ est le fondement et le contenu de notre justification. Le point de départ de la vision réformée de la justification est que le Christ lui-même est notre justice (cf. 1 Co 1,30). Pour la tradition réformée, la justice du Christ que nous recevons découle de son obéissance parfaite, qu’elle considère à la fois active et passive. Par son obéissance active, il a accompli parfaitement la loi par sa vie et par son amour envers Dieu et envers les hommes, spécialement envers les plus démunis. Telle est précisément la vie pour laquelle Dieu nous a créés. Mais du fait que nous échouons à vivre cette vie dans une mesure plus ou moins grande, nous sommes condamnés comme pécheurs devant le jugement juste de Dieu. C’est justement pour cette raison que l’obéissance du Christ est aussi passive. Par son obéissance passive, le Christ a consenti à porter, dans sa passion et dans sa mort sur la croix, la juste punition du péché selon la loi, afin que nous puissions être pardonnés.

16. Le Christ, livré à la mort pour nos péchés, est ressuscité à la vie pour notre justification (Rm 4,25). Dans la mort et la résurrection de Jésus Christ, nous sommes à la fois jugés et condamnés pour nos péchés, et acceptés par la grâce et introduits dans une nouvelle vie devant Dieu et avec Dieu. En vertu de ce que le Christ a accompli et a souffert pour nous et à notre place, Dieu se montre miséricordieux envers nos péchés en ne nous les imputant pas, et en nous imputant plutôt la justification du Christ (cf. 2 Co 5,19)[17]. C’est en cela que consiste le mystère de l’« échange admirable » (commercium admirabile). Sur la croix, le Christ a pris sur lui-même nos péchés et notre mort (cf. Rm 8,3, 4), et en ressuscitant d’entre les morts il nous a donné sa justification et sa vie.

17. La justice et la vie du Christ nous sont données entièrement et uniquement par la foi qui nous unit au Christ et fait de nous des membres de son corps qu’est l’Église. Elles sont données au croyant une fois pour toutes dans et par le baptême, et ensuite chaque jour à nouveau. Croire à Jésus Christ, c’est le recevoir tel qu’il s’est livré pour nous. D’après Jean Calvin, le Christ s’est livré non seulement pour nous délivrer du péché et de la mort et pour nous rétablir dans la faveur de Dieu, mais aussi pour nous régénérer par son Esprit, afin que nous puissions vivre une vie nouvelle d’amour et de justice[18]. En vertu de notre union au Christ par la foi, nous recevons un double bienfait (duplex gratia), à savoir la justification et la sanctification.

18. Tout comme la justification, la sanctification est entièrement un don de la grâce reçu par la foi. L’action sanctifiante de l’Esprit Saint se reflète dans une foi vivante parce qu’elle « appréhende le Christ qui est vivant et donne la vie, et qui montre qu’il est vivant par des œuvres vivantes »[19]. Il est impossible pour une foi authentique d’être improductive, car c’est une foi qui agit par l’amour (cf. Ga 5,6) et qui engendre le désir d’accomplir les œuvres que Dieu commande dans sa parole[20]. Donc, la nouvelle vie de la foi pousse le croyant à « se réjouir de tout cœur en Dieu par Jésus Christ et [à] mettre sa joie et son amour à vivre, selon la volonté de Dieu, dans l’accomplissement de toutes œuvres bonnes »[21].

19. Cela ne veut pas dire que notre cheminement dans l’obéissance soit autre chose qu’un tout petit début dans cette nouvelle vie de foi[22]. Même si la sanctification nous est donnée pleine et entière, nous ne parvenons jamais d’emblée à surmonter complètement tous les péchés. Il y a une bataille continuelle entre la chair qui désire ce qui est contraire à l’Esprit, et l’Esprit qui désire ce qui est contraire à la chair (cf. Ga 5,17). C’est pourquoi la nouvelle vie de foi consiste non seulement dans des œuvres d’amour et de justice, mais aussi dans un repentir qui dure toute la vie. Même si la force du péché est brisée, nous devons encore prier pour le pardon des péchés que nous commettons chaque jour, étant à la fois justifiés et pécheurs (simul iustus et peccator). Nous devons constamment mourir (mortificatio) au péché afin de pouvoir vivre (vivificatio) en Dieu par la puissance du Christ ressuscité (cf. Rm 6,11) « L’amour du Christ nous étreint, à cette pensée qu’un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5,14-15).

20. Dieu continue à pardonner les péchés de ceux qui sont justifiés et qui ne peuvent jamais déchoir de l’état de justification[23]. Puisque les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (cf. Rm 11,29), le don de la foi comprend l’assurance du salut ; sans cette assurance, la foi serait déficiente. Cependant notre assurance ne vient pas de nous, et moins encore de nos bonnes œuvres : elle est fondée sur le Christ et sur les promesses de Dieu. Notre persévérance se fonde sur la promesse de Dieu qu’il nous sera fidèle dans le Christ jusqu’à la fin. « Telle est ma conviction : Celui qui a commencé en vous une œuvre excellente en poursuivra l’achèvement jusqu’au jour de Jésus Christ » (Ph 1,6). C’est pourquoi, alors que nous mettons en œuvre notre salut avec crainte et tremblement, nous sommes confiants car c’est Dieu qui œuvre en nous selon son dessein bienveillant (cf. Ph 2,12-13).

 

B. Justification et sanctification : la perspective catholique

21. En présentant la doctrine catholique sur la justification et sur la sanctification, il faut tenir compte des enseignements du Concile de Trente (1547), du Concile Vatican II (1962-1965) et de la DCDJ (1999). Les catholiques croient que la doctrine a connu une évolution et un approfondissement au cours des siècles, tout en restant fidèle à la fois à l’Écriture et à la tradition, afin de s’adapter aux situations et aux questions nouvelles. Alors que l’enseignement du Concile de Trente est la première présentation catholique officielle et normative de la doctrine de la justification, Vatican II a donné à cet enseignement une solide base christologique, anthropologique et ecclésiologique, et la DCDJ, qui est son explication officielle dans le cadre d’un dialogue œcuménique, en est une interprétation qui fait autorité.

22. Répondant de façon critique aux réformateurs, le Concile de Trente a utilisé la catégorie paulinienne de la « justification », alors que précédemment ce même événement salvifique était désigné aussi par les termes de vie nouvelle, re-création en Christ, ou sanctification. Le contenu essentiel du décret affirme que la justification dépend entièrement de la grâce de Dieu que nous recevons par Jésus Christ, dans le sillage de l’enseignement du premier millénaire contre des erreurs de Pélage. Excluant dès l’abord l’auto-justification, le Concile de Trente proclame que le salut est offert au monde entier par la mort et la résurrection du Jésus Christ : « Mais bien que le Christ soit ‘mort pour tous’ (cf. 2 Co 5,15), tous cependant ne reçoivent pas le bienfait de sa mort, mais ceux-là même seulement auxquels le mérite de sa passion est communiqué »[24]. Le mérite du Christ accomplit « un transfert de l’état dans lequel l’homme naît du premier Adam à l’état de grâce et d’adoption des fils de Dieu, par le second Adam (cf. Rm 8,15) Jésus Christ, notre Sauveur »[25]. Chez les adultes, le début de la justification est attribué à la grâce prévenante de Dieu par Jésus Christ. En se détournant du péché, les adultes reçoivent la grâce de Dieu et collaborent avec elle, en se préparant ainsi à recevoir le sacrement du baptême qui confère le don de la justification[26].

23. Le Concile de Trente fait appel au langage de la causalité pour décrire la justification, en mettant l’accent sur la priorité de l’initiative divine[27]. Le but de la justification (sa « cause finale ») est la « gloire de Dieu et du Christ, et la vie éternelle ». Son agent (sa « cause efficiente ») est « Dieu qui, dans sa miséricorde, lave et sanctifie gratuitement (cf. 1 Co 6,11), par le sceaux et l’onction de l’Esprit Saint promis ». La cause méritoire est « le Fils unique bien-aimé de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ qui, « alors que nous étions ennemis (Rm 5,10), à cause du grand amour dont il nous a aimés (Ep 4,2) par sa très sainte Passion sur le bois de la croix, nous a mérité la justification et a satisfait pour nous à Dieu son Père ». Le baptême joue un rôle fondamental : c’est pourquoi il est appelé « sacrement de la foi », car sans la foi « il n’y a jamais eu de justification pour personne ». Enfin, la cause formelle de la justification est « la justice de Dieu, non pas celle par laquelle il est juste lui-même, mais celle par laquelle il nous fait justes ».

24. La justification demeure un don gratuit de la grâce, puisque « rien de ce qui précède la justification, que ce soit la foi ou les œuvres, ne mérite cette grâce de la justification »[28]. Au cours de notre vie, nous pouvons « croître dans la justice obtenue de la grâce du Christ »[29], en cherchant à vivre une bonne vie (cf. Tt 2,12), en obéissant aux commandements (cf. 1 Jn 5,3) et en accomplissant de bonnes œuvres (2 P 1,10). Néanmoins, il ne faut pas présumer du salut, mais demander plutôt la grâce de la persévérance[30]. Enfin, Dieu récompense ceux qui « sont riches de toutes bonnes œuvres » (cf. 1 Co 15,58 ; He 6,10 ; 10,22 ; 2 Tm 4,7), qui ne sont jamais sans rapport avec le Christ. De même que la vie du cep s’écoule dans les sarments (cf. Jn 15,5), ainsi la puissance du Christ « précède, accompagne et suit leurs bonnes œuvres et sans laquelle celles-ci ne pourraient en aucune manière être agréables à Dieu et méritoires »[31]. Un péché mortel fait perdre la grâce sanctifiante, même si la foi n’est pas perdue. Cette grâce peut être restaurée dans le pécheur repentant par le sacrement de la pénitence institué par le Christ dans ce but même.

25. En affirmant que le Christ est « le centre et la fin » de l’histoire humaine, et qu’en lui seul est révélé le mystère de la dignité, de la communauté et de l’activité humaines, le Concile Vatican II répond dans une certaine mesure à la préoccupation exprimée par la Réforme dans sa formule solus Christus. L’Église croit elle aussi que la clé, le centre et la fin de toute l’histoire humaine se trouve en son Seigneur et Maître. Le Seigneur est le terme de l’histoire humaine, le point vers lequel convergent les désirs de l’histoire et de la civilisation, le centre du genre humain, la joie de tous les cœurs et la plénitude de leurs aspirations[32]. En outre, la foi est conçue comme un engagement de tout l’être envers Dieu en réponse à l’autorévélation de Dieu. Dieu ne révèle pas seulement quelque vérité ou quelque connaissance sur lui-même, mais se révèle lui-même. La foi est donc une réponse volontaire à cette autorévélation.

« À Dieu qui révèle est due ‘l’obéissance de la foi’ (Rm 16,26 ; cf. Rm 1,5 ; 2 Co 10,5-6), par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle »[33] et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait. Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et adjuvante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne à tous « la douce joie de consentir et de croire à la vérité »[34]. Afin de rendre toujours plus profonde l’intelligence de cette Révélation, l’on ne cesse, par ses dons, de rendre la foi plus parfaite[35].

L’Église est le peuple de Dieu, la communauté des croyants qui ont répondu à l’autorévélation de Dieu dans la foi sous l’influence de la grâce de l’Esprit Saint[36]. Ces enseignements de Vatican II représentent un approfondissement de la vision de la foi du Concile de Trente à la lumière de la doctrine christologique, anthropologique et ecclésiologique de l’Église catholique. La foi n’est plus considérée uniquement comme le premier pas dans le processus de justification qui conduit à la réception du baptême.

26. Les principaux éléments d’une interprétation correcte de la justification, telle qu’elle est reconnue officiellement par l’Église catholique dans la DCDJ, comprennent les affirmations suivantes : « Le pécheur est justifié au moyen de la foi en l’œuvre salvatrice de Dieu en Christ » et « Tout ce qui dans la personne humaine précède et suit le don libre de la foi, n’est pas la cause de la justification et ne la mérite pas »[37]. Le renouvellement de la vie est « une conséquence nécessaire de la justification, et sans lequel il ne saurait y avoir de foi »[38]. C’est pourquoi, lorsque les catholiques affirment que le renouvellement de l’être intérieur est offert par la réception de la grâce, « ils ne nient pas que le don divin de la grâce demeure, dans la justification, indépendant de la coopération humaine »[39]. La participation de la personne humaine lors de la préparation en vue de la justification et de son acceptation est en elle-même une « action de la grâce » et « non pas le résultat d’une action dont la personne humaine serait capable »[40]. Bien qu’ils n’utilisent pas l’expression « assurance du salut » (peut-être à cause de la prudence du Concile de Trente devant les présomptions téméraires), les catholiques affirment néanmoins que, malgré la faiblesse humaine, le croyant ne peut pas « croire en Dieu et en même temps douter de la fiabilité de sa promesse »[41].

 

C. Consensus et convergences

27. En dépit des différences qui apparaissent dans les deux paragraphes précédents, notre réflexion sur ce thème, ainsi que la confession commune provenant de la deuxième phase de notre dialogue, nous permettent de proclamer notre plein accord avec le consensus formulé dans la DCDJ :

Notre foi commune proclame que la justification est l’œuvre du Dieu trinitaire. Le Père a envoyé son Fils dans le monde en vue du salut du pécheur. L’incarnation, la mort et la résurrection du Christ sont le fondement et le préalable de la justification. De ce fait, la justification signifie que le Christ lui-même est notre justice, car nous participons à cette justice par l’Esprit Saint et selon la volonté du Père. Nous confessons ensemble : c’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes[42].

28. En outre, nous affirmons ensemble que les doctrines de la justification et de la sanctification doivent être vues dans la perspective d’ensemble de toute la révélation chrétienne. L’Écriture et son interprétation fidèle tout au long de la vie de l’Église confessent l’action salvifique du Père, du Fils et de l’Esprit Saint qui apportent aux hommes la rédemption du péché et de la mort, et leur sanctification au moyen de cette même économie divine. Nous sommes pleinement d’accord pour dire qu’il existe une pluralité d’images et de métaphores utilisées tant dans l’Écriture que dans nos traditions respectives pour décrire cette activité salvifique, et que la justification ne peut pas être séparée des nombreuses autres expressions employées pour parler du salut, telles que rédemption, réconciliation, régénération, pardon, nouvelle création ou royaume de Dieu, entre autres. Néanmoins, nous nous accordons à dire que la doctrine de la justification est particulièrement significative, du fait qu’elle exprime ce qui est au cœur même de l’Évangile.

29. Nous affirmons aussi ensemble que justification et sanctification sont des dons gratuits reçus par la foi, et non gagnés par nous.

30. Nous affirmons aussi ensemble que la justification est inséparable de la sanctification, qui implique la transformation du pécheur et l’engagement à vivre une vie de justice et d’amour, une vie caractérisée par l’obéissance aux commandements et aux enseignements de Jésus. Les pères du Concile de Trente enseignaient que les chrétiens doivent s’efforcer de vivre la charité. Ils soulignaient cet appel en réponse à ce qu’ils percevaient comme un enseignement qui rendait la poursuite de la sainteté de vie non plus nécessaire à cause de l’assurance que le salut dépend uniquement de la foi. L’enseignement de Calvin sur la double grâce de la justification et de la sanctification que nous recevons en vertu de notre union au Christ montre que la position rejetée par le Concile de Trente ne lui était pas applicable. Comme la justification et la sanctification étaient si étroitement liées aux yeux des réformés, on ne peut pas dire qu’ils niaient la nécessité de poursuivre la sainteté que le Concile de Trente était si soucieux de défendre.

 

D. Quelques points nécessitant une clarifica-tion ultérieure

31. Notre dialogue a reconnu que nous avons des conceptions différentes dans notre façon d’interpréter la justification, qui ne semblent cependant pas incompatibles avec une adhésion à la déclaration fondamentale de la DCDJ. Nous nous accordons à dire que nous sommes justifiés uniquement en vertu de la passion et de la résurrection du Christ pour la gloire de Dieu, l’honneur du Christ et la vie éternelle. La principale divergence qui subsiste semble être que pour les catholiques la justification se réfère à un processus, tandis que pour les réformés elle indique plutôt un état. Le Concile de Trente et l’enseignement catholique classique parlent d’une « augmentation » ou « croissance » dans la justification[43]. Pour les réformés, la justification se réfère au nouvel état que nous avons devant et avec Dieu, en union avec le Christ, par la grâce, par la foi, en tant que pécheurs pardonnés et réconciliés. Cet état est entier et complet, et ne peut admettre un « plus » ou un « moins ». Cependant les réformés parlent parfois d’une augmentation ou croissance dans la sanctification.

32. Le Concile de Trente soutient qu’on peut perdre la grâce de la justification à la suite d’un péché grave. Pourtant, les catholiques affirment qu’on ne peut pas croire en Dieu et en même temps douter de la fiabilité de sa promesse. Personne ne saurait douter de la miséricorde de Dieu et du mérite du Christ[44]. Les réformés affirment qu’on ne peut pas perdre le don de la justification. L’assurance du salut est enracinée dans l’appel de Dieu et dans ses dons qui sont irrévocables. Les réformés soulignent que l’assurance du salut ne repose pas sur eux-mêmes, mais sur les promesses de Dieu qui est fidèle. Mais dans la tradition réformée, certains ont émis des doutes sur cette assurance absolue du salut en cas de péché grave commis par le croyant justifié[45].

33. Le Concile de Trente a trouvé la notion de « mérite » utile pour comprendre ce que dit le Nouveau Testament au sujet de la promesse de Dieu de récompenser les bonnes œuvres, en utilisant même cette notion à propos de la vie éternelle. La tradition réformée, soucieuse de défendre sa conception du salut par la grâce seule, a préféré appliquer la notion de mérite à Jésus Christ. Ainsi, nous sommes justifiés non pas en fonction de nos bonnes œuvres et de nos mérites (propter opera et merita nostra), mais en fonction du mérite du Christ (propter meritum Christi). Les réformés ne nient pas que Dieu récompense les bonnes œuvres (cf. Mt 5,12 ; 10,42 et passim), mais ils imputent la récompense non pas à la personne qui la reçoit, mais plutôt « à la bonté, à la générosité et à la fidélité de Dieu qui la promet et la donne »[46]. Comme le dit saint Augustin : « En couronnant nos mérites, Dieu couronne ses dons »[47]. Mais surtout, aux yeux des réformés, la vie éternelle n’est pas la récompense de nos bonnes œuvres mais un don gratuit dispensé avec la justification par la grâce, par la foi seule.

 

CHAPITRE DEUX

Justification et sanctification
à travers le ministère de l’Église de la Parole et du sacrement

34. Le chapitre précédent a mis en évidence l’accord entre réformés et catholiques sur le fait que justification et sanctification sont indissociables. Le présent chapitre va chercher à intégrer cet accord avec un résultat important proclamé par deux des phases précédentes du dialogue entre nos communautés, à savoir que l’opposition faite habituellement entre nos visions respectives de l’Église comme « création de la Parole » (creatura verbi) pour les réformés et comme « sacrement de grâce » (sacramentum gratiae) pour les catholiques, est insuffisante. En effet, cette opposition ne rend justice ni à la conception chrétienne de la Parole de Dieu, ni à celle de sacrement, qui comprend toujours à la fois le geste performant et les mots qui l’accompagnent. En 1990, le rapport final de notre deuxième phase de dialogue notait :

Ces deux conceptions, « création de la Parole » et « sacrement de grâce » peuvent en réalité être vues comme exprimant une même réalité instrumentale sous des aspects différents, comme complémentaires l’une à l’autre, ou comme les deux faces d’une même médaille. Elles peuvent aussi devenir les pôles d’une tension créative entre nos Églises[48].

Plus tard, le rapport final de la troisième phase, paru en 2007, affirmait :

Nous pouvons affirmer à présent, à la lumière de notre examen du Royaume et de la littérature patristique, non seulement que ces visions sont mutuellement instructives et complémentaires, mais aussi qu’aucune n’est entièrement adéquate sans l’autre. Une Église « sacramentelle » qui ne donne pas à la Parole de Dieu la place qui lui revient, serait pour l’essentiel incomplète ; une Église qui est réellement une création de la Parole, célèbre cette Parole dans la liturgie et dans les sacrements. Si nos Églises diffèrent selon ces deux visions, c’est peut-être moins du fait que l’une et l’autre sont convaincues que l’Église n’est que creatura verbi ou que sacramentum gratiae, et bien plus parce que chaque tradition a mis l’accent sur un des aspects au point d’atténuer ou de négliger l’autre. Dans ce cas, parvenir à la pleine communion représentera un processus dans lequel chaque communauté retrouvera toute la mesure de ce que Dieu a prévu pour la vie de l’Église[49].

Comment la justification et la sanctification sont-elles liées à la proclamation de la Parole et à la célébration des sacrements dans la vie courante de la communauté chrétienne ? Puisque cette quatrième phase du dialogue entre nos communautés avait précisément pour thème le rapport de la justification à la « sacramentalité » de l’Église et à son engagement pour la justice, ce deuxième chapitre porte sur le rapport entre justification et sanctification et Parole et sacrement, tandis que le dernier chapitre traitera du rapport entre justification et engagement pour la justice.

35. Notre expérience a confirmé ce qu’a déclaré un rapport œcuménique récent à propos des conséquences de la longue division entre les communautés chrétiennes :

Le dialogue révèle que les partenaires parlent des langues différentes et comprennent le sens des mots différemment, distinguent des points différents et suivent des modèles de pensée différents. Cependant, ce qui semble s’opposer dans l’expression n’est pas toujours une opposition de fond. Pour définir la relation exacte entre les articles doctrinaux respectifs, les textes doivent être interprétés à la lumière du contexte historique dans lequel ils ont été élaborés. Cela permet de voir quand il existe vraiment une différence ou un antagonisme et quand ce n’est pas le cas[50].

Il est important de s’en souvenir quand on discute du rapport entre justification et Parole et sacrement, ou quand on se demande si l’Église tout entière peut être considérée en un certain sens comme « sacramentelle ». Jean Calvin et d’autres réformateurs du XVIe siècle n’hésitaient pas à dire que les sacrements du baptême et du Repas du Seigneur sont nécessaires à la vie de l’Église. Mais ils préféraient mettre l’accent sur le rôle du Christ comme fondement et contenu de la justification et de la sanctification, et sur la proclamation de la Parole comme moyen par lequel l’Esprit Saint impartit la foi salvifique, que sur le rôle des sacrements ou sur celui de l’Église tout entière ; mais l’Église n’en demeure pas moins le lieu où la proclamation de l’évangile du salut du Christ prend place habituellement. Les catholiques, pour leur part, mettent plutôt l’accent sur l’union étroite qui existe entre le Christ et son Église. Pour eux, l’action salvifique du Christ s’exerce au moyen de la proclamation de la Parole et de la célébration des sacrements dans l’Église ; mais le Christ n’en demeure pas moins l’unique fondement et auteur de la justification et de la sanctification. Ces deux positions prennent appui l’une et l’autre sur l’Écriture, qui dit qu’il n’y a de salut qu’en Christ (cf. Ac 4,12 et 1 Co 3,11) et que le Christ est intimement uni par l’Esprit à son corps, qu’est l’Église (cf. Ep 1,22-23 ; 4,15-16). Mais le langage habituel, la pensée et les modèles exégétiques de chacune des deux Églises mettent différemment l’accent sur ces vérités, ce qui a pour résultat que les termes « sacrements » et « sacramentalité » n’ont pas tout à fait la même acception pour les croyants réformés et pour les croyants catholiques.

36. Il faudrait pouvoir creuser plus à fond dans ce langage pour voir s’il existe réellement une différence substantielle entre nos deux communautés. Toutes deux professent que les actes de l’Église, par lesquels elle proclame la Parole et célèbre les sacrements, ne sont pas au même niveau que l’action salvifique du Christ, et qu’ils sont dépendants de son don de la grâce et de la puissance de l’Esprit Saint. Toute la question semble être de savoir si – et si oui, en quel sens – on peut parler d’une certaine « instrumentalité » ou « coopération » de la part de l’Église. Un progrès important a été accompli en ce sens par le dialogue catholique-protestant en France : « La divergence… ne concerne pas le fait de l’instrumentalité de l’Église dans la transmission du salut, mais la nature de cette instrumentalité : l’Église est-elle sanctifiée de manière à devenir elle-même sujet sanctifiant ? »[51]. On peut se demander en outre si la priorité dans un tel rôle doit être donnée à la proclamation de la Parole, à la célébration des sacrements, ou ni à l’une ni à l’autre puisque toutes deux sont dans la même mesure nécessaires. L’appendice de la DCDJ, un document qui a été l’une de nos sources dans le présent dialogue, dit entre autres : « L’œuvre de la grâce de Dieu n’exclut pas l’action humaine : Dieu opère toutes choses, le vouloir et le faire, c’est pourquoi nous sommes appelés à bien agir (cf. Ph 2,12 ss). ‘Aussitôt que le Saint-Esprit a commencé son œuvre de régénération et de renouveau en nous par la Parole et les sacrements, il est certain que nous pouvons et devons coopérer par la puissance du Saint-Esprit’ »[52]. Aussi longtemps que la reconnaissance de l’intervention de l’Esprit Saint est assu

rée, beaucoup de chrétiens réformés peuvent se dire d’accord avec cette déclaration des luthériens et des catholiques.

A. Justification et sanctification dans l’Église par la Parole et le sacrement

37. Nous notons que la deuxième phase du dialogue catholique-réformé a enregistré un accord sur la façon dont la justification – et, à la lumière de notre premier chapitre nous pourrions ajouter la sanctification – est liée à la Parole et au sacrement.

La justification par la grâce, par la foi, nous est donnée dans l’Église. Cela ne veut pas dire que l’Église exerce une médiation complémentaire à celle du Christ, ou qu’elle est revêtue d’un pouvoir indépendant du don de la grâce. L’Église est à la fois le lieu, l’instrument et le ministre choisi par Dieu pour faire entendre la parole du Christ et pour célébrer les sacrements au nom de Dieu au cours des siècles. Lorsque l’Église annonce la Parole du salut et célèbre les sacrements de façon fidèle, en obéissant au commandement du Seigneur et en invoquant la puissance de l’Esprit, elle est assurée d’être entendue car elle accomplit dans son ministère l’action du Christ lui-même[53].

38. Le Nouveau Testament suggère que justification et sanctification, d’une part, et proclamation de la Parole et célébration des sacrements de l’autre, sont intimement liés au sein du profond mystère du salut dans le Christ. Certains passages soulignent l’importance de la Parole comme moyen par lequel le Christ dispense le don de la foi qui sauve. Cette foi, d’après Paul, naît de l’écoute de la Parole : « Or, comment l’invoqueraient-ils sans avoir cru en lui ? Et comment croiraient-ils en lui sans l’avoir entendu ? Et comment l’entendraient-ils, si personne ne le proclame ? » (Rm 10,14). Ce qui amène Paul à conclure : « Ainsi la foi vient de la prédication et la prédication, c’est l’annonce de la parole du Christ » (Rm 10,17).  Et cette foi est le moyen de notre justification : « Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ » (Rm 5,1). D’autres passages parlent des rites tels que ceux du baptême et de l’Eucharistie comme moyens de l’action salvifique du Christ dans l’Esprit. « Mais lorsque se sont manifestés la bonté de Dieu, notre Sauveur, et son amour pour les hommes, il nous a sauvés non en vertu d’œuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes dans la justice, mais en vertu de sa miséricorde, par le bain de la nouvelle naissance et de la rénovation que produit l’Esprit Saint. Cet Esprit, il l’a répandu sur nous avec abondance par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions, selon l’espérance, héritiers de la vie éternelle » (Tt 3,4-7). Dans l’évangile de Jean, certains passages semblent indiquer l’effet salvifique tant du baptême – « Jésus lui répondit : ‘En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu’ » (Jn 3,5) – que de l’Eucharistie – « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas en vous la vie. Car celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,53-54). Dans le récit du jour de la Pentecôte et dans la description de la vie ecclésiale qui suit juste après, on peut lire : « Le cœur bouleversé d’entendre ces paroles, ils demandèrent à Pierre et aux autres apôtres : ‘Que ferons-nous, frères ?’. Pierre leur répondit : ‘Convertissez-vous : que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ, pour le pardon des péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit’ […]. Ceux qui accueillirent sa parole reçurent le baptême, et il y eut environ trois mille personnes ce jour-là qui se joignirent à eux. Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,37-38.41-42). L’importance de la parole audible et du rite visible dans la vie de l’Église reflète la nature essentiellement incarnée du mystère du salut en Christ.

39. Une présentation œcuménique contemporaine de l’histoire du salut, qui tente de clarifier la notion de sacrement, peut en même temps illustrer l’importance de la Parole. Une tentative de ce genre est faite dans un résumé des réponses au texte de convergence Baptême, Eucharistie, Ministère de la Commission Foi et Constitution du COE.

Dans l’incarnation, la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ, Dieu a communiqué efficacement le mystère de son amour salvifique au monde. Par la puissance de l’Esprit Saint, le Christ ressuscité continue l’action salvifique de Dieu en étant présent et agissant parmi nous. Dans ce but, Dieu continue à agir à travers les hommes par leurs paroles, leurs signes et leurs actions, ainsi qu’avec des éléments de la création. Dieu communique ainsi aux fidèles, et à travers leur témoignage au monde, sa promesse et sa grâce salvifiques. Ceux qui écoutent et reçoivent dans la foi et la confiance cette action gratuite de Dieu sont par là-même délivrés de l’emprise du péché et leur vie est transformée. Ceux qui reçoivent ce don y répondent par l’action de grâce et la louange, et sont conduits dans la koinonia avec la sainte Trinité et les uns avec les autres et envoyés proclamer l’Évangile au monde entier. Par cette action sacramentelle, communiquée par les paroles, les signes et les actions, cette communauté qu’est l’Église est appelée, équipée et envoyée, animée et guidée par l’Esprit Saint, pour témoigner de l’amour de Dieu qui réconcilie et re-crée dans un monde pécheur et déchu. Ainsi, tous ceux qui dans la foi aspirent à la plénitude de vie en Christ peuvent goûter les prémices du royaume de Dieu – présent mais non encore pleinement accompli dans un ciel nouveau et une terre nouvelle[54].

Cette description montre comment Dieu se sert des mots, des signes et des actions dans l’économie du salut. Puisque la phase actuelle de notre dialogue s’intéresse tout spécialement à la sacramentalité, le paragraphe qui suit examine l’un des sacrements que nous célébrons les uns et les autres : le baptême. Le paragraphe successif s’occupera des sacrements en général. Et comme ce dialogue considère l’Eucharistie principalement dans son rapport avec la justice, ce thème sera traité au chapitre trois. Il y a néanmoins certains aspects généraux propres aux deux sacrements.

a. Justification, baptême et incorporation dans l’Église

40. Tant les catholiques que les réformés reconnaissent « un seul baptême pour le pardon des péchés », en soulignant ainsi l’importance de la célébration du baptême[55]. En réalité, en se basant sur la constatation que la formule et les rites appropriés sont utilisés, il y a maintenant une pratique établie de longue date de reconnaissance mutuelle du baptême entre les Églises catholique et réformée[56]. Cette expression de la foi de l’Église primitive est conforme à l’interprétation de Paul du baptême comme « participation à la mort et à la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ »[57]. Bien qu’ils expliquent différemment le rapport entre l’unique acte du Christ qui justifie et l’action sacramentelle ecclésiale par laquelle cette vie nouvelle est signifiée, catholiques et réformés peuvent confesser ensemble, en empruntant les mots de la DCDJ, que « le pécheur est justifié au moyen de la foi en l’œuvre salvatrice de Dieu en Christ ; ce salut lui est offert par l’Esprit Saint dans le baptême en tant que fondement de toute sa vie chrétienne »[58] ; et que « dans le baptême, le Saint-Esprit unit la personne humaine au Christ, la justifie et la renouvelle effectivement »[59]. C’est pourquoi il est si important d’approfondir le rapport entre justification, sanctification, et célébration du baptême, et ce qu’il signifie pour la personne justifiée. Il vaut la peine de noter que les liturgies baptismales telles qu’elles sont pratiquées dans l’Église catholique comme dans les Églises réformées ne font pas référence à la justification. Il serait intéressant de poursuivre la réflexion théologique entreprise par le dialogue national catholique-réformé aux États-Unis, qui a choisi de concentrer son attention sur le rapport entre baptême et grâce, plutôt que sur celui entre baptême et justification[60].

41. Étant donné l’accent mis par la tradition réformée non seulement sur sola scriptura mais aussi sur tota scriptura[61], il n’est pas surprenant que sa théologie du baptême ait cherché à interpréter la signification de ce sacrement dans le cadre de l’Alliance dont témoignent l’Ancien et le Nouveau Testament. Le baptême est le signe de l’Alliance (signum foederis Dei) fondée sur la promesse de Dieu à Abraham, et confirmée pour lui et pour ses descendants par le rite de la circoncision. Le baptême fut institué par analogie avec la circoncision pour signifier l’inclusion du croyant dans l’unique Alliance et sa participation à ses bienfaits[62]. Le baptême est le sacrement qui rend le salut personnel : « Le baptême nous rappelle et nous assure que le sacrifice unique du Christ sur la croix est pour notre bien »[63]. L’administration du baptême symbolise le lavement de nos péchés. En elle-même, l’eau du baptême ne procure pas la purification des péchés : c’est « par le sang de Jésus Christ et par son Esprit [que] nous sommes lavés de tous nos péchés »[64]. Non seulement le Baptême nous lave de nos péchés, mais il constitue aussi une nouvelle naissance : « Dieu nous a sauvés non en vertu d’œuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes dans la justice, mais en vertu de sa miséricorde, par le bain de la nouvelle naissance et de la rénovation que produit l’Esprit Saint » (Tt 3,5). Sur le rapport ente le signe et la réalité signifiée dans l’administration du baptême, il y a quelques différences d’opinion au sein de la tradition réformée ; mais en général, on considère que la grâce est donnée par l’Esprit Saint qui agit au temps qui est le sien. Seuls ceux qui croient au Christ bénéficieront du baptême. C’est pourquoi les enfants sont baptisés après que les parents ont professé leur foi, et les adultes ne sont baptisés qu’après une telle profession personnelle. En outre, le baptême n’a pas seulement une dimension personnelle ; il a aussi une forte dimension communautaire du fait que les baptisés sont incorporés au corps du Christ, rendu visible par leur rassemblement en tant qu’Église[65]. « Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps » (1 Co 12,13). Enfin, le baptême a des conséquences morales : « Être lavé par le sang et l’Esprit du Christ signifie être renouvelé et sanctifié par l’Esprit Saint pour être un membre du Christ et, mourrant de plus en plus au péché, pour mener une vie sainte et irréprochable »[66].

42. D’après l’enseignement de l’Église catholique, le baptême est le sacrement de la foi qui nous plonge dans le mystère pascal[67] ; sans la foi, personne ne peut être justifié. La célébration du baptême, en tant que profession de foi, est non seulement une confession de foi personnelle du baptisé, mais aussi une confession de foi de toute la communauté des croyants qu’est l’Église[68]. C’est particulièrement évident dans le cas du baptême des enfants, qui exprime aussi la croyance des catholiques, à savoir que la validité d’un sacrement n’est pas déterminée par l’état subjectif du baptisé ou du célébrant, mais par sa célébration elle-même. Le Catéchisme de l’Église catholique affirme que : « Notre Seigneur a lié le pardon des péchés à la foi et au baptême : ‘Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé’ (Mc 16,15-16). Le baptême est le premier et principal sacrement du pardon des péchés parce qu’il nous unit au Christ mort pour nos péchés, ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4,25) »[69]. Les catholiques croient que le baptême est « nécessaire au salut pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé et qui ont eu la possibilité de demander ce sacrement » et le « moyen pour assurer l’entrée dans la béatitude éternelle » [70]. Les effets du baptême sont signifiés par les éléments perceptibles du rite sacramentel. L’immersion dans l’eau symbolise non seulement la mort et la purification, mais aussi la régénération et le renouveau. Par le baptême, nous devenons une créature nouvelle, un enfant adoptif de Dieu « participant de la nature divine » (2 P 1,4), un membre du Christ, cohéritier avec lui et temple de l’Esprit Saint.

43. Ainsi, toute la vie chrétienne prend racine dans le baptême. Le baptême fait du baptisé un membre du corps du Christ, en l’incorporant dans l’unique Église. Des fonts baptismaux est né l’unique peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, qui transcende toutes les limites naturelles ou humaines de nation, culture, race ou sexe. Par le baptême, les chrétiens deviennent des pierres vivantes qui entrent « dans la construction de la Maison habitée par l’Esprit, pour constituer une sainte communauté sacerdotale » (1 P 2,5), en participant de la prêtrise du Christ et à sa mission prophétique et royale. Le baptême précède l’activité apostolique et missionnaire du peuple de Dieu. « Les fidèles incorporés à l’Église par le baptême ont reçu un caractère qui les délègue pour le culte religieux chrétien ; devenus fils de Dieu par une régénération, ils sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l’Église ils ont reçue de Dieu »[71]. Comme le dit le Décret sur l’œcuménisme de Vatican II, le baptême « est un lien sacramentel d’unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui »[72].

b. Rapport entre justification et sanctification et conception des sacrements en général

44. Il existe un très large accord entre les Églises chrétiennes sur le baptême, même si des pratiques telles que le re-baptême attestent que certaines communautés ne reconnaissent pas le rite d’initiation pratiqué par d’autres communautés. Dans le paragraphe qui précède notre réflexion s’est concentrée plus spécifiquement sur le sacrement du baptême, car il offre une bonne occasion d’approfondir le rapport particulier entre justification et sacrements, thème central du présent chapitre. Dans les paragraphes qui suivent, nos réflexions sur le rapport entre justification, sanctification et baptême seront appliquées aux sacrements en général. Dans une première partie, nous présenterons quelques éléments susceptibles de conduire à des convergences entre nous sur le rapport de la justification et de la sanctification avec les sacrements. Dans la seconde partie, nous identifierons plusieurs différences qui nécessitent une réflexion et un dialogue plus approfondis.

c. Points de convergences sur les sacrements

45. La tradition réformée, qui insiste beaucoup sur la grâce souveraine de Dieu et sur la liberté de l’Esprit, est réticente devant toute façon de parler ou de penser qui les nierait ou qui les compromettrait. Dieu n’est pas lié par les sacrements. Néanmoins, Dieu a institué les sacrements pour sceller et confirmer la promesse de l’Évangile proclamée dans la Parole, « en nous la rendant plus évidente et, en quelque sorte, en la ratifiant »[73]. Le Catéchisme de Genève affirme que le sacrement est « le témoignage extérieur de la grâce de Dieu, qui par signe visible nous représente les choses spirituelles, afin d’imprimer plus fort en nos cœurs les promesses de Dieu et nous en rendre plus certains »[74]. En nous donnant des signes accessibles aux sens, Dieu condescend à se mettre à la portée de notre faiblesse humaine, c’est-à-dire de notre corporéité. Les réformés affirment que les sacrements, tout comme la proclamation de la Parole, sont vraiment des moyens de grâce, mais ils rejettent l’idée que la grâce puisse être en quelque façon « contenue » dans les éléments utilisés durant leur célébration. La Confession de Westminster souligne que « la grâce présentée dans ou par les sacrements correctement administrés n’est pas conférée par quelque pouvoir qu’ils auraient en eux-mêmes »[75]. D’autre part, le lien entre signe sacramentel et réalité signifiée est si étroit que les réformés n’hésitent pas à parler d’une « union sacramentelle » (unio sacramentalis). D’après la Confession de Westminster, « en tout sacrement, il y a une relation spirituelle, ou union sacramentelle, entre le signe et la réalité signifiée, de sorte qu’il arrive que les noms et effets de celle-ci sont attribués à celui-là »[76]. Dans cette perspective, il n’est pas inapproprié de dire que les eaux du baptême lavent les péchés et assurent une participation à la vie du Christ ; ou que le pain et le vin du Repas du Seigneur nourrissent les chrétiens avec le corps et le sang du Christ, en les unissant toujours plus étroitement à son corps glorifié et aux membres de son corps qu’est l’Église. Mais il faut toujours garder présent à l’esprit que c’est l’Esprit Saint qui communique le Christ et ses bienfaits à ceux qui reçoivent les sacrements dans la foi. L’Esprit Saint est la seule cause de leur efficacité. Cela n’ôte rien au fait qu’ils demeurent des sacrements, même s’ils sont reçus par des personnes non-croyantes. Les sacrements sont, avec la Parole, les moyens de grâce objectifs désignés par Dieu et utilisés par l’Esprit Saint pour nous assurer une participation à la vie du Christ et pour confirmer notre foi en ses promesses. Puisqu’ils représentent les principales activités du culte du peuple de Dieu, les réformés soulignent le caractère indispensable de l’Église. Suivant la célèbre expression de saint Cyprien pour qui on ne peut avoir Dieu pour père si on n’a pas l’Église pour mère, Calvin aimait à voir dans l’Église une mère qui conçoit et nourrit chacun de ses enfants[77].

46. Les catholiques seraient substantiellement d’accord avec une grande partie de ces affirmations des réformés sur la Parole et le sacrement. Eux aussi affirment l’unicité de l’action salvifique du Christ et de l’Esprit Saint, la souveraineté de Dieu, la centralité de l’union au Christ et l’importance de la proclamation de la Parole. Mais du fait qu’ils insistent sur l’union étroite entre le Christ et l’Église, ils sont amenés naturellement à mettre l’accent autrement que les réformés sur la notion d’efficacité dans le langage et la pratique sacramentels. Après avoir présenté son enseignement sur la justification et avant d’aborder chaque sacrement un par un, le Concile de Trente a promulgué un décret sur les sacrements en général (sacramenta in generale), expliquant comment ils sont en rapport avec la justification : « Toute vraie Justice, ou prend son commencement, ou s’augmente lorsqu’elle est commencée, ou se répare, quand elle est perdue »[78]. Cet enseignement, qui dit que la justification commence, augmente et peut être regagnée, se reflète sur la conception catholique du rapport étroit entre justification et grâce sanctifiante, qui connote aussi l’inséparabilité, dans la pensée catholique, entre justification et sanctification.

47. Les sacrements sont préparés par la Parole de Dieu et par la foi qui reçoit cette Parole. C’est la raison pour laquelle ils sont appelés sacrements de la foi. D’après Vatican II, les sacrements « non seulement supposent la foi, mais encore, par les paroles et par les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi »[79]. Cela présuppose un rapport étroit entre Parole et sacrement : « Le peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant… La proclamation de la Parole est indispensable au ministère sacramentel lui-même, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi, et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir »[80].

48. En outre, le Catéchisme de l’Église catholique définit les fondements christologiques des sacrements[81]. Fondés sur les mystères de la vie du Christ, ils sont efficaces non pas en vertu de leur propre « force », mais en vertu de la fore qui émane du corps du Christ par l’action de l’Esprit Saint à l’œuvre dans l’Église. L’Esprit manifeste et communique aux hommes, spécialement dans l’Eucharistie, le mystère de la communion avec Dieu qui est amour. Leur but est de sanctifier les hommes, d’édifier le corps du Christ, et de glorifier Dieu. Dans cette perspective, il faut bien comprendre le langage de l’efficacité sacramentelle : les sacrements « sont efficaces parce qu’en eux le Christ lui-même est à l’œuvre : c’est Lui qui baptise, c’est Lui qui agit dans ses sacrements afin de communiquer la grâce que le sacrement signifie. Le Père exauce toujours la prière de l’Église de son Fils qui, dans l’épiclèse de chaque sacrement, exprime sa foi en la puissance de l’Esprit »[82]. La grâce sacramentelle est la grâce de l’Esprit Saint, donnée par le Christ et propre à chaque sacrement, par laquelle l’Esprit guérit et transforme ceux qui la reçoivent et qui « sont devenus participants de la nature divine » (cf. 2 P 1,4). Bien entendu, la célébration des sacrements implique la réception de la Parole dans la foi et la réception de la grâce sanctifiante qui est au cœur même de la justification et de la sanctification.

d. Points qui nécessitent un dialogue ultérieur

49. Beaucoup de croyants réformés seraient d’accord avec une grande partie de ce qui précède. Quelles différences subsistent encore entre nos Églises en ce qui concerne les rites individuels connus sous le nom de sacrements ? Un point de désaccord porte sur la question de l’efficacité des sacrements. Le fait que c’est le Christ lui-même qui baptise et célèbre le Repas du Seigneur/Eucharistie (et les catholiques ajouteraient : qui préside également aux autres sacrements) conduit les catholiques à mettre fortement l’accent sur l’efficacité des sacrements, comme le suggère l’expression ex opere operato, autrement dit qu’ils sont efficaces « par le fait même que l’action est accomplie », indépendamment de l’état subjectif de ceux qui les administrent et de ceux qui les reçoivent[83]. Mais pour les catholiques, un sacrement ne porte pas de fruit dans la vie d’une personne qui ne le reçoit pas dans la foi, et l’expression ex opere operato a souvent été mal interprétée comme suggérant une efficacité quasiment mécanique ou automatique, en ne tenant pas suffisamment compte de l’intervention de l’Esprit Saint dans la célébration des sacrements. Calvin notait que nous ne devons pas penser que « quelque vertu secrète est annexée et attachée aux sacrements et qu’en eux-mêmes les grâces du Saint-Esprit sont distribuées et administrées… Tout leur office est de nous témoigner et confirmer la bienveillance et la faveur du Seigneur envers nous ; et ils ne profitent à rien de plus si le Saint-Esprit ne vient qui ouvre nos entendements et nos cœurs et nous rend capables de ce témoignage où apparaissent si clairement des grâces diverses et distinctes de Dieu… Dieu accomplit ce qu’il nous promet par des figures, et les signes ne sont pas sans effet pour montrer que leur auteur est véritable et fidèle »[84]. D’après ce qui précède, ce qui est critiqué ici, ce n’est pas la position soutenue effectivement par l’Église catholique. Il semblerait que ces deux positions veuillent affirmer à la fois la primauté de l’action divine dans les sacrements, et le fait que ce sont des signes efficaces. Elles semblent différer surtout par des nuances, des accentuations et par le langage utilisé pour exprimer ces convictions.

50. Un autre point de désaccord porte sur l’identification des rites désignés proprement comme des « sacrements »[85]. Ici, les différences entre nous dépendent en partie d’une conception différente de ce que sont les sacrements et d’une vision différente de leur « institution ». Calvin affirme que le baptême et le Repas du Seigneur sont les deux sacrements institués par le Christ. Il ajoute qu’il ne verrait pas d’objection à considérer l’imposition des mains comme un sacrement, si ce n’était qu’il n’est pas destiné à l’usage de l’Église tout entière[86]. Plus loin, il consacre un chapitre entier à argumenter contre les « cinq sacrements faussement ainsi nommés »[87]. Le Concile de Trente enseigne que le Christ a institué sept sacrements, mais rejette d’emblée l’idée qu’ils puissent être tous d’égale importance[88]. Cette différentiation qualitative permet aux catholiques de soutenir la position traditionnelle de l’Église, qui a toujours donné une place prééminente au baptême et à l’Eucharistie comme sacramenta maiora ou principalia, par rapport aux cinq autres sacrements[89]. D’autre part, il est vrai que les réformés célèbrent un certain nombre de rites que les catholiques appellent « sacrements » tels que la confirmation, la réconciliation, le mariage et l’ordination, sans les désigner par ce nom. Dans certaines Églises réformées, ces rites sont connus sous le nom d’« ordonnances de Dieu »[90]. Des critères ont été proposés par certains dialogues œcuméniques pour tenter de surmonter ces divergences historiques[91].

 

B. La « sacramentalité » de l’Église en relation à l’action salvifique du Christ dans la justification et la sanctification

51. Dans le paragraphe qui suit, nous allons tenter d’appliquer ce qui a été dit jusqu’à présent sur les sacrements au thème plus vaste de la nature et mission de l’Église tout entière. Pour cela, nous partirons des accords des phases précédentes de notre dialogue sur l’Église comme communauté de Parole et de sacrement, ce qui pourrait être une bonne transition vers notre troisième et dernier chapitre sur l’Église comme agent de justice dans le monde.

52. Au XXe siècle, certains théologiens catholiques ont commencé à développer la notion théologique de « sacrement » comme signe et instrument de l’action salvifique du Christ et de l’Esprit dans et à travers l’Église[92]. L’économie divine du salut se manifeste dans les situations où les hommes vivent, par des mots audibles et des signes visibles. Déjà la création reflète et parle de son divin auteur. Avec l’incarnation et le mystère pascal du Fils de Dieu, la rédemption porte à son accomplissement le dessein salvifique de Dieu pour la création. On retrouve ici un principe cher aux théologiens scholastiques médiévaux pour qui la grâce perfectionne la nature, réinterprété ici de façon plus large. Si un sacrement peut être considéré comme la rencontre visible avec la grâce dans l’histoire, il est alors possible, toujours en fonction du Christ et en reconnaissant qu’il continue d’agir dans l’histoire par l’intermédiaire de l’Esprit Saint, de parler de façon analogue de la sacramentalité de l’Église tout entière, non seulement lorsqu’elle célèbre un rite sacramentel, mais aussi lorsqu’elle proclame la Parole de Dieu et témoigne de la vie chrétienne. C’est ce que Vatican II a voulu dire lorsqu’il a affirmé que l’Église « est dans le Christ comme (veluti) un sacrement ou, si l’on veut, un signe et un moyen d’opérer l’union intime avec Dieu et l’unité de tout le genre humain »[93]. Notre dialogue voit dans cette définition de l’Église un changement bienvenu par rapport à la conception largement institutionnelle qui prévalait dans l’ecclésiologie catholique dans les siècles qui ont suivi la Réforme. La conviction que, par la puissance de l’Esprit Saint, l’Église est appelée à apporter la guérison à un monde blessé par le péché est beaucoup plus en syntonie avec l’accent mis par les réformés sur le témoignage que la communauté chrétienne, en tant que peuple prophétique de Dieu, est appelée à donner dans l’histoire[94].

53. Par la justification et par la grâce sanctifiante de l’Esprit Saint, l’Église, en tant que corps du Christ, est encouragée à continuer les fonctions de prophète, prêtre et roi du Christ, conformément à son appel unique à être un signe et un sacrement du royaume de Dieu. D’après le Catéchisme de Heidelberg, Jésus est appelé le Christ parce qu’il a été institué en Dieu le Père et oint par l’Esprit Saint pour être notre souverain prophète et docteur, pour être notre unique grand-prêtre, et pour être notre roi éternel[95]. Chaque chrétien participe par la foi à son onction et à sa triple fonction[96]. La valeur de cette triple fonction a été reconnue par Vatican II, pour qui non seulement les membres individuels du clergé ordonné[97] et les laïcs[98], mais tout le peuple de Dieu est un peuple prophétique, sacerdotal et royal[99]. Ainsi, une importante convergence sur la nature de l’Église paraît possible entre nous. Ceux qui sont justifiés par la grâce, par la foi, et sanctifiés par l’Esprit Saint par la Parole et par le sacrement, sont investis de la fonction prophétique de proclamer le message évangélique de Jésus du royaume de Dieu en paroles et en actes. Ils offrent leur vie comme sacrifice vivant de louange (cf. Rm 12,1) et s’engagent pour la justice et la paix selon les exigences du royaume. La justification est à la base d’un processus de sanctification qui dure toute la vie, par lequel le peuple de Dieu prophétique, sacerdotal et royal participe aux fonctions du Christ en agissant à son exemple. Au cours de notre dialogue, il nous est arrivé de parler de la sanctification comme d’un « moyen terme » entre la justification et la justice qui s’exprime dans l’action sociale et dans la promotion de la dignité humaine. Pour ce dialogue, c’était une façon concise, mais utile, de souligner l’interconnexion entre justification, sanctification et action sociale.

54. Voir en l’Église un peuple prophétique, sacerdotal et royal, enraciné dans la Parole et dans le sacrement, nous fournit en outre un cadre pour expliquer le rapport entre voix prophétique et autorité dans la vie de la communauté. C’est l’Esprit Saint qui incite les croyants à approfondir leur compréhension de la bonne nouvelle de Jésus Christ et à discerner les moyens pour appliquer l’évangile en tenant compte des nécessités du temps et du lieu, selon les signes des temps[100]. Et c’est ce même Esprit Saint qui est invoqué pour assister ceux qui sont chargés des rôles d’autorité et de leadership dans la communauté. Notre dialogue n’a pas abordé les différences significatives qui existent entre nos deux traditions du point de vue des structures ecclésiales, de la conception de l’autorité, de la redevabilité et du discernement. Il pourrait être mutuellement enrichissant d’aborder ces questions dans une phase successive. Seuls quelques commentaires très généraux peuvent être présentés ici. L’Église catholique a eu une tendance à situer le rôle de l’autorité, du leadership et du discernement dans des fonctions individuelles, même si depuis Vatican II les structures conciliaires introduites à différents niveaux de la vie de l’Église encouragent la participation de tout le peuple de Dieu, chacun selon sa vocation spécifique[101]. La tradition réformée désigne les personnes investies de l’autorité dans le cadre de processus conciliaires aux niveaux local, régional et national, qui interagissent entre eux. Dans ces processus conciliaires, non seulement les membres ordinaires du clergé, mais aussi, et de manière paritaire, les anciens, les diacres et leurs équivalents peuvent être revêtus du pouvoir de décider de toutes les questions relatives à l’Église. Dans certaines situations particulières, l’autorité qui prend les décisions peut être attribuée à tous les membres d’une congrégation.

 

CHAPITRE TROIS

Justification et engagement des chrétiens pour la justice dans le monde

55. Notre premier chapitre a cherché à cerner notre accord sur le fait que justification et sanctification sont indissociables, tant dans la pensée réformée que catholique. Le deuxième chapitre a mis en relation la justification et la sanctification avec le ministère de la Parole et le sacrement, ce qui a permis d’une part d’approfondir les points de convergence et de divergence entre nous sur ces dimensions essentielles de la vie de la communauté chrétienne, et d’autre part de considérer la participation de l’Église tout entière à l’action salvifique de Dieu dans l’histoire. Ce dernier chapitre va examiner comment la réception du pardon de Dieu dans la justification et la sanctification permanentes des croyants par l’Esprit Saint au moyen de la proclamation de la Parole et de la célébration des sacrements, en particulier l’Eucharistie, pousse les chrétiens à s’engager à participer au royaume de Dieu déjà inauguré par le Christ Jésus.

56. La similarité entre les mots « justification » et « justice » dans presque toutes les langues invite les chrétiens à se demander si, et de quelle façon, les réalités auxquelles ces mot renvoient sont liées entre elles. Le Nouveau Testament utilise le même mot – dikaiosynē – pour désigner la droiture de la conduite et l’état de celui qui est délivré du péché par la miséricorde de Dieu[102]. Le fait qu’un même mot transmette ces deux sens montre qu’ils sont profondément liés. Celui qui est justifié par la foi est appelé à se conduire avec droiture. En conséquence, la doctrine de la justification ne peut pas être envisagée dans l’abstrait, coupée de la réalité d’injustice, d’oppression et de violence qui caractérise le monde actuel. Le rapport de la troisième phase du dialogue entre l’Alliance réformée mondiale et l’Église catholique notait que « Jésus, la Parole faite chair, proclamait que le Royaume est proche et que la communauté des disciples est le groupe d’êtres humains qui, sous l’influence de la grâce, a répondu dans la foi… Cette réponse de foi salvifique les pousse, de leur côté, à proclamer la Parole de salut et leur donne mandat de rendre témoignage aux valeurs du Royaume que Jésus a enseignées »[103]. La prolifération tragique de l’injustice économique, de l’oppression, du racisme, du sexisme, des atteintes contre l’environnement n’est que trop évidente dans le monde d’aujourd’hui ; ces maux sont présents même à l’intérieur de la communauté chrétienne. Face à cette situation, nos deux communautés ont lancé des appels répétés à s’engager pour changer cet état de fait. Par sa rencontre permanente avec le Christ par l’Esprit dans la Parole et le sacrement, l’Église est nourrie en vue du travail pour la justice, la paix et la protection de la création. Comme l’a souligné la phase précédente de notre dialogue bilatéral :

La transformation du monde se fait en partie à travers des efforts visant à créer une société plus juste et plus pacifique. Mais les chrétiens croient aussi que cette transformation est réalisée maintenant, par anticipation, dans la communion entre Dieu et les êtres humains qui a lieu dans l’Église, surtout à travers la proclamation de la Parole, la célébration des sacrements du baptême et de l’Eucharistie et d’autres sacrements ou rites. Comme sacrement du Royaume, l’Église est et doit être à la fois création de la Parole et sacrement de grâce[104].

La justice est une réalité complexe qui revêt des sens différents selon la perspective dans laquelle elle est envisagée. Pourtant, nous avons découvert la plus grande convergence à ce sujet en partant de la révélation d’un Dieu aimant et miséricordieux qui exprime l’action de recherche de la justice dans tous les aspects de la vie des hommes et de la création.

57. Dieu crée les hommes et les déclare justes non seulement pour qu’ils soient sauvés individuellement dans la communauté de l’Église, mais aussi pour qu’ils puissent participer à son œuvre de guérison et de transformation de leur monde injuste. En ce sens, on peut parler d’une éthique de la justification. Cette idée est très bien exprimée dans la parabole de la séparation des brebis et des chèvres qui se termine par ces paroles de Jésus au jugement dernier : « En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’aurez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’aurez fait » (cf. Mt 25,31-46). Le Dieu de la Bible est un Dieu de miséricorde et de justice[105] qui prend à cœur la détresse des hommes, qui y participe et qui la surmonte de l’intérieur. Dieu établit la justice pour les innocents qui sont menacés, pour les pauvres, les marginalisés et les opprimés. Dieu prend parti inconditionnellement et passionnément pour eux : « Il a jeté les puissants à bas de leur trône et il a élevé les humbles » (Lc 1,52). Nous ne pouvons pas prétendre à la sollicitude de Dieu dans notre détresse si nous n’assumons pas nos responsabilités envers tous ceux qui sont pauvres et désespérés[106]. Le croyant est appelé à accompagner et à défendre ceux qui subissent un tort. Se conformer au Christ veut dire veiller aux besoins des exclus de la société. Les pauvres, les marginalisés, les maltraités, ainsi que toute la création qui gémit, demandent une attention spéciale de la part des chrétiens[107].

 

A. Justification, sanctification et engagement pour la justice

58. Pour les réformés, la justification est toujours accompagnée de la sanctification ; ce sont deux aspects indissociables de l’activité salvifique du Christ, garantis aux croyants en vertu de leur union au Christ qui leur permet de vivre dans la sainteté. Le Concile Vatican II a intitulé un chapitre entier de sa Constitution sur l’Église « La vocation universelle à la sainteté », en affirmant que l’Église est sainte parce que « le Christ, Fils de Dieu, qui, avec le Père et l’Esprit, est proclamé ‘le seul Saint’, a aimé l’Église comme son épouse ; il s’est livré pour elle afin de la sanctifier (cf. Ep 5,25-26), il se l’est unie comme son corps et l’a comblée du don de l’Esprit Saint pour la gloire de Dieu. Aussi dans l’Église, tous… sont appelés à la sainteté selon la parole de l’apôtre : ‘Oui, ce que Dieu veut c’est votre sanctification’ (1 Th 4,3 ; cf. Ep 1,4) »[108]. La vraie sanctification se manifeste toujours à travers les fruits de l’Esprit, dont le plus éminent est la charité. Le Concile affirme ainsi que « la charité qui nous fait aimer Dieu par-dessus tout et le prochain à cause de lui est par conséquent le don premier et le plus nécessaire »[109]. L’amour envers Dieu et envers son prochain pousse le chrétien à chercher à redresser les situations où les hommes souffrent de l’oppression, de l’injustice ou de la destruction de l’environnement, dont nous dépendons tous. Dans cette perspective, justification et sanctification appellent nécessairement et conduisent naturellement à un engagement pour la justice. Un dialogue national entre nos deux communions a déclaré :   

Le peuple de Dieu est appelé en tout temps à proclamer la justice, à s’élever contre l’injustice et à veiller les uns sur les autres, sur les structures de la civilisation et sur la création. De nos jours, les « droits humains » sont une façon particulière de parler des exigences morales de droiture et de justice selon la loi de Dieu. Tout bien considéré, tous les droits humains sont fondés, ni plus ni moins, sur la justice de Dieu que nous connaissons par Jésus Christ. C’est en vertu de la grâce de la justice de Dieu que les hommes parlent d’une loi morale universelle et fiable, connue au moyen de la révélation et de la raison. Cette loi est gravée dans le cœur des hommes, en sorte qu’aucun individu et aucun groupe n’est dispensé de l’obligation de reconnaître que les autres hommes doivent être traités avec justice et que les sociétés doivent être organisées sur la base de la liberté et de l’équité[110].

Cette déclaration renforce le mandat chrétien de faire régner la justice en soulignant qu’il est gravé dans le cœur de chaque homme, une affirmation qui est en accord avec la conception catholique de la loi naturelle. Bien qu’ayant une perspective diverse sur la loi naturelle, les réformés affirment que la loi de Dieu donnée lors de la création est conforme à la loi de Dieu révélée à Moïse et incarnée en Jésus Christ. Renouvelés par l’Esprit Saint qui les met en condition d’obéir plus complètement à cette loi, les chrétiens ont un intérêt spécial à œuvrer pour la justice.

 

B. Parole de Dieu et engagement pour la justice

59. La Parole de Dieu – incarnée, écrite et proclamée – est le fondement de l’engagement des chrétiens pour la justice. Le Verbe incarné, Jésus Christ, incarne de façon éminente la justice de Dieu, comme nous le voyons dans sa proclamation à la synagogue de Nazareth : « ‘L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur’. Il roula le livre, le rendit aux servants, et s’assit ; tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui. Alors il commença à leur dire : ‘Aujourd’hui cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez’ » (Lc 4,18-21, citant Es 61,1-2).

60. La justice proclamée et incarnée par Jésus présuppose la tradition vétérotestamentaire qui témoigne de la justice de Dieu. Dieu est le juge juste (Ps 7,10 ; 11,7 ; Jr 11,20) et il régit et ordonne toutes choses avec droiture (Dt 32,4 ; Ps 119,137; Es 5,16). La justice de Dieu dure à jamais (Ps 119,142), et elle apporte la libération au peuple d’Israël conformément à sa promesse (Ps 103,6 ; Es 42,6-7 ; 45,13.24-25, et en général Es 40-66). La justice est aussi une vertu morale qui désigne l’observance par l’homme des commandements de Dieu, en sorte qu’il fait régner la justice ou agit avec droiture (Gn 18,19 ; Ps 106,3 ; 119,40.106 ; Pr 21,3 ; Es 56,1 ; 58,2). Dans l’Ancien Testament, les dons de Dieu du ciel et de la terre, de la mer et des terres émergées, de la végétation et des animaux, de la terre promise à Israël nous appellent non seulement à entretenir des relations humaines justes, mais aussi à veiller sur la création de Dieu et à la protéger.   

61. Alors qu’une dimension de la justice biblique est résumée dans la règle d’or : « Comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux » (Lc 6,31), le Nouveau Testament encourage une forme de justice encore plus radicale, à l’exemple de Jésus : « Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous » (Ep 5,2). L’Écriture nous demande donc non seulement d’agir de façon juste et cohérente en traitant les autres comme nous voudrions être traités, mais de traiter les autres comme nous avons nous-mêmes été déjà traités. Le Christ a payé un prix infini pour nous délivrer du péril d’une mort éternelle. Ainsi nous a été épargnée une condamnation qui, sinon, était inéluctable. Désormais nous ne pouvons que vivre une vie de gratitude. Notre modèle de conduite est déterminé non plus par notre désir d’être traités de façon juste, mais par l’acte salvifique d’amour radical de Jésus qui s’est sacrifié pour nous.

62. Nous entendons et répondons généralement à la Parole de Dieu dans et par la proclamation par l’Église de la bonne nouvelle de l’œuvre de rédemption de Dieu en Christ, selon laquelle « tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu, mais sont gratuitement justifiés par sa grâce, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus Christ. C’est lui que Dieu a destiné à servir d’expiation par son sang, par le moyen de la foi, pour montrer ce qu’était la justice, du fait qu’il avait laissés impunis les péchés d’autrefois » (Rm 3,23-25). La mort du Christ sur la croix pour nous et pour notre salut révèle aussi la profondeur de son amour compatissant à l’égard des opprimés et des marginalisés.

63. La proclamation de cet évangile a des implications évidentes sur l’engagement social de ceux qui suivent Jésus. La foi engendrée par l’écoute de la Parole guérit la personne blessée par le péché et la pousse à œuvrer pour la justice dans et hors des limites de l’Église. Comme le note le Pape François dans son exhortation sur la joie de l’Évangile :

En lisant les Écritures, il apparaît du reste clairement que la proposition de l’Évangile ne consiste pas seulement en une relation personnelle avec Dieu. Et notre réponse d’amour ne devrait pas s’entendre non plus comme une simple somme de petits gestes personnels en faveur de quelque individu dans le besoin, ce qui pourrait constituer une sorte de « charité à la carte », une suite d’actions tendant seulement à tranquilliser notre conscience. La proposition est le Royaume de Dieu (Lc 4,43) ; il s’agit d’aimer Dieu qui règne dans le monde[111].

Et comme le dit la Confession de foi de Belhar de l’Église réformée en cours d’union en Afrique du Sud :

Nous croyons que Dieu a confié à l’Église le message de la réconciliation dans et par Jésus Christ ; que l’Église est appelée à être le sel de la terre et la lumière du monde, que l’Église est appelée bénie parce qu’elle est un artisan de paix, que l’Église est le témoin, tant en parole qu’en actes, du ciel nouveau et de la terre nouvelle où réside la justice[112].

Ces deux déclarations mettent en lumière notre conviction partagée que l’Église est dirigée, au-delà d’elle-même, vers le monde auquel elle est appelée à rendre témoignage de la bonne nouvelle du règne d’amour et de justice de Dieu.

 

C. Sacrements et engagement pour la justice

64. Les sacrements, comme expressions de la foi, clarifient le sens de la justice et appellent les croyants à s’engager pour un monde plus juste. Un aspect essentiel de la réponse de gratitude du croyant pour ce que Dieu a fait dans sa vie consiste à vivre une vie digne de l’appel à la sanctification et à la sainteté. La sanctification des croyants par l’Esprit Saint les pousse à promouvoir la justice, que l’Écriture associe au règne de Dieu : « Car le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson : il est justice, paix, et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17). Les liturgies baptismales de nos Églises tendent à souligner les thèmes bibliques liés au salut dans le Christ, surtout ceux de la participation au mystère pascal de la mort et résurrection du Christ et de la naissance en Christ qui fait du baptisé une créature nouvelle. Mourir et ressusciter avec le Christ, prendre part à sa vie par la grâce qui donne la vie, devenir un enfant adoptif de Dieu : ces dimensions fondamentales du baptême poussent les chrétiens à se conformer au Christ, dont la mission et l’identité sont si profondément vouées au soulagement des misères humaines. Une caractéristique essentielle de la vie baptismale selon le modèle de la Trinité est qu’elle est orientée vers la mission. Le Père a envoyé le Fils pour donner l’Esprit. Le baptême de Jésus a inauguré sa mission. Oint par l’Esprit à son baptême, Jésus a d’abord été tenté au désert, puis il est retourné en Galilée proclamer la venue du royaume de Dieu (cf. Mc 1,9-15 ; Lc 3,21–4,14). De façon analogue, le chrétien, conformé au Christ par le baptême et oint par l’Esprit, est envoyé hâter l’avènement du règne de Dieu, participer à la mission du Christ, manifester l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit, et contribuer ainsi à changer le monde. En définitive, l’avènement de ce règne est l’œuvre de Dieu :

Assurément, nous ne pouvons pas « construire » le règne de Dieu de nos propres forces – ce que nous construisons demeure toujours le règne de l’homme avec toutes les limites qui sont propres à la nature humaine. Le règne de Dieu est un don, et c’est pourquoi justement il est grand et beau, et il constitue la réponse à l’espérance. Et nous ne pouvons pas – pour utiliser la terminologie classique – « mériter » le ciel grâce à « nos propres œuvres ». Il est toujours plus que ce que nous méritons ; il en va de même pour le fait d’être aimé qui n’est jamais une chose « méritée », mais toujours un don[113].

 

D. L’Eucharistie et la justice dans le monde

65. À notre grand regret, nous devons reconnaître que, même si nous sommes d’accord sur les implications de l’Eucharistie pour la justice, nos deux communions ne peuvent toujours pas célébrer l’Eucharistie ensemble. Les raisons de cette situation n’ont pas encore été affrontées par un dialogue entre nos Églises au niveau international, mais nous espérons qu’elles le seront à l’avenir[114]. En gardant ceci présent à l’esprit, nous sommes néanmoins en mesure de déclarer ensemble ce qui suit.

66. L’Eucharistie, par sa nature même, conduit au partage et à la sollicitude envers les pauvres et les plus défavorisés. L’un des plus anciens récits de l’Eucharistie, en 1 Co 11,17-34, est un bon point de départ pour considérer sa signification sociale. Paul écrit pour exhorter les Corinthiens à corriger certains abus, tels que les disparités dans la distribution de la nourriture et de la boisson, certains en ayant plus qu’à suffisance tandis que d’autres en avaient très peu. La communauté était déchirée par cette consommation somptuaire au détriment des pauvres et des indigents. Sa célébration du Repas du Seigneur était en contradiction avec la communion, qui est le sens même de l’Eucharistie. Dans l’évangile de Jean, le miracle de Jésus de la multiplication des pains et son discours sur le pain de vie fait explicitement référence à la manne – le pain du ciel – qui a nourri les Hébreux pendant leur voyage à travers le désert vers la terre promise (cf. Jn 6,31-33 et Ex 16). Cette nourriture pour le peuple durant son exode d’Égypte fut une expérience miraculeuse de solidarité et de partage au cours de laquelle ceux qui en recueillirent beaucoup n’eurent pas de reste, et ceux qui en recueillirent peu n’en manquèrent pas (Ex 16,18). L’Eucharistie, tout comme la manne dans le désert, est une nourriture pour le peuple en marche vers la vraie terre promise révélée par Jésus qu’est le règne de Dieu. L’Eucharistie est essentiellement un repas partagé, dont les théologiens ont montré qu’il est associé de près à la célébration pascale ; c’est l’un des moments culminants du ministère de Jésus, qui partageait souvent ses repas avec ceux qui le suivaient ou avec les publicains et les pécheurs, et qui encourageait ses disciples à inviter les pauvres, les infirmes, les boiteux et les aveugles, incapables de payer de retour leur générosité (Lc 14,13-14). Qui plus est, l’Eucharistie est l’expression du don de soi et de l’amour sacrificiel du Christ qui a dit : « Ceci est mon corps donné pour vous » (Lc 22,19 ; 1 Co 11,24), et « Ceci est mon sang versé pour vous » (Mt 26,28 ; Mc 14,24 ; Lc 22,19), versets qui font écho au chant du serviteur souffrant en Esaïe 53,4-6. La célébration du don de soi par amour du Christ dans l’Eucharistie appelle ceux qui y participent à faire comme lui, en offrant leurs propres actions en faveur de ceux qui sont dans le besoin. On peut voir ainsi que le sens profond de l’Eucharistie est la charité. La charité est au cœur de l’engagement social de l’Église :

La charité est amour reçu et donné. Elle est « grâce » (charis). Sa source est l’amour jaillissant du Père pour le Fils, dans l’Esprit Saint. C’est un amour qui, du Fils, descend sur nous. C’est un amour créateur, qui nous a donné l’existence ; c’est un amour rédempteur, qui nous a recréés. Un amour révélé et réalisé par le Christ (cf. Jn 13,1) et « répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Objets de l’amour de Dieu, les hommes sont constitués sujets de la charité, appelés à devenir eux-mêmes les instruments de la grâce, pour répandre la charité de Dieu et pour tisser des liens de charité. La doctrine sociale de l’Église répond à cette dynamique de charité reçue et donnée. Elle est caritas in veritate in re sociali : annonce de la vérité de l’amour du Christ dans la société[115].

67. Le lien entre Eucharistie et charité a été agréablement souligné par les premiers auteurs chrétiens. D’après la Didaché, l’Eucharistie est censée marquer la fin de toutes les divisions culturelles, en particulier celles nées de l’inimitié, tout en engageant tous ceux qui y participent à partager avec les pauvres[116]. Justin Martyr écrivait, à propos du culte chrétien au IIe siècle :

Le jour qu’on appelle le jour du soleil, tous, dans les villes et à la campagne, se réunissent dans un même lieu… Ceux qui sont dans l’abondance, et qui veulent donner, donnent librement chacun ce qu’il veut, et ce qui est recueilli est remis à celui qui préside, et il assiste les orphelins, les veuves, les malades, les indigents, les prisonniers, les hôtes étrangers, en un mot il secourt tous ceux qui sont dans le besoin[117].

Quelques décennies plus tard, Tertullien parle de l’Eucharistie dans un contexte où elle semble être associée à la pratique d’œuvres de charité de la part de la communauté chrétienne, en particulier en faveur des plus faibles et de ceux qui sont persécutés[118]. Peut-être plus importante encore est la pratique réelle de quelques-unes des diverses Églises au sujet desquelles nous avons quelques informations.  

68. On peut voir ainsi que l’Église, dans les divers contextes, en utilisant ce qui est bon dans les cultures et en dénonçant ce qui est contraire à l’Évangile, est appelée à être une communauté transformante qui prend soin des pauvres, des démunis, des humiliés. Elle doit refléter les paroles de Jésus pendant la Cène : « À ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35). L’Eucharistie produit et incarne la vraie réconciliation. La troisième phase du dialogue entre nos communautés a réfléchi sur le rôle de l’Église face à la politique de ségrégation raciale en Afrique du Sud, où le facteur qui a déclenché la réflexion sur le système de l’apartheid a été précisément le refus de la part de certains de célébrer le Repas du Seigneur de telle façon que tous les croyants puissent y participer[119]. L’Eucharistie appelle la communauté chrétienne à surmonter ces divisions. L’Eucharistie indique de la façon la plus éminente ce que signifie être un chrétien. Sa célébration implique nécessairement un certain style de vie. En ce qui concerne la justice, l’Eucharistie rappelle et manifeste qu’en Christ, la justice de Dieu a été révélée comme un don et une réponse humaine. Par l’offrande de son corps et par l’effusion de son sang, un nouvel ordre a été définitivement établi. Chaque célébration de l’Eucharistie nous introduit dans la dynamique de la justification, réconciliation et re-création de l’humanité. Mais la force de témoignage des symboles sacramentels ne s’arrête pas à la re-création de l’humanité. Plongés dans les eaux du baptême et transformés par le partage de la manne du Christ, fruit de la terre et du travail des hommes, nous sommes appelés aussi par là-même à être des intendants responsables de la création. Notre partage de ce repas comporte également la responsabilité de sauvegarder l’environnement afin que la terre soit habitable pour tous. Face à tant de structures et de mécanismes d’injustice et d’exclusion, l’Eucharistie doit être vraiment le signe de la venue du royaume de Dieu.

 

E. Autorité et engagement pour la justice

69. L’Église, c’est-à-dire tout le peuple de Dieu, est appelée à promouvoir et à faire avancer tout ce qui conduit à l’avènement d’un monde plus juste. Pour éviter qu’un tel travail de promotion et de développement de la justice soit conditionné d’une quelconque manière par le contexte culturel, social ou politique, un processus permanent de discernement est nécessaire sous la conduite de l’Esprit Saint. Cela demande en outre d’être prêts à répondre au défi de vivre un témoignage chrétien adapté aux divers contextes.

70. Dans l’Église, il y a différents ministères et fonctions, dont certains sont assortis d’une autorité formelle, tandis que d’autres se manifestent de temps à autres de façon prophétique ou charismatique. Il faut être attentif à ne pas créer de fausses dichotomies entre autorité institutionnelle et autorité prophétique/ charismatique, ou entre voix cléricales et voix non cléricales. La collaboration entre les voix prophétiques dans l’Église et les voix de ceux qui occupent un rôle d’autorité institutionnelle doit pouvoir s’exprimer tant à l’intérieur qu’en dehors des structures formelles de l’Église.

71. L’expérience montre qu’une telle collaboration produite par l’Esprit Saint peut être précédée de tensions et de conflits. Le dialogue et le discernement, à travers une écoute mutuelle humble et priante sous la conduite de l’Esprit Saint, donne à l’Église de bonnes raisons d’espérer pouvoir atteindre le niveau d’accord nécessaire pour mener à bien sa mission en tant que peuple prophétique, sacerdotal et royal, sans porter atteinte à la légitime pluralité d’idées et de propositions qui émergent dans la communauté.

72. L’autorité formelle et le leadership au sein de l’Église sont ordonnés de façon très différente dans nos traditions respectives. Notre équipe de dialogue a réfléchi sur quelques questions découlant de ces différences, mais pas suffisamment pour en faire un rapport. Il serait donc utile à l’avenir d’entreprendre une étude des structures et des ordonnancements de nos Églises, ainsi que de leurs processus décisionnels respectifs. En particulier, une meilleure compréhension du niveau où se situe l’autorité formelle et le leadership dans nos structures ecclésiales respectives pourrait se révéler féconde du point de vue œcuménique[120].

 

F. Bâtir sur nos phases précédentes : l’Église comme « sacrement » du royaume

73. Le règne de Dieu était au cœur du ministère et de l’activité de Jésus. Dans le Notre Père, les chrétiens, réformés et catholiques, prient ensemble : « Que ton règne vienne ». Nous reconnaissons que Jésus et le règne ne font qu’un. Il ne peut y avoir de règne sans Jésus, et inversement. Lorsque nous invoquons la venue du règne, nous prions en même temps pour la venue de Jésus. Et puisque le règne de Dieu vient à nous en la personne et dans l’œuvre de Jésus, nous notons qu’il nous vient sous trois modalités. Dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, le royaume de Dieu est venu une fois pour toutes. Dans la proclamation de la Parole de Dieu et dans la célébration des sacrements, il vient parmi nous ici et maintenant. À la fin de l’histoire, quand Jésus sera révélé dans la gloire, ce règne arrivera à son accomplissement dans l’action de grâce et la louange universelles pour la miséricorde et la justice de Dieu.

74. La troisième phase de notre dialogue a réfléchi sur la signification de ce règne, telle qu’il est révélé tant dans l’Écriture que dans la tradition subséquente. Ici, nous pouvons affirmer ensemble que la réception des sacrements du baptême et de l’Eucharistie appelle les chrétiens à un engagement convaincu au service de la cause de la justice du règne de Dieu dans le monde d’aujourd’hui. Le baptême oint la communauté chrétienne, qui devient ainsi le peuple de Dieu sacerdotal, prophétique et royal. Le Repas du Seigneur nous rassemble en une communion juste, réconciliée et aimante, en renforçant les liens de communion entre et parmi les membres du corps du Christ, et en les encourageant à devenir des agents de justice, de réconciliation et d’amour dans l’Église et dans le monde. Une phase antérieure de notre dialogue a défini l’Église comme une sorte de sacrement du royaume de Dieu[121]. En approfondissant les implications qu’ont les sacrements du baptême et de l’Eucharistie sur la justice de ce royaume, notre présente phase a cherché à approfondir et à élargir la réflexion sur cette image de l’Église. Ensemble, nous réaffirmons l’espoir, exprimé par la phase précédente du dialogue, que :

notre vision du rôle ministériel et déterminant de l’Église, totalement dépendant de l’Esprit du Christ et orienté vers le Royaume de Dieu, puisse apporter une contribution à l’unité des chrétiens, qui aille au-delà de nos propres communautés. Le mouvement œcuménique dans son ensemble peut être compris comme participation au mouvement de l’Esprit-Saint qui nous appelle et nous inspire à rechercher ensemble le Royaume de Dieu, et à nous engager les uns envers les autres. Si les Églises trouvent de nouvelles manières de donner une forme à ce soutien et à cette responsabilité mutuels, nous prions alors pour qu’il en résulte une plus grande visibilité de l’Église comme signe et instrument du Royaume de Dieu[122].

À la lumière de ce qui précède, nous reconnaissons que le rapport entre eschatologie et justice pourrait être un thème important pour la recherche œcuménique future.

 

G. Inséparabilité entre œcuménisme doctrinal et pratique

75. Il y a eu, parmi les chrétiens de sensibilité œcuménique, un conflit classique entre ceux qui soutiennent que pour arriver à l’unité, il faut se concentrer sur les questions doctrinales qui ont été à l’origine des divisions historiques, telles que la justification par la foi, la sanctification et les sacrements, et ceux qui estiment que ces questions ne sont plus aussi importantes aujourd’hui, et qu’il convient plutôt de mettre l’accent sur la collaboration entre les Églises en vue de bâtir une société plus juste. Cette tension entre œcuménisme doctrinal et œcuménisme social est représentée respectivement par les mouvements œcuméniques « Foi et Constitution » et « Vie et Activité ». Notre travail dans ce dialogue a mis en lumière, nous l’espérons, un accord théologique entre nous sur l’action salvifique de l’Esprit Saint de justification et de sanctification par la grâce, par la foi. La sanctification par l’Esprit Saint, au moyen de la Parole et du sacrement, est précisément ce qui pousse les croyants et la communauté chrétienne tout entière à se mobiliser en faveur de la justice dans le monde. Ces thèmes doctrinaux classiques fournissent une ample base théologique en vue de l’engagement de la communauté chrétienne pour la justice, la paix et la protection de la création. Les questions spécifiques affrontées par l’action sociale de l’Église doivent pouvoir se fonder sur une solide réflexion théologique. L’engagement et le travail pour la justice sociale dans le monde trouvent un fondement important et irremplaçable dans l’accord sur les doctrines théologiques de la justification et de la sanctification générées dans les croyants par l’Esprit Saint, au moyen du ministère de la Parole et du sacrement de l’Église.

 

Conclusion générale

76. À l’approche de l’année 2017 qui marque les 500 ans de la Réforme, nous avons repris le thème de la justification par la foi, qui joua un rôle si important dans les controverses entre chrétiens et dans les divisions qui s’en sont suivies. Notre objectif était de considérer ce thème dans des perspectives nouvelles qui n’avaient peut-être pas été suffisamment explorées jusqu’à présent par nous-mêmes et par nos autres partenaires œcuméniques. Les trois chapitres de notre rapport traitent du rapport de la justification respectivement avec la sanctification, avec la Parole et le sacrement, et avec l’engagement pour la justice dans le monde.

77. Nous avons découvert un accord très substantiel sur le fait que justification et sanctification sont indissociables. Ce qui signifie que la justification rend possible et produit les fruits de l’action vertueuse. Le croyant justifié entame un parcours de sanctification auquel il est appelé par le Seigneur et habilité par la grâce de l’Esprit Saint. En conséquence, l’enseignement selon lequel les hommes sont sauvés par la grâce, par la foi, et non par leurs œuvres, proposé par saint Paul dans la situation particulière où il se trouvait, quand les gentils entraient dans la communauté chrétienne, ne devrait pas être un motif de division entre nous sur la signification du salut par la foi et sur l’importance des bonnes œuvres. Quelques divergences semblent subsister entre nous du fait que les réformés considèrent la justification comme étant complète et irrévocable, basée sur leur confiance dans la fidélité de Dieu à son alliance, tandis que les catholiques associent étroitement la justification à la grâce sanctifiante et croient que cette grâce peut être perdue si un croyant commet un péché grave. Dans un dialogue futur en vue d’un accord doctrinal plus large et de la pleine communion entre nous, il conviendrait d’approfondir les thèmes de l’élection divine et de la possibilité de perdre la grâce et de surmonter un péché grave.

78. Nous avons découvert aussi un accord très substantiel sur le fait que justification et sanctification sont dispensées par l’Esprit Saint au moyen de la Parole et du sacrement. Ceci nous a permis de mettre en relation notre thème de la justification et de la sanctification avec une avancée importante de deux des phases précédentes du dialogue, à savoir l’accord entre nous sur le fait que l’Église est constituée à la fois par la proclamation de la Parole et par la célébration des sacrements. Par la Parole et par le sacrement, l’Esprit Saint confère la grâce de la foi qui est au cœur de la justification et de la sanctification. Une contribution que la convergence découverte ici pourrait apporter au mouvement œcuménique tout entier serait de nuancer la conviction que les hommes sont sauvés « par la foi seule »[123]. Cette expression ne doit pas laisser dans l’ombre le fait que l’Esprit recourt à des moyens tels que les mots prononcés et audibles et les rites accomplis et visibles pour impartir la justice qui nous vient par la grâce, par la foi. Des différences significatives subsistent entre nous dans notre façon de concevoir l’efficacité salvifique de la Parole et du sacrement et dans le nombre de sacrements que nous reconnaissons. D’autre part, il est important que l’interaction charismatique entre la voix prophétique de toute la communauté de l’Église et la voix de l’autorité formellement identifiée dans l’Église reflète la nature de la communauté en tant que peuple prophétique, sacerdotal et royal, oint par l’Esprit reçu dans le baptême et nourri par l’Eucharistie. Nous n’avons pas abordé la question de savoir quelles sont précisément les fonctions ministérielles et les structures requises pour annoncer la Parole et administrer les sacrements. Cela pourrait être le thème d’un prochain dialogue.

79. Enfin, nous avons découvert un plein accord sur le fait que la doctrine théologique et la réalité de la justification par la foi et de la sanctification poussent la communauté chrétienne à s’engager pour la justice. L’impératif de la justice découle nécessairement de la justification et de l’appel de l’Église tout entière à la sainteté. Nous avons considéré tout spécialement comment la célébration de l’Eucharistie ou du Repas du Seigneur met en évidence la nécessité pour la communauté de veiller sur ceux qui sont dans le besoin. Nous avons noté à ce propos que la justice est intimement liée à la charité et à la miséricorde, que ce soit dans les Écritures ou dans la tradition. Des différences subsistent sur le point de savoir à quel niveau chaque communauté identifie l’autorité formelle. Les processus et les structures de prise de décision demeurent une question à approfondir, même si ce thème a déjà reçu un important traitement initial dans le rapport de la troisième phase du dialogue entre nos communautés sur L’Église comme communauté de témoignage commun du royaume de Dieu. Fort heureusement, le présent rapport a montré qu’il ne doit pas y avoir de tension dans le dialogue sur les questions théologiques qui nous ont traditionnellement divisés, telles que la nature de la justification, ou la collaboration à l’œuvre de justice. À notre grande joie, nous avons découvert que c’est précisément cet accord théologique qui peut fournir une base à la collaboration entre nous en vue de promouvoir la justice, la paix et la protection de la création.

80. En conclusion de cette quatrième phase du dialogue entre la Communion mondiale des Églises réformées et l’Église catholique, nous, membres de la Commission internationale bilatérale, encourageons unanimement nos deux communautés à continuer à avancer sur le chemin du dialogue. Chacun des trois paragraphes précédents met en lumière des questions qui, comme l’a montré cette phase du dialogue, nécessitent une discussion ultérieure. Les autres questions sur lesquelles ce rapport attire l’attention sont l’Eucharistie, le ministère ordonné, et l’exercice de l’autorité. Nous croyons qu’une réflexion sur la nature de l’Église comme peuple de Dieu prophétique, sacerdotal et royal/pasteur serait un thème de dialogue très prometteur, susceptible de mener à la découverte d’une plus grande convergence ecclésiologique entre nous ; c’est un thème proposé explicitement à la fois par Calvin et par la tradition réformée, et par le Concile Vatican II. Si une nouvelle commission bilatérale devait être nommée, sa première tâche pourrait être de discerner, à la lumière des paragraphes qui précèdent, quelles questions particulières lui semblent les plus urgentes en vue de la discussion dans nos Églises respectives.

81. Pour finir, nous voudrions suggérer quelques initiatives concrètes qui pourraient faciliter la réception du présent rapport.

  • Ce rapport devrait être mis à la disposition des divers bureaux œcuméniques de nos communautés aux niveaux national, régional et local ; l’Internet pourrait être utilisé pour une communication peu onéreuse et rapide, afin de promouvoir la croissance vers une plus grande unité entre nos Églises.
  • Une collaboration pourrait être mise en place dans la préparation de catéchèses sur la justification et la sanctification, étant donné qu’il existe entre nous un consensus significatif à ce sujet.
  • Des efforts pourraient être faits aux niveaux régional et local pour se mettre d’accord pour produire et utiliser des certificats de baptême communs, sachant que nos Églises reconnaissent pleinement le baptême administré selon le mandat de Jésus en Matthieu 28,19.
  • Les discussions sur l’association des réformés avec la Déclaration conjointe sur la Doctrine de la justification pourraient être poursuivies et, si possible, conduire à une telle association qui serait importante non seulement pour nos deux Églises, mais pour la communauté œcuménique tout entière.
  • À la lumière surtout du chapitre trois du présent rapport, de nouvelles initiatives visant à promouvoir ensemble la justice, la paix et la protection de l’environnement pourraient être organisées entre nos communautés à différents niveaux, dans le monde entier.

 

NOTES

[1]. À la demande de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, l’expression « l’Église catholique » désigne dans ce rapport la communauté connue aussi sous le nom d’Église catholique romaine, tandis que le mot « catholique » est utilisé en de rares occasions pour désigner l’Église tout entière, comme l’entend le credo.

[2]Ibid., 17.

[3]Ibid., 17.

[4]. Voir Paraic Réamonn, « Introduction », Reformed World 52 n. 1 (2002), 1-4.   

[5]. Michael Weinrich et John P. Burgess, eds., What is Justification about? Reformed Contributions to an Ecumenical Theme, Grand Rapids, Eerdmans, 2009.

[6]. DCDJ 43. Pour le texte complet, voir Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Service d’information N. 98 (1998/III), 85-95.

[7]. Durant l’« Année de la Foi » proclamée par le Pape Benoît XVI à l’occasion du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, la première encyclique du Pape François Lumen fidei (2013) n’a pas seulement ajouté quelque chose aux encycliques du Pape Benoît XVI sur la charité et sur l’espérance, mais est aussi entrée en résonnance avec le thème de la justification par la foi. Dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium (2013), le Pape François appelle à une proclamation renouvelée de l’Évangile face aux nombreux défis sociaux qui se présentent dans le monde d’aujourd’hui, en dédiant tout le quatrième chapitre de ce document à « La dimension sociale de l’Évangélisation » (177-258). Il écrit que « tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur. Il s’agit de cela, parce que la pensée sociale de l’Église est en premier lieu positive et fait des propositions, oriente une action transformatrice, et en ce sens, ne cesse d’être un signe d’espérance qui jaillit du cœur plein d’amour de Jésus Christ. En même temps, elle unit « ses efforts à ceux que réalisent dans le domaine social les autres Églises et Communautés ecclésiales, tant au niveau de la réflexion doctrinale qu’au niveau pratique » (183).

[8]Vers une compréhension commune de l’Église, 60, 73-75.

[9].  Ibid., 77-79.

[10]Ibid., 77.

[11]Ibid., 78.

[12]. Ibid., 77.

[13]. Ibid., 79.

[14]. Ibid., 79.

[15]. Institution de la religion chrétienne, 3.11.1.

[16]. Déclaration théologique de Barmen, 2 et Confession de 1967.

[17]. Seconde Confession helvétique, 15.

[18]. Institution de la religion chrétienne, 3.3.1.

[19]. Seconde confession helvétique, 15.

[20]. Confession de Belgique, 24.

[21]. Catéchisme de Heidelberg, 90.

[22]. Ibid., 114.

[23]Cf. Confession de Westminster 11, 5.

[24]. Décret sur la justification, 3 (1523). Pour cette référence et les suivantes aux sources de la doctrine catholique, voir Henrici Denzinger, Enchiridion symbolorum definitionum et declarationum de rebus fidei et morum, editio XLIII.

[25]. Ibid., 4 (1524).

[26]. Ibid., chap. 5 et 6. Le Catéchisme de l’Église catholique décrit ainsi cette « coopération » : « La justification établit la collaboration entre la grâce de Dieu et la liberté de l’homme. Elle s’exprime du côté de l’homme dans l’assentiment à la foi dans la Parole de Dieu qui l’invite à la conversion, et dans la coopération de la charité à l’impulsion de l’Esprit Saint qui le prévient et le garde ».

[27]Toutes les citations de ce paragraphe sont extraites du Décret sur la justification, 7 (1528-31).

[28]. Ibid., 8 (1532).

[29]. Ibid., 10 (1535).

[30]. Ibid., 12-13 (1540-41).

[31]. Ibid., 16 (1546).

[32]Cf. Concile Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde d’aujourd’hui Gaudium et spes, 10 et 45 (4310, 4345) ; voir aussi 22, 32 et 38 (4322, 4332, et 4338).

[33]Concile Vatican I, Constitution dogmatique sur la foi catholique Dei Filius, 3 (3008).

[34]Synode d’Orange II, canon 7 (377) ; Concile Vatican I, Constitution dogmatique sur la foi catholique Dei Filius, 3 (3010).

[35]Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur la révélation Dei verbum, 5 (4205). Voir aussi l’Exhortation apostolique post-synodale sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église Verbum domini (30 septembre 2010) du Pape Benoît XVI, spécialement au sujet de Dieu qui parle (6-16), de notre réponse dans la foi à Dieu qui parle (22-25), ainsi que toute la deuxième partie sur la Parole de Dieu dans l’Église, Verbum in ecclesia (50-89).

[36]Cf. Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, 9 (4122-24).

[37]DCDJ, 25.

[38]. Ibid., 26.

[39]Ibid., 24.

[40]. Ibid., 20.

[41]. Ibid., 36.

[42]. Ibid., 15.

[43]. Décret sur les sacrements, Introduction (1600). Alors que le Concile de Trente parle d’une « augmentation » dans la justification, les catholiques utilisent souvent l’expression « croissance dans la grâce » pour indiquer les progrès dans la suite du Christ. Celui qui suit le Christ « doit inlassablement avancer, selon ses propres dons et fonctions, par la voie d’une foi vivante, génératrice d’espérance et ouvrière de charité… Mais pour que la charité, comme un bon grain, croisse dans l’âme et fructifie, chaque fidèle doit s’ouvrir volontiers à la Parole de Dieu et, avec l’aide de sa grâce, mettre en œuvre sa volonté » Lumen gentium, 41, 42 (4166).

[44]DCDJ 36.

[45]Voir G.C. Berkouwer, Studies in Dogmatics, Sin, Grand Rapids, Eerdmans, 1971 ; James Hogg, The Private Memoirs and Confessions of a Justified Sinner, ed. John Wain, New York, Penguin Books, 1983.

[46]. Seconde confession helvétique, 16.

[47]Augustin, Commentaire sur l’évangile de Jean, Tractatus 3, 10 : « coronat autem in nobis Deus dona misericordiae suae » cité dans « Nuova Biblioteca Agostiniana 24 », Roma 1968, 56 ; cf. Seconde confession helvétique, 16.

[48]. Vers une compréhension commune de l’Église, 113.

[49]. L’Église comme communauté de témoignage commun du Royaume de Dieu, 193.

[50]Dialogue luthérien-catholique, Du conflit à la communion, 33. http://www.vatican.va/roman_curia/ pontifical_councils/chrstuni/lutheran-fed-docs/rc_pc_ chrstuni_doc_2013_dal-conflitto-alla-comunione_fr.html.

[51]Comité mixte catholique-protestant en France, Consensus œcuménique et différence fondamentale, Paris, 1987.

[52]. Déclaration commune, Annexe 2C, citant la « Formule de Concorde, Déclaration solide » II. 64 ss.

[53]. Vers une compréhension commune de l’Église, 86.

[54]. Baptême, Eucharistie, Ministère 1982-1990. Rapport sur le processus et réponses, Genève, Publications COE, 1990, 143-144. Ci-après la déclaration de convergence Baptême, Eucharistie, Ministère sera indiquée par les initiales BEM.

[55]On trouve une belle présentation de la signification et de l’importance du baptême dans : Confesser la foi commune : Vers une explication œcuménique de la foi apostolique exprimée dans le Symbole de Nicée-Constantinople (381), Document de Foi et Constitution n. 153, Publications COE, Genève, 1991.

[56]Récemment, les dialogues nationaux entre catholiques et réformés aux États-Unis et en Écosse ont mis en lumière des préoccupations similaires quant aux exigences pastorales vis-à-vis de ceux qui demandent le baptême pour leur enfant sans être d’aucune façon des membres actifs de l’Église, ainsi qu’au besoin urgent d’une éducation baptismale appropriée pour eux. Le rapport du dialogue aux États-Unis est intitulé These Living Watershttp://www.usccb.org/beliefs-and-teachings/ecumenical-and-interreligious/ecumenical/reformed /upload/These-Living-Waters.pdf. Le texte des Écossais, intitulé : Baptism: Catholic and Reformed, peut être consulté en anglais à l’adresse http://www.churchofscotland.org.uk/ data/assets/pdf_ file/0010/3115/Baptism document.pdf.

[57]Cf. Rm 6,3-11 ; Col 2,12 ; BEM 2. BEM cite aussi d’autres expressions bibliques désignant le baptême : être lavé du péché (1 Co 6,11) ; nouvelle naissance (Jn 3,5) ; manifestation de la lumière du Christ (Ep 5,14) ; revêtir le Christ (Ga 3,27) ; rénovation que produit l’Esprit (Tt 3,5) ; l’expérience d’être sauvés des eaux (1 P 3,20-21) ; passage à travers la mer (1 Co 10,1-2) et libération dans une nouvelle humanité où les divisions entre sexe, race ou statut social sont transcendées (Ga 3,27-28 ; 1 Co 12,13).

[58]DCDJ, 25.

[59]DCDJ, 28. Il est important de noter ici que pour les réformés, ce n’est pas au sens strict l’Esprit Saint qui justifie. Pour eux, Dieu le Père justifie le pécheur en vertu de la rédemption accomplie par le Fils (voir par ex. Rm 8,31-32), une rédemption qui inclut la justification et la sanctification. Mais comme ces dons ne nous profitent pas si l’Esprit ne nous unit pas au Christ afin que lui et ses dons soient à nous, il n’est pas inexact de dire que l’Esprit Saint joue un rôle dans notre justification.

[60]Voir la section 5, 70-73 de These Living Waters, consultable sur le site Internet indiqué au n. 56 ci-dessus.

[61]Les paragraphes 24-25 du rapport de la première phase du dialogue international catholique-réformé intitulé La présence du Christ dans l’Église et dans le monde enregistrent une convergence importante entre nous sur le rapport entre Écriture et Tradition. Cette convergence est l’un des fruits des nombreux dialogues bilatéraux ; voir W. Kasper, Récolter les fruits, 2009.

[62]. Catéchisme de Heidelberg, 74.

[63]. Ibid., 69.

[64]. Ibid., 72.

[65]. Ibid., 74.

[66]. Ibid., 70.

[67]Concile Vatican II, Constitution sur la Sainte Liturgie Sacrosanctum concilium 6 (4006).

[68]. Lumen gentium 7 (4112).

[69]. Catéchisme de l’Église catholique, 977.

[70]. Ibid., 1257. Le catéchisme parle ensuite du « baptême du sang » de ceux qui sont morts pour leur foi (1258) et du « désir du baptême » pour les catéchumènes morts avant d’avoir pu recevoir ce sacrement (1259). Le sacrement du baptême est traité aux paragraphes 1213-1284 du catéchisme. Beaucoup de ce qui est dit ici à propos du baptême est emprunté, souvent littéralement, aux paragraphes 1265-1271.

[71]. Lumen gentium 11 (4127).

[72]. Unitatis redintegratio 22 ; cf. aussi 3 (4188).

[73]Calvin, Institution de la religion chrétienne, 4.14.3, 1278.

[74]Calvin, Catéchisme de Genève, 310.

[75]. Confession de foi de Westminster, 27.3

[76]. Ibid., 27.2

[77]Voir Institutions IV.1.1.4.

[78]Concile de Trente, Décret sur les sacrements, Introduction (1600).

[79]. Sacrosanctum concilium, 59.

[80]Concile Vatican II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres, Presbyterorum ordinis 4.

[81]Une grande partie de ce qui est dit dans ce paragraphe est tiré du Catéchisme de l’Église catholique, 1115-1123.

[82]. Catéchisme de l’Église catholique, 1127.

[83]Cf. Catéchisme de l’Église catholique, 1128 : « C’est là le sens de l’affirmation de l’Église que les sacrements agissent ex opere operato (littéralement : par le fait même que l’action est accomplie), c’est-à-dire en vertu de l’œuvre salvifique du Christ, accomplie une fois pour toutes. Il s’en suit que ‘le sacrement n’est pas réalisé par la justice de l’homme qui le donne ou le reçoit, mais par la puissance de Dieu’ (Thomas d’Aquin, Summa Theologiae III, 68, 8). Dès lors qu’un sacrement est célébré conformément à l’intention de l’Église, la puissance du Christ et de son Esprit agit en lui et par lui, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre. Cependant, les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit ».

[84]. Institutions IV, 14, 17.

[85]Cf. La présence du Christ dans l’Église et dans le monde (1977), 98 ; Vers une compréhension commune de l’Église (1990), 140.

[86]. Institutions IV, 14, 20, voir aussi IV, 14, 22 ; 18, 20.

[87]. Institutions IV, 19.

[88]Concile de Trente, Décret sur les sacrements, (1601 et 1603).

[89] L’expression de Thomas d’Aquin potissima sacramenta (Summa theologiae III, q. 62, a. 5 ; cf. aussi Summa contra gentiles, IV, 72) est liée à cette idée. Voir aussi Y. Congar, « L’idée de sacrements majeurs ou principaux », Concilium 38 (1968) 25-34.

[90] Au chapitre 19 de la Seconde confession helvétique, intitulé « Des sacrements de l’Église du Christ », il est dit par exemple : « Il y en a certains qui comptent sept sacrements du nouveau peuple de Dieu. Parmi ceux-ci, nous reconnaissons que la pénitence et la consécration pastorale (non pas la consécration romaine, mais l’ordination apostolique), ainsi que le mariage sont des ordonnances de Dieu et sont utiles ; mais ce ne sont pas des sacrements ».

[91]Certains dialogues œcuménique auxquels participaient réformés et catholiques ont suggéré qu’une approche prometteuse pour aborder le désaccord sur le nombre des sacrements pourrait être de distinguer entre un usage plus large et un usage plus restreint du terme « sacrement » (cf. Lehmann, K. et Pannenberg, W., Hrsg., Lehrverurteilungen – kirchentrennend?, Band I: Rechtfertigung, Sakramente und Amt in Zeitalter der Reformation und heute, Freiburg im Breisgau: Herder/Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1985, 77-88, I. 1.2) ou entre deux « sacrements » et cinq « actes sacramentels (ou ecclésiaux) » (cf. Groupe des Dombes, L’Esprit Saint, l’Église et les sacrements (1979).

[92]Ce développement a été anticipé au XIXe siècle par Johann Adam Möhler (1796-1838) et Matthias Joseph Scheeben (1835-1888). Yves Congar et Karl Rahner, qui ont eu tous deux une grande influence dans les débats du Concile Vatican II, reconnaissaient leur dette intellectuelle envers eux.

[93]Constitution sur l’Église Lumen gentium 1 (4101).

[94]Voir par ex. K. Barth, L’humanité de Dieu, Éditions Olivetan, 2014 : « L’Église est la race spéciale des hommes, la congrégation, ou pour utiliser l’expression de Calvin, la compagnie constituée, nommée et appelée à être son témoin dans le monde par une connaissance du Dieu miséricordieux manifesté en Jésus Christ, une connaissance assez misérable, mais invincible puisque l’Esprit Saint en est l’auteur ».

[95]. Catéchisme de Heidelberg, 31.

[96]. Ibid., 32.

[97]. Lumen gentium, 25-28 (4149-53).

[98]. Ibid., 34-36 (4160-62).

[99]. Ibid., 10-13 (4125-32).

[100]. Lumen gentium enseigne que « grâce en effet à ce sens de la foi qui est éveillé et soutenu par l’Esprit de vérité, et sous la conduite du magistère sacré, pourvu qu’il lui obéisse fidèlement, le Peuple de Dieu reçoit non plus une parole humaine, mais véritablement la Parole de Dieu, il s’attache indéfectiblement à la foi transmise aux saints une fois pour toutes, il y pénètre plus profondément par un jugement droit et la met plus parfaitement en œuvre dans sa vie » 12 (4125).

[101]Cette participation concerne tous les baptisés, y compris ceux que les catholiques appellent le laïcat. Comme le dit Lumen gentium : « La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. À cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité. C’est à eux qu’il revient, d’une manière particulière, d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu’elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur » 31 (4130).

[102]Le terme dikaiosyn­ē peut être traduit soit par « justice », soit par « droiture ». Dans le Nouveau Testament, il peut exprimer simplement la qualité d’une conduite droite, comme dans ce verset : « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, non, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » (Mt 5,20). Il renvoie à un thème central de la théologie paulinienne. Paul utilise ce terme dans sa réflexion sur le rapport entre foi et œuvres selon la loi : « Mais maintenant, indépendamment de la loi, la justice de Dieu a été manifestée ; la loi et les prophètes lui rendent témoignage. C’est la justice de Dieu, par la foi en Jésus Christ, pour tous ceux qui croient » (Rm 3,21-22). D’autre part, le terme justification, dans le langage courant actuel, se réfère soit à l’activité de Dieu pour réconcilier les pécheurs avec lui, soit à l’expérience d’être réconcilié avec Dieu. Paul utilise le verbe dikaiûn pour exprimer l’action salvifique gratuite de Dieu en Christ : « Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ » (Rm 5,1).

[103]. L’Église comme communauté de témoignage commun du royaume de Dieu, 190.

[104]. Ibid., 191.

[105]Cf. le mot hébreu tzedakah, dont le sens premier est « justice ».

[106]Cf. Karl Barth, Esquisse d’une dogmatique, II/1.

[107]Voir Pape François, Evangelii gaudium, 197-201 ; Laudato si, 17-19.

[108]. Lumen gentium, 39.

[109]. Ibid., 42.

[110]La Déclaration de la consultation réformée-catholique des États-Unis sur les droits humains, intitulée « Ethics and christian unity » (1980), est consultable en anglais sur : http://www.usccb.org/beliefs-and-teachings/ ecumenical-and-interreligious/ecumenical/reformed/upload /Ethics-and-the-Search-for-Christian-Unity.pdf.

[111]. Evangelii gaudium, 180.

[112]. La Confession de foi de Belhar (septembre 1986), 3. La confession a été adoptée par le synode de la Mission de l’Église réformée hollandaise d’Afrique du Sud en 1986. En 1994, la Mission de l’Église réformée hollandaise et l’Église réformée hollandaise en Afrique se sont unies pour former l’Église réformée en cours d’union en Afrique du Sud (URCSA). Ce texte, caractérisé par un langage inclusif, a été préparé par le Bureau de théologie et de culte de l’Église presbytérienne (États-Unis). Pour le texte complet en anglais, voir : http://www.pcusa.org/site_media/media/uploads/ theologyandworship/pdfs/belhar.pdf.

[113]. Spe salvi, 35.

[114]La 7e phase de dialogue réformé-catholique aux États-Unis (2003-2010) a dédié beaucoup de temps à l’étude des convergences et des divergences dans la théologie et dans la pratique eucharistiques. Ce travail contribue à éclairer les limites actuelles de notre partage eucharistique, et à suggérer quelques thèmes pour un dialogue futur. Voir le rapport final du dialogue This Bread of Life, en particulier le paragraphe 3c sur la « Présence du Christ » et le paragraphe 3d sur « Offrande et sacrifice », ainsi que le paragraphe 4 sur les « Implications pastorales ». http://www.pcusa.org/ site_media/media/uploads/worship/pdfs/this-bread-of-life.pdf.

[115]Benoît XVI, Caritas in veritate, 5.

[116]Cf. Kenneth W. Stevenson, Eucharist and Offering, Pueblo, New York 1986, 15.

[117]. Première apologie, 67.

[118]Cf. en particulier Ad uxorem, II,4.

[119]Voir L’Église comme communauté de témoignage commun du royaume de Dieu (2007), 82-101.

[120]Voir les paragraphes 142-144 du rapport de la deuxième phase de notre dialogue Vers une compréhension commune de l’Église, et en particulier les chapitres 2 et 3 du rapport de la troisième phase de notre dialogue, L’Église comme communauté de témoignage commun du royaume de Dieu sur les études de cas de notre engagement commun en faveur de la justice et sur les structures et les processus de discernement.

[121]Cf. L’Église comme communauté de témoignage commun du royaume de Dieu, 190-193.

[122]. Ibid., 197.

[123]. Il semble que l’expression « la foi seulement » n’apparaît qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, en Jacques 2,24, qui dit qu’on n’est pas sauvé par la foi seule, sans les œuvres. Un exemple de l’accent mis par la tradition paulinienne sur la foi salvifique se trouve en Éphésiens 2,8 : « C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi : vous n’y êtes pour rien, c’est le don de Dieu ».