Rapport sur le Dialogue International entre l'Église catholique et l'Alliance baptiste mondiale 

(2006-2010)

 

La Parole de Dieu dans la vie de l’Église

 

Préface

C’est avec gratitude envers Dieu et avec une pro­fonde appréciation de l’amitié qui a grandi entre les participants catholiques et baptistes à ces conversations que nous arrivons au terme de ce travail de cinq ans. Lors de notre dernière réunion à Oxford, en Grande-Bretagne, nous avons tous ressenti une certaine tris­tesse à l’idée que nous n’allions plus nous rencontrer et partager la prière comme nous en avions pris l’habitude, mitigée seulement par notre engagement à maintenir des contacts entre nous, afin de continuer à former une communauté au moins « virtuelle ».

C’est pourquoi nous recommandons vivement ce rapport aux lecteurs baptistes et catholiques et à tous ceux qui sont intéressés aux rapports entre eux. Comme nous le disons dans notre conclusion, nous ne pensons pas qu’une tentative aussi poussée ait jamais été réalisée pour identifier avec la plus grande précision possible les convergences et les divergences entre les chrétiens catholiques et baptistes. Les lecteurs intéres­sés y trouveront un éclairage non seulement sur les croyances d’une autre communion chrétienne, mais aussi sur leurs propres convictions. En mettant nos croyances côte à côte, nous les avons mieux comprises, nous nous sommes mieux compris mutuellement, et nous avons été en mesure de progresser ensemble vers le but que nous a indiqué notre Seigneur et Maître Jésus Christ : « Qu’ils soient un ». Alors que nos lecteurs ne seront probablement pas surpris en voyant que des dif­férences subsistent entre nous, ils le seront assurément par l’ampleur de la pensée commune ainsi mise en lu­mière. Nous espérons qu’ils apprécieront le système ty­pographique que nous avons adopté, consistant à pré­senter un résumé de nos convergences dans les para­graphes en caractères gras. Nous y énonçons simple­ment ce que nous pouvons déclarer ensemble sans pré­ciser chaque fois explicitement que nous sommes d’accord. Les paragraphes en caractères ordinaires sont une sorte de commentaire de ces déclarations en ca­ractères gras, soit pour approfondir notre accord, soit pour expliquer les divergences qui subsistent.

Nous avons découvert, en nous rencontrant ainsi d’année en année, que le choix du thème général « La Parole  de Dieu dans la vie de l’Église » avait été très judicieux, non seulement parce qu’il nous a incités à ré­fléchir continuellement sur le rapport entre Écriture et Tradition, mais aussi parce qu’il a orienté notre atten­tion vers Celui qui est le Verbe de Dieu vivant et le Sei­gneur de l’Église. C’est ainsi que nous avons cherché à atteindre l’objectif fixé au moment où ces conversa­tions ont été programmées, qui était de promouvoir une vie partagée de disciples.

Nous avons jugé utile d’indiquer dans les notes en bas de page les références aux conciles catholiques et aux enseignements du Magistère, pour donner la possi­bilité aux catholiques comme aux baptistes d’approfondir ultérieurement ces questions. Nous don­nons également les références des confessions de foi baptistes historiques, qui remontent pour la plupart aux débuts du mouvement baptiste en Angleterre au XVIIe siècle, en vue d’une étude plus approfondie. Nous te­nons cependant à souligner (comme nous le précisons dans une note en bas de page) que les références ca­tholiques et baptistes ne relèvent pas du même type d’autorité, les confessions baptistes n’étant pas aussi contraignantes pour les Églises locales que ne l’est le Magistère pour les fidèles catholiques. Les baptistes apprécieront sans aucun doute ce rappel de leur héri­tage de foi, et les autres trouveront ici un témoignage significatif sur ce que les baptistes croient.

Nous espérons qu’il apparaît clairement dans tout ce rapport combien les dialogues que nous avions eu précédemment avec d’autres communions chrétiennes ont aidé et informé nos conversations. Tout cela il­lustre bien, pensons-nous, l’engagement des catho­liques et des baptistes, qui se sont efforcés de découvrir la pensée du Christ pour son Église en notre temps. C’est avec joie que nous avons ajouté une nouvelle étape à ce chemin d’espérance parcouru ensemble. En nous rencontrant comme nous l’avons fait tous les ans, juste avant Noël, nous étions prêts à dire avec l’Église primitive Maranatha! « Viens, Seigneur Jésus ! ».

 

+Arthur Serratelli
Paul S. Fiddes
Co-présidents du Dialogue international

 

 

Statut de ce rapport

Le rapport publié ici est le fruit des conversations internationales entre l’Église Catholique et l’Alliance Baptiste Mondiale. C’est un document d’étude produit par les participants à ces conversations. Les autorités qui ont nommé les participants en ont autorisé la pu­blication pour qu’il puisse faire l’objet de plus amples discussions. C’est une déclaration qui ne fait autorité ni pour l’Église Catholique, ni pour l’Alliance Baptiste Mondiale, lesquelles évalueront aussi ce document de leur côté.

 

I. Introduction : buts, historique et cadre de ces conversations

1. Les représentants de l’Église Catholique (à travers son Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens)[1] et de l’Alliance Baptiste Mondiale (à travers sa Commission Doctrine et Coopération Inter-Églises), qui se sont rencontrés dans la Cité du Vatican à Rome en mars 2006, ont publié la déclaration suivante :

« Le but de ces conversations est de répondre à la prière de Notre Seigneur Jésus Christ à son Père pour ses disciples « Qu’ils soient un… pour que le monde croie » (Jn 17, 21). Face aux défis du monde d’aujourd’hui, nous croyons que cela signifie que nous devons continuer à explorer nos bases communes dans l’enseignement biblique, la foi apostolique et les pra­tiques de vie chrétienne, ainsi que les questions qui nous séparent encore, pour :

1. accroître notre compréhension mutuelle, notre appréciation réciproque et notre charité chré­tienne les uns envers les autres ;

2. promouvoir entre nous une vie partagée de dis­ciples dans la communion de Dieu Trinité ;

3. développer et élargir notre témoignage commun à Jésus Christ, Sauveur du monde et Seigneur de toute vie ;

4. encourager de nouvelles initiatives communes sur des questions éthiques telles que la justice, la paix, la sainteté de vie, conformément au plan de Dieu et pour sa plus grande gloire. 

     Nous pensons pouvoir progresser en direction de ces buts en nous concentrant sur le thème : « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église : Écriture, Tradition et Koinonia ».

2. Le thème choisi a été traité au cours de cinq ren­contres annuelles d’une semaine, tenues chaque année au mois de décembre, entre 2006 et 2010 :

1. L’autorité du Christ dans l’Écriture et dans la Tradition, à la Beeson Divinity School de l’Université de Samford à Birmingham, Alabama, Etats-Unis ;

2. Baptême et Sainte Cène/Eucharistie, Parole visible de Dieu dans la koinonia de l’Église, au Conseil Ponti­fical pour la promotion de l’unité des chrétiens à Rome, Italie ;

3. Marie dans la communion de l’Église, à la Baptist House of Studies de la Divinity School, Duke University, Durham, Caroline du Nord, États-Unis. ;

4. Surveillance et primauté dans le ministère de l’Église, au Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens à Rome, Italie ;

5. Rencontre conclusive pour recueillir les fruits des ses­sions précédentes et préparer un avant-projet de rapport, dans deux salles de l’Université d’Oxford, au Regent’s Park College (baptiste) et au St. Benet’s Hall (bénédictin).

En chacune de ces occasions, deux ou trois com­munications théologiques ont été présentées par les membres de chaque communion (voir liste en annexe), et à la fin de la semaine, les fruits des discussions ont été recueillis dans un mémorandum commun qui est à la base de ce rapport. Un moment très enrichissant de chacune de ces rencontres a été le partage des prières du matin et du soir qui a uni les participants dans la communion, en donnant plus de profondeur à toutes nos discussions.

Il avait été envisagé initialement que la dernière ses­sion porterait sur le thème : « La Parole de Dieu dans la situation actuelle », afin d’explorer les défis qui se pré­sentent aujourd’hui à nos deux communions chré­tiennes en matière de morale, mission et évangélisation. Ce thème a été présent, comme fil conducteur, dans toutes nos conversations, mais dans notre programme serré nous n’avons pas trouvé le temps pour le traiter séparément. Nous espérons qu’il sera possible de pour­suivre ces conversations, peut-être sous une autre forme et dans un autre cadre, pour explorer plus à fond ces questions pratiques à l’aide des convergences théo­logiques mises en lumière dans le présent rapport.

3. L’histoire de ces conversations a commencé avant la rencontre de mars 2006 au Vatican. Il y avait eu précédemment une série de rencontres en 1984-88 sur le thème « Appelés à rendre témoignage au Christ dans le monde d’aujourd’hui », entre ce qui était alors le Secrétariat du Vatican pour la promotion de l’unité des chrétiens et le Département d’étude et de recherche de l’Alliance Baptiste Mondiale. Les coprésidents avaient déclaré que « ceux d’entre nous qui ont participé à ces conversations ont considéré notre expérience com­mune comme un grand don de Dieu », et le rapport s’achevait sur une note de respect mutuel et de com­préhension accrue. Un aspect essentiel de ces conver­sations avait été l’accord ferme entre baptistes et catho­liques sur la Personne et sur l’œuvre du Christ, de telle sorte qu’au moment de choisir le thème de la présente phase du dialogue, le Comité de pilotage n’a pas jugé utile d’y revenir. Cependant, il était important de men­tionner au début de ce rapport cette convergence pré­cédente qui nous a fourni la base christologique néces­saire pour aborder le thème de « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église ». Les deux délégations avaient convenu en 1984-88 que :

Les déclarations christologiques du Nouveau Tes­tament expriment la foi de personnes et de groupes. Dans leurs formes les plus anciennes, telles que nous les trouvons dans la paradosis de Paul sur la résurrection (1 Co 15, 1-11) et dans les discours « kerygmatiques » des Actes (par ex. 2, 22-24 ; 3, 14-16 ; 4, 10-12 ; 10, 40-43), Jésus est proclamé celui que Dieu a élevé (ou fait Seigneur et Messie) pour nos péchés, et celui au nom de qui nous avons été sauvés. La doctrine sur la per­sonne du Christ ne peut [donc] pas être séparée du message de l’annonce du salut que Dieu a accompli dans et par le Christ (n. 6).

L’œuvre du Christ est représentée à l’aide de di­verses métaphores telles que la justification (Ga 2, 16 ; Rm 3, 26-28 ; 5, 18), le salut (2 Co 7, 10 ; Rm 1, 16, 10, 10 ; 13, 11), l’expiation et la Rédemption (Rm 3, 24-25 ; 8, 32) et la réconciliation (2 Co 5, 18-20 ; Rm 5, 10-11). Ces expressions renvoient à l’événement ontologique et objectif par lequel Dieu a commencé à rétablir l’humanité déchue dans sa relation avec lui, en inaugu­rant une nouvelle création par la mort du Christ sur la croix et sa résurrection d’entre les morts. L’offre du salut de Dieu en Christ est reçue dans la foi, laquelle est un don de Dieu « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) (n. 10).

Les discussions sur notre témoignage au Christ ont révélé que nos deux communions sont une, car elles confessent toutes deux que Jésus Christ est le Fils de Dieu, le Seigneur et Sauveur. La foi en Christ procla­mée dans le Nouveau Testament et exprimée par les quatre premiers conciles œcuméniques, est commune à nos deux Églises. Nos discussions n’ont pas révélé de différences notables en ce qui concerne la doctrine sur la personne et l’œuvre du Christ, mais certaines diffé­rences sont apparues en ce qui concerne l’application de l’œuvre salvatrice du Christ. Nous croyons que cette communion de foi dans le Christ doit être soulignée et que nous devons nous en réjouir, car elle sert de base pour nos discussions dans d’autres domaines de la doctrine et la vie de l’Église où de sérieuses différences subsistent (n. 11).

4. Ces « différences » qui subsistent, mentionnées dans le précédent rapport, portent sur l’autorité et sur la méthode théologique (à propos de l’Écriture et la Tradition), sur la « forme de la koinonia » telle qu’elle est vécue aujourd’hui dans l’Église, et sur le rapport entre foi et sacrements. À ces trois thèmes, le rapport ajoutait la nécessité de clarifier les termes « mission » et « évan­gélisme/évangélisation », et la nécessité d’aborder le défi d’un témoignage commun en tenant compte des divergences sur « la place de Marie dans la foi et dans la pratique ». Comme on l’a vu plus haut (n. 2), les pré­sentes conversations ont traité quatre des cinq « thèmes qui demandent à être explorés plus à fond ». Le pre­mier thème, considéré comme la clé de tout le reste, nous a occupés durant notre toute première rencontre en 2006.

Le Comité de pilotage de mars 2006 était conscient qu’en approfondissant ces points spécifiques dans le cadre du thème d’ensemble « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église » au lieu de passer en revue les diverses questions comme cela avait été fait précédemment, il serait possible d’avancer au-delà de la simple compré­hension mutuelle des premières étapes, en direction d’un rapport ayant le caractère d’une « vie partagée de disciples ». Nous remarquons que le premier para­graphe du programme proposé en 2006 est moins ti­mide que la préface du rapport de 1988. Nous pou­vions parler désormais d’accroître la compréhension mutuelle qui existait déjà entre nous (point 1), d’élargir le témoignage commun que nous rendions déjà à Jésus Christ (point 3), et de développer les initiatives communes que nous menions déjà sur les questions éthiques (point 4). Le but de nos conversations n’était pas de chercher à établir une structure ecclésiale unitaire (appelée aussi unité « organique ») ; mais nous sentions que nous pouvions cette fois nous donner comme but de devenir plus clairement « un » selon la prière de Jésus. Il faut dire que dans les années 1980, certaines Conventions baptistes d’Amérique du Sud émettaient de fortes ré­serves quant à l’éventualité de s’engager dans un dia­logue mutuel avec les catholiques, à cause de ce qu’elles voyaient comme des obstacles au témoignage de l’évangile des baptistes. Mais lors de l’Assemblée an­nuelle de l’Alliance Baptiste Mondiale à Mexico en juil­let 2006, le Secrétaire général Denton Lotz avait fait sa­voir que les responsables baptistes latino-américains avaient déclaré récemment comprendre et approuver les raisons de ces nouvelles conversations[2].

5. Nous pouvions profiter en outre des conversa­tions informelles tenues avant 2006 sur diverses ques­tions identifiées préalablement. En 2001, une rencontre s’était tenue à Buenos Aires, en Argentine, entre les re­présentants du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et l’Union des Baptistes d’Amérique Latine en présence du Cardinal Kasper, alors président du Conseil Pontifical, avec des commu­nications sur la koinonia et sur les sacre­ments/ordonnances. La discussion sur ces thèmes re­prit lors des deux premières rencontres des présentes conversations. En décembre 2003, lors d’une rencontre entre les théologiens baptistes européens et le Conseil Pontifical dans la Cité du Vatican, des communications furent données sur les deux thèmes principaux : la « Déclaration conjointe sur la doctrine de la justifica­tion » des catholiques et des luthériens, et le ministère pétrinien à la lumière de l’Encyclique Ut unum sint (« Qu’ils soient un »), où Jean-Paul II parlait de la place spéciale de l’Évêque de Rome en tant que ministre d’unité pour les Églises. Au cours de ces conversations, un théologien baptiste a fait une communication dans laquelle il déclarait que le ministère pétrinien ne pouvait être abordé que dans le cadre plus général d’une théo­logie de la « surveillance » dans l’Église[3]. Telle est la stra­tégie que nous avons suivie lors de la quatrième rencontre des présentes conversations. Un an plus tard, en décembre 2004, notre attention s’est déplacée en Amérique du Nord, où des communications ont été données à Washington par les baptistes américains et les théologiens nommés par le Conseil Pontifical sur le baptême et sur la Vierge Marie. Une communication de la délégation baptiste à cette rencontre de décembre 2004 affirmait que les évangéliques devaient honorer Marie comme l’ont fait l’Écriture et l’Église primitive, qui ont vu en elle un exemple pour tous les croyants en raison de sa docilité à la Parole de Dieu et qui ont re­connu l’importance de son rôle dans l’histoire du salut[4]. Ces thèmes ont été repris durant la deuxième et la troi­sième rencontre des présentes conversations.

6. Reconnaissants pour les bases précieuses offertes par les précédentes conversations entre baptistes et catholiques, nous allons maintenant aborder le contenu de nos présentes conversations. Le lecteur retrouvera le même schéma dans les cinq parties ci-dessous. Les points d’accord entre les représentants baptistes et catholiques figurent, sous une forme condensée, en caractères gras. Les paragraphes en caractères or­dinaires qui suivent ou qui précèdent sont un appro­fondissement de nos convergences ou une constatation des divergences qui subsistent. Il en ressort un certain degré de consensus, mais aussi quelques différences entre nous. Nous espérons que cette présentation met­tra en lumière, à mesure que la lecture de ce rapport progresse, à quel point nous partageons une vie de dis­ciples chrétiens.

 

II. La Koinonia de Dieu Trinité et l’Église

7. Le Dieu unique existe de toute éternité dans la vie de relation et dans la communion (koinonia) des trois Personnes, Père, Fils et Saint-Esprit. Jésus Christ, le Fils éternel, est le Verbe de Dieu, auto-communication d’amour oblatif de Dieu. Jésus Christ est donc l’auto-révélation de Dieu qui nous appelle à participer à la communion de la vie trinitaire de Dieu et à la communion (koinonia) entre nous. Il en résulte que la Parole de Dieu dans l’Église, au sens le plus plein du terme, est le Christ lui-même, qui règne en Seigneur par la grâce et la puissance de l’Esprit.

8. Lors de notre première série de rencontres, nous avons commencé par énoncer la doctrine du Verbe de Dieu dans le cadre de la koinonia de Dieu Trinité. La doctrine de la Trinité affirme que la vie de Dieu est ca­ractérisée par des relations mutuelles d’un amour qui se donne et se reçoit, et où chacune des trois « per­sonnes » (le terme grec d’hypostasis signifie « identité distincte ») est entièrement définie par ses rapports au sein de l’être unique de Dieu. Nous n’avons trouvé au­cune différence entre nous, baptistes et catholiques, en ce qui concerne notre confession de Dieu Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit et nous avons eu la joie d’ajouter cet accord à notre consensus précédent sur la nature et sur la personne du Christ (voir plus haut, n. 3). Le Christ, en tant que Verbe de Dieu, est l’auto-communication de Dieu. En sorte que le Verbe n’est pas tant un en­semble de propositions ou de concepts, que l’auto-dé­voilement personnel de Dieu. Non seulement il révèle la nature de Dieu Trinité en nous montrant le Père disant éternellement le Verbe – le Fils – dans l’histoire, mais il nous appelle à participer à la vie trinitaire. On peut donc dire que la communion (koinonia) de Dieu est le fon­dement de la communion de l’Église (Jn 17, 22-3, 1 Jn 1, 3, Ep 4, 3-6, 2 P 1, 4).

Ces dernières années, ce langage nous est devenu commun, à nous qui sommes catholiques, protestants, ou en l’occurrence baptistes. À travers le travail de nos théologiens, nous avons tous souligné que Dieu « en lui-même » correspond à « Dieu pour nous » ; nous avons affirmé que ce Dieu qui est éternellement, dans la communion trinitaire, doit être ce même Dieu que nous connaissons à travers la Révélation. Les hommes peuvent donc s’engager dans l’histoire des rapports mutuels de la Trinité et sont appelés à participer à la vie même de Dieu. L’une des implications de cette théolo­gie de la koinonia est que l’œuvre salvatrice du Christ (voir n. 3 ci-dessus) intervient dans le cadre d’un abais­sement de Dieu qui a permis que le lien d’amour entre Jésus et son Père soit menacé sur la croix par le péché humain, comme l’a révélé l’appel au pardon de Jésus. La fragilité de l’amour humain dans le monde est ainsi sauvée par l’amour sacrificiel de Dieu au moyen de la mort de Jésus et de sa résurrection d’entre les morts. 

9. Parce que la koinonia de l’Église participe de celle de la Trinité, l’Église est placée sous le gouvernement du Verbe, qui est le Christ. Une précédente communi­cation du groupe catholique affirmait que « le Christ demeure réellement présent dans son Église », en sorte que « le Seigneur Jésus crucifié et ressuscité accom­pagne et guide dans l’Esprit la communauté qu’il a ras­semblée ». Tant les baptistes que les catholiques ont fait référence dans la discussion aux paroles du Christ res­suscité en Matthieu 28, 20 : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps », et les baptistes ont expliqué qu’un autre verset sur ce thème a eu une importance historique pour eux, à savoir Matthieu 18, 20 : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Tout cela est un terrain commun dans l’Église du Christ. Les différences commencent à apparaître lorsque nous examinons les implications de la présence du Christ par laquelle est gouverné le peuple de Dieu, au niveau de la forme et de la structure de l’Église (voir les n. 14-15 ci-dessous).

10. La koinonia trinitaire consiste non seulement dans les rapports entre le Père et le Fils – par exemple le Père envoie le Fils en mission dans le monde, et le Fils glorifie le Père par son obéissance – mais aussi dans leurs rapports mutuels avec et dans l’Esprit Saint. Alors que les Églises d’Occident tendent à voir princi­palement dans l’Esprit un « lien d’amour » entre le Père et le Fils au sein de la Trinité, les Églises d’Orient nous rappellent que l’Esprit a une identité propre et une ac­tivité personnelle distincte au sein de la communion de l’unique Dieu. À propos de ce troisième mouvement de la relation, l’Écriture utilise des images évocatrices telles que : souffle de vent, respiration, huile qui se répand, battement d’ailes, eau qui coule, feu qui brûle. Toutes ces images indiquent une activité qui stimule, ouvre, approfondit et provoque. Pour Richard de Saint-Victor, nous pouvons concevoir le rôle de l’Esprit comme ou­vrant les autres personnes divines à de nouvelles pro­fondeurs de relations[5] ; avec des théologiens contempo­rains, nous pouvons le concevoir aussi comme une ouverture de Dieu à de nouvelles possibi­lités pour le futur, une ouverture à une interaction et à un partenariat entre Dieu et le monde. L’Esprit ouvre donc cette koinonia à des dimensions de relations tou­jours nouvelles.

En relation avec le Verbe, l’Esprit ne rend pas seu­lement possible la réception de la Parole, en faisant participer les hommes à la vie divine ; il leur permet aussi de découvrir des aspects inédits et imprévus de la Parole ; c’est pourquoi l’Esprit est souvent associé à la prophétie, ou capacité de voir la réalité plus en profon­deur. Le Verbe et l’Esprit participent ensemble à la vie de l’Église : l’auto-expression du dessein de Dieu et le renouvellement continuel de ce dessein se rejoignent car, comme l’a dit un spécialiste de l’Ancien Testament, Dieu tient toujours sa promesse de façon inattendue[6]. Il s’ensuit que notre perception du dessein de Dieu a be­soin d’être sans cesse renouvelée. C’est un argument en faveur de l’importance de la Tradition, dans laquelle le Verbe parle d’une façon nouvelle dans des temps nou­veaux. C’est aussi un argument en faveur d’un renou­vellement et d’une réforme de l’Église[7] qui doit être tou­jours prête à se laisser interpeller et provoquer par le Verbe.  

Il est important de noter que pour les catholiques, l’unité fondamentale entre la mission du Verbe et celle de l’Esprit Saint découle du fait que l’action de l’Esprit n’est pas extérieure ou parallèle à celle du Christ. Il y a une seule économie du salut du Dieu Un et Trine, réali­sée dans le mystère de l’incarnation, de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu par l’intervention de l’Esprit Saint, et dont la valeur salvifique s’étend à toute l’humanité et à tout l’univers : « Les hommes ne peuvent entrer en communion avec Dieu que par le Christ, sous l’action de l’Esprit »[8].

11. L’Église doit donc être vue comme une koi­nonia (« communion », « participation » ou « amour ») fondée sur la koinonia de Dieu Trinité. Les croyants sont introduits dans cette koinonia par la participation à la communion du Père, du Fils et du Saint-Esprit. En même temps, ils sont en koinonia par leur participation à la commu­nauté des croyants rassemblés par le Christ dans son Église : « ... ainsi vous serez unis à nous dans la communion que nous avons avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (1 Jn 1, 3). Même si l’expression « ecclésiologie de communion » est relativement récente et qu’elle est utilisée plus fré­quemment par les théologiens catholiques que par les théologiens baptistes, nous reconnaissons en­semble qu’elle exprime ce qui est au cœur de la nature de l’Église.

12. Le principe de koinonia s’applique à la fois à l’Église réunie dans les assemblées locales et à toutes ces assemblées réunies ensemble, que ce soit dans une association régionale d’Églises (se­lon le modèle baptiste), dans une Église locale (comme chez les catholiques), ou dans des expres­sions encore plus larges de l’Église universelle. Ensemble, nous reconnaissons que la communion locale ne découle pas de l’Église universelle, et que l’Église universelle n’est pas la somme de ses diverses formes locales, mais qu’il y a existence mutuelle et co-inhérence entre l’Église locale et l’Église universelle du Christ.

13. Malgré cette convergence, une certaine asymé­trie subsiste entre les baptistes et les catholiques sur la signification de l’Église « locale ». Les catholiques défi­nissent l’Église locale (qui correspond généralement à une « Église particulière » ou diocèse)[9] comme :

une portion du Peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu’avec l’aide de son presbyte­rium, il en soit le pasteur : ainsi le diocèse, lié à son pasteur et par lui rassemblé dans le Saint-Esprit grâce à l’Évangile et à l’Eucharistie, constitue une Église particulière[10].

Pour les catholiques, le ministère de l’évêque est es­sentiel pour l’identité de l’Église locale puisque son of­fice témoigne de la continuité de l’Église avec ses ori­gines apostoliques. C’est dans l’Église locale que les fi­dèles sont rassemblés par la prédication de l’Évangile du Christ et que le mystère de l’Eucharistie est célé­bré[11]. Donc pour les catholiques, l’Église « locale » est définie et identifiée par la parole, les sacrements et le ministère apostolique.

La conception baptiste de l’Église « locale » est as­sez semblable en principe pour ce qui est des trois élé­ments mentionnés ci-dessus, mais elle se traduit par l’identification de l’Église locale avec une congrégation plutôt qu’avec un diocèse. Les baptistes définissent l’Église locale comme une congrégation de croyants réunis par la foi et par le baptême, où la Parole de Dieu est prêchée et où la Sainte Cène est célébrée[12]. Pour les baptistes, le troisième élément, celui du ministère apostolique, n’est pas absent, mais il est représenté par le ou les ministres choisis par les membres de la con­grégation locale pour servir parmi eux. Considéré du point de vue théologique, l’office de ces ministres est « épiscopal » puisqu’ils exercent la « surveillance » (episkopè) ; les premiers baptistes appelaient leurs mi­nistres « anciens » (presbuteroi) ou « évêques » sans dis­tinguer entre ces deux termes[13]. (Le sens et la pratique de l’episkopè seront examinés plus loin dans ce rapport). Ce ministère est aussi considéré comme apostolique, en ce sens qu’il continue le témoignage des apôtres au Christ et qu’il introduit la congrégation dans la tradition de la foi apostolique. Cette conception du « ministère apostolique », à défaut duquel les premiers baptistes croyaient que l’Église locale n’était pas « complètement organisée selon la pensée du Christ »[14], se traduit donc pour eux par l’équivalence entre Église locale et con­grégation locale.

Il faut ajouter que même si les catholiques n’identifient pas l’Église locale à la paroisse, cette der­nière n’en est pas moins le lieu du culte eucharistique dominical et de l’initiation chrétienne, où le peuple de Dieu vit l’Église de la façon la plus immédiate. C’est dans la paroisse que les catholiques se rassemblent pour entendre la proclamation de l’Évangile du Christ et pour s’unir au Christ et les uns aux autres dans la célé­bration de l’Eucharistie.

14. Malgré l’accord sur la base d’une « ecclésiologie de communion » dans la communion de Dieu Trinité, on peut discerner des différences entre baptistes et ca­tholiques. Pour les catholiques, chaque paroisse est dans un rapport de communion avec son évêque, et chaque diocèse est dans un rapport de communion avec l’Église universelle à travers l’union avec l’Évêque de Rome. Étant en communion entre eux et avec l’Évêque de Rome, les évêques assurent la continuité des Églises avec l’Église apostolique. Les Églises locales sont en communion entre elles, et cette communion est exprimée visiblement et personnellement par la collé­gialité des évêques, chaque évêque représentant sa propre Église « particulière » au sein du collège épisco­pal – c’est-à-dire dans l’assemblée de tous les évêques en communion avec l’Évêque de Rome. Ce rapport de communion s’exprime concrètement par leur sollici­tude pour l’Église tout entière, notamment à travers leurs efforts communs en matière d’évangélisation, d’assistance aux autres Églises, et de collaboration aux actions communes[15]. Cette coopération est organisée le plus souvent par les « conférences épiscopales » régio­nales qui expriment concrètement cette communion, bien qu’elles ne puissent pas exprimer la plénitude de la communion, ni la plénitude de la collégialité de tout le collège épiscopal au niveau mondial représentant toutes les Églises particulières (diocèses) dans la communion de l’unique Église.

L’Église Catholique se considère donc comme une unique Église qui se manifeste concrètement dans chaque Église locale. Comme l’a dit Jean-Paul II, « l’Église Catholique subsiste dans chaque Église parti­culière, qui ne peut être complète que par une réelle communion dans la foi, les sacrements et l’unité avec le corps du Christ tout entier »[16]. L’Église particulière re­présente l’Église universelle comme le lieu spécifique où l’Église universelle est manifestée et rencontrée, mais elle ne peut manifester cette universalité que par sa communion avec les autres Églises particulières.

15. Pour les baptistes, par le fait que le Christ gou­verne au milieu de l’assemblée locale (voir le n. 9 sur le gouvernement du Christ comme Verbe), chaque as­semblée des croyants jouit de certaines prérogatives : les premiers baptistes les appelaient « signes (ou sceaux) de l’Alliance ». Comme la congrégation prend part au triple office du Christ, prophète, prêtre et roi, il lui ap­partient de choisir son ministre, de célébrer les sacre­ments ou ordonnances de l’Évangile, et d’organiser sa vie sous la conduite du Christ[17]. Cette autorité ne lui appartient pas en propre ; elle appartient au Christ avec qui elle la partage. La congrégation est gouvernée par le Verbe parce que le Christ ressuscité est présent au mi­lieu d’elle et que ses membres s’efforcent de discerner sa volonté dans les paroles de l’Écriture et cherchent ensemble à découvrir sa pensée dans leurs réunions ec­clésiales. Les baptistes croient qu’aucune autorité exté­rieure, humaine ou ecclésiale, ne peut être imposée aux congrégations locales, qui doivent être libres d’organiser leur propre vie. Il ne s’agit pas d’une « au­tonomie » – un concept moderne qui signifie « auto­gouvernement » et que les baptistes n’ont appliqué à l’Église locale qu’à la fin du XIXe siècle. La liberté des congrégations locales n’est pas la liberté individualiste des Lumières, mais une liberté « sous la règle du Christ ».

Chaque Église locale est cependant « en commu­nion » avec les autres, non pas à travers ses ministres ou ses évêques, mais directement à travers le Christ qui gouverne aussi les autres expressions de l’Église. Il gouverne les assemblées d’Églises réunies en « associa­tions », et il gouverne les conseils et les conventions d’Églises au niveau national. Dans toutes ces assem­blées, les Églises doivent se mettre à l’écoute de sa pa­role, chercher à connaître sa pensée, à discerner son dessein pour elles. Mais comme le Christ gouverne aussi les associations d’Églises, les Églises locales doivent prendre très sérieusement en considération leurs résolutions, comme moyen pour découvrir le des­sein du Christ pour leur vie et leur mission dans le monde, tout en conservant la liberté de leurs décisions finales. En outre, en s’associant et en se regroupant, elles ont l’occasion de s’entraider et de partager leurs ressources et leurs initiatives sociales et évangélisatrices au niveau trans-local. Les Églises locales sont interdé­pendantes, mais les baptistes n’ont pas cherché à codi­fier les rapports entre elles en structures d’autorité ou en questions de droit canonique, laissant l’autorité au Christ dont la volonté doit être discernée dans chaque situation. Comme le dit la Confession de foi de Londres de 1644 :

Quoique les assemblées particulières constituent des corps distincts et séparés, chacune est en elle-même une cité unie et cohérente ; mais il faut qu’elles vivent selon une seule et même Règle, et que par tous les moyens appropriés elles s’ap-portent réciproquement conseil et secours chaque fois que le besoin s’en manifeste dans l’Église, en tant que membres d’un seul et même corps partageant une même foi, et soumis à Christ, leur unique Chef[18].

Comme les congrégations locales sont les membres de l’« unique corps… dont le Christ est l’unique tête », l’Église universelle n’est pas une simple accumulation d’Églises locales ; elle a ue réalité en tant que corps du Christ ressuscité. Et comme le Christ gouverne l’Église locale, les baptistes peuvent dire avec les catholiques que cette dernière représente et manifeste l’Église uni­verselle[19].

16. La koinonia de l’Église peut être entendue aussi comme une « communauté d’Alliance », bien que cette expression soit plus familière aux bap­tistes qu’aux catholiques. Le mot « Alliance » ex­prime immédiatement à la fois l’initiative de Dieu qui a d’abord établi un rapport avec son peuple à travers le Christ, et le libre engagement des croyants les uns envers les autres et envers Dieu. L’Église est un « don » au sens où elle est « ras­semblée » par le Christ et où elle « se rassemble » en réponse à l’appel du Christ. Le terme ekklesia désigne une « assemblée » qui est « appelée » par Dieu. Dire que l’Église est une « communauté de croyants » ne signifie pas que l’Église est consti­tuée uniquement par la foi : la foi est toujours une réponse à la grâce initiale de Dieu. La communion ou koinonia de l’Église est à la fois un don et un appel, de même que l’unité de l’Église est à la fois un don de l’Esprit et une tâche à réaliser.

17. L’« Alliance » ne doit pas être confondue avec un contrat juridique ou avec un simple « accord de gré à gré ». Elle ne naît pas d’une décision humaine en vue de conclure une alliance stratégique avec d’autres per­sonnes pour atteindre un certain but, ou même pour rendre à Dieu le culte qui convient le mieux aux choix personnels de chacun. L’Alliance est fondée sur un ap­pel de Dieu à travers le Christ, et depuis leur origine, les baptistes proclament que l’« Alliance de grâce éter­nelle » entre Dieu et l’humanité, initiée par Dieu, est actualisée en un temps et en un lieu particuliers quand les croyants se rassemblent dans une Église locale[20]. Plus récemment, certains baptistes ont élargi la notion d’Alliance pour donner des bases théologiques plus so­lides au rassemblement des Églises en associations, puis en conventions et en unions régionales et nationales. Ainsi, on peut dire que l’« ecclésiologie de l’Alliance » est parallèle à l’« ecclésiologie de communion », et que ce langage est plus familier pour les baptistes.

18. La base des actes d’alliance aujourd’hui, dans la « Nouvelle Alliance » établie grâce à la mort rédemp­trice et à la résurrection du Christ, met l’accent sur le rapport étroit que catholiques et baptistes reconnaissent entre les sacrements (ou « ordon­nances ») et l’Église. Pour les uns comme pour les autres, l’Église est constituée par la présence et l’action salvatrices du Christ par l’Esprit, et pour les uns comme pour les autres, cette constitution est insépa­rable du baptême. Le baptême sera traité à part plus loin dans ce rapport, mais nous devons le mettre en relation ici avec la koinonia de l’Église, en notant une importante divergence et convergence entre catho­liques et baptistes. Les catholiques croient que tous les baptisés sont incorporés au corps du Christ par le baptême, y compris les petits enfants. Pour les bap­tistes, le baptême est l’entrée des croyants repentants dans l’Alliance, le « sceau » de l’alliance, ce qui com­porte pour les baptisés l’obligation d’assumer leurs res­ponsabilités de disciples. Comme on le verra mieux plus avant, cela ne veut pas dire que les baptistes ne peuvent pas reconnaître un parcours d’initiation au Christ et à son Église dans les rites catholiques du baptême et de la confirmation. En outre, la notion même d’Alliance fait que certains baptistes peuvent parler avec les catholiques de « l’Église dans le Christ comme sacrement… de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »[21].

19. Les baptistes sont bien familiarisés avec le lan­gage de « communion » qui désigne l’Église comme une « communauté de croyants », entendant par là qu’une Église particulière est fondée par le baptême des dis­ciples croyants. À noter que pour les catholiques aussi, le baptême est un événement de foi, puisqu’il impartit la foi et requiert la foi. Les catholiques voient eux aussi dans l’Église une communauté de croyants, car « ce n’est que dans la foi de l’Église que chacun des fidèles peut croire »[22]. C’est cette foi commune qui opère dans le paradigme du baptême des petits enfants. L’enfant est baptisé dans la foi de l’Église ; le rite baptismal comporte un acte de foi professé par les parents, le par­rain et la marraine, et l’Église rassemblée. L’enfant est accueilli dans la foi de la communauté où il sera éduqué à la foi personnelle à travers l’écoute de l’Évangile, pro­clamé en parole et par le témoignage. Dans le baptême des petits enfants, la communauté de foi précède le croyant individuel (ceci est vrai aussi, bien entendu, pour les baptistes dans le cas du baptême d’un croyant qui professe sa foi). Les catholiques acceptent que les très jeunes enfants soient considérés comme des croyants s’ils font partie de la communauté de foi, en sorte qu’ils reçoivent la foi « infuse ». Mais pour une pleine initiation, il faut avoir reçu les trois sacrements de l’initiation : baptême, confirmation et eucharistie. Dans la mesure où elle comporte une profession de foi individuelle de la part du croyant, cette séquence n’est pas éloignée de la conviction baptiste selon laquelle, pour pouvoir participer pleinement à l’Église, les croyants doivent être en mesure de professer person­nellement leur foi. Mais aux yeux des baptistes, attri­buer la « foi infuse » aux petits enfants n’a pas de sens, même s’ils les accueillent parmi eux car ils « appartiennent à la communauté de foi » et sont en­tourés de son amour et de ses soins.

20. La communion avec Dieu Trinité et avec toute l’Église du Christ est actualisée continuelle­ment dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Dans cette célébration, ceux qui y participent sont en com­munion non seulement les uns avec les autres dans la congrégation locale, mais avec toute l’Église du Christ en tout temps et en tout lieu. « Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps » (1 Co 10, 17). Puisque nous écoutons la Parole de Dieu dans l’Eucharistie/Sainte Cène, nous parta­geons à la fois la Parole et le sacrement (ou ordon­nance).

21. Alors qu’ensemble, catholiques et baptistes peuvent affirmer tout ce qui précède, convaincus que, ce faisant, ils sont fidèles à la tradition transmise par les apôtres (1 Co 11, 23), ils divergent sur un certain nombre de conditions relatives au ministre qui célèbre l’Eucharistie/Sainte Cène, ainsi que sur son rôle de re­présentation et de promotion de l’unité de la commu­nauté dans un sacrement/ordonnance d’unité. Pour les catholiques, la célébration de l’Eucharistie doit être né­cessairement présidée par un évêque, ou par un prêtre ordonné par un évêque dans la succession apostolique qui représente l’évêque dans l’assemblée eucharistique. L’« ecclésiologie de communion » requiert un évêque qui représente le Christ et l’Église – locale et universelle – comme signe visible de communion. Pour que l’Eucharistie puisse être célébrée en communion avec l’Église apostolique, il faut qu’un évêque assure et pré­serve la succession apostolique de l’Évangile en « au­thentique maître de la foi ». L’évêque, en sa personne et par son appartenance au collège des évêques, est en communion avec l’Église tout entière, y compris avec l’Évêque de Rome et son ministère d’unité. Les catho­liques peuvent reconnaître que les actes liturgiques tels que l’Eucharistie/Sainte Cène, dans les « communautés ecclésiales » (par exemple baptistes) qui son en-dehors de l’Église Catholique, « peuvent certainement produire effectivement la vie de grâce », et « donnent accès à la communion du salut », mais qu’il ne peut y avoir une plénitude de communion car il manque l’élément de la communion ecclésiale[23].

22. Les baptistes sont d’accord pour dire que le mi­nistre qui préside à la table de la Sainte Cène représente l’Église universelle dans la congrégation locale (voir n. 171 et 178), et qu’il est donc approprié qu’il la préside normalement. Le « bon ordonnancement » du Christ veut que la personne qui préside soit aussi celle qui pré­serve la tradition apostolique et qui a la charge de l’enseigner. Mais il n’est pas essentiel pour la pleine communion avec Dieu et avec l’Église qu’un ministre ordonné préside. Il peut y avoir pleine communion si le pain est rompu et le vin versé dans le cadre d’une re­mémoration fidèle du Christ dans une congrégation rassemblée en Église. La raison en est pour les baptistes que l’Église est assurée de la présence du Christ (« Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux »), de telle sorte qu’une congrégation lo­cale est en communion avec toutes les autres Églises où le Christ est présent dans la communion de l’Esprit[24]. Le signe essentiel de communion – qui est un don de Dieu – n’est pas la personne qui préside, mais la visibi­lité du corps du Christ dans l’Église rassemblée qui confesse la foi apostolique. 

Il peut y avoir aussi des pratiques différentes chez les catholiques et chez les baptistes en ce qui concerne la fréquence avec laquelle ils célèbrent l’Eucha-ristie/Sainte Cène. Les catholiques observent le Jour du Seigneur en célébrant l’Eucharistie au moins chaque dimanche. Certains baptistes célèbrent la Sainte Cène toutes les semaines ou tous les quinze jours, mais beaucoup d’autres la célèbrent moins fréquemment, quoique régulièrement. Les baptistes croient que dans les cultes où l’Écriture est lue et prêchée et où une ac­tion de grâce (eucharistia) est offerte à Dieu dans la prière, ils peuvent être aussi en pleine communion avec Dieu Trinité, les uns avec les autres, et avec toute l’Église du Christ.

23. Les Églises locales doivent être en commu­nion visible – et pas seulement spirituelle – car si­non il n’y a pas pleine communion.

24. Pour les catholiques, la communion visible entre les Églises est centrée sur la personne de l’évêque, qui la représente essentiellement, puisque l’unité et la communion de l’Église Catholique sont rendues vi­sibles dans le collège épiscopal. Il existe différents ni­veaux et degrés de collégialité dans les diverses ins­tances qui regroupent les évêques – conférences épis­copales nationales, synodes et conciles œcuméniques, ces derniers étant l’expression la plus complète de la collégialité épiscopale. Pour les catholiques, la réalité de l’« ecclésiologie de communion » ne se limite pas au signe visible de l’épiscopat. La communion s’exprime aussi sacramentellement, en particulier dans l’Eucha-ristie et nombre d’autres occasions où les Églises locales et les fidèles qui la composent se rencontrent et s’entraident en dehors des structures ecclésiales officielles. Il y a aussi dans l’Église les « nouveaux mouvements » qui transcendent les limites formelles des Églises locales.

Ensemble, baptistes et catholiques croient qu’ils sont en communion avec les élus au ciel dans la com­munion des saints, et que l’Église a à la fois une dimen­sion visible et une dimension invisible, bien que, dans une certaine mesure, ils conçoivent ces deux dimen­sions différemment (cf. n. 25 ci-dessous). Pour les ca­tholiques, les saints qui ont quitté ce monde dans la foi ne sont pas la partie visible de l’Église, même si  en elle-même l’Église est toujours visible. L’Église Catho­lique croit que l’Église universelle doit être à la fois une et visible, et elle distingue en elle-même ces deux carac­téristiques. L’Église universelle est visible dans la célé­bration de la liturgie, puisque la nature de l’Église s’exprime pleinement dans la célébration : « La princi­pale manifestation de l’Église réside dans la participa­tion plénière et active de tout le saint Peuple de Dieu, aux mêmes célébrations liturgiques, surtout à la même Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l’autel unique où préside l’évêque entouré de son presbyte­rium et de ses ministres »[25]. Elle est visible en tant que société constituée hiérarchiquement[26] où la communion et l’unité de l’Église sont représentées par les évêques, dans les rapports collégiaux entre eux et avec l’Évêque de Rome. Enfin, elle est visible chaque fois que le peuple de Dieu professe sa foi commune dans les sa­crements et suit ses pasteurs légitimes[27]. Le concile Vati­can II parle de la visibilité de l’Église quand il la définit comme « un sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »[28], puisque les signes sont visibles par nature.

D’autres documents récents ont affirmé, dans le sillage de Vatican II, que « l’unique Église du Christ… subsiste dans l’Église Catholique, gouvernée par le Suc­cesseur de Pierre et les évêques qui sont en commu­nion avec lui »[29]. Cette formulation entend concilier deux affirmations doctrinales : d’une part, que l’Église du Christ n’existe dans sa plénitude que dans l’Église Catholique, et d’autre part, qu’il existe en dehors d’elle des éléments nombreux de sanctification et de vérité (elementa Ecclesiae), dont la force « dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l’Église Catho­lique »[30]. Le document Dominus Iesus entend clarifier les implications de cette approche. Les communautés chrétiennes non catholiques d’Occident issues de la Ré­forme « ne sont pas Églises au sens propre, mais des Communautés ecclésiales ». Elles possèdent sans aucun doute des aspects ou éléments de l’unique Église, et les baptisés de ces communautés, qui sont incorporés au Christ par le baptême, ont « une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église ». Pour les catholiques, le baptême est le premier lien sacramentel de commu­nion avec les autres chrétiens. Et puisque toutes les Communautés ecclésiales ou Églises prennent part à la koinonia de la Trinité, elles ne peuvent pas être « hors de la communion », malgré la séparation, et partagent « un certain degré de communion »[31].

25. Au siècle dernier, certains baptistes ont affirmé que l’Église du Christ ne devient visible que dans l’Église locale, et que l’Église universelle doit demeurer « invisible » jusqu’à l’avènement du Règne de Dieu, ne pouvant être jusque là qu’une réalité « spirituelle ». Mais cette affirmation ne correspond pas à la conception historique des baptistes, et elle a été contestée à di­verses reprises dans des documents baptistes récents. Dans les premières confessions de foi et dans d’autres écrits baptistes, on trouve une classification qui com­prend l’Église locale visible (« les saints visibles »), l’Église universelle invisible (comprenant tous ceux qui ont été régénérés par l’Esprit de Dieu, qu’ils fassent partie ou non des institutions de l’Église), et l’Église universelle visible (comprenant tous ceux qui ont été ré­générés et qui professent leur foi en Christ, ainsi que l’Église à laquelle ils appartiennent)[32]. La communion entre les Églises est visible dans les associations et unions d’Églises qui réunissent les représentants ou « messagers » des Églises locales, choisis non seulement parmi les ministres ordonnés, mais aussi parmi les membres de la congrégation. Car conformément à la conviction baptiste que l’episkopè est à la fois commune, personnelle et collégiale, tant les pasteurs que les autres membres peuvent exercer l’episkopè selon des modalités appropriées, en « veillant les uns sur les autres » (selon l’expression des premiers covenantaires). La plupart des baptistes préfèrent ne pas appeler « Église » ces struc­tures de communion translocales, tout en les considé­rant comme ecclésiales ou proches de l’Église.

Il s’ensuit que les baptistes peuvent affirmer la visi­bilité de l’Église universelle, même lorsqu’elle est divi­sée et pécheresse. Les baptistes n’associent donc pas les termes « visible » et « une » comme le font les catho­liques. Bien que l’unité de la koinonia divine doive se re­fléter idéalement dans l’Église, c’est par humilité que Dieu a consenti à venir habiter une Église déchirée, en proie aux tensions et aux conflits. En outre, les bap­tistes considèrent que la « pleine communion » à la­quelle nous oeuvrons et que nous espérons est une « diversité réconciliée ». De même que Dieu vit dans l’unité et dans une vraie diversité en étant un seul Dieu en trois personnes, ainsi l’Église, à l’image de Dieu, peut et doit manifester – comme le dit le document du Conseil œcuménique des Églises intitulé « Vers la koinonia » – une légitime diversité plutôt qu’une unifor­mité[33]

Aux yeux des baptistes, les autres communions chrétiennes doivent être considérées comme des « Églises » pour peu qu’elles possèdent les caractéris­tiques de l’Église de Jésus Christ, à savoir, une vie commune qui laisse transparaître la présence du Christ, une prédication authentique de la Parole, et la célébra­tion des sacrements/ordonnances. C’est en premier lieu sur la base de ce genre de discernement de l’Église comme corps, et sur ce qui leur apparaît comme une preuve de l’action de l’Esprit Saint dans la vie d’une personne appartenant à une autre Église, que les bap­tistes reconnaissent leur unité avec les autres chrétiens. La recherche d’accords doctrinaux ou d’une compré­hension commune des sacrements (ou ordonnances) et de l’ecclésiologie, vient généralement dans un second temps, après ce discernement initial et cette reconnais­sance de l’autre. 

26. Les Églises locales et congrégations doivent être en communion entre elles pour entendre la Parole de Dieu et découvrir ensemble la « pensée du Christ ».

27. Pour les catholiques, le pape et le collège épis­copal remplissent un rôle essentiel en tant que gardiens de l’unité et de la vérité dans l’Église. Ils discernent la pensée du Christ en méditant sur l’Écriture, en consul­tant la sagesse de la Tradition, en observant le témoi­gnage des saints et des saintes. Ils écoutent la voix des prêtres, des diacres, des laïcs, des ordres religieux mas­culins et féminins, des théologiens et de leurs parte­naires œcuméniques. Ils discernent les « signes des temps » dans le monde actuel[34]. Pour les catholiques, vivre en accord avec le dessein du Christ, dans une Église ou une assemblée locale, signifie sentire cum ecclesia (« sentir et vivre avec l’Église »). Cette « réception » in­clut non seulement l’acceptation des conclusions des conciles œcuméniques, des décrets dogmatiques du pape et des formulations du credo, mais aussi une fré­quentation assidue des saintes Écritures, le désir de se laisser former par la liturgie et la vie de prière de l’Église, une bonne connaissance de la tradition de l’Église, des enseignements du catéchisme de l’Église Catholique, et des encycliques et autres documents promulgués de temps à autres par le pape ou par les évêques. Le sensus fidei (« la sensibilité instinctive et le discernement » des fidèles) joue également un rôle dans la réception et peut contribuer à la compréhension des enseignements de l’Église sans les contredire.

28. Chez les baptistes, les Églises locales cherchent à découvrir ensemble la pensée du Christ en se réunis­sant dans une assemblée où les pasteurs et les membres ont tous les mêmes pouvoirs de représentation, con­formément à la conviction que l’episkopè est partagée entre les ministres ordonnés et tous les croyants bapti­sés. Cependant toutes les voix n’ont pas la même in­fluence : les croyants donnent généralement plus de poids aux voix de ceux qui ont été désignés comme « surveillants » ou comme éducateurs dans la foi. L’office personnel de surveillance est exercé non seu­lement dans les congrégations locales, mais aussi dans les associations, unions et conventions qui ont mis en place les ministères translocaux de « ministres régio­naux », « ministres exécutifs », « présidents », « secré­taires généraux », et « évêques » (dans certaines unions nationales). Ce sont des éducateurs dans la foi et des guides fiables qui mettent leurs dons au service des Églises pour les aider à découvrir la pensée du Christ et à vivre selon sa loi. Comme nous l’avons vu, pour les baptistes aucune décision prise dans une assemblée d’Églises ne peut être imposée à l’Église locale. Selon la modalité baptiste de « réception » au niveau local, une congrégation est tenue d’écouter ce que les unions d’Églises ont à lui dire, sans tenir pour acquis qu’elles ont tous les dons nécessaires pour découvrir et mettre en application le dessein du Christ pour sa vie et sa mission[35].

29. La communion universelle de l’Église de Jésus Christ peut être dite très justement « catho­lique ». Le terme de « catholicité », d’un mot grec qui signifie « totalité » ou « inclusivité », doit être entendu à la fois au sens de la plénitude de l’auto-manifestation de Dieu en Christ, et de la destina­tion finale du message évangélique qui touche et transforme tous les hommes. La catholicité n’est donc pas une possession statique de l’Église, mais doit être cherchée activement dans la mission d’évangélisation, en vue de la proclamation et de la réception de la plénitude de l’Évangile en tout temps et en tout lieu.

30. Ensemble, baptistes et catholiques se considèrent comme « catholiques » (avec un petit « c ») au sens indiqué ci-dessus, le terme Catholique » (avec un grand « C ») étant réservé dans ce rapport à l’Église Catholique qui reconnaît le primat de l’Évêque de Rome. La catholicité se manifeste quand le message du Christ est proclamé dans un large éventail de langues et de mentalités, quand l’Eucharistie ou Sainte Cène est célébrée par des hommes de toutes les cultures, ethnies et nations, et quand les ministres vivent et servent la communion aux niveaux local, régional et mondial.

31. La notion de catholicité a toutefois des implica­tions assez différentes dans les deux traditions. Les ca­tholiques croient que la plénitude de l’Évangile, révélé en Christ, implique nécessairement la plénitude de l’Église, au sens d’une unité pleinement visible et orga­nique qui s’étend à tous les hommes, en tout temps et en tout lieu. Les baptistes affirment certes que l’Église doit être une institution stable dans un monde instable. Mais tout en cherchant à découvrir la plénitude de la pensée du Christ et en étant animés par l’espérance de l’accomplissement final de l’Église universelle, ils voient l’Église, telle qu’elle est actuellement, comme péche­resse, nécessitant une réforme continuelle, non encore pleinement unifiée, et ayant à la fois des aspects invi­sibles et visibles (cf. n. 25 ci-dessus).

32. De même qu’il est la source de l’unité dans la catholicité de l’Église, le Christ est la source et le but de la sainteté de l’Église et de ses membres. Le but final de l’Église est l’union au Christ, le parfaitement saint, dans la communion des saints.

33. Tout en étant d’accord sur les bases christolo­giques et sur l’accomplissement eschatologique de la sainteté (Ep 5, 25-7), catholiques et baptistes divergent sur la façon de formuler le rapport entre sainteté de l’Église comme corps, et sainteté de ses membres pris individuellement. Ensemble, ils affirment que le Christ est sans péché, mais seuls les catholiques en déduisent que l’Église, en union avec le Christ dont elle est le corps, est également sans péché[36]. Les catholiques l’expliquent de la façon suivante : « Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache ignore le péché, venant seu­lement expier les péchés du peuple, l’Église, elle, en­ferme des pécheurs dans son propre sein, elle est donc à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, pour­suivant constamment son effort de pénitence et de re­nouvellement »[37]. Il en résulte que pour les catholiques, l’Église en tant que telle réalise et génère une sainteté incarnée, tout en accomplissant un chemin de renou­vellement continuel comme communauté en marche, à cause des péchés de ses membres. Les baptistes sont d’accord pour dire que la sainteté est le but de l’Église comme communauté en marche, mais ils mettent da­vantage l’accent sur la nature non encore réalisée de la sainteté de l’Église, en comparant l’état de l’Église à la sainteté imparfaite de ses membres « pécheurs et justi­fiés en même temps »[38].

 

III. L’autoritÉ du Christ dans l’Écriture et dans la Tradition

34. Le rapport des conversations entre l’Église Ca­tholique et l’Alliance Baptiste Mondiale, 1984-88, a pu « élaborer notre réponse commune à la révélation de Dieu en Jésus Christ telle qu’elle nous a été donnée dans la Bible et dans la foi et la pratique de nos com­munautés respectives » (n. 4). Il reconnaît néanmoins qu’il existe des différences substantielles dans la façon dont les deux communions interprètent le rapport entre le canon de l’Écriture et les traditions des com­munautés qui l’interprètent. C’est pourquoi le rapport cite « l’autorité et les méthodes théologiques » comme le premier des cinq domaines de conversations néces­sitant d’être approfondis. Les paragraphes qui résument ces diverses configurations de l’autorité demandant un approfondissement constituent un bon point de départ pour cette partie de notre rapport :

Ces conversations entre baptistes et catholiques romains ont fréquemment fait surgir des points de vue et des usages différents concernant l’autorité et la méthode théologiques. La raison théorétique est claire à ce sujet : les baptistes s’appuient seulement sur l’Écriture, telle qu’elle est interprétée avec l’assistance de l’Esprit Saint, c’est le principe de la Réforme. Les catholiques romains reçoivent la révélation de Dieu de l’Écriture interprétée à la lumière de la tradition sous la direction du magistère, dans un proces­sus communautaire guidé par l’Esprit Saint.

Cependant, les différences ne sont pas en réalité aussi aiguës que cette formulation ne le laisserait penser. Au Concile Vatican II, l’Église Catho­lique s’est occupée minutieusement et avec beaucoup d’attention des rapports entre l’Écriture et la Tradition (Constitution dogmatique sur la Révélation divine, 2). Elle s’est efforcée de trouver et de formuler la compréhension des rapports entre l’Écriture, la Tradition et l’enseignement officiel de l’Église (le Magistère). Chacun d’eux a sa place dans la présentation de la vérité de Jésus Christ. La place de l’un n’est pas la même que celle de l’autre, cependant, pour les catholiques, ces trois éléments s’harmonisent pour former la révélation divine. De leur côté, les baptistes font appel à leur hé­ritage avec autant de force que les catholiques citent la tradition, lui refusant généralement la même autorité qu’à l’Écriture, mais s’y accro­chant cependant vigoureusement… Le pro­blème principal à discuter sur ce sujet est celui de l’évolution de la doctrine (n. 45 à 47).

Lorsque les délégations catholique et baptiste se sont réunies, dix-huit ans plus tard, pour une nouvelle phase de conversations, les participants ont été en me­sure de constater une convergence accrue et surpre­nante sur la nature de l’Écriture comme Parole de Dieu inspirée et sur sa place centrale dans la vie de l’Église. En outre, ils se sont félicités mutuellement pour les deux avancées apparues dans cette nouvelle phase du dialogue : une évaluation plus positive de la valeur de la Tradition et de ses rapports avec l’Écriture chez les participants baptistes, et une approche plus critique de la Tradition et de ses rapports avec l’Écriture chez les participants catholiques.

 

La place de l'Écriture dans la vie de l'Église

35. Dans la sainte Écriture, la Parole de Dieu a été consignée par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint, annonçant le don du salut. L’Écriture a donc une place centrale dans la vie de l’Église, laquelle participe de la koinonia de Dieu Trinité. L’Écriture, qui contient la Parole, rend témoignage à la Parole et est une manifestation de la Parole de Dieu, est active dans l’Église au­jourd’hui. Elle indique le chemin à la communauté que Dieu a rassemblée et rend ses membres ca­pables de participer au ministère du Christ, par la puissance de l’Esprit et pour la gloire de Dieu. L’Église, dans tous ses aspects, y compris son mi­nistère, est gouvernée par la Parole de Dieu. La Parole de Dieu peut prendre différentes formes dans le monde : parole orale de la prédication, pa­role écrite de l’Écriture, baptême et Eucharistie (ou Sainte Cène), interventions de Dieu dans l’histoire des hommes, témoignage des fidèles croyants.

36. Comme il apparaît de façon évidente dans les af­firmations communes qui précèdent, nous avons dé­couvert qu’il était impossible de traiter les thèmes de la Parole de Dieu, de la Révélation, de l’Écriture et de l’autorité indépendamment de leur dimension ecclé­siologique. La partie précédente de ce rapport a déjà mis en lumière un certain nombre de convergences et divergences à propos de la compréhension de l’Église. Il nous faut maintenant observer que la Parole de Dieu et sa transmission sont inséparables de la communauté à qui la révélation divine a été confiée, et qu’en consé­quence les différences dans les ecclésiologies des ca­tholiques et des baptistes se traduisent nécessairement par une conception différente de la fonction de l’Écriture dans la vie de l’Église. Malgré cela, les parti­cipants catholiques et baptistes à ces conversations ont été en mesure de découvrir aussi d’importantes conver­gences sur l’utilisation de la Bible dans l’Église. En­semble, ils affirment notamment l’autorité d’enseigner de l’Église, tout en la concevant différemment : pour les premiers elle réside dans le Magistère, et pour les seconds dans la congrégation locale (une différence exa­minée plus en détail aux n. 49 et 61 ci-dessous).

37. La Bible est la norme écrite, d’inspiration divine, de la foi et de la pratique, mais la normati­vité de l’Écriture se situe principalement dans le culte de l’Église, à partir duquel sa vie et sa mis­sion peuvent grandir. Les canons bibliques ont été établis par et pour la communauté des fidèles. Ils comprennent des textes appropriés pour la lecture et la prédication, et fournissant le contenu narratif d’autres actes de culte rappelant et représentant (en anamnèse) les merveilles accomplies par Dieu autrefois. Tant les modèles cultuels des catho­liques que ceux des baptistes présupposent que la sainte Écriture est la source de l’histoire de Dieu Trinité à laquelle les fidèles participent.

38. L’Écriture occupe une place centrale dans la li­turgie et dans le culte de l’Église parce qu’elle relate l’histoire du salut, qui est l’histoire de la mission de Dieu Trinité dans le monde (1 Tm 4, 14). De même, baptistes et catholiques utilisent l’Écriture pour pro­clamer le kerygma ou Bonne Nouvelle du Christ. Ils sont d’accord en outre sur l’utilisation catéchétique des Ecritures pour former les chrétiens à la foi (2 Tm 3, 16-17). Cet accord trouve une expression pratique dans des collaborations pour la traduction et la diffusion des Écritures.

39. L’expression « norme écrite » est utilisée délibé­rément ci-dessus, le Christ lui-même étant évidemment l’autorité suprême pour ce qui touche aux croyances et à la vie de l’Église chrétienne, en tant que Verbe per­sonnel et incarné à qui les Écritures rendent un témoi­gnage fiable. C’est donc très justement que la Déclara­tion de principe d’une Union baptiste dit que « Notre Seigneur et notre Sauveur Jésus Christ, Dieu manifesté dans la chair, est l’autorité unique et absolue pour toutes les questions relatives à la foi et à la pratique, tel qu’il se révèle dans les saintes Écritures »[39]. Nous pou­vons dire que le Seigneur de l’Église est rencontré dans le culte, et que cette rencontre est rendue possible par l’Écriture, qui lui rend témoignage et donne sa forme au culte.

40. Pour les baptistes comme pour les catholiques, la fonction liturgique de l’Écriture peut être exprimée comme la « sacramentalité » de la parole. Même si les baptistes sont moins susceptibles d’utiliser un tel lan­gage, ils n’en reconnaissent pas moins l’action salvatrice du Verbe fait chair lorsqu’ils lisent, prêchent et partagent sur l’Écriture, ainsi que la possibilité offerte aux hommes de rencontrer Dieu Trinité par ce moyen de grâce (1 Co 1, 21). Or c’est précisément ce à quoi se réfère le terme « sacramentel ». L’Écriture est essentielle pour le culte dans nos deux traditions. Une célébration eucharistique hebdomadaire est la norme dans les pa­roisses catholiques où toute la liturgie est imprégnée de l’Écriture. De même, les baptistes utilisent la Bible pour leurs lectures, leurs prières et leurs hymnes, même quand la Sainte Cène n’est pas célébrée. Il existe par ailleurs des offices catholiques tels que l’office divin des heures, où la liturgie de la parole occupe la première place et où la réalité divine relatée dans l’histoire bi­blique de Dieu Trinité est rendue présente. Les bap­tistes peuvent donc se dire d’accord avec l’enseigne-ment catholique selon lequel « dans les Saints Livres, le Père qui est aux cieux vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux »[40].

41. « Dieu est l’Auteur de l’Écriture Sainte »[41]. L’Église « tient pour sacrés et canoniques tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, puisque, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint : ils ont Dieu pour auteur et ils ont été transmis comme tels à l’Église elle-même »[42].

42. Outre que l’origine divine des Écritures, bap­tistes et catholiques reconnaissent aussi que Dieu a donné les Écritures à l’Église en se servant de moyens humains. Tout en contestant l’idée d’une incarnation effective du Christ dans les livres des Écritures (ce qui se traduirait par une équivalence entre l’autorité du Christ et l’Écriture), nous pouvons recourir à une ana­logie christologique pour exprimer la vérité selon la­quelle, pour ce qui est de leur auteur, les Écritures ont une origine à la fois divine et humaine. Ainsi, dans l’interprétation des Écritures, l’erreur consistant à ne pas prêter suffisamment attention aux facteurs histo­riques et culturels qui entrent en jeu dans leur compo­sition humaine donne lieu à une interprétation « docé­tique » (ou du moins d’une « seule nature ») selon la­quelle elles n’auraient qu’une « apparence » humaine. Inversement, l’erreur consistant à leur attribuer une origine exclusivement divine donne lieu à l’approche « ébionite » de la Bible, selon laquelle leur auteur serait « à peine » humain. Tant chez les catholiques que chez les baptistes, des débats animés ont eu lieu sur la juste place de l’enquête historique et critique dans l’interprétation de l’Écriture. Chacune des deux com­munions a cherché à définir des réponses ecclésiales adéquates aux défis de la modernité, mais sur l’essentiel, toutes deux cherchent à pratiquer une « lec­ture chalcédonienne » de l’Écriture, de même qu’elles ont une « christologie chalcédonienne ». Par analogie avec le Concile de Chalcédoine, qui a déclaré : « Nous confessons tous unanimement un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme », nous pouvons dire que l’Écriture est à la fois humaine et divine. Une « lecture chalcédonienne » a donc sa juste place parmi les outils critiques historiques, culturels et littéraires utilisés pour discerner les instruments humains dans le don des Écritures à l’Église ; mais il faut être conscient des li­mites d’une telle interprétation lorsqu’elle est appliquée indépendamment de la lecture de la Sainte Écriture dans l’Église.

43. L’action de l’Esprit Saint parmi le peuple d’Israël et dans l’Église du Christ, en inspirant les écrits de l’Ancien et du Nouveau Testament, a aussi amené ces communautés à discerner que ces Écritures ont une autorité canonique pour la foi et la pratique.

44. Le Catéchisme de l’Église Catholique spécifie que « c’est la Tradition apostolique qui a fait discerner à l’Église quels écrits devaient être comptés dans la liste des Livres Saints »[43]. Les baptistes croient en général dans la providence de l’Esprit, qui « préserve » l’Écriture dans l’histoire de l’Église. Mais ils n’affirment pas toujours explicitement que l’Esprit qui a inspiré les Écritures est également à l’œuvre dans la tradition ec­clésiale qui a reconnu le canon de l’Écriture. Malgré cette réserve, les baptistes présupposent l’assistance pro­videntielle de l’Esprit dans le discernement du canon de l’Église, et comme les catholiques, ils voient dans le ca­non de l’Écriture la norme écrite qui guide la foi et la pratique car loin d’être un simple accident de l’histoire, il a été institué par Dieu. C’est pourquoi catholiques et baptistes reconnaissent que le canon de l’Écriture a un certain rapport avec le processus de fixation de la Tra­dition intervenu dans les premiers siècles de la vie de l’Église à la suite de la rédaction des livres du Nouveau Testament, et par là-même, ils croient que l’Esprit a guidé ces processus.

45. Il faut cependant distinguer entre la reconnais­sance du canon de l’Écriture de la part des baptistes et l’identification du canon de la part des catholiques : les baptistes excluent du canon de l’Ancien Testament les livres deutérocanoniques qui font partie de la version des Septante et de la Vulgate, et qui ont été approuvés à la quatrième session du Concile de Trente. Dans leurs premières confessions de foi, les baptistes avaient dé­claré en effet que « les livres généralement appelés apo­cryphes, n’étant pas d’inspiration divine, ne font pas partie du canon de l’Écriture »[44], et reconnu comme faisant autorité le canon court qu’ils avaient hérité des courants de la Réforme protestante antérieurs à la nais­sance de leur mouvement. Cependant, nombre de bap­tistes reconnaissent l’importance des livres deutéroca­noniques pour la connaissance du contexte historique des communautés primitives. Certains les apprécient aussi comme littérature dévotionnelle, tout comme la Bible protestante.

46. Baptistes et catholiques croient que l’Ancien et le Nouveau Testament forment en­semble une histoire cohérente qui appelle une in­terprétation centrée sur le Christ.

47. Le Catéchisme de l’Église Catholique dit que « les chrétiens lisent l’Ancien Testament à la lumière du Christ mort et ressuscité »[45]. Plus loin, il cite Hugues de Saint Victor pour qui « toute l’Écriture divine n’est qu’un seul livre, et ce seul livre c’est le Christ, car toute l’Écriture divine parle du Christ, et toute l’Écriture di­vine s’accomplit dans le Christ »[46]. De même, les bap­tistes lisent la Bible dans une perspective christocen­trique. Ainsi, la déclaration de la Convention des bap­tistes du Sud de 1963 sur La profession de foi baptiste et son message dit que « Jésus Christ est le point de départ de toute interprétation biblique », et la révision de 2000 de cette même déclaration confessionnelle précise que « toute l’Écriture est un témoignage au Christ, qui est au centre de la révélation divine »[47]. L’accent mis sur le point de départ christocentrique en 1963, et l’affirmation que toute l’Écriture est un témoignage au Christ en 2000, montrent qu’ensemble, baptistes et ca­tholiques voient dans la Bible un récit cohérent centré sur la personne du Christ.

48. La Bible peut et doit être lue par les chré­tiens en privé. Mais cette lecture ne doit pas être isolée de l’interprétation de la communauté, habi­tée par l’Esprit qui a inspiré les Écritures.

49. Les catholiques croient que c’est sous l’inspiration de l’Esprit qu’ils ont situé l’interprétation commune de l’Écriture dans la communauté ecclésiale historiquement élargie représentée par leurs évêques : « La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu… a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ. Pourtant, ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service »[48]. Autrement dit, « la charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu a été confiée… aux évêques en communion avec le Successeur de Pierre, l’Évêque de Rome »[49]. Les bap­tistes aussi situent l’interprétation commune de l’Écriture dans la communauté ecclésiale, mais dans leur cas, cette dernière est représentée en premier lieu par la congrégation locale réunie[50]. La pratique de l’« herméneutique congrégationnelle » remonte au temps des premiers anabaptistes et à la Réforme radi­cale.

50. Baptistes et catholiques affirment ensemble l’ancienne pratique consistant à lire les textes bibliques en tenant compte de leurs différents sens, parmi les­quels le sens littéral et le sens spirituel. Le sens spirituel de l’Écriture, fondé sur son sens littéral ou immédiat, se prête à un usage dévotionnel de la part les croyants dans les communautés locales. L’application de la Bible à la vie de tous les jours (ce que l’Église primitive ap­pelait son sens « tropologique » ou moral) est d’un grand soutien pour la vie de foi des croyants. Cette lecture dévotionnelle pratiquée individuellement ne doit pas être confondue avec les interprétations privées et isolées de l’Écriture. Il faut qu’il y ait continuité entre la nourriture dévotionnelle apportée par l’Écriture au croyant qui la lit en privé, et l’interprétation commune de la Parole de Dieu dans la prédication, dans les groupes bibliques et dans la réflexion sur l’Écriture, où le peuple de Dieu trouve une inspiration pour sa vie commune. Pratiquée ainsi, l’interprétation commune de l’Écriture contribue à la formulation des doctrines normatives de la communauté chrétienne.

51. Catholiques et baptistes tiennent en grande considération le principe de catholicité dans l’in-terprétation de la Bible, et son incorporation à la vie de l’Église.

52. La catholicité – entendue au sens de totalité, universalité et inclusivité – implique une ouverture aux besoins et aux dons du monde, et la vision que tous les hommes sont appelés à participer à la nouvelle création apportée par Jésus Christ et par l’Esprit (sur le sens du mot catholicité, voir les n. 29-31 ci-dessus). C’est à la lumière d’une telle vision que l’Écriture est lue et utili­sée. C’est pourquoi, dans l’interprétation de l’Écriture, il est important de comprendre comment les Églises des différentes régions du monde entendent la Parole de Dieu qui leur est adressée dans les divers contextes sociaux, culturels et politiques.

53. Baptistes et catholiques s’accordent à dire qu’une lecture correcte de la Bible doit se traduire par une conduite exemplaire de la communauté chrétienne.

54. Il existe un paradoxe inhérent aux images bi­bliques de l’Église à l’écoute de la Parole – par exemple, l’Église comme corps du Christ ou comme épouse du Christ – selon lequel, bien qu’ayant été formés par la Parole, les croyants n’ont pas toujours une conduite exemplaire dans le monde. Parmi les exemples de ce paradoxe qui viennent immédiatement à l’esprit, on peut citer le cas des chrétiens blancs d’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid, ou encore celui des chrétiens du Sud des États-Unis et des Caraïbes à l’époque de l’esclavage. Des excuses publiques ont été faites, comme il est juste, pour une conduite si immorale. Les discussions sur ce triste état de choses ont mis en lu­mière des divergences entre catholiques et baptistes sur la question de savoir si, outre les croyants, l’Église elle-même ne serait pas également pécheresse (voir n. 33 ci-dessus).

 

Le rapport entre Écriture et Tradition

55. À cause de leur insistance historique sur la nor­mativité de l’Écriture comme seule règle écrite fiable pour la foi et la pratique, les baptistes ont toujours eu tendance à opposer Écriture et Tradition[51], en manifes­tant souvent une certaine hostilité à l’égard des tradi­tions post-bibliques. Si cette tendance historique appa­raît de façon évidente dans certaines tentatives actuelles pour définir l’identité baptiste, la nouvelle tendance ap­parue dans la réflexion théologique baptiste depuis les conversations de 1984-1988 a permis aux participants baptistes à la présente phase des conversations de re­valoriser la Tradition dans le cadre des efforts conti­nuels de l’Église pour vivre les enseignements des Écritures dans le présent ; c’est ainsi que les partici­pants catholiques ont pu constater qu’une certaine convergence était en train d’apparaître sur une vision commune de la Tradition. Toutefois, cette tendance à reconnaître l’autorité de la Tradition ne concerne qu’un petit nombre de théologiens baptistes issus des milieux académiques[52], et n’est pas largement répandue dans les Églises baptistes et parmi leurs membres.

De leur côté, les participants baptistes ont discerné dans les communications des membres de la délégation catholique une approche plus critique de la formation de la Tradition, qui va à l’encontre des stéréotypes en­tretenus par nombre de baptistes sur la nature de la tradition catholique. Les communications, les réponses et les commentaires des participants catholiques ont bien montré à la délégation baptiste qu’aux yeux des catholiques, la Tradition s’est développée à travers des instruments humains [53]. Une démarche fondée sur le dialogue et sur l’écoute des différentes voix au sein de l’Église – non seulement celle du pape et des évêques, mais aussi celle des théologiens, y compris les théolo­giens laïques et les laïcs eux-mêmes – permet de discer­ner ce qui, dans la Tradition, fait réellement autorité. Le regard plus favorable des baptistes sur la valeur de la Tradition et l’approche plus critique des catholiques nous ont permis d’arriver à une compréhension com­mune du rapport entre Écriture et Tradition (comme indiqué ci-dessous), tout en constatant que nous avons des sensibilités différentes et que quelques désaccords subsistent sur le rapport entre Écriture et Tradition.

56. La Bible est l’incarnation écrite d’une tradi­tion vivante (paradosis) transmise par l’œuvre de l’Esprit Saint parmi le peuple de Dieu. La source de ce processus de transmission est le Verbe vivant de Dieu, Jésus Christ.

57. Le texte inspiré des Saintes Écritures est axé sur la transmission de la bonne nouvelle que Jésus est le Seigneur ressuscité et le Fils de Dieu, et sur celle des enseignements et du style de vie qu’il a impartis à ses disciples. Le Nouveau Testament a été mis par écrit pendant un certain laps de temps sous la conduite de l’Esprit Saint, qui a non seulement inspiré ses rédac­teurs, mais aussi guidé ensuite le processus de transmis­sion de l’Évangile dans la communauté apostolique. Un processus analogue avait eu lieu pour la rédaction de l’Ancien Testament. Ce processus implique qu’il existait déjà des traditions orales avant la mise en forme de l’Écriture, un fait reconnu à la fois par les baptistes et par les catholiques.

La Bible est donc le livre de l’Église. Elle doit être lue et comprise d’abord au sein d’une communauté de croyants. Car s’il est vrai que l’Écriture est le témoin principal et inspiré de la Parole de Dieu, elle n’est ja­mais lue « seule », c’est-à-dire hors du cadre d’une communauté qui la traduit, la proclame et l’interprète à l’aide d’autres sources écrites[54]. Pour les baptistes comme pour les catholiques, la Tradition joue un rôle didactique. Credos, professions de foi, prédications, catéchèses, liturgies et cultes contribuent tous au pro­cessus actif de transmission de l’Évangile. Tous con­tiennent des normes utiles pour la vie chrétienne. En recevant la Parole de Dieu, l’Église reçoit aussi la mis­sion d’évangéliser tous les peuples ; la Bible n’est pas seulement le livre de l’Église : elle est aussi livre de l’Église pour le monde.

58. Il y a une certaine « co-inhérence » entre l’Écriture et la Tradition vivante, qui s’imprègnent et s’interpénètrent l’une l’autre. Elles ne doivent donc pas être considérées comme deux sources séparées et isolées, mais comme deux courants mêlés, issus de la même source, l’auto-révélation de Dieu Trinité en Christ.  

59. À la lumière de cette imprégnation mutuelle entre Écriture et Tradition, on peut aussi distinguer entre la « tradition » comme l’évangile vivant de Jésus Christ (appelée parfois aussi Tradition avec un grand T) et les « traditions » comme les diverses formes sous les­quelles cet évangile s’exprime dans chaque situation historique et culturelle particulière. Il est parfois diffi­cile de déterminer si une tradition particulière est vrai­ment la Tradition vivante du Christ. Néanmoins nous nous accordons à dire que la Bible est la norme qui permet de critiquer et d’évaluer les diverses traditions, en distinguant celles qui sont uniquement humaines de celles qui constituent une expression authentique de l’Évangile (cf. Mc 7, 5-13).

60. Alors que catholiques et baptistes s’accordent sur la normativité de l’Écriture, ils ont des sensibilités différentes sur la question du rapport entre Écriture et Tradition. Il faut dire que de ce point de vue, ils ont vécu des expériences très différentes dans le passé. Mais les uns comme les autres ont connu l’antagonisme et l’oppression des autres communautés chrétiennes dans la période qui a suivi la Réforme. 

Les baptistes, qui ont vécu un déni de leur liberté religieuse de la part des Églises officielles, ont tendance à se méfier des traditions en général. Leur méfiance à l’égard de la Tradition peut être due en outre à un bibli­cisme strict, ou à l’inverse à un rationalisme inspiré des Lumières. L’accent mis sur la connaissance de l’Écriture est un trait caractéristique de la vie et des tra­ditions des baptistes, qui se réfèrent continuellement à l’autorité de la Bible. Mais ils reconnaissent eux-mêmes qu’ils n’ont pas toujours utilisé leur familiarité avec la Bible dans le but de se conformer à l’image du Christ.

Dans la période qui a suivi la Réforme, l’Église Ca­tholique avait une conscience accrue des dangers d’une interprétation privée de l’Écriture. C’est pourquoi, entre le Concile de Trente et le Concile Vatican II, la lecture de la Bible de la part des fidèles catholiques ne fut pas encouragée autant qu’elle aurait dû l’être. Rela­tivement peu de soutien était offert aux laïcs catho­liques qui désiraient rencontrer la Parole de Dieu dans l’Écriture. Et bien que Vatican II ait insisté sur la né­cessité pour les fidèles d’être nourris par une profonde connaissance de l’Écriture, il faut bien reconnaître que certains catholiques n’ont toujours pas compris le rôle et l’autorité de l’Écriture dans leur vie, notamment à travers des pratiques telles que la lecture de la Bible en famille. Tant les catholiques que les baptistes doivent reconnaître sincèrement certains manquements.

61. Catholiques et baptistes ont une conception dif­férente de ceux qui ont l’autorité pour interpréter l’Écriture. Comme on l’a vu, les catholiques soutiennent que la Bible tout entière est interprétée avec autorité par ceux qui ont la charge d’enseigner of­ficiellement dans l’Église (le Magistère), c’est-à-dire par les évêques en communion avec l’Évêque de Rome. Les baptistes croient que les communautés locales de croyants ont la responsabilité et la liberté d’interpréter la Bible sous le gouvernement du Christ et avec l’assistance de l’Esprit Saint, en communion avec les autres Églises. Dans cet exercice d’« herméneutique congrégationnelle », la conscience des individus ne doit pas être forcée ou pressée d’accepter l’interprétation de l’Écriture proposée par la congrégation locale ou par les instances dirigeantes de la dénomination. Aucune formulation d’un enseignement de l’Église ne peut avoir la même force contraignante que l’Écriture. Mais en même temps, la communauté est tenue de vérifier les interprétations individuelles de l’Écriture de ses membres.

62. Il est difficile de nier que catholiques et baptistes ont une conception différente de la nature de la Tradi­tion. Les baptistes ont tendance à parler plutôt de « foi et pratique » que de « tradition ». La plupart des bap­tistes se reconnaissent dans les traditions qui affirment la primauté de l’Écriture, et certains sont portés à reje­ter les traditions en général. De leur côté, les catho­liques affirment que la Tradition n’est rien d’autre que la transmission de la Révélation en paroles et en actes. Dans nos conversations, quelques convergences sont apparues malgré tout sur la base du paragraphe 9 de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine (Dei Verbum) de Vatican II qui dit :

La sainte Tradition et la Sainte Écriture sont donc reliées et communiquent étroitement entre elles. Car toutes deux, jaillissant de la même source divine, ne forment pour ainsi dire qu’un tout et tendent à une même fin. En effet, la Sainte Écriture est la Parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consi­gnée par écrit ; quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux Apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l’Esprit de vérité, en la prê­chant, ils la gardent, l’exposent et la répandent avec fidélité : il en résulte que l’Église ne tire pas de la seule Écriture Sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’une et l’autre doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de respect[55].

Dans nos discussions, nous avons convenu que cette déclaration répond en grande partie au souci des baptistes de donner la primauté à l’Écriture sur la Tra­dition, laquelle doit toujours être corrigée par l’Écriture (une restriction à cet accord est signalée ci-dessous au n. 65). Dans son commentaire sur Dei Verbum, Joseph Ratzinger met en lumière à la fois la différence et l’unité entre Écriture et Tradition : « On a dit que l’Écriture est la Parole de Dieu consignée par écrit. Ce­pendant la Tradition n’est définie que fonctionnelle­ment, par ce qu’elle fait : elle transmet la Parole de Dieu, mais n’est pas la Parole de Dieu »[56]. La Tradition est un processus de transmission dynamique qui « con­serve, répand et diffuse au loin » la Parole de Dieu. Elle n’est pas en soi un ensemble de vérités révélées qui viennent s’ajouter à l’Écriture sans une base scriptu­rale ; au contraire, la Constitution affirme que le pro­cessus de la Tradition accroît notre « certitude » sur la signification des vérités révélées lorsque les Écritures sont lues dans la communion des saints, au sein de l’Église. En affirmant que la certitude de la foi ne vient pas « de la seule Écriture sainte » (non... per solam sacram scripturam), elle reconnaît que la Tradition peut contri­buer à notre certitude sur la signification de l’Évangile. Lorsqu’ils confessent la foi trinitaire, les baptistes sont tributaires des développements post-bibliques de la doctrine, c’est-à-dire de la Tradition, en ce qui concerne leur « certitude » de la nature trinitaire de Dieu. Un théologien baptiste conseille vivement aux baptistes « qui… demandent avec insistance une formulation claire de la doctrine de la Trinité en utilisant bien sou­vent des termes remontant à l’époque patristique », d’employer l’expression suprema Scriptura [« l’Écriture avant tout »] plutôt que la vague formule sola Scriptura [« l’Écriture seule »][57]. Par ailleurs, d’autres doctrines se sont développées dans la Tradition pour lesquelles les baptistes ne trouveront aucune base dans l’Écriture[58].

63. La Tradition apostolique, laissée par les Apôtres, a été transmise au cours des siècles par l’Église qui s’efforce de la comprendre toujours plus complètement. Elle ne doit pas être confon­due avec les traditions postérieures qui sont seu­lement ecclésiales. Seule la Tradition apostolique est normative avant, pendant et après la formation des Écritures canoniques.

64. En donnant la primauté à la tradition aposto­lique, les catholiques jugent que certains enseignements de l’Église peuvent être reconnus comme étant « apostoliques », parce qu’ils clarifient fidèlement l’enseignement initial des apôtres. Par exemple, l’enseignement du Concile de Chalcédoine qui dit que Jésus est « vrai Dieu et vrai homme » est un témoignage fiable du message apostolique sur le Christ, même s’il est postérieur au temps des Apôtres. En principe, les baptistes se disent d’accord sur ce point même si, pour eux, tous les développements doctrinaux post-bibliques ne sont pas des témoignages fiables du message apos­tolique sur le Christ.   

65. Vatican II a réaffirmé l’enseignement du Concile de Trente sur le lien étroit et la communication entre Écriture et Tradition, mais il l’a fait dans le cadre d’une compréhension approfondie de l’Écriture, de la Tradi­tion, et des liens qui existent entre elles. Dei Verbum n. 9 dit que « la Sainte Écriture est la Parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit ; quant à la sainte Tradition, elle porte la Parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux Apôtres, et la transmet inté­gralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l’Esprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, l’exposent et la répandent avec fidélité ». Ce passage de Dei Verbum 9, contient néanmoins une phrase que les baptistes ne peuvent pas accepter, et qui est la sui­vante : « L’Écriture et la Tradition doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de res­pect ». Cette conception de la tradition va au-delà de ce que les baptistes professent et semble entrer en conflit avec leur conviction que l’Écriture suffit à elle seule. Mais en approfondissant ce thème, nous avons décou­vert qu’au Concile de Trente et au Concile Vatican II, certains évêques catholiques avaient exprimé les mêmes réserves que les baptistes sur l’« égal sentiment de res­pect » à attribuer à l’Écriture et à la Tradition, au risque d’obscurcir l’autorité de l’Écriture comme Parole de Dieu inspirée[59]. Nous avons compris que dans ces deux conciles, l’intention des évêques n’était pas de re­mettre en question l’inspiration et la primauté de l’Écriture. Dans ces deux conciles, les évêques ont sou­ligné aussi la distinction cruciale entre la Tradition apostolique et les traditions ecclésiales. La tradition normative provient de l’Église apostolique au temps des Apôtres, c’est-à-dire de la communauté primitive qui a reçu la plénitude de la Révélation en Christ. Ces points de vue, exprimés dans les débats et consignés quelquefois dans les documents finaux des Conciles de Trente et de Vatican II, sont plus proches de la con­ception baptiste du rapport entre Écriture et Tradition.

66. Il existe d’autres questions relatives au rap­port entre Révélation, Écriture, Tradition et pro­clamation qui devraient être résolues, mais ces questions font l’objet de débats internes dans cha­cune de nos deux communions, et pas seulement entre nous.

67. L’une des questions ouvertes est celle de l’autorévélation continue de Dieu. Ensemble, baptistes et catholiques croient que la Révélation « publique », celle dont le contenu doit être proclamé parce qu’il est essentiel pour l’Évangile et qu’il a une valeur universelle pour toute l’humanité, a pris fin à la mort du dernier Apôtre. Mais cette croyance doit être conciliée avec la conviction que Dieu continue à parler aujourd’hui dans la lecture de l’Écriture et dans la proclamation de l’Évangile (prédication), où nous pouvons rencontrer un Dieu qui se révèle. Cette question a des implications sur la nature de la Révélation dans la Tradition, et rap­pelle une déclaration récente des catholiques sur la Tradition selon laquelle « Dieu, qui a parlé jadis, ne cesse de converser avec l’Épouse de son Fils bien-aimé, l’Église »[60]. Il est d’autant plus urgent de trouver une méthode qui, en utilisant le critère de l’Écriture, per­mette de distinguer entre les développements authen­tiques et légitimes du message originel révélé, et ses « accrétions » illégitimes.

68. À propos de l’affirmation que « Dieu parle au­jourd’hui », nous avons noté à diverses reprises, durant nos conversations, un lien possible entre la Tradition au sens où les catholiques l’entendent et la prédication à la­quelle les baptistes attribuent un rôle de premier plan dans le culte. Dans la prédication, la Parole de Dieu, telle qu’elle a été donnée à l’origine, revit dans la situa­tion présente sous une forme adaptée aux circonstances et au contexte social et culturel. Dans le rapport entre Écriture et prédication, il pourrait bien y avoir la clé du rapport entre Écriture et Tradition. À cet effet, une ré­flexion plus approfondie sur la théologie de la procla­mation serait nécessaire. Les baptistes pourraient éga­lement trouver des pistes dans le début de leur histoire, quand les services du culte comportaient habituelle­ment un temps d’enseignement et un temps de prédi­cation – une exégèse stricte de l’Écriture et une appli­cation plus « prophétique » de la Parole à la situation présente – ce qui pourrait éclairer le rapport entre Écriture et Tradition.

69. Ensemble, nous croyons que la conscience a be­soin d’être formée pour entendre clairement la Parole de Dieu. Chez les catholiques, l’éducation de la cons­cience est un travail de toute une vie qui « garantit la liberté » ; dans la formation de la conscience, la Parole de Dieu est une « lumière pour mon sentier » (Ps 119)[61]. Les baptistes ont toujours défendu la liberté de conscience et se sont battus pour la liberté de religion, car ils croient que la conscience est un moyen pour vivre selon la loi du Christ[62]. Depuis leur origine, les baptistes ont revendiqué la liberté de conscience devant Dieu, non seulement pour les chrétiens, mais pour les hommes de toutes les religions et pour ceux qui n’en ont aucune[63]. Mais ils reconnaissent aussi que la cons­cience peut être déformée, en sorte qu’elle est invio­lable mais pas infaillible. Nos communions n’ont pas encore suffisamment réfléchi ensemble sur le rapport entre conscience et réception de la doctrine de l’Église. Par le fait qu’elle est liée à la « réception » de la Tradi­tion, et plus en général à l’enseignement donné dans les Églises et congrégations locales, la question de la cons­cience demande une réflexion beaucoup plus appro­fondie.

70. La différence entre « la Tradition vivante » du Christ et « les traditions » humaines peut se présenter sous un jour très différent dans le Sud du monde par rapport à l’Amérique du Nord ou l’Europe. Pour citer un exemple, les nouveautés du christianisme africain en plein épanouissement vont sans aucun doute façonner de plus en plus notre pensée à l’avenir. Nous devons nous demander dans quelle mesure les présupposés culturels du Nord du monde et de l’Occident déve­loppé conditionnent notre compréhension de la tradi­tion. Et plus en général, nous devons réfléchir sur la façon dont le contexte où nous nous trouvons déter­mine notre façon de concevoir la nature et le contenu de la Tradition.

71. Nos deux communautés reconnaissent la néces­sité de se mettre à l’école du monde, mais aussi d’apprendre dans l’Église. Dieu est libre de nous parler par le moyen terrestre qu’il choisit, et nous devons donc nous demander comment discerner ce que Karl Barth appelait « les paraboles terrestres du Royaume des cieux »[64] et ce que Vatican II appelle les « signes des temps »[65]. Nous devons nous demander aussi com­ment éviter de confondre la Parole avec la culture, même si nous pouvons discerner la Parole dans la cul­ture, et comment l’écoute de la Parole dans le monde influe sur l’évolution de la Tradition.

Le fait que toutes les questions non encore résolues mentionnées ci-dessus (n. 67-71) prennent une forme « missionnelle » plutôt que la forme plus convention­nelle des controverses qui ont divisé les communions chrétiennes dans le passé est, à nos yeux, un signe des progrès accomplis par les baptistes et les catholiques dans leurs discussions sur Écriture et Tradition.   

 

IV.    Baptême et Sainte Cène/Eucharistie :
La Parole de Dieu visible dans la koinonia de l’Église

 

La signification des sacrements/ordonnances

72. Dans leur rapport, les précédentes conversations entre catholiques et baptistes (1984-88) avaient identifié la relation entre foi et sacrements – appelés « ordon­nances » par la plupart des baptistes – comme l’un des problèmes centraux à étudier dans l’avenir. Dans nos présentes conversations, nous avons décidé de l’aborder dans le cadre de notre thème principal « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église ». Car d’une part, l’évolution des croyances sur la nature des sacrements ou ordonnances s’inscrit dans le contexte plus large du rapport entre Écriture et Tradition examiné ci-dessus ; de l’autre, les sacrements ou ordonnances peuvent être considérés comme une façon de « rendre visible » la Parole de Dieu qui gouverne l’Église, en sorte que la combinaison entre grâce divine et foi humaine que nous trouvons dans l’écoute de la Parole se retrouve aussi dans la pratique concrète des sacrements ou or­donnances. En outre, comme l’action de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église est fondée sur le fait que le Verbe participe de la vie trinitaire de Dieu (voir n. 8-9), les sacrements/ordonnances sont enracinés dans les rapports de Dieu comme Trinité.  

73. Les sacrements/ordonnances sont des signes à travers lesquels Dieu agit, et donc des signes visibles de la grâce ou bénédiction divine invisible.

74. Pour les catholiques, les sacrements sont des ac­tions du Christ manifestées à travers des signes qui rendent présente la grâce. Voici ce que dit le Catéchisme de l’Église Catholique à ce propos :

‘Assis à la droite du Père’ et répandant l’Esprit Saint en son Corps qui est l’Église, le Christ agit désormais par les sacrements, institués par Lui pour communiquer sa grâce. Les sacre­ments sont des signes sensibles (paroles et ac­tions), accessibles à notre humanité actuelle. Ils réalisent efficacement la grâce qu’ils signifient en vertu de l’action du Christ et par la puis­sance de l’Esprit Saint.[66]

75. Chez les baptistes, le terme « ordonnance » ren­voie au fait que ces actions ont été ordonnées ou insti­tuées par Jésus Christ et confiées à l’Église pour signi­fier la mort, la mise au tombeau et la résurrection du Christ (1 Co 11, 25 ; Lc 22, 4-20 ; Mt 28, 19). Bien sou­vent, les baptistes utilisent le terme « ordonnance » parce qu’ils n’aiment pas le terme « sacrement » et qu’ils veulent se démarquer de ce qu’ils considèrent comme la conception catholique du « sacrement ». Ils mettent l’accent sur la « remémoration » du Christ à la table du Seigneur et sur le fait que le baptême témoigne d’une régénération déjà advenue dans le croyant. Mais en pratique, ces chrétiens baptistes s’approchent des « or­donnances » d’une façon qui peut paraître très « sacra­mentelle » aux autres chrétiens. Tous les baptistes s’approchent des ordonnances avec respect et dévo­tion, en invoquant l’intervention de l’Esprit Saint pen­dant qu’ils les célèbrent, et en espérant recevoir ainsi une « bénédiction » de Dieu, même si certains préfèrent parler de « grâce », outre que de bénédiction. Ils affirment que le Christ a promis de venir à la rencontre de ses disciples dans les eaux du baptême et dans le pain et le vin de la Sainte Cène, et que cette rencontre va changer leur vie. La fonction des ordonnances comme signes ne signifie pas qu’elles sont purement des symboles vides

En dialoguant entre eux durant ces conversations, les baptistes sont arrivés à la conclusion qu’entre « sa­crement » et « ordonnance » il n’y a pas une différence radicale de sens, mais plutôt un chevauchement. En ef­fet, si la plupart des baptistes préfèrent donner au­jourd’hui à ces actes de culte le nom d’« ordonnances », le mot « sacrement » figure dans les professions de foi et dans les écrits des premiers baptistes[67] ;  en outre, qu’ils utilisent le mot « sacrement » ou le mot « ordon­nance », ils affirment la présence du Christ dans la Sainte Cène et la grâce transformante de Dieu dans le baptême d’une façon sacramentelle, tout en rejetant les doctrines catholiques de la transsubstantiation et de la régénération des enfants[68]. De nos jours, certains bap­tistes continuent à adhérer au point de vue sacramentel des premiers baptistes. Si les baptistes approuvent en général la première partie de l’article du catéchisme de l’Église Catholique qui dit que « le Christ agit par les sacrements », ils rejettent tout ce qui suit, préférant dire simplement que le Christ accorde la grâce que les sa­crements ou ordonnances signifient[69].

76. Les différences de terminologie entre catho­liques et baptistes, ainsi que celles entre les baptistes eux-mêmes, nous ont amené à adopter la convention suivante dans le présent rapport : pour indiquer unique­ment la perspective catholique, nous parlons de « sacre­ment », et nous réservons l’expression sacre­ments/ordonnances aux points de vue divergents entre baptistes, ainsi qu’aux convergences entre catholiques et baptistes.

77. Les termes « sacrement » et « ordonnance » expriment tous deux à la fois le don d’amour de Dieu (agapé) et la réponse des hommes dans la foi. Les sacrements/ordonnances deviennent ainsi le point d’intersection entre l’engagement divin et l’engagement humain, où la priorité revient à l’action salvifique de Dieu.

78. Le mot latin sacramentum traduit le mot grec mysterion, qui indique l’action de Dieu dans l’histoire pour le salut du monde, spécialement à travers l’incarnation, la mort et la résurrection de son Fils (cf. Col 2,2-3). Ce mot était déjà utilisé par les Romains dans un sens non religieux pour désigner la promesse solennelle d’allégeance du soldat. Dans leur sens théo­logique, ces deux termes (mysterion et sacramentum) ont deux significations complémentaires : ils expriment à la fois l’action de Dieu (le « mystère » de l’œuvre ré­demptrice de Dieu) et la réponse active et vécue des hommes à cette action salvifique de Dieu à travers un engagement personnel et libre (la « promesse solen­nelle » de la foi). Le terme « ordonnance », que la plu­part des baptistes préfèrent à celui de « sacrement », souligne l’institution selon le commandement du Christ. Mais comme pour le « sacrement », ce terme in­dique à la fois l’action de Dieu et la nécessité de la foi.

79. Le Christ doit toujours être au centre de toute explication sur la signification des sacre­ments/ordonnances et sur leur rapport avec l’Église.

80. Pour les baptistes comme pour les catholiques, le Christ est l’initiateur et l’auteur des sacre­ments/ordonnances, ainsi que « celui qui mène à leur accomplissement »[70]. Ils s’accordent à dire que ces actes de culte ont été ordonnés par le Christ, qui agit dans et à travers eux au sein de l’Église. Les rites et les signes des sacrements/ordonnances n’ont d’efficacité que par le Christ qui agit à travers eux. Non seulement ils témoignent du Christ mort et ressuscité, mais ils nous permettent de nous unir plus profondément à lui.

81. Il y a co-inhérence entre les sacre­ments/ordonnances et la prédication de la Parole de Dieu.

82. Dans les traditions catholique et baptiste, les sa­crements/ordonnances proclament ce que Dieu a ac­compli en Christ ; ils fonctionnent donc comme des paroles tangibles et visibles de Dieu, en communiquant la bonne nouvelle du salut[71]. C’est pourquoi non seule­ment ils édifient la communauté chrétienne, mais ils sont destinés aussi au monde et à son salut puisque l’Église participe à la mission de Dieu. La célébration des sacrements/ordonnances est habituellement ac­compagnée du ministère de la Parole comprenant une lecture de l’Écriture et une prédication.

83. Baptême et Eucharistie/Sainte Cène sont au centre de la vie de l’Église.

84. Chez les catholiques comme chez les baptistes, d’autres actes cultuels outre le baptême et l’Eucharistie/Sainte Cène peuvent être appelés sacre­ments ou ordonnances. En outre, dans les deux com­munions, d’autres actes cultuels qui ne sont pas consi­dérés comme des sacrements/ordonnances au sens strict participent de leurs qualités. Le baptême et l’Eucharistie/Sainte Cène gardent néanmoins leur place centrale, comme « principaux sacrements » ou ordon­nances[72].

Pour les catholiques, le baptême et l’Eucharistie font partie des sept sacrements, qui comprennent en outre la confirmation, la réconciliation, l’onction des malades, les saints ordres et le mariage. Pour les bap­tistes en revanche, seuls le baptême et le Sainte Cène sont des sacrements/ordonnances, même si certains baptistes y ajoutent le lavement des pieds[73], et occasion­nellement d’autres rites aussi. Mais tout en refusant de reconnaître les cinq autres sacrements des catholiques comme des sacrements/ordonnances[74], les baptistes ont des pratiques qui leur correspondent dans une certaine mesure : ils organisent des moments de confession mutuelle où les croyants peuvent se récon­cilier avec Dieu et entre eux, encouragent la redédica­tion de la vie dans le culte, fournissent une assistance pastorale ou une direction spirituelle, prient pour les malades (et oignent même parfois les croyants), ordonnent leurs ministres, et accomplissent les rites du mariage chrétien. Certains baptistes pratiquent en outre l’imposition des mains comme le faisaient les premiers Baptistes généraux. Les baptistes croient qu’en accom­plissant les actes décrits ci-dessus, ils expérimentent la présence et la grâce du Christ et communient avec lui, comme le font les catholiques avec les sept sacrements de leur propre tradition.

85. Les sacrements/ordonnances sont des ex­périences de rencontre avec le Christ qui changent la vie de ceux qui vivent ces moments de culte, par la présence et la puissance de l’Esprit Saint. En­semble, catholiques et baptistes affirment la pleine liberté de Dieu dans les sacrements/ordonnances, et soulignent qu’aucune expérience de salut ne saurait être pleine et entière sans la participation libre et aimante du croyant à l’alliance d’amour de l’Église du Christ, car il ne peut y avoir aucune ex­périence de la grâce sans la foi.

86. La Constitution sur la liturgie de Vatican II ré­sume ainsi le but des sacrements pour les catholiques :

Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seu­lement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi. Certes, ils confèrent la grâce, mais, en outre, leur célébra­tion dispose au mieux les fidèles à recevoir fructueusement cette grâce, à rendre à Dieu le juste culte, et à exercer la charité[75].

87. La profession de foi approuvée par la congréga­tion baptiste de John Smyth en 1610 rappelle par bien des côtés le passage de la Constitution cité ci-dessus :

Deux sacrements sont institués par le Christ pour sa sainte Église… à savoir, le Saint Bap­tême et la Sainte Cène. Ce sont des actes et des signes extérieurs visibles qui manifestent à nos yeux, de la part de Dieu, l’acte spirituel inté­rieur dans lequel Dieu intervient, par le Christ et avec la coopération de l’Esprit Saint, pour la justification de l’âme du fidèle pénitent, et de notre part, le témoignage de notre religion, de notre expérience, de notre foi et de notre obéissance, en obtenant une bonne conscience au service de Dieu[76].

88. Les baptistes mettent l’accent sur la liberté de Dieu d’agir dans les sacrements/ordonnances quand et où il veut, tout en ayant confiance que Dieu est fidèle à ses promesses. Ils contestent généralement le don de la grâce dans les sacrements ex opere operato (« par l’opération opérée » ou « par le fait même que l’action a été opérée »)[77], car pour eux cela revient à dire que les sacrements confèrent la grâce en eux-mêmes, ce qu’ils voient comme une limite à la liberté de Dieu. 

89. Pour les catholiques, la notion d’ex opere operato n’a rien à voir avec une interprétation « magique » de l’efficacité des sacrements. Elle entend affirmer plutôt l’objectivité et le primat de l’action de Dieu sur celle du ministre, en assurant les chrétiens de l’intervention souveraine et gratuite de Dieu dans les sacrements. D’après l’enseignement catholique, la réception de la grâce du sacrement dépend de la disposition de celui qui reçoit le sacrement en ne mettant aucun obstacle à la grâce de Dieu, de sa foi, et de l’intention du ministre de « faire ce que fait l’Église » et d’accomplir les gestes essentiels du sacrement. La générosité divine garantit le don, et la liberté de l’homme l’accueille en collaborant avec Dieu dans un acte personnel qui comporte une conversion – et donc un renoncement au péché – pour trouver Dieu dans la foi, l’espérance et la charité, avec le désir de vivre à l’image du Christ. Bien qu’aucun sa­crement ne puisse être efficace en l’absence de ces dis­positions, l’action salvifique suscite par elle-même cette bonne volonté. C’est en ce sens que la grâce conférée par les sacrements est « opérante » : elle n’est pas le fruit d’une contribution purement humaine à l’efficacité du sacrement, mais plutôt le premier effet de la grâce sacramentelle. Le sacrement devient inefficace pour celui qui refuse l’action de la grâce, du moins pour ce qui a trait à sa sanctification. L’effet final d’un sacre­ment chez celui qui le reçoit est toujours le résultat d’un échange harmonieux entre l’objectif et le subjectif, entre le don de Dieu et l’attitude personnelle du croyant. L’objectivité sacramentelle de l’ex opere operato et de l’opus operatum (« l’acte opéré ») n’annule pas la li­berté humaine, de même que la réponse humaine ne donne pas aux sacrements une validité objective, ce qui limiterait la liberté de Dieu.

90. Ayant mieux compris l’enseignement catholique sur l’ex opere operato, les baptistes ont pu confesser avec les catholiques, comme ci-dessus, que Dieu fait preuve d’une pleine liberté dans les sacrements/ordonnances et qu’« aucune expérience de grâce n’est possible sans la foi ». Toutefois, les baptistes maintiennent leurs ré­serves quant aux implications de l’enseignement catho­lique sur l’ex opere operato selon lesquelles les sacrements en eux-mêmes « confèrent la grâce », « impartissent la grâce », « rendent la grâce effective » ou « rendent pré­sente la grâce ». Il leur serait plus facile d’accepter un autre aspect de cet enseignement, à savoir que Dieu utilise les sacrements/ordonnances pour se rendre pré­sent, comme une occasion pour impartir sa grâce qui n’est autre que sa présence aimante (cf. n. 89). 

91. Le rapport essentiel entre foi et sacre­ment/ordonnance met en jeu la foi du croyant et celle de la communauté.

92. Nos deux traditions affirment que la foi s’exprime visiblement par une profession publique et par le culte célébré par la communauté. Le catéchisme de l’Église Catholique appelle aussi les sacrements « sacre­ments de la foi »[78]. Les sacrements sont la parole de Dieu exprimée sous une forme sacramentelle. Ils sont reçus dans la foi, à travers une libre acceptation du don de Dieu. C’est pourquoi il ne peut y avoir d’événement sacramentel sans la foi. Par le fait qu’ils expriment l’acceptation de la parole de Dieu, les sacrements sont une profession de foi. La foi est toujours à la fois indi­viduelle et ecclésiale. L’enseignement baptiste insiste aussi sur la nécessité d’avoir la foi pour recevoir la grâce de Dieu dans les sacrements/ordonnances[79]. S’il est vrai que le Christ peut être rencontré personnelle­ment dans la Sainte Cène et dans le baptême, la foi et la confiance sont essentielles pour qu’une telle rencontre puisse avoir lieu, même si c’est toujours l’action de l’Esprit Saint qui rend possible cet acte humain qui est soutenu et encouragé par la foi de la communauté.     

 

Le baptême

93. Nous baptisons en obéissance au comman­dement du Christ : « Allez donc : de toutes les na­tions faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, en leur appre­nant à garder tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20). Le baptême trouve son fondement et son sens dans la doctrine de la Trinité et dans la christologie. Par notre baptême, nous sommes in­troduits dans la communion de Dieu Trinité, et nous participons à la vie, la mort et la résurrection du Christ.

94. Baptistes et catholiques peuvent faire beaucoup d’affirmations communes sur la doctrine du baptême en raison de leur profession de foi commune en Dieu Trinité et en la personne et l’œuvre du Christ, qui sont intrinsèques au baptême. Dans nos deux communions, le baptême est une profession de foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Ensemble, nous croyons que l’acte du baptême est une occasion pour rencontrer le Dieu d’amour et pour prendre part à la koinonia de la vie de relation de Dieu. Ensemble, nous croyons en Jésus Christ, le Fils de Dieu, qui s’est incarné, a souffert, est mort et est ressuscité pour le salut des hommes. Nous sommes baptisés dans le baptême même du Christ, qui est son abaissement dans la condition humaine à tra­vers son ministère, sa mort sacrificielle et sa résurrec­tion transformante (Rm 6, 3-4). Nous souvenant des paroles de Jésus : « Du baptême dont je vais être bap­tisé, vous serez baptisés » (Mc 10, 39), nous croyons que l’« unique baptême » en Éphésiens 4,5 est en premier lieu une immersion dans l’unique Seigneur Jésus Christ (« Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême »), et non une référence à un acte de baptême unifié pour toutes les Églises chrétiennes. 

95. Nombre de baptistes voient dans le baptême un signe des bénéfices du salut qui ont déjà été reçus. Pour eux, le baptême est une occasion pour le croyant d’exercer la foi qui lui a été donnée par Dieu, en ré­ponse au don du salut qu’il lui a déjà accordé. Ils pensent que cet acte de foi est aussi une occasion pour obtenir la bénédiction de Dieu, et donc pour participer plus intensément à sa vie de communion, sans attribuer au baptême un effet salvifique. Pour la plupart des baptistes, le salut n’est pas un moment isolé, mais un long processus qui conduit à « être sauvé » (comme le dit Paul en 1 Co 1, 18)[80]. Ils croient que le baptême nous introduit plus avant dans la vie de Dieu puisqu’il fait partie d’un processus qui consiste à nous laisser transformer par la grâce salvifique de Dieu, un proces­sus qui a commencé par un travail préparatoire de Dieu dans notre cœur, suivi de la conversion et du baptême. Pour l’Église Catholique, le baptême est efficace et ap­porte les bénéfices du salut.

96. Ensemble, nous confessons avec saint Paul que « nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit » (1 Co 12, 13), mais il existe chez les baptistes des points de vue différents sur le rapport entre baptême dans l’Esprit et baptême d’eau. Ceux qui croient que le bap­tême est uniquement un signe du salut déjà advenu, et qui identifient le « baptême dans l’Esprit » avec le moment de régénération antérieur, croient qu’un baptême dans l’Esprit précède toujours le signe du baptême d’eau. En revanche, ceux qui croient que le baptême fait partie du long processus qui conduit à « être sauvé » (voir n. 95) pensent que le baptême dans l’Esprit advient simulta­nément au baptême d’eau. Pour eux, le « baptême dans l’Esprit », qui advient au moment du baptême d’eau, est en fait un approfondissement de la réception de l’Esprit qui a déjà eu lieu lors de la conversion. Les ca­tholiques affirment simplement que le don de l’Esprit se produit au moment du baptême, quel que soit l’âge du baptisé. Au sein des communions catholique et baptiste, certains groupes (qui s’inspirent généralement du mouvement du « renouveau charismatique ») croient que le « baptême dans l’Esprit » a lieu après la conver­sion ou le baptême, mais nous interprétons générale­ment cette « seconde bénédiction » comme une récep­tion plus profonde des dons de l’Esprit Saint qui ont déjà été accordés.

97. La foi est toujours nécessaire dans le bap­tême.

98. Catholiques et baptistes s’accordent à dire que le premier mouvement conscient de la foi au Christ est initié par la grâce de Dieu, et qu’il est accompagné par l’Esprit Saint qui introduit le croyant dans la commu­nion du Christ. Ensemble, ils reconnaissent aussi que le baptême est le sacrement/ordonnance de cette foi. En outre, il existe un certain consensus entre eux sur la nature de la foi qui entre en jeu dans cet événement. Pour les uns comme pour les autres, l’acte du baptême est une affirmation de la foi en Dieu Trinité au nom duquel les chrétiens sont baptisés. Ensemble, ils affirment aussi que la foi de la communauté intervient dans le baptême, et que ses membres doivent s’aider mutuellement à grandir dans la foi. Le fait d’être bap­tisé en étant entouré de la prière publique de l’Église manifeste la volonté du baptisé de vivre sa foi dans le cadre de la foi de la communauté qui le reçoit. Bap­tistes et catholiques affirment que l’initiation comme parcours (voir n. 101-103 ci-dessous) signifie que la foi que chacun apporte dans le baptême est une foi encore immature, qui a besoin de grandir et de se développer. Catholiques et baptistes s’accordent à dire en outre que l’acte du baptême prend son sens le plus plein dans le cas d’un disciple croyant dont la foi est soutenue par celle d’une communauté de croyants.

99. Conformément à leur conception du rôle de la foi dans le baptême tel qu’il est décrit ci-dessus, les baptistes demandent que, dans leurs Églises, le bap­tême comporte toujours une confession de foi person­nelle du baptisé. Les baptistes ne baptisent que ceux qui sont déjà des croyants et des disciples, et donc à un âge où ils peuvent assumer consciemment la responsa­bilité de prendre part à la mission de Dieu dans le monde.

100. Pour les catholiques aussi, la foi est nécessaire pour recevoir le baptême, mais ils acceptent que la communauté professe sa foi pour un enfant, à condi­tion que les parents indiquent leur volonté qu’il soit baptisé et leur intention de l’élever dans la foi de l’Église. Les parents catholiques pensent que cette pra­tique est conforme à leur rôle d’éducateurs[81]. Par na­ture, le baptême des petits enfants requiert une caté­chèse post-baptismale, et donc un parcours d’éducation chrétienne qui aide les enfants à grandir dans la foi. Toute la communauté ecclésiale est tenue de nourrir la foi baptismale.

Bien qu’ils ne pratiquent pas le baptême des petits enfants, les baptistes sont convaincus que le Christ ap­pelle à lui les petits enfants, comme signe du Royaume de Dieu. Ils expriment généralement cette conviction par un acte de « présentation des petits enfants » où on prie pour l’enfant et on le bénit, et où les parents s’engagent avec toute la communauté à l’élever dans l’amour et dans les enseignements du Seigneur, en at­tendant qu’il puisse avoir une foi personnelle au Christ. Pour certains baptistes, cette pratique d’entourer les en­fants des prières et des enseignements de l’Église fait partie de leur parcours d’initiation chrétienne.

101. L’initiation au Christ et à son Église est un parcours qui ne s’arrête pas à l’acte du baptême. Nous pouvons œuvrer en vue d’une reconnais­sance mutuelle des diverses formes d’initiation qui existent parmi nous, comme « parcours » de foi et de grâce.

102. Dans leurs conversations récentes avec d’autres communions chrétiennes, les baptistes ont défini le parcours d’initiation comme un « parcours des débuts chrétiens »[82]. Dans des termes très similaires, le Caté­chisme de l’Église Catholique dit : « Devenir chrétien, cela se réalise dès les temps des apôtres par un chemine­ment et une initiation à plusieurs étapes »[83]. Pour les adultes qui découvrent la foi, ce parcours débute dans nos deux traditions par une évangélisation dans l’Église et par une proclamation de l’Évangile qui les appelle à la foi. L’appel de Dieu à la foi passe donc par la foi de la communauté : « Or, comment l’invoqueraient-ils, sans avoir cru en lui ? Et comment croiraient-ils en lui, sans l’avoir entendu ? Et comment l’entendraient-ils, si personne ne le proclame ? Et comment le proclamer, sans être envoyé ? Aussi est-il écrit : Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles ! » (Rm 10,14-15). La foi et l’adhésion à l’Évangile est un parcours  qui comporte différents stades ou étapes : conversion (en réponse à la proclamation de l’Évangile), puis baptême d’eau au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, réception des dons de l’Esprit avec la responsabilité de participer à la mission de Dieu dans le monde, premier partage de l’Eucharistie ou de la Sainte Cène. Cette période d’initiation est suivie d’une vie de disciple qui s’étend sur toute la vie selon le mo­dèle baptismal qui consiste à mourir et à ressusciter chaque jour avec le Christ.

103. Chez les catholiques, il y a trois sacrements de l’initiation : le baptême, la confirmation et l’Eucharistie. Le « parcours d’initiation » décrit ci-dessus peut inclure le baptême des petits enfants ; même si la séquence des étapes diffère pour eux de celle prévue pour les adultes, tous les éléments du parcours sont néanmoins présents. Chez les baptistes, le baptême ne peut être pratiqué qu’au terme d’un chemin de conversion, souvent pré­cédé d’un long parcours d’éducation chrétienne depuis l’enfance (marqué éventuellement par la bénédiction de l’enfant dans la communauté de foi). Cependant, bap­tistes et catholiques reconnaissent que dans leurs deux communions, le parcours d’initiation dans son ensemble est destiné à former des disciples chrétiens et à aider chaque disciple à approfondir son rapport avec Dieu Trinité.

C’est pourquoi nous pensons que dans les relations entre baptistes et catholiques, il serait plus fructueux de travailler à une reconnaissance mutuelle de l’initiation, plutôt que de chercher à affirmer un « baptême com­mun ». Pour les baptistes, le baptême des disciples croyants ne peut pas avoir tout à fait la même significa­tion que celui des petits enfants. L’idée d’un « baptême commun » est donc inenvisageable pour eux. Dans les conversations qu’ils ont eues récemment avec d’autres communions chrétiennes, les baptistes ont préféré parler d’une « initiation commune », en reconnaissant leur « parcours des débuts chrétiens » malgré leurs di­vergences de vues sur le baptême[84]. La question du « baptême commun » se heurtera toujours à l’obstacle de la nature de la foi dans le baptême, déjà mis en lu­mière dans les précédentes conversations entre catho­liques et baptistes. Même s’ils reconnaissent la place de la foi dans le baptême des petits enfants, représentée par la foi de leurs parents et de l’Église, la plupart des baptistes pensent que ce n’est pas une foi appropriée pour recevoir le sacrement/ordonnance du baptême. Néanmoins, certains baptistes seraient plus disposés que d’autres à accepter que le baptême des petits en­fants, complété par une profession de foi à l’âge adulte, puisse être un processus d’initiation équivalent au bap­tême des disciples croyants. 

104. Il est plus facile pour les baptistes de recon­naître l’existence d’un « parcours d’initiation chré­tienne » dans les Églises qui pratiquent le baptême des petits enfants si ce parcours d’initiation n’est considéré comme achevé que le jour où le baptisé peut confesser personnellement sa foi au Christ. Pour un grand nombre de baptistes, l’acte de confirmation des catho­liques comprend deux événements qui se trouvent gé­néralement associés dans le baptême du disciple croyant : une profession de foi personnelle et publique, et la réception des dons du Saint-Esprit en vue du ser­vice dans le monde. Les baptistes notent que le rite de confirmation de l’Église Catholique dit que « la récep­tion du sacrement de la confirmation est nécessaire à l’accomplissement de la grâce baptismale »[85].

105. Pour leur part, les catholiques précisent que l’essence du sacrement de la confirmation ne réside pas dans la profession de foi publique à l’âge adulte – même si le rite de la confirmation comporte un renou­vellement des promesses du baptême – mais plutôt dans la réception de l’Esprit Saint qui « enrichit les con­firmands d’une force spéciale »[86], en sorte que « leur lien avec l’Église est rendu plus parfait »[87] et qu’ils se trouvent ainsi obligés « plus strictement à répandre la foi par la parole et par l’action en vrais témoins du Christ »[88]. Enfin, « les sacrements de la Confirmation et de la Sainte Eucharistie sont si intimement liés entre eux que les fidèles qui ont reçu l’onction du baptême et de la confirmation sont pleinement incorporés au Corps du Christ par leur participation à l’Eucharistie »[89]. La nature de la confirmation et les con­ditions requises pour sa réception correspondent à celles de la profession de foi d’un disciple baptiste (bien que l’âge auquel la confirmation peut être reçue soit également un obstacle)[90]. D’autre part, les catholiques affirment que la confirmation est d’abord un acte de Dieu avant d’être une profession de foi, en mettant l’accent sur l’initiative gratuite de Dieu qui agit à travers les instruments sacramentels. En principe, les baptistes seraient prêts à accepter cette précision, puisqu’ils croient eux aussi qu’en recevant le baptême, les dis­ciples croyants reçoivent les dons de l’Esprit Saint pour pouvoir participer à la mission de Dieu dans le monde : c’est précisément ce qu’ils voudraient que les catho­liques affirment dans leur acte de confirmation du croyant.

106. Ensemble, catholiques et baptistes déclarent que, même si le parcours d’initiation commence avant le baptême et continue après, le baptême est la princi­pale étape de ce parcours. Ils approuvent donc la décla­ration suivante des baptistes :

Chaque fois que Dieu vient à notre rencontre, nos vies sont transformées par la grâce et nos rapports acquièrent une nouvelle profondeur. Dans ce lieu de rencontre particulier ordonné par le Christ, la force vivifiante est si puissante qu’avec les auteurs du Nouveau Testament, nous pouvons y appliquer les images de nou­velle naissance ou régénération (Jn 3, 5, Tt 3, 5), de pardon et de purification des péchés (Ac 2, 38 ; 1 Co 6, 11 ; He 10, 22), de mort et de ré­surrection avec le Christ (Rm 6, 1-6), de bap­tême dans l’Esprit (1 Co 12, 13 ; Ac 2, 38, 10, 47 ; cf. Mc 1, 9-11), de libération des forcces du mal (Col 1, 13), d’union au Christ (Ga 3, 27), d’adoption comme enfants du Dieu (Ga 3, 26), et membres du corps du Christ (1 Co 12, 13 ; Gal 3, 27-28)[91].

Toutefois, il existe parmi les baptistes différents points de vue sur le fait que les bénéfices du salut sont efficaces et exprimés dans l’acte du baptême. Comme nous l’avons vu précédemment (n. 95-96), certains d’entre eux voient surtout dans le baptême un signe des béné­fices du salut qui ont déjà été reçus. D’autres croient que, puisque le baptême est une rencontre entre la foi du croyant et la grâce transformante de Dieu, ce que ces images du salut expriment est réellement donné dans le baptême (1 P 3, 21, « le baptême vous sauve maintenant… par la résurrection de Jésus Christ »). Ils soulignent cependant que le salut est un parcours con­tinu et quotidien qui consiste à se laisser transformer à l’image du Christ (« Le langage de la croix est pour nous puissance de Dieu », 1 Co 1, 18). Les catholiques croient que les bénéfices du salut, exprimés par les images scripturales citées ci-dessus, sont réellement rendus efficaces dans le baptême, mais ne se limitent pas à l’acte du baptême. 

107. Le baptême est administré par l’eau, une fois pour toutes, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

108. Baptistes et catholiques sont substantiellement d’accord sur la manière dont le baptême est administré et sur le fait qu’il l’est une fois pour toutes. Nos deux communions reconnaissent que le baptême est admi­nistré par l’eau en prononçant les mots « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit »[92]. En­semble, nous croyons que l’immersion dans l’eau est la pratique qui exprime le mieux la signification du baptême, à savoir la mort et la résurrection du Christ. Mais les catholiques n’exigent pas l’immersion, et pour eux le baptême peut aussi être administré en faisant couler de l’eau sur la tête du candidat (par effusion) en récitant la formule baptismale. Certains baptistes reconnaissent le baptême d’un disciple croyant administré par effusion – une pratique habituelle chez les premiers baptistes – tout en affirmant que le baptême par immersion doit être la norme[93].

Nous nous accordons à dire en outre que le bap­tême, compris correctement, ne peut être reçu qu’une seule fois, même si des désaccords subsistent sur le point de savoir si le baptême des petits enfants est un vrai baptême. La majorité des baptistes ne croient pas que le baptême des petits enfants soit un vrai bap­tême[94], et estiment donc que le baptême d’un croyant déjà baptisé dans sa petite enfance n’est pas une répéti­tion du baptême. Certains d’entre eux considèrent néanmoins le baptême des petits enfants comme fai­sant partie du parcours d’initiation chrétienne, en y dé­celant des aspects de la grâce de Dieu et de la foi hu­maine (voir plus loin les n. 101-103).

109. Par le baptême, nous sommes unis aux autres croyants de l’Église du Christ, « car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps » (1 Co 12, 13).

110. Il existe chez les baptistes différents points de vue sur le rapport entre le baptême et l’Église. Un pre­mier groupe considère qu’on peut être initié au Christ et à son Église même sans avoir reçu le baptême. Ce groupe voit donc dans les Églises pédobaptistes d’authentiques Églises de Jésus Christ sans reconnaître leur baptême, car pour ses représentants c’est la foi qui constitue l’Église, et non le baptême. Certains d’entre eux, qui appartiennent aux Églises dites « inclusives », sont prêts à accueillir parmi eux les croyants baptisés en bas âge sans leur imposer un second baptême. S’ils le font, ce n’est pas parce qu’ils acceptent le baptême des petits enfants, mais parce qu’ils pensent que ce qui compte avant tout, pour devenir membre de l’Église, c’est la profession de foi personnelle.

Un second groupe croit que le baptême ne peut être séparé de l’appartenance à une Église. Pour ce groupe, le baptême et la foi sont requis. La plupart de ceux qui ont cette conviction appartiennent aux Églises baptistes dites « exclusives », qui exigent le baptême des croyants pour être admis comme membres de ces Églises. Enfin, il y a toujours eu également chez les baptistes un troi­sième groupe qui associe la croyance en un lien indis­soluble entre le baptême et l’appartenance à l’Église avec l’approche « inclusive ». Autrefois, ce groupe in­voquait la liberté de conscience devant Dieu pour ac­cepter comme membres ceux qui eux-mêmes croyaient avoir été baptisés de façon valable en bas âge, et dont la conviction, en conscience, ne pouvait être déniée. Ré­cemment un petit groupe est apparu chez les baptistes, dont le nombre ne cesse de croître, qui reconnaît le baptême des petits enfants comme une forme secon­daire de baptême « dérivée » des normes du baptême des croyants, tout en continuant à pratiquer unique­ment la forme prescrite pour eux-mêmes. 

111. Les catholiques croient que par son baptême, le baptisé est incorporé à l’Église. Animé par l’Esprit et désirant explicitement être incorporé à l’Église, le caté­chumène, c’est-à-dire celui qui se prépare au baptême, est déjà considéré comme faisant partie de l’Église[95]. Le baptême dans une communauté locale donne au bap­tisé son identité ecclésiale catholique. La foi de la communauté qui le baptise, l’accueille, l’instruit dans la foi, et dont il professe la foi, détermine l’identité ecclé­siale du nouveau baptisé. Aucun rite de baptême ne spécifie le nom de l’Église ou de la dénomination dans laquelle il est baptisé, car on présuppose qu’il a été baptisé dans l’Église du Christ. L’identité ecclésiale du baptisé découle donc non pas du rite du baptême en lui-même, mais de la communauté où le baptême a eu lieu.

112. Il est difficile pour les baptistes de reconnaître avec les catholiques que les jeunes enfants sont des membres du corps du Christ en vertu de leur baptême. Ils hésitent en effet à appeler « membre » un petit en­fant avant qu’il ait pu exercer la moindre foi personnelle, pas même la foi simple du jeune âge, car ils pensent qu’un membre doit contribuer activement à faire en sorte que la présence du Christ dans la communauté de l’Église devienne matérielle, tangible et visible dans le monde. Cependant les jeunes enfants sont considérés chez eux comme appartenant à leur manière au « corps du Christ » : ils sont accueillis et entourés par l’Église, plongés dans sa prière et objets de sa sollicitude pasto­rale constante. Comme dans le cas du catéchuménat de l’Église Catholique, les enfants qui ont vraiment la foi et qui se préparent au baptême sont considérés comme des membres du corps du Christ. Par leur baptême, ils deviennent des membres aptes au service, en commu­nion avec les autres disciples, et sont accueillis formel­lement comme membres d’une Église locale particu­lière. 

113. Le baptême signifie le pardon des péchés et une nouvelle naissance.

114. Pour les catholiques, les deux principaux effets du baptême sont la purification des péchés et une nou­velle naissance dans l’Esprit Saint[96]. Par son baptême, le baptisé devient une « nouvelle créature », une fille ou un fils adoptif de Dieu qui « participe de sa nature di­vine », membre du corps du Christ et cohéritier avec lui, temple de l’Esprit Saint (2 Co 5, 17 ; 2 P 1, 4 ; cf. Ga 4, 5-7 ; 1 Co 6, 15, 12, 27 ; Rm 8, 17). Le baptême est un « signe efficace » qui confère une grâce sanctifiante. Pour les catholiques, la grâce de la justification est un don du baptême : elle comporte la rémission des pé­chés, la sanctification et le renouvellement de l’homme intérieur[97]. La Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification (1999) approuvée par les luthériens et les catholiques dit : « Le pécheur est justifié au moyen de la foi en l’œuvre salvatrice de Dieu en Christ ; ce salut lui est offert par l’Esprit Saint dans le baptême en tant que fondement de toute sa vie chrétienne »[98]. Plus loin, ce document précise le point de vue catholique : « Audi­trice de la parole et croyante, la personne humaine est justifiée par son baptême. La justification du pécheur est pardon des péchés et réalisation de la justice par la grâce justifiante qui fait de nous des enfants de Dieu. Dans la justification, les justifiés reçoivent du Christ la foi, l’espérance et l’amour et sont ainsi reçus dans la communion avec lui »[99].

115. Si les baptistes croient que le baptême signifie une nouvelle naissance (régénération) et le pardon des péchés, ainsi que d’autres images scripturales du sa­lut[100], ils ne sont pas tous d’accord sur le fait que ce riche symbolisme est efficace dans le baptême. Comme nous l’avons vu plus haut (n. 95-96, 106), certains con­sidèrent que le baptême est essentiellement le signe d’un salut qui a déjà été reçu. D’autres reconnaissent qu’il y a régénération et rémission des péchés, tout en affirmant que le don du salut ne se limite pas à un mo­ment de conversion particulier et qu’il est accordé aussi bien avant que pendant et après le baptême.

 

L’Eucharistie/Sainte Cène

116. L’Eucharistie/Sainte Cène[101] est essentielle pour l’Église. Nous célébrons l’Eucharistie/Sainte Cène en obéissance au commandement de Jésus qui a dit : « Vous ferez cela en mémoire de moi » (1 Co 11,  24 ; Lc 22, 19).

117. Baptistes et catholiques s’accordent à dire que sans l’Eucharistie/Sainte Cène, l’Église ne serait pas l’Église. De même, il ne peut y avoir d’Eucharistie/Sainte Cène sans l’Église puisque cet acte est toujours accompli au sein d’une communauté et n’est jamais privé ou individuel. Les catholiques croient que d’une certain façon « l’Eucharistie fait l’Église »[102]. Même si cette expression peut leur paraître étrange, la plupart des baptistes sont d’accord pour dire que dans la Sainte Cène, le Christ unit ceux qui reçoivent le pain et le vin à tous les fidèles en un seul corps, qui est l’Église (1 Co 10, 16-17). La communion dans l’Eucharistie/Sainte Cène renouvelle, renforce et ap­profondit l’incorporation à l’Église déjà accomplie par la conversion et par le baptême.

118. La célébration de l’Eucharistie/Sainte Cène est à la fois le signe et la source de l’unité (1 Co 10, 16s). Nous aspirons tous à pouvoir un jour la célébrer en­semble. C’est pourquoi nous attendons l’unité visible de l’Église sur la terre et la venue finale du Règne de Dieu. Et nous nous désolons de ne pas pouvoir parta­ger actuellement la pleine communion de la table du Seigneur.

Pour les catholiques, puisque le sacrement est à la fois un acte du Christ et un acte de l’Église par l’Esprit Saint, « sa célébration dans une communauté concrète est le signe de la réalité de son unité dans la foi, le culte et la vie communautaire »[103]. C’est pourquoi la commu­nion eucharistique est liée indissolublement à la pleine communion ecclésiale et à son expression visible. L’Église Catholique enseigne en outre que « par le baptême les membres d’autres Églises et Communautés ecclésiales se trouvent dans une réelle communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église Catholique et que le baptême est le lien sacramentel d’unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui [...], il tend tout entier à l’acquisition de la plénitude de la vie du Christ »[104]. À la lumière de ces deux principes de base, « l’Église Ca­tholique de façon générale donne accès à la commu­nion eucharistique et aux sacrements de pénitence et d’onction des malades, uniquement à ceux qui sont dans son unité de foi, de culte et de vie ecclésiale. Pour les mêmes raisons, elle reconnaît aussi que, dans cer­taines circonstances, de façon exceptionnelle et à cer­taines conditions, l’admission à ces sacrements peut être autorisée ou même recommandée à des chrétiens d’autres Églises et Communautés ecclésiales »[105].

Les baptistes reconnaissent avec les catholiques que le partage de la Sainte Cène renforce la communion entre les croyants dans l’Église, et ils ont généralement une « table ouverte » à laquelle sont invités les croyants de toutes les communions chrétiennes[106]. Ils disent que « cette table est celle du Seigneur, pas la nôtre ». Bien que la nature de cette invitation diffère d’une Église à l’autre, d’une façon générale, « tous ceux qui aiment vraiment et sincèrement Notre Seigneur Jésus Christ » sont les bienvenus.

119. La Bible joue un rôle de formation dans la liturgie eucharistique et dans l’ordre du culte de la Sainte Cène.

120. Ensemble, catholiques et baptistes affirment que l’Écriture nous informe sur la manière de célébrer l’Eucharistie/Sainte Cène, structurée d’après les gestes de Jésus tels qu’il y sont rapportés : il prit le pain, le rompit, le bénit et le donna à ses disciples ; il prit une coupe de vin, la bénit et la partagea avec eux. Les bap­tistes croient que prendre ce récit scriptural comme modèle signifie partager le pain et le vin avec toute la congrégation. Depuis le Concile Vatican II, les fidèles catholiques peuvent recevoir la communion sous les deux espèces du pain et du vin[107], mais concrètement les pratiques varient selon les directives locales et les circonstances. Les catholiques croient que le Christ est pleinement présent dans chacun des éléments[108].

Dans l’Eucharistie/Sainte Cène, nous proclamons les Écritures qui expriment la foi de l’Église, et nous cherchons à vivre selon la Parole de Dieu. L’ordre du culte baptiste se concentre habituellement sur la lecture des « paroles d’institution » telles qu’elles sont rappor­tées par saint Paul (1 Co 11, 23-26), et fait appel au genre scriptural du récit pour transmettre la « tradi­tion » (v. 11), en racontant l’histoire à la congrégation rassemblée. La liturgie catholique de la Messe reprend les paroles pauliniennes dans la prière d’action de grâces au Père et dans la prière de consécration des éléments. Alors que les pratiques baptistes mettent l’accent sur l’élément scriptural de l’histoire, les pra­tiques catholiques tendent à souligner plutôt l’élément scriptural des gestes (présents aussi dans la forme bap­tiste, mais exprimés plus discrètement), en rompant le pain et en élevant la coupe.

121. L’ordre du culte de l’Eucharistie/Sainte Cène suit un modèle trinitaire. L’Église adresse au Père une action de grâce (eucharistie) comme Jésus le fit, en rappelant les actes de Dieu dans l’histoire du salut ; elle fait mémoire, célèbre et participe (anamnèse) à la mort et à la résurrection du Fils ; enfin, elle invoque l’Esprit Saint (épiclèse) pour qu’il rende le Christ réellement présent à ses disciples.  

122. L’anamnèse ou mémorial est une clé essentielle pour expliquer les dimensions du sacrifice et de la tem­poralité dans le sacrement/ordonnance. Tant les bap­tistes que les catholiques ont tenu compte des études bibliques récentes qui soulignent que dans l’Ancien et le Nouveau Testament, la « remémoration » (anamnèse) n’est pas une simple réminiscence historique, mais in­dique la participation, dans le présent, aux merveilles que Dieu a accomplies autrefois.

123. Les catholiques entendent le mémorial (anam­nèse) et l’invocation de l’Esprit (épiclèse) au sens fort. Dans l’Eucharistie, l’Église ne fait pas seulement mé­moire de la Passion et de la Résurrection du Christ Jésus, elle « présente aussi au Père l’offrande de son Fils qui nous réconcilie avec Lui »[109]. Les catholiques disent que l’Eucharistie est un sacrifice parce qu’elle re-pré­sente (rend présent) le sacrifice du Christ accompli une fois pour toutes sur la croix. C’est un mémorial de ce sacrifice et une application des fruits de ce sacrifice pour le pardon des péchés (cf. 1 Co 11, 23 ; He 7, 24, 27)[110]. Dans la célébration liturgique des événements de la Passion du Christ, ceux-ci « deviennent d’une certaine façon présents et réels »[111]. Pour les catho­liques, le sacrifice du Christ sur la croix et le sacrifice de l’Eucharistie sont un unique sacrifice, et « non la répé­tition et la multiplication du sacrifice sacramentel »[112]. Dans l’Eucharistie, le sacrifice du Christ devient le sa­crifice de toute l’Église qui, comme corps du Christ, participe à l’offrande de sa Tête[113]. En re-présentant (et non en répétant) ce sacrifice au moyen de l’anamnèse, l’Église s’unit au sacrifice du Christ par le Christ lui-même agissant par l’intermédiaire d’un ministre or­donné. L’Église invoque l’Esprit Saint (épiclèse) pour qu’il change le pain et le vin dans le corps et le sang sa­cramentel de son Seigneur, Jésus Christ, et pour qu’il rassemble tous les présents dans le corps ecclésial du Christ.

124. Les baptistes ne sont pas d’accord à tous points de vue avec les catholiques sur la dimension sa­crificielle du rite, bien qu’ils y trouvent des résonances avec leur propre récit. Ils reconnaissent que la catégorie d’anamnèse, au sens scriptural du terme, leur permet de mieux comprendre les catholiques quand ils disent que l’Eucharistie n’est pas une répétition du sacrifice du Christ. Dans leur acte de remémoration (anamnèse), les baptistes croient qu’ils participent réellement aux évé­nements de la mort et de la résurrection de Jésus et qu’ils partagent « tous les bénéfices » du sacrifice salvi­fique du Christ[114]. Mais ils font une distinction entre « partager » le don de soi du Christ et « présenter » le sacrifice du Christ au Père, considérant que seul le Christ peut se présenter lui-même. Dans leur prière à Dieu Esprit Saint (épiclèse), ils invoquent son assistance pour leur acte de remémoration et le prient pour que, à travers les signes du pain et du vin, il les fasse participer plus intimement à la communion avec le Christ et entre eux. Ils ne demandent pas à l’Esprit Saint de changer la substance du pain et du vin et préfèrent définir la Sainte Cène, de même que tous les autres actes du culte, comme un « sacrifice d’action de grâce (eucharistie) (Ps 50, 14 ; He 13, 15 ; cf. 1 P 2, 5), ou une « oblation spirituelle à Dieu de toute louange possible »[115].

125. Le Christ se rend « réellement présent » à ses disciples dans la célébration de l’Eucharistie/Sainte Cène.

126. Les catholiques croient que dans l’Eucharistie, la substance du pain et du vin se change dans le corps et le sang du Christ par l’efficacité de la Parole du Christ et par l’action de l’Esprit Saint. Ils croient que le Christ est « vraiment, réellement et substantiellement présent »[116], au sens le plus plein du terme, dans l’Eucharistie même si, dans leur apparence extérieure, leur toucher, leur odeur et leur goût, les éléments de­meurent du pain et du vin. Cette présence commence au moment de la consécration et dure aussi longtemps que subsiste l’apparence du pain et du vin. Pour les catholiques, ce changement substantiel est « justement et proprement appelé transsubstantiation »[117].

127. Les baptistes croient que le Christ – qui est toujours présent auprès de son peuple – est certaine­ment présent aussi à sa table. Certains baptistes pensent que le partage du pain et du vin les rend plus conscients de la présence du Christ ; d’autres, qu’il se rend lui-même présent à ses disciples de façon plus profonde et in­tense au moment de la présentation des éléments (mais sans être présent en eux). Une confession de foi bap­tiste récente affirme que « dans l’observance de la Sainte Cène, nous vivons la proximité et l’amour sal­vateurs de Jésus Christ, en nous remémorant ses souf­frances et sa mort pour nous »[118]. C’est pourquoi les baptistes ont toujours été contraires aux doctrines qui parlent d’un changement de « substance » dans le pain et le vin, et ont rejeté historiquement la « transsubstan­tiation »[119] ; certains d’entre eux parlent de « nourriture et boisson spirituelles », ou de se « nourrir spirituelle­ment » du Christ[120]. Tous mettent autant l’accent sur la présence du Christ dans le « corps » des croyants ras­semblés qui partagent le pain et le vin que sur les élé­ments eux-mêmes, en citant les paroles de saint Paul : « Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps : car nous partageons tous le même pain » (1 Co 10, 17). Les baptistes ont découvert ainsi certaines affi­nités entre leur ecclésiologie d’une communauté de l’Alliance et la célébration de la Sainte Cène. Les catho­liques reconnaissent qu’il y a aussi une présence du Christ en-dehors des éléments, notamment dans la pa­role lue et annoncée à l’assemblé des fidèles et dans le ministre qui préside l’assemblée. Mais ils soulignent que le Christ est pleinement présent dans les éléments eu­charistiques[121], comme le dit la doctrine de la transsubs­tantiation.

128. La façon différente qu’ont les baptistes et les catholiques de traiter les éléments du pain et du vin après la célébration montre que des divergences sub­sistent encore entre eux dans la compréhension de la présence du Christ dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Les baptistes disposent du pain et du vin restants avec res­pect, en se souvenant qu’ils ont été « réservés » à l’usage du culte, comme signe de la vie et de la mort du Christ[122], mais ils ne croient pas qu’ils doivent être con­sommés, et la réserve du pain consacré n’a pas de sens pour eux.

129. Baptistes et catholiques sont également en dé­saccord en ce qui concerne la personne qui préside ou officie dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Chez les catho­liques, pour que le Christ soit présent dans le sacre­ment, il faut qu’un prêtre consacre toujours les élé­ments. Dans la liturgie de l’Eucharistie, le prêtre agit « en la personne du Christ-Tête » (in persona Christi capi­tis) vis-à-vis de son Corps qu’est l’Église. Il agit aussi « en la personne de l’Église » (in persona ecclesiae) vis-à-vis de l’Église dans l’offrande de la prière sacerdotale de l’Église au Père. D’après la théologie catholique, le Christ est l’acteur principal de tous les sacrements et la Tête de l’Église. C’est le Christ qui, par la puissance de l’Esprit Saint, change les éléments en son corps et son sang. Et puisque le sacerdoce ministériel représente le Christ sacramentellement, le prêtre récite efficacement les paroles d’institution du Christ à la première per­sonne du singulier (« Ceci est mon corps… Ceci est la coupe de mon sang »). C’est pourquoi, « dans le service ecclésial du ministre ordonné, c’est le Christ lui-même qui est présent à son Église en tant que Tête de son corps »[123]. Le prêtre, qui « est assimilé au Souverain Prêtre, à cause de la consécration sacerdotale qu’il a re­çue… jouit du pouvoir d’agir par la puissance du Christ lui-même qu’il représente »[124]. Et parce que le sacre­ment rend présent ce qu’il signifie au moyen d’un signe, le sacerdoce sacramentel rend présent le Christ, Tête de l’Église, de façon visible au milieu de la communauté des croyants[125]. La représentation sacerdotale sacramen­telle du Christ, et la présence et l’intervention personnelles du Christ dans la liturgie, ont entre elles un rapport dynamique et permanent de participation réciproque à l’événement sacramentel.

Tout en appréciant l’accent mis par les catholiques sur la présence et l’action personnelles du Christ, les baptistes trouvent que la nécessité de l’office sacramentel d’un ministre dans la célébration de la Sainte Cène n’est pas compatible avec la croyance que l’Église est formée par la présence du Christ ressuscité – dans la lecture et la prédication de la parole, dans les sacre­ments/ordonnances et dans les assemblées de l’Église. Le Christ ressuscité est présent dans la congrégation qui vit sous sa loi ; la congrégation est son corps, mais lui seul en est la Tête. En tant que corps du Christ, l’assemblée de toute la congrégation rend le Christ vi­sible. Depuis leur origine, les baptistes considèrent que le ministère ordonné est un don du Christ à son Église, et que l’administration des sacrements/ordonnances est normalement une responsabilité et un privilège confiés par le Christ aux ministres[126]. Le ministre représente toute l’Église de Dieu à la table du Seigneur (voir ci-dessous n. 171), en faisant bien comprendre à tous que la table du Seigneur n’est pas la table privée d’une con­grégation locale. Considérer son office comme assurant d’une certaine manière la présence du Christ dans son Église à travers les sacrements/ordonnances apparaît aux yeux des baptistes comme une limite imposée à la loi du Christ, y compris pour ceux qui croient (comme les baptistes) que cet office a été donné en premier lieu par le Christ. Chez les baptistes, un ministre ordonné appelé par l’assemblée à être son pasteur préside nor­malement à la table, lorsqu’il ou elle est disponible ; de nos jours, ceci est davantage une question de bonne pratique qu’une condition absolue, et dans certaines circonstances un laïc peut présider avec l’assentiment des membres de l’Église locale[127]. Alors qu’il subsiste ici une divergence par rapport aux croyances et aux pratiques catholiques, il y a une certaine convergence sur la conviction que le Christ a donné à l’Église un of­fice de la parole et des sacrements/ordonnances. 

130. L’Eucharistie/Sainte Cène a une dimen­sion fortement éthique et eschatologique.

131. Parmi les dimensions de l’Église reconnues tant par les baptistes que par les catholiques, il y a non seulement la koinonia (fraternité, communion), le kerygma (proclamation) et la leiturgia (service de Dieu comportant une action de grâce ou « eucharistie »), mais aussi la diakonia ou service des autres. Toutes ces dimensions se retrouvent dans l’Eucharistie/Sainte Cène. Ce repas spécial nous appelle à partager le pain avec d’autres (surtout avec ceux qui sont dans le be­soin) comme acte de justice et de compassion. Tant chez les catholiques que chez les baptistes, la confes­sion des péchés est nécessaire pour que l’Eucharistie/Sainte Cène puisse être célébrée valable­ment (1 Co 11, 27-31). Et d’après les paroles de saint Paul, cette confession comporte en particulier le re­pentir pour n’avoir pas pris suffisamment soin des autres (1 Co 11, 33-34). Ensemble, catholiques et bap­tistes mettent l’accent sur l’orientation eschatologique de l’Eucharistie, et célèbrent la Sainte Cène « en atten­dant la venue du Christ ». Alors que nous voyons dans l’Eucharistie/Sainte Cène un « festin messianique » dans lequel le futur est déjà présent en un certain sens, notre espérance dans l’avènement du Règne de Dieu est pour nous une motivation à travailler pour changer la société humaine dès à présent.

 

V. Marie, modèle du disciple dans la communion de l’Église

132. « Quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs » (Ga 4,4-5). Cette confession de foi néotestamentaire, qui nous rappelle le rôle crucial de Marie dans le mys­tère de l’Incarnation et dans la communion de l’Église, invite tous les chrétiens à prêter attention à la façon dont elle est présentée dans la Bible. En même temps, le rôle de Marie est un point sur lequel il subsiste de fortes divergences entre baptistes et catholiques.

133. Marie occupe une place de premier plan dans le Nouveau Testament. Elle a été témoin de l’œuvre salvifique du Christ depuis sa conception et sa naissance jusqu’à sa mort et à l’effusion de l’Esprit Saint après sa résurrection. Choisie par Dieu pour être la mère du Sauveur, Marie mérite d’être honorée et appelée « bienheureuse » (Lc 1, 42, 48) par les chrétiens de tous les temps et de tous les lieux. Les croyances sur Marie doivent se fonder sur l’Écriture, être attestées par l’Écriture, et ne pas être en contradiction avec l’Écriture.

134. Baptistes et catholiques ne sont pas d’accord sur ce qui peut être considéré comme étant attesté par l’Écriture à propos de Marie. Leurs divergences doctri­nales découlent des implications pratiques de leur con­ception différente du rapport entre Écriture et Tradi­tion. Comme les catholiques, les baptistes croient que la conception virginale a une base scripturale explicite (Mt 1, 22-23). Croyant à la déité de Jésus Christ, ils peuvent confesser avec les catholiques que Marie est theotokos, ou « Mère de Dieu » (Lc 1, 43)[128]. En re­vanche, ils disent qu’ils ne trouvent aucune confirma­tion dans l’Écriture des croyances catholiques concer­nant sa virginité perpétuelle (n. 141), son Immaculée Conception (n. 147), et sa montée au ciel avec son corps (n. 149). Pour les catholiques, ces croyances sont des doctrines révélées par Dieu et fondées sur l’Écriture telle qu’elle a été interprétée dans la vie de l’Église au cours des siècles.

135. Marie fait partie du peuple juif. Elle est is­sue de la longue lignée de ceux qui attendent le Messie, au point de rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Testament (Ga 4, 4 ; Lc 2, 25-32). Marie a sa place dans la généalogie du Messie (Mt 1, 16) et parmi les femmes d’exception qui ont gardé en vie l’espérance de salut du peuple d’Israël. Marie peut être appelée « Fille d’Israël », en sa qualité de mère de Celui qui est appelé Fils de David, parce qu’elle a accueilli le Sauveur avec joie, et parce qu’il établit sa demeure en elle (So 3, 14-17 ; Jl 2, 21-27 ; Za 2, 15, 9, 9-10 ; Lc 1, 28-33 ; Lc 3, 31). 

136. Dans leurs confessions de foi, les baptistes ont souvent mis l’accent sur le fait que Marie est une Juive « de la tribu de Juda, descendante d’Abraham et de David »[129]. De même, les catholiques voient en Marie une « Fille de Sion » (So 3, 14 ; Za 2, 10), la personnifi­cation d’Israël et la demeure du Seigneur ; elle est donc l’image et le modèle de l’Église, nouvelle demeure de Dieu[130].

137. Plusieurs passages de l’Ancien Testament peuvent être interprétés comme se référant à Marie. Isaïe 7, 14 peut être reconnu comme un texte prophétique qui s’est avéré au moment où Marie a conçu le Christ (Mt 1, 22-23). Nombre de lecteurs chrétiens de l’Ancien Testament trouvent une référence implicite à Marie dans « la Femme » de Genèse 3, 15 dont le fils, le Messie promis, triomphe du Malin.

138. Une lecture christologique de l’Écriture nous permet de découvrir dans l’Ancien Testament des fi­gures annonciatrices du Christ. De la même façon, les catholiques découvrent dans l’Ancien Testament des figures annonciatrices de Marie. Par exemple, suivant une ancienne tradition patristique, ils comparent Marie à Ève[131] : d’une part, Ève, qui a participé à la Chute, est opposée à Marie (la « nouvelle Ève »), qui a participé à l’avènement de la Rédemption ; de l’autre, Ève, la « mère de tous les vivants », est vue comme le proto­type de Marie. Les baptistes ne sont pas tous du même avis quant à la pertinence de ces lectures typologiques sur Marie dans l’Ancien Testament.

139. Les Évangiles nous présentent Marie comme celle qui a écouté la Parole et qui a ré­pondu à l’initiative gratuite de Dieu, en devenant la disciple active et fidèle de son divin Fils. Marie a entendu la Parole et elle a obéi (Lc 1, 38). Elle l’a méditée et « gardée dans son cœur » (Lc 1, 29 ; 2, 19. 51). Comme disciple, Marie a été une vraie croyante. Elle a répondu à l’appel de Dieu avec foi (Lc 1, 45 ; 11, 28) et elle a fait entièrement don d’elle-même à Dieu en disant : « Qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). Marie a grandi dans la foi et dans la compréhension. Elle n’a pas été un instrument passif entre les mains de Dieu, mais s’est engagée activement, en consentant librement au choix de Dieu et en participant à son dessein éternel. La réponse de Marie à Dieu est en soi un fruit de la grâce.

140. Jésus a été conçu du Saint-Esprit et est né de la Vierge Marie. La conception virginale de Jésus est clairement attestée dans les évangiles de Matthieu (1, 18-25) et de Luc (1, 26-38). Matthieu (1, 22-23) voit dans la conception virginale l’accomplissement d’une prophétie (Es 7, 14). La doctrine selon laquelle Jésus a été « conçu du Saint Esprit » et est « né de la Vierge Marie » est affir­mée dans le credo des Apôtres et a été ajoutée au credo de Nicée par le concile de Constantinople (381).

En tant que signe de l’origine à la fois divine et vraiment humaine de Jésus, la maternité virginale de Marie sauvegarde l’orthodoxie christologique. Cette doctrine concerne d’abord la personne et l’identité de Jésus Christ, le Fils unique de Dieu qui s’est incarné dans le sein de la Vierge Marie par l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est un signe de l’origine divine de Jésus, puisque la Vierge Marie l’a conçu par l’œuvre de l’Esprit Saint, sans l’intervention d’un père humain. En même temps, la naissance de Jésus de la Vierge Marie est la preuve de son humanité véritable, puisqu’il est né d’une mère humaine. La naissance virginale est un signe eschatologique, un signe que Dieu est avec nous (Mt 1, 23 ; 28, 20), que le Messie est venu, et qu’une nouvelle ère a commencé.

141. L’Église Catholique enseigne que Marie était vierge non seulement lorsqu’elle a conçu le Seigneur par l’œuvre de l’Esprit Saint, mais aussi quand elle lui a donné naissance et pour tout le reste de sa vie[132]. Alors que le Nouveau Testament n’atteste expressément que le premier aspect de sa virginité, le deuxième et le troi­sième aspect appartiennent à une tradition très an­cienne. Même si ces deux derniers aspects ont été con­testés au début, les catholiques disent qu’ils ont été étayés ensuite par des arguments fondés sur l’Écriture dans la période comprise entre le concile de Nicée et celui d’Éphèse[133]. Le passage biblique cité générale­ment à l’appui de la virginité perpétuelle de Marie est Jean 19, 25-27, où Jésus confie sa mère aux soins de son Disciple bien-aimé car elle n’a pas d’autre enfant. Marie est appelée communément « aeiparthenos », c’est-à-dire « toujours vierge », depuis la fin du IVe siècle[134].

142. Bien que la virginité perpétuelle de Marie ait été affirmée par plusieurs réformateurs protestants (par ex, Luther et Zwingli), les baptistes ne trouvent aucun fondement à cette croyance dans les Écritures ; en li­sant le texte dans son sens littéral, ils affirment généra­lement que Marie a accouché de Jésus de façon nor­male, qu’elle a mené avec Joseph une vie normale de femme mariée, et que les frères et sœurs de Jésus dont il est question dans les Évangiles et dans les Lettres du Nouveau Testament (Mc 3, 31 ; 6, 3 ; Mt 1, 24-25 ; 12, 46 ; 13, 55 ; Lc 8, 19-21 ; Jn 2, 12 ; 7, 3,5,10 ; Ac 1, 14 ; 1 Co 9, 5 ; Ga 1, 19) étaient sa vraie fratrie, fruit de leur mariage. Mais si les baptistes considèrent généralement que la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie n’est pas fondée sur l’Écriture, certains d’entre eux pensent néanmoins qu’elle n’est pas directement en contradic­tion avec l’Écriture dans la mesure où les textes men­tionnés ci-dessus se prêtent aussi à des explications dif­férentes[135].

143. C’est très justement que Marie est appelée theotokos ou « Mère de Dieu ». Ce terme indique qu’elle est la mère du Fils éternel de Dieu fait homme. Ce titre, qui a un fondement dans l’Écriture (« la mère de mon Seigneur », Lc 1, 43), vise à sau­vegarder l’identité du Christ : tout ce qui est dit sur Marie, y compris qu’elle est theotokos, découle de ce qui est dit sur le Christ. Marie est la « Mère du Seigneur » en ce sens qu’elle est la mère humaine du Fils de Dieu incarné. Appeler Marie « Mère de Dieu » n’implique pas que Marie soit divine ou qu’elle soit la source de la nature divine du Christ, et moins encore qu’elle soit la Mère de Dieu le Père ou de Dieu la Sainte Trinité.

144. Toute tentative pour comprendre le Christ in­dépendamment du mystère de l’incarnation dans le sein de Marie débouche sur une christologie tronquée. Le seul et unique Seigneur Jésus Christ, qui est « de la même substance » que le Père dans sa divinité, est aussi « de la même substance » que nous dans son humanité [136] de par sa naissance de la Vierge Marie theotokos. Parce que l’enfant auquel Marie a donné naissance est vraiment le Fils de Dieu fait homme, Marie est vrai­ment la « Mère de Dieu ». Cet enseignement a été af­firmé au concile d’Éphèse en 431, et confirmé ensuite par le concile de Chalcédoine en 451.

145. Alors qu’aux yeux des baptistes, les credo des quatre premiers conciles œcuméniques sont des résu­més fiables de ce qu’enseigne l’Écriture, il n’en va pas de même pour d’autres déclarations post-bibliques qui, selon eux, n’ont pas la même autorité que l’Écriture pour tous les croyants et pour les périodes postérieures de la vie de l’Église. C’est pourquoi ils ne se sentent pas obligés d’utiliser le titre de theotokos. En fait, ils utilisent rarement l’expression « Mère de Dieu » dans leurs pré­dications et dans leurs prières, estimant qu’elle peut prêter à des malentendus. C’est pour cette raison que bon nombre de baptistes expriment des réserves sur cette expression, mais pas sur la doctrine qu’elle re­couvre. Les catholiques, quant à eux, appellent com­munément Marie « Mère de Dieu », notamment dans la prière du « Je vous salue Marie ». Les théologiens ca­tholiques considèrent généralement l’identification de Marie comme theotokos comme le « principe fonda­mental » d’où découlent les autres doctrines mariales. Ainsi, la doctrine de sa virginité perpétuelle signifie sa consécration totale, corps et âme, au rôle de theotokos, l’Immaculée Conception est sa préparation à ce rôle, et son Assomption glorieuse en est la conséquence lo­gique et juste.

146. Parmi toutes les femmes de la Bible, Marie a été appelée à remplir un rôle spécial dans le plan de salut, mais comme tout chrétien, elle a été élue, justifiée et sanctifiée par la grâce de Dieu (Rm 8, 29-30). Comme le dit l’Écriture : « Il n’y a qu’un seul Dieu, un seul médiateur aussi entre Dieu et les hommes, un homme : Christ Jésus qui s’est donné en rançon pour tous » (1 Tm 2,5-6). Tous ont besoin d’être rachetés par le Christ. Marie a été rachetée, elle aussi, par le Christ, son Sauveur (Lc 1, 47).

147. Ensemble, catholiques et baptistes croient que Marie a été rachetée par le Christ[137] selon un mode de rédemption singulier qui a consisté à la « préserver » du péché originel, plutôt que d’effacer ce péché en elle après qu’elle en ait hérité. Ils croient que depuis le pre­mier instant de sa vie, en vertu d’une grâce singulière de Dieu, Marie a été préservée de toute atteinte du péché originel par l’anticipation des mérites de Jésus Christ, le Sauveur du genre humain. Tel est le dogme de l’Immaculée Conception. D’après une interprétation erronée de l’enseignement catholique soutenue par de nombreux non-catholiques, l’Immaculée Conception garantirait l’absence de péché de Jésus ou sa libération subséquente du péché originel lors de sa naissance de Marie. Comprise correctement, cette doctrine enseigne l’absence de péché de Marie : en ayant été conçue im­maculée, Marie a été préparée par la grâce à donner sa réponse, son « oui » à Dieu, dans une liberté parfaite au moment de l’Annonciation.

La doctrine selon laquelle Marie a été préservée du péché originel, la doctrine de l’Immaculée Conception, a été définie solennellement par Pie IX en 1854 comme vérité révélée après plusieurs siècles de controverses[138]. Cette définition papale, loin d’imposer une nouvelle doctrine, entendait seulement confirmer que la croyance en Marie « toute sainte » appartient à la tradi­tion apostolique et a été révélée par Dieu. Les catho­liques affirment que cette doctrine a un fondement néotestamentaire en Luc 1, 28-30 où l’Ange s’adresse à Marie en l’appelant kecharitomene, « comblée de grâce », une expression qui se réfère à une condition existante et qui peut être entendue comme « pleine de grâce ». Ils trouvent une autre confirmation dans le salut d’Élisabeth en Luc 1, 42, qui dit que Marie est « bénie entre toutes les femmes ». La préservation de Marie du péché originel est attribuée entièrement aux mérites du Christ (Lc 1, 47) qui partage avec elle sa victoire sur le péché en empêchant que la « souillure » du péché d’Adam ne l’atteigne. Elle est considérée comme « l’élue » de Dieu en vertu d’une grâce prédestinante (Rm 8, 29 et Ep 1, 4) accordée en vue de sa vocation de theotokos. Cette doctrine a un caractère doxologique : elle loue le don gratuit de Dieu en vertu duquel Marie a pu coopérer librement à son plan de salut[139].

Les catholiques affirment que la sainteté de Marie comporte non seulement sa libération du péché origi­nel, mais aussi sa libération du péché personnel. La li­bération de Marie du péché personnel en vertu de sa coopération librement consentie avec la grâce divine fut affirmée d’abord contre ceux qui soutenaient qu’elle devait avoir quelque péché pour lequel Jésus était mort. À partir de la fin du IVe siècle, alors que la dévotion mariale se répandait, elle fut appelée communément Mère « toute sainte » de Dieu, et un consensus se fit sur sa préservation du péché personnel[140].

148. Les baptistes ne voient aucune raison de croire que Marie a été sans péché, c’est-à-dire préservée du péché personnel et du péché originel. Citant les paroles de l’apôtre Paul : « Tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3, 23), ils ne voient pas pourquoi elle devrait être considérée comme une exception. La seule personne dont il est dit dans l’Écriture qu’elle est sans péché est Jésus (He 4, 15). Lui seul est parfaite­ment saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs. D’après la Bible, aucun autre être humain ne peut se dire tel (Jn 8, 46 ; Rm 5, 12 ; 1 Co 15, 22 ; 2 Co 5,21 ; Ep 2, 3). Les baptistes ne trouvent aucun fondement bi­blique à la croyance dans l’Immaculée Conception de Marie, et ils se demandent comment elle aurait pu être pardonnée et rachetée, tout en n’ayant jamais péché. Pour eux, Marie a été l’objet de l’élection gratuite de Dieu en Christ, et elle a été préparée de façon spéciale à devenir la mère du Seigneur. Ils disent que Luc 1, 28 ne parle pas de la conception de Marie, et que le participe parfait passif kecharitomene est mieux rendu par l’expression « hautement favorisée », indiquant la grâce et la faveur de Dieu envers Marie. Cette faveur est une « condition préexistante », en ce sens qu’elle a été choi­sie par Dieu, un choix qui s’est manifesté par la venue de l’Esprit Saint qui l’a couverte de son ombre (Lc 1, 35). C’est ainsi que Marie, uniquement par la grâce di­vine, a conçu et porté le Fils de Dieu. Les baptistes re­connaissent que l’enseignement catholique sur l’Immaculée Conception a été controversé au cours des siècles et qu’il n’a été défini comme dogme qu’en 1854. Ils reconnaissent aussi que cet enseignement a été mal interprété par les non-catholiques (voir n. 147), et que les malentendus doivent être dissipés. Mais comme beaucoup d’autres chrétiens, ils pensent que cet ensei­gnement rend plus difficile pour les disciples chrétiens de voir en Marie un modèle dont la foi et la confiance ont grandi dans des conditions humaines normales.

149. Les catholiques croient que la rédemption de Marie a déjà eu lieu. Le dogme de l’Assomption, solen­nellement défini par le pape Pie XII en 1950, dit que Christ le Seigneur a pris sa mère avec lui, corps et âme, dans la gloire céleste, à la fin de sa vie terrestre[141]. Cette croyance, commémorée dans la liturgie de l’Église de­puis la fin du VIe siècle, ne se fonde pas sur des faits attestés par les Écritures. Elle naît plutôt du sensus fidelium et célèbre la croyance confiante que, par la grâce de Dieu, la Theotokos, dont la chair a donné au Fils de Dieu son humanité, jouit dès maintenant dans toute sa personne de la vie ressuscitée promise à ceux qui se sont endormis dans le Seigneur (Rm 8, 30 ; 1 Co 15, 51-57). Les catholiques citent Genèse 3, 15 qui dit que le Messie vaincra le péché et la mort, confiants que le Christ a partagé avec sa mère sa victoire sur la mort. Les baptistes, pour leur part, ne trouvent aucun fon­dement biblique ou historique à la croyance en l’Assomption de Marie dans son corps, qui implique que Marie ferait exception parmi les disciples du Christ en étant glorifiée avant la fin des temps. Comme pour l’enseignement sur l’Immaculée Conception, la défini­tion dogmatique de l’Assomption de Marie dans son corps souligne que nos deux communautés ont des points de vue différents sur le rapport entre Écriture et Tradition.

150. Par son écoute confiante et son obéissance à la Parole de Dieu, Marie est un modèle pour chaque disciple. Les chrétiens ordinaires voient en elle la première disciple du Nouveau Testament. 

151. Baptistes et catholiques s’accordent à dire que Marie est un membre de l’Église et un modèle pour chaque disciple[142]. Marie a écouté la Parole de Dieu ; elle a dit « oui » à l’Annonciation ; elle a grandi dans la foi au cours de sa vie de disciple itinérant ; elle a été présente avec d’autres au pied de la croix ; l’Esprit Saint l’a couverte de son ombre avant la naissance du Christ, et elle a reçu le don de l’Esprit au Cénacle à la Pentecôte. L’image de Marie Mère des douleurs (Lc 2, 35 ; Jn 19, 25-27) inspire les disciples baptistes et ca­tholiques qui vivent la souffrance et le deuil.

152. La doctrine catholique fait de Marie un modèle pour tous les disciples, en voyant en elle en particulier – en tant que vierge, servante et mère – l’archétype de la dignité personnelle de la femme[143]. Marie de Nazareth est « bénie entre toutes les femmes », parce que Dieu lui a confié son Fils, en inaugurant la Nouvelle Alliance par son consentement libre et actif[144]. Par la grâce de l’Esprit Saint, Marie s’est livrée à Dieu sans réserve, dans la foi, en coopérant généreusement à la mission rédemptrice de son Fils. Et parce que « toutes les géné­rations » la diront « bienheureuse », Marie est un mo­dèle pour les femmes de notre temps qui vivent dans des circonstances nouvelles[145].

153. Que ce soit chez les baptistes ou chez les ca­tholiques, certains contestent cependant la façon dont Marie est présentée aux femmes comme modèle de la disciple. Ils s’élèvent contre ce qu’ils perçoivent comme une insistance trop marquée sur sa virginité et sa ma­ternité, à l’exclusion des autres aspects de sa vie de dis­ciple. Ils craignent que l’accent mis sur la virginité per­pétuelle de Marie puisse conduire (souvent de façon non intentionnelle) à une dévalorisation de la sexualité et des passions humaines vues comme intrinsèquement coupables, et que l’insistance sur la vocation de mère des femmes ait pour effet d’écarter les femmes des rôles exercés par les hommes dans l’Église et dans la société. D’autres images empruntées à l’Écriture peuvent être citées pour réfuter cette tendance, comme celle de Marie prophète et libératrice dépeinte dans le « Magnificat », qui prend toute sa signification dans les situations d’oppression. Récemment, les évêques ca­tholiques d’Océanie ont proclamé Marie « Notre-Dame de la Paix », car « en Jésus, qu’elle a porté dans son sein, est né un monde nouveau où la justice rejoint la miséri­corde, un monde de liberté et de paix »[146].

154. Marie n’est pas seulement un membre de l’Église du Christ, elle en est aussi une figure re­présentative, ayant été choisie spécialement pour rendre témoignage au Seigneur. Sa présence fidèle au pied de la croix, avec d’autres disciples, repré­sente la fidélité de l’Église.

155. Les catholiques voient en Marie « la Mère des membres du Christ, ayant coopéré par sa charité à la naissance de l’Église des fidèles ». Elle est pour eux un modèle « dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ »[147]. En tant que « vierge », l’Église garde entière et pure la fidélité qu’elle a promise à son Époux. En tant que « mère », l’Église coopère à la nouvelle naissance et à la formation spirituelle de ses fils et ses filles. Marie est appelée aussi « Mère de l’Église » parce que son rapport maternel avec le Christ, sa Tête, s’étend à ses frères et ses sœurs (Rm 8, 29), membres de son corps[148]. Les baptistes reconnaissent le rôle exceptionnel de Marie dans l’Église du Christ, car elle seule a été appelée à participer au plan de Dieu en tant que Mère du « Verbe fait chair », ce qui lui donne une place unique dans la venue du Rédempteur dans le monde[149]. Toutefois, ils préfèrent dire que Marie, modèle des disciples, est une figure représentative de l’Église, plutôt que la « mère de l’Église »[150].   

156. La prière des chrétiens participe toujours de l’intercession du Christ comme Fils au Père (1 Jn 2,1) dont toute sa vie est l’exemple et qui conti­nue dans son exaltation (He 7, 25). Pour l’Apôtre Paul, nous disons « Amen » à Dieu par le Christ (2 Co 1,20) et nous prions le Père par le Fils dans l’Esprit Saint ; nous le faisons en compagnie de tous les saints qui prient avec le Christ, ceux qui sont vivants et ceux qui ont quitté ce monde avant nous. Ainsi, l’Église prie avec Marie (Ac 1, 14) et apprend à prier comme Marie dans la communion des saints. Le « Magnificat », cantique prophé­tique de Marie (Lc 1,46-55), exprime le chant de louange et d’action de grâce de l’Église à son Sauveur, son amour préférentiel pour les pauvres et les démunis, et sa mission d’établir le règne de justice de Dieu.

157. Les catholiques ne prient pas seulement « avec Marie et tous les saints », ils prient aussi Marie en lui demandant d’intercéder pour eux. Ils reconnaissent que Marie occupe une place prééminente dans la commu­nion des saints. Ils voient en elle leur Mère dans l’ordre de la grâce (Jn 19, 26-27), qui intercède pour eux auprès de son Fils comme elle a un jour intercédé auprès de lui aux Noces de Cana (Jn 2, 3-5)[151]. Toutefois la dévotion spéciale qu’ils lui vouent « diffère essentiellement » du culte qu’ils rendent à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint[152]. Lorsqu’ils invoquent Marie dans la prière, d’après une très ancienne tradition de l’Église, c’est pour demander son intercession maternelle auprès de son Fils en leur faveur.

158. Les baptistes n’attribuent pas cette préémi­nence à Marie, pour éviter qu’elle ne fasse de l’ombre à l’unique gloire et intercession du Christ. Ils reconnaissent que Marie est présente avec Jésus et tous les saints dans la gloire, et peuvent donc prier « avec » elle, mais ils ne demandent pas son intercession (ni celle d’aucun autre saint)[153], étant convaincus qu’ils peuvent s’avancer directement « avec pleine assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être aidés en temps voulu » (He 4, 16).

159. Parce que Marie a toujours témoigné le Christ, les représentations de Marie vénérées dans les cultures particulières doivent être conformes à l’Évangile, comme la norme centrée sur le Christ dont atteste l’Écriture. 

160. L’Évangile étant toujours reçu dans un lieu et un temps déterminés, il prend nécessairement forme dans une variété de cultures, de langues et de pratiques spirituelles. Comme d’autres éléments de l’Évangile, Marie est reçue dans des contextes culturels différents. C’est déjà évident dans les Évangiles où Marie est dé­crite comme une « Fille de Sion », une image tirée de l’Ancien Testament. Pour les catholiques, les diverses « lectures » de Marie, fondées sur l’Écriture et élaborées par des cultures particulières, peuvent aider les disciples chrétiens à grandir dans la sainteté, à condition qu’elles soient conformes à la norme de la Révélation telle qu’elle est reconnue dans toute l’Église. La dévotion à Marie dans la piété populaire est souvent concentrée sur une apparition, une icône ou une statue, conçues comme une expression de la sollicitude providentielle de Dieu pour le peuple d’un lieu particulier, avec un titre qui reflète l’expérience de ce peuple (comme la « Vierge de Guadalupe » ou la « Vierge Noire » de Czestochowa).

L’Église Catholique enseigne que Marie est toujours un témoin du Christ ; elle reconnaît qu’une dévotion exagérée à Marie peut faire passer au second plan la centralité du Christ, surtout lorsque cette piété popu­laire est séparée de la liturgie[154]. Elle dispose de normes pour déterminer l’authenticité des apparitions et pour établir si les pratiques locales et les attitudes associées à la dévotion mariale sont conformes ou non à la doc­trine et au culte catholiques. Aucune apparition de Marie à un individu ne peut être considérée par elle-même comme garantissant une communication de l’Évangile.

161. Lorsqu’ils soumettent les représentations de Marie à la critique de l’Évangile, les baptistes contestent généralement l’utilité pour la foi des apparitions mariales, craignant qu’elles ne renforcent ce qu’ils perçoivent comme des tendances culturelles oppressives, voire même idolâtres. Certains baptistes pensent cependant qu’utilisées avec discernement, les images de Marie, et l’art religieux en général sur d’autres sujets, peuvent être un soutien pour la dévotion à Dieu. D’autres pré­fèrent éviter toute représentation de Marie en raison de ce qu’ils perçoivent comme le risque de rendre à Marie un culte dû uniquement au Christ. Ce qui précède montre toutefois que les baptistes reconnaissent que Marie, telle qu’elle apparaît dans la Bible, doit être ho­norée par tous les chrétiens qui trouvent un modèle dans sa vie de disciple.

 

VI.    Le ministÈre de surveillance (episkopÈ) et d’unitÉ dans la vie de l’Église

162. Le Christ est la Tête de l’Église, son fon­dateur, son créateur et sa pierre d’angle. L’Église doit au Christ son existence même, et il demeure son « berger et son gardien (episkopos) » (1 P 2, 25). Il nourrit et soutient son Église dans la pro­clamation de l’Évangile et dans la célébration des sacrements/ordonnances. Par ces moyens, par la puissance de l’Esprit Saint, la communauté ecclé­siale grandit dans sa communion avec Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit. 

163. Les baptistes parlent du « gouvernement du Christ » dans la communauté locale de l’Église. Cette dernière se considère comme née du Christ et vivant dans l’alliance avec Dieu et entre ses membres. D’après la seconde Confession de Londres de 1677 (Baptistes particuliers), les membres de l’Église sont ceux à qui le Christ « commande de marcher ensemble dans des groupements particuliers ou églises », et qui « consentent librement à marcher ensemble selon l’ordre du Christ »[155]. Une déclaration plus récente des baptistes sur l’Église dit que « ces Églises sont rassem­blées par la volonté du Christ et vivent de son Esprit qui les habite. Leur origine ne dépend pas en premier lieu de la volonté humaine »[156]. Pour les baptistes, le Christ crée ainsi la koinonia dans l’Église sur laquelle il a autorité. Cette autorité est discernée dans les réunions ecclésiales où les croyants cherchent ensemble la pen­sée du Christ. L’episkopè découle de la koinonia : en­semble, le Christ et la communauté – le Christ appe­lant, la communauté se mettant à l’écoute de son appel – désignent celui qui doit exercer la surveillance per­sonnelle (episkopè). Ce sont « les dirigeants nommés par le Christ… pour l’administration des ordonnances et la mise en exécution du pouvoir ou du devoir qu’il leur confie »[157], un office « qui doit être continué jusqu’à la fin du monde »[158].

164. Pour les catholiques, tout ministère ecclésial est appelé à continuer le ministère du Christ dans son Église. Par la proclamation de l’Évangile et par la célé­bration des sacrements, les ministres ordonnés, agissant au nom du Christ, nourrissent et soutiennent le peuple de Dieu. Fondée sur l’unique Évangile et sur l’unique Eucharistie, l’Église du Christ est gardée dans l’unité dans un unique corps. La doctrine catholique enseigne que le « ministère épiscopal » est exercé par les évêques, ordonnés dans la succession apostolique. Leur minis­tère découle de la mission confiée par le Christ aux Apôtres : « La mission divine confiée par le Christ aux Apôtres est destinée à durer jusqu’à la fin des siècles (cf. Mt 28, 20), étant donné que l’Évangile qu’ils doivent transmettre est pour l’Église principe de toute sa vie, pour toute la durée du temps. C’est pourquoi les Apôtres prirent soin d’instituer, dans cette société hié­rarchiquement ordonnée, des successeurs »[159].

165. L’episkopè (surveillance) est un don du Christ à l’Église en vue du ministère de tout le peuple de Dieu. Le Christ appelle tout le peuple de Dieu à partager son ministère de prophète, de prêtre et de roi. L’episkopè attribuée à certains est un don du Christ, pour permettre au corps du Christ tout entier d’accomplir les tâches du mi­nistère (Ep 4, 11-13).

166. Dans la doctrine catholique, l’expression « ins­titution divine » a été utilisée pour indiquer que le Christ a donné à son Église, en la personne des apôtres qu’il s’est choisis, un ministère sacramentel ordonné au moyen duquel il veut continuer de guider le troupeau dont il est l’unique Pasteur (cf. Jn 10, 11,16). Cette doctrine a été réaffirmée par Vatican II : « Les évêques, en vertu de l’institution divine, succèdent aux Apôtres, comme pasteurs de l’Église »[160]. Leur ministère est un don essentiel du Christ à l’Église. Les catholiques disent que la plénitude du sacrement de l’Ordre est conférée aux évêques par la consécration épiscopale[161]. Le minis­tère ordonné a été voulu par le Christ pour servir tout le peuple sacerdotal de Dieu (cf. 1 P 2, 9). Ainsi, pour les catholiques, même s’il existe « une différence essentielle et non seulement de degré » entre le sacer­doce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles, « l’un et l’autre, chacun selon son mode propre, participent de l’unique sacerdoce du Christ »[162].

167. Les baptistes affirment que, par leur union au Christ, ils partagent le « sacerdoce de tous les croyants », ce qui signifie que l’Église tout entière est un sacerdoce qui offre à Dieu des sacrifices d’action de grâce et de service[163]. Cette croyance est assez proche de la notion de « sacerdoce commun » des catholiques. Pour les baptistes, le sacerdoce de l’Église tout entière inclut explicitement la tâche confiée à toute la commu­nauté de « veiller les uns sur les autres dans l’amour », une forme d’e[164] communautaire. Cependant les Confessions des premiers baptistes parlaient aussi d’un episkopè personnelle, créée par le Christ sous la forme d’« offices » dans son Église pour ceux qui sont appelés et désignés afin de « surveiller » la communauté ou de « veiller sur les âmes »[165]. L’une des caractéristiques de l’ecclésiologie congrégationaliste baptiste est de ne pas chercher à donner une définition juridique ou cano­nique des pouvoirs respectifs des ministres et de toute l’assemblée, mais de considérer leur rapport comme une question de confiance et d’obéissance mutuelle au gouvernement du Christ. Voici comment l’une des toutes premières Confessions baptistes définissait ces deux formes d’episkopè :

Afin de garantir la sainteté et l’ordre dans la communion de l’Église, Christ place certains hommes spécialement choisis à la tête de celle-ci, leur confiant la charge de gouverner, de surveiller, de visiter, et d’être vigilants de même, pour que tous les membres, chacun à sa place, soient bien gardés, il confie à tous l’autorité et le devoir de veiller les uns sur les autres[166].

168. Nos modèles différents d’episkopè se veulent fidèles à l’Écriture et à la tradition aposto­lique.

169. Dans le Nouveau Testament, nous pouvons discerner une grande variété de formes et de modèles de ministère, tantôt « charismatiques », tantôt plus « or­donnés ». Nous trouvons d’abord le cercle rapproché de disciples (les « Douze »), chargés par le Christ de continuer son ministère (Mt 28, 16-20 ; Mc 16, 14-20 ; Lc 24, 36-51 ; Jn 20, 21). Plus tard, nous trouvons un groupe plus nombreux d’« Apôtres » appelés par le Christ ressuscité durant ses apparitions. Enfin, ces der­niers s’efforcent d’assurer la continuité du ministère avec d’autres, qui ont été « séparés » par eux. Dans le Nouveau Testament nous assistons à la nomination d’episkopoi (évêques) et de presbyteroi (anciens), ces deux termes étant utilisés de façon quasiment interchan­geable (Ph 1, 1 ; Ac 20, 17, 28 ; Tt 1, 5,7 ; 1 P 5, 1-5), qui exercent leur ministère dans l’Église aux côtés des diakonoi (diacres ou serviteurs pastoraux). Ces « of­fices » ou ministères ont été établis pour guider et servir la communauté, et surtout pour la garder et lui trans­mettre le « dépôt » de la foi (1 Tm 1, 14).

170. Les catholiques voient dans ces textes néotes­tamentaires une confirmation de leur conception des origines et du développement du ministère ordonné sous sa triple forme : évêques, presbytres et diacres. Dans les descriptions postérieures, nous voyons que les Apôtres établissent des presbytres ou episkopoi dans les Églises au moyen de l’imposition des mains (Ac 14, 23, Tt 1, 5-7) et confient la tradition des enseignements de l’Évangile à des hommes dignes de confiance (1 Tm 1, 3-7, 2 Tm 4, 1-5). Selon le point de vue catholique, après la mort des premiers Apôtres, confrontées aux risques d’hérésies et de schismes, les communautés chrétiennes ont considéré ces hommes dignes de con­fiance comme les gardiens de la tradition apostolique, en leur reconnaissant l’autorité de prendre des déci­sions. 

Les traits saillants de la succession dans le triple mi­nistère des évêques, presbytres et diacres ont été re­connus par l’Église dans les premiers siècles, comme en témoignent les écrits des Pères de l’Église tels que Clément de Rome, Ignace d’Antioche, Irénée de Lyon, Tertullien, et Cyprien de Carthage. Pour les catholiques, c’est une mise en application fidèle, sous la conduite de l’Esprit Saint, de ce qui se trouvait en germe dans l’Écriture[167]. Alors que toute communauté transmet la tradition apostolique, cette même communauté a dis­cerné que le Christ avait établi le ministère épiscopal dans la succession des apôtres comme moyen sûr pour garantir la fidélité à cette tradition. Les trois degrés du ministère sacerdotal ont existé dans toutes les Églises d’Orient et d’Occident jusqu’au moment de la Réforme, et ils existent encore de nos jours dans les communautés catholique, anglicane et orthodoxe. Ca­tholiques et orthodoxes ont également établi que, selon le dessein de Dieu, seuls les hommes peuvent être or­donnés à la prêtrise, en s’appuyant sur un très fort té­moignage commun de la Tradition.

La confiance des catholiques dans la fidélité absolue de l’Église à la tradition apostolique n’implique pas que ses dirigeants ne puissent faillir quelquefois dans leur ministère, ni que l’Église soit toujours à l’abri de la né­cessité d’un renouvellement ou d’une réforme. Car « pour que nous puissions nous renouveler en lui sans cesse (cf. Ep 4, 23), il nous fait part de son Esprit qui, unique et présent, [est] identique à lui-même dans la tête et dans les membres (in capite et in membris) »[168]. L’Église reconnaît que, étant formée de membres pé­cheurs, elle « est à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de péni­tence et de renouvellement »[169].

171. Les baptistes voient généralement dans ces mêmes textes scripturaux (n. 169) une confirmation de leur vision du double ministère. Ils croient que le mo­dèle des anciens ou évêques (les offices de presbyteroi et d’episkopoi étant en fait pratiquement confondus dans l’Église primitive) et celui des diakonoi s’exprime dans les deux offices du pasteur et du diacre[170]. C’est pour­quoi les premiers baptistes appelaient le pasteur or­donné de leur congrégation soit « évêque » soit « an­cien »[171], et les baptistes d’aujourd’hui lui attribuent la plupart des fonctions de l’« évêque » catholique. Pour les baptistes, la tradition apostolique consiste principa­lement dans la transmission par les fidèles du témoi­gnage originel à Jésus Christ ; cette continuité réside dans toute l’Église et dans ses ministres, par leur témoi­gnage fidèle de l’Évangile. Néanmoins, ils voient dans les « surveillants » (episkopoi, pasteurs) de l’Église locale les héritiers du rôle du ministre apostolique, par leur té­moignage fidèle de la Parole de Dieu à travers la prédi­cation et les sacrements/ordonnances, et parce qu’ils représentent l’Église universelle au niveau local. 

172. Sur les femmes pasteurs, les baptistes n’ont pas le même point de vue que les catholiques. Ceux qui ne sont pas favorables à la nomination des femmes pour l’episkopè pastorale invoquent généralement le fait que Jésus et ses apôtres étaient des hommes et se basent le plus souvent sur une interprétation particulière des pas­sages du Nouveau Testament qui parlent de la place des femmes dans l’Église (1 Co 11, 2-16, 14, 34-35 ; 1 Tm 2, 8-15). Ceux qui sont favorables à l’ordination des femmes disent que, puisqu’en Christ « il n’y a plus l’homme et la femme car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ » (Ga 3, 28), tout chrétien baptisé peut être appelé à guider une congrégation et à veiller sur elle. Ils affirment en outre que l’Esprit Saint accorde ses dons gratuitement et librement aux femmes comme aux hommes (1 Co 12, 4-11). Ils considèrent que l’association de ces dons avec le ministère ordonné s’appuie sur les nombreuses références néotestamen­taires à la direction spirituelle des femmes (par ex. Rm 16, 1-3,7 ; Ac 18, 24-8).

Le XXe siècle a connu de grands débats, au sein de la famille chrétienne, sur la question de l’ordination des femmes. L’Église Catholique n’ordonne pas les femmes, suivant une pratique constante de l’Église. Jean-Paul II a déclaré que « l’Église n’a en aucune ma­nière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes » (Ordinatio sacerdotalis 4, 1994). L’Église Catholique enseigne que Jésus a établi la prêtrise en choisissant douze hommes dans son groupe de dis­ciples composé d’hommes et de femmes. Jean-Paul II souligne que Jésus a choisi les Douze après avoir passé une nuit en prière (cf. Lc 6,12) et que les Apôtres eux-mêmes ont soigneusement choisi leurs successeurs. Ces hommes n’ont pas seulement reçu une fonction sus­ceptible d’être exercée ensuite par n’importe quel membre de l’Église, ils ont été associés spécialement et intimement à la mission du Verbe incarné lui-même[172].

173. L’episkopè est exercée dans l’Église de fa­çon personnelle, collégiale et communautaire. Loin de s’exclure l’une l’autre, ces diverses moda­lités s’inscrivent dans un réseau de rapports dy­namiques qui, ensemble, configurent le rôle de l’episkopè dans l’Église.

174. Chez les baptistes, l’episkopè (surveillance) est exercée de façon communautaire dans les réunions de l’Église locale, dont les membres nomment le pasteur et les diacres à l’issue d’un discernement de l’appel du Christ, afin qu’il « veille sur » le corps avec compétence et fidélité à la Parole de Dieu. Le pasteur, qui exerce une episkopè personnelle, travaille collégialement avec son conseil diaconal, et éventuellement avec d’autres mi­nistres ordonnés qui font partie de l’équipe des mi­nistres. Au-delà de l’Église locale, des structures ayant des caractéristiques ecclésiales mettent l’Église locale en relation avec la communion de foi et de mission plus vaste : associations régionales, unions nationales et fé­dérations internationales. Dans ces structures, certaines personnes sont nommées pour exercer une episkopè per­sonnelle qui leur confère une certaine « autorité » dans leur propre sphère. Ce sont les « ministres régionaux », les « directeurs de missions », les « présidents » des unions ou conventions, et enfin les « secrétaires géné­raux régionaux de l’Alliance Baptiste Mondiale. Dans certain pays, les baptistes utilisent le terme « évêque »[173] parce qu’il se trouve dans le Nouveau Testament plutôt que pour indiquer une idée de succession aposto­lique[174]. Ces episkopoi ne sont pas consacrés dans un « troisième ordre » de ministère ; ils sont considérés comme exerçant le même ordre de ministère que l’episkopos local (le Pasteur de la congrégation), mais avec une sphère de service plus vaste parmi les Églises. Dans le cadre du double ordre de ministère, leur episkopè diffère par son but, mais pas par son genre. Ils exercent également une surveillance commune en union avec les groupements d’Églises plus vastes qui les ont nommés, et une surveillance collégiale avec les autres ministres ordonnés. Tant au niveau local que trans-local, leur episkopè est à la fois commune et per­sonnelle et se base sur des relations de confiance, sans que soit exercée aucune autorité juridique. 

175. Chez les catholiques, l’évêque (episkopos) exerce une episkopè personnelle dans son Église particulière (c’est-à-dire dans son diocèse ou, pour les Églises orientales, dans son éparchie, comprenant de nombreuses congré­gations locales ou paroisses). En tant que membre du « collège épiscopal » (c’est-à-dire de l’ensemble des évêques en communion avec l’Évêque de Rome), il veille sur l’Église universelle dans le cadre d’une episkopè collégiale, qui trouve son expression la plus pleine dans les conciles œcuméniques. Dans son Église particulière (diocèse), l’évêque gouverne en collaboration avec son conseil presbytéral, son conseil pastoral, son conseil économique, ainsi qu’avec d’autres instances consulta­tives auxquelles participent des laïcs ; il y a là quelques analogies avec la collégialité[175]. L’évêque exerce son episkopè dans la communauté plutôt que sur elle, dans ce qui pourrait être considéré comme une sorte d’episkopè commune, à cette différence près qu’elle exerce aussi une autorité juridique. 

Le Concile Vatican II a beaucoup insisté sur la « collégialité » des évêques. On peut dire que depuis le début, la vie ecclésiale a été « collégiale » dans un double sens : d’une part, parce que la vie interne de chaque Église locale se caractérisait par le dialogue et la collaboration ; de l’autre, parce que dans les rapports entre les diverses Églises locales, la solidarité et le par­tage étaient la norme. Le mot « collège » renvoie, dans l’enseignement catholique sur les évêques, à « un corps stable dont la structure et l’autorité se déterminent à partir de la Révélation »[176]. Les catholiques croient que le « collège » des évêques a succédé au « collège » des Apôtres, une institution voulue par Jésus Christ lui-même, qui a posé les fondements de ce ministère en appelant les Douze. Telle est la base de la croyance des catholiques dans la succession apostolique, selon la­quelle les évêques sont les successeurs des apôtres jusqu’à nos jours.

176. L’episkopè est exercée en premier lieu dans l’Église locale ou particulière, mais toujours en communion avec toute l’Église.

177. Pour les catholiques, l’Église particulière est la portion du peuple de Dieu (diocèse ou éparchie) ras­semblée autour de son évêque, qui rend visible la sou­veraineté du Christ en proclamant la Parole, en prési­dant à l’Eucharistie avec ses prêtres et ses diacres, et en veillant sur son peuple réuni en une seule communauté dans l’Esprit Saint[177]. Dans chaque Église particulière, en pleine communion avec les autres Églises particu­lières, l’Église Catholique subsiste pleinement, comme l’a souligné Jean-Paul II : « Le mystère même de l’Église nous amène à reconnaître que l’Église une, sainte, catholique et apostolique est présente dans chaque Église particulière dans le monde entier »[178]. L’évêque n’est pas seulement le point de référence ou le « principe visible » d’unité[179] du diocèse auquel il est assigné ; il est aussi un membre du collège des évêques. Par sa collaboration active avec les autres évêques, il est au service du lien d’unité entre son Église locale et toutes les autres Églises locales qui forment l’Église tout entière. Dans la paroisse, le prêtre représente son évêque, et c’est ce lien qui rend visible l’unique Église.

178. Pour les baptistes comme pour les catholiques, le Christ rassemble l’Église (pour les catholiques l’Église « particulière », pour les baptistes la congréga­tion locale) par la prédication de la Parole et par la cé­lébration des sacrements/ordonnances[180]. Pour les bap­tistes, il la rassemble aussi à travers l’episkopè per­sonnelle de ceux qui ont été désignés par la commu­nauté, qui reconnaît leur appel et confirme leurs dons spirituels. La majorité des baptistes croient que le mi­nistre d’une Église locale est un ministre de l’Église en général (c’est-à-dire un ministre de l’Église universelle de Jésus Christ), et qu’il ou elle représente l’Église uni­verselle auprès de la congrégation locale. La congréga­tion locale est pleinement l’Église, mais n’est pas toute l’Église[181]. Le lien avec l’Église tout entière – que ce soit entre les Églises baptistes ou en une communion avec les autres Églises chrétiennes – est une compo­sante nécessaire de l’Église locale. Les baptistes peuvent dire avec les catholiques que c’est la commu­nion avec tout le corps du Christ qui rend l’Église lo­cale « complète », et de ce point de vue, le Pasteur joue un rôle essentiel.

Un rapport de l’Union baptiste de Grande-Bretagne sur les formes de ministère chez les baptistes dit que les ministres ou pasteurs des Églises locales sont appelés à exercer une surveillance générale sur chaque aspect de la vie et du travail de la communauté ecclésiale. C’est ce qui caractérise la figure de l’episkopos dans l’Église, et qui le distingue de celle des diakonoi, responsables de certains aspects particuliers de la vie de l’Église. Ainsi, le pasteur ou ministre de l’Église locale

…a une vision d’ensemble sur tout le corps et sur les dons de chacun de ses membres. Il exerce une surveillance générale en aidant chaque membre à grandir dans l’identité du Christ, Serviteur de tous les hommes, et à rendre visible autour de lui le ministère de ré­conciliation de Dieu dans le monde[182].

Cette vision d’ensemble et cette surveillance sont possibles à cause de la perspective apportée par la vie de l’Église universelle. Au cours de leur formation théo­logique, les ministres ont acquis une vision et une compréhension de la foi de l’Église universelle, et c’est dans cette perspective que le ministre peut proclamer la Parole de Dieu dans la situation locale particulière de son Église, et appeler la communauté à participer à la mission de toute l’Église dans le monde actuel. En tant que représentant de l’Église universelle, le ministre ouvre l’horizon de la congrégation locale à une vision plus large[183]. Ce rôle est bien mis en lumière lors de son ordination où, dans la plupart des Conventions et Unions baptistes, il reçoit l’imposition des mains de la part des représentants des Unions d’Églises et de l’Église locale. 

179. L’episkopè personnelle est établie par le Christ pour le bien de l’Église.

180. Pour les baptistes, les ministères ordonnés as­surent le bien et le bon ordre de l’Église. Ils savent que, pour des raisons pratiques, certaines Églises locales ne sont pas toujours en mesure d’avoir l’episkopè (surveil­lance) d’un pasteur ordonné. Lorsque cette surveillance fait défaut, la congrégation est placée sous l’episkopè de ses réunions ecclésiales et de ses responsables locaux, par exemple de ses diacres. Mais même dans les Églises baptistes où le diaconat est un office ordonné, les laïcs sont toujours appelés à participer au leadership spirituel de l’Église locale. L’episkopè du pasteur est certainement essentielle et répond à la volonté du Christ pour l’Église. Comme le dit la Seconde Confession de foi de Londres des baptistes particuliers de 1677 : « Une Église particulière, rassemblée et complètement organi­sée selon la pensée du Christ, comprend des officiers et des membres. Les dirigeants nommés par le Christ sont choisis et désignés par l’église (appelée et rassemblée) pour l’administration des ordonnances et la mise en exécution du pouvoir ou du devoir qu’il leur confie et auxquels il les a appelés. Ceux-là doivent être continués jusqu’à la fin du monde : ces officiers sont les évêques, ou anciens, et les diacres »[184]. L’Église peut toutefois exister comme Église, quoique incomplète, sans l’episkopè personnelle d’un ministre qui remplit cet office.

181. Les catholiques conviennent que l’episkopè per­sonnelle est exercée pour le bon ordre de l’Église. Mais à ce sujet, ils ont aussi autre chose à dire. Le ministère des évêques appartient à la structure sacramentelle (esse) de l’Église. Par leur consécration épiscopale, ils reçoivent la plénitude du sacrement de l’Ordre. Ils sont assistés dans leur ministère par les prêtres et les diacres. Le Christ a ordonné son Église de façon à ce que sa pleine communion soit maintenue par les liens de son unique foi, par sa vie sacramentelle commune et par la vie fraternelle du peuple de Dieu sous la conduite de ceux à qui a été confié le ministère épiscopal. Vatican II résume ainsi le rôle de l’évêque dans cet ordre : « Par la fidèle prédication de l’Évangile (par l’administration des sacrements et par le gouvernement dans l’amour), ac­complis par les apôtres et leurs successeurs, c’est-à-dire les évêques ayant à leur tête le successeur de Pierre, Jésus Christ veut que son peuple s’accroisse sous l’action du Saint-Esprit, et il accomplit la communion dans l’unité dans la profession d’une seule foi, dans la célébration commune du culte divin, dans la concorde fraternelle de la famille de Dieu »[185].

182. Le ministère d’episkopè ou surveillance, qui prend racine dans le Nouveau Testament, est un service dont l’un des principaux buts est la promotion de l’unité de la communauté chré­tienne.

183. D’après ce qui précède, on peut voir que pour les baptistes comme pour les catholiques, celui qui exerce l’office de surveillance (episkopè) exerce dans l’Église locale (quelle que soit le sens que l’on donne à ce terme) un rôle spécial qui consiste à la relier à l’ensemble des autres Églises au niveau trans-local. Pour les catholiques, ce n’est pas seulement l’une des fonctions de cet office, mais une nécessité structurelle et sacramentelle en vue de l’unité de l’Église universelle. Cependant, les communautés catholiques et baptistes mettent l’accent sur des aspects différents de l’unité de l’Église. Les baptistes soulignent la liberté des congré­gations locales placées sous le gouvernement du Christ et liées entre elles par des rapports fraternels. Les ca­tholiques soulignent l’unité et l’universalité de toute la communauté catholique, sans les diversités paralysantes légitimées et parfois même encouragées par l’ecclésiologie de communion. 

184. La prière de Jésus « Que tous soient un afin que le monde croie » (Jn 17, 21) établit la vocation commune de tous les chrétiens à être unis, en se conformant ainsi à la volonté de leur Seigneur. Cette unité est à la fois spirituelle et visible.

185. Les baptistes manifestent une certaine pru­dence quant à la nature et l’ampleur de cette visibilité, et ils ne sont pas tous d’accord pour considérer les structures visibles d’unité mises en place au-delà de l’Église locale comme une réalité ecclésiale (voir n. 25). Cependant ils reconnaissent avec les catholiques qu’un certain degré de visibilité est nécessaire, compte tenu du motif pour lequel Jésus a demandé l’unité : « Pour que le monde croie ». Il faut donc qu’il y ait une forme d’unité visible. Les Actes des Apôtres soulignent à maintes reprises l’harmonie de la première commu­nauté, une harmonie que tous pouvaient voir et qui les attirait. Ils nous parlent aussi d’une initiative pour sur­monter les divisions qui menacent la communauté tout entière, au-delà du niveau local, à l’aide d’un discerne­ment commun sous la conduite de l’Esprit Saint (Ac 15). Les Lettres aux Éphésiens (4, 3) et aux Colossiens (1, 21-23) soulignent l’unité du corps du Christ dont Jésus est la Tête (Col 1, 18 ; Ep 1, 22-23). L’unité n’est pas une création de l’Église, mais un don donné et reçu : elle doit être trouvée et préservée. La notion même de « corps du Christ » renvoie à la présence du Christ dans le monde, à sa manifestation et à sa visibi­lité dans l’Église. En même temps, le don de l’unité ap­pelle une réponse de notre part.

186. L’unité de l’Église, à tous les niveaux, est le reflet de son apostolicité, qui s’exprime à la fois par la foi et par le ministère. La foi de l’Église est apostolique parce qu’elle est fidèle à la Révélation, consignée dans l’Écriture et transmise au cours des siècles. Son ministère est apostolique parce qu’il transmet la foi apostolique (2 Tm 2, 2 ; 1 Co 11, 23, 15, 3-5) et qu’il s’efforce de remplir le man­dat missionnaire contenu dans les quatre évangiles (Mt 28, 16-20 ; Mc 16, 14-18 ; Lc 24, 44-49 ; Jn 20, 21). L’Écriture atteste que l’Église est fondée sur les apôtres et sur les prophètes (Ep 2, 20, 3, 5), tout en soulignant que son seul fondement est Jésus lui-même (1 Co 3, 11).

187. L’unité de l’Église requiert l’unité de la foi. Cela vaut non seulement au niveau local ou régional, mais aussi à un niveau plus large, si l’on considère que tous les chrétiens du monde entier font partie de l’unique corps du Christ. L’unité de la foi est exprimée dans l’Écriture par la Parole inspirée de Dieu ; elle est résu­mée dans les professions de foi courtes du Nouveau Testament telles que : « Jésus est le Seigneur » (Rm 10, 9 ; 1 Co 12, 3 ; Ph 2, 11) ; elle est professée dans l’ordonnance du baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; et elle se reflète dans les doctrines tri­nitaire et christologique (ou « dogmes ») des premiers conciles. Cette unité dans la foi a aussi ce qu’on pour­rait appeler une dimension « spirituelle », distincte mais liée à sa dimension plus proprement doctrinale. Ceux qui aiment personnellement Jésus Christ, le Seigneur et Sauveur, qui mettent leur confiance en lui et s’efforcent de le suivre dans leur vie de tous les jours, sont réelle­ment des frères et des sœurs, même s’ils appartiennent à une autre Église et si les offices ou ministères sont différents dans leur Église.

188. Les catholiques professent régulièrement leur foi commune dans les credo, et en particulier dans le credo des Apôtres et le credo de Nicée-Constantinople, tandis que cette pratique n’est pas fréquente chez les baptistes. Ensemble, catholiques et baptistes croient que les paroles de ces credo sont un concentré des vé­rités exprimées dans les Écritures, sans leur attribuer la même valeur qu’aux Écritures (voir n. 59). Néanmoins, à cause de leur lien avec l’office d’enseignement de l’Église, les credo ont une autorité normative pour les catholiques. De leur côté, les baptistes adhèrent au contenu des credo et les recommandent explicitement dans certaines confessions de foi comme témoignages fiables : ainsi, la confession d’un groupe d’Églises bap­tistes générales anglaises déclarait en 1679 qu’il fallait « recevoir » et « croire dans » le credo des Apôtres, dans le credo de Nicée et dans le Symbole d’Anastase, et que les chrétiens devaient être « instruits par les ministres du Christ dans leur connaissance »[186]. En général, les credo n’ont pas la même autorité pour les baptistes que pour les catholiques ; mais catholiques et baptistes croient que l’autorité des credo dépend de leur capacité de refléter l’Écriture. 

189. Outre que les credo, baptistes et catholiques reconnaissent d’autres modalités où l’enseignement et l’évaluation de l’enseignement jouent un rôle important dans l’établissement et le maintien de l’unité dans la foi apostolique. Les deux communautés utilisent aussi d’autres moyens pour transmettre et conserver les vé­rités de la foi, tels que le culte, la prédication, la caté­chèse et les partages de foi auxquels participe tout le peuple de Dieu. Les écrits des théologiens et le témoi­gnage des saints sont aussi des moyens pour trans­mettre la foi.

190. Un rôle important du ministère d’episkopè (surveillance) est celui de conserver et de promou­voir la vraie doctrine, en coopération avec la grâce de Dieu.

191. Les catholiques croient que la promesse du Christ d’envoyer l’Esprit Saint guider la communauté dans la vérité (Jn 16, 13 ; cf. 14, 16-17) comporte l’assurance que Dieu préserve la communauté de l’erreur quand elle professe les doctrines fondamentales et normatives de la foi et de la morale.  Tel est le sens que la pensée catholique donne au terme « infaillibi­lité ». En ce sens, les catholiques attribuent une telle autorité au pape et aux évêques. En appliquant ce terme à certains enseignements du pape, le premier concile du Vatican affirma que, dans des circonstances bien précises et dans certaines limites, le pape, dans son ministère pétrinien, peut exercer l’infaillibilité de l’Église tout entière. Le Concile Vatican II a précisé que la faculté d’enseigner infailliblement appartient égale­ment au collège des évêques en communion avec le pape, surtout lorsqu’ils sont réunis en concile œcumé­nique[187]. Les catholiques croient que l’une des responsa­bilités essentielles du ministère ordonné de surveillance, conférée à chaque nouvel évêque par la consécration sacramentelle, est de transmettre la doc­trine chrétienne en matière de foi et de morale. Et que, tant individuellement dans leur diocèse qu’en groupe aux différents niveaux de la vie ecclésiale, les évêques enseignent avec une autorité spéciale sous la conduite de l’Eprit Saint. L’« office » ou « tâche » de l’enseignement officiel est souvent appelé Magistère, un terme appliqué quelquefois aussi à ceux qui exercent cet office ou à l’enseignement lui-même.

192. Les baptistes croient que la communauté, gui­dée par l’Esprit Saint, est soumise à l’ordonnancement de la Parole de Dieu, qui s’exprime à travers le minis­tère donné par Dieu. Ainsi le pasteur, en qui la tâche de l’episkopè est concentrée, est celui qui a principalement (mais pas exclusivement) la responsabilité du ministère de la Parole dans la communauté[188]. Toute l’Église prend part au ministère du Christ, qui est le Verbe de Dieu, mais le pasteur a la responsabilité principale d’en témoigner par sa proclamation et son enseignement, en interprétant les paroles écrites de l’Écriture dans les temps actuels. D’autres membres de l’Église à qui le don d’enseigner a été donné peuvent prendre part au ministère de la Parole ; mais c’est le pasteur qui a la responsabilité de former, de surveiller et de coordonner tous les enseignements et les prédications dans la con­grégation. Ainsi, toute l’Église est appelée à être « apostolique » en témoignant la bonne nouvelle du Christ et le pardon des péchés comme le faisaient les apôtres, mais quelques-uns seulement sont appelés à être les gardiens de la tradition apostolique. Il peut arri­ver que le pasteur stimule la congrégation par des pa­roles de défi prophétique. L’Église accepte de bon gré sa surveillance, car elle reconnaît l’appel de son pasteur à exercer son ministère. Mais tout en respectant son autorité, elle ne renonce pas à sa propre responsabilité d’interpréter la Parole dans la congrégation, ayant auto­rité, dans le cadre de l’episkopè commune (voir n. 167), pour discerner qu’un pasteur n’est plus appelé par le Christ à exercer son ministère auprès d’elle[189]. Une telle décision est prise par des personnes faillibles, en toute conscience devant le Christ. 

Les associations ou unions baptistes d’Églises (con­ventions) peuvent exercer l’episkopè commune pour ex­clure une congrégation de l’union, soit pour des motifs doctrinaux, soit parce que, par ses pratiques, cette Église n’apparaît plus comme une Église baptiste. Mais actuellement les baptistes ne croient pas qu’une telle décision puisse être prise au niveau universel. De même, il n’y a pas accord entre les baptistes et les ca­tholiques sur le fait que le rôle d’enseigner au niveau universel de la vie de l’Église ait une base dans le Nou­veau Testament. Les baptistes rejettent l’idée que l’Église a le charisme d’enseigner de façon infaillible, attribuant l’infaillibilité uniquement au Christ, le Verbe de Dieu. 

193. Le ministère d’unité, tel qu’il est exercé par les « surveillants » (episkopoi), est nécessaire dans l’Église locale et aux différents niveaux où les Églises locales sont regroupées.  

194. Chez les baptistes, l’episkopos du Nouveau Tes­tament est d’abord le pasteur d’une congrégation locale, tandis que chez les catholiques c’est l’évêque, qui veille sur une communauté comprenant un certain nombre de paroisses. Baptistes et catholiques interprètent diffé­remment l’exercice de l’episkopè. Alors que les deux communautés sont d’accord pour dire que ce ministère est exercé de façon à la fois personnelle, commune et collégiale (voir n. 173-175), les catholiques insistent plutôt sur la surveillance individuelle, en mettant l’accent sur le caractère personnel du ministère des évêques. Ce ministère individuel est exercé aussi collé­gialement au sein du collège des évêques qui peuvent faire appel, au besoin, à d’autres structures communes. Les baptistes, en revanche, mettent plutôt l’accent sur l’exercice commun de l’episkopè (dans le cadre de l’Église rassemblée, soit au niveau de l’Église locale, soit au niveau régional ou national) et ne conçoivent l’episkopè personnelle et collégiale que dans ce cadre, comme le veut la « surveillance » mutuelle dans la koinonia de toute l’Église. Ces accentuations différentes demeureraient même si les baptistes reconnaissaient une forme de ministère au service de l’unité de tous les chrétiens au-delà de la sphère nationale, au niveau uni­versel.

195. Les catholiques croient que, outre les instances collégiales chargées de maintenir l’unité, un ministère individuel d’episkopè a été attribué tout spécialement à Pierre par le Christ ressuscité, au service de l’unité de toute la communauté. Au premier Concile du Vatican, l’enseignement catholique sur le pape n’avait parlé que d’un « primat de juridiction », mais par la suite, ce pri­mat fut interprété parfois d’une façon qui dépassait les intentions de ce concile. Ce serait une erreur de croire que le « primat de juridiction » peut remplacer ou sup­planter le rôle des évêques et des autres ministres dans les Églises locales. L’une des contributions de Vatican II a été d’insister sur le fait que le primat du pape ne peut pas être isolé de l’Église tout entière ; il ne peut être vraiment compris que dans le cadre d’une ecclé­siologie de communion. Son but est d’édifier l’Église, et ce but détermine aussi ses limites.

196. Pour le moment, baptistes et catholiques n’ont pas pu trouver un accord sur la question de savoir si le désir d’unité du Christ pour toute l’Église inclut un mi­nistère individuel tel que celui de la papauté au service de l’unité universelle, ni sur la façon dont un tel minis­tère devrait être exercé. La plupart des baptistes pensent qu’un ministère personnel de surveillance uni­verselle n’est pas nécessaire. S’ils devaient envisager une éventuelle participation à un ministère chargé de promouvoir l’unité et la coopération entre les Églises à l’échelle mondiale, les baptistes pencheraient plutôt pour un ministère partagé entre un groupe de per­sonnes, ou exercé à tour de rôle par des représentants de l’Église appelés par Dieu[190]. Une telle solution serait comparable à celle appliquée pour les instances dans lesquelles les responsables baptistes participent aux côtés des responsables catholiques et d’autres dénomi­nations à un leadership collégial au niveau national, par exemple quand un baptiste a été désigné comme l’un des quatre présidents du conseil œcuménique national Together in England[191]. Pour les catholiques, ces assem­blées de responsables d’Églises sont plutôt des ins­tances œcuméniques que des instances ecclésiales, tan­dis que pour les baptistes elles sont une caractéristique de l’Église.

197. Le Christ est la Tête de l’Église. Sous son autorité suprême, le Nouveau Testament montre une certaine primauté de leadership exercée par l’apôtre Pierre parmi les Douze, un rôle qui cor­respond aux intentions de Jésus.  

198. Baptistes et catholiques donnent des interpré­tations différentes des textes bibliques qui parlent de Pierre. S’il est vrai que les trois passages clé de Matthieu 16, 18-19, Luc 22, 31-32 et Jean 21, 15-19 montrent un certain intérêt pour le leadership de Pierre dans la communauté de l’Église primitive, les baptistes n’y voient pas une base suffisante pour affirmer le principe d’un « office pétrinien » ou d’un « ministère pétrinien » stable destiné à se prolonger au-delà de la situation de la première communauté ecclésiale[192].

En outre, les baptistes ont soutenu traditionnelle­ment qu’un passage tel que celui de Jean 21, 15-19 peut s’appliquer à n’importe quel pasteur, comme exhorta­tion à veiller sur le troupeau du Christ ; il peut être in­terprété aussi comme l’assurance donnée à tout chré­tien qu’il peut être pardonné et qu’il pourra ensuite re­partir du bon pied. Les baptistes pensent que le « roc » dont il est question en Matthieu 16, 18-19 peut se réfé­rer à tout disciple qui confesse le Christ, outre qu’à Pierre dans ce contexte précis. Les textes où Pierre est mentionné ne doivent pas être isolés de ceux où sont mentionnés aussi les autres apôtres des premières communautés. Car s’il est vrai que Pierre est cité dans beaucoup de versets, il en va de même pour Paul qui exerçait un ministère d’unité transrégional ; et de Jacques, qui semble avoir été le chef de la communauté de Jérusalem. 

L’évaluation du poids à accorder à ces divers témoi­gnages est une tâche complexe, et cette complexité doit être prise en compte dans la recherche des preuves bi­bliques d’un éventuel ministère de primat. En considé­rant ces données bibliques, les baptistes font une dis­tinction entre les différentes strates de la question : a) le rôle de leadership joué historiquement (mais pas exclu­sivement) par Pierre auprès des autres apôtres ; b) la croyance que ce rôle de leadership continue dans un « ministère pétrinien » après la mort de Pierre ; c) la croyance que le Nouveau Testament confirme la néces­sité d’un ministère universel d’unité personnifié par un episkopos individuel ; d) la croyance, fondée sur la pré­sence et le témoignage de Pierre à Rome, que le « mi­nistère pétrinien » exerce ce ministère universel de fa­çon continue et qu’il est représenté par l’Évêque de Rome.

Pour les catholiques, ces quatre strates sont intime­ment liées entre elles, et l’expression « ministère pétri­nien » les embrasse toutes. Les discussions avec les autres communions rendent nécessaire une évaluation mutuelle de ces strates, de leurs implications, et des rapports qui existent entre elles. Nombre de baptistes reconnaissent le premier point, qui est historique, et quelques-uns d’entre eux sont prêts à se laisser con­vaincre du troisième, tout en considérant l’institution d’un ministère universel d’episkopè comme un dévelop­pement post-biblique. Les deux autres points sont en­core plus controversés. De leur côté, les catholiques affirment que le développement post-biblique d’un mi­nistère au service de l’unité universelle de l’Église trouve son fondement dans l’Écriture.

199. La question du rapport entre ministère prima­tial et Église locale de Rome est également controver­sée. Alors que l’Écriture ne parle pas de leur mort, la tradition historique selon laquelle Pierre et Paul au­raient été martyrisés à Rome, en rendant ainsi leur der­nier témoignage au Christ dans cette ville, est largement acceptée par les baptistes, par les catholiques et par de nombreux autres chrétiens[193]. Nous reconnaissons qu’en dépit des autres questions soulevées dans le cadre de la lutte de pouvoir entre l’Empire romain d’Occident et celui d’Orient, le lien historique avec les martyres de Pierre et Paul est un facteur qui joue en fa­veur du rôle particulier de l’Église de Rome et de ses évêques en vue de maintenir la fidélité au témoignage des apôtres. 

À ce stade encore précoce des conversations entre baptistes et catholiques, aucun accord sur le ministère de primat n’a pu être enregistré. Toutefois la clarifica­tion de ces questions pertinentes est déjà en elle-même un début prometteur en vue d’un travail plus appro­fondi dans l’avenir.

200. Les erreurs historiques commises dans le passé tant par les baptistes que par les catholiques doivent être affrontées dans un esprit de repen­tance, par des actions appropriées dans le présent. 

201. La nouvelle situation créée par l’esprit d’œcuménisme appelle tous les frères et les soeurs en Christ à réexaminer le passé et, si nécessaire, à réviser certaines attitudes prises autrefois par les membres de nos communautés. Dans nos deux communions chré­tiennes, nombreux sont ceux qui entendent se dissocier des jugements négatifs portés autrefois les uns sur les autres. Du côté catholique, les erreurs historiques ont été reconnues, notamment par Jean Paul II dans son encyclique sur l’œcuménisme Ut unum sint (« Qu’ils soient un »), et dans les liturgies de réconciliation telles que celle du premier Dimanche de Carême du Jubilé de l’an 2000. De leur côté, nombre de baptistes souhaitent oublier les termes peu flatteurs appliqués à la papauté par leurs ancêtres dans des circonstances bien diffé­rentes.

202. Les baptistes pensent que l’histoire et la répu­tation de la papauté comporte à la fois des aspects po­sitifs et négatifs qui demandent à être réévalués au­jourd’hui. La place importante de Rome dans la com­munauté chrétienne est due à son lien avec le ministère et le martyre des apôtres Pierre et Paul. Le ministère d’unité de certains évêques de Rome demeurés cé­lèbres, tels Léon Ier au temps du concile de Chalcé­doine, est reconnu par beaucoup de communautés chrétiennes. Dans les premiers siècles de notre ère, nombreux étaient ceux qui venaient demander le sou­tien du pape ou qui s’adressaient à lui en cas de conflit, ce qui montre bien la valeur attribuée généralement à son ministère. Mais en même temps, les baptistes pensent que cette histoire comporte aussi des événe­ments et des décisions qui n’ont pas eu un effet unifi­cateur. Baptistes et catholiques tirent donc des conclu­sions différentes de l’usage qui a été fait de l’autorité papale dans l’histoire, même lorsqu’ils sont d’accord pour reconnaître les faits en question.

203. Le témoignage rendu par les papes dans les dernières décennies sur des vérités et des valeurs évan­géliques chères à la communauté baptiste a amené nombre de responsables et de théologiens des Églises baptistes à réviser leurs anciennes positions sur la pa­pauté. En particulier, le pontificat long et dynamique de Jean-Paul II, avec sa forte présence dans les médias, a parlé à l’imagination des baptistes. Nombreux sont les baptistes qui voient désormais des avantages concrets au fait d’avoir une voix qui parle au nom de toute la communauté chrétienne. Cette voix a une fonction prophétique lorsqu’elle se base sur l’Écriture et pro­clame les vérités éternelles de la foi chrétienne en notre temps. L’utilité de ces enseignements pour la catéchèse et pour la solidarité sociale s’étend bien au-delà de la seule Église Catholique, en assumant les caractéris­tiques d’un ministère d’unité. 

204. S’il n’y a pas d’accord substantiel sur un mi­nistère d’unité universel, il existe en revanche au­jourd’hui des instances où catholiques et baptistes par­tagent des ministères qui ont un effet unificateur à l’échelle mondiale. En tant que figure reconnue dans le monde entier, le pape est en mesure de promouvoir avec d’autres responsables chrétiens et leurs commu­nautés des actions communes dans les domaines cultu­rel, scientifique, éthique et théologique. La participation plus nombreuse des laïcs et des ministres d’autres Églises aux synodes des évêques de l’Église Catholique, et la participation des catholiques aux divers conseils et assemblées des Églises baptistes, sont des moyens pour promouvoir l’unité qui ne requièrent pas l’union entre les Églises. Une initiative utile, de la part des baptistes, pourrait être de donner une réponse formelle à l’invitation lancée par Jean-Paul II dans Ut unum sint de réfléchir ensemble à un ministère d’unité à tous les ni­veaux où il peut être exercé, et qui soit acceptable pour les autres chrétiens dans la nouvelle situation œcumé­nique. Par ailleurs, tous les responsables qui guident nos communautés aux niveaux local, régional, national et universel doivent être encouragés à formuler et à mettre en œuvre des actions communes réalisables dès à présent[194].

 

VII. RÉflexions conclusives

 

Élaborer une pensée commune

205. Dans nos conversations, nous avons examiné ensemble, attentivement et patiemment, les principales questions qui nous séparent, et qui avaient été identi­fiées au préalable comme étant particulièrement diffi­ciles (voir n. 4). On trouvera donc dans ce rapport une quantité de détails, mais nous sommes convaincus que jamais une tentative aussi poussée n’avait été réalisée jusqu’à présent pour définir aussi précisément que pos­sible les convergences et les divergences entre les chré­tiens catholiques et baptistes. Nous espérons que ceux qui liront ce rapport avec sympathie y trouveront une quantité surprenante de convergences et de pensée commune, non seulement dans les résumés en carac­tères gras, mais aussi dans les comparaisons entre les points de vue des catholiques et des baptistes.

Il apparaît qu’une grande partie de la théologie sous-jacente à ces conversations nous est commune. Nous avons commencé par le thème de la Parole de Dieu dans la vie de l’Église : « La Parole de Dieu dans l’Église, au sens le plus plein du terme, est le Christ lui-même, qui règne en Seigneur par la puissance et la grâce de l’Esprit » (n. 7). Notre point de départ com­mun a donc été que le Verbe fait chair nous introduit dans la communion trinitaire de Dieu, laquelle crée la communion de l’Église, en sorte que la koinonia de l’Église participe de la koinonia de la Trinité (n. 8-10).[195]

Partant de là, nous avons découvert qu’il existe de nombreux points communs dans nos principes théolo­giques sur l’Écriture, la Tradition, les sacre­ments/ordonnances, la place de Marie dans la vie de l’Église, l’ordre ecclésial et le ministère de surveillance (episkopè). Dans ce rapport, nous avons voulu attirer l’attention sur ces points communs. Les divergences, toujours regardées avec respect, sont dues bien souvent à la façon dont nos communions respectives se sont développées, par rapport à des conflits historiques et dans des contextes sociaux différents. Cette réflexion menée ensemble a beaucoup favorisé la compréhension mutuelle et la sympathie entre nous, tout en dissipant des malentendus tenaces. Travailler ensemble nous a permis non seulement de réaffirmer plus clairement nos convictions, mais aussi de les repenser dans une perspective nouvelle, par un exercice d’« œcuménisme réceptif » selon l’expression d’un courant de pensée contemporain[196]. Ce fut réellement une expérience d’« échange de dons », pour citer une phrase mémo­rable de Jean-Paul II[197]. Et tout comme les participants aux premières conversations de 1984-88, nous remer­cions le Seigneur pour le don d’être ensemble.

 

Progresser ensemble

206. L’une des principales avancées que nous avons réalisée ensemble a trait à notre compréhension du rapport entre Écriture et Tradition. À une exception près (l’expression « avec un égal sentiment d’amour et de respect » appliquée à l’Écriture et à la Tradition, voir n. 65), nous avons découvert que nous partageons la croyance qu’Écriture et Tradition se fondent sur une unique source, à savoir la Révélation de Dieu en Jésus Christ. Quelques différences subsistent quant aux im­plications pratiques de ce principe théologique, que ce soit sur les poids respectifs de l’Écriture et de la Tradi­tion ou sur les différentes exégèses de l’Écriture dans l’enseignement de l’Église : on peut en trouver quelques exemples dans les paragraphes sur Marie et sur la surveillance (episkopè) dans l’Église. Mais ayant reconnu que nous travaillons sur une base en grande partie commune, nous pourrons désormais parler de ces différences de façon constructive au lieu de nous limiter à constater qu’il y a impasse, et travailler à nous rapprocher encore davantage.

207. De même, nous avons proposé une certaine convergence théologique sur la question du baptême : nous sommes d’accord en principe sur le fait que le baptême n’est pas un acte isolé, mais qu’il s’inscrit dans un parcours d’initiation chrétienne. C’est là une pers­pective commune, en ligne avec celle réalisée entre baptistes et anglicans. Même si quelques divergences subsistent sur le baptême (voir n. 103, 112), nous dis­posons maintenant d’une base solide pour avancer vers une reconnaissance mutuelle du parcours d’initiation chrétienne. Nous ne sommes plus bloqués par ce qui apparaissait comme un fossé infranchissable entre la pratique du baptême des petits enfants et celle du bap­tême des disciples « professants ».

 

Reconsidérer les anciennes questions

208. Avec la création d’un espace théologique commun dans lequel dialoguer, chaque délégation a été amenée à reconsidérer quelques-unes de ses prises de position traditionnelles. Notre réexamen du riche ba­gage de témoignages bibliques sur Marie, la Mère de Jésus, nous a conduits à une compréhension commune de Marie comme modèle des disciples dans la koinonia de l’Église. Les participants baptistes à ces conversa­tions ont eu ainsi l’occasion d’entamer une réflexion sur la façon dont ils l’honorent et d’affirmer la place spéciale que Dieu lui a réservée dans l’histoire du salut. Une meilleure compréhension du rapport entre Marie et le Christ a conduit les participants baptistes à recon­naître son rôle de theotokos, Mère de Dieu, un titre qui est essentiellement une affirmation de la divinité de Jésus Christ. Dans ces conversations, les catholiques ont été invités à mener une réflexion plus approfondie sur le sens des images bibliques de Marie qui sont à la base de la doctrine et de la dévotion mariales. Les par­ticipants catholiques ont ainsi pris conscience que les autres chrétiens ont le sentiment que certaines expres­sions populaires de la dévotion de Marie peuvent faire de l’ombre à la centralité du Christ et à la vie de disciple chrétien. Les catholiques ont découvert le tort que cela peut causer.

209. Dans un tout autre domaine, les participants baptistes ont trouvé utile d’envisager la question du ministère d’unité universelle sous un nouvel angle, sans arriver toutefois au point d’en affirmer la nécessité. Les discussions ont permis de dissiper d’anciennes réti­cences, et des suggestions sérieuses ont été faites en vue d’une meilleure coopération, en faisant entendre la voix des chrétiens aujourd’hui (voir n. 196, 204). De leur côté, les participants catholiques à ces conversa­tions se sont sentis encouragés à développer une théo­logie plus riche de l’Église locale, et à réfléchir sur la formation à la vie de disciple dans les paroisses.

 

Recevoir ce rapport

210. Nous confions maintenant ce rapport à nos deux communions de foi pour une réflexion attentive et priante. Les questions que nous avons abordées touchent parfois de très près à notre identité, et nous sommes conscients que certaines parties de ce rapport peuvent être dérangeantes pour les membres de nos Églises respectives. Nous espérons qu’il suscitera de nouvelles conversations entre et à l’intérieur de cha­cune de nos communions, et qu’il sera lu avec patience, sympathie et charité, et non avec suspicion. De telles conversations peuvent avoir pour cadre les instituts de formation théologique, se dérouler entre pasteurs et prêtres des deux congrégations, dans des groupes de travail au niveau local, ou dans le cadre de consulta­tions ou de dialogues régionaux ou nationaux. Nous espérons en outre que les théologiens des autres com­munions chrétiennes s’intéresseront à cette tentative sérieuse et nouvelle pour comparer et distinguer les convictions des baptistes et des catholiques.

211. De même que pour le dialogue théologique sur les questions doctrinales, le dialogue sur les questions éthiques demande une attention constante. Parmi nos objectifs de départ, il y avait le désir d’« encourager de nouvelles initiatives communes sur des questions éthiques, telles que la justice, la paix et la sainteté de vie ». Nous n’avons malheureusement pas eu la possi­bilité d’approfondir ce point dans cette phase de nos conversations, qui ont bénéficié par ailleurs d’un éclai­rage sur d’autres contextes que ceux de l’Europe occi­dentale et de l’Amérique du Nord grâce à l’expérience de nos participants – originaires notamment de Jamaïque, Pologne, Mexique, Argentine, Brésil, Ghana, Singapore, Philippines ou Taiwan. À la lumière de toute ceci, nous espérons que les conversations futures, outre que sur les sujets éthiques déjà indiqués, porteront aussi sur la question de l’Évangile et l’inculturation, ainsi que sur le problème urgent de la liberté religieuse. Nous es­pérons que les bases théologiques posées dans ce rap­port représenteront un nouvel encouragement à l’action éthique, dans le cadre de mission et évangélisa­tion.

 

Reconnaître le Christ les uns dans les autres

212. Que dire en conclusion ? Nous espérons que la koinonia que nous avons vécue ensemble dans le culte et dans les discussions s’étendra à la vie de nos commu­nions de foi. Même si cela peut paraître insuffisant à ceux qui espèrent davantage, nous pouvons dire au moins que nous discernons chacun les traits de l’Église du Christ dans l’autre communion, en y reconnaissant la présence de Jésus Christ, Seigneur de l’Église. Nous avons atteint « une certaine communion, bien qu’imparfaite »[198], et nous continuons à déplorer les divisions qui existent entre nous. Nous espérons que cette reconnaissance mutuelle aura aussi un effet entre les Églises baptistes et catholiques au niveau local, dans leur vie et dans leur mission, loin de l’air raréfié de ces conversations théologiques. Puisse ce discernement mutuel du Christ dans l’autre trouver un écho dans nos congrégations locales et nos paroisses. Puisse le Christ, le Verbe de Dieu, continuer à nous guider, à nous cor­riger et à nous renouveler conformément à sa Parole.

 

ANNEXE 1

Discours de bienvenue de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI à la Commission internationale conjointe
de l’Alliance Baptiste Mondiale et du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens
Rome, le 6 décembre 2007[199]

 

Chers amis,

Je souhaite cordialement la bienvenue aux membres de la Commission conjointe promue par l’Alliance Baptiste Mondiale et par le Conseil Pontifi­cal pour la promotion de l’unité des chrétiens. Je suis heureux que vous ayez choisi comme lieu de votre rencontre la ville de Rome, où les apôtres Pierre et Paul ont proclamé l’Évangile et où ils ont couronné leur témoignage au Seigneur ressuscité en versant leur sang. Mon espoir est que vos conversations portent des fruits abondants pour les progrès du dialogue et pour une compréhension et une coopération accrues entre catholiques et baptistes.

Le thème que vous avez choisi pour cette phase de vos contacts – La Parole de Dieu dans la vie de l’Église : Écriture, Tradition et Koinonia – offre un contexte pro­metteur pour l’examen de questions qui ont fait l’objet de controverses historiques, telles que le rapport entre Écriture et Tradition, la compréhension du baptême et des sacrements, la place de Marie dans la commu­nion de l’Église, et la nature de la surveillance et du primat dans la structure ministérielle de l’Église. Pour que notre espoir d’une réconciliation et d’une plus grande fraternité entre baptistes et catholiques puisse se réaliser, ces questions doivent être abordées en­semble dans un esprit d’ouverture, de respect mutuel et de fidélité à la vérité libératrice et au pouvoir salva­teur de l’Évangile de Jésus Christ.

Comme croyants en Christ, nous reconnaissons en lui l’unique médiateur entre Dieu et l’humanité (1 Tm 2, 5), notre Sauveur et notre Rédempteur. Il est la pierre angulaire (Ep 2, 21 ; 1 P 2, 4-8), la Tête du corps qu’est l’Église (Col 1, 18). En ce Temps de l’Avent, nous espérons sa venue dans une attente priante. Aujourd’hui, comme toujours, le monde a be­soin de notre témoignage commun du Christ et de l’espérance que l’Évangile apporte. C’est pourquoi l’obéissance à la volonté du Seigneur doit nous pous­ser à rechercher constamment l’unité qu’il a exprimée de façon si émouvante dans sa prière sacerdotale : « Que tous soient un… afin que le monde croie » (Jn 17, 21). En effet, le manque d’unité entre les chrétiens « s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature » (Unitatis Redintegratio, 1).

Mes chers amis, je vous présente mes vœux cor­diaux et l’assurance de mes prières pour l’important travail que vous avez entrepris. Sur vos conversations et sur chacun de vous et de vos proches, j’invoque avec joie les dons de l’Esprit Saint de sagesse, de compré­hension, de force et de paix.

 

Message de bienvenue du Rév. Neville Callam, Secrétaire gé­néral de l’Alliance Baptiste Mondiale,
à la Commission inter­nationale conjointe du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens
et de l’Alliance Baptiste Mondiale,
Oxford, 13 décembre 2010

 

Mes amis dans le Christ,

En ce Temps de l’Avent, alors que l’Église attend la venue du Seigneur, vous vous réunissez pour attendre la lumière qui brillera sur vos discussions, en éclairant vos esprits tandis que vous portez à terme cette phase du travail précieux que vous accomplissez au service du Royaume. Nous prenons au sérieux la prière de notre Seigneur pour l’unité de l’Église (Jn 17, 20-26), et nous pensons que la prière et le travail en faveur de l’unité visible de l’Église constituent un aspect vital de notre mission. Nous avons choisi le chemin du dialogue au service de l’unité pour laquelle le Seigneur a prié.

Le dialogue ne consiste pas seulement en une re­cherche sincère de la vérité de la part des participants, ni dans le discernement de convergences et de diver­gences. Il ne consiste pas seulement non plus dans la recherche des moyens pour apprendre les uns des autres en cheminant vers la koinonia dans la foi, la vie et le témoignage. Le dialogue consiste aussi dans une do­cilité mentale constante aux impulsions de l’Esprit, dans une volonté sincère de témoigner l’amour chrétien en communauté, et dans un travail patient pour la gloire de Dieu. Les partenaires qui s’engagent dans le dialogue doivent commencer par reconnaître qu’ils n’ont pas une connaissance parfaite de la vérité, mais qu’ils ont la faculté d’apprendre les uns des autres dans leur recherche commune de la volonté de Dieu. Ils s’engagent ensemble dans une sorte de pèlerinage vers Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Pour ce cheminement, ils avancent à la lumière de la révélation de la vérité telle qu’ils l’ont reconnue dans et à travers leurs traditions. En même temps, ils s’efforcent de profiter mutuellement des richesses de leur expérience sur le chemin chrétien.

Réunis aujourd’hui dans ce grand siège de la con­naissance qu’est l’Université d’Oxford, cette observa­tion que l’on trouve à la fin du rapport officiel de la première phase des conversations entre baptistes et catholiques romains nous revient à l’esprit : « Nous té­moignons qu’au cours de toutes les sessions des cinq dernières années, il a régné un esprit de respect mutuel et de compréhension croissante. Nous avons demandé l’assistance du Seigneur de l’Église et l’avons loué et glorifié pour la présence et l’aide de l’Esprit Saint ». Je crois que vous pouvez réaffirmer cette conviction alors que vous vous réunissez pour la session finale de cette deuxième phase de conversations théologiques, dans laquelle les buts finaux louables ne doivent pas préva­loir sur les importants buts immédiats. Les chercheurs de vérité ne doivent jamais oublier les exigences de l’amour dans leur effort commun et dans le rapport qu’ils en feront. Il serait donc tout à fait approprié qu’une telle approche caractérise les travaux de cette deuxième phase de notre dialogue, qui se construit sur la phase précédente (1984-1988). De votre dialogue autour du thème « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église » nous attendons des progrès en direction de la réalisation des buts de ces conversations. Ces buts ont été clairement définis avant que nous entamions ce cheminement ensemble.

En vous souhaitant la bienvenue au début de votre rencontre ici, à Oxford, demandons l’assistance de l’Esprit Saint sur l’important travail que vous accom­plissez. Demandons la sagesse nécessaire pour guider le processus de réception qui suivra la publication du rap­port sur votre travail de ces cinq dernières années. De­mandons aussi l’assistance de l’Esprit Saint pour dis­cerner les prochaines étapes de notre parcours com­mun.

 

ANNEXE 2

Liste des participants à la commission conjointe internatio­nale

 

Membres catholiques

Très Rév. Arthur Serratelli, Coprésident
Rév. John Radano, Cosecrétaire (2006-2007)
Rév. Gregory J. Fairbanks, Cosecrétaire (2008-2010)
Dr Peter Casarella
P. Dr William Henn, OFM Cap.
Dr Krzysztof Mielcarek
Dr Teresa Francesca Rossi
P. Dr Jorge Scampini, OP
Sr Dr Susan Wood, SCL
Rév. Dr Dennis D. McManus (Consultant 2006-2007)
Sr Sara Butler, MSBT (Consultante 2008-2010)

Membres baptistes

Rév. Pr Paul S. Fiddes, Coprésident
Rév. Dr Fausto Aguiar de Vasconcelos, Cosecrétaire
Rév. Neville G. Callam
Rév. Dr Fred Deegbe
Rév. Dr Timothy George
Rév. Dr Steven R. Harmon
Dr Lilian Lim (2006-8)*
Dr Nora O. Lozano
Rév. Dr Tomás Mackey
Rév. Anthony Peck
Dr Rachael Tan (2009-2010)
Dr Tadeusz Zelinksi

Rév. Dr Curtis Freeman (Consultant durant toute cette phase)
Rév. Dr Denton Lotz (Consultant 2006-2007)
Rév. Massimo Aprile (Consultant 2007 et 2009)
Dr Nancy Elizabeth Bedford (Consultante 2008)
Rév. Dr Elizabeth Newman (Consultant, 2008-2010)

*Les participants ont appris avec tristesse la nouvelle du décès de Lilian Lim, survenu en juin 2009.

 

ANNEXE 3

Liste des interventions présentées durant les sessions de la Com­mission conjointe internationale

 

1ère Rencontre : L’Autorité du Christ dans l’Écriture et la tradition

Beeson Divinity School, 10-15 décembre 2006

« The Word of God: God’s Self-Communication in the Koinonia of the Trinity and the Church » (La Parole de Dieu comme auto-communication de Dieu dans la koinonia de la Trinité et de l’Église), par Mgr Arthur Serratelli, STD, SSL

« Word, Koinonia and Church: An Appreciative Response to Bishop Serratelli » (Parole, koinonia et Église : Une réponse appréciative à Mgr Serratelli), par le Dr Paul S. Fiddes

« Scripture in the Life of the Baptist Churches: Opportunities for a Differentiated Catholic-Baptist Consensus » (L’Écriture dans la vie des Églises bap­tistes : opportunités pour un consensus différencié entre catholiques et baptistes), par le Dr Steven R. Harmon

« The Use of Sacred Scripture in the Catholic Church » (L’utilisation de la Sainte Écriture dans l’Église Catho­lique), par le Dr Dennis D. McManus

« The Relation of Scripture and Tradition: Catholic Discernment of the Authentic Tradition » (Le rapport entre Écriture et Tradition : un discernement catho­lique de la Tradition authentique), par le P. William Henn, OFM Cap

« Scripture and Tradition: An Evangelical Baptist Perspective » (Écriture et Tradition : une perspective évangélique baptiste), par le Dr Timothy George

 

2e Rencontre : Les baptistes et la Sainte Sainte Cène/Eucharistie comme Parole de Dieu visible dans la koinonia de l’Église

Rome, 2-8 décembre 2007

« Sacraments of Initiation in the Catholic Tradition » (Les sacrements de l’initiation dans la tradition catho­lique), par Sr Susan K. Wood, SCL

« Baptist and Initiation: A Baptist Contribution » (Les baptistes et l’initiation : une contribution baptiste), par le Dr Paul S. Fiddes

« The Lord’s Supper in Light of Scripture and Tradition: A Baptist Account » (La Sainte Cène à la lu­mière de l’Écriture et de la Tradition : une présentation baptiste), par le Dr Tomas Mackey

« Sacraments and Sacramentality: The Crux of Doctrinal Disagreements on the Ecumenical Dialogue » (Sacrements et sacramentalité : le nœud des désaccords doctrinaux dans le dialogue œcuménique), par le p. Jorge Scampini, OP

« Scripture and Tradition according to Dei Verbum 9: A Baptist View » (Écriture et Tradition selon Dei Verbum 9 : le point de vue d’un baptiste), par le Dr Steven R. Harmon

« Scripture and Tradition according to Dei Verbum 9: A Catholic View » (Écriture et Tradition selon Dei Verbum 9 : le point de vue d’un catholique), par le P. William Henn, OFM Cap

 

3e Rencontre : Marie dans la communion de l’Église

Duke Divinity School, 14-20 décembre 2008

« Mary in the Light of Scripture and the Early Church: A Catholic View » (Marie à la lumière de l’Écriture et de l’Église primitive : le point de vue d’un catholique), par le Dr Krzysztof Mielcarek

« Mary in the Light of Scripture and the Early Church: A Baptist View » (Marie à la lumière de l’Écriture et de l’Église primitive : le point de vue d’un baptiste), par la Dr Elizabeth Newman

« Mary in the Light of Ongoing Tradition: A Baptist View » (Marie à la lumière de la Tradition : le point de vue d’un baptiste), par le Dr Timothy George

« Mary in the Light of Ongoing Tradition: A Catholic View » (Marie à la lumière de la Tradition : le point de vue d’une catholique), par Sr Sara Butler, MSBT

« Mary and Contemporary Issues of Inculturation and Spirituality: The Sanctity of Life » (Marie et les ques­tions actuelles d’inculturation et de spiritualité : la sain­teté de vie), par le Dr Peter Casarella

« Mary and Contemporary Issues of Inculturation and Spirituality: Mary Challenges the Debate on Women » (Marie et les questions actuelles d’inculturation et de spiritualité : Marie, un défi dans le débat sur les femmes), par la Dr Teresa Francesca Rossi

« A Baptist Reflection on the Virgin Mary » (Une ré­flexion baptiste sur la Vierge Marie), par la Dr Nora Lozano

 

4e Rencontre : Surveillance et Primat dans le mi­nistère de l’Église

Rome, 13-19 décembre 2009

« Catholic Ecclesiology » (Ecclésiologie catholique) par Sr Susan K. Wood, SCL

« Baptist Ecclesiology » (Ecclésiologie baptiste), par le Dr Curtis Freeman

« The Idea of Episkopè, Local and Universal, in Baptist Tradition » (L’idée d’episkopè locale et universelle dans la tradition baptiste) par le Rév. Tony Peck

« The Idea of Episkopè in Relation to Scripture and Tradition: A Catholic View » (L’idée d’episkopè par rapport à l’Écriture et à la tradition : le point de vue d’un catholique), par le P. Jorge Scampini, OP

« The Petrine Office: A Baptist Approach » (L’office pétrinien : une approche baptiste), par le Dr Tadeusz Zelinski

« Contemporary Developments of the Petrine Office, including the Ministry of Unity as Outlined in Ut unum sint » (Développements contemporains sur l’office pétrinien, et en particulier sur le ministère d’unité, tel qu’il est esquissé dans Ut inum sint), par le P. William Henn, OFM Cap.

 

NOTES

[1]. Dans ce rapport, l’expression « Église Catholique Romaine » est abrégée en « Église Catholique ». Cela ne veut pas dire que les baptistes renoncent au qualificatif de « catholiques », indiquant leur appartenance à l’Église universelle : voir le n. 30.

[2]. Le compte-rendu des décisions prises par le Conseil général lors de son Rassemblement annuel à Mexico, le 7 juillet 2006, est publié (en langue anglaise) dans Baptist World Alliance Annual Gathering, Accra, Ghana, July 2-7, 2007 (Falls Church, VA, Baptist World Alliance, 1977), p. 52.

[3]. Nigel Wright, « The Petrine Ministry: Baptist Reflections » publié ensuite dans Pro Ecclesia 13/4 (2004), pp. 451-65.

[4]. Timothy George, « The Blessed Virgin Mary in Evangelical Perspective », dans Denton Lotz (éd.), Papers Delivered at Meeting of North American Baptist Theologians and The Conseil Pontifical for Promoting Christian Unity, Washington DC, 10-11 décembre 2004.

[5]. Richard de Saint-Victor, De Trinitate, 3.11, 19.

[6]. Walther Zimmerli, « Promise and Fulfilment », dans C. Westermann (éd.), Essays on Old Testament Interpretation, transl. J. L. Mays (Londres, SCM Press, 1963), 107.

[7]. Unitatis Redintegratio 6. Cf. An Orthodox Creed, or a Protestant Confession of Faith [General Baptist] (Londres, 1679), XXX, dans William L. Lumpkin, Baptist Confessions of Faith (Philadelphia, Judson Press, 1959), pp. 297-334. Les références faites dans ce rapport aux confessions baptistes historiques sont empruntées tantôt au courant « particulier » (calviniste), tantôt au courant « général » (arminien) de la vie baptiste. Elles sont citées uniquement pour illustrer les explications données et ne doivent pas être considérées comme ayant une autorité comparable à celle qu’ont pour les catholiques les références faites dans ce rapport aux conciles ou aux enseignements des papes. Chez les baptistes, les confessions de foi ne sont pas considérées comme contraignantes pour les Églises locales ; elles fournissent une orientation pour l’enseignement, expriment l’accord trouvé au moment de leur rédaction, et expliquent les croyances à ceux qui sont extérieurs à la communauté baptiste. Ces citations des confessions baptistes, tant historiques que contemporaines, ne représentent donc que ce qu’un certain nombre de baptistes ont cru ou croient. La première citation d’un document particulier est suivie de l’indication du livre moderne dans lequel elle peut être consultée.

[8]. Dominus Iesus 12, citant Redemptoris missio  28-29.

[9]. On peut trouver ici des différences dans les documents catholiques, où « l’Église locale » n’est pas toujours l’équivalent de « l’Église particulière », mais peut représenter aussi l’Église nationale plutôt qu’un diocèse.

[10]. Christus Dominus 11.

[11]. Lumen Gentium 26.

[12]. Confession de foi des Églises appelées communément (quoique erronément) anabaptistes [baptistes particuliers] (Londres, 1644), XXXIII-XXXIV, dans Lumpkin, Baptist Confessions, pp. 153-71; Orthodox Creed (Londres, 1679), XXX.

[13]. Seconde Confession de foi de Londres [Baptistes particuliers] (1677), XXVI.8-9, dans Lumpkin, Baptist Confessions, pp. 241-95.

[14]. Seconde confession de foi de Londres [Baptistes particuliers] (1677) ; cf. Orthodox Creed (Londres, 1678), XXXI.

[15]. Lumen Gentium 23.

[16]. Jean-Paul II, Discours prononcé le 12 septembre 1987, dans Origins 17,16 (1er octobre 1987), p. 258. À la suite de Lumen Gentium 8 qui dit que l’Église du Christ subsiste dans l’Église Catholique, Jean-Paul II affirme par analogie que tous les éléments de l’Église Catholique sont présents dans l’Église particulière ou locale.

[17]. Confession de foi (Londres 1644), XXXIV-XXXVI; Confession de foi (Londres 1677), XXVI.7.

[18]. Confession de foi (Londres 1644), XLVII. Cet article est pratiquement identique à l’article 38 des séparatistes, voir A True Confession (1596), dans Lumpkin, Baptist Confessions, p. 94.

[19]. Confession de foi (Londres, 1677), XXVI.1-2.

[20]. « Une communion des saints visible est formée de deux, trois ou plusieurs saints liés ensemble par l’Alliance avec Dieu et entre eux », a dit Jean Smyth, Principles and Inferences concerning the Visible Church (1607), dans W.T. Whitley (éd.), The Works of Jean Smyth (2 volumes; Cambridge, Cambridge University Press, 1915), I, p. 252. L’Alliance peut être définie aussi comme la volonté de « marcher ensemble », voir la Confession of Faith (Londres 1677), XXVI.5-6. Pour un approfondissement de la notion baptiste d’Alliance, voir Paul S. Fiddes, « Walking Together », the Place of Covenant Theology in Baptist Life Yesterday and Today, dans Fiddes, Tracks and Traces. Baptist Identity in Church and Theology (Milton Keynes, Paternoster, 2003), pp. 21-47.

[21]. Lumen Gentium 1.

[22]. CEC 1253.

[23]. Cf. Unitatis Redintegratio 3.

[24]. Voir Confession de foi de certains Anglais vivant en exil dans les Pays-Bas [Baptistes Généraux] (Amsterdam, 1611), 11, dans Lumpkin (éd.) Baptist Confessions, pp. 116-123.

[25]. Sacrosanctum Concilium 41. 

[26]. Lumen Gentium 20.

[27]. Voir la définition de l’Église de Robert Bellarmin : « L’Église est une, non pas double, et cette unique vraie Église est l’assemblée d’hommes unis dans la profession de la même foi chrétienne et dans la communion des mêmes sacrements, sous la règle de leurs pasteurs légitimes et en particulier celle du Vicaire du Christ sur la terre, le Pontife romain » saint Robert Bellarmin, De Controversiis Christianae Fidei  (Naples, 1857), vol. II, p. 74.

[28]. Lumen Gentium 1.

[29]. Lumen Gentium 8 ; cf. Unitatis Redintegratio 4 ; Ut Unum Sint, 10, 86 ; Dominus Iesus 6.

[30]. Dominus Iesus 17 ; Unitatis Redintegratio 3. 

[31]. The Church, Local and Universal, une étude commandée et reçue par le Groupe de travail commun entre l’Église Catholique et le Conseil œcuménique des Églises (Document de Foi et Constitution 150, Genève, WCC Publications, 1990), p. 10.

[32] Voir par ex. The Orthodox Creed (1678), XXIX-XXX, dans Lumpkin (éd.), Baptist Confessions, pp. 318-19.

[33]. « Vers une koinonia dans la foi, la vie et le témoignage », suggère que la diversité n’est pas acceptable quand elle nie la « confession commune de Jésus Christ, Dieu et Sauveur », quand elle justifie les discriminations basées sur la race ou le sexe, quand elle empêche la réconciliation, quand elle fait obstacle à la mission commune de l’Église, et quand elle met en danger la vie de koinonia.

[34]. Gaudium et Spes 4.

[35]. Voir We Baptists. Study and Research Division, Baptist World Alliance (Franklin: Provident House, 1999), pp. 24-5.

[36]. Lumen Gentium 39.

[37]. Lumen Gentium 8, citant He 7, 26, 2 Co 5, 21 et He 2, 17.

[38]. Ainsi Luther : simul justus et peccator.

[39]. Déclaration de principe de l’Union des baptistes de Grande Bretagne, clause 1, dans Keith Parker, Baptists in Europe: History and Confessions of Faith (Nashville, Broadman Press, 1982), p. 36.

[40]. Dei Verbum 21.

[41]. CEC 105 ; de même, The New Hampshire Confession (1833), dans Lumpkin (éd), Baptist Confessions, pp. 361-7, et le message des baptistes (du Sud) Faith and Message (2000), I, consultable en anglais sur www.sbc.net/bfm/bfm2000.asp: ‘it has God for its author’; version 2000 du message Faith and Message qui reprend certaines formulations des versions de 1925 et 1963.

[42]. Dei Verbum 11.

[43]. CEC 120.

[44]. Par ex. dans la Confession de foi (Londres 1677), I, 3, reproduite dans Philadelphia Confession (1742).

[45]. CEC 129.

[46]. CEC 134.

[47]. La profession de foi baptiste et son message (1963), www.sbc.net/translate/french/TheBaptistFaithAndMessage.pdf, 1. 

[48]. Dei Verbum 10, cité dans le CEC 100.

[49]. CEC 85.

[50]. Voir par ex. Déclaration de foi (Amsterdam, 1611), 19 ; Confession de foi (Londres 1644), XLV; Confession de foi (Londres 1677), XXVI.11, 15.

[51]. Le sens de ce terme apparaîtra dans la discussion qui suit. Voir en particulier n. 59.

[52]. Pour un résumé utile de cette tendance, voir Steven R. Harmon, Towards Baptist Catholicity. Essays on Tradition and the Baptist Vision (Milton Keynes, Paternoster, 2006), chapitres 1, 3.

[53] Voir Dei Verbum 8.

[54]. Cette perception dépasse l’opposition historique entre ‘scriptura sola’ (l’Écriture seule) et  ‘scriptura numquam sola’ (l’Écriture jamais seule).

[55]. Dei Verbum 9.

[56]. Joseph Ratzinger, ‘Dogmatic Constitution on Divine Revelation: Chapter II, The Transmission of Divine Revelation’, dans Herbert Vorgrimler (éd.), Commentary on the Documents of Vatican II, Volume 3, trans. Lalit Adolphus, Kevin Smyth and Richard Strachan (London: Burns & Oates, 1967-69), p. 194. Ici traduction française du traducteur.

[57]. James Leo Garrett, Jr., Systematic Theology, Vol. 1 (Grand Rapids, Eerdmans, 1990), p. 181.

[58]. Les exemples cités dans ce rapport sont quelques doctrines mariales et la doctrine de l’infaillibilité du Magistère de l’Église.

[59]. Ainsi, lors du scrutin de la Congrégation générale du 1er avril 1546, il y avait eu trente-trois voix en faveur d’une déclaration de parité entre Écriture et Tradition (pari pietatis affectu ac reverentia), mais aussi onze voix demandant de remplacer pari (égal) par simili (similaire) : voir Hubert Jedin, A History of the Council of Trent, trans. Ernest Graf (St. Louis, Herder, 1961), vol. 2, p. 82.

[60]. Dei Verbum 8 ; CEC 94.

[61]. CEC 1783-5.

[62]. Voir Confession de foi (Londres 1644), XLIX-LII : Confession courte (Londres 1600), XXIV.

[63]. Voir Thomas Helwys, A Short Declaration of the Mistery of Iniquity (Amsterdam, 1612), p. 69 : « …  car la religion des hommes envers Dieu est entre Dieu et eux-mêmes ; le Roi n’en répond pas, et le Roi ne peut pas non plus être juge entre Dieu et l’homme. Laissons que les Turcs, les Juifs et autres soient des hérétiques, il n’appartient nullement au pouvoir terrestre de les en punir ».

[64]. Karl Barth, Dogmatique, Editions Labor et Fides, Genève.

[65]. Gaudium et Spes  4.

[66]. CEC 1084.

[67]. Par ex. Confession de foi de Jean Smyth en vingt articles [Baptistes Généraux] (1609), (13), dans Lumpkin (éd.), Baptist Confessions, pp. 100-102 ; Orthodox Creed (Londres 1679), XXVII.

[68]. par ex. Confession ou Déclaration de foi [Baptistes Généraux] (Londres 1660), XII, dans Lumpkin (éd.), Baptist Confessions, pp. 224-235 ; Confession de foi (Londres, 1677), XXIX.1, XXX.6-7. 

[69]. Ils refusent donc de considérer les sacrements comme étant causals par eux-mêmes, à la différence des catholiques. Voir plus loin n. 88, 90.

[70]. He 12,2 ; cf. l’application d’auctor au Christ dans l’Eucharistie chez Ambroise de Milan dans De sacramentis IV.4.13, et dans le baptême par Augustin d’HipponedansContra Litteras Petitiani II.24.57.

[71]. De même, voir la discussion sur le fait que la Parole prêchée et écrite est de la même nature que le sacrement au n. 40 ci-dessus.

[72]. Les catholiques les appellent sacramenta maiora.

[73]. On en trouve des exemples aujourd’hui chez les ‘Primitive Baptists’, ‘Old Regular Baptists’ et ‘Freewill Baptists’, présents sur tout le territoire des États-Unis, ainsi que chez certains baptistes de Russie (de mouvance mennonite).

[74]. Il y a des exceptions – par ex. le théologien baptiste Jean Colwell plaide en faveur des sept sacrements catholiques. Cf. Promise and Presence. An Exploration of Sacramental Theology (Milton Keynes: Paternoster, 2005).

[75]. Sacrosanctum Concilium 59.

[76]. Confession de foi courte [Baptistes Généraux/Mennonites] (1610), 28, dansW. Lumpkin, Baptist Confessions, pp. 102-13. Traduction française du traducteur.

[77]. CEC 1128.

[78]. CEC 1122-1126 ; Sacrosanctum Concilium 59.

[79]. Confession de foi (Londres 1644), XXXIX; Confession de foi  (Londres 1677), XXIX.2, XXX.7; Orthodox Creed, XXVIII, XXXIII.

[80]. La vision du salut comme parcours qui aboutit à la sanctification et la glorification finale est partagée par les baptistes, mais ils ne croient pas que le baptême fasse partie intégrante de ce parcours.

[81]. CEC 1252.

[82]. C’est une caractéristique des précédentes conversations entre baptistes et anglicans ; voir Conversations Around the World. Conversations between the Anglican Communion and the Baptist World Alliance, 44-51. De même, voir Dialogue between the Community of Protestant Churches in Europe (CPCE) and the European Baptist Federation (EBF) on the Doctrine and Practice of Baptism. Leuenberg Documents 9 (Frankfurt, Verlag Lembeck, 2005), 19-22 ; Pushing at the Boundaries of Unity. Anglicans and Baptists in Conversation (Londres, Church House Publishing 2005), 31-57.

[83]. CEC 1229.

[84]. Voir note 32 ci-dessus.

[85]. Rituel Romain, Rite de la Confirmation (OC), Introduction 1.

[86]. Lumen Gentium 11.

[87]. Ibid.

[88]. Ibid. Voir aussi Ad Gentes 11.

[89]. Paul VI, Constitution apostolique sur le sacrement de la confirmation, Divinae consortium naturae, 15 août 1972, se référant à Presbyterorum ordinis 5.

[90]. Par exemple, dans les Églises catholiques orientales, la confirmation a lieu en même temps que le baptême ; voir CEC 1290.

[91]. Believing and Being Baptized. Baptism, So-called Re-baptism, and Children in the Church. A Discussion Document by the Doctrine and Worship Committee of the Baptist Union of Great Britain (Londres, Baptist Union, 1996), pp. 9-10. Traduction française du traducteur.

[92]. Il existe cependant une variante dans les paroles de la liturgie des Églises orientales : le catéchumène se tourne vers l’Est et le prêtre dit : « Le serviteur de Dieu N. est baptisé au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ».

[93]. Le baptême par effusion fut pratiqué chez les Baptistes Généraux de 1609 à 1630 environ.

[94]. Pour les autres points de vue soutenus par les baptistes, voir le n. 110.

[95]. Lumen Gentium 14.

[96]. CEC 1262.

[97]. CEC 1265, 2019-2020.

[98]. Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification (1999) 25.

[99]. Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification 27.

[100]. Voir la citation de Believing and Being Baptized, Baptist Union of Great Britain au n. 106 ci-dessus.

[101]. Le terme « Eucharistie » signifie « action de grâce ». Ce terme n’est pas utilisé habituellement par les baptistes, mais il l’est couramment par les catholiques pour parler de la Sainte Cène.

[102]. CEC 1396.

[103]. Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Directoire pour l’application des Principes et des normes sur l’œcuménisme  1993, 129. Ci-après, Directoire œcuménique.

[104]. Directoire œcuménique, 1993, 129. Voir CEC 1399-1401.

[105]. Directoire œcuménique 129.

[106]. Dans le monde entier, la « table ouverte » est beaucoup plus commune chez les baptistes que l’entrée ouverte à tous dans l’Église ; dans certains pays comme le Brésil et le Mexique, la table est réservée uniquement aux baptistes.

[107]. Sacrosanctum Concilium 55.

[108]. CEC 1390.

[109]. CEC 1354, 1362-1372.

[110]. Concile de Trente (1562), DS 1740.

[111]. CEC 1363.

[112]. Cf. CEC 1367.

[113]. CEC 1368.

[114]. Confession de foi (Londres 1677), XXX.1, 7 ; Orthodox Creed (Londres 1679), XXXIII.

[115]. Confession de foi (Londres 1677), XXX.2.

[116]. Concile de Trente, Session 13, canon 1.

[117]. Concile de Trente, Session 13, canons 2 et 4.

[118]. Confession of Faith of the Union of Evangelical Free Churches in Germany, dans Parker, Baptists in Europe, pp. 57-76, II.1.4. Traduction française du traducteur.

[119]. Confession de foi (Londres 1677), XXX.6.

[120]. Confession de foi (Amsterdam, 1610), 32 ; Confession de foi (Londres 1677), XXX.1,7.

[121]. Sacrosanctum Concilium 7.

[122]. Confession de foi (Londres 1677), XXX.5 : « réservé pour les usages ordonnés par le Christ ».

[123]. CEC 1548.

[124]. Pie XII, Lettre Encyclique Mediator Dei, 20 novembre 1947, 69 : AAS, 39 (1947) 548.

[125]. Lumen Gentium 21.

[126]. Confession de foi (Amsterdam, 1610), 24 ; Confession de foi (Londres 1677), XXVI.8 ; Orthodox Creed (Londres 1679), XXXIII. 

[127]. Cette pratique existait déjà dans la congrégation de Thomas Helwys à Amsterdam : voir Déclaration de foi (Amsterdam, 1611), 11.

[128]. Comme le font, par exemple, les baptistes français dans Marie, Comité mixte baptiste-catholique en France. Documents Episcopat, 10 (Secrétariat général de la Conférence des Évêques de France, 2009), n. 15.

[129]. Voir Confession de foi (Londres 1644), IX; Confession de foi (Londres 1677), VIII.2 ; cf. Confession courte (Londres 1660), III.

[130]. CEC 489.

[131]. CEC 411. 

[132]. CEC 499-500, 510.

[133]. Par exemple, certains auteurs patristiques affirmaient la virginité de Marie dans l’accouchement (virginitas in partu) par analogie avec les lieux et les choses consacrées à Dieu qui ne peuvent pas servir à d’autres usages, qu’ils soutenaient en s’appuyant sur divers passages bibliques tels que Isaïe 7,14, Ezéchiel 44,2, ou Jean 20,19. 

[134]. Après le Concile de Chalcédoine, ce titre a été inclus dans les prières de la liturgie eucharistique. On le trouve dans l’enseignement du second Concile de Constantinople (553), et il est enseigné explicitement par le synode du Latran (649), un concile dont les enseignements ont été confirmés ensuite au troisième Concile de Constantinople (681), qui était un concile œcuménique. 

[135]. Par ex. Timothy George, « The Blessed Virgin Mary in Evangelical Perspective »,dans Carl E. Braaten and Robert W. Jenson (éd.), Mary, the Mother of God  (Grand Rapids, Wm. B. Eerdmans Pub. Co. , 2004), pp.100-121.

[136]. Concile de Chalcédoine (451), « Définition de la foi », cité dans Tanner, Decrees, p. 86.

[137]. CEC 491-2.

[138]. Quelques grands théologiens de l’Église latine (saint Augustin, saint Bernard et saint Thomas d’Aquin) ont objecté que la notion d’Immaculée Conception n’était pas conciliable avec la foi au Christ comme Médiateur universel. Saint Thomas d’Aquin, par exemple, pensait que Marie avait dû été touchée par le péché originel avant d’être sanctifiée. Le bienheureux Jean Duns Scot répondit à cette objection en avançant l’idée de sa rédemption par « préservation ». Il disait que le Christ, Médiateur parfait, était capable d’un acte de médiation parfait, c’est-à-dire d’éviter qu’une âme soit touchée par le péché originel dès le premier instant. Cette intuition spéculative ouvrit la voie à la reconnaissance formelle de la croyance en l’Immaculée Conception de Marie, une croyance fermement soutenue par les catholiques, entretenue par la célébration annuelle de la fête liturgique de la Conception de Marie et par la piété des fidèles catholiques (sensus fidelium). 

[139]. CEC 511.

[140]. CEC 493.

[141]. CEC 966.  

[142]. Voir Marie, Comité mixte baptiste-catholique en France, n. 63.

[143]. Jean-Paul II, Lettre Apostolique, Mulieris Dignitatem, 15 août 1988, 5.

[144]. Jean-Paul II, Lettre Encyclique, Redemptoris Mater, 25 mars 1987, 46 ; Mulieris Dignitatem 11.

[145]. Paul VI, Exhortation Apostolique, Marialis Cultus, 2 février 1974, 37.

[146]. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique, Ecclesia in Oceania, 22 novembre 2001.

[147]. Lumen Gentium  63.

[148]. CEC 963-70.

[149]. Cf. Propositions and Conclusions Concerning True Christian Religion, Containing a Confession of Faith of Certain English People, Living at Amsterdam [Baptistes Généraux] (1612), 31, dans Lumpkin (éd.), Baptist Confessions, pp. 124-142 ; Confession of Faith (Londres 1677), VIII.1-2.

[150]. Ainsi les baptistes français dans Marie, Comité mixte baptiste-catholique en France, n. 59. 

[151]. CEC 2618.

[152]. Lumen Gentium 66 ; CEC 971.

[153]. Orthodox Creed (Londres 1679), XLI.

[154]. Voir Lumen Gentium 60, 66, 67 ; Paul VI, Marialis Cultus, 23-26, 31.

[155]. Confession  de foi (Londres 1677), XXVI.5-6.

[156]. Dans The Baptist Doctrine of the Church (1948),dansHayden (Ed), Baptist Union Documents 1948-1977 (Londres, Baptist Historical Society, 1980), p. 6. Traduction française du traducteur.

[157]. Confession de foi (Londres 1644), XXXVI. 

[158]. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.8.

[159]. Lumen Gentium 20.

[160]. Lumen Gentium 20. 

[161]. Lumen Gentium 21.

[162]. Lumen Gentium 10.

[163]. Voir Confession de foi (Londres 1644), XVII : « un sacerdoce parfait ». Pour les déclarations plus récentes, voir We Baptists,  pp. 28-9.

[164]. Le verbe « watch over » (surveiller), que l’on trouve dans les premières confessions baptistes de Grande-Bretagne, forme anglaise du latin episkopèin, est synonyme du verbe « oversee ».

[165]. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.10.

[166]. Confession de foi (1644), XLIV. Cette formulation est pratiquement identique à celle de l’article 26 de la Confessions des séparatistes A True Confession (1596),dans Lumpkin (éd.), Baptist Confessions, p. 90.

[167]. Voici ce qu’a reconnu le dialogue entre luthériens et catholiques : « … Le Nouveau Testament présente une grande variété de ministères et de charismes, ainsi que des formes et des concepts de ministères qui sont différents mais tendent à se chevaucher entre eux. Avec la prudence qui s’impose, on peut distinguer des lignes de développement dans le Nouveau Testament. La façon dont ces développements sont discernés et évalués n’est pas indépendante de la façon dont on considère l’évolution historique postérieure du ministère. La structure des trois ministères dans l’Église primitive n’est pas attestée comme telle dans le Nouveau New Testament. Elle est apparue à la suite du développement des offices dont parle le Nouveau Testament, qui ont été ensuite réunis selon une configuration particulière. Le développement de l’office du ministre dans l’Église primitive est une forme spécifique de réception du témoignage du Nouveau Testament sur les ministères et les charismes efficaces dans l’Église des Apôtres ». L’apostolicité de l’Église (2007) 169. Traduction du traducteur.

[168]. Lumen Gentium 7.

[169]. Lumen Gentium 8.

[170]. Voir Confession de foi courte (Jean Smyth, 1609), (16); Déclaration de foi (Amsterdam: 1611), 20; Confession de foi (London: 1677), XXVI.9. On peut trouver une exception à la structure double d’episkopè chez les Baptistes Généraux anglais (Arminiens) du milieu du XVIIe siècle qui, pendant une courte période, ont eu un triple ministère comprenant des évêques ou « messagers » (figures trans-locales qui exerçaient leur ministère dans un groupe d’Églises, dont le nom a une résonance apostolique), des anciens ou pasteurs, et des diacres ou surveillants des pauvres. Voir Credo Orthodoxe (1679), XXXI.

[171]. Par ex. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.9.

[172]. Cf. Ordinatio Sacerdotalis n. 2, cf. Mt 10, 1, 7-8 ; 28, 16-20 ; Mc 3, 13-16 ; 16, 14-15.

[173]. Par ex. Russie, Géorgie, Burundi, Moldova, Lettonie

[174]. Un exemple exceptionnel est celui de la Géorgie (Europe) où les baptistes se font appeler « Église évangélique de Georgie », plutôt que « Union », et ont adopté la structure du triple ministère. Le responsable baptiste national, appelé « Archevêque », a consacré quatre évêques pour l’assister et a mis en place un modèle d’« évêque » inspiré des traditions épiscopales de l’orthodoxie et de l’anglicanisme.

[175]. Jean-Paul II, Lettre Apostolique, Novo Millennio Ineunte, 6 janvier 2001, 45.

[176]. Concile Vatican II, Note explicative préalable 1.

[177]. Christus Dominus 11 ; Lumen Gentium 21.

[178]. Jean-Paul II, Rencontre avec les Évêques des États-Unis, Los Angeles, 16 septembre, 1987. Dans ce contexte, le pape utilise aussi cet argument pour affirmer que le ministère du Successeur de Pierre appartient aussi à l’essence de chaque Église particulière.

[179]. Voir Lumen Gentium 23.

[180]. Confession de foi (Londres 1644), XXXIII; Confession courte (Londres 1600), XI.

[181]. Cf. Déclaration de foi (Amsterdam: 1611), 11-12; Confession de foi (Londres 1644), XLVII.

[182]. Forms of Ministry among Baptists. Towards an Understanding of Spiritual Leadership. Un document de discussion du Comité de la Doctrine et du Culte de l’Union baptiste de Grande-Bretagne (Union baptiste, Londres, 1994), p. 25. Traduction française du traducteur.

[183]. Forms of Ministry Among Baptists, p. 30.

[184]. Confession de foi (Londres 1677), XXVI.8. De même le Credo orthodoxe (Londres 1679) XXXI. D’après la Confession de foi (Londres 1644), XXXVI, anciens et diacres sont nommés par le Christ pour que l’Église soit « nourrie, gouvernée, servie et édifiée ».

[185]. « Décret sur l’œcuménisme [Unitatis redintegratio] », 2. Ce rôle est bien résumé aussi au début de chacun des trois premiers paragraphes de Lumen Gentium qui décrit la fonction prophétique, sacerdotale et royale du gouvernement des évêques. « Parmi les charges principales des évêques, la prédication de l’Évangile est la première » (LG 25). « L’évêque, revêtu de la plénitude du sacrement de l’Ordre, porte la responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce, en particulier dans l’Eucharistie qu’il offre lui-même ou dont il assure l’oblation, et d’où vient à l’Église continuellement vie et croissance » (LG 26). « Les évêques les dirigent comme vicaires et légats du Christ, par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l’exercice du pouvoir sacré, dont l’usage cependant ne leur appartient qu’en vue de l’édification en vérité et en sainteté de leur troupeau, se souvenant que celui qui est le plus grand doit se faire le plus petit, et celui qui commande, le serviteur (voir Lc 22, 26-27)’ (LG 27).

[186]. Credo orthodoxe XXXVIII ; les credo sont alors imprimés en entier. Au XXe la confession baptiste en langue allemande utilisée en Allemagne, en Autriche et en Suisse déclare qu’« elle tient le Credo des Apôtres pour la confession commune des chrétiens » (Parker, Baptists in Europe,  p. 57) ; les baptistes de Norvège et de Finlande reconnaissent le « contenu » du Credo des Apôtres et du Credo de Nicée (Parker, Baptists in Europe, p. 111). Le Credo des Apôtres a été affirmé et récité par les délégués rassemblés à l’occasion de la fondation de l’Alliance Baptiste Mondiale (Londres 1905) et lors de la célébration de son centenaire (Birmingham, Grande-Bretagne, 2005).

[187]. Par ex., en proposant un enseignement de la foi révélée divinement. Voir CEC 891 ; cf. Lumen Gentium 25, Dei Verbum 10,2. Ils peuvent aussi proposer, dans l’exercice du magistère ordinaire, un enseignement qui conduise à une meilleure intelligence de la Révélation en matière de foi et de mœurs. À cet enseignement ordinaire « les fidèles doivent donner l’assentiment religieux de leur esprit » (Lumen Gentium 25) qui, s’il se distingue de l’assentiment de la foi, le prolonge cependant. Cf. CEC 892.

[188]. Confession de foi (Londres 1644), XLV.

[189]. Voir Confession de foi courte (1609), (13)

[190]. Voir la réponse à Ut unum sint de l’Union baptiste de Grande-Bretagne sur laquelle la Conférence des évêques de Grande-Bretagne et d’Irlande a réfléchi : One in Christ. Ecumenical Notes and Documentation No. 4 (1999), pp. 360-65.

[191]. Il existe un système de rotation selon lequel deux des quatre présidents sont toujours les primats anglican et catholique romain en Angleterre, les deux autres places sont réservées à un responsable d’une Église libre et un responsable d’une autre Église pour une période de temps limitée.

[192]. Par exemple, ces trois textes sont rappelés par Jean-Paul II dans Ut unum sint, 91, et plus récemment par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du Vatican dans « Le primat du Successeur de Pierre dans le mystère de l’Église », 3.

[193]. La tradition selon laquelle Pierre et Paul furent martyrisés à Rome est rappelée par Jean-Paul II dansUt unum sint, 90.

[194]. On en trouve un exemple au n. 196.

[195]. Le synode des évêques a reconnu en 1985 que l’ecclésiologie de communion a été l’un des thèmes centraux de Vatican II. Plus récemment, les baptistes ont été appelés à réfléchir sur leur vie ensemble comme Alliance Mondiale en termes de communion.  

[196]. Voir Paul D. Murray, « Receptive Ecumenism and Ecclesial Learning: Receiving Gifts for our Needs », Louvain Studies 33/1-2 (2008), pp. 30-45.

[197]. Jean-Paul II, Lettre Encyclique Ut unum sint, 25 mai 1995, 28.

[198]. Ut unum sint 11; Voir Unitatis Redintegratio 3.

[199]. Reproduit avec l’autorisation de L’Osservatore Romano.