Commentaire sur

La Parole de Dieu dans la vie de l’Église

Une réflexion catholique sur le Rapport du dialogue international
entre l’Église Catholique et l’Alliance Baptiste Mondiale 2006-2010

Thomas A. Baima*

Avril 2013

 

I. Introduction

Le rapport du dialogue international entre l’Église Catholique et l’Alliance Baptiste Mondiale nous offre un excellent exemple de ce qu’est la discipline de la théologie œcuménique, mais aussi d’une méthode théologique originale. Par « théologie œcuménique », j’entends la réflexion que mènent ensemble un groupe de théologiens mandatés par deux communautés ecclé­siales en vue de la promotion de l’unité des chrétiens. Ces théologiens, qui parlent en leur propre nom et avec l’autorité de leurs arguments et non en qualité de titu­laires d’un office dans leur Église, cherchent à expliquer et à approfondir les vérités de la foi chrétienne dans une perspective de dialogue et dans un esprit de koino­nia, en communion. En tant que membres de leurs communautés respectives, ils représentent la foi et la vie de ces communautés. En tant que théologiens, ils apportent leur foi personnelle et leurs connaissances à la recherche d’une solution aux questions œcuméniques qui leur sont présentées. Ils confient ensuite le résultat de leur travail aux communautés qui les ont mandatés dans l’esprit de koinonia du dialogue.

La tâche du commentateur est différente. Choisi par l’une des communautés, il parle en son nom et exprime son point de vue. Dans mon cas, cette communauté est l’Église Catholique, et ma tâche consiste à examiner le travail de la Commission du dialogue dans une pers­pective catholique et à donner une évaluation de ce rapport. Le but du commentateur est de contribuer au processus de réception.

 

II. Contexte de ce commentaire

La tâche habituelle du commentateur d’un docu­ment œcuménique est d’en fournir une évaluation du point de vue de son Église. Le but du commentaire n’est donc pas le même que celui du document. Le commentaire n’a rien à ajouter aux questions traitées. Il doit seulement les examiner dans une autre perspective. En donnant son évaluation du document, le but du commentateur est de contribuer à en promouvoir la ré­ception dans sa communauté.

La réception est une rencontre entre communautés ecclésiales où, comme le dit Frederick Bliss :

[…] au nom de la communio, [les catholiques] tournent leur regard au-delà de leur Église, vers les « communautés ecclésiales séparées », pour entrer en relation avec elles... Dans les réu­nions de leurs représentants, les traditions di­verses se rencontrent dans un esprit fraternel en vue d’établir un dialogue et, si possible, de trouver un consensus. Dans ce dialogue, chaque communauté apporte son histoire, ses croyances, son style de vie, pour les soumettre à un examen approfondi. Ce que chacune ap­porte ne doit pas être utilisé contre les autres, mais offert dans un esprit d’ouverture, et ap­précié honnêtement à la lumière de la tradition apostolique. Le résultat espéré est un échange de dons réciproque[1].

L’une des approches que j’utiliserai dans ce com­mentaire est la distinction entre doctrine et théologie[2]. En tant que catholique, j’adhère aux doctrines du Ma­gistère de l’Église et je les soutiens. D’autre part, il ap­partient à la théologie d’expliquer et d’approfondir les questions sur lesquelles le Magistère ne s’est pas pro­noncé d’une manière définitive.

La vérité révélée invite notre raison – don de Dieu pour percevoir la Vérité – à entrer en sa lumière et à devenir ainsi capable de com­prendre dans une certaine mesure ce qu’elle croit. La science théologique, qui recherche l’intelligence de la foi en réponse à la voix de la Vérité qui appelle, aide le Peuple de Dieu, se­lon le commandement apostolique (cf. 1 P 3, 15), à rendre compte de son espérance à ceux qui le demandent[3].

Les théologiens s’inspirent de différentes écoles, telles que les cinq écoles traditionnelles de l’Église d’Occident : augustinisme, thomisme, bonaventurisme, scotisme et humanisme chrétien. Les catholiques doivent savoir qu’il existe aussi diverses écoles de pen­sée chez nos frères séparés, et en particulier une « école de pensée baptiste » qui a une autre approche de la théologie. Comme le note Thomas Stransky dans son commentaire du Rapport de la première phase du dia­logue entre l’Alliance Baptiste Mondiale et l’Église Ca­tholique :

Les baptistes voient une cohésion dans leur hé­ritage. Celui-ci remonte à leurs débuts au XVIIe siècle en Angleterre et en Hollande, et à leurs racines plus lointaines dans la « phalange radicale » ou « aile gauche » de la Réforme au XVIe siècle : refus du baptême des nouveaux-nés et accueil des seuls « croyants » adultes (par immersion) pour former les membres régéné­rés d’une Église où tous possèdent les mêmes droits et les mêmes privilèges ; liberté de reli­gion ; séparation de l’Église et de l’État comme étant la meilleure garantie de la liberté de cons­cience de chaque citoyen. Pour les baptistes, ces convictions se fondent sur leur conception de l’autorité et de la suffisance des Écritures, sur le sacerdoce des croyants, sur le salut comme don de la grâce de Dieu reçu dans le repentir personnel et dans la foi en Jésus Christ ; enfin, elles se fondent sur un engage­ment plein de zèle à partager la Bonne Nou­velle à travers l’évangélisation directe dans sa patrie et à l’étranger, dans une obéissance in­conditionnelle au grand commandement de Jésus (Mt 28, 19-20)[4].

D’après ma lecture de l’histoire, cette « école bap­tiste » est issue de l’école augustinienne dont se sont inspirés les réformateurs au XVIe siècle, en réaction contre les Églises officielles protestantes et contre leur déni de la liberté religieuse aux « non-conformistes ». Il me semble que dans cette perspective, il est plus facile pour les théologiens de distinguer, parmi les points de désaccord entre nos deux communautés, entre ceux qui découlent de vraies divergences doctrinales et ceux qui sont liés à des différences entre les écoles théologiques. Benoît XVI a noté que « les questions doctrinales qui nous séparent encore ne doivent pas être négligées ni minimisées »[5]. Le rapport montre que ce dialogue a fait appel à une méthodologie plus raffinée, qui est la bien­venue en théologie œcuménique. Les théologiens œcuméniques doivent sans cesse chercher à tester la capacité des diverses écoles de théologie à formuler les vérités de la foi d’une manière qui soit à la fois en har­monie avec la perception que l’une des communautés a d’elle-même, et acceptable pour l’autre communauté. Cette approche a été adoptée avec profit dans le dia­logue entre l’Église Catholique et les Églises Orientales pour résoudre certaines questions doctrinales[6]. Elle peut être utilisée aussi dans le dialogue avec les com­munautés issues de la Réforme. C’est pourquoi je pro­pose d’appliquer dans ce dialogue la méthodologie qui consiste à tenir compte des écoles de théologie qui ont inspiré ces communautés[7].

 

III. Appréciations

Ayant apprécié les diverses affirmations contenues dans ce rapport dans la perspective de sa réception de la part des catholiques, je ferai les remarques suivantes :

 

A. Koinonia

Le point de départ trinitaire du rapport est une grande force. La déclaration commune du n. 7 s’inscrit dans une trajectoire théologique qui n’a cessé de s’affirmer depuis Vatican II, et qui consiste à abandon­ner l’approche propositionnelle de la vérité propre à la théologie scholastique au profit de l’approche person­naliste selon laquelle la vérité n’est autre que la Per­sonne divine du Logos[8]. J’ai aussi apprécié l’accent mis sur le Christ Chef de l’Église au n. 9. En reconnaissant la présence du Christ dans l’Église, par la puissance de l’Esprit Saint, on pose la base pour affirmer un certain nombre de points essentiels de l’ecclésiologie, telle que l’Église Catholique l’entend[9]. Dès lors, il est possible de situer la Révélation dans l’histoire du salut et dans celle de l’Église, comme l’enseigne le Magistère contempo­rain[10]. En outre, la déclaration commune sur les rap­ports entre les Personnes divines au sein de la Trinité fait échec au modalisme, qui tend à réapparaître dans certaines théologies féministes et dans la théologie dite de « process ». Les croyances du christianisme sur Dieu sont inséparables d’une solide théologie trinitaire[11].

On peut apprécier aussi l’affirmation du n. 10 sur l’origine trinitaire de la mission. La mise en garde contre l’idée que l’Esprit puisse agir indépendamment du Christ est un point important en vue d’une sotério­logie et d’une ecclésiologie correctes.

J’apprécie en outre la grande précision avec laquelle les auteurs du rapport utilisent un terme tel que « Église locale », qui a une signification différente dans les communions baptiste et catholique. De telles précisions font avancer le dialogue.

Le parallèle du n. 17 entre ecclésiologie de l’Alliance et ecclésiologie de communion me paraît très utile. Il montre comment des écoles théologiques diverses traitent les mêmes questions en utilisant des méthodes distinctes. Cela aide à mieux distinguer si les diver­gences peuvent être attribuées à des différences doctri­nales ou si elles sont dues à des écoles de pensée diffé­rentes.

Le n. 27 sur le discernement est particulièrement intéressant quand il traite du sentire cum ecclesia, de la ré­ception et du sensus fidei. Le sensus fidei, qui est une grâce de l’Esprit Saint reçue au moment du baptême, met en lumière le rôle de l’Église dans la transmission de la Vé­rité. Sans l’Esprit Saint, l’Écriture est un livre fermé. Ce paragraphe explique comment l’Église intervient dans la transmission et la conservation de la Vérité confiée autrefois aux Apôtres, et quelle est la place de l’Esprit Saint dans la réception de cette Vérité.

 

B. Autorité du Christ dans l’Écriture et dans la Tradition

Un aspect de la théologie de ce rapport qu’il con­vient de signaler tout particulièrement est son approche christologique du rapport entre origine divine et origine humaine des Écritures. Il établit une analogie utile qui intervient directement dans la controverse sur l’utilisation de la méthode historico-critique dans les études bibliques. À l’instar des controverses christolo­giques des premiers siècles de notre ère, les polémiques sur les recherches historico-critiques naissent de la crainte que l’un des auteurs ne finisse par absorber l’autre. La comparaison que ce rapport établit avec le mystère du Logos incarné, à la fois « vrai Dieu et vrai homme », fait mieux comprendre que l’auteur humain des pages sacrées est un « vrai auteur » qui transmet « tout ce que Dieu veut, et seulement ce que Dieu veut »[12]. Cette analogie a en outre le mérite de nous rap­peler que la question de l’auteur des Écritures est un mystère, et que toutes les affirmations que nos deux communautés pourront faire à ce propos n’épuiseront pas le sens de ce livre unique qu’est la Bible. C’est pourquoi le n. 47 doit être spécialement apprécié pour son approche christocentrique de l’interprétation. L’application du troisième trait distinctif de l’Église, la catholicité, à l’interprétation « d’après le tout » est une bonne méthode.

L’une des affirmations les plus importantes de ce dialogue est peut-être celle du n. 59, où les auteurs notent : « Nous nous accordons à dire que la Bible est la norme qui permet de critiquer et d’évaluer les di­verses traditions, en distinguant celles qui sont unique­ment humaines de celles qui constituent une expression authentique de l’Évangile ». Il était important que le dialogue aborde directement ce point. De nouvelles conversations sur ce sujet seront nécessaires pour des raisons que j’indiquerai plus loin.

La suggestion faite au n. 62 de préférer suprema Scriptura à sola Scriptura est très intéressante et mérite d’être approfondie aussi par les théologiens œcumé­niques dans les autres dialogues[13].

 

C. Baptême et Sainte Cène

Ma première observation sur cette partie du rapport porte sur l’introduction très utile qui situe le débat sur les sacrements dans le contexte plus large du rapport entre Écriture et Tradition[14]. Cette déclaration va dans le sens de la conviction catholique que la tradition n’est pas seulement un ensemble de contenus, mais une transmission vivante dont la liturgie est le lieu privilé­gié. Les auteurs du rapport font remarquer très juste­ment que les notions de « remémoration » et de « sym­bole » sont beaucoup plus nuancées dans l’école de pensée baptiste, en recommandant aux catholiques d’éviter toute lecture réductionniste de ces termes[15].

L’affirmation que l’on trouve au n. 87, selon laquelle « Dieu intervient, par le Christ et avec la coopération de l’Esprit Saint, pour la justification de l’âme du fidèle pénitent », peut aider les catholiques à mieux com­prendre le point de vue baptiste. Elle souligne l’action de la Trinité dans les sacrements/ordonnances. Il est important que les catholiques sachent que les baptistes ne croient pas que les sacrements/ordonnances « con­fèrent la grâce » par eux-mêmes. Au n. 92, la l’affirmation que les sacrements/ordonnances sont « la parole de Dieu exprimée sous une forme sacramen­telle » met en lumière le fait que les sacrements sont des actes du Christ.

La description précise, au n. 95, de la compréhen­sion baptiste de l’instant du salut est importante pour les catholiques. La séparation entre l’instant où naît la foi salvatrice au Christ et le moment de la célébration du sacrement/ordonnance du baptême clarifie la com­préhension baptiste de l’ordonnance.

Une chose que ce rapport fait très bien, c’est d’expliquer la diversité des points de vue à l’intérieur de l’école de pensée baptiste. Cette diversité apparaît tout spécialement au n. 110, dans la description des diffé­rentes façons d’interpréter le rapport entre baptême et admission dans l’Église. Cette même approche sera uti­lisée avec succès dans la partie qui traite de la Présence réelle.

L’explication du rapport entre sacerdoce et Eucharis­tie mérite aussi d’être mentionnée. La nuance subtile sur le fait que le prêtre agit à la fois in persona Christi capitis et in persona ecclesiae est bien présentée.

À propos de l’Eucharistie/Sainte Cène, le rapport établi entre l’anamnèse et la « participation » est utile, car il aide les catholiques à comprendre le sens plus nuancé du terme « remémoration » qui caractérise l’école de pensée baptiste.

Bien qu’ils ne soient pas énumérés, les cinq modes de la présence du Christ dans l’Eucharistie sont tous traités dans ce rapport. La présence du Christ en la per­sonne du prêtre ordonné y est bien expliquée[16]. La par­tie conclusive sur éthique et eschatologie contient une importante affirmation sur les cinq dimensions de l’Église : kerygma, koinonia, leiturgia, diakonia et episcope. Il ne s’agit pas tant de modèles que de dimensions cons­titutives de l’Église, qui révèlent sa nature essentielle[17].

 

D. Marie dans la communion de l’Église

Il y a beaucoup de choses à apprécier dans la partie qui traite de Marie. Le texte donne une lecture du Nouveau Testament qui met en valeur la personne de Marie et son rôle dans l’histoire du salut. On peut si­gnaler en particulier l’accent mis au n. 135 sur l’appartenance de Marie au peuple juif. Les dogmes de la foi catholique sur Marie theotokos, sur l’Immaculée Conception, sur la naissance virginale de Jésus, sur la virginité perpétuelle de Marie et sur son assomption, sont bien présentés dans ce rapport. Le n. 147 donne une excellente formulation de la théologie de l’Immaculée Conception. En considérant l’Immaculée Conception comme une préparation de Marie de Nazareth à répondre librement à la grâce, le rapport fait sortir le débat du contexte de la théologie spéculative pour le situer dans celui de la théologie biblique, qui montre Dieu préparant Marie à remplir son rôle dans l’histoire du salut comme la « Nouvelle Ève ».

 

E. Episkopè

La partie sur l’episkopè contient beaucoup de choses appréciables. Quand on la compare au texte de Lima de 1988, on constate qu’il y a eu une évolution importante de la pensée. Ces dernières années, la théologie œcu­ménique s’est développée, et en particulier la formula­tion de la part des théologiens catholiques des diverses dimensions de l’office épiscopal dans l’Église. J’ai éga­lement apprécié qu’au n. 172 sur l’ordination des femmes, les auteurs expliquent que l’Église n’a pas au­torité pour changer la tradition apostolique[18]. L’approche suivie, basée sur Ordinatio sacerdotalis, décrit en pratique la façon dont le Magistère de l’Église Ca­tholique opère sous la conduite et au service de la Pa­role de Dieu[19]. L’argument de l’autorité aide à clarifier le rapport entre Écriture et Tradition ainsi que l’évolution de la doctrine, sur laquelle je reviendrai plus loin dans ce commentaire.

 

IV. Quelques points à clarifier sur la doctrine ca­tholique

 

Dans cette partie, je me propose d’identifier les ques­tions qui, à mon avis, auraient besoin d’être mieux précisées, et je ferai ensuite un commentaire pour faci­liter la réception. Je mentionnerai aussi quelques ques­tions qui pourraient être traitées avec profit dans une prochaine phase du dialogue entre baptistes et catho­liques.

Tout en appréciant la contribution significative que ce rapport apporte à la théologie œcuménique, je pense que les points suivants auraient besoin d’être clarifiés.

 

A. La koinonia

Le rapport souligne très justement l’unicité et l’universalité du Christ dans l’unique économie du sa­lut. Mais du point de vue catholique, on peut regretter qu’il ne soit pas fait mention du rôle de l’Église dans cette médiation unique et universelle. Le lecteur du pa­ragraphe 10 peut très bien ne pas comprendre que l’affirmation doctrinale de l’Église Catholique inclut la médiation ecclésiale[20].

Au n. 12, le rapport entre Église particulière et Église universelle aurait besoin d’être mieux précisé. D’après la doctrine catholique, il y a priorité de l’universel. Historiquement, l’Église de Jérusalem, constituée à la Pentecôte, a été universelle depuis le premier instant de son existence. Elle comprenait en germe toutes les nations. Les efforts missionnaires des Apôtres ont porté la foi en Asie Mineure jusqu’en Syrie, vers l’ouest jusqu’en Europe, et vers l’est jusqu’en Mésopotamie. À mesure que les apôtres fondaient des Églises locales, l’unique Église du Christ s’est particularisée en ces lieux[21]. Historiquement, l’affirmation que « la communion locale ne découle pas de l’Église universelle » demande donc à être nuancée. Plus loin dans le rapport, ces nuances sont bien expli­quées, mais il n’en reste pas moins que cette déclaration commune manque de clarté. Le n. 14, dit que pour les catholiques, « l’Église particulière représente l’Église universelle, comme lieu spécifique où l’Église univer­selle se manifeste et peut être rencontrée, mais elle ne peut manifester cette universalité qu’en communion avec les autres Églises particulières ». Mais le catholique ou le baptiste qui lira cette déclaration commune inter­prètera-t-il en ce sens l’affirmation selon laquelle « la communion locale ne découle pas de l’Église univer­selle » ? L’explication donnée par les baptistes au n. 15 sur le fait que les Églises locales sont « en commu­nion… directement à travers le Christ qui gouverne aussi d’autres expressions de l’Église » est utile, tout comme l’affirmation que les Églises locales baptistes sont interdépendantes. Je pense que le gouvernement du Christ pourrait servir de cadre à l’intérieur duquel harmoniser ces diverses déclarations sur la communio ec­clésiale. La phrase conclusive qui dit que « le gouver­nement du Christ dans l’Église locale… incarne et ma­nifeste l’universel » serait une meilleure façon de for­muler l’accord du n. 12. Ce qui est en jeu ici, c’est à la fois la théologie de la mission, et la question de la mé­diation ecclésiale.

Au n. 21, on aurait peut-être pu ajouter que ce qui manque, dans l’Eucharistie célébrée dans une commu­nauté ecclésiale où la succession apostolique est inter­rompue, ce n’est pas seulement l’élément de la com­munion ecclésiale, mais aussi la pleine réalité de l’Eucharistie[22]. L’explication pourrait être reportée à la partie sur le baptême et de la Sainte Cène. Il y a bien une mention de la notion baptiste de présence du Christ au n. 22, mais on ne trouve pas la mention cor­respondante de la croyance catholique dans la Présence réelle au n. 21.

 

B. L’autorité du Christ dans l’Écriture et dans la Tradition

Une question sur laquelle j’aurais souhaité que la Commission du dialogue s’engage plus directement est celle de la distinction entre Révélation et inspiration. Dans l’enseignement catholique, il y a un consensus croissant pour situer la Révélation, en particulier celle de la Nouvelle Alliance, dans la personne de Jésus et dans tout ce qu’il a dit et fait jusqu’à son ascension au ciel. L’inspiration se réfère à la conservation et à la transmission de la Révélation, et elle est donc liée de près à la notion catholique de Tradition. Cette distinc­tion peut nous aider à dépasser les notions plus ration­nelles de Révélation propositionnelle, qui étaient cou­rantes dans la période manualiste de la théologie catho­lique, et qui trouvaient une expression similaire dans tout le monde protestant à la même époque. La Com­mission du dialogue fait du bon travail cherchant à aller au-delà de l’idée que la Bible est la Révélation. Je suggè­rerais toutefois de mieux clarifier ce point important, en partant de l’importante distinction entre Révélation et inspiration.

Ce point à d’importantes dimensions pneumatolo­giques et ecclésiologiques. L’expression « Écriture et Tradition » pourrait faire penser à deux corps distincts ayant tous deux un contenu écrit. En réalité, la Tradi­tion est, sous sa forme la plus simple, l’interprétation de la Révélation dans l’Église[23]. De façon plus spécifique, le même Esprit qui a guidé les auteurs sacrés au mo­ment où ils ont composé les Écritures est présent dans l’Église, et agit continuellement pour conserver, trans­mettre et interpréter les pages de la Bible[24]. Certes, la Tradition possède un contenu, mais elle est avant tout l’action continue de Dieu dans l’histoire. Au n. 44, qui traite de la formation de la Tradition par rapport au ca­non, la dimension dynamique de la Tradition n’apparaît pas aussi nettement qu’il serait souhaitable[25].

Comme l’a bien noté Yves Congar, il manque à la théologie occidentale une pneumatologie solide. En conséquence, alors que nos deux communions recon­naissent la présence et l’action de l’Esprit Saint dans l’interprétation des Écritures, et croient que le rôle de la communauté dans l’interprétation est un exercice de discernement de l’Esprit, cela n’est pas mentionné dans la description, pourtant excellente, du n. 49. Vu la place importante donnée à l’Esprit Saint dans la troisième phase de la Réforme et dans la théologie baptiste, une étude plus approfondie de l’action de l’Esprit Saint dans le dialogue entre baptistes et catholiques pourrait porter à une plus grande convergence[26].

On trouve au n. 59 un point important qui aurait besoin d’être clarifié : la Commission du dialogue y af­firme en effet : « Nous nous accordons à dire que la Bible est la norme qui permet de critiquer et d’évaluer les diverses traditions, en distinguant celles qui sont seulement humaines de celles qui constituent une ex­pression authentique de l’Évangile ». Or, sur ce point, l’enseignement catholique est légèrement différent. Une comparaison entre Ut Unum Sint et Verbum Domini montre que le Magistère de l’Église est encore en train de réfléchir sur cette question. Diverses théories ont été avancées par les théologiens sur la question de la suffi­sance matérielle de l’Écriture[27]. Alors que cette théorie était largement admise au début du XXe siècle, on tend de plus en plus à penser aujourd’hui que la suffisance matérielle est liée à la notion propositionnelle de la Ré­vélation. Ut Unum Sint fait une déclaration très claire, mais sans clarification ou application[28]. Dans Verbum Domini, Benoît XVI dit : « En effet, la Parole de Dieu se donne à nous dans l’Écriture Sainte comme témoi­gnage inspiré de la Révélation qui, avec la Tradition vi­vante de l’Église, constitue la règle suprême de la foi »[29]. Force est donc de constater que l’autorité de l’Écriture sur la Tradition est encore une doctrine en évolution.

Dans sa réflexion sur la Tradition, au n. 63, la Com­mission du dialogue se penche sur la distinction entre tradition apostolique et tradition ecclésiale. Tout étant correct en soi, ce paragraphe et ceux qui suivent semblent réduire la définition de la tradition à son contenu. Cette lecture de la « Tradition » est plus limi­tée que celle utilisée dans le reste du rapport. On re­trouve dans ce paragraphe un écho de l’ancienne ma­nière de parler des « deux sources » de la Révélation chez les catholiques. Le n. 64 pose la vraie question, qui est celle de l’évolution de la doctrine. Le passage de la Tradition comme contenu à la Tradition comme transmission peut être déroutant, mais il atteste aussi que ce point de la doctrine n’est pas entièrement résolu.

Un point à prendre en considération, à propos du n. 68, est celui du retour à l’exégèse patristique dans l’Église Catholique. Les Pères formulaient leur théolo­gie non pas dans des manuels techniques, mais dans leurs sermons et leurs traités. Autrement dit, la théolo­gie allait de pair avec la proclamation. Ce ressourcement pourrait être une piste intéressante à approfondir dans les prochaines conversations sur la Tradition, vu l’importance que la communauté baptiste attribue à la proclamation. La dimension vivante de la Tradition se­rait ainsi mieux mise en lumière.

 

C. Baptême et Sainte Cène

L’accord sur « une co-inhérence entre sacre­ments/ordonnances et prédication de la Parole de Dieu » est affirmé sous une forme liturgique. Si la pré­dication est identifiée à la proclamation, et si la Parole de Dieu est identifiée au Christ, il y aurait une possibi­lité de trouver de nouvelles convergences en réfléchis­sant plus à fond sur le « commandement divin ». Dans la théologie catholique, cette notion est un aspect de la théologie morale. L’école de pensée baptiste applique apparemment une théorie analogue aux sacre­ments/ordonnances. Si les sacrements/ordonnances sont des commandements divins, on pourrait conce­voir que le commandement rend effectif ce qui est commandé. Quand Dieu parle au moment de la créa­tion, la parole fait advenir ce qu’elle dit. Si l’on consi­dère l’ordonnance comme l’anamnèse du commande­ment, la remémoration, par le fait même qu’elle est provoquée par la Parole de Dieu, pourrait être conçue comme étant efficace avant toute réponse humaine. La doctrine catholique de l’efficacité sacramentelle pour­rait être mieux comprise de nos frères et sœurs bap­tistes en explorant cette piste de réflexion[30].

Un point qui, à mon avis, aurait besoin d’être clari­fié est le rapport entre grâce et foi. Dans ce rapport, la foi est présentée comme une réponse de l’homme à la grâce (ce qu’elle est effectivement)[31]. Cependant, la doc­trine catholique a une conception plus complexe de la foi. La foi est un don et une réponse. La foi est une vertu théologale. La foi est un don, en ce sens qu’elle est un « appel de Dieu », et une réponse de l’homme qui « vit et pense en fonction de la Parole et de l’amour de Dieu »[32]. Comme telle, la foi ne découle pas l’homme, mais du don gratuit de Dieu. S’il est vrai qu’il ne peut y avoir aucune expérience de la grâce sans la foi, celle-ci peut être implicite ou réflexe. La réponse peut précéder le moment où la foi devient consciente chez le croyant. La théologie catholique, suivant en cela saint Robert Bellarmine, reconnaît la possibilité d’un désir inconscient. C’est pourquoi le n. 85, qui souligne l’importance d’un acte de foi conscient et réfléchi, me paraît plus restrictif que la doctrine catholique[33].

Dans le commentaire des n. 89 et 90, apparaissent implicitement des questions non résolues en ce qui concerne la doctrine de Dieu. La liberté personnelle de Dieu dans l’école de pensée baptiste telle qu’elle est présentée ici, semble plus grande que dans le Magistère ordinaire de l’Église catholique. L’accent mis sur la pleine liberté de Dieu peut être interprété en ce sens. La théologie catholique affirme que Dieu peut tout, sauf ce qui implique une contradiction logique. En tant qu’Être en soi, Dieu ne peut pas vouloir cesser d’exister. En conséquence, puisque Dieu est amour, les actes de Dieu sont nécessairement conformes à sa na­ture. Comme l’a dit Robert Barron[34] :

L’affirmation centrale du christianisme clas­sique est qu’en Jésus de Nazareth, Dieu et l’humanité se sont rencontrés d’une façon non compétitive et non violente. D’après la formu­lation du concile de Chalcédoine, la nature humaine de Jésus n’a pas été changée, dimi­nuée ou absorbée en s’unissant à sa nature di­vine. Ces deux natures se fondent en lui « sans mélange, amalgame ou confusion » dans une union hypostatique, produisant un être parfait en divinité et parfait en humanité[35]. […] Si l’incarnation est un fait accompli, alors la pré­sence du vrai Dieu n’est ni invasive, ni inter­ruptive, mais plutôt non compétitive. À la lu­mière de l’union de ces deux natures, nous pouvons dire qu’il y a un rapport de co-inhé­rence entre le divin et l’humain, chacun de­meurant dans l’autre de telle sorte que l’humanité est élevée par la proximité du di­vin[36].

La liberté de Dieu ne peut pas être opposée à sa nature divine. Comme l’a dit Thomas Norris :

Puisqu’une Personne divine ne peut être qu’une « nullité d’amour », l’incarnation de « l’une des Personnes de la Trinité » implique une économie de la kénose. Le Christ, en tant que révélation du dessein, du plan et du mys­tère cachés de toute éternité dans la Trinité, aimera le Père au point de la kénose et de l’abandon du Père, et cela précisément pour nous donner accès, par l’Esprit Saint, à la vie et à la béatitude de notre patrie définitive. La merveille de l’union hypostatique, qui nous donne un aperçu nouveau et radieux de la beauté-gloire de la Sainte Trinité en sorte que nous sommes saisis dans l’amour de la Trinité que nous ne pouvons voir, est une vision d’unité et de communion qui attire et fascine[37].

La question de la souveraineté de Dieu doit être envi­sagée à la lumière des importants développements intervenus dans la théologie de la doctrine de Dieu. De nouvelles conversations sur la Communion des saints, menées à la lumière de ces nouveaux développements de la théologie, pourraient aider à surmonter l’objection des baptistes selon laquelle la conception catholique de la Communion des saints limiterait la souveraineté de Dieu.

Au n. 92, le mot « foi » est utilisé une nouvelle fois dans un sens plus restrictif, indiquant seulement la ré­ponse de l’homme. Du point de vue catholique, dire que « la foi et la confiance sont essentielles pour qu’une telle rencontre puisse avoir lieu, même si c’est toujours l’action de l’Esprit Saint qui rend possible cet acte hu­main » pourrait être un bon moyen de répondre aux ré­serves des baptistes décrites ci-dessus.

On trouve au n. 97 une précision utile, qui répond mieux à ma remarque sur ce qu’il faut entendre par le mot « foi ». L’affirmation que « le premier mouvement conscient de la foi au Christ est initié par la grâce de Dieu et accompagné par l’Esprit Saint qui introduit le croyant dans la communion du Christ » définit mieux la foi, en montrant qu’elle n’est pas seulement une ré­ponse humaine. La doctrine catholique dit aussi que le sacrement impartit la foi, et en particulier le sensus fidei (la capacité de reconnaître la Révélation). Cette ques­tion est bien traitée dans le paragraphe sur la confirma­tion, où les auteurs disent que « l’essence du sacrement de la confirmation ne réside pas dans la profession de foi publique… mais dans la réception de l’Esprit Saint qui dote les confirmands d’une force spéciale »[38].

La question de l’administration du baptême par « as­persion » n’est pas abordée dans ce rapport. Rejeté tant par les catholiques que par les baptistes lorsqu’il se ré­fère à la pratique du baptême collectif dans lequel le célébrant asperge d’eau la foule sans aucune certitude que tous ont été touchés, ce terme est également utilisé par les baptistes pour désigner le baptême sans immer­sion, et donc aussi le baptême par effusion. Il eut donc été utile de mieux préciser ce qu’il faut entendre par « baptême par aspersion ».

Une autre question implicite dans ce rapport est celle qui a trait au sacerdoce. Dans l’excellente présen­tation sur la dimension sacrificielle de l’Eucharistie, la question de la nature du sacerdoce dans la Nouvelle Alliance n’est pas mentionnée[39]. C’est une question qu’il est difficile d’aborder dans un document œcumé­nique sur l’Eucharistie. Personnellement, j’ai aussi pris le parti de la mettre entre parenthèses dans mon essai sur l’Eucharistie. Il se peut qu’il ne soit pas possible de traiter une question aussi complexe dans le cadre d’un dialogue sur l’Eucharistie. Pourtant, sacerdoce et Eu­charistie sont inséparables pour les catholiques. J’ai écrit :

Si j’aborde la question du sacrifice, c’est uni­quement parce que, pour les catholiques, elle est étroitement liée à la notion de sacrement. Si vous voulez comprendre correctement notre croyance, vous devez poser ce postulat. Le modèle biblique, qui est celui du sacrifice, comportait une offrande, une médiation sacer­dotale et un repas[40]. L’application de cette no­tion vétérotestamentaire au modèle sacramen­tel de la Nouvelle Alliance comporte l’utilisation des images bibliques qui ont révélé l’action de Dieu dans l’histoire du salut pour encadrer, interpréter et éclairer l’acte final et définitif de Dieu en Jésus Christ[41].

Comme l’a fait remarquer McGuckian, le mo­dèle du culte sacrificiel vétérotestamentaire est par­faitement répliqué dans le sacrifice de Jésus. L’offrande de soi, la médiation en tant qu’unique Grand prêtre du Nouveau Testament, le repas commandé en vue de la réception de l’offrande (de son corps et de son sang), obéissent tous à ce mo­dèle. Ce qui est en jeu entre catholiques et baptistes, c’est la façon d’entendre le sacerdoce du Nouveau Testament. J’ai le sentiment que ce dialogue pourrait aboutir à une déclaration commune sur le sacerdoce des baptisés, travail de ce rapport sur l’anamnèse est déjà un bon point de départ pour une éventuelle conversation sur le sacerdoce du Nouveau Testa­ment. Il est intéressant de faire la petite expérience qui consiste à réécrire le n. 123 en remplaçant « Eu­charistie » par « sacerdoce » :

Les catholiques entendent le mémorial (anam­nèse) et l’invocation de l’Esprit (épiclèse) au sens fort. Dans [le sacerdoce], l’Église ne fait pas seulement mémoire de la Passion et de la Ré­surrection du Christ Jésus, elle « présente aussi au Père l’offrande de son Fils qui nous récon­cilie avec Lui ». Les catholiques croient que [le sacerdoce]… représente (rend présent) [le sa­cerdoce] du Christ accompli une fois pour toutes… Dans la célébration liturgique des événements de la Passion du Christ, ceux-ci « deviennent d’une certaine façon présents et réels ». Pour les catholiques, [le sacerdoce] du Christ… et [le sacerdoce ministériel] sont un unique [sacerdoce], et non la répétition ou la multiplication de [ce sacerdoce]. En représen­tant (et non en répétant) [le sacerdoce du Christ] au moyen de l’anamnèse, l’Église est unie [au sacerdoce] du Christ par le Christ lui-même, agissant en la personne d’un ministre ordonné. L’Église invoque l’Esprit Saint (épi­clèse) pour qu’il change [le baptisé] en [un prêtre ministériel][42].

Cette petite expérience montre, me semble-t-il, que le dialogue entre catholiques et baptistes, tel qu’il est rapporté dans ce document, offre de précieuses occa­sions pour explorer d’autres questions restées sans ré­ponse à ce jour. C’est pourquoi je suggère d’approfondir le thème du sacerdoce dans un prochain dialogue.

Un autre problème implicite relatif à la doctrine de Dieu se présente au paragraphe 130, où il est dit que les offices du sacerdoce limiteraient d’une certaine façon la souveraineté du Christ. Voici ce que dit Barron à ce propos :

Ce qui a été mal élaboré (et même oublié dans la plupart des cas) par les penseurs modernes, c’est cette vision biblique dynamique de Dieu qui rayonnait dans la pensée chrétienne du moyen âge, et qui permettait d’affirmer à la fois la pleine divinité de Dieu et le plein épanouis­sement du sujet humain dans son rapport avec Dieu. C’est la vision d’un Dieu Créateur de toute chose, une réalité dont la modalité d’existence diffère de celle de toute créature ou ensemble de créatures, autrement autre que le non-divin et donc capable d’avoir avec le non-divin un rapport très intime et non invasif[43].

Je pense que cette approche de Barron peut aider à surmonter la difficulté qui se présente lorsqu’on cherche à défendre la souveraineté de Dieu. Je revien­drai sur cette possibilité plus loin dans ce commentaire.

 

D. Marie dans la communion de l’Église

Certains concepts de base du catholicisme, tels que ceux de l’évolution de la doctrine et du sensus fidelium, sont présumés connus des lecteurs. C’est une lacune de ce rapport. J’aurais souhaité y trouver une discussion plus approfondie sur la controverse sur l’Immaculée Conception et sur son rôle dans l’évolution de la doc­trine. Telle qu’elle est présentée, un lecteur baptiste pourrait penser, en lisant ce rapport, qu’il s’agit d’un simple désaccord. En réalité, cette controverse a joué un rôle non négligeable dans l’élaboration des formules doctrinales. La note en bas de page du n. 138 est inté­ressante, mais elle donne pour acquis que le lecteur a compris la façon dont le dogme s’est développé. Je fe­rai quelques suggestions plus loin dans ce commentaire au sujet de l’évolution de la doctrine.

 

E. L’episkopè

Dans la partie qui traite des différents modèles d’episkopè au n. 168, une précision historique serait utile sur la question des trois degrés du ministère sacerdotal. Le rapport dit que « ces trois degrés du ministère sa­cerdotal ont existé dans toutes les Églises d’Orient et d’Occident jusqu’à la Réforme ». Cette affirmation est exacte, mais demande à être nuancée. Car s’il est vrai que les Églises d’Orient ont maintenu l’organisation de l’Église primitive fondée sur les trois degrés du minis­tère telle qu’elle avait été formulée par Ignace d’Antioche[44], dans les Églises d’Occident en revanche, un courant de pensée s’est développé sous l’influence de saint Jérôme, selon lequel l’épiscopat serait simple­ment une juridiction plus ample pour l’exercice des pouvoirs sacramentels conférés par l’ordination sacer­dotale[45]. En se basant sur cet argument, les théologiens scholastiques ont soutenu que l’ordination épiscopale n’était pas un sacrement[46]. La tradition canonique, dis­tincte de la tradition théologique, insisté sur ce point. Le catéchisme romain, paru à la suite du concile de Trente, constitue l’aboutissement de la notion des sept ordres et des cinq offices dans les Églises d’Occident[47]. Mais dans la période post-tridentine, nombre de théo­logiens rejetèrent la tradition canonique et réhabilitèrent la conception patristique des trois degrés du sacrement de l’ordre. Avec le passage du temps, il y eut un retour progressif à la notion orientale des trois ordres, qui trouva une confirmation dans les enseigne­ments de Pie XII et du concile Vatican II sur la sacra­mentalité de la consécration épiscopale[48]. L’organisation des Églises baptistes qui, avec ses deux degrés de ministère, est plus proche de l’organisation médiévale de l’Église d’Occident, doit être envisagée dans ce contexte historique. Cette question pourrait être, pour les théologiens œcuméniques, une occasion de suivre ensemble un parcours de réappropriation des enseignements patristiques sur les trois degrés du mi­nistère.

 

V. Questions à approfondir dans les prochains dialogues

 

A. La Communion des Saints

De mon point de vue, le n. 24 ouvre un débat sus­ceptible, potentiellement, de porter beaucoup de fruit. La définition baptiste de l’Église invisible, formée de tous ceux qui ont été régénérés par l’Esprit de Dieu, pourrait être une piste intéressante pour une discussion sur la doctrine de la Communion des Saints dans le cadre d’un accord œcuménique sur l’ecclésiologie. L’idée de « voir des preuves de l’action de l’Esprit Saint dans la vie d’un individu » pourrait nous permettre d’élargir notre cadre ecclésiologique pour y inclure aussi les membres de l’Église qui sont au déjà ciel dans l’attente des cieux nouveaux et de la terre nouvelle.

Le n. 158 revient encore une fois sur ce point. La crainte d’obscurcir l’unicité du Christ pousse l’école de pensée baptiste à éviter toute affirmation concernant l’intercession des saints. J’aurais souhaité que le dia­logue se penche sur les différences d’attitude sur la place de Marie dans l’Église aujourd’hui. Le sentiment de l’immédiateté de la Communion des Saints chez les catholique, et le sentiment de distance vis-à-vis de cette même communion chez les baptistes, se traduisent par des différences fondamentales dans la vie et dans la pratique des deux communautés.

 

B. La Tradition

Comme je l’ai dit plus haut, ce rapport semble pré­supposer que le lecteur a compris la notion catholique de Tradition. Je ne suis pas certain que les nuances subtiles de la Commission que l’on trouve en différents endroits seront appréhendées correctement. C’est pourquoi, je voudrais apporter ma contribution per­sonnelle sur la question de la Tradition pour faciliter la réception de ce rapport.

D’après mon expérience des dialogues œcumé­niques, la principale difficulté, dans les discussions sur la Tradition, consiste à faire comprendre aux non ca­tholiques que la Tradition est quelque chose de plus qu’une source additionnelle. Je me souviens que quand j’étais à l’université, un étudiant protestant est venu un jour me demander de l’accompagner à la bibliothèque du séminaire catholique du lieu pour « lui indiquer où se trouve la Tradition ». Après avoir discuté un peu avec lui, je lui ai proposé de l’emmener d’abord à la messe à la cathédrale le dimanche suivant, puis à un service dévotionnel dans une paroisse pendant la se­maine. Après quoi, nous pourrions aller à la biblio­thèque. Mon but était de lui faire comprendre que pour les catholiques, la Tradition n’est pas seulement une source documentaire : c’est aussi une réalité vivante et actuelle. Cette notion était très difficile à comprendre pour mon ami étudiant. Il pensait que la Tradition était quelque chose comme le Livre de Mormon – un en­semble de textes auxquels il pouvait se référer comme il le faisait pour la Bible. Notre notion de la Tradition est parfois déroutante et insatisfaisante pour nos frères sé­parés. Mais comme le but du dialogue est de nous pré­senter les uns aux autres le plus exactement possible, il est essentiel d’approfondir la notion de Tradition pour que ce dialogue puisse avancer.

Le cardinal Yves Congar, O.P. est un grand spécia­liste de la théologie de la Tradition. Congar commence­rait par noter que la Tradition peut être définie comme la « transmission d’un objet à une autre personne »[49]. On peut parler de la Tradition dans un sens actif : l’acte de transmettre, ou dans un sens objectif : ce qui est transmis[50]. Le contenu de la Tradition comprend aussi autre chose que des documents écrits[51]. C’est pourquoi, dans toute discussion sur la Tradition, il est important de clarifier le mode de transmission (oral) et le contenu de cette transmission (la Tradition orale), ce qui nous permet de distinguer entre la Tradition au sens strict et Écriture[52].

À l’intérieur de la Tradition, d’autres distinctions peuvent et doivent être faites. En premier lieu, la dis­tinction entre tradition apostolique et tradition ecclé­siale. C’est un aspect plus subtil de toute cette question de la Tradition. Il convient de bien distinguer entre le sujet de la Tradition et son objet. Congar identifie trois sujets : le Christ, les Apôtres et l’Église[53]. C’est précisé­ment ce troisième point qui fait débat dans le dialogue œcuménique. Nombre de documents des dialogues of­ficiels se concentrent sur les deux premiers points ; pourtant c’est sur le troisième qu’ont porté les contro­verses de la Réforme.

Congar note que l’Église est à la fois un canal de transmission de la Tradition apostolique et l’origine des traditions. Dans le premier cas, l’acte de transmission par l’Église d’une tradition réputée apostolique confère son autorité à cette tradition. On peut citer à ce propos l’exemple du canon de l’Écriture. La décision de l’Église d’attribuer le statut de Livre sacré à un livre en particulier est ce qui lui donne sa valeur normative[54]. Cette décision est un acte de l’Église, et de tels actes sont ce qui donne à la Tradition son caractère vivant. Ce caractère peut être étendu à l’évolution du contenu, que ce soit sous une forme écrite ou non écrite, et ici la forme non écrite comprend aussi l’interprétation du dépôt de la foi. Autrement dit, toute décision faisant autorité sur le contenu de la Tradition est en elle-même un acte de la Tradition. En conséquence, un troisième élément doit être pris en compte dans la discussion sur Écriture et Tradition, à savoir le Magistère.

La complexité de la notion de Tradition, qui com­prend à la fois une idée d’action, un contenu, une évo­lution et des décisions faisant autorité, est ce qui rend si difficile le dialogue œcuménique sur ce sujet. Cela dit, tout n’est pas perdu. Dans l’école de pensée baptiste il existe une riche réflexion sur le fait qu’une interpréta­tion correcte de l’Écriture ne peut se faire que sous l’inspiration de l’Esprit Saint. C’est aussi essentielle­ment le point de vue catholique. Pour que la religion révélée perdure dans le temps, le Christ doit avoir pré­disposé des moyens pour conserver et transmettre la vérité de la Révélation. Les catholiques voient dans la succession apostolique des évêques l’instrument de cette conservation et de cette transmission. Le sujet ac­tif dans l’Église est l’Esprit Saint. Un approfondisse­ment pneumatologique sur la Tradition serait d’une grande valeur pour la suite du dialogue entre baptistes et catholiques.

 

VI. Exhortation à l’œcuménisme missionnel

 

A. Apprécier les attributs

L’un des principaux objectifs du mouvement œcumé­nique est de développer chez les chrétiens une spiritualité qui les aide à discerner l’Esprit de Dieu à l’œuvre dans et parmi les Églises et les communautés ecclésiales. La capacité de reconnaître l’Esprit à l’œuvre est fondamentale pour comprendre que l’œcuménisme est en fait une conversion. La conversion dont je veux parler est avant tout une conversion au Christ et à sa volonté pour l’Église, exprimée très clairement dans la prière du Grand prêtre de l’évangile de Jean.

Voir l’Esprit de Dieu à l’œuvre dans une autre com­munauté nous pousse à approfondir notre koinonia. Voir que la réception des dons spirituels dans cette communauté peut parfois suivre des modalités meil­leures que les nôtres témoigne contre nous. La seule réponse est la louange de Dieu pour ses dons merveil­leux et la prière à Dieu pour lui demander pardon de n’avoir pas utilisé ces dons aussi bien que nos frères et sœurs séparés.

 

B. Œuvrer ensemble pour une culture chrétienne

Ces dernières années, à côté des dialogues officiels entre les Églises, se sont développés toute une série de conversations et dialogues informels très prometteurs entre les théologiens et les pasteurs. Ce nouvel œcumé­nisme est en train de devenir une partie permanente du mouvement œcuménique. J’y vois la réception des cent dernières années de dialogue œcuménique et une nou­velle œuvre de l’Esprit. Personnellement, je préfère l’appeler « œcuménisme missionel ». Par ce terme, j’entends un engagement œcuménique pour la mission telle que la concevait Jean Paul II, consistant à procla­mer l’Évangile dans le but de convertir, baptiser et former des communautés chrétiennes, de promouvoir les valeurs évangéliques et de changer la culture[55]. Le nouvel œcuménisme a fait sien ce troisième élément, celui de la mission. Il y a là pour les baptistes et les ca­tholiques une occasion exceptionnelle pour s’engager ensemble.

La Nouvelle Évangélisation nous présente aussi un défi. Les intuitions des théologiens sur la doctrine de Dieu et sur sa nature non compétitive vont-elles nous encourager à collaborer à un projet commun d’évangélisation ? C’est une grande question, compte tenu de l’histoire des relations entre nos deux commu­nautés. Mais je suis porté à croire, après avoir lu ce rapport et après avoir constaté les grands progrès réali­sés dans la compréhension mutuelle, que la mission, troisième élément de Jean Paul II, peut devenir pour les baptistes et les catholiques un terrain commun d’œcuménisme missionnaire. J’exhorte tous ceux qui liront La Parole de Dieu dans la vie de l’Église de réfléchir à la façon dont leur communauté pourrait collaborer avec d’autres chrétiens afin de promouvoir les valeurs de l’Évangile et de changer la culture.

 

 

NOTES

* Le Rév. Dr. Thomas A. BAIMA est le responsable des affaires œcuméniques et interreligieuses de l’Archidiocèse de Chicago et le Vice Recteur des affaires académiques de l’université de Saint Mary of the Lake à Mundelein, Illinois.

[1]. Voir Frederick M. Bliss, S.M., Understanding Reception: A Backdrop to its ecumenical use (Milwaukee, Marquette University Press, 1993), 147-148.

[2]. Voir « La Parole de Dieu dans la vie de l’Église : Rapport du dialogue international entre l’Église Catholique et l’Alliance Baptiste Mondiale (2006-2010). Le paragraphe 4 de ce Rapport note à propos des points de la doctrine et de la vie de l’Église où de sérieuses différences subsistent : « Ces ‘différences’ qui subsistent, mentionnées dans le précédent rapport, portent sur l’autorité et les méthode théologiques » (à propos d’Écriture et Tradition) ».

[3]. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum Veritatis sur la vocation ecclésiale du théologien (24 mai 1990), n. 6.

[4]. Thomas Stransky, CSP « Comments on “Summons to Witness to Christ in Today’s World: A Report on the Baptist-Roman Catholic Conversations ».  Information Service N. 72, 1990 (I).

[5]. Benoît XVI, « Œcuménisme : avancer au-delà des barrières », Allocution de Benoît XVI lors de la Cérémonie œcuménique à Saint-Paul hors-les-Murs, 25 janvier 2013.

[6] .Voir Déclaration christologique commune entre S.S. le Pape Jean Paul II et S.S. Mar Dinkha IV (Rome, Libreria Editrice Vaticana, 1992).

[7]. Cette approche était aussi celle du Bienheureux Jean Paul II lorsqu’il avait demandé à nos frères séparés des indications sur la formulation de la doctrine du primat et des suggestions sur son exercice. Voir Jean Paul II, Ut Unum Sint, Lettre encyclique sur l’œcuménisme (25 mai 1995), n. 89-96.

[8]. Voir Emery de Gaal, The Theology of Pope Benoît XVI: The Christocentric Shift (San Francisco, Palgrave/Macmillan, 2011).

[9]. Voir Dominus Jesus, 16.   

[10]. Voir Benoît XVI, Verbum Domini, Exhortation apostolique post-synodale sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église (Rome, Libreria Editrice Vaticana, 2010), 6.

[11]. Les controverses théologiques actuelles sur la question du monothéisme mettent en lumière ce point. Voir Robert Barron, The Priority of Christ: Toward a Postliberal Catholiciam (Grand Rapids, Michigan, Brazos Press, 2007). Voir aussi Edward T. Oakes, Infinity Dwindled to Infancy: A Catholic and Evangelical Christology (Grand Rapids, Michigan, Eerdmans Publishing Company, 2011) et Thomas Norris, The Trinity, Life of God, Hope for Humanity: Towards a Theology of Communion (Hyde Park, New York, New City Press, 2009).

[12]. Dei Verbum, 11.

[13]. Cette formulation est en ligne avec l’enseignement de Jean Paul II dans Ut Unum Sint où il qualifie l’Écriture de norme suprême. Voir Jean Paul II, Ut Unum Sint, Lettre encyclique sur l’oecuménisme (Rome, Libreria Vaticana, 1995), paragraphe 54. Voir aussi la note 30 ci-dessous.

[14]. Voir le n. 72.

[15]. Pour une réflexion sur l’application de la notion d’anemnèse à la question des sacrements/ordonnances, voir l’essai de Russell Moore : « The Baptist View: Christ’s Presence as Memorial » in Understanding Four Views on the Lord’s Supper, ed. John H. Armstrong (Grand Rapids, Michigan, Zondervan, 2007), 29-33.

[16]. Voir Avery Cardinal Dulles, « How Real is the Real Presence? » in The Church and Society: The Lawrence J. McGinley Lectures 1988-2007 (New York, Fordham University Press, 2008), 455-467.

[17]. Voir Thomas A. Baima, « Models of Church », et « Contribution to Ecclesiology and Ecumenism », in Chicago Studies, Vol. 47,2 (été 2008).

[18]. Cette question complexe est traitée de façon exhaustive par Sara Butler dans The Catholic Priesthood and Women: A Guide to the Teaching of the Church (Chicago, Hillenbrand Books, 2007).

[19]. Voir Ordinatio Sacerdotalis paragraphe 4.

[20]. Voir Dominus Jesus, paragraphe 16.

[21]. Johann Auer fait appel à la doctrine de la visibilité de l’Église pour expliquer le rapport entre universel et particulier. L’Église particulière est l’image de l’Église universelle dans ce lieu. Il met ainsi l’accent sur la nature simultanée des qualités de l’universel et du particulier. Puisque l’Église locale est l’image de l’Église universelle, il ne peut y avoir d’Église locale en dehors de l’Église universelle. Mais en même temps, les Églises locales sont le seul moyen pour donner une visibilité à l’Église universelle dans le monde. Voir Johann Auer The Church: Universal Sacrament of Salvation, trans. Michael Waldstein, ed. Hugh M. Riley (Washington, DC: Catholic University of America Press, 1993), 112.

[22]. Voir « L’Église Catholique Romaine » in Réponse des Églises à BEM : les réponses officielles au texte de Lima sur Baptême, Eucharistie, Ministère (Genève, Conseil Mondial des Églises, 1988).

[23]. Fernando Ocariz, Fundamental Theology (Woodbridge, Illinois, Midwest Theological Forum, 2009), 98.

[24]. Ibid., 107.

[25]. Yves Congar, La tradition et les traditions, Cerf, Paris, 2010.

[26]. Voir Benoît XVI, Verbum Domini, 7.

[27]. Ocariz, Op. Cit., 105.

[28]. Jean Paul II, Ut Unum Sint, 54.

[29].  Benoît XVI, Verbum Domini, 18. Voir aussi Dei Verbum, 21. À noter que, alors que Jean Paul II mettait l’accent sur la distinction entre Écriture et Tradition dans Ut Unum Sint, Benoît XVI souligne plutôt le rapport qui existe entre elles. Benoît XVI fait en outre une distinction entre le Verbe de Dieu (le Logos) et la transmission de la Parole de Dieu dans l’Écriture et dans la Tradition. Ceci indique à mes yeux que l’enseignement catholique sur la « règle suprême de la foi » est encore en cours de définition.

[30]. Ce commentaire peut s’appliquer aussi au paragraphe 106.

[31]. Plus loin dans le document, au paragraphe 97, on trouve un traitement plus nuancé, qui répond mieux à mes préoccupations.

[32]. Ocariz, Op. Cit., 148.

[33]. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Dominus Jesus, 20.

[34]. Voir Robert Barron, The Priority of Christ: Toward a Post-liberal Catholicism (Grand Rapids, Michigan, Brazos Books, 2007), 17.

[35]. Ibid., Voir aussi Norman Tanner, Decrees of the Ecumenical Councils (Washington, DC, Georgetown University Press, 1990), 1:86.

[36]. Ibid., Voir aussi Robert Sokolowski, The God of Faith and Reason (Washington, DC, Catholic University of America Press, 1995), 39.

[37]. Norris, Op. Cit., 108.

[38]. Voir n. 105.

[39]. Voir « L’Église Catholique Romaine » in Réponse des Églises à BEM : les réponses officielles au texte de Lima sur Baptême, Eucharistie et Ministère (Genève, Conseil mondial des Églises, 1988), 31.

[40]. Voir Michael McGuckian, S.J., The Holy Sacrifice of the Mass (Chicago, Hillenbrand Books, 2005).

[41]. Thomas A. Baima, « Roman Catholic View: Christ’s True, Real and Substantial Presence » in Understanding Four Views on the Lord’s Supper, ed. John H. Armstrong (Grand Rapids, Michigan, Zondervan, 2007), 24-25.

[42]. Paraphrase du n. 123. La raison pour laquelle ce point est si important est que la question de un sacrifice/beaucoup de sacrifices est aussi la préoccupation fondamentale qui se présente dans la question de la conception catholique du ministère comme sacerdoce. L’école de pensée baptiste est contraire, à juste titre, à tout ce qui peut obscurcir l’unicité du sacerdoce de Jésus. La solution œcuménique proposée sur l’Eucharistie pourrait s’appliquer aussi à la question du sacerdoce.

[43]. Barron, Op. Cit., 203.

[44]. Ignace d’Antioche est bien connu pour son ecclésiologie sacramentelle/eucharistique dans laquelle il compare l’Église locale à une synaxe eucharistique : l’évêque, entouré de ses presbytres et assisté par ses diacres au milieu des baptisés, offre une doxologie à Dieu et intercède pour ceux qui sont dans le besoin.

[45]. Jérôme, Epître 146 in Ep. Ad Tit.1, 5.

[46]. Ludwig Ott, Fundamentals of Catholic Dogma, trad. James Canon Bastible (Rockford, Illinois, Tan Books and Publishers, 1974), 453.

[47]. The Roman Catechism, trans. Robert I. Bradley, S.J. and Eugene Kevane (Boston: Saint Paul Editions, 1985), 307-326. Voir en particulier les notes en bas de page 42, 45, 51, 52 et 53. Ces sept ordres étaient les suivants : portier, lecteur, exorciste, acolyte, sous-diacre, diacre et sacerdos. Le sacerdos comportait cinq offices : prêtre (au sens de presbytre), évêque, archevêque, patriarche, pape. On peut voir dans cette formulation de tradition canonique que l’épiscopat était à peine plus qu’une simple juridiction.

[48]. Pie XII, Sacramentum Ordinis : Constitution apostolique sur les ordres sacrés du diaconat, de la prêtrise et de l’épiscopat (30 novembre 1947), n. 5. Voir aussi Concile Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, n. 21.

[49]. Yves M.-J. Congar, O.P., La tradition et les traditions, Cerf, Paris, 2010.

[50]. Ibid.

[51]. Ibid.

[52]. Ibid.

[53]. Ibid.

[54]. Ibid.

[55]. Voir Jean Paul II, Catéchèse sur le Credo, Vol. IV: L’Église, mystère, sacrement et communauté (Paris: Cerf, juillet 1990).