LES SACREMENTS DANS LA VIE DE L'ÉGLISE

 

Commission mixte internationale de dialogue théologique
entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes orientales

[Traduction de l'original anglais]

 

1. La Commission mixte internationale de dialogue théologique entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes orientales (CMDT) a pu jusqu'à présent poser des jalons importants sur son chemin dans la recherche de l'unité de nos Églises. Après la réunion du Comité préparatoire en 2003, le dialogue a entamé sa première phase en 2004 en abordant le thème de l'ecclésiologie. En 2009, la Commission a approuvé son premier document intitulé Nature, constitution et mission de l'Église (NCME) et a pu confirmer « une large base d’accord dans des matières fondamentales de l’ecclésiologie entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales » (NCME 67). Une nouvelle phase a débuté en 2010 et abouti à un deuxième important document, intitulé L'exercice de la communion dans la vie de l'Église primitive et ses répercussions sur notre quête de la communion aujourd'hui (ECEP), achevé en 2015. Au cours de cette phase, il a été possible d'affirmer que « nombre des relations existant entre les Églises au cours des premiers siècles se sont poursuivies jusqu'à nos jours en dépit des divisions, ou ont été récemment ravivées » (ECEP 72).

2. Dans la troisième étape du dialogue, la Commission a commencé à étudier plus en détail la doctrine et la pratique en ce qui concerne les sacrements. La tâche consistait à déterminer les points d'accord et de divergence substantiels dans notre compréhension des sacrements. La Commission a consacré plusieurs réunions à la définition du terme « sacrement » et à l'étude des sept sacrements communément reconnus : baptême, chrismation/confirmation, eucharistie, pénitence/confession, onction des malades, mariage et saints ordres. Dans le cadre de ses travaux, la Commission a pris note en particulier des accords pastoraux existant entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales en ce qui concerne le partage des sacrements dans des circonstances particulières.

 

I.  Définition et signification théologique des sacrements

A. Le Christ, sacrement fondamental de l'action de Dieu dans le monde

3. Le mystère du plan de salut de Dieu (oikonomia, dispensatio, mdabronutho), c'est-à-dire le dessein de Dieu d'appeler l'humanité et toute la création à dialoguer avec lui et d'accorder ses bienfaits aux hommes, se révèle et se déploie dans l'histoire humaine par des paroles audibles et des signes tangibles qui peuvent être perçus par les êtres humains. L'histoire devient ainsi une histoire du salut qui atteint son point culminant en Jésus Christ, lequel par sa vie tout entière, ses paroles et ses actes, en particulier par le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection, est la pleine révélation et l'autocommunication du mystère de Dieu. Le Christ est le mystère divin en personne, le sacrement fondamental de l'action de Dieu dans le monde. La mission de l'Église est de poursuivre la mission du Christ jusqu'à ce qu'il revienne.

B. Terminologie

4. L'Église dispense les fruits de la révélation et de l'œuvre rédemptrice du Christ aux croyants par des signes et des actions visibles qui signifient et communiquent une grâce invisible qui leur permet « d’avoir part à la nature divine » (2 P 1,4). Ces signes et actions visibles sont eux-mêmes appelés mystères. Les traditions orientales et catholiques latines comprennent le « mystère » comme un objet ou un événement visible ou tangible qui indique une réalité supérieure, conduisant à la sanctification et au salut des croyants et à la transformation de toute la création.

5. Le terme grec mysterion a été traduit par sacramentum dans les premières traductions latines de la Bible et utilisé parallèlement à la translittération latine mysterium. Au Moyen-Âge, le mot sacramentum a été utilisé plus spécifiquement pour certains actes liturgiques. Le terme syriaque rozo/raza, le khorhourd arménien, le mestir éthiopien, le sir arabe, le mysterion copte et grec conservent le sens plus large des mystères du Dieu trinitaire, de l'incarnation et de la rédemption, ainsi que des actes liturgiques par lesquels les bénédictions salvifiques de Dieu sont dispensées dans et par l'Église.

C. Origine des sacrements dans les traditions bibliques et apostoliques

6. Au cours des siècles, les Pères de l'Église et les théologiens de toutes nos Églises ont pris conscience de la signification théologique du mystère de l’action efficace de Dieu dans les rites sacrés de l'Église. Les actions de Jésus Christ – guérison des malades, exorcismes, résurrection des morts – et ses paroles salvatrices sont considérées comme actives dans les célébrations liturgiques de l'Église. En conséquence, toute la vie de l'Église acquiert une dimension sacramentelle. Dans le cadre de cette économie du salut, l'Église a privilégié certains actes et célébrations spécifiques qui sont essentiels pour la sanctification ou la divinisation du croyant et l'édification du Corps du Christ, et qui sont donc appelés sacrements ou mystères dans un sens particulier du terme. Ainsi, toutes nos Églises ont reconnu que divers rites sacrés et liturgiques ainsi que certaines bénédictions avaient une nature sacramentelle. En même temps, les termes mysterion / sacramentum / rozo / raza/ khorhourd / mestir/ sir, tels qu'ils ont été définis et utilisés à l'époque patristique et plus tard pour désigner les signes visibles d'une grâce intérieure et spirituelle qui nous est donnée, n'étaient pas limités à un nombre précis.

D. Administration des sacrements

7. Tous les fidèles baptisés participent à la célébration des sacrements, et certains sont dûment ordonnés et autorisés à administrer les sacrements. En dehors du sacrement du baptême, la réception valide d'un sacrement exige que le destinataire soit validement baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Dans nos Églises, un évêque peut administrer tous les sacrements. Les prêtres peuvent administrer tous les sacrements, à l'exception de celui de l’ordre. Dans l'Église catholique latine, les diacres peuvent administrer les baptêmes et célébrer les mariages. Les sacrements administrés selon les rites de chaque Église sont considérés comme valides par cette Église. Suivant l'ancienne tradition de l'Église indivise, la validité d'un sacrement ne dépend pas de l'état moral du ministre. En des termes similaires mais légèrement différents, l'Église catholique et les Églises orthodoxes orientales ont précisé la forme et la matière requises pour la validité de chaque sacrement.

 

II. Sept sacrements

A. Apparition et diffusion de la notion des « sept sacrements »

8. À un stade ultérieur, la tradition occidentale a identifié sept rites liturgiques comme étant des sacrements au sens plus spécifique, tandis que d'autres bénédictions étaient appelées sacramentaux. Les Églises orthodoxes orientales reconnaissent ces sept sacrements ou mystères, mais d'autres rites liturgiques sont également appelés mystères.

9. Toutes nos traditions ont la conviction que les sept sacrements : baptême, chrismation/confirmation, eucharistie, pénitence/confession, onction des malades, mariage et saints ordres, ont été institués par le Christ, établis par les Apôtres, préservés et transmis par les Pères de l'Église et célébrés fidèlement par l'Église au cours des siècles. Parmi eux, l'eucharistie est considérée comme le sacrement des sacrements, car elle est le sacrement du mystère pascal du Christ, le couronnement de toute sa mission et la source de tout salut. L'intention du chiffre sept n'est pas de limiter mais de décrire la plénitude de la grâce de Dieu et la perfection de son œuvre salvatrice. Le chiffre sept est l'un des plus significatifs de la Bible et est également identifié comme l'union de Dieu avec sa création, le trois signifiant la Sainte Trinité et le quatre la création tout entière.

10. Nos traditions s'accordent à décrire les sacrements comme des moyens par lesquels est signifiée et expérimentée l'action salvifique de Dieu dans et par l'Église. La source et la garantie de leur efficacité reposent sur la conviction que le Christ lui-même est à l'œuvre dans les sacrements, par l'invocation (épiclèse) de l'Esprit Saint. La vie sacramentelle de l'Église a toujours un caractère trinitaire, offrant action de grâce, adoration et gloire à Dieu le Père, origine et accomplissement final du dessein divin de salut par son Fils Jésus Christ, dans l'Esprit Saint. De même, par l'utilisation d'éléments de la création, comme l'eau, l'huile, le pain et le vin, le cosmos tout entier devient partie prenante de ce dessein, « car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu (TOB) » (Rm 8,19).

 

B. Les sacrements de l'initiation

a. Baptême
Évolution dans l’histoire

11. Nos Églises conviennent que le sacrement du baptême est le fondement et la porte d'entrée de la vie chrétienne et des autres sacrements. Il a ses antécédents dans le baptême de repentance prêché par Jean le Baptiste, a reçu une nouvelle signification avec la mort et la résurrection du Christ et la venue du Saint-Esprit, et est administré en obéissance au commandement du Christ d'aller baptiser les nations (cf. Mt 28,19 ; Mc 16,16). Le baptême est le sacrement le plus amplement attesté dans la pratique des premiers chrétiens. Le baptême est au cœur de la théologie de saint Paul sur l'incorporation au Corps du Christ par la participation à sa mort et à sa résurrection : « Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle » (Rm 6,4) ; « nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit » (1 Co 12,13 ; cf. Ga 3,26-28).

12. D’un point de vue historique, le baptême était célébré lors de la Grande Veillée de la fête de la Résurrection et étroitement lié à la chrismation et à la réception de l'Eucharistie. Les traditions orthodoxes orientales et catholiques orientales ont conservé l'association étroite de ces trois sacrements, et même un enfant nouvellement baptisé est immédiatement oint du saint myron (Saint Chrême) et reçoit la sainte eucharistie. Dans l'Église latine, ces trois éléments de l'initiation chrétienne sont devenus des marqueurs sacramentels distincts des étapes de la vie chrétienne, bien que dans la pratique récente, les trois sacrements soient conférés aux adultes qui reçoivent le baptême au cours d'une seule liturgie.

Pratique actuelle dans les différentes Églises

13. Le baptême est toujours conféré au nom de la Sainte Trinité (cf. Mt 28,19) et accompagné de l'onction, de prières d'exorcisme, de la renonciation au diable, de la profession de foi et du port d'un vêtement spécial. Dans les Églises orthodoxes orientales et, de préférence, dans les Églises catholiques orientales, le baptême est conféré par trois immersions du candidat dans de l'eau bénite. Dans l'Église catholique latine, le baptême peut être conféré soit par une triple immersion, soit par trois versements d'eau sur la tête. Bien que le baptême puisse être reçu à tout âge, nous suivons tous la pratique des premiers chrétiens consistant à baptiser les enfants des familles chrétiennes en bas âge.

14. Dans toutes nos Églises, le baptême est normalement administré par un évêque ou un prêtre. Dans l'Église catholique latine, les diacres peuvent baptiser mais ne peuvent pas conférer le sacrement de la confirmation (terme latin pour chrismation). Dans toutes nos Églises, tout fidèle chrétien peut baptiser en cas d'urgence, la chrismation et l'eucharistie étant conférées ultérieurement par un prêtre si le nouveau baptisé survit. Dans l'Église catholique latine, toute personne peut baptiser en cas d'urgence.

15. Toutes nos Églises maintiennent la pratique d'avoir des parrains ou des marraines pour ceux qui doivent être baptisés. L'Église catholique permet aux chrétiens orthodoxes orientaux de servir de parrains à ceux qui sont baptisés, à condition qu'il y ait également un parrain catholique. Les Églises orthodoxes orientales ne permettent pas toutes aux catholiques d'être parrains ou marraines.

Questions restant à discuter

16. Au fil du temps, et selon les circonstances, les Églises catholiques et orthodoxes orientales ont pris des positions différentes dans leur reconnaissance du baptême administré par d'autres Églises. Pour toutes les Églises, la reconnaissance des sacrements des autres Églises est liée à l'unité dans la foi. Les Églises diffèrent dans leur compréhension de la relation particulière du baptême à cette unité. L'Église catholique reconnaît la validité de tous les baptêmes orthodoxes orientaux, et la plupart des Églises orthodoxes orientales reconnaissent la validité des baptêmes catholiques. Dans certains contextes, l'Église copte orthodoxe pratique le rebaptême des catholiques. Progresser vers la pleine reconnaissance mutuelle de ce sacrement absolument fondamental reste un objectif important de notre dialogue afin que nous puissions confesser « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4,5).

 

b. Chrismation
Évolution dans l’histoire

17. Toutes nos Églises considèrent que l'onction avec le saint myron ou le saint chrême est une partie essentielle de l'initiation chrétienne. Cette onction est considérée comme le « sceau » ou l'achèvement du rite baptismal, conférant le Saint-Esprit au nouveau baptisé. L'huile est infusée de myrrhe ou de baume et, dans la tradition orthodoxe et catholique orientale, de nombreux autres ingrédients aromatiques. Traditionnellement, le saint myron ou saint chrême est béni par un évêque ou, dans certaines Églises, par un patriarche, un catholicos ou un primat, au cours d'une liturgie spéciale ou de plusieurs liturgies. Dans l'Église latine, cette bénédiction de l'huile a lieu chaque année lors d'une liturgie eucharistique spéciale pendant la Semaine sainte. Dans d'autres Églises, elle peut avoir lieu à des intervalles moins fréquents. Seul le saint myron ou saint chrême peut être utilisé pour l'onction post-baptismale, ce qui le distingue des autres huiles bénites utilisées pour la guérison ou la purification. Le type biblique est l'onction des prêtres et des rois telle que décrite dans les Saintes Écritures (cf. Ex 30,22-33 ; 1 Sm 10,1). Par l'onction avec le saint myron ou le saint chrême, le nouveau baptisé devient digne de rejoindre « la race élue, la communauté sacerdotale du roi, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis » (1 P 2,9) et d'appeler Dieu « Abba, Père » (Rm 8,15, Ga 4,5-7).

Pratique actuelle dans les différentes Églises

18. La pratique des orthodoxes orientaux et des catholiques orientaux consiste à donner l’onction avec le saint myron immédiatement après le baptême et, en général, à administrer également la Sainte Eucharistie. Dans l'Église catholique latine, à la suite d'une évolution historique complexe, tous les nouveaux baptisés reçoivent immédiatement une onction avec le saint chrême, considérée comme l'onction du Christ en tant que prophète, prêtre et roi. Pour les adultes baptisés dans l'Église latine, cette onction est également considérée comme le sceau du Saint-Esprit, comme dans les traditions orientales de la Chrismation. Pour les enfants et les nourrissons baptisés, le sceau du Saint-Esprit est reçu plus tard dans le sacrement de la confirmation, administré par un évêque au cours d’un rite comprenant l’imposition des mains et l’onction avec le saint chrême. Les réformes liturgiques contemporaines du rite latin affirment l'intégrité du baptême, de la chrismation et de la sainte communion en tant que rites appropriés de l'initiation chrétienne, bien qu’au plan pastoral et pratique l’on continue d’établir une différence entre chrismation/confirmation et sainte communion pour les enfants baptisés. L'Église catholique reconnaît la validité de la chrismation conférée par les Églises orthodoxes orientales. Les Églises orthodoxes orientales ne reconnaissent pas toutes de la même manière la chrismation/confirmation catholique.

Questions restant à discuter

19. Nous recommandons la poursuite des discussions au plan théologique, ecclésiologique et liturgique pour résoudre la question de la reconnaissance mutuelle de la chrismation.

 

c. Eucharistie
Évolution dans l’histoire

20. Nos Églises s'accordent à dire que la Sainte Eucharistie est le centre de la vie chrétienne. À l'époque de Jésus, la tradition juive avait une compréhension profonde de l'aspect rituel des repas, avec des bénédictions sur le pain, le vin et d'autres aliments. Les Évangiles synoptiques associent la Cène à la Pâque juive, fournissant un riche symbolisme théologique de sacrifice et de rédemption. Les disciples de Jésus ont célébré la « Cène » en obéissant à son commandement de « faire cela en mémoire de moi » (Lc 22,19 ; 1 Co 11,24). Comme l'écrit saint Paul, « toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26). En participant au Corps et au Sang du Christ, ils reçoivent la grâce d'une communion plus profonde (koinonia) les uns avec les autres.

21. Associée à l'origine à un repas, la bénédiction sacramentelle du pain et du vin devint rapidement un rite distinct. Les premiers siècles du christianisme révèlent un modèle de célébration comprenant des lectures des Écritures, une longue prière d'action de grâce et de bénédiction sur le pain et le vin, et le partage du corps et du sang du Christ par les participants. Cette prière (l'anaphore) a inclus au cours des temps une narration rappelant les paroles de Jésus lors de la dernière Cène et une invocation explicite du Saint-Esprit sur le pain et le vin ainsi que sur les fidèles réunis. Au fur et à mesure que la liturgie s'est développée dans diverses régions et au cours des siècles, cet ancien modèle est resté au cœur de chaque célébration eucharistique.

Pratique actuelle dans les différentes Églises

22. Nos Églises affirment avec force que le pain et le vin consacrés sont le véritable Corps et Sang du Christ. Pour cette raison, l'Eucharistie est approchée avec révérence et exige une préparation de la part du célébrant et des communiants, selon la discipline particulière de chaque Église (cf. 1 Co 11,27-29).

Questions pastorales et pratiques

23. Les Églises orthodoxes orientales autorisent le partage de l'Eucharistie entre les fidèles de leurs Églises, à condition de respecter le jeûne et les autres exigences de l'Église dans laquelle l'Eucharistie doit être reçue. Sur la base d'accords pastoraux approuvés, certaines Églises orthodoxes orientales autorisent les catholiques à recevoir l'Eucharistie et d'autres sacrements (cf.  §§ 50-54). L'Église catholique autorise les chrétiens orthodoxes orientaux à recevoir la Sainte Communion dans certaines circonstances, mais elle les exhorte à suivre la discipline de leur propre Église.

Questions restant à discuter

24. Comme pour la reconnaissance mutuelle du baptême, l'espoir d'une pleine communion eucharistique entre les Églises orthodoxes orientales et l'Église catholique a un rôle moteur dans le travail de la Commission mixte. Le plein partage de la vie sacramentelle serait un profond témoignage de l'unité en Christ et un grand réconfort dans les régions où les chrétiens sont relativement peu nombreux, surtout lorsqu'ils constituent une communauté persécutée.

 

C. Les sacrements de guérison

a. Pénitence/Confession
Évolution dans l’histoire

25. Les Églises orthodoxes orientales et l'Église catholique considèrent le sacrement de pénitence, également connu sous le nom de réconciliation ou de confession, comme l'un des sept sacrements. La pénitence sacramentelle s'est développée au cours des premiers siècles de l'Église chrétienne comme un acte à la fois public et individuel de demande de pardon et de rétablissement de la pleine communion avec Dieu et le Corps du Christ, l'Église.

26. Nos Églises s'accordent à dire que la pénitence a pour antécédents l'appel au repentir par Jean le Baptiste et Jésus (cf. Mc 1,15 ; Mt 3,2 ; 4,17), le pardon des péchés par Jésus (cf. Lc 5,20 ; 7,48) et le pouvoir de pardonner les péchés accordé par le Christ ressuscité aux Apôtres (cf. Jn 20,23). Au fil du temps, cette pratique a pris des formes diverses selon les lieux, mais a toujours conservé le même objectif : la réconciliation avec Dieu et le Corps du Christ, l'Église, pleinement exprimée dans la participation à la Sainte Eucharistie.

Pratique actuelle dans les différentes Églises

27. La pratique actuelle de la pénitence dans nos Églises nécessite que ceux qui ont des remords pour leurs péchés les confessent en privé ou participent à des formes communautaires de prière pénitentielle, puis reçoivent l'absolution d'un prêtre ou d'un évêque. Un acte de pénitence tel que le jeûne, l'aumône ou la lecture de psaumes pénitentiels peut être requis avant ou après l'absolution. Dans le cas de la pénitence communautaire, telle qu'elle est pratiquée par exemple dans l'Église apostolique arménienne, une énumération générale et la reconnaissance des péchés ont d’abord lieu, suivies de l'absolution et de la Sainte Communion.  Dans les autres Églises, la confession privée reste la forme typique de pénitence, complétée par des expressions communes de repentir dans la liturgie. Dans l'Église catholique, les célébrations communautaires du sacrement de pénitence offrent la possibilité de se confesser en privé, bien qu'en cas de nécessité urgente, l'absolution sacramentelle générale puisse être donnée sans confession privée.

 

b. Onction des malades
Évolution dans l’histoire

28. La pratique de la prière pour les malades et de l'onction d'huile bénie est un aspect central du ministère chrétien auprès des malades et est considérée par toutes nos Églises comme l'un des sacrements. Dans son ministère, Jésus a fait preuve d'une attention et d'une compassion particulières pour les malades. Ses miracles sont principalement des actes de guérison, offerts de manière impartiale. L'une de ses paraboles les plus puissantes, celle du bon Samaritain, met en lumière un acte de miséricorde envers un homme gravement blessé. Il a également chargé les Douze d'oindre les malades d'huile et de les guérir (cf. Mc 6,13). La croyance dans le pouvoir de la prière pour les malades est évidente dans tout le Nouveau Testament, l'injonction de la lettre de Jacques fournissant un aperçu parfaitement clair de la pratique des premiers chrétiens : « L’un de vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les anciens de l’Église, et qu’ils prient après avoir fait sur lui une onction d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient ; le Seigneur le relèvera et, s’il a des péchés à son actif, il lui sera pardonné » (Jc 5,14-15).

Pratique actuelle dans les différentes Églises

29. Au fil des siècles, dans les traditions latine, arménienne et syrienne orthodoxe malankare, l'onction a été considérée comme l'« Extrême Onction », une préparation sacramentelle à la mort. Ces dernières années, l'Église catholique latine et l'Église malankare orthodoxe syriaque ont rétabli la pratique de l'onction pour les personnes malades, même si elles ne sont pas mourantes. L'onction est accompagnée de lectures des Écritures, de prières et de l'imposition des mains. Le sacrement est souvent célébré en commun dans les paroisses, les maisons de retraite et d'autres lieux.

30. Dans la tradition arménienne, la prière du Canon des malades est conçue en relation avec la chrismation de l'initiation chrétienne pour répondre à ce besoin, bien que ce rite ne soit plus aussi régulièrement pratiqué qu'il l'était au XVsiècle. Dans la tradition copte orthodoxe, l'onction des malades est également célébrée communautairement le dernier vendredi du Grand Jeûne, avant la Semaine Sainte.

 

D. Sacrements de service et d'engagement

a. Mariage

31. Le mariage et la famille comptent parmi les biens les plus précieux de l'humanité. La famille est considérée comme l'élément de base de la communauté humaine et de l'Église. Bien que le mariage ait pris différentes formes au cours de l'histoire et dans différentes cultures, il s'agit d'un modèle commun à toutes les cultures humaines du monde entier. Par conséquent, l'Église, dans sa mission et en tant que signe et instrument du salut universel de l'humanité, a dès le début conçu le mariage comme une alliance d'amour et une manifestation de l'amour du Christ pour son Église. L'Église a placé le mariage sous sa protection particulière et sa bénédiction.

32. Toutes nos Églises s’accordent pleinement sur le fait que le mariage chrétien est un sacrement, connu dans certaines traditions comme le Mystère du couronnement. Nous acceptons les mêmes sources bibliques et patristiques comme fondement de notre conviction que le sacrement du mariage est une institution divine. Les récits de l'Ancien Testament présentent le mariage et la parentalité comme un don de Dieu afin qu’« ils deviennent une seule chair » (Gn 2,24) et répondent au commandement de Dieu : « Soyez féconds et prolifiques » (Gn 1,28). Les enseignements de Jésus et de saint Paul dans le Nouveau Testament soulignent le lien indissoluble du mariage, enraciné dans l'amour mutuel du mari et de la femme, qui est une participation sacramentelle au mystère du Christ et de son Église (cf. Mt 19,6 ; Mc 10,9 ; Ep 5,32). Le mariage, par sa nature même, ordonné à l'amour réciproque des époux et au soin de leurs enfants, a été élevé par le Christ Seigneur lui-même à la dignité de sacrement.

33. L’Église interprète théologiquement le mariage en tant qu'alliance dans laquelle les époux se donnent l'un à l'autre. Le mariage commence et prend vie dans le cœur de l'Église. Dieu lui-même, à travers l'Église, unit les époux. La réalité sociale du mariage est donc devenue une image de la promesse indestructible de Dieu à sa création et une métaphore théologique de l'alliance entre le Christ et l'humanité. L'alliance entre l'homme et la femme dans le mariage est également comprise comme un signe de l'alliance entre le Christ et l'Église.

Évolution dans l’histoire

34. L'Église primitive considérait le mariage comme une réalité à la fois théologique et sociale, exprimée selon les coutumes régionales et le droit civil. Au fur et à mesure que l'Évangile se répandait dans diverses régions et cultures, les Églises, dans leurs contextes arménien, copte, éthiopien, indien, syrien et latin, ont développé leurs propres disciplines et rites pour le mariage. Cependant, la conception du mariage et le soin pastoral de l'Église restent les mêmes dans toutes les traditions. Si la compréhension de la nature sacramentelle du mariage est universelle, les rites et les cérémonies du mariage se sont développés autour d’éléments distinctifs, mettant l’accent sur des aspects différents.

35. L'Église latine de l'Empire romain suivait le droit romain, dans lequel le mariage représentait un acte de libre arbitre des époux. Avec le temps, le mariage a été considéré à la lumière de la révélation et l'Église a placé les promesses mutuelles des époux sous sa protection et sa bénédiction. L’acte libre et personnel par lequel les époux se donnent et se reçoivent dans les promesses du mariage est demeuré la marque sacramentelle du mariage. Toutefois, ces promesses avaient lieu dans un contexte ecclésial. Cela exprime le fait que le mariage n'est pas simplement une affaire privée des mariés, mais une manifestation de l'amour et de la fidélité de Dieu. La mariée et le marié prennent ainsi part à l'alliance de Dieu avec l'humanité, car c'est Dieu lui-même qui les unit. Aussi en est-on venu à considérer que les époux sont eux-mêmes les ministres du sacrement l'un pour l'autre, dans leur libre échange de vœux.  

36. Dans les Églises des provinces orientales de l'Empire romain et au-delà, l'évolution fut différente. Comme en Occident, pendant trois siècles, les chrétiens ont suivi les coutumes de leur temps, sans faire appel à un prêtre ni utiliser de prières spéciales ou un rite chrétien spécifique. Néanmoins, la venue du Christ et la révélation biblique ont modifié la conception du mariage. L'image nuptiale du Christ comme Époux, unissant Dieu et l'humanité dans une alliance parfaite, apparaît fréquemment dans les premiers écrits chrétiens. Il en résulte que le mariage est en définitive célébré avec des témoins chrétiens, le prêtre ou l'évêque faisant office de ministre. Dans la tradition orientale, le sacrement est conféré par la bénédiction d'un prêtre ou d'un évêque.

Pratique actuelle dans les différentes Églises

37. Dans toutes nos traditions, un mariage sacramentel requiert le libre consentement de l'homme et de la femme, la présence de témoins, et une bénédiction au sein de l'Église par un ministre ordonné. L'Église orthodoxe orientale et l'Église catholique orientale nécessitent la bénédiction d'un prêtre ou d'un évêque, tandis que l'Église catholique latine permet également à un diacre de conférer la bénédiction, puisque, selon elle, le sacrement est administré par le couple dans sa profession de vœux l'un à l'autre. L'Église catholique inclut les deux traditions et ne les considère pas comme un sujet de division mais plutôt comme un enrichissement mutuel. Les deux traditions expriment le même mystère de l'amour de Dieu pour l'humanité et l'œuvre active de sa grâce dans la communauté de l'Église.

Questions pastorales et pratiques

38. Nos Églises sont conscientes des défis pastoraux qui se posent aujourd'hui tant dans la société laïque que dans le contexte religieux. Bien que l'unité et l'indissolubilité soient les aspects distinctifs du mariage chrétien, la réalité de la fragilité humaine et du péché entraîne que certains mariages s'affaiblissent et échouent. Toutes nos Églises ont développé des moyens pour aider ceux qui ont connu une telle souffrance à rester au sein de la communauté ecclésiale.

39. Toutes les Églises reconnaissent des empêchements canoniques au mariage de types divers. Les possibilités d'annulation, de dissolution et de divorce sont traitées différemment par les Églises, mais toujours avec le souci pastoral de la guérison et de l'accompagnement spirituel. Les Églises orthodoxes orientales prévoient la possibilité de divorcer et de se remarier pour ceux qui ont été mariés sacramentellement, notamment en cas d'adultère. L'Église catholique n'admet pas la possibilité du divorce, mais elle reconnaît qu’un élément essentiel a fait défaut à certains mariages dès le début et qu’ils peuvent donc être déclarés nuls.

40. Toutes nos Églises autorisent les veufs à se remarier. Les Églises orthodoxes orientales ont simplifié la forme du rite du mariage pour les deuxièmes ou troisièmes mariages, qu'il s'agisse de veufs ou de divorcés, afin de reconnaître le caractère unique du premier mariage sacramentel.

41. La mondialisation fait qu’aujourd’hui des hommes et des femmes peuvent trouver l'amour avec une personne d'une autre Église. Cela exige de nouvelles réponses pastorales de la part des Églises. L'expérience a montré que les différences confessionnelles peuvent avoir un effet positif sur la foi des conjoints et donc aussi sur leur mariage. Si les deux partenaires apportent leur propre héritage ecclésial dans le mariage et la famille, ils peuvent apprendre l'un de l'autre et ainsi approfondir et enrichir leur vie commune, ainsi que celle de leurs communautés locales. De tels mariages nécessitent une attention et un soutien pastoraux particuliers de la part des ministres et des fidèles des Églises. D'autre part, on ne peut sous-estimer les difficultés causées précisément par la séparation non résolue et encore douloureusement visible des Églises.

42. L'Église catholique autorise le mariage avec d'autres personnes baptisées sous certaines conditions et recherche activement des accords communs avec d'autres Églises concernant les mariages entre leurs fidèles. Certaines Églises orthodoxes orientales ont déjà établi de tels accords pastoraux avec l'Église catholique. D'autres exigent que le futur conjoint qui n'est pas en communion avec leur Église y adhère formellement. Dans certains cas, cela peut nécessiter le baptême et/ou la chrismation, le baptême dans d'autres Églises n'étant pas reconnu. On remarquera que les contextes juridiques, sociaux et culturels, en particulier dans les pays où les chrétiens sont minoritaires, peuvent également conduire à penser que les conjoints doivent appartenir à la même Église.

43. Dans les contextes multiconfessionnels, multireligieux et séculiers d'aujourd'hui, certains fidèles désirent épouser des personnes qui ne sont pas chrétiennes. Pour toutes nos Églises, le mariage entre chrétiens et non-chrétiens ne peut être sacramentel car les sacrements ne peuvent être reçus que par les baptisés. De tels mariages sont découragés par l'Église catholique, bien que l'Église offre des prières ainsi qu'un soutien ecclésial et spirituel au conjoint chrétien et confirme la validité du mariage. Ces mariages ne sont en aucun cas reconnus par les Églises orthodoxes orientales et sont donc considérés comme ne relevant pas du ministère de l'Église.

Questions restant à discuter

44. Dans aucun autre sacrement les réalités actuelles et les défis pastoraux de l'Église en tant que peuple de Dieu ne sont plus évidents que dans le mariage. Nous sommes conscients que, pour un témoignage chrétien commun, les conjoints de mariages interconfessionaux ont besoin d'un soutien particulier de leurs Églises respectives pour renforcer l'intégrité de la famille. Nous recommandons à nos Églises d'entreprendre une étude plus approfondie des questions bibliques, théologiques et canoniques et, sur la base de cette étude, d'élaborer des accords pastoraux qui tiennent compte de la pratique locale, de la situation sociale des chrétiens dans la région et des règlements et exigences du droit civil.

 

b. Les saints ordres
Évolution dans l’histoire

45. Il est prouvé que le ministère d'évêque (episkopos), de prêtre (presbyteros) et de diacre remontent aux tout premiers temps de l’Église. Les évêques étaient considérés comme les successeurs des apôtres. Les prêtres assistaient les évêques dans leur ministère et pouvaient célébrer la plupart des sacrements en leur absence. Les diacres remplissaient diverses fonctions pastorales et liturgiques. Ces ordres étaient conférés par les évêques par l'imposition des mains et l'invocation du Saint-Esprit.

46. Au fil des siècles, d'autres ministères ont également été considérés comme des saints ordres, notamment ceux des sous-diacres, des lecteurs, des portiers et autres. Dans l'Église latine avant Vatican II, les ordres des évêques, des prêtres, des diacres et des sous-diacres étaient considérés comme des ordres majeurs, tandis que les ministères d'acolyte, d'exorciste, de lecteur, de chantre et de portier étaient considérés comme des ordres mineurs. Les candidats à l'ordination dans les ordres majeurs recevaient les ordres mineurs – souvent conférés ensemble – avant d'être ordonnés dans les ordres majeurs.

Pratique actuelle dans les différentes Églises

47. Nos Églises conviennent que le sacrement de l'ordre existe dans toutes nos Églises. Toutes nos Églises considèrent que le triple ministère des évêques, des prêtres et des diacres est fondamental. Les ordres mineurs existent toujours dans les Églises orthodoxes orientales et les Églises catholiques orientales, bien que la pratique actuelle varie selon les Églises. Après le Concile Vatican II, l'Église latine a supprimé le sous-diaconat et les ordres mineurs. À cette époque, l'Église latine a également rétabli l'ordre des diacres en tant qu'ordre permanent, tout en préservant la tradition du diaconat transitoire pour ceux qui seront ordonnés prêtres.

48. Dans les Églises orthodoxes orientales, les évêques doivent être célibataires et prononcer des vœux monastiques, tandis que les prêtres et les diacres peuvent se marier avant leur ordination. Dans les Églises catholiques orientales, les évêques doivent être célibataires, mais ne doivent pas nécessairement prononcer des vœux monastiques ou religieux, et dans la plupart de ces Églises, les prêtres et les diacres peuvent se marier avant leur ordination. Dans l'Église catholique latine, les évêques ne doivent pas être mariés, mais sans nécessairement devoir prononcer des vœux monastiques ou religieux, et, en vertu de la discipline ecclésiastique, l'ordre des prêtres est normalement réservé aux célibataires, bien que des exceptions puissent être faites. Les diacres permanents peuvent être mariés. Dans toutes nos Églises, le mariage ou le remariage des prêtres ou des diacres après leur ordination est interdit.

 

III. Conclusions pastorales

49. Ayant mené à bien cette étude sur les sacrements et la vie sacramentelle dans l'Église, la Commission mixte internationale de dialogue théologique entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes orientales est en mesure d'affirmer qu'un large consensus existe entre nos Églises, tant dans la théologie que dans la pratique des sacrements, malgré certaines différences théologiques qui nécessitent une étude plus approfondie, en particulier en ce qui concerne le ministre du baptême et du mariage. Ce large consensus sur les sacrements vient s'ajouter aux nombreux autres points d'accord résultant des documents précédents de ce dialogue : « Nature, constitution et mission de l'Église » (2009) et « L'exercice de la communion dans la vie de l'Église primitive » (2015).

50. La Commission mixte internationale se sent maintenant en mesure de recommander à nos Églises d'étudier les possibilités d'une collaboration pastorale plus étroite, tout d’abord dans le domaine non sacramentel, mais ensuite également dans le domaine sacramentel. Outre les convergences théologiques que nous avons relevées, une telle étude prendrait également en considération les Déclarations communes signées par le Pape de Rome et les Chefs des diverses Églises orthodoxes orientales, ainsi que les accords pastoraux déjà existants entre l'Église catholique et certaines Églises orthodoxes orientales. La longue histoire et l'expérience commune des fidèles de nos Églises, qui ont vécu étroitement ensemble et ont affronté ensemble joies et difficultés au cours des siècles, méritent également d'être prises en considération.

Déclarations communes des Chefs d'Églises

51. Les Déclarations communes signées par le Pape de Rome et les Chefs de diverses Églises orthodoxes orientales [le Pape Paul VI et le Catholicos Vasken I (1970) ; le Pape Paul VI et le Patriarche Ignace Yacoub III (1971) ; le Pape Paul VI et le Pape Shenouda III (1973) ; le Pape Jean-Paul II et le Patriarche Ignace Zakka I Iwas (1984) ; le Pape Jean-Paul II et le Catholicos Mar Baselius Marthoma Mathews I (1990) ; le Pape Jean-Paul II et le Catholicos Karékine I Sarkissian (1996) ; le Pape Jean-Paul II et le Catholicos Aram I Keshishian (1997) ; le Pape Jean-Paul II et le Catholicos Karékine II Nersessian (2000)] contiennent déjà un certain nombre de recommandations pour une collaboration plus étroite dans les domaines éducatif, social et pastoral. Celles-ci comprennent : des études théologiques communes sur la tradition chrétienne, la patristique et la liturgie ; une collaboration dans la formation des prêtres, l’enseignement théologique et la catéchèse ; l'échange d'enseignants et d'étudiants ; le partage des locaux ; une diakonia commune pour la réconciliation, la justice et la paix, dans le but de promouvoir la compréhension mutuelle et le témoignage commun de l'Évangile dans le monde d'aujourd'hui.

52. La Déclaration commune signée en 1984 par le Pape Jean-Paul II et le Patriarche syro-orthodoxe Mar Ignatius Zakka I Iwas demeure le seul texte faisant autorité qui permet un partage de la vie sacramentelle entre l'Église catholique et une Église orthodoxe orientale dans les sacrements de pénitence, de l’eucharistie et de l'onction des malades. La Déclaration commune affirme : « Cette identité de foi, quoiqu’incomplète, nous autorise à envisager une collaboration pastorale dans les situations qui se présentent fréquemment de nos jours en raison tant de la dispersion de nos fidèles à travers le monde que des conditions pastorales précaires que créent les difficultés des temps ». Par conséquent, lorsqu'« il est matériellement ou moralement impossible » pour leurs fidèles d'avoir accès à un prêtre de leur propre Église, le Pape et le Patriarche « les autoris[ent] … à demander aux pasteurs légitimes de l’autre Église le secours des sacrements de pénitence, d’eucharistie et d’onction des malades, selon leurs besoins ».

53. Il est important de faire remarquer les deux principes théologiques sous-jacents à une telle décision : d'une part, « notre identité de foi, quoiqu’incomplète », et d'autre part, la nécessité pastorale en raison de la « dispersion de nos fidèles à travers le monde » et des « conditions pastorales précaires que créent les difficultés de ces temps ». Ces deux principes doivent guider nos Églises dans l'examen de la possibilité d'approfondir la collaboration pastorale. Les travaux de la Commission mixte internationale ont montré la vaste étendue de notre identité de foi, même si elle n'est pas encore complète. En même temps, toutes les Églises sont confrontées à de nouveaux besoins pastoraux, conséquence des processus de migration et de sécularisation. Cela exige d’elles une plus grande unité pour s'occuper efficacement de leurs fidèles et pour être des témoins crédibles de l'Évangile. Ne serait-ce pas là une puissante invitation à élargir la collaboration pastorale, même dans le domaine sacramentel, dans des situations où n’entreraient en jeu aucun principe dogmatique ?

54. Par exemple, dans le cadre des dialogues bilatéraux en cours entre l'Église catholique et l'Église malankare orthodoxe syriaque et l'Église malankare syro-orthodoxe jacobite, un certain nombre d'accords pastoraux ont été adoptés ou sont en cours de préparation, par l'une de ces Églises orthodoxes ou les deux : partage des lieux saints et des cimetières ; collaboration entre les instituts théologiques et de formation, avec échange d'enseignants et d'étudiants ; collaboration pastorale dans les domaines de la Bible, des textes liturgiques et lecture commune de l'histoire de l'Église en Inde ; création de centres de conseil œcuméniques, d'aumôneries œcuméniques, d'orientation œcuménique de la jeunesse ; témoignage commun sur les questions sociales urgentes, etc.

55. Entre l'Église catholique et l'Église malankare orthodoxe syriaque, un accord sur le partage du sacrement de l'onction des malades a été adopté dans le cadre du dialogue officiel et approuvé par les autorités ecclésiastiques en 2010.  Entre l'Église catholique et l'Église malankare syro-orthodoxe jacobite, un accord a été conclu en 1994 sur les mariages interconfessionnels. L'Église catholique et l'Église malankare orthodoxe syriaque ont étudié une déclaration commune sur les mariages interconfessionnels, qui n’a cependant pas encore reçu l'approbation des autorités ecclésiastiques.

56. Ces projets nombreux et variés d'étude commune et de collaboration pastorale peuvent constituer un facteur efficace pour développer une conscience œcuménique plus large parmi le clergé et les fidèles et pourraient être une source d'inspiration pour d'autres modèles de relations plus étroites entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes orientales.

Expérience commune de nos Églises

57. La vaste étendue de notre unité dans la foi, que la Commission mixte internationale et les accords pastoraux déjà existants ont fait apparaître, est corroborée par l'expérience de nos Églises qui ont vécu étroitement ensemble et ont connu joies, défis et souffrances communes au cours de nombreux siècles. Cela est particulièrement vrai au Moyen-Orient et dans d'autres régions où des fidèles de diverses Églises ont vécu en étroite collaboration comme un « petit troupeau » parmi des croyants d'autres religions. Cette expérience est pour eux une véritable construction de la koinonia, un sentiment commun d'appartenance au Corps du Christ. Le concept d'« œcuménisme du martyre » est actuellement appliqué à juste titre aux aspects les plus extrêmes de ce vécu, dans lequel les différences entre les Églises s'estompent dans l'expérience commune de la persécution et du témoignage du Christ.

58. La signification théologique de cette expérience partagée pourra être approfondie si nos Églises prennent en considération le fait que, par le baptême, tous les fidèles ont reçu le don de l'Esprit Saint et possèdent donc un sens inné qui leur permet de reconnaître la vérité. Les théologiens et les responsables d’Église sont appelés à interpréter et à valoriser cette expérience et à s'en inspirer en vue d'une collaboration pastorale accrue dans différents domaines.

Recommandations

59. Les membres de la Commission mixte internationale de dialogue théologique soumettent les recommandations suivantes à leurs Églises :

1) Que l'Église catholique et les Églises orthodoxes orientales examinent la possibilité d'adopter, au moins dans certaines circonstances bien définies, les principes de l'accord pastoral signé par le Pape Jean-Paul II et le Patriarche Zakka I Iwas, permettant aux fidèles d'une Église de recevoir l'eucharistie, le sacrement de pénitence et le sacrement de l'onction des malades d'un prêtre de l'autre Église lorsqu'aucun prêtre de leur propre Église n'est pas disponible ou en cas de besoin spirituel urgent.

2) Que les Églises s'efforcent de mettre effectivement en pratique, à tous les niveaux, les recommandations contenues dans les déclarations et accords communs, en intensifiant partout où cela est possible la collaboration dans le domaine pastoral, en impliquant le clergé et les fidèles dans le partage du personnel et des ressources dans les institutions caritatives et éducatives, l'apostolat des jeunes, la catéchèse et la formation permanente du clergé et des fidèles, les mariages interconfessionnels, etc.

3) Que les Églises examinent la possibilité d'affirmer qu'il existe un accord suffisant sur les questions théologiques pour qu'il y ait une reconnaissance mutuelle du sacrement du baptême entre l'Église catholique et toutes les Églises orthodoxes orientales. Si une reconnaissance générale semble encore impossible, catholiques et orthodoxes devraient s'engager à faire tous les efforts possibles pour ne pas répéter le baptême dans le cas d'un mariage interconfessionnel ou lorsqu'un membre d'une Église désire rejoindre une autre Église.

4) Que les Églises créent des commissions mixtes au niveau local, là où cela est possible, pour examiner les opportunités et les conditions de mise en pratique de ces recommandations, toujours en tenant compte des circonstances locales. Ces commissions locales pourraient également être d'une grande aide pour promouvoir la réception du travail de notre Commission. En outre, elles pourraient contribuer à clarifier les situations dans lesquelles des impressions de prosélytisme subsistent.

60. Nous rendons grâce et louons Dieu pour ces diverses années où, soutenus par la prière, nous avons pu discuter des sacrements, ce qui nous a amenés à cette affirmation de foi partagée et à l'identification des questions qui nécessiteront une étude et une discussion plus approfondies. La Commission mixte continuera à étudier les questions théologiques, canoniques et pastorales qui ont émergé au cours des trois phases de notre dialogue. Nous entamerons également une nouvelle phase qui aura pour thème principal le rôle de la Vierge Marie dans l'enseignement et la vie de l'Église.

61. Nous souhaitons une bonne santé aux Chefs de nos Églises et les assurons de notre gratitude pour leurs efforts. Nous exhortons nos Églises à mettre en œuvre les recommandations pastorales que nous avons formulées, tout en priant sincèrement pour que l'Esprit Saint, principe divin de l'unité dans la Sainte Trinité, nous aide à résoudre nos différends qui demeurent en suspens.

 

Rome, 23 juin 2022

 

Cardinal Kurt Koch
Préfet du Dicastère pour la promotion
de l'unité des chrétiens
COPRÉSIDENT

Évêque Kyrillos
Évêque auxiliaire du diocèse copte orthodoxe
de Los Angeles
COPRÉSIDENT