fÊTE PATRONALE DES SAINTS CORYPHÉES DES APÔTRES PIERRE ET PAUL

 

Le Métropolite Emmanuel Geron de Chalcédoine
Rome, le 28 juin 2021

 

Sainteté,

Le monde sort progressivement de la paralysie dans laquelle la pandémie mondiale de COVID-19 l’avait plongé. Nombreuses sont les épreuves qu’il convient encore de dépasser tant cette crise a profondément renforcé les inégalités. Or, c’est avec un sentiment de profonde gratitude que nous nous trouvons aujourd’hui parmi vous au Vatican, au cœur de la ville éternelle, pour vous dire l’attachement sincère du Patriarcat œcuménique à la recherche de l’unité des chrétiens et notre désir authentique de communion. Au grand sentiment d’espoir qui nous anime tous, permettez-moi d’ajouter cette conviction qui me tient à cœur depuis plus d’une année. Cette crise sanitaire aux conséquences multiples m’a fait prendre conscience que tout ce que nous prenions pour acquis est réellement un don de Dieu qu’il nous convient de chérir avec reconnaissance.

Sur la liste de ces choses que nous considérons comme allant de soi et dont nous avons été privés au cours de l’année qui vient de s’écouler se trouve le dialogue avec notre Église sœur de Rome. En effet, en 2020, nous n’avons pas pu célébrer avec vous la mémoire des saints coryphées des apôtres Pierre et Paul, comme c’est le cas depuis plusieurs décennies. C’est avec d’autant plus de gratitude et de joie que notre délégation venue du Patriarcat œcuménique de Constantinople participe aujourd’hui aux festivités de votre fête patronale. Célébrer, c’est déjà ouvrir ensemble le sceau de la confiance qui anime notre désir authentique de communion. La clé de la réussite de cette entreprise héroïque ne peut advenir sans l’action même du Saint-Esprit qui se déploie au travers du dialogue, non pas d’un dialogue comme un simple échange de mots ou de positions, mais du dialogue au sens de kairos se déployant dans le mystère même de l’économie divine.

D’ailleurs, nous ne pouvons que nous réjouir des nombreuses formes que prend ce dialogue. Certes, il est avant tout théologique officiellement depuis 1979, car la recherche de la vérité n’est pas une entreprise qui divise, mais une œuvre de réconciliation. À ce sujet, le chantier engagé par Votre Sainteté sur la question de la synodalité dans l’Église possède un puissant écho dans l’Église orthodoxe. Nous attendons avec impatience de découvrir les conclusions de vos réflexions lors du prochain synode des Évêques en 2023 qui portera sur « Pour une Église synodale : communion, participation et mission. » J’ose y voir l’un des fruits de nos relations œcuméniques. En effet, il n’est certainement pas un hasard si les plus récents documents de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe s’intéresse depuis le document de Chieti en 2016 à l’articulation entre synodalité et primauté. Je souhaiterais aussi souligner que ce document est apparu quelques semaines à peine après la tenue du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe en Crète. Il n’y a certainement pas lien direct entre ces deux événements, mais j’aime à penser que cette concordance temporelle où l’Église orthodoxe faisait la difficile expérience de cette synodalité qui lui est si consubstantielle n’est pas fortuite, car elle nous invite à réfléchir aux enjeux mêmes de notre dialogue.

En même temps, il y a tant d’autres possibilités qui peuvent faire croître notre désir d’unité dans le rapprochement de nos cœurs. Car ces derniers bâtent à l’unisson du souci écologique. L’Encyclique Laudato Si’ (2015) reflète nombre des enseignements portés par Sa Toute-Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomée. L’Encyclique Fratelli Tutti (2020) n’est pas sans rappeler un important texte paru la même année et béni par le Patriarcat œcuménique : Pour la vie du monde : vers un éthos social de l’Église orthodoxe. Ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres qui témoignent d’une convergence dans les soucis que partagent nos Églises sœurs de continuer à témoigner dans l’ici et maintenant de sociétés traversées par la sécularisation non seulement de l’importance, mais de l’indispensable nécessité de faire connaître le message de salut apporté par l’économie salvifique du Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus-Christ.

Sainteté,

Le dialogue entre les Églises catholique et orthodoxe s’est constitué dans le creuset d’un pèlerinage, celui historique et prophétique de Jérusalem en 1964. L’œcuménisme est donc un voyage ecclésial sur la terre sainte de l’unité. Le Pape Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras partent comme pèlerins, ils reviennent comme frères. On ne vient pas chercher dans un pèlerinage le seul souvenir d’une histoire, aussi sacrée soit-elle. Le pèlerin vient y faire une rencontre. Venir à la rencontre de Dieu, là où Dieu est venu à la rencontre de l’humanité, en se laissant livrer pour la vie du monde par un simple baiser. Le dialogue catholique-orthodoxe commence lui aussi par un baiser qui, dans les traditions liturgiques d’Orient et d’Orient, proclame que « le Christ est parmi nous ».

Ce sont avec ces modestes paroles que j’ose vous transmettre les salutations fraternelles de Sa Toute-Sainteté le Patriarche œcuménique Bartholomée qui, comme vous n’êtes sans doute pas sans le savoir, célèbre le trentième anniversaire depuis son élection sur le trône du Patriarcat œcuménique. Sans sa conviction profonde de la nécessité d’un rapprochement œcuménique avec l’Eglise de Rome, la qualité de nos dialogues et l’espoir que nous portons d’un jour nous retrouver ensemble autour d’un autel commun ne sauraient être dans l’horizon du possible.

La joie que nous offrent ces retrouvailles après une année de séparation nous appelle à redoubler nos prières pour toutes celles et tous ceux qui continuent à être affectés par la pandémie de COVID-19. Nous vous remercions très sincèrement de votre accueil fraternel et plaçons dans le Seigneur l’espérance de notre unité retrouvée.