RAPPORT DU TROISIÈME QUINQUENNAT DU DIALOGUE ENTRE LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PROMOTION DE L'UNITÉ DES CHRÉTIENS DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE, PLUSIEURS ÉGLISES PENTECÔTISTES CLASSIQUES
ET DES RESPONSABLES PENTECÔTISTES 

(1985-1989)

 

 

 VUE D'ENSEMBLE SUR LA KOINÔNIA

 

 

INTRODUCTION

1. Ce texte est le rapport des discussions qui ont eu lieu au niveau international entre le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens[1] et plusieurs Églises pentecôtistes classiques et des responsables pentecôtistes. Il relate les résultats de la troisième phase du dialogue qui s'est déroulée de 1985 à 1989.

2. Les contacts en vue du dialogue ont commencé en 1969 et 1970. Les sujets discutés durant le premier quinquennat (1972-1977) ont porté sur le baptême dans l'Esprit Saint, l'initiation chrétienne et les charismes, l'Écriture et la tradition, la personne humaine et les dons. Au cours du second quinquennat (1977-1982) l'attention a porté sur la foi et l'expérience religieuse, sur la glossolalie (ou don des langues), et sur Marie.

Les co-présidents pendant ce troisième quinquennat (1985-1989) ont été le R. P. Kilian McDonnell, OSB, (Collegeville, Minnesota, USA) et le Rév. Justus T. du Plessis de la « Apostolic Faith Mission » (Afrique du Sud). Les discussions ont traité de l'Église en tant que koinônia.

3. Le Rév. David J. du Plessis a présidé la délégation pentecôtiste durant les deux premières phases du dialogue. En fait, l'origine du dialogue international pentecôtiste/catholique romain, il y a environ vingt ans, doit beaucoup aux initiatives qu'il a prises pendant et après le Concile Vatican II. David du Plessis a continué jusqu'à sa mort, en 1987, à prendre part à la troisième phase du dialogue, apportant d'importantes considérations à nos délibérations. La commission de dialogue rend grâces à Dieu pour l'importante contribution de David du Plessis, à l'origine et pour la poursuite de notre travail.

4. Ces séries particulières de discussions ont été marquées par une progression dans l'acceptation du dialogue par la communauté mondiale pentecôtiste. Pour la première fois, plusieurs Églises pentecôtistes ont autorisé la participation de représentants officiellement désignés pour le dialogue. Ces Églises sont : l'Église apostolique du Mexique (1986), 1'« Apostolic Faith Mission » d'Afrique du Sud (1985-1989), la « Church of God » (Cleveland, Tennessee), USA (1986-1988), la « Church of God of Prophecy », USA (1986-1988), les « Independent Assemblies of God International », USA (1987), la « International Church of the Foursquare Gospel », USA (1985-1989) et la « International Communion of Charismatic Churches », USA (1986).

5. Bien que l'unité soit une préoccupation aussi bien pour les pentecôtistes que pour les catholiques romains, le dialogue n'avait pas pour but ou pour sujet l'union organique ou structurelle. Ces discussions visaient plutôt à développer un climat de compréhension mutuelle en matière de foi et de pratique, à trouver des points sincères d'accord et à indiquer des terrains qui requièrent un dialogue plus approfondi. Nous espérons que de nouvelles convergences théologiques apparaîtront au fur et à mesure que nous continuerons à explorer d'autres problèmes ensemble.

6. À partir du travail général accompli lors des deux précédentes séries de discussions, cette phase de dialogue a concentré son attention sur le thème de la koinônia. Pendant la rencontre de Riano (Italie) en 1985, le débat avait porté sur la « communion des saints ». À Sierra Madre, en Californie (USA), en 1986, le sujet traité était « L'Esprit Saint et la vision néo-testamentaire de la koinônia », En 1987 et 1988, les discussions concernaient la relation des sacrements à la koinônia. Lors de la rencontre de Venise (Italie), en 1987, le dialogue a porté son attention sur « koinônia, Église et sacrements », mettant l'accent sur la place de l'eucharistie, tandis qu'en 1988, à Emmetten (Suisse), la discussion a traité de « koinônia et baptême ». Pendant la rencontre de 1989 à Rome, nous avons synthétisé toutes ces études dans ce rapport. Leur présentation est ainsi agencée de façon plus systématique que la séquence chronologique selon laquelle les sujets ont été débattus.

7. Le thème de la koinônia a été choisi pour plusieurs raisons. En premier lieu, le sujet de la « communion des saints » est apparu au cours de la seconde phase du dialogue centrée sur Marie. Les participants à cette seconde phase ont pensé que le sujet de la « communion » était porteur de nombreuses potentialités. En second lieu, ils ont aussi réalisé que le dialogue œcuménique international à un niveau plus global considérait le sujet de la « communion » avec intérêt et faisait reposer certaines attentes sur lui.

8. La koinônia a été un important sujet de discussion dans de nombreux dialogues internationaux, par exemple, dans le dialogue orthodoxe-catholique romain, dans la seconde phase du dialogue international anglican-catholique romain, dans le dialogue méthodiste-catholique romain, dans le dialogue luthérien-catholique romain, dans le dialogue baptiste-catholique romain et dans le dialogue disciples du Christ-catholique romain.

9. Le thème de la koinônia se révèle fructueux pour la réflexion concernant l'auto-compréhension ecclésiologique au sein de nombreuses Églises et communions chrétiennes, comme par exemple au sein de la Communion anglicane et de la Fédération luthérienne mondiale.[2]

10. Pendant le Concile Vatican II, l'Église catholique romaine a insisté sur l'ecclésiologie de communion. Le Synode extraordinaire des évêques, qui s'est réuni en 1985 pour célébrer le vingtième anniversaire de la clôture du Concile Vatican II, a reconnu l'importance donnée à la notion de communion par ce même Concile. Dans l'enseignement pentecôtiste, la koinônia est considérée comme un aspect essentiel de la vie de l'Église dans la mesure où elle concerne le ministère ecclésial pour le monde et les relations des chrétiens entre eux. Aussi bien les catholiques romains que les pentecôtistes en sont donc venus à apprécier l'importance biblique de la koinônia telle qu'elle est décrite en Actes 2, 42 : « Ils (les chrétiens) étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ».[3]

11. Une des difficultés que nous avons affrontées dans nos discussions a été la différence entre le développement historique de la doctrine de l'Église au sein du catholicisme romain et dans les différentes traditions pentecôtistes. Les catholiques romains ont une tradition multicentenaire de réflexion ecclésiologique ; le mouvement pentecôtiste n'a pas cent ans et a eu peu d'occasions d'engager une réflexion théologique soutenue sur l'ecclésiologie. Bien que les pentecôtistes ne possèdent pas une ecclésiologie développée, ils possèdent un certain nombre de règles ecclésiologiques et sont solidement attachés à certaines convictions ecclésiologiques fondamentales (par ex. l'importance de l'assemblée locale). Ces convictions ont eu une influence sur les différents problèmes exposés.

12. Alors que tous les participants au dialogue estimaient représenter fidèlement les positions de leurs Églises, les vues exprimées dans ce document sont celles de la commission mixte, qui offre maintenant son travail aux différents organismes sous l'égide desquels se déroule le dialogue.

 

 

I. KOINÔNIA ET PAROLE DE DIEU

13. Même si le sujet central de notre dialogue était l'Église en tant que koinônia, la question de l'Écriture et de la Tradition est apparue dans toutes nos discussions. Nous nous sommes rendu compte que bon nombre de sujets d'entente ou de désaccord découlaient de la similitude ou de la différence de compréhension des bases premières sur lesquelles la doctrine et la pratique de l'Église reposent. Et, bien que nous ayons discuté de l'Écriture et de la Tradition d'une manière plus vaste lors des précédentes phases du dialogue,[4] nous exposons ici un bref résumé de nos points de vue respectifs sur l'Écriture et sur la Tradition, en raison de leurs liens avec le sujet de ce dialogue particulier.

 

A. Jésus-Christ, la Parole de Dieu parfaite

14. Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, « en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils » (He 1, 1-2). Il a envoyé son Fils, le Verbe éternel de Dieu, qui s'est fait chair (cf. Jn 1, 14).

15. Ensemble nous croyons que notre Seigneur Jésus Christ a révélé Dieu à travers tout son ministère : par ses paroles et ses œuvres, ses signes et ses prodiges, mais en particulier par sa mort et sa glorieuse résurrection d'entre les morts, et enfin en envoyant l'Esprit de vérité (cf. Jn 15, 26; 16, 7-12).

16. Jésus Christ est la Parole de Dieu, définitive et permanente. La loi chrétienne, en tant qu'alliance nouvelle et éternelle, ne passera jamais, et nous n'attendons plus désormais aucune nouvelle révélation avant la glorieuse manifestation de Notre-Seigneur Jésus-Christ (1 Tm 6, 14; Tt 2, 13).

 

B. La Parole de Dieu écrite

17. Nous croyons ensemble que les livres de l'Ancien comme du Nouveau Testament ont été écrits, dans leur totalité, sous l'inspiration du Saint-Esprit (cf. Jn 20, 31; 2 Tm 3, 16; 2 P, 19-21; 3, 15-16). L'Écriture est la Parole de Dieu traduite en paroles humaines dans l'histoire.

18. Sans étouffer l'humanité des auteurs bibliques, Dieu s'est servi d'eux pour exprimer sa volonté parfaite pour son peuple. L'Écriture enseigne fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu veut inscrire dans les écrits sacrés pour notre salut (cf. 2 Tm 3, 16).

19. Nous ne sommes pas d'accord sur les limites du canon des Écritures. Les catholiques romains et les orthodoxes ont le même canon. Les pentecôtistes suivent les Églises de la Réforme dans leur acceptation du canon limité aux soixante-six livres de l'Ancien et du Nouveau Testament. Même si les pentecôtistes ne nient pas que les livres que les catholiques romains considèrent comme deutérocanoniques contribuent à l'édification du peuple de Dieu, ils ne pensent pas qu'ils soient normatifs pour la foi et la pratique.

20. Les catholiques soutiennent qu'il est significatif que l'Église précède chronologiquement les écrits du Nouveau Testament. Ces écrits recueillent tous ensemble le message transmis oralement par la première communauté apostolique chrétienne, remplie de l'Esprit Saint, et constituent aussi le témoignage et la réponse du peuple de Dieu à la vérité de l'Évangile.

21. L'Église catholique romaine voit dans les textes du Nouveau Testament écrits par des auteurs inspirés l'expression normative de la révélation qui s'est achevée avec la mort du dernier apôtre. Les écrits du Nouveau Testament expriment donc, de façon normative, la Tradition apostolique. L'établissement du canon de l'Écriture par l'Église est aussi un acte de cette Tradition. L'interprétation correcte de l'Écriture doit être faite dans la communion des croyants, au sein de la Tradition vivante qui est guidée par l'Esprit Saint. Ce même Esprit qui a inspiré les Écritures révèle aussi le sens de l'Écriture au peuple de Dieu, de façon à nourrir sa foi.

22. Tant les catholiques romains que les pentecôtistes reconnaissent que les messagers de Dieu qui ont écrit le Nouveau Testament appartiennent à l'Église et ils affirment que les auteurs bibliques du Nouveau Testament occupent une place unique dans l'histoire de la Révélation. Puisque l'Église a hérité de l'Écriture de l'Ancien Testament du Peuple de Dieu, Israël, et de Jésus lui-même, et étant donné que l'Église est née de la proclamation des apôtres choisis par le Christ, elle doit être considérée comme une création de la Parole de Dieu. L'Église ne peut vivre selon la volonté de Dieu que si elle se soumet elle-même au témoignage prophétique et apostolique contenu dans les Écritures. En acceptant d'inclure les livres du Nouveau Testament dans le canon des Écritures, l'Église a reconnu les écrits du Nouveau Testament comme étant la Parole de Dieu adressée à l'humanité.

23. Les pentecôtistes croient que certaines traditions expriment correctement la vérité salvifique attestée par l'Écriture (par ex. le credo des Apôtres et celui de Nicée), mais ils cherchent à évaluer toutes les traditions à la lumière de la Parole de Dieu dans l'Écriture, ultime norme de foi et de pratique dans l'Église.

24. Les pentecôtistes aussi bien que les catholiques romains estiment que l'Écriture, inspirée par l'Esprit, ne peut être correctement interprétée qu'avec l'aide du Saint-Esprit. « De même, ce qui est en Dieu, personne ne le connaît sinon l'Esprit de Dieu »» car ce qui est spirituel « c'est spirituellement qu'on en juge » (1 Co 2,11.14).

25. Il existe toutefois une divergence significative quant à la nature de l'interprétation nécessaire à la compréhension correcte de l'Écriture. Pour le catholicisme romain, l'interprétation de l'Écriture se poursuit dans la vie quotidienne des fidèles à différents niveaux : au sein de la famille, dans la prédication et à l'école. Le corps tout entier des fidèles qui ont reçu l'onction venant de l'unique Esprit ne peut pas errer en matière de foi (cf. 1 Jn 2, 20.27). Cette caractéristique est manifeste dans l'appréciation surnaturelle de la foi (sensus fidei) du peuple tout entier, lorsque « des évêques jusqu'aux derniers des fidèles laïcs », ils apportent « aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel » (Concile Vatican II, Lumen Gentium, 12).[5] Les catholiques romains estiment que le magistère de l'Église « n'est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il la sert, n'enseignant que ce qui fut transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l'assistance de l'Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l'expose aussi avec fidélité » (Dei Verbum, 10).

26. Les pentecôtistes apprécient le travail d'interprétation de l'Écriture effectué dans l'Église catholique ; toutefois ils considèrent avec scepticisme toute affirmation de l'impossibilité pour l'ensemble des fidèles d'errer en matière de foi. Les pentecôtistes croient aussi que Dieu a accordé des dons spéciaux d'enseignement à la communauté des croyants (1 Co 12, 28; Ep4, 12). Mais, comme les pentecôtistes estiment que l'Écriture est claire sur tous les points essentiels, ils croient que chaque chrétien peut interpréter l'Écriture sous la conduite de l'Esprit et avec l'aide du discernement de la communauté chrétienne. Ainsi, les chrétiens peuvent émettre des jugements responsables pour eux-mêmes en matière de foi et de pratique à partir de leur usage de l'Écriture.

27. Les catholiques romains encouragent les pentecôtistes à développer leurs contacts avec l'interprétation historique et l'herméneutique biblique de l'ensemble de la communauté chrétienne. Aussi bien les catholiques romains que les pentecôtistes grandissent ensemble dans le respect de l'effort exégétique et de ses découvertes enrichissantes.

28. À partir du début de ce siècle les catholiques romains ont accordé une plus grande place à l'Écriture dans la prédication, la liturgie, la lecture personnelle et la prière. Les pentecôtistes, ces dernières années, ont été amenés à apprécier l'importance de fidèles enseignants de la Parole de Dieu au cours de l'histoire de l'Église. L'aspiration de toutes les parties en dialogue est de parvenir, sous la conduite de l'Esprit Saint, à un meilleur approfondissement commun du sens de l'Écriture, qui aiderait à dépasser les divisions entre chrétiens.

 

 

II. LE SAINT-ESPRIT ET LA VISION NÉOTESTAMENTAIRE DE LA KOINÔNIA

 

A. « La koinônia » et le Dieu trine

29. Les pentecôtistes, tout comme les catholiques romains, croient que la koinônia entre les chrétiens est enracinée dans la vie du Père, du Fils et de l'Esprit Saint.[6] Bien plus, ils croient que cette vie trinitaire est l'expression la plus élevée de l'unité à laquelle, ensemble, nous aspirons : « Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous. Et notre communion est communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ » (1 Jn 1, 3).

30. Aussi bien les catholiques romains que les pentecôtistes pensent que l'Esprit Saint est la source de la koinônia ou communion. L'Église a été rassemblée dans l'Esprit Saint (cf. 2 Co 13, 13). Ils diffèrent cependant quant au point de départ et quant aux accents mis de part et d'autre.

31. D'une part, les catholiques romains insistent sur le don de la koinônia par Dieu et sur son caractère trinitaire. Leur point de départ est l'initiation baptismale dans la koinônia trinitaire par la foi, à travers le Christ, dans son Esprit. L'accent est mis également sur les dons de l'Esprit visant à soutenir cette koinônia (par ex. Parole, ministère, sacrements, charismes).

32. D’autre part, les pentecôtistes insistent sur le fait que l'Esprit Saint nous rend conscients de notre péché, nous amenant à travers la repentance et la foi personnelle à la communion avec le Ch00rist et les uns avec les autres (cf. 1 Co 1, 9). Alors que les croyants continuent à être remplis de l'Esprit (cf. Ep 5, 18), ils doivent être conduits à chercher une plus grande unité dans la foi avec les autres chrétiens. L'Esprit Saint est Esprit d'unité (cf. Ac 2, 1 ss). De même que l'Esprit a été répandu sur les Gentils et a manifesté que l'Église devait être une communauté universelle, composée aussi bien de juifs que de païens (cf. Ac 10), de même aujourd'hui Dieu envoie-t-il son Esprit partout sur les chrétiens des différentes Églises, encourageant l'unité autour de leur unique Seigneur. L'expérience commune de l'Esprit Saint nous incite à lutter pour une plus grande unité visible en réfléchissant sur la façon dont Dieu veut que cette unité se fasse.

33. Notre dialogue a aidé les deux partenaires à découvrir et à apprécier des points spécifiques sur lesquels ils mettent un accent particulier. Par ailleurs, en écoutant les participants catholiques romains, les pentecôtistes se sont vus rappeler l'importante dimension communautaire de la koinônia telle que la conçoit le Nouveau Testament. En revanche, les catholiques romains doivent mieux saisir l'importante dimension personnelle de cette même koinônia avec Dieu qui vient de l'Esprit Saint, qui nous convainc tous de péché et nous conduit à la foi en Jésus Christ. Nous croyons que ces deux aspects ne s'excluent pas l'un l'autre mais qu'ils sont plutôt complémentaires.

 

B. L'unité de l'Église

34. Les catholiques romains et les pentecôtistes croient qu'il y a seulement « une Église sainte, catholique et apostolique » composée de croyants (cf. Ep 4, 4-6). Ils diffèrent cependant quant à leur conception de cette unique Église et sur la façon d'y appartenir. Les catholiques romains considèrent l'établissement de confessions qui résultent du manque d'amour ou/et de divergences en matière de foi comme un éloignement de l'unité de l'unique Église qui, dans l'accomplissement du commandement du Seigneur, demeure visiblement unique et subsiste dans l'Église catholique romaine (Lumen gentium, 8). Les pentecôtistes tendent à considérer les différentes confessions comme étant plus ou moins de légitimes manifestations de l'unique Église universelle. Leur légitimité dépend du degré de leur fidélité aux doctrines fondamentales de l'Écriture. Nous sommes tous d'accord sur le fait que l'Esprit Saint est l'Esprit d'unité dans la diversité (cf. 1 Co 12, 13 ss) et non pas l'Esprit de division.

35. En se référant à l'enseignement de Jésus sur le bon grain et l'ivraie (Mt 13, 24), certains chrétiens établissent une distinction entre une Église invisible (qui est une) et une Église visible (qui peut être divisée). Alors que cette distinction peut être utile pour établir une différence entre les membres sincères de l'Église et ceux qui ne le sont pas, elle peut aussi être cause d'incompréhension puisque les pentecôtistes, tout comme les catholiques romains, affirment que l'Église est à la fois une réalité visible et invisible. La distinction entre les dimensions visibles et invisibles de l'Église ne peut pas non plus être utilisée pour justifier ou renforcer la division entre les chrétiens.

36. L'unité essentielle de l'Église n'implique ni n'exige l'uniformité. « En effet, le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps : il en est de même du Christ » (1 Co 12, 12). La diversité est voulue par l'Esprit. « Il y a diversité de dons, mais c'est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur ; divers modes d'action, mais c'est le même Dieu qui produit tout en tous. Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous » (1 Co 12, 4-7). L'unité forgée par l'Esprit resplendit dans la diversité. La base de cette unité est l'autorité de Jésus Christ. Personne ne peut confesser cette autorité sinon par l'Esprit Saint (cf. 1 Co 12, 3). L'unité que l'Esprit donne ne doit pas être simplement considérée comme une unanimité de vue, une compatibilité sociologique ou le besoin fortement ressenti d'être ensemble.

 

C. «Koinônia » et témoignage évangélique

37. La situation actuelle de division visible au sein de la chrétienté contredit l'unité à laquelle nous sommes appelés par le Christ. La fidélité au concept de koinônia exige que nous, chrétiens, nous nous efforcions de surmonter nos divisions, en particulier par le dialogue. Nous avons besoin de discerner attentivement, et de façon permanente, le caractère et la forme de l'unité visible que réclame la koinônia.

38. Les catholiques romains et les pentecôtistes regrettent le scandale de la désunion entre les chrétiens. Le manque de consensus sur la façon dont la koinônia devrait être vécue dans l'Église, et les divisions qui s'ensuivent, ternit la perception que se fait le monde de l'œuvre réconciliatrice de Dieu. Aussi longtemps que la koinônia est voilée, l'efficacité du témoignage sera altérée. Afin de donner un témoignage évangélique efficace nous devons toujours avoir présent à l'esprit le problème de l'unité chrétienne. Car notre Seigneur a prié pour ses disciples « que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyé » (Jn 17, 21; cf. Jn 13, 34).

 

 

III. KOINÔNIA ET BAPTÊME[7]

 

A. Le sens du baptême

39. Les pentecôtistes et les catholiques romains reconnaissent que le baptême est préfiguré par le symbolisme de l'Ancien Testament, comme par ex. le salut de Noé et de sa famille (cf. 1P 3, 20-21), le passage de la Mer Rouge (cf. 1 Co 10, 1-5), ou encore l'eau comme symbole du pouvoir purificateur de l'Esprit Saint (cf. Ez 36, 25).

40. Ils reconnaissent aussi que le baptême a été institué par le Christ, qui a envoyé ses disciples en leur disant : « De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19). Conformément à ce commandement du Seigneur, ses disciples baptisèrent ceux qui se joignirent à la communauté des croyants (cf. Ac 2, 41).

41. Les pentecôtistes et les catholiques romains diffèrent en ceci : les catholiques romains conçoivent le baptême comme un sacrement, tandis que la plupart des pentecôtistes le conçoivent en terme de rite (par ex. un rite que le Seigneur a ordonné d'accomplir à son Église). Toutefois, certains pentecôtistes utilisent le terme de sacrement pour parler du baptême. Ces différences illustrent la nécessité d'une discussion ultérieure entre les catholiques romains et les pentecôtistes sur la signification des termes « sacrement » et « rite »,

42. La majeure partie des pentecôtistes considèrent que l'Écriture enseigne clairement qu'il faut baptiser les croyants (cf. Mc 16, 16 ; Ac 2, 38; Ac 8, 12.36-39; Ac 10, 34-38) et croient, par conséquent, qu'il ne faut pas baptiser les enfants en bas âge. Les catholiques romains admettent qu'il n'existe pas de preuve irréfutable en faveur du baptême des petits enfants dans le Nouveau Testament, bien que certains textes (notamment les textes du baptême de maisons entières, par ex. Ac 16, 15 et 16, 31-33) soient interprétés comme orientant dans cette direction. Les catholiques romains remarquent, cependant, qu'à travers un processus de discernement au cours des premiers siècles de l'Église, une évolution s'est opérée vers une large pratique du baptême des nouveau-nés dans l'Église, considéré comme possédant une origine apostolique, approuvée par de nombreux Pères de l'Église et acceptée par l'Église comme authentique.

 

B. Foi et baptême

43. Les pentecôtistes et les catholiques romains sont d'accord sur le fait que la foi précède le baptême et en est une condition (cf. Mc 16, 16), et que cette foi est nécessaire pour que le baptême soit authentique. Ils conviennent aussi que la foi de la communauté des croyants, sa prière, son enseignement, nourrissent la foi du candidat au baptême.

44. Les catholiques romains croient que la foi d'un nouveau-né est un don de Dieu accordé par la grâce du baptême, qui lave l'enfant du péché originel et l'introduit à une vie nouvelle dans le Corps du Christ. Le baptême des nouveau-nés est le début d'un cheminement vers une pleine maturité de foi dans la vie de l'Esprit, qui est nourri par la communauté des croyants.

45. La majorité des pentecôtistes pratiquent exclusivement le baptême des croyants, plutôt que le baptême des nouveau-nés. Ils affirment que la foi est un don de Dieu (cf. Ep 2, 8), mais en même temps, ils insistent pour dire qu'il s'agit essentiellement de la réponse personnelle d'un individu. L'Écriture dit : « Si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Rm 10, 9). Étant donné qu'ils croient que la foi doit être professée personnellement, les pentecôtistes soutiennent qu'un enfant en bas âge ne peut pas recevoir le don de la foi salvifique (Ep 2, 8) ni l'Esprit Saint. Et, étant donné que, d'après eux, une condition nécessaire du baptême est la réponse de foi consciente à la proclamation de l'Évangile de la part du candidat, ils ne baptisent pas les petits enfants.

46. Malgré le refus global des pentecôtistes de pratiquer le baptême des nouveau-nés, les catholiques romains et les pentecôtistes affirment que la grâce de Dieu agit dans la vie d'un petit enfant. C'est Dieu qui prend l'initiative de notre salut. Il le fait non seulement dans la vie des adultes mais aussi dans celle des enfants en bas âge. L'Écriture nous dit, par exemple, que Jean-Baptiste fut rempli de l'Esprit dès le sein de sa mère (cf. Lc 1, 15; cf. aussi Jr 1, 5).

47. Les pentecôtistes et les catholiques romains divergent sur le fait de savoir à quel moment une personne « vient au Christ » et sur la signification du baptême lui-même. Pour tous les pentecôtistes, personne ne vient au Christ sinon ceux qui se repentent de leur péché et se tournent vers Dieu dans la foi (cf. 1 Th 1, 9); par la foi on devient partie intégrante de la communauté des croyants. Le baptême n'est accordé qu'à la conversion consciente de la personne. La plupart des pentecôtistes considèrent l'acte du baptême comme un symbole visible de régénération. D'autres pentecôtistes ont une conception sacramentelle du baptême.

48. Les catholiques romains décrivent la conversion comme un processus qui incorpore l'individu à l'Église par le baptême. Même dans le cas du baptême d'un nouveau-né, une appropriation ou une approbation personnelle de son propre baptême est une nécessité absolue.

49. Les catholiques romains et les pentecôtistes reconnaissent qu'une profonde relation personnelle au Christ est essentielle pour la vie chrétienne. Ils considèrent aussi que la conversion n'est pas seulement un acte personnel ou individuel, mais un acte qui suppose une communauté annonçant l'Évangile avant la conversion et qui requiert une communauté nourrissant la croissance après la conversion. D'autres discussions sont toutefois nécessaires sur la nature de la foi, la question de savoir en quel sens la foi est antérieure par rapport au baptême, et sur le sens de la foi communautaire dans l'enseignement catholique romain. Quelle est la nature du don de foi accordé par le baptême au petit enfant né dans la communauté?

50. Selon la conception catholique romaine, une personne est incorporée à la mort et à la résurrection du Christ par le baptême, et entre ainsi par le fait même dans la koinônia de ceux qui sont sauvés par le Christ. Les pentecôtistes affirment qu'il existe une relation entre le baptême et l'incorporation à la mort et à la résurrection du Christ (Rm 6, 3 ss). Même si les pentecôtistes ne considèrent pas le baptême, qui permet l'incorporation à la koinônia, comme un sacrement, pour la plupart d'entre eux le baptême n'est pas un rite ecclésial vide. Il sert à renforcer la foi de ceux qui se sont repentis et qui ont cru au Christ grâce à l'Esprit Saint. Souvent le baptême permettra à la personne de vivre une profonde expérience spirituelle (qui se manifeste quelquefois, par exemple, par le fait de parler en langues). Estimant que la personne qui a été baptisée a fait l'expérience de la conversion, certains pentecôtistes iraient même jusqu'à parler du baptême comme d’un « moyen de grâce ». Sans nier le salut du non-baptisé, tous les pentecôtistes considèrent le baptême comme faisant partie intégrale de l'expérience globale du devenir chrétien.

51. Les catholiques romains et les pentecôtistes sont d'accord pour dire que la foi est indispensable au salut. Les pentecôtistes divergent de l'enseignement catholique romain sur le baptême comme moyen nécessaire au salut réalisé par la vie, la mort et la résurrection du Christ. Néanmoins, les pentecôtistes ressentent la nécessité d'un approfondissement ultérieur des relations entre le baptême et le salut, à la lumière des passages spécifiques qui semblent établir un lien direct entre le baptême et le salut (par ex. Jn 3, 5; Mc 16, 16; Ac 22, 16; 1 P 3, 21). Des discussions ultérieures sur les effets du baptême sont également nécessaires.

 

C. Le baptême et l'Église

52. Pour les catholiques romains, le baptême est le sacrement de l'entrée dans l'Église, la koinônia de ceux qui sont sauvés dans le Christ et incorporés à sa mort et à sa résurrection. Pour les pentecôtistes, le baptême manifeste publiquement leur identification personnelle avec la mort et la résurrection du Christ (cf. Rm 6, 3 ss), et leur incorporation au Corps du Christ. S'insérant dans la longue tradition du catéchuménat, certains pentecôtistes pensent que le baptême est une condition préalable de la pleine appartenance à l'Église au point même que les convertis non baptisés ne sont pas appelés, à strictement parler, « frères et sœurs dans le Christ » mais « amis ».

53. Pour les catholiques romains comme pour les pentecôtistes, la communauté des croyants est importante pour la préparation au baptême, pour la célébration du baptême, et pour nourrir la foi d'un baptisé. Il est essentiel, pour le nouveau baptisé, de continuer à grandir dans la foi et dans l'amour et de participer à l'ensemble de la vie de l'Église.

54. Pour l'Église catholique romaine, la base du dialogue œcuménique avec les pentecôtistes, à proprement parler, repose sur la reconnaissance du baptême reçu par les pentecôtistes au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Cela implique une foi commune dans le Seigneur Jésus Christ. Cette reconnaissance du baptême pentecôtiste par des catholiques romains signifie, par conséquent, qu'ils croient qu'ils partagent avec les pentecôtistes une certaine koinônia, même si celle-ci demeure imparfaite (cf. Unitatis redintegratio, 3). L'unité du baptême constitue l'unité des baptisés et la réclame (cf. Unitatis redintegratio, 22). Notre consensus sur la base trinitaire du baptême nous entraîne et nous pousse vers l'unité.

55. Les pentecôtistes pensent que l'unité entre les chrétiens n'est pas basée sur un commun baptême d'eau ; la raison principale en est qu'ils croient que le Nouveau Testament ne la fonde pas sur le baptême. En revanche, le fondement de l'unité est une foi commune et une expérience commune de Jésus Christ comme Seigneur et Sauveur par l'intermédiaire de l'Esprit Saint. Cela va jusqu'au point que les pentecôtistes, reconnaissant que les catholiques romains ont cette foi commune en Jésus comme Seigneur et en font la même expérience, partagent avec eux une koinônia réelle bien qu'imparfaite. « En effet, le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps ; il en est de même du Christ. Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit » (1 Co 12, 12-13; un passage que les pentecôtistes tendent à interpréter sans référence à l'eau du baptême). Or, dans la mesure où le baptême est lié à cette expérience du Christ par l'intermédiaire de l'Esprit, il est aussi important pour la question de l'unité entre chrétiens.

 

D. La pratique baptismale

56. Les catholiques romains et la plupart des pentecôtistes sont d'accord pour reconnaître qu'une personne doit recevoir le baptême de l'eau au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Les catholiques romains et la plupart des pentecôtistes ne sont pas d'accord avec ceux des pentecôtistes qui n'administrent pas le baptême selon la formule trinitaire, spécialement si, en ne baptisant qu'au nom de Jésus (voir Ac 2, 38), ils rejettent la conception orthodoxe de la Trinité.[8]

57. Le baptême par immersion est le signe visible le plus efficace pour manifester le sens du baptême. De nombreux pentecôtistes estiment que l'immersion dans l'eau est le seul moyen biblique de baptiser. Les catholiques romains acceptent l'immersion ou le simple versement d'un peu d'eau comme des façons légitimes de baptiser.

58. Les pentecôtistes et les catholiques romains reconnaissent que le baptême, lorsqu'on a jugé qu'il a été administré de façon correcte, n'a pas à être répété.

59. Aux difficultés théologiques vient s'ajouter le fait que les pentecôtistes perçoivent certaines difficultés pastorales quant à la pratique du baptême des enfants en bas âge. Ces difficultés, généralement liées à la pratique du baptême des enfants en bas âge, sont assez importantes aux yeux des pentecôtistes pour suggérer que les catholiques romains continuent à examiner cette pratique.

60. Les catholiques romains reconnaissent volontiers les difficultés pastorales éventuelles (par ex. la création d'un groupe de baptisés mais qui ne se sentent pas liés à l'Église) inhérentes au mauvais usage de la pratique du baptême des petits enfants. Mais le baptême de ces enfants fournit souvent une occasion pastorale pour aider les parents dont la foi et la pratique sont faibles, et constitue le commencement d'un cheminement de vie chrétienne pour l'enfant. La « conversion », en ce sens, devient une série de moments de grâce tout au long de la vie, résultant d'un engagement aussi solide que celui qui provient d'une soudaine conversion à l'âge adulte.

61. Les catholiques romains font remarquer que, depuis Vatican II, dans les rites catholiques, une nouvelle insistance est mise sur l'initiation des adultes, sans pour autant nier la valeur du baptême des petits enfants. Bien plus, du fait que le baptême des adultes est désormais exprimé selon le modèle théologique ancien, la théologie et la pratique du baptême des enfants sont elles-mêmes enrichies. Ce n'est pas seulement la foi qui est donnée aux enfants par l'intermédiaire du sacrement, mais ce sont les parents eux-mêmes qui sont fortifiés en tant que responsables de la croissance future des enfants et sont donc inclus dans l'événement du don de la grâce ; leur foi en est fréquemment renforcée.

62. Les catholiques romains et les pentecôtistes reconnaissent la nécessité d'instruire la foi après le baptême pour que la vie de la grâce puisse porter ses fruits. Dans ce contexte, un pasteur doit retarder ou refuser de baptiser un enfant si les parents (ou tuteurs) n'ont pas clairement l'intention de faire grandir cet enfant dans la pratique de la foi. Baptiser sans tenir compte de ces circonstances serait un acte contraire, d'une certaine manière, au droit canon de l'Église catholique romaine.

63. Il existe un certain parallèle entre la pratique catholique romaine du baptême des enfants et la pratique commune de la consécration des enfants dans les Églises pentecôtistes : il concerne l'activité de la grâce et le rôle de la communauté chrétienne dans la vie d'un enfant. Dans la consécration d'un enfant, tout comme dans le baptême d'un enfant, les parents de l'enfant et la communauté des croyants s'engagent publiquement devant Dieu à élever l'enfant de sorte qu'il ou elle entre dans une relation personnelle avec le Christ. Bien que les pentecôtistes ne croient pas que la consécration procure le salut à un enfant ou fasse de lui/elle un membre de l'Église chrétienne, ils croient que, grâce à la prière et à la foi de la communauté des croyants, une bénédiction de Dieu repose sur l'enfant consacré. Les deux pratiques reconnaissent chacune à sa façon la présence de la grâce de Dieu chez l'enfant et visent à créer une atmosphère dans laquelle l'enfant puisse grandir dans la grâce et la connaissance du Seigneur Jésus Christ.

 

E. Le baptême et l'expérience de l'Esprit

64. Les catholiques romains et les pentecôtistes sont d'accord sur le fait que ceux qui appartiennent au Christ « ont été abreuvés au même Esprit » (1 Co 12,13). Nous reconnaissons que Dieu désire que chaque disciple de Jésus ait la joie d'être habité par l'Esprit Saint (Rm 8, 9). Le fait d'être habité par l'Esprit n'est pas le fruit ou le produit d'œuvres humaines, mais il est dû à l'action non méritée et efficace de la grâce par laquelle chaque personne répond à l'initiative particulière de Dieu.

65. Nous reconnaissons que les catholiques romains et les pentecôtistes ont différentes conceptions du rôle de l'Esprit dans l'initiation chrétienne et dans la vie, mais qu'ils peuvent néanmoins jouir d'une même expérience de l'Esprit. Bien plus, notre expérience de l'Esprit Saint accroît notre conscience mutuelle de la nécessité de l'unité.

66. Nous reconnaissons que l'expérience de l'Esprit Saint appartient à la vie de l'Église. Partout où l'Esprit sera authentiquement présent au sein de la communauté chrétienne, ses fruits deviendront aussi évidents (cf. Ga 5, 22-23). Les charismes authentiques mentionnés dans l'Écriture (voir 1 Co 12, 8-10, 28-30; Rm 12, 6-8; etc ... ) indiquent également la présence de l'Esprit. Toutes ces manifestations appellent toutefois un discernement par la communauté (cf. 1 Th 5, 19-22; 1 Co 14 ; 1 Jn 4).

67. Généralement, les catholiques romains ont eu tendance à accepter avec prudence les manifestations les plus spectaculaires de l'Esprit, telles que le fait de parler en langues et les prophéties, bien que le renouveau charismatique les ait aidés à redécouvrir des voies par lesquelles ces dons sont enracinés dans leur plus ancienne tradition.

68. Les catholiques romains craignent que les pentecôtistes ne limitent l'Esprit à des manifestations spécifiques. Les pentecôtistes craignent que les catholiques romains ne confinent l'œuvre de l'Esprit aux sacrements et à l'ordre ecclésial. Aussi partageons-nous le même sentiment de ne pas confiner ou limiter l'Esprit Saint que Jésus a décrit par l'image du vent qui souffle où il veut (cf. Jn 3, 8). Il semble que nous sommes plus inquiets au sujet des limitations de l'Esprit imposées par les autres que par les nôtres. De plus, nos discussions nous ont appris qu'il existe une plus grande liberté concernant l'Esprit Saint dans nos traditions respectives que ce que nous pensions, et nos craintes, une fois partagées, nous ont rendus plus conscients de nos insuffisances à cet égard.

69. Nos discussions nous ont également rendus plus conscients de la manière dont nous nous exprimons à propos du Saint-Esprit. Nous reconnaissons que des expressions telles que être « baptisé dans l'Esprit » ou être « rempli de l'Esprit » constitueraient de fructueux domaines pour un approfondissement ultérieur.

 

 

IV. LA KOINÔNIA DANS LA VIE DE L'ÉGLISE

 

A. La koinônia dans la vie de Dieu

70. Aussi bien les pentecôtistes que les catholiques romains reconnaissent que les croyants prennent part à la vie éternelle qui est koinônia avec le Père et avec son Fils Jésus Christ (cf. 1 Jn 1, 2-3) et communion dans l'Esprit Saint que le Fils de Dieu, Jésus Christ, leur a donné (cf. 1 Jn 3, 24; 2 Co 13, 14). C'est là le sens le plus profond de la koinônia qui se réalise à différents niveaux. Ceux qui croient et qui ont été baptisés dans la mort du Christ (cf. Mc 16, 16; Rm 6, 3-4) communient (koinônia) à ses souffrances et deviennent semblables à lui dans sa mort et sa résurrection (cf. Ph 3, 10). L'étape suivante réside dans l'Eucharistie ou Cène du Seigneur. « La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas une communion (koinônia) au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion (koinônia) au corps du Christ ? » (1 Co 10, 16). De plus, tous les croyants qui participent à lakoinônia à la vie éternelle du Père, du Fils, et du Saint-Esprit, et qui participent à la koinônia dans la mort et la résurrection du Christ sont reliés dans une koinônia trop profonde pour pouvoir l'exprimer par des mots. Nous attendons le jour où nous participerons aussi à la koinônia à son corps et à son sang (1 Co 10, 16).

71. Les catholiques romains, tout comme les pentecôtistes, professent l’inhabitation du Père, du Fils et de l'Esprit Saint chez tous les croyants (cf. Jn 17, 21; Rm 8, 9), mais l'importance de l'inhabitation de la Trinité chez le croyant est plus explicitement énoncée dans la foi catholique romaine que dans celle des pentecôtistes. La nature du langage utilisé pour la décrire nécessite un approfondissement commun ultérieur.

72. Comme les catholiques romains, de nombreux pentecôtistes sont fortement pénétrés par la conception trinitaire de Dieu. Ils croient, par exemple, qu'au baptême la formule trinitaire pourrait être utilisée en raison de l'envoi de Jésus : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19).[9] Les pentecôtistes se sentent cependant poussés par les catholiques romains à développer toutes les conséquences qu'implique leur pleine conception trinitaire pour la foi et la piété.

 

B. L'Église comme koinônia

73. L'importance d'une réponse active aux dons de Dieu dans le service de la koinônia requiert la réciprocité dans plusieurs dimensions. Certaines de ces dimensions sont la prise en charge et le partage des responsabilités, et la participation plus entière à la vie de la communauté locale. Lorsque les membres de l'Église, à quelque niveau qu'ils soient, agissent arbitrairement, sans prendre en compte cette participation, leurs actions portent atteinte à l'expression de la communion. Pour les catholiques romains et pour les pentecôtistes, la koinônia au sein de l'Église est un concept dynamique qui implique un dialogue structurel entre le don de Dieu et la réponse de l'homme. La réciprocité peut se réaliser à tous les niveaux de l'Église, sa source étant la présence permanente de l'Esprit Saint.

74. Les catholiques romains doivent souvent avouer un manque de réciprocité aux niveaux local et universel, même si cette réciprocité est reconnue comme étant un critère pour les fidèles. Les difficultés à propos de la participation des laïcs dans des processus de décision et le manque d'engagement suffisant des femmes au niveau de l'autorité sont des exemples cités par les participants à ce dialogue. Toutefois, les catholiques romains insistent sur le fait que l'ordre et la hiérarchie n'impliquent pas en eux-mêmes un tel défaut en matière de réciprocité.

75. En même temps, les pentecôtistes reconnaissent à la fois la réserve manifestée par leurs membres pour se soumettre à l'autorité locale et les difficultés pour leurs leaders charismatiques de travailler au sein des canaux ecclésiaux institutionnels existants qui pourraient les protéger d'une action irresponsable ou autoritaire.

76. Les difficultés de certains pentecôtistes à l'égard de leurs institutions ecclésiales viennent souvent d'une fréquente importance mise sur leur relation directe avec l'Esprit. Ils oublient que l'Esprit est donné non seulement aux chrétiens de façon individuelle, mais aussi à la communauté tout entière. Un chrétien particulier n'est pas le seul « temple de l'Esprit Saint » (1 Co 6, 19). Les catholiques romains ont à juste titre pressé les pentecôtistes de penser aussi la communauté tout entière en terme de « temple de Dieu » dans laquelle habite l'Esprit (1 Co 3, 16). Si les pentecôtistes étaient amenés à considérer plus sérieusement la présence de l'Esprit à l'intérieur de la communauté, ils seraient moins enclins à suivre 1'« impulsion (personnelle) de l'Esprit » en négligeant la communauté. Bien mieux, ils s'efforceraient d'imiter les Apôtres qui, au premier concile de l'Église, justifièrent leur décision par ces mots : « ... L'Esprit Saint et nous-mêmes, nous avons en effet décidé ... » (Ac 15, 28).

77. Dans leur théologie, aussi bien les pentecôtistes que les catholiques romains se considèrent comme étant dans une relation de dépendance à l'Esprit. Ils reconnaissent la nécessité d'invoquer l'Esprit Saint. Conformément à cette affirmation, ils croient en la présence de Dieu lorsque deux ou trois personnes sont réunies au nom du Christ (cf. Mt 18, 20).

78. Les pentecôtistes reconnaissent, même si l'accent est mis sur la sainteté dans l'Église catholique romaine, qu'il semble possible pour certains catholiques romains de vivre continuellement en état de péché et d'être pourtant considérés comme membres de l'Église. Cela apparaît aux pentecôtistes comme une atteinte à la notion chrétienne de disciple. Tout en se souvenant des paroles de Jean selon lesquelles « si nous disons : "nous ne sommes pas pécheurs ", nous faisons de lui (Dieu) un menteur » (1 Jn 1, 10), les pentecôtistes veulent prendre au sérieux l'avertissement du même apôtre au sujet du pécheur non repenti, à savoir que « quiconque pèche, ne voit (le Père), ni ne le connaît » (1 Jn 3, 6).

79. Les catholiques romains voudraient savoir comment les pentecôtistes agissent face aux péchés de leurs propres membres. Possèdent-ils une tradition adéquate consistant à conduire ceux qui sont tombés dans le péché vers un processus de repentir et un sens du pardon de Dieu ? Sans une telle tradition, comment peuvent-ils manifester cette dureté lorsqu'un pécheur ne parvient pas à vivre l'idéal de sainteté de la communauté?

80. Les uns et les autres nous ferions bien de nous souvenir de l'avertissement de l'Écriture selon lequel nous devons nous efforcer de voir la poutre dans notre œil plutôt que la poussière dans l'œil de notre frère ou de notre sœur (cf. Mt 7, 4). Nous devrions réfléchir également à la prudence du Seigneur face à ceux qui essaient d'avoir un champ d'où toute ivraie aurait été arrachée (cf. Mt 13, 24 ss.).

 

C. Koinônia, sacrements et ordre ecclésial

81. Les catholiques romains estiment qu'un aspect fondamental de la koinônia entre les Églises locales est exprimé dans la célébration des sacrements de l'initiation, à savoir le même baptême, la même confirmation et la même eucharistie. De plus, la célébration de ces sacrements requiert des ministres ordonnés pour y présider,[10] l'ordination étant aussi un sacrement, c'est-à-dire un acte du Christ dans l'Esprit célébré dans la communion et pour la communion de l'Église. Par conséquent, selon la tradition catholique, seuls les ministres ordonnés, principalement l'évêque, peuvent présider une Église locale ou un diocèse.

82. Selon la conception catholique, la koinônia est enracinée dans la participation à la même foi et à la même vie sacramentelle vécue par les communautés unies dans des diocèses gouvernés par des évêques. À travers leurs évêques, les Églises locales sont en communion les unes avec les autres en raison de la foi, de la vie sacramentelle et de l'épiscopat communs. Dans le collège des évêques, l'évêque de Rome est reconnu comme le successeur de Pierre et préside à la communion catholique tout entière. Grâce à leur enseignement quotidien, et plus spécifiquement grâce à leurs conciles locaux et universels, les évêques ont la responsabilité de formuler clairement la foi et la discipline de l'Église. L'ordre ecclésial repose donc sur la koinônia de foi et les sacrements ; il est en même temps une expression active de la koinônia.

83. Les catholiques romains estiment que certaines structures ecclésiastiques (telles que la charge d'évêque) sont « données par Dieu », qu'elles appartiennent à l'essence profonde de l'ordre ecclésial et qu'elles ne sont pas seulement au service de son mieux être.

84. Bien que les pentecôtistes divergent entre eux sur la façon de mieux structurer l'Église (les points de vue vont de la structure congrégationaliste à la structure épiscopale), ils acceptent que les Églises puissent être pleinement structurées de différentes façons. En observant la diversité des structures ecclésiales dans le Nouveau Testament, ils croient que l'Église contemporaine ne doit pas être limitée dans sa conception de l'ordre ecclésial plus que les saintes Écritures elles-mêmes.

85. Bien que les pentecôtistes ne limitent pas la célébration des sacrements et l'autorité dans l'Église aux ministères ordonnés, ils reconnaissent la nécessité et la valeur de l'ordination pour la vie de l'Église. Les pentecôtistes ne considèrent pas l'ordination comme un sacrement. Généralement, les pentecôtistes admettent qu'un charisme d'enseignant/pasteur est reconnu ou peut être donné à une personne par l'imposition des mains, mais ils ne considèrent pas qu'à l'ordination le pouvoir de l'Esprit Saint est conféré à la personne qui est ordonnée. En revanche, l'ordination est une reconnaissance publique d'un charisme donné par Dieu qu'une personne a reçu avant l'acte d'ordination.

86. Certains pentecôtistes observent ce qui apparaît comme une conception « mécanique » ou « magique » des sacrements, spécialement parmi les laïcs catholiques romains, et n'acceptent pas la distinction entre le rôle des sacrements comme dispensateurs de grâce et leur fonction comme Parole visible de Dieu. La théologie catholique romaine affirme cependant que les sacrements ne sont pas « mécaniques » ou « magiques » puisqu'ils requièrent l'ouverture et la foi de la part de celui qui les reçoit. Selon la conception catholique, la grâce des sacrements n'est pas conférée automatiquement ou inconditionnellement, sans tenir compte des dispositions de celui qui les reçoit. Ce que Paul dit en 1 Co 11, 27 (« Celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, se rendra coupable envers le corps et le sang du Seigneur ») est un enseignement commun dans l'Église catholique romaine. Les actions sacramentelles peuvent produire des « fruits desséchés », comme les décrit Saint Augustin, lorsque les candidats n'ont pas une relation droite avec le Seigneur.[11] En outre, l'efficacité des sacrements ne dépend pas de la piété personnelle de ceux qui les administrent, mais dépend, en dernier ressort, de la grâce de Dieu.

87. Les pentecôtistes pensent que certains aspects de l'ecclésiologie catholique romaine n'expriment pas de façon satisfaisante l'ordre ecclésial qu'exige la koinônia. Même dans le contexte de la collégialité, plusieurs exemples semblent confirmer cela, comme c'est le cas dans ces passages qui affirment que « l'ordre épiscopal est le sujet d'un pouvoir suprême et plénier sur toute l'Église » et, plus important encore, lorsqu'il est dit que « le Pontife romain a sur l'Église ... un pouvoir plénier, suprême et universel qu'il peut toujours exercer librement » (Lumen gentium, 22). Dans l'ensemble, les pentecôtistes pensent que les modèles ecclésiaux presbytéraux et/ou communautaires expriment mieux la complémentarité et la réciprocité requise par la koinônia.

88. Les catholiques romains sont plus enclins à voir l'Esprit Saint à l'œuvre à travers certaines structures ecclésiales, bien que les pentecôtistes reconnaissent eux aussi que l'Esprit peut agir à travers les structures et processus ecclésiaux.

89. Aussi bien les catholiques romains que les pentecôtistes sont perturbés par la discordance entre la théologie et la pratique de leurs propres paroisses et communautés.

 

D. L'Église et le salut

90. Selon l'ecclésiologie catholique romaine, l'Église peut être considérée à la fois comme un signe et comme un instrument de l'œuvre de Dieu dans le monde. Cette formulation datant du dix-neuvième siècle demeure très utile pour comprendre le rôle de l'Église dans le monde.

91. L'Église est un signe de la présence du pouvoir salvifique de Dieu dans le monde. Elle est aussi un signe de l'unité eschatologique à laquelle tous sont appelés par Dieu. Elle doit être ce signe à la fois à travers ses membres individuels et à travers ses communautés unies. Aussi longtemps que les chrétiens sont divisés entre eux, ils constituent un contre-signe, un signe de contradiction au dessein de réconciliation de Dieu dans le monde.

92. L'Église est aussi un instrument de Dieu pour annoncer la nouvelle salvifique de la grâce et la venue du royaume de Dieu. L'Église est l'instrument de Dieu lorsqu'elle fait des disciples de toutes les nations en prêchant la Bonne Nouvelle de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, et en les baptisant (cf. Mt 28, 19).

93. Ces dernières années, les catholiques romains en sont venus à décrire l'Église comme étant « en quelque sorte un sacrement » (Lumen Gentium, 1). Cette nouvelle vision est cohérente avec sa conception ancienne des sacrements comme signes et instruments du pouvoir salvifique de Dieu.

94. Bien que les pentecôtistes n'acceptent pas la conception catholique romaine des sacrements ni la vision catholique romaine de l'Église comme étant « en quelque sorte un sacrement », ils affirment pour leur part que l'Église est à la fois un signe et un instrument de salut. En tant que nouveau peuple de Dieu, l'Église est appelée à la fois à refléter la réalité du royaume eschatologique de Dieu dans l'histoire et à annoncer sa venue dans le monde, aussi longtemps que les gens ouvrent leurs vies à l'action pénétrante de l'Esprit Saint. Dans la conception pentecôtiste, l'Église en tant que communauté est un instrument de salut au même titre que chacun de ses membres est à la fois signe et instrument de salut. Pour eux, la communauté tout entière aussi bien que les membres individuels qui la composent rendent témoignage à la grâce rédemptrice de Dieu.

 

 

V. LA KOINÔNIA ET LA COMMUNION DES SAINTS

 

A. L'Église comme communio sanctorum

95. Dieu nous appelle à la communion avec Lui (communio avec l'Unique Saint), à la communion dans le Corps et le Sang du Christ (communio in sanctis), et à la communion entre les chrétiens (communion des saints; communio sanctorum). Dans le Credo de Nicée, l'expression communio sanctorum comporte une signification eschatologique : les saints de la terre et ceux du ciel, marqués par le même Esprit, ne forment qu'un seul Corps.

96. En terme de partage des réalités saintes (communio in sanctis), pour les catholiques romains la participation au baptême, à la confirmation et à l'eucharistie est constitutive de l'Église. Pour les pentecôtistes, l'élément central du culte est la prédication de la Parole. Quand des personnes répondent à la proclamation de la Parole, l'Esprit leur donne une nouvelle naissance, qui constitue une expérience pré-sacramentelle, et en ce sens les fait être chrétiens, créant ainsi l'Église. La participation au baptême et à la Cène du Seigneur, le libre exercice des charismes et le partage des témoignages personnels, sont d'une importance secondaire.

97. Les pentecôtistes aimeraient que les catholiques aient plus de communion entre eux au sujet de la lecture privée des Écritures qui nourrit leur piété. Les pentecôtistes demandent aux catholiques romains s'ils ne pourraient pas approfondir l’expérience de la koinônia grâce à un libre exercice des dons et à un échange de témoignages personnels. Convaincus que la Parole et le Sacrement ne peuvent pas être séparés dans le culte, les catholiques demandent aux pentecôtistes de réexaminer la relation dynamique entre les deux dans la célébration du baptême et de la Cène du Seigneur.

98. La relation entre la koinônia, les sacrements et l'ordre ecclésial (voir ci-dessus n. 81-89) explique pourquoi la participation à la même foi eucharistique ainsi qu'à la pleine communion sont des conditions normales requises pour recevoir l'eucharistie dans l'Église catholique romaine. Étant donné que pour les catholiques l'eucharistie est essentielle et centrale dans la vie de l'Église, la participation à l'eucharistie signifie et requiert l'unité de foi. Les catholiques souhaiteraient voir les pentecôtistes exprimer clairement ce qui est requis pour la pleine communion dans leurs Églises.

99. Selon la vision catholique romaine, la communio sanctorum inclut une relation de tous les saints de Dieu, les saints de la terre et les saints du ciel. Les membres de l'Église ont reçu la koinônia dans la plénitude de sainteté de Dieu. Ils forment ainsi « une grande nuée de témoins » (He 12, 1), une « foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues » (Ap 7, 9).

100. Dans la foi et la pratique catholiques romaines, Dieu seul est l'objet du culte (latria). Cependant, une certaine vénération (doulia) est accordée aux saints qui ont « gagné la course », « terminé la course » et qui ont reçu « une couronne de vie ». Il est important également de réaliser qu'aucun catholique n'a d'obligation jure divino de vénérer les reliques, les icônes ou les saints. Sans être nécessaires pour le salut, ces formes de dévotion sont reconnues utiles par l'Église qui les recommande à ses membres et n'oppose aucune condamnation ou dédain à de telles pratiques (cf. Concile de Trente, 25e Session).

101. Les pentecôtistes trouvent rassurant l'accent mis dans la théologie catholique romaine sur le fait que le culte n'est rendu qu'à Dieu seul. L'enseignement pentecôtiste affirme cependant que le rôle du Christ comme unique médiateur exclut positivement la vénération des reliques, des icônes et des saints. Les pentecôtistes affirment toutefois que, dans leur culte, les saints de la terre s'unissent dans le culte aux saints qui sont au ciel et forment ensemble l'Église, une, sainte, catholique et apostolique. Comme le dit l'Écriture : « Nous avons autour de nous une telle nuée de témoins » (He 12, 1) qui ont vécu dans l'histoire depuis le commencement des rapports de Dieu avec la race humaine.

 

B. Sainteté, repentir et ministère dans l'histoire

102. Tous les baptisés sont appelés à être « saints » ; selon l'Écriture, ils s'appelaient eux-mêmes ainsi dans l'Église primitive (Ac 9, 13; 26, 10; Rm 15, 25-26; 2 Co 8, 4; 9, 1, etc ... ).

103. Nous reconnaissons qu'à cause du péché l'Église a toujours besoin de repentir. Elle est à la fois sainte et en quête de purification. L'Église est une « sainte pénitente » et a toujours besoin de renouveau, tant dans ses personnes que dans ses structures. Les catholiques comme les pentecôtistes reconnaissent que leurs théologies respectives de la koinônia se reflètent trop rarement dans la réalité pratique de la vie de leurs propres communautés.

104. Les deux parties de ce dialogue sont d'accord sur les exigences fondamentales de sainteté chez le ministre et reconnaissent que l'indignité d'un ministre n'invalide pas l'action de l'Esprit Saint. Pour les catholiques romains, les œuvres de Dieu dans les sacrements sont effectives car elles sont basées sur la fidélité de Dieu. Ils croient que l'Esprit Saint agit avec consistance en subvenant aux besoins de ceux qui deviennent croyants. L'Église prête une sérieuse attention à la discipline ecclésiale car la faiblesse humaine et le péché peuvent devenir des obstacles à l'efficacité du ministère. Les pentecôtistes croient aussi que Dieu agit à travers les ministres de la Parole de Dieu en dépit de leurs graves défauts et du péché dans leur vie. « Certains, il est vrai, le font par envie et par rivalité, mais d'autres proclament le Christ dans une intention bonne ... Mais qu'importe? Il reste que de toute manière, avec des arrière-pensées ou dans la vérité, le Christ est annoncé. Et je m'en réjouis » (Ph 1, 15, 18). Les pentecôtistes croient aussi que les rites administrés par un ministre indigne sont valides (en ce sens que, par exemple, le baptême n'a pas besoin d'être répété). Ensemble nous croyons toutefois que l'indignité des ministres constitue souvent une pierre d'achoppement qui empêche les non-croyants de trouver la foi dans le Dieu vivant et vrai, et elle obscurcit souvent l'œuvre de l'Esprit dans la communauté des croyants.

105. Bien que les pentecôtistes insistent sur la liberté d'action de l'Esprit dans la communauté et mettent l'accent sur la nécessité d'une participation active de tous les membres de l'Église, ils reconnaissent la nécessité de l'ordre ecclésial. Ils reconnaissent l'ordre ecclésial (qui peut légitimement prendre différentes formes) comme étant la volonté du Seigneur pour son Église, puisqu'ils observent à partir du Nouveau Testament que l'Église primitive n'a jamais « existé sans des personnes détenant une autorité et responsabilité spécifiques » (BEM, Ministère, 9) (cf. Ac 14, 23; 20, 17; Ph 1, 1). Étant donné que les pentecôtistes ne rejettent pas les institutions ecclésiales, ils reconnaissent que l'Esprit Saint agit non seulement à travers les individus charismatiques, mais aussi à travers les ministres permanents de l'Église.

106. Nous sommes d'accord sur le fait que les fonctions et les structures de l'Église, de même que chaque aspect de l'Église, ont continuellement besoin de renouveau tant qu'elles sont des institutions d'hommes et de femmes ici sur la terre. Cela suppose que l'Esprit puisse insuffler une nouvelle vie dans les fonctions et les structures de l'Église lorsque celles-ci deviennent des « ossements desséchés » (Ez 37). Cet effort permanent de renouveau comporte d'importantes implications œcuméniques. Il s'agit d'un dynamisme essentiel du « mouvement vers l'unité » du Peuple de Dieu (Unitatis redintegratio, 6).

107. Les pentecôtistes et les catholiques romains semblent considérer l'histoire de l'Église d'une manière assez différente. Les membres de ce dialogue pensent que les différences dans ces perspectives desservent d'ultérieurs approfondissements mutuels. Les pentecôtistes et les catholiques romains reconnaissent que la continuité en histoire n'est pas une garantie en elle-même de la maturité spirituelle ou d'une solidité doctrinale. De plus, les deux traditions commencent à bien apprécier la valeur de ce que leur révèle aujourd'hui l'histoire de l'Église.

108. Les catholiques romains croient que l'Église contemporaine est en continuité avec l'Église du Nouveau Testament. Les pentecôtistes, influencés par des perspectives de restauration, ont proclamé leur continuité avec l'Église du Nouveau Testament en affirmant leur rupture avec la majeure partie de l'Église historique. En adoptant ces deux positions, l'une de continuité et l'autre de rupture, chaque tradition a tenté de démontrer sa fidélité à la foi apostolique « qui a été transmise aux saints définitivement » (Jude 3). La signification de ces positions pour le bien de l'Église tout entière nous presse pour une ultérieure réflexion théologique commune sur l'histoire de l'Église.

 

 

CONCLUSION

109. Il serait bon que ce dialogue puisse inspirer des dialogues au niveau national ou au niveau local entre les catholiques romains et les pentecôtistes classiques. Les participants recommandent que le dialogue se poursuive en une quatrième série de discussions.

110. Les membres de ce dialogue, durant ce quinquennat, ont assisté à des services religieux des deux traditions. Ce qu'ils ont appris les uns des autres n'a pas été confiné au dialogue autour d'une table, mais s'est étendu aux visites de paroisses catholiques et aux communautés pentecôtistes durant ces séries de discussions, et à des conversations informelles entre les sessions.

111. Nous avons approfondi le sujet de la koinônia et nous avons été largement récompensés en affirmant ensemble que Jésus Christ est le Seigneur. Nous avons ressenti sa douleur lorsque nous avons compris la part qui nous revient dans la division permanente de son Corps.

Ce que nous avons pu faire ensemble jour après jour pour partager en détail et en profondeur nos convictions chrétiennes les plus chères et pour nous approcher le plus possible de notre Seigneur ressuscité et les uns des autres, n'a été possible, nous le comprenons, que par la grâce et la miséricorde de Dieu.

112. La prière de Jésus, « Que tous soient un » (Jn 17, 21), est devenue toujours plus importante à nos yeux et nous invite à plus de prière et de repentir. Néanmoins, nous sommes encouragés en réalisant que le vent nouveau de l'Esprit souffle dans l'Église universelle et nous attendons impatiemment de voir ce qui adviendra grâce à la Providence de Dieu. Notre prière demeure la suivante : « Viens, Esprit Saint ! ».

 

 

 

ANNEXE[12]

 

Participants catholiques romains

*R.P. Raniero Cantalamessa, OFM, Cap Milan, Italie 
1987, 1988, 1989

*R.P. John C. Haughey, SJ 
Charlotte, Caroline du Nord, USA 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

*R.P. Hervé Legrand, OP 
Paris, France 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

d*R.P. Kilian McDonnell, OSB (coprésident) Collegeville, Minnesota, USA 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989.

dS.Exc. Mgr Basil Meeking Évêque de Christchurch, Nouvelle-Zélande 
1985, 1986.

Prof. Heribert Mühlen Paderborn, Allemagne 
1985, 1986

d*Mgr John A. Radano (cosecrétaire) Cité du Vatican 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

*R.P. John Redford 
Kent, Grande Bretagne 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

*Sr Helen Rolfson, OSF Collegeville, Minnesota, USA 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

 

Participants des Églises pentecôtistes classiques

Dr John L. Amstutz 
International Church of the Foursquare Gospel 
Los Angeles, Californie, USA 
1986

Rév. Mitchell Belobaba 
International Church of the Foursquare Gospel 
Vancouver, Colombie Britannique, Canada 
1985, 1987, 1988

Rév. Rose Belobaba 
International Church of the Foursquare Gospel 
Vancouver, Colombie Britannique, Canada 1985

Dr Omar Cabrera 
Vision de Futuro Santa Fe, Argentine 
1988

M. Dan Crotty 
International Church of the Foursquare Gospel 
Ventura, Californie, USA 
1985

Rév. Edward Czajko Pentecostal Church, Varsovie, Pologne 
1988

Rév. Olof Djurfeldt 
Swedish Pentecostal Movement Stockholm, Suède 
1986

dRév. David J. du Plessis (coprésident émérite) Assemblies of God 
Pasadena, Californie, USA 
1985, 1986 (… 1987)

d*Rév. Justus du Plessis (cosecrétaire) Apostolic Faith Mission 
Faerie Glen, Afrique du Sud 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

Dr Hugh Edwards 
Church of God of Prophecy Cleveland, Tennessee, USA 
1986, 1987, 1988

*Dr Howard M. Ervin American Baptist Tulsa, Oklahoma, USA 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

Dr James A. Forbes 
Original United Holy Church International 
New York, NY, USA 
1986

Rév. Manuel J. Gaxiola-Gaxiola Apostolic Church 
Mexico, Mexique 
1986

*Rév. Bernice Gerard 
Pentecostal Assemblies of Canada Vancouver, Canada 
1986, 1987, 1988, 1989

Rév. Allan Hamilton 
International Church of the Foursquare Gospel 
Portland, Oregon, USA 
1986

Dr James D. Jenkins 
Church of God (Cleveland, Tennessee) Cleveland, Tennessee, USA 
1985, 1986, 1987, 1988

Dr Veroni Krüger 
Apostolic Faith Mission 
White River, Afrique du Sud 
1986

Dr Peter Kuzrnič 
Christ's Pentecostal Church 
Osijek, Yougoslavie 
1985

Rév. Silvano Lilli 
International Evangelical Church 
Rome, Italie 
1985

Rév. Alfred F. Missen 
Assemblies of God 
Birmingham, Grande Bretagne 
1985

Dr François Möller 
Apostolic Faith Mission 
Auckland Park, Afrique du Sud 
1988

Dr Robert Mueller 
Independent Assemblies of God International 
El Toro, Californie, USA 
1987

Bishop Earl Paulk 
International Communion of Charismatic Churches 
Decatur, Georgie, USA 
1986

*Dr Coleman Phillips 
International Church of the Foursquare Gospel 
Escondido, Californie, USA 
1988, 1989

d*Dr Cecil M. Robeck, Jr. 
Assemblies of God 
Pasadena, Californie, USA 
1986, 1987, 1988, 1989

d*Dr Jerry L. Sandidge (cosecrétaire) Assemblies of God 
Springfield, Missouri, USA 
1985, 1986, 1987, 1988, 1989

Dr Vinson Synan 
Pentecostal Holiness Church 
Oklahoma City, Oklahoma, USA 
1986

*Dr Del Tarr 
Assemblies of God 
Fresno, Californie, USA 
1985, 1986, 1987, 1989

Rév. H. N. van Amerom 
Broederschap van Pinkstergemeenten 
Houten, Pays-Bas 
1987

*Dr Miroslav Volf 
Christ's Pentecostal Church 
Osijek, Yougoslavie 
1985, 1986, 1988, 1989

 

NOTES

[1] Le Conseil était appelé, jusqu'en 1989, Secrétariat pour l'unité des chrétiens.

[2] Lors de sa huitième assemblée générale, en février 1990, la Fédération luthérienne mondiale vota une modification de sa constitution. Elle se définit désormais comme une « communion d'Églises ».

[3] Toutes les citations bibliques sont tirées de la traduction œcuménique de la Bible (TOB), version intégrale, 1988.

[4] Rapport final (1972·1976) par. 28-30; Rapport final (1977-1982) par. 18-21, 49-57. Ces rapports sont publiés in Service d'information, Secrétariat pour l'unité des chrétiens, Cité du Vatican, n° 32 (1976/III), pp. 35-40 et n° 55 (1984/II-III), pp. 78-88.

[5] Toutes les citations du Concile Vatican II sont extraites de Concile œcuménique Vatican II. Constitutions, Décrets, Déclarations, Éditions du Centurion, Paris 1967.

[6] Une partie des pentecôtistes connus comme « Oneness » ou « Jesus Name » sont opposés à la formulation trinitaire de la foi. Leur vision de Dieu tend au modalisme, et la formule baptismale qu'ils prononcent est « au nom de Jésus Christ » (Ac 2, 38) au lieu de l'exhortation trinitaire traditionnelle de Matthieu 28, 19. La plupart des pentecôtistes sont toutefois en profond désaccord avec cette position.

[7] Nous consacrons une section spéciale au baptême en raison de la difficulté que revêtent le baptême et la pratique du baptême dans notre dialogue.

[8] Voir note n° 6.

[9] Voir plus haut note n° 6.

[10] Cette relation entre l'ordre ecclésial et le ministère ordonné présidant une communauté est bien illustrée dans la célébration du baptême de l'eau, bien qu'en cas de nécessité tout chrétien soit appelé à baptiser. Jusqu'en 1923, il n'était même pas permis aux diacres d'être les ministres ordinaires du baptême. Actuellement les évêques se réservent les baptêmes d'adultes et les curés doivent avoir l'autorisation de leur évêque pour accomplir un tel baptême.

[11] La distinction tardive faite entre sacrements « fructueux » et « infructueux » est un autre moyen pour l'enseignement catholique romain d'exprimer la même conception.

[12] Seuls ceux qui ont participé au Dialogue 1989 ont pris part à la rédaction et à la publication de ce Rapport Final. Leurs noms sont précédés d'un astérisque (*), Les membres du Comité directeur du quinquennat sont signalés par un « d ».