Commentaire

de

LA PRÉSENCE DU CHRIST DANS L'ÉGLISE,
EN SE RÉFÉRANT SPÉCIALEMENT À L'EUCHARISTIE

 

IVe Déclaration commune des Disciples du Christ et de l’Église catholique romaine
Commission internationale pour le dialogue

2003-2009

 

John A. Radano

 

La quatrième phase de ce dialogue international, qui a débuté en 1977 et qui a déjà publié trois autres rap­ports, s’est concentrée sur des questions importantes du dialogue œcuménique. Ce quatrième rapport se base sur les acquis des précédentes phases du dialogue. Les discussions ont été menées de façon approfondie et nuancée. Les points d’accord sont clairement identifiés, comme le sont aussi les divergences et les questions qui nécessitent un dialogue ultérieur. Ce rapport représente une contribution précieuse à la littérature œcuménique.

Ce rapport commence par annoncer clairement son statut : il s’agit d’« une déclaration commune de la Commission, et non d’une déclaration officielle de l’Église catholique romaine et du Conseil consultatif œcuménique des Disciples, lesquels étudieront ce do­cument en temps voulu ». Néanmoins les « autorités qui ont nommé la Commission ont autorisé la publica­tion de ce rapport afin qu’il puisse être étudié et discuté par un public nombreux ».

L’impression de continuité qui se dégage de ce dialogue, d’une phase à l’autre, est due au fait que le thème sur lequel ce quatrième rapport s’est concentré avait été suggéré par le rapport de la deuxième phase, intitulé L’Église comme communion dans le Christ (CCIC, 1992). En esquissant le travail futur de la Commission, ce rapport soulignait la nécessité « de confronter nos enseignements sur la présence du Christ dans la célé­bration du repas du Seigneur, sur sa dimension sacrifi­cielle, sur le rôle du ministre ordonné et sur celui de la communauté » (CCIC 53a). Tous ces thèmes sont maintenant examinés dans la quatrième phase. La con­clusion de cette quatrième phase dit que « c’est la pre­mière fois en plus de trente ans de dialogue que nous nous sommes engagés dans une discussion approfondie sur l’eucharistie », tout en précisant avec humilité qu’on ne trouvera pas dans ce rapport « une présentation ex­haustive de la présence du Christ dans l’eucharistie, mais plutôt un début prometteur, une communion in via » (n. 79).

Cet aspect, et bien d’autres encore, révèle le carac­tère systématique du travail accompli par ce Dialogue international depuis ses débuts en 1977. Ce document, qui consiste dans une introduction, quatre parties et une conclusion, présente les principaux thèmes selon une progression logique.

Dans ce commentaire, je m’efforcerai d’abord de mettre en évidence les aspects les plus significatifs de chacune de ces parties, puis je ferai quelques considé­rations sur l’ensemble de ce rapport.

 

Introduction

La brève introduction (n. 1-4) fait d’abord quelques affirmations sur le contexte dans lequel le dialogue sur le thème principal s’est déroulé, et que l’on trouvait déjà dans les rapports précédents. En premier lieu, l’affirmation que ce dialogue a pour but « la pleine unité visible entre nos deux communions » (n. 1). L’engagement commun des Disciples et des catholiques pour la pleine unité visible est ensuite réaffirmé ailleurs dans le texte (par ex. n. 5, cf. 73). La raison théologique qui motive cet engagement est que « l’absence d’une pleine communion entre nous, qui est en contradiction avec la volonté du Christ, nous pousse à nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu et à suivre son appel à surmonter nos divisions » (n. 2).

Toujours en vue de ce but, on trouve une autre « af­firmation commune » à propos de « l’importance de l’œcuménisme spirituel… pour situer toute notre ré­flexion dans un climat de prière, en demandant à Dieu de nous guider » (n. 2). L’importance de l’œcuménisme spirituel avait été affirmée dès la première phase du dialogue dont le rapport Apostolicité et catholicité (AC 1981) contient une partie sur l’œcuménisme spirituel et reconnaît que c’est la grâce de Dieu qui apportera l’unité visible. L’unité visible viendra « de l’unique grâce de l’Esprit de Dieu, présent de manière dynamique parmi les chrétiens même dans leur situation séparée » (AC 14), en sorte que le travail pour l’unité des chré­tiens « est profondément et radicalement une œuvre spirituelle… Il vient de l’Esprit Saint et est la réponse qu’il lui apporte » (AC 15). C’est la raison pour laquelle, comme le dit le présent rapport, « chacune de nos ren­contres s’est déroulée dans un climat de prière quoti­dienne, matin et soir… et comportait aussi des temps d’étude biblique et de réflexion théologique » (n. 3).

Au sujet de l’œcuménisme spirituel, la Commission rappelle que le rapport de la première phase parlait de « l’espace évangélique » que découvrent ceux qui « sont empêchés, comme communautés ou comme per­sonnes, de chercher à justifier [leurs] divisions… [et qui sont] poussés à la recherche d’une vie partagée dans une communauté réconciliée ». Ils découvrent ainsi « de nouvelles possibilités pour un échange original et pour un partage » (AC 20) (n. 2). En bref, c’est cette metanoia, nourrie par l’œcuménisme spirituel, qui crée les condi­tions – l’espace évangélique – leur permettant de s’engager dans un dialogue authentique, nécessaire dans la recherche de l’unité des chrétiens. À cette fin, le rap­port dit « nous avons passé beaucoup de temps à nouer des relations entre nous et à présenter nos ecclésiolo­gies respectives » (n. 2). Ainsi, ils ont pu dire au début du rapport que durant cette période de dialogue « la Commission a pu découvrir des convergences signifi­catives sur les questions de foi fondées sur une vision commune de certains aspects de notre thème, qui sont présentées aujourd’hui dans cette Déclaration » (n. 4). Elle a pu ainsi conclure, à la fin du dialogue, que « grâce aux explications patientes et à l’écoute mutuelle, nombre de malentendus ont pu être dissipés. L’ampleur des convergences ainsi mises en lumière nourrit en nous l’espoir d’une plus grande unité entre Disciples et catholiques » (n. 80). L’œcuménisme spirituel, caracté­risé par la prière, favorise les changements dans l’esprit et dans le cœur, en créant un climat propice pour avan­cer vers la réconciliation.

 

Réflexion sur l’introduction

Le but de l’unité à laquelle ce dialogue tend révèle aussi le niveau profond d’engagement qui motivait les partenaires de ce dialogue. Certains observateurs œcu­méniques soutiennent que l’engagement pour l’unité visible des chrétiens n’est plus aussi fort que dans les décennies passées. Mais tel n’est certainement pas le cas des participants à ce dialogue. Pour l’Église catholique, la pleine unité visible est le but premier du mouvement œcuménique. Tous les autres dialogues bilatéraux dans lesquels l’Église catholique est engagée tendent vers le même but, de même que le dialogue multilatéral de Foi et Constitution.

La prise de conscience que l’œcuménisme spirituel est fondamental, qu’il crée un « espace évangélique » permettant aux partenaires du dialogue de briser le mur d’hostilité et d’aider leurs communautés à en faire au­tant, est un atout important pour vaincre les forces puissantes de la division qui ont prévalu pendant des siècles. C’est reconnaître que, même si le dialogue, la coopération et les autres initiatives œcuméniques peuvent jouer un rôle important dans la quête de l’unité entre les chrétiens, la réalisation de cette unité dépend de la grâce de Dieu. La prière pour l’unité est primor­diale et doit toujours accompagner le dialogue. Du point de vue des catholiques, cette conviction est très proche de ce qu’affirme le Catéchisme de l’Église catholique (n. 820-822).

 

Première partie : Ne faire qu’un en Christ dans l’Église (n. 5-13)

Au début du paragraphe 1.1 (Notre engagement commun pour l’unité de l’Église), les partenaires du dialogue commencent par faire une importante confes­sion de foi : « Ensemble, catholiques et Disciples con­fessent que l’Église est une et que son unité est un don de Dieu ». Ils affirment en outre que « pour les Dis­ciples comme pour les catholiques, l’unité visible de l’Église est au cœur de l’Évangile » ; qu’elle est « essen­tielle pour la conversion du monde » ; et que « le salut du monde dépend de son rétablissement » (CCIC, n. 8) (n. 5).

Ensemble, ils affirment également d’autres aspects importants du rapport entre le Christ et l’Église et d’autres points fondamentaux de leur foi commune. Ils n’ont pas cherché à formuler une ecclésiologie ici, et ils en ont dit plus au sujet de l’Église dans leurs précédents rapports. Ils présentent néanmoins quelques domaines de convergence importants, outre ceux déjà mention­nés ci-dessus. Ensemble ils proclament que « l’Église est la communion en Christ », « l’assemblée du Peuple de Dieu, fondée par et en Jésus Christ, nourrie et forti­fiée par l’Esprit Saint », « le Corps du Christ ». En­semble, ils affirment la nature divinement constituée de l’Église et son fondement trinitaire (n. 6). Toutes ces affirmations ont des implications importantes puisque « sans cette union au Christ, l’Église se réduirait à une organisation purement humaine et l’issue de sa mission serait incertaine » (n. 7). Ensemble ils déclarent aussi qu’« à la Pentecôte, la mission du Christ et de l’Esprit Saint est devenue la mission de toute l’Église ». Précé­demment, ils avaient déclaré ensemble que « l’Église est guidée par l’Esprit Saint, et pour cette raison, en défi­nitive, elle n’échouera pas dans sa tâche de proclamer l’Évangile » (Réception et transmission de la foi, n. 2.4) (n. 7). Le fondement et le but de ce dialogue, à savoir l’unité visible de nos deux communions, est « notre unité en Christ » (n. 6).

Après avoir affirmé que l’Église est unie au Christ, la Commission aborde la question du péché dans l’Église. S’il est vrai que « l’Église vit du Christ, en Christ et pour le Christ », la Commission recommande de bien distinguer entre Jésus Christ et son Église, pour ne pas risquer de ne pas reconnaître les péchés des membres de l’Église ou d’en attribuer la faute au Christ. Elle rejette une telle éventualité en citant Lumen gentium qui dit que « tandis que le Christ, saint, innocent et sans souillure (He 7, 26) n’a pas connu le péché (cf. 2 Co 5, 21), mais est venu seulement expier les péchés du peuple (cf. He 2, 17), l’Église qui renferme en son sein les pécheurs, qui est sainte et, en même temps, doit toujours être purifiée, recherche sans cesse la pénitence et le renouvellement » (LG 8), (n. 8).

Le paragraphe 1.2 (Une seule foi, un seul baptême, un seul corps) rappelle deux domaines de convergence très importants en matière de foi mis en lumière dans la première Déclaration commune de la Commission (AC, n. 36-37) pour préparer le lecteur à la discussion sur l’eucharistie qui va suivre. Le premier a trait à la foi trinitaire : « Catholiques et Disciples partagent la foi apostolique de l’Église en un seul Dieu, révélé en trois personnes » (n. 9). Le second entre directement dans le vif de la vie sacramentelle : « L’unité de la foi s’exprime aussi dans l’unique baptême que nous partageons » (AC n. 24), (n. 9).

Ces affirmations fondamentales conduisent à la question : « Dans quel sens les Disciples et les catho­liques peuvent-ils dire qu’ils forment un seul corps ? » (n. 10). Ils y répondent en reconnaissant sincèrement qu’ils partagent un certain degré de communion, no­tamment sur les questions de foi mentionnées ci-des­sus, mais qu’il existe des limites à la communion qu’ils partagent : « Notre communion est imparfaite… De­vant l’absence apparente d’accord entre nous sur des questions de foi substantielles, nous avons ressenti le besoin de définir et d’analyser ces questions de façon plus précise que nous ne l’avions fait jusqu’à présent » (n. 11). Pour décrire cet état de choses, le premier rap­port commun avait parlé de communion in via. « Nous sommes déjà sur la route. Nous avons fait le premier pas dans la foi par le baptême, qui est aussi appel à cette unité finale » (AC n. 61). Les catholiques trouvent une confirmation de ceci dans le Décret sur l’œcuménisme : « Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique » (n. 3). Les Disciples rappellent leur conviction, « affirmée de fa­çon moins formelle », que « les personnes qui ont été baptisées dans une autre Église (que ce soit à la nais­sance ou à l’âge adulte) sont déjà des frères et des sœurs dans le Christ, et qu’un nouveau baptême par immer­sion n’est pas nécessaire ».

La Commission aborde la question de savoir comment édifier cette communion in via, comment ex­ploiter l’« espace évangélique », fruit de la metanoia, « dans lequel nous trouvons une grâce de Dieu disponible de manière nouvelle pour nous, qui nous unit ensemble dans la louange, la bénédiction, l’imploration de Dieu » (AC, n. 20) (n. 11). Cette unité que nous partageons déjà doit être mise en acte à travers toutes sortes de rencontres et d’initiatives communes. La Commission se réjouit de constater qu’une telle coopération existe déjà au niveau local sous diverses formes : prière com­mune, témoignage commun, activités sociales com­munes. Toutes ces initiatives, qui contrastent avec les divisions du passé, permettent de « se faire une place » mutuellement et de se sentir incorporés ensemble au corps du Christ. Elles « expriment notre communion in via » (n. 12).

Cette partie s’achève sur une affirmation impor­tante : « Notre vision de l’Église comme communion, décrite notamment dans la deuxième Déclaration, nous oblige à considérer que loin d’être une construction humaine, l’existence de l’Église répond à la volonté ré­vélée de Dieu. En même temps, elle révèle la gravité de notre séparation d’avec tous ceux qui partagent notre foi apostolique commune en Dieu Un et Trine » (n. 13).

 

Réflexion sur la Première partie

Particulièrement remarquables, dans cette première partie, sont les termes très forts utilisés ici pour parler de la nécessité d’unité, « essentielle pour la conversion du monde » (n. 5), et de notre conviction commune que la vision de l’Église comme communion nous oblige à considérer que « loin d’être une construction humaine, l’existence de l’Église répond à la volonté ré­vélée de Dieu » (n. 13). Disciples et catholiques ont trouvé ici un accord sur des aspects très importants de l’Église et de la foi apostolique.

Tout aussi significative pour ce dialogue – et pour le mouvement œcuménique dans son ensemble – est la conviction des Disciples, « affirmée de façon moins formelle », relative au baptême des petits enfants et des adultes. Les Disciples se définissent comme « une Église de croyants sur le modèle de l’Église du Nou­veau Testament qui pratiquait le baptême en le faisant précéder d’une confession de foi personnelle au Christ ». C’est pourquoi ils refusaient de reconnaître la validité du baptême des petits enfants, et ce jusqu’au XXe siècle (ECDC n. 13). La position selon laquelle le baptême ne peut être pratiqué qu’après une profession de foi personnelle (ce qui exclut le baptême des petits enfants), est défendue actuellement par d’autres fa­milles chrétiennes, et notamment par certaines com­munautés en forte croissance numérique. C’est donc une question œcuménique importante qui a été débat­tue dans ce dialogue. Déjà dans la première phase du dialogue, des convergences significatives avaient été trouvées. Les catholiques avaient décrit les motifs his­toriques, théologiques et pastoraux à l’origine de la pratique du baptême des petits enfants, en ajoutant que la croyance fondamentale de leur Église concernant le baptême est « exprimée avec une nouvelle clarté dans le rite revisité du baptême des adultes qui comporte une confession personnelle de foi ». Dans le même temps, « les Disciples comprennent mieux la place du baptême des enfants dans l’histoire de l’Église. En partie, cela implique de comprendre le baptême des enfants en re­lation avec une éducation chrétienne, tant dans la fa­mille que dans la communauté chrétienne… et que le baptême des enfants est la réponse pastorale à une si­tuation où les membres ne sont plus en majorité des chrétiens de la première génération » (AC n. 33). De nouvelles convergences ont également été trouvées sur la manière de conférer le baptême (AC n. 25). Ici aussi, la conviction des Disciples « affirmée de façon moins formelle », qui favorise un rapprochement entre Dis­ciples et catholiques sur la question du baptême des petits enfants et des adultes, pourrait constituer un té­moignage important pour d’autres dialogues et rapports bilatéraux qui cherchent à résoudre ce problème œcu­ménique.  

 

Deuxième partie : Le Christ ressuscité, Parole vivante : pa­role et sacrements dans l’Église (n. 14-25)

La Commission se prépare à réfléchir sur la pré­sence du Christ dans l’eucharistie, dans la troisième partie de ce rapport, en la situant d’abord, dans la pre­mière partie, dans le cadre d’une réflexion sur l’Église et sur les implications des questions de foi proclamées ensemble, puis, dans la deuxième partie, dans le cadre plus large de la présence du Christ ressuscité dans le monde et dans l’Église. Dans l’Église, le Christ ressus­cité est présent dans la Parole et dans les sacrements.

La deuxième partie se concentre sur la résurrection du Christ. « La résurrection du Christ signifie qu’il est dynamiquement présent dans l’Église et dans le monde. La promesse finale du Christ – « Et moi, je suis avec vous tous les jours » (Mt 28, 20) – a orienté la vie des chrétiens au cours des siècles ; sur cette promesse, se fonde la croyance en la présence du Christ dans le monde en général, et dans l’Église en particulier» (n. 14). La Commission a pu ainsi affirmer que « dans la mission de l’Église, le Christ est présent dans la prière, la lecture de la Bible, la liturgie, dans les sacrements du baptême et de l’eucharistie, dans la prédication de la Parole, dans le service des pauvres et des malades, et dans l’amour oblatif » (n. 14). L’expansivité de la pré­sence du Christ ressuscité devient ainsi le contexte dans lequel il sera possible d’apprécier (dans la troisième partie) l’intensité de sa présence dans l’eucharistie.

L’importance de cette réflexion sur le Christ ressus­cité vient du fait qu’elle porte sur ce qui est au cœur de la rédemption. La discussion du paragraphe 2.1 sur « La présence du Christ ressuscité dans le monde » conduit à une profession de foi commune : « Catholiques et Dis­ciples croient que Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, a été envoyé dans le monde par le Père pour révéler sa volonté rédemptrice et pour annoncer que cette ré­demption s’accomplit par sa mort et sa résurrection ». Ce qui implique que « maintenant la présence du Christ n’est plus limitée à un temps et un lieu particuliers : le Christ ressuscité habite toute la création », quoique d’une façon cachée, illustrée au moyen de divers exemples (n. 15).

Au paragraphe 2.2 (La présence du Christ ressuscité dans l’Église), Disciples et catholiques parlent ensemble « du don de la présence du Christ, telle qu’elle est vécue dans l’Église » (n. 16), en affirmant que le Christ est la source de toute sainteté dans l’Église. « La sainteté de l’Église est un don de Dieu. Le Fils de Dieu s’est livré pour elle, pour qu’elle soit sanctifiée et devienne à son tour source de sanctification (Jn 17, 19 ; 1 Co 3, 17 ; Ep 5, 25-27). La sainteté de l’Église est une source d’inspiration constante pour ses membres, qui recon­naissent leur besoin de conversion et de sanctifica­tion ». Mais de la part des chrétiens, il faut qu’il y ait une réponse active à ce don : « Ensemble, nous sou­lignons aussi que la vie spirituelle est une bataille per­manente qui demande l’humilité voulue pour ne pas prétendre atteindre la sainteté par nos propres moyens. L’accent doit toujours être mis sur l’œuvre de Dieu en nous » (n. 17). En outre, « les divisions entre les chré­tiens contredisent la sainteté à laquelle la communauté chrétienne est appelée » par la présence du Christ res­suscité (cf. 1 Co 11, 17-34) (n. 18).

La réflexion biblique de ce paragraphe se conclut par la citation du passage de l’évangile de Jean où le Christ est identifié avec le Verbe qui « était au com­mencement tourné vers Dieu » (Jn 1, 2)… « pain vivant descendu du ciel » (Jn 6, 51), qui nous permet de mieux comprendre pourquoi Parole et sacrements sont inti­mement liés dans la vie de l’Église ». Vient ensuite une réflexion sur « le dynamisme de la Parole de Dieu » (pa­ragraphe 2.3), puis sur l’unité entre Parole et sacrement (paragraphe 2.4). Dans les Écritures, la Parole de Dieu appelle une réponse. Dans le Nouveau Testament, le Verbe de Dieu se fait chair : « Le Verbe incarné est le mystère central du Nouveau Testament : le dessein ca­ché de Dieu est maintenant révélé. Parole de Dieu et mystère sont deux façons d’exprimer une seule et même réalité : celle du Christ mort et ressuscité… » (n. 19).

Cette brève réflexion sur le dynamisme de la Parole du Christ conduit à quelques considérations sur « l’unité entre la Parole et le sacrement » (n. 20-25). « Chez les premiers chrétiens, Parole et sacrements n’étaient pas considérés comme deux réalités distinctes, mais comme deux façons de se référer à la même réa­lité » (n. 20). « À cause du sens biblique de la Parole de Dieu, l’Église primitive croyait que les paroles de Jésus, prononcées dans un sacrement, étaient rendues effi­caces par l’intervention divine. Au Moyen-Âge, les théologiens catholiques reprirent cet enseignement ». « La croyance dans le pouvoir du baptême de remettre les péchés était centrale dans le mouvement des Dis­ciples à ses débuts ». « À la base de toute croyance sa­cramentelle, il y a la conviction du pouvoir et de la vo­lonté de Dieu de répondre, par l’action de l’Esprit Saint, aux prières de ceux qui l’invoquent avec foi » (n. 21).

Deux paragraphes (n. 22-23) explorent la façon dont la Parole de Dieu est écoutée et reçue par la communauté ecclésiale dans les deux communions. Dans l’une comme dans l’autre, les célébrations du baptême et de l’eucharistie comportent habituellement la lecture de passages de l’Ancien et du Nouveau Tes­tament. Dans la célébration du baptême, le comman­dement de Jésus de baptiser est répété, et dans celle de l’eucharistie, les paroles d’institution de Jésus sur le pain et le vin (telles qu’elles sont rapportées dans les évangiles ou chez saint Paul) sont fidèlement répétées (n. 22). La prédication dans le cadre d’un culte sacra­mentel est considérée, elle aussi, comme une extension de la Parole efficace de Dieu, des paroles sur le Verbe incarné. Le Christ est présent dans la parole prêchée. « Ensemble, catholiques et Disciples croient dans le pouvoir de la prédication ». « Notre accord sur le pou­voir de la Parole de Dieu proclamée nous a aidés à cla­rifier le rôle du ministre ordonné comme témoin de la Parole transmise dans l’Église » (n. 23).

« Parce que le Christ est la Parole vivante de Dieu, la célébration de la parole et des sacrements est un acte efficace, et pas seulement un mémorial du passé ou une lecture de ce qui est écrit. Ensemble, Disciples et ca­tholiques croient que dans l’Église, le Christ lui-même agit dans les sacrements » (n. 24).

Le bref résumé que l’on trouve à la fin de la deu­xième partie met ces thèmes fondamentaux en relation étroite entre eux (n. 25), en préparant ainsi le terrain pour la discussion sur la présence du Christ dans l’eucharistie, dans la troisième partie.

 

Réflexion sur la Deuxième partie

Tant la première que la deuxième partie montrent que la réflexion sur ces questions nous mène au cœur de l’Église, en mettant en lumière deux traits distinctifs de l’Église, son unité et sa sainteté. Disciples et catho­liques s’accordent à dire que « l’unité visible de l’Église est au cœur de l’Évangile » (Première partie, n. 5). « La sainteté de l’Église est un don de Dieu. Le Fils de Dieu s’est livré pour elle, pour qu’elle soit sanctifiée et de­vienne à son tour source de sanctification » (Deuxième partie, n. 17). Ensemble, ils reconnaissent la nature di­vine de l’Église, dont l’existence même répond à la vo­lonté révélée de Dieu, et n’est pas une construction humaine.

Dans la deuxième partie, la Commission approfon­dit sa réflexion christologique et ecclésiologique en vue de la discussion sur l’eucharistie, dans la troisième par­tie. Réfléchir ensemble sur la présence du Christ res­suscité dans le monde et dans l’Église est une façon de rendre témoignage à la promesse du Christ d’être « avec nous tous les jours », comme toile de fond pour explo­rer les questions plus spécifiques de la présence du Christ dans l’eucharistie et de l’eucharistie comme sa­crifice, et pour aborder ces thèmes centraux avec la volonté de surmonter les anciennes divisions en la ma­tière.

L’accent mis sur l’unité entre Parole et sacrements, dans la deuxième partie, a de grandes implications ec­clésiologiques. La Réforme, dont les Disciples partagent l’héritage, avait eu tendance à définir l’Église plutôt en termes de Parole, comme creatura verbi, créa­ture de la parole. De son côté, l’Église catholique met­tait l’accent surtout sur l’aspect sacramentel de l’Église (cf. LG 1). Les dialogues en cours entre l’Église catho­lique et les Églises issues de la Réforme ont commencé à découvrir des convergences entre ces deux visions de l’Église. La Commission n’a pas cherché à approfondir le thème Parole et sacrements du point de vue de l’Église. Mais l’équilibre qui apparaît dans ce rapport entre Parole et sacrements, dont les implications ecclé­siologiques ne sont pas développées ici, pourrait jouer un rôle important dans les dialogues futurs entre Dis­ciples et catholiques à la recherche d’une plus grande convergence sur l’Église.

 

Troisième partie : la présence du Christ dans l’eucharistie (n. 26-62)

La troisième partie, la plus longue de ce rapport, comprend trois paragraphes, traitant chacun un point important : « L’eucharistie, sacrement de communion dans le Christ », « L’eucharistie, sacrement de la pré­sence réelle du Christ » et « L’eucharistie, sacrement du sacrifice du Christ ».

Quelques caractéristiques de cette troisième partie méritent d’être soulignées. Premièrement, on y retrouve à chaque paragraphe la forte trame christologique pré­sente depuis le début de ce rapport. Deuxièmement, les références à l’urgence de réaliser l’unité visible en Christ sont remarquables. Troisièmement, une métho­dologie efficace est utilisée au début de la troisième partie (elle sera reprise dans la quatrième partie), con­sistant à situer tout d’abord la question dans une pers­pective historique en étant attentif aux conflits dont elle a fait l’objet au moment de la Réforme, puis, sur cette toile de fond, à décrire les enseignements plus récents des Disciples et des catholiques sur cette même ques­tion, qui ont contribué à surmonter les incompréhen­sions du passé. Quatrièmement, les communications sur la présence réelle du Christ dans l’eucharistie et sur l’eucharistie comme sacrifice montrent qu’une conver­gence et un consensus sont en train de s’établir sur ces questions dans le monde œcuménique en général, à la suite des dialogues bilatéraux et multilatéraux dans les­quels se sont engagées nombre d’Églises et de commu­nions chrétiennes mondiales. Dans d’autres dialogues, Disciples et catholiques ont eux aussi contribué à ce consensus/convergence.

Le paragraphe 3.1 (L’eucharistie, sacrement de communion en Christ) commence par énoncer les points sur lesquels il y a accord. « Disciples et catho­liques partagent la conviction que l’eucharistie est au centre de la vie de l’Église : dans l’eucharistie, nous ne faisons qu’un dans le Christ ressuscité et nous écoutons ensemble sa Parole » (n. 26). Ensemble, « ils enseignent que l’Église est communion en Christ et qu’elle est ca­ractérisée par l’unité visible dans laquelle nous recevons l’eucharistie, sacrement de l’unité de l’Église » (n. 27). Ils affirment que « l’unité visible de l’Église est telle­ment centrale pour les catholiques comme pour les Disciples que les divisions qui nous empêchent de par­tager ensemble l’eucharistie sont particulièrement dou­loureuses » (n. 28). Enfin, ils signalent quelques diver­gences importantes entre eux qui nécessitent un dia­logue plus approfondi : « Nos visions différentes de l’Église et de son unité nous ont conduits à des pra­tiques différentes en ce qui concerne la participation à l’eucharistie » (n. 28).

Le paragraphe 3.2 (L’eucharistie, sacrement de la présence réelle du Christ) donne le ton à un débat qui va donner lieu à de nouvelles affirmations communes importantes : « Disciples et catholiques croient que le sa­crement de l’eucharistie est le lieu par excellence de la présence du Christ, où ses paroles sont répétées en obéissance à son mandat et rendues efficaces par l’Esprit Saint, qui réalise pour les croyants rassemblés ce que le Christ a promis à ses disciples durant la der­nière Cène ». Ensemble, Disciples et catholiques « croient au pouvoir de la célébration eucharistique, qui est pour eux la prière primordiale et centrale de l’Église, la communion au corps et au sang du Christ » (n. 29).

Vient ensuite une brève description des principaux développements historiques relatifs à la présence réelle du Christ dans l’eucharistie (n. 30-37) dont le dialogue a dû tenir compte. Pendant tout le premier millénaire, « la présence réelle du Christ dans le pain et dans le vin eucharistiques a été reconnue sans contestation signifi­cative ». Au IVe siècle, la doctrine eucharistique de la conversion (conversio) du pain et du vin était déjà assez développée et se reflétait dans le langage patristique (n. 31). Les premières controverses sur la nature du chan­gement intervenu dans l’eucharistie apparurent dans l’Église d’Occident à la fin du premier millénaire. Théologiens, synodes et papes commencèrent à utiliser le terme de « transsubstantiation » pour décrire la con­version du pain et du vin dans le corps et le sang du Christ. Ce concept entra dans l’enseignement officiel de l’Église en 1215, quand le IVe Concile du Latran l’appliqua à l’eucharistie. Son sens fut ensuite précisé au XIIIe siècle par Thomas d’Aquin, qui fit appel aux ca­tégories aristotéliciennes de substance et d’accident pour affirmer le changement réel du pain et du vin dans le corps et le sang du Christ, tout en rejetant les inter­prétations matérialistes de l’eucharistie (n. 33). Les ré­formateurs du XVIe siècle contestèrent l’explication de la présence du Christ dans l’eucharistie donnée par l’Église catholique établie. Alors que Luther « recon­naissait la présence réelle du Christ dans l’eucharistie sous les espèces du pain et du vin », et que Calvin af­firmait que « la vérité de ce mystère nous échappe donc, sauf si le vrai pain représente le vrai corps du Christ », tous deux contestèrent l’emploi du terme transsubstantiation (n. 34). Le Concile de Trente « dé­fendit la présence véritable et substantielle du Christ contre toute tentative pour n’y voir qu’un « signe » ou une « figure », ou pour combiner la présence du Christ avec celle subsistante du pain et du vin… Il utilisa le terme et le concept de transsubstantiation pour affir­mer que le pain et le vin sont changés dans le corps et le sang du Christ » (n.35).

Les Disciples se sont séparés des Églises presbyté­riennes au XIXe siècle. Ils ont « continué à s’opposer aux traditions eucharistiques qui donnent une explica­tion trop précise et détaillée de la présence du Christ. Cependant, Disciples et catholiques partagent la con­viction que le sacrement de l’eucharistie est le lieu par excellence de la présence du Christ, où ses paroles sont répétées en obéissance à son mandat, et rendues effi­caces par l’Esprit Saint, qui réalise pour les croyants rassemblés ce que le Christ a promis à ses disciples du­rant la dernière Cène » (n. 36). Les Disciples ont tou­jours vu dans le repas du Seigneur bien plus qu’un simple mémorial de la dernière Cène. Ils ont critiqué l’emploi du terme transsubstantiation parce qu’il im­plique une explication métaphysique non nécessaire à leurs yeux. Formés dans le climat philosophique du réalisme écossais fondé sur le bon sens, ils ont inter­prété dans un tout autre sens les catégories d’accident et de substance utilisées par Thomas d’Aquin, à tel point que la transsubstantiation avait fini par signifier quasiment le contraire de ce que Thomas d’Aquin en­tendait par ce terme (n. 37).

À la lumière de cet aperçu historique, dans le para­graphe sur « l’enseignement actuel des catholiques et des Disciples sur la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie » (n. 38-45), la Commission commence par reconnaître sa dette à l’égard du mouvement œcu­ménique « qui a rendu possible une meilleure compré­hension mutuelle des différentes approches de la ques­tion de la présence réelle du Christ dans l’eucharistie », tout en étant admettant qu’il s’agit un grand mystère de notre foi, recelant une profondeur de sens inexhaus­tible (n. 38). Par ailleurs, la Commission souligne l’importance des études bibliques tenues durant les ses­sions, qui ont donné aux participants l’occasion de ré­fléchir ensemble sur toutes les diverses façons dont la présence de Dieu s’exprime dans la Bible, en les met­tant en relation avec la présence du Christ dans l’eucharistie. Ainsi, dans l’évangile de saint Jean, le pas­sage où Jésus se révèle comme Pain de vie (cf. n. 39).

Dans un tel climat, chaque partie a illustré les élé­ments qu’elle apporte à la discussion, tout en recher­chant avec ses partenaires une vision commune sur la présence du Christ dans l’eucharistie. L’enseignement catholique actuel « a élargi son champ de vision lorsque, en réfléchissant sur les principes du renouveau liturgique, il a mis en lumière les diverses formes sous lesquelles le Christ est présent dans les célébrations li­turgiques de l’Église » (n. 40). Cependant, « le terme transsubstantiation a gardé une valeur normative dans l’enseignement catholique actuel ». En utilisant ce terme, le Concile de Trente entendait affirmer le mys­tère de la présence réelle du Christ dans l’eucharistie tout en s’opposant à deux positions extrêmes : celle pour qui le Christ n’est présent qu’en « signe » ou en « figure » à côté du pain et du vin qui subsistent, et celle qui rejette toute interprétation matérialiste de la pré­sence du Christ. « Le sens donné à ce terme par le Concile de Trente se retrouve dans l’enseignement ca­tholique, qui dit que le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Seigneur ressuscité et glorifié » (n. 41).   

Les premiers Disciples n’ont pas utilisé le langage de la transsubstantiation pour définir leur croyance dans la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, et « au­jourd’hui encore, le cadre conceptuel dans lequel ce terme est apparu à l’origine ne leur est pas familier ». Mais ils reconnaissent que « la réflexion menée à la fin du XXe siècle sur la notion aristotélicienne de « subs­tance » et sur son utilisation par Thomas d’Aquin et d’autres théologiens de son temps a fait apparaître les erreurs d’interprétation dont cette terminologie a pu faire l’objet dans le passé. Qui plus est, les Disciples sont d’accord pour dire que la signification véritable du pain et du vin dans l’eucharistie ne saurait se réduire à leurs caractéristiques physiques. Ce faisant, ils recon­naissent le mystère de la présence du Christ dans l’eucharistie, qui fait de la réception du pain et du vin une vraie communion à son corps et à son sang » (n. 42). Par ailleurs, les Disciples « ont une façon qui leur est propre de décrire la présence du Christ dans l’eucharistie : ils disent que le Christ est l’hôte du ban­quet eucharistique, et que sa présence est vécue par les fidèles dans la communion. Ils affirment en outre que par la puissance de l’Esprit Saint, le pain et le vin de­viennent pour nous, dans la foi, le corps et le sang du Christ » (n. 43). Les Disciples reprennent volontiers à leur compte les paroles du texte de convergence de Foi et Constitution sur Baptême, Eucharistie, Ministère (BEM, 1982) qui met en évidence les trois points suivants : « la présence du Christ dans l’eucharistie est réelle, vivante et agissante » ; « elle est singulière et ne dépend pas de la foi des individus » (E 13) ; dans la célébration de l’eucharistie « l’Esprit Saint rend le Christ crucifié et ressuscité réellement présent pour nous dans le repas eucharistique » (E 22). Ces trois points, affirmés par les Disciples, sont très proches de l’enseignement catho­lique.

À la fin de ce paragraphe, la Commission se penche sur la question de la réserve des éléments consacrés. Les catholiques ont expliqué que son origine remonte à l’Église primitive et ont clarifié son sens profond, en soulignant que les instructions liturgiques catholiques postérieures à Vatican II disent que l’adoration du Christ dans le Saint-Sacrement est une extension de l’action sacramentelle de la célébration eucharistique dont le but est de favoriser la communion sacramen­telle et spirituelle. Les Disciples ont accueilli bien vo­lontiers cette clarification à propos d’une pratique qui ne leur est pas familière. Tout en considérant qu’elle peut donner lieu à des malentendus, ils ne la condamnent pas formellement ici et disent respecter la tradition de prière contemplative et communautaire à laquelle elle a donné naissance (n. 44).

La discussion sur la présence réelle du Christ dans l’eucharistie s’achève par une déclaration de conver­gence nuancée, mais importante. « Disciples et catho­liques utilisent un langage différent pour décrire la pré­sence réelle du Christ dans l’eucharistie et mettent l’accent sur des aspects différents de ce mystère. Mais ensemble, ils proclament le mystère de la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, et spécialement dans le pain et le vin, et ensemble ils rejettent les interpréta­tions réductionnistes selon lesquelles cette présence ne serait que matérielle ou figurée. La Commission a at­teint une réelle convergence sur ce point une fois dis­sipées les incompréhensions mutuelles, tout en admettant que des divergences subsistent encore » (n. 45).

Le paragraphe 3.3 (L’eucharistie, sacrement du Sa­crifice du Christ) aborde la dimension sacrificielle de l’eucharistie. Il s’ouvre sur une déclaration commune qui donne le ton au débat sur ce thème très controversé parmi les chrétiens séparés. « Ensemble, les Disciples et les catholiques croient que le sacrement de l’eucharistie actualise d’une façon spéciale le sacrifice du Christ sur la croix, ainsi que toute sa vie, son ministère, et sa pas­sion qui l’a mené à la croix ». Ce thème est au cœur de la vie de l’Église : « La prière eucharistique rappelle non seulement la passion du Christ, mais toute l’histoire de la création et de la rédemption, en attendant la con­sommation de l’œuvre du Christ quand il reviendra. L’Église répond ainsi à l’exhortation paulinienne d’annoncer la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (1 Co 11, 26) » (n. 46).

On trouve d’abord un bref aperçu historique sur la dimension sacrificielle de l’eucharistie (n. 47-51) qui commence par présenter la perspective néotestamen­taire. La mort du Christ en croix « est décrite comme une offrande du Christ Grand prêtre qui, « au lieu d’offrir des sacrifices chaque jour, l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même… pour les péchés » (He 7, 27). La dimension sacrificielle de la mort du Christ est préfigurée dans la dernière Cène où, d’après Paul et les évangélistes, Jésus a mis en relation le pain et le vin avec son corps « offert pour vous », et avec son sang « versé pour vous », en scellant ainsi une nouvelle al­liance par son sang (Mt 22, 26-28, Mc 14, 22-25, 1 Co 11, 23-27). Les théologiens de l’Église primitive ont continué à donner une interprétation sacrificielle de l’eucharistie (n. 47), mais au Moyen-Âge, dans l’Église d’Occident, la réflexion théologique s’est attachée sur­tout à l’interprétation sacrificielle de l’eucharistie, et beaucoup moins à la présence réelle du Christ (n. 48).

L’enseignement patristique sur le sacrifice eucharis­tique développé au cours de cette période comprend des positions qui deviendront des motifs de conflit et de division sur la théologie eucharistique à l’époque de la Réforme. Parmi ces enseignements, l’affirmation que la messe est un acte de réparation pour des péchés, pouvant être offert chaque jour pour les vivants et les morts, et que la participation des laïcs au sacrifice con­siste principalement dans une identification spirituelle avec le Christ dans sa passion. Le caractère propitia­toire du sacrifice a encouragé la croyance que des messes particulières pouvaient être dites avec une in­tention votive spécifique, ce qui a conduit à la pratique d’offrir des messes pour l’âme des donateurs, de leurs proches, de leurs amis (n. 48). Luther et d’autres réfor­mateurs du XVIe siècle condamnèrent ces interpréta­tions théologiques et ces pratiques. Pour eux, considé­rer la messe comme un sacrifice, c’était en faire une « œuvre », ce qui était contraire à leur théologie de la grâce de Dieu. Ils voyaient plutôt dans l’eucharistie un mémorial du sacrifice du Christ sur la croix accompli une fois pour toutes, suffisant pour racheter les péchés des hommes. Les réformateurs n’étaient pas tous d’accord entre eux sur le sens à donner à ce « mémo­rial » (n. 49). Le Concile de Trente, citant les enseigne­ments des premiers siècles de l’Église, réaffirme que la messe est un sacrifice vrai et propre, et non une « simple commémoration ». Il enseigne que le Christ, qui s’est livré sur la croix une fois pour dans un sacri­fice sanglant, est celui-là même qui est présent et im­molé de façon non sanglante dans la messe (n. 50). Au XIXe siècle, les Disciples reçoivent et reprennent à leur compte, sans trop la discuter, la condamnation par les réformateurs des interprétations sacrificielles de l’eucharistie. Ils voient plutôt dans l’eucharistie un re­pas au cours duquel le sacrifice offert consiste dans la louange et l’action de grâce des croyants.

Dans cette perspective, le rapport présente au para­graphe 3.3.2 l’enseignement actuel des catholiques et des Disciples sur la dimension sacrificielle de l’eucharistie (n. 52-57). Les avancées œcuméniques, et notamment les convergences découvertes dans le cadre d’autres dialogues, ont beaucoup contribué à un rap­prochement entre catholiques et Disciples sur cette question qui les opposait autrefois. Ensemble, ils déclarent qu’ils « saluent le retour au sens biblique du mémorial (anamnèse) au XXe siècle, selon lequel ce qui est remémoré est re-présenté ou réactualisé par l’assemblée des fidèles ». En effet, le concept biblique de mémorial a beaucoup contribué à faire avancer le dialogue œcuménique. Dans ce dialogue-ci, le rapport affirme que pour les catholiques, l’anamnèse est un outil conceptuel qui permet d’expliquer, dans la fidélité au Concile de Trente, comment le don de soi du Christ accompli une fois pour toutes sur la croix peut se con­cilier avec sa présence permanente sous une forme sa­cramentelle. Le retour au sens biblique du mémorial a aidé à corriger certaines interprétations déviées des en­seignements du Concile de Trente. Pour les Disciples, le retour au sens biblique du mémorial a permis de ne pas voir uniquement dans ce terme un rappel mental (n. 52).

Comme nous l’avons vu, l’une des caractéristiques de ce rapport est sa contribution au consensus qui est en train se créer sur l’eucharistie dans le mouvement œcuménique au sens large. Car ici encore, le rapport cite BEM (n. 53-54), à la rédaction duquel catholiques et Disciples ont participé parmi beaucoup d’autres tra­ditions, et qui s’est avéré particulièrement utile dans la discussion sur le mémorial (anamnèse). Le rapport cite également la réponse officielle de l’Église catholique à BEM (1987), l’une des 200 réponses officielles en­voyées par les diverses Églises et communions.

Certaines affirmations faites par les Disciples pour illustrer la convergence ainsi apparue suggèrent même qu’ils seraient plus proches de la réponse catholique à BEM – laquelle contient aussi une critique de BEM – que du texte de BEM. Les choses se sont passées de la façon suivante : Le n. 8 de BEM (L’Eucharistie) dit : « L’eucharistie est le sacrement du sacrifice unique du Christ, toujours vivant pour intercéder en notre fa­veur », et le commentaire ajoute : « C’est à la lumière de cette signification de l’eucharistie comme intercession que l’on peut comprendre les références à l’eucharistie comme ‘sacrifice propitiatoire’ en théologie catholique. Il n’y a qu’une expiation, celle du sacrifice unique de la croix, rendu agissant dans l’eucharistie et présenté au Père dans l’intercession du Christ et de l’Église pour toute l’humanité ». La Commission ajoute : « L’eucharistie est un sacrifice de louange et d’action de grâce offert par les fidèles en union avec le Christ ; en s’unissant au Christ, ils sont rendus participants du don de soi qui constitue le sacrifice du Christ au Père. L’eucharistie re-présente donc pour ceux qui y prennent part le sacrifice de la croix ; et la communion au corps et au sang du Christ est à la fois un appel à suivre le Christ et une réaffirmation de notre condition de disciple » (n. 53). Ces éclaircissements ont aidé à mieux comprendre la perspective catholique sur l’eucharistie comme sacrifice propitiatoire, mal connue des autres traditions et rejetée par les réformateurs au XVIe siècle.

D’autre part, « la Commission a trouvé que la pers­pective développée dans Baptême, Eucharistie, Ministère était très utile pour comprendre l’interprétation sacrifi­cielle de l’eucharistie» (n. 54). Elle note que la réponse catholique officielle à BEM (1987) donne une évalua­tion généralement positive de BEM, tout en exprimant des réserves sur un point particulier : « la notion d’intercession ne paraît pas suffisante pour expliquer la dimension sacrificielle de l’eucharistie telle que les ca­tholiques la conçoivent ». Dans cette réponse, ils réaffirment que le sacrifice du Christ, accompli une fois pour toutes, n’est pas répété. Mais puisque le Grand prêtre est le Seigneur crucifié et ressuscité, on peut considérer que ce sacrifice est « rendu éternel », une idée que le terme « intercession » ne rend pas pleine­ment. Ils précisent en outre que la foi catholique « lie plus étroitement l’aspect sacrificiel de l’eucharistie au sacrement du corps et du sang [du Christ] qu’il n’apparaît dans ce texte » (n. 54).

Ayant éclairci ce point, le rapport continue en disant que « la Commission a découvert davantage de points communs sur la nature sacrificielle de l’eucharistie que ceux reconnus précédemment. Nos deux traditions en­seignent que le sacrifice du Christ a eu lieu une fois pour toutes et ne peut être répété. Dans la célébration de l’eucharistie, l’Église rappelle et re-présente le sacri­fice du Christ de façon sacramentelle ». La Commission illustre cette convergence en citant des textes fondateurs des Disciples des années 1937 à 1998 qui présentent de fortes analogies avec le Catéchisme de l’Église catholique. En outre, les affirmations des Disciples sur le sacrifice du Christ et sur l’eucharistie « laissent entrevoir une convergence plus marquée avec la réponse de l’Église catholique romaine à Baptême, Eucharistie, Ministère qu’avec le texte de BEM lui-même » (n. 55).

En outre, Disciples et catholiques s’accordent à dire que l’eucharistie est le sacrement du sacrifice du Christ. « Et bien que le sacrifice du Christ sur la croix soit ad­venu une fois pour toutes et ne puisse être répété, les chrétiens sont rendus participants du don de soi du Christ dans la célébration eucharistique ». Ici encore, des textes fondateurs des Disciples (The Church for Dis­ciples of Christ, 145) et des catholiques (Catéchisme de l’Église catholique, 1368) sont citées à l’appui de cette convergence (n. 56).

Cette réflexion sur la dimension sacrificielle de l’eucharistie s’achève par le résumé suivant : « En­semble, Disciples et catholiques affirment que le sa­crement de l’eucharistie rend présent le sacrifice du Christ, accompli une fois pour toutes. La Commission a été surprise en découvrant l’ampleur des conver­gences ainsi mises en lumière, tout en reconnaissant qu’il existe entre nous des accentuations et des inter­prétations doctrinales différentes » (n. 57).

 

Réflexion sur la troisième partie

L’exploration, dans la troisième partie du rapport, de la présence du Christ dans l’eucharistie et de la di­mension sacrificielle de l’eucharistie a permis de mettre en lumière de nombreuses convergences et accords, mais aussi de constater quelques divergences sur ces importantes questions. Sur certaines questions, comme la réserve eucharistique, les clarifications apportées ont contribué à dissiper les malentendus, même si les posi­tions des uns ne sont pas partagées par les autres.

La présentation faite dans ce rapport révèle la com­plexité des divisions à surmonter. Notre réflexion a montré que, outre les questions théologiques à traiter, avec à l’arrière-plan des facteurs historiques, les diffé­rences philosophiques ont aussi joué un rôle comme facteur qui a conduit à des malentendus durables, né­cessitant d’être clarifiés. On en trouve un bon exemple dans la troisième partie : « Les premiers Disciples se sont formés dans le climat philosophique du réalisme écossais fondé sur le bon sens, où ce que Thomas ap­pelait accident était interprété comme représentant le réel, et où ce qu’il appelait substance était considéré comme une abstraction non nécessaire. Dans ce climat philosophique si différent, la transsubstantiation avait fini par signifier quasiment le contraire de ce que Thomas d’Aquin entendait par ce terme » (n. 37). La complexité des questions en jeu dans les divisions aux­quelles nous sommes confrontés montre que le dia­logue est un défi qui demande beaucoup de patience pour clarifier les points à traiter et à résoudre.

Autre point qui mérite d’être souligné : la réflexion sur l’eucharistie menée dans le cadre de ce dialogue a beaucoup profité des avancées réalisées sur ces mêmes questions par le mouvement œcuménique dans son en­semble, tout en contribuant à son tour au développe­ment d’une vision commune à tous les chrétiens. Ainsi, la réflexion menée dans la troisième partie s’est ap­puyée expressément sur le document de Foi et Consti­tution Baptême Eucharistie et Ministère (BEM, 1982), cité aussi par d’autres dialogues. Ce que BEM a réalisé est emblématique, dans une large mesure, des avancées du mouvement œcuménique sur la question de la présence réelle du Christ dans l’eucharistie et sur celle de la di­mension sacrificielle de l’eucharistie. Le traitement de ces deux questions dans ce dialogue confirme les avan­cées réalisées dans d’autres dialogues, qui sont impor­tantes, même s’il reste encore du travail à faire pour trouver un consensus sur certains points. En ce sens, les acquis de ce dialogue montrent l’importance du mouvement œcuménique en général, et le rôle du dia­logue au sein de ce mouvement.

Alors que Foi et Constitution et BEM révèlent l’importance du dialogue multilatéral sur ces diverses questions, le présent dialogue bilatéral – tout comme beaucoup d’autres – montre l’importance de l’approche bilatérale. Le dialogue international doit prendre en compte le point de vue des diverses Églises et commu­nions chrétiennes mondiales en soignant les anciennes blessures, en dissipant les malentendus, et en résolvant les profondes divergences qui existent entre certains groupes en particulier. C’est quelque chose que le dia­logue multilatéral n’est pas toujours en mesure de faire à lui seul. Dans le présent dialogue, on peut voir com­ment deux communions mondiales ont abordé les points spécifiques sur lesquels elles étaient en désac­cord en découvrant, dans ce cas-ci, des convergences significatives qui contribuent à la fois à leur réconcilia­tion et au progrès de tout le mouvement œcuménique.

 

Quatrième partie : Le sacerdoce du Christ et de ses ministres

Le rapport aborde, dans la quatrième partie, (Le sa­cerdoce du Christ et de ses ministres) les diverses mo­dalités selon lesquelles le langage sacrificiel a été appli­qué à ceux qui président à l’eucharistie.

L’aperçu historique sur ce sujet (n. 58-62) com­mence par noter que le Nouveau Testament n’applique pas le terme de prêtre à ceux qui président à l’eucharistie communautaire. Mais « à mesure qu’un pa­rallèle est établi entre l’eucharistie et la dernière Cène dans le symbolisme liturgique et théologique de la pé­riode patristique, en s’appuyant sur Hébreux 10,10 et sur l’Ancien Testament, celui qui préside à l’eucharistie en vient à être considéré comme étant dans un rapport sacramentel avec le don de soi du Christ Grand prêtre, et a été appelé prêtre » (n. 58). Dès le début de la pé­riode patristique, la théologie et la pratique des Églises d’Orient et d’Occident reconnurent la dimension sa­cramentelle de l’ordination à la prêtrise dans ses diffé­rents ordres : évêque, prêtre, diacres (n. 59).

Au XVIe siècle, le Concile de Trente, « en ligne avec cette tendance ancienne, réaffirme cet enseignement doctrinal en concentrant son attention en particulier sur l’ordination à la prêtrise. Durant la dernière Cène, le Christ a fait de ses apôtres des prêtres, en leur confiant le mémorial du sacrifice son corps et de son sang » (n. 59). Si le Concile de Trente a insisté sur ces éléments, c’est parce qu’il entendait réaffirmer les points contes­tés par les réformateurs, et en particulier la dimension sacrificielle de l’eucharistie, le caractère sacerdotal du ministère ordonné, et le caractère sacramentel de l’ordination. Tout en reconnaissant l’importance du ministère ordonné pour l’Église, les réformateurs met­taient plutôt l’accent sur la prédication et sur les tâches pastorales des ministres ordonnés. En outre, les réfor­mateurs luthériens, réformés et anabaptistes d’Europe furent amenés à devoir choisir entre continuité de l’office épiscopal et continuité de l’enseignement. C’est ainsi qu’ils supprimèrent ou limitèrent l’office épiscopal en soutenant que la succession apostolique dépend principalement de la continuité de l’enseignement. Ils cessèrent d’attribuer aux ministres ordonnés le nom de « prêtre » préférant parler du « sacerdoce des fidèles ». Les Disciples ont recueilli cet héritage de la Réforme (n. 60).

Les clarifications sur l’enseignement catholique ap­portées par le Concile Vatican II ont contribué à faire apparaître des convergences avec le point de vue des Disciples dans certains domaines, tout en accentuant les divergences dans d’autres domaines. D’un côté, le Concile parle du « sacerdoce commun » de tous les fi­dèles qui, « en vertu de leur sacerdoce royal, ont part à l’offrande eucharistique et exercent ce sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l’action de grâce, par le témoignage d’une vie sainte, par l’abnégation et la charité active » (n. 61). Disciples et catholiques sont d’accord sur ce point (n. 64). De l’autre, Vatican II af­firme que le sacerdoce ministériel de l’ordonné diffère du sacerdoce commun « essentiellement et non pas seulement en degré », car il « instruit et gouverne le peuple sacerdotal » et « accomplit le sacrifice eucharis­tique » (LG 10) (n. 61). Cette distinction est « étrangère à la tradition des Disciples, pour qui l’ordonné a pour tâche d’appeler la communauté à assumer son identité dans le Christ et de représenter le Christ auprès de la communauté » (n. 71). En outre Vatican II, en suivant une tradition très ancienne, considère l’épiscopat, da­vantage encore que le presbytérat, comme étant la caté­gorie fondamentale pour la compréhension du minis­tère ordonné, et met l’accent sur la sacramentalité du ministère épiscopal et sur la collégialité des évêques agissant ensemble comme successeurs des apôtres. Le ministère de l’évêque est considéré comme une partici­pation au sacerdoce du Christ (n. 62). Il s’agit là d’une différence importante par rapport aux Disciples, héri­tiers de la Réforme qui a supprimé ou limité l’office de l’évêque (n. 60). Mais par ailleurs, Vatican II accorde une grande importance à la prédication dans le minis­tère des évêques et du clergé (n. 62) ; or la prédication est également considérée comme étant fondamentale pour les ministres des traditions qui se réclament de la Réforme (n. 60).

Le paragraphe qui traite de « l’enseignement actuel des catholiques et des Disciples sur la dimension sacer­dotale du ministère ordonné » (paragraphe 4.2, n. 63-72) présente d’autres convergences et divergences im­portantes mises en lumière dans le dialogue. Pour citer brièvement quelques convergences : « Ensemble, les Disciples et les catholiques affirment que l’unique sa­cerdoce du Christ est la mesure et la norme de tout sa­cerdoce... Par sa mort et sa résurrection, en instituant son rôle unique et éternel de Grand prêtre, il a inauguré un nouveau rapport entre Dieu et les hommes (cf. Jn 17, 21) » (n. 63). Ils s’accordent à dire en outre que « le Christ a fait des baptisés un peuple sacerdotal dont les membres sont liés au Christ, et donc liés les uns aux autres comme membres de son corps [qui se doit] d’offrir des sacrifices de louange et d’action de grâce (He 13, 15, Ps 116, 17)… et de présenter leurs corps comme un sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel (Rm 12, 1) » (n. 64) ; que « le ministère ordonné doit être considéré dans le cadre de l’apostolicité de l’Église » (n. 65) ; que « l’Esprit Saint dispense une variété de dons ou de charismes qui permettent à l’Église dans son ensemble de recevoir et de transmettre la Tradition apostolique. Les dons essentiels sont ceux qui sont propres au culte, surtout  à la célébration de la Cène du Seigneur » (ECDC 41). Mais parmi la variété des dons accordés à l’Église, le ministre ordonné reçoit le charisme particulier de maintenir la communauté dans la mémoire de la tradition aposto­lique. Ensemble, Disciples et catholiques romains af­firment que « le ministère chrétien existe pour actuali­ser, transmettre et interpréter fidèlement la Tradition apostolique dont l’origine remonte à la première généra­tion » (ECDC 44) » (n. 66).

Ils mentionnent également leurs divergences : « Tout en reconnaissant qu’il existe un rapport entre ministère ordonné et continuité de la tradition aposto­lique, Disciples et catholiques interprètent et définissent ce rapport différemment ». Comme nous l’avons vu, une différence fondamentale est celle qui a trait à l’épiscopat. Les Disciples sont issus de la tradi­tion de la Réforme « qui a rejeté l’épiscopat tel qu’il existait au XVIe siècle ». Ils mettent surtout l’accent sur l’Église locale, ayant toujours reconnu que « la tâche ministérielle, répartie dans la communauté locale entre les ministres ordonnés et les anciens ordonnés, est essentielle pour la vie de l’Église », et qu’elle est « un signe de continuité avec la Tradition apostolique » (ECDC 45). Les catholiques, pour leur part, insistent plutôt sur le lien entre Église universelle et Église locale, en affir­mant que l’évêque, en coopération avec « les prêtres, les diacres et la communauté tout entière (…), et en communion avec tout le collège des évêques du monde entier uni à son chef, l’évêque de Rome, maintient vivante la foi apostolique dans l’Église locale afin que celle-ci puisse rester fidèle à l’Évangile » (ECDC 45) (n. 67).

Malgré ces différences, la Commission reconnaît que « dans les deux communions, les ministres ordon­nés jouent un rôle essentiel qui consiste à garder vi­vante la Tradition apostolique dans la communauté », en précisant que les raisons avancées à l’appui de cette affirmation, déjà mises en lumière dans une précédente phase du dialogue (CCIC n. 45), constituent « une con­vergence significative sur la nature apostolique de nos ministères ordonnés et sur la question de la succession apostolique, malgré certaines différences dans leur in­terprétation et leurs expressions » (n. 67).

Sur la question de la représentation du Christ par les or­donnés, la Commission affirme que Disciples et catho­liques sont à la fois en accord et en désaccord : ils sont d’accord pour dire que les ordonnés représentent le Christ, chef de l’Église, mais ils ne sont d’accord ni sur la nature de la représentation du Christ et sur sa source dans la succession apostolique, ni sur le rapport entre ministère ordonné et sacerdoce des fidèles (n. 68). La description de leurs différents points de vue suggère néanmoins que de nouvelles convergences seraient possibles sur certains points.

En premier lieu, ils sont en désaccord sur la repré­sentation du Christ par les ordonnés. Pour les catho­liques, « le sacerdoce commun des fidèles et le sacer­doce ministériel ou hiérarchique, ont entre eux une dif­férence essentielle et non seulement de degré, tout en étant ordonnés l’un à l’autre » (LG 10). Car d’une part, tous les fidèles prennent part au sacerdoce du Christ en vertu de leur baptême, et cette participation culmine dans l’eucharistie. De l’autre, conformément à l’intention et au mandat du Seigneur, cette vie sacra­mentelle requiert l’intervention d’un ministre aposto­lique, ordonné dans un sacrement distinct du baptême. Ainsi configuré au Christ, le prêtre peut agir en la per­sonne du Christ, le chef. Pour les catholiques, les mi­nistres ordonnés exercent cette fonction d’une manière spéciale dans l’eucharistie (n. 69). Chez les Disciples, en revanche, l’ordination n’est pas considérée comme un sacrement distinct du baptême, mais comme étant sa­cramentelle dans un sens plus large. Le fondement du ministère ordonné est Jésus Christ, le Grand prêtre, chef du corps qu’est l’Église. La communauté tout en­tière (le sacerdoce de tous les croyants) prend part au ministère éternel du Christ comme membre de son corps, mais les ministres ordonnés ont un rôle distinctif à remplir. « En tant que représentant du Christ, prési­dant à la table du Seigneur, le ministre ordonné sert d’hôte à table à la place du Christ. L’ordonné exerce son rôle sacerdotal en dirigeant l’offrande des sacrifices de louange et le culte » (n. 70).  

En second lieu, du fait qu’ils interprètent différem­ment le rapport entre l’ordonné et le sacerdoce du Christ, Disciples et catholiques conçoivent et expriment différemment le rapport entre le ministre ordonné et l’Église tout entière. Pour les catholiques, la participation des baptisés au sacerdoce du Christ et le sacerdoce ministériel diffèrent essentiellement, et non pas seulement en degré. Cette conception est étrangère à la tradition des Disciples, pour qui « l’ordonné a pour tâche d’appeler la communauté à assumer son identité en Christ et de représenter le Christ auprès d’elle ». En outre, les catholiques croient que ces deux formes de sacerdoce, bien que différant essentiellement entre elles, sont ordonnées l’une à l’autre, et que le ministère ordonné existe pour le bien de l’Église et pas en dehors d’elle. Tout en jugeant ces clarifications utiles, les Dis­ciples préfèrent mettre l’accent sur les dons accordés à tous les baptisés, et se méfient de toute description du ministère ordonné qui pourrait limiter ces dons (n. 71). En conclusion de la quatrième partie, on trouve un ré­sumé très utile des différents points d’accord et de dé­saccord découverts sur ces diverses questions (n. 72).

 

Réflexion sur la quatrième partie

Les questions relatives au ministère comptent parmi les plus difficiles du dialogue œcuménique. À la base des divergences entre les diverses familles de chrétiens sur le ministère, il y a leurs points de vue différents sur la nature de l’Église. C’est pourquoi les convergences sur l’Église indiquées ci-dessus, et les pas en avant vers une conception commune de l’Église, peuvent favoriser les progrès sur d’autres grands thèmes abordés dans ce rapport.

Malgré le grand défi que pose cette question du mi­nistère, ce dialogue a fait apparaître d’amples conver­gences sur ce point dans la quatrième partie, comme on a pu le voir. Nous avons là une base solide en vue de la poursuite du dialogue, pour affronter les autres ques­tions difficiles non encore résolues. Bien que des diver­gences subsistent encore, par exemple sur le caractère sacramentel du sacerdoce, les convergences apparues entre Disciples et catholiques sur les questions relatives au ministère nourrissent l’espoir qu’un dialogue pourra être édifié sur ce qui a été réalisé ici, en continuant à approfondir les questions encore en suspens.

La première différence importante est due au fait que chez les catholiques, l’ordination à la prêtrise mi­nistérielle est un sacrement distinct du baptême (n. 69), alors que Disciples ne la considèrent pas comme un sa­crement distinct du baptême, mais comme étant sacra­mentelle dans un sens plus large (n. 70). La deuxième différence est que chez les Disciples, un ministre or­donné ou un ancien préside normalement aux sacrements de l’eucharistie et du baptême (n. 60), alors que chez les catholiques, un prêtre (ou un évêque) ordonné préside nécessairement au sacrement de l’eucharistie.

La troisième différence notable a trait à l’épiscopat. Les Disciples sont les héritiers de la Réforme. Or en Europe, les principaux réformateurs ont été amenés à devoir choisir entre continuité de l’office épiscopal et continuité de l’enseignement. C’est ainsi qu’ils « sup­primèrent ou limitèrent l’office épiscopal, en affirmant que la succession apostolique dépendait principalement de la continuité de l’enseignement » (n. 60). Nés au XIXe siècle, les Disciples n’ont pas connu les affronte­ments directs et déchirants du XVIe siècle sur l’épiscopat, ce qui est un grand avantage pour la pour­suite de ce dialogue. La Commission n’avait sans doute pas inclus une discussion plus détaillée sur l’épiscopat parmi ses objectifs dans cette phase-ci du dialogue. Mais comme ce rapport fait référence au document BEM à propos de l’eucharistie, il aurait été intéressant de voir si les convergences apparues sur l’épiscopat et sur la succession apostolique dans le chapitre de BEM sur le ministère (Ministère, n. 19-25, 34-38) pouvaient être reçues par ce dialogue et si elles pouvaient être utiles dans les discussions sur d’autres sujets analogues abordés ici. Dans ce document, il est dit en effet que « d’autres formes de ministère ordonné ont été bénies par les dons de l’Esprit Saint », que le triple ministère des évêques, des presbytres et des diacres qui s’est éta­bli au cours des IIe et IIIe siècles dans l’Église « peut servir aujourd’hui d’expression à l’unité que nous cher­chons et aussi de moyen pour y parvenir » (BEM, Mi­nistère, n. 22, cf. n. 19). Quoique controversée, cette proposition demeure valable comme base de discussion sur cette question. Outre qu’à ce dialogue-ci, les Dis­ciples ont également participé aux États-Unis à la Con­sultation on Church Unity et à l’instance qui lui a succédé, Churches Uniting in Christ. La question de l’épiscopat n’a pas encore été résolue. Malgré les difficultés qu’elle comporte, il est nécessaire de trouver une solution si l’on veut atteindre le but de l’unité. La proposition de BEM sur le ministère demeure un point de départ va­lable pour les discussions dans ce dialogue-ci comme dans d’autres.

La question de l’ordination comme sacrement et celle de l’épiscopat se posent aussi entre les catholiques et d’autres communions issues de la Réforme. Les con­vergences découvertes ensemble par les catholiques et les Disciples dans la quatrième partie sont une contri­bution offerte à tout le mouvement œcuménique.

 

Cinquième partie : Conclusion (n. 73-80)

Ce rapport se termine par une excellente conclusion qui résume le travail de cette phase de dialogue avec concision. Elle indique le but du dialogue, la méthode de travail utilisée, les principales questions abordées. Elle met en lumière les relations qui existent entre les principaux thèmes traités. Elle signale les malentendus qui ont pu être dissipés. Elle rappelle les principales convergences découvertes, ainsi que les divergences qui subsistent encore et qui demandent à être traitées en poursuivant ce dialogue.

Après avoir bien précisé que cette déclaration n’est pas une présentation exhaustive de la présence du Christ dans l’eucharistie, mais seulement un début prometteur, une communion in via, la Commission si­gnale quelques points spécifiques sur lesquels un ap­profondissement serait nécessaire pour atteindre la pleine communion. Elle conclut par ces mots : « Nous avons découvert que grâce aux explications patientes et à l’écoute mutuelle, les malentendus peuvent être dissi­pés. L’ampleur des convergences ainsi mises en lumière nourrit en nous l’espoir d’une plus grande unité entre Disciples et catholiques. Nous les présentons ici comme une contribution à l’unique mouvement œcu­ménique ».

 

Quelques réflexions conclusives

Les catholiques et les Disciples continuent leur re­cherche de réconciliation mutuelle. Ce rapport reflète le travail sérieux effectué par les Disciples et les catho­liques pour atteindre le but de l’unité visible. Les con­vergences et les accords découverts dans cette phase du dialogue me paraissent très significatifs et contribuent à son but, à savoir l’unité visible entre catholiques et Dis­ciples.

On constate que de grands pas en avant ont été ac­complis, même s’il reste encore beaucoup à faire. Dans la discussion, les deux partenaires de ce dialogue, Dis­ciples et catholiques, ont recherché des convergences, tout en reconnaissant qu’il existe encore des limites à l’accord, ainsi que des points de désaccord qui demandent à être résolus. Dans l’introduction, ils si­gnalent que des « points de convergence et d’accord » sont apparus, tout en reconnaissant qu’ils n’ont « pas encore atteint la pleine communion ecclésiale, et qu’ils ne peuvent donc pas partager l’eucharistie ensemble » (n. 2). Dans la première partie, en parlant des conver­gences sur l’union entre le Christ et l’Église (n. 5-8), sur la foi apostolique, et sur un seul baptême (n. 9-10), ils précisent que « à l’heure actuelle, notre communion est imparfaite… Devant l’absence apparente d’accord entre nous sur des questions de foi substantielles, nous avons ressenti le besoin de définir et d’analyser ces questions de façon plus précise que nous ne l’avions fait jusqu’à présent » (n. 11). Dans la troisième partie, ils soulignent que leurs divergences les empêchent de partager l’eucharistie et que « nos visions différentes l’Église et de son unité nous ont conduits à des pra­tiques différentes en ce qui concerne la participation à l’eucharistie » (n. 28). En conclusion de leur discussion sur la présence réelle du Christ dans l’eucharistie, ils déclarent que « la Commission est parvenue à une réelle convergence sur ce point une fois dissipées les incom­préhensions mutuelles, tout en admettant que de nom­breuses divergences subsistent encore » (n. 45). Au terme de la discussion sur la dimension sacrificielle de l’eucharistie, ils affirment que « la Commission est par­venue à une réelle convergence sur ce point une fois dissipées les incompréhensions mutuelles, tout en ad­mettant que de nombreuses divergences subsistent en­core » (n. 57). Dans la discussion sur le sacerdoce du Christ et de ses ministres, des convergences nom­breuses et significatives ont été mises en lumière, entre autres aux n. 63-67, mais aussi d’importantes diver­gences sur des questions importantes, comme aux n. 68-72. Comme dans beaucoup d’autres dialogues bila­téraux, les partenaires de ce dialogue ont fait un grand pas en avant vers l’unité et la réconciliation. Ce dia­logue révèle que les relations entre Disciples et catho­liques ont atteint ce qu’on a appelé le « stade intermé­diaire » sur le chemin de l’unité. Ils ont développé entre eux de bonnes relations. Et le dialogue doit continuer.

Le besoin d’une histoire commune. À l’origine de maintes divergences entre les Églises chrétiennes sur l’eucharistie décrites ici et dans d’autres dialogues, il y a le fait que, depuis la rupture de l’unité dans l’Église d’Occident au XVIe siècle, les chrétiens séparés ont vécu des histoires séparées qui reflètent des conflits théologiques de plusieurs siècles, comme le montrent les aperçus historiques de la troisième et de la qua­trième partie. Au départ, les participants avaient des points de vue opposés, ou connaissaient très mal la pensée et des pratiques de leurs partenaires. Il n’en est que plus remarquable que, dans de telles conditions, Disciples et catholiques aient pu trouver dans le dia­logue d’importantes convergences sur des questions longtemps considérées comme des facteurs de division entre eux. Le défi qui se présente, au sein du mouve­ment œcuménique, consiste donc à continuer de re­chercher une vision commune du passé remplaçant les histoires séparées, héritage des siècles de séparation, que chacun apporte dans le dialogue. En même temps, la découverte de convergences présentées ici entre Disciples et catholiques sur des questions sur lesquelles le désaccord a perduré pendant des siècles est un pas en avant vers un récit commun de l’histoire chrétienne avec lequel tous les chrétiens peuvent s’identifier.

L’influence du mouvement œcuménique s’est fait sentir dans ce dialogue, comme le montrent les références au document BEM. Le résultat de ce dialogue montre que le mouvement œcuménique va de l’avant et qu’il conti­nue de s’épanouir de maintes façons.

 

 

Mgr John A. Radano est Professeur adjoint à la Faculté de Théologie de la Seton Hall University, South Orange, New Jersey, États-Unis.