RAPPORT FINAL DU DIALOGUE
INTERNATIONAL CATHOLIQUE-PENTECÔTISTE

(1977-1982)

 

 

INTRODUCTION

1. Le présent rapport porte sur des conversations qui ont eu lieu, à un niveau international, entre le Secrétariat pour l'unité des chrétiens (Vatican) et des membres d'Églises pentecôtistes. Ces conversations, réparties sur cinq ans, constituent le second de ces cycles quinquennaux dont l'origine remonte à des rencontres non officielles qui eurent lieu en 1969 et 1970. Durant ce second cycle, les co-présidents furent le Révérend David Du Plessis, de Oakland (Californie, États-Unis), et le Révérend Père Kilian McDonnell, O.S.B., de Collegeville (Minnesota, États-Unis). Les conversations se sont déroulées selon ce qui avait été convenu en 1979, entre les représentants du Secrétariat pour l'unité des chrétiens et des représentants pentecôtistes.

2. Ce dialogue revêtait un caractère bien spécifique. Il avait comme objectif particulier une plus grande compréhension mutuelle de la théologie et des activités spirituelles des pentecôtistes et des catholiques, plutôt que la recherche d'une unité organique ou au niveau des structures.

3. Le dialogue avait comme centre d'intérêt la découverte des domaines où pentecôtistes et catholiques ont des divergences de points de vue au plan de la théologie et des expériences spirituelles ; tout cela dans le but de parvenir à une compréhension réciproque de ce qui distingue chaque partenaire, comme la relation foi-expérience, et son rôle dans la vie chrétienne. Sans vouloir atténuer les différences qui les séparent, les participants cherchent également à identifier une base théologique commune où les uns et les autres retrouveraient "la vérité de l'Évangile » (Ga 2, 14).

4. Les représentants catholiques ont été nommés officiellement par le Secrétariat pour l'unité des chrétiens. Du côté des pentecôtistes, les représentants sont venus à des titres divers. Certains ont été nommés par leur Église ; quelques-uns étaient des responsables officiels dans leur Église ; d'autres sont venus avec son approbation ; d'autres enfin ont participé à titre de membres en bons termes avec leur Église.

5. Lors de la première série de rencontres, de 1972 à 1976, il y avait, en plus des pentecôtistes « classiques », des membres du mouvement charismatique appartenant à diverses Églises protestantes. Il s'agissait de membres appartenant aux communions anglicane et protestantes avec lesquelles l'Église catholique romaine entretenait déjà des contacts officiels par des dialogues bilatéraux. Ces membres anglicans et protestants prenaient part aux rencontres en raison de leur engagement dans le renouveau charismatique plutôt que de leur appartenance à leurs Églises respectives. La première série de conversations dura de 1972 à 1976. On y discuta des sujets suivants: « Le Baptême dans l'Esprit » dans le Nouveau Testament et ses liens avec le repentir, la sanctification, les charismes, les rites de l'initiation ; l'arrière-plan historique du mouvement pentecôtiste traditionnel (« classique ») ; le rôle et les dons de l'Esprit Saint dans la tradition mystique ; la théologie des rites de l'initiation ; la nature de l'activité sacramentelle ; le baptême des enfants et des adultes ; le culte public, avec un intérêt particulier accordé au culte eucharistique ; le discernement des esprits et la dimension humaine de l'exercice des dons spirituels ; la prière et la louange.

6. La seconde série de rencontres commença en 1977. Elle se prolongea jusqu'en 1982. Il n'y eut cependant pas de session en 1978, en raison de la mort du Pape. Cette série 1977-1982 revêtit un caractère différent de celui de la première. Dans le but de donner aux conversations un objectif plus précis, on décida qu'elles n'auraient lieu qu'entre les pentecôtistes « classiques » et l'Église catholique. Les membres du renouveau charismatique appartenant aux Églises anglicane et protestantes ne prirent donc pas part, d'une façon systématique, au dialogue.

7. Lors de la première réunion de cette seconde série de conversations qui eut lieu à Rome en octobre 1977, on discuta du « parler en langues » et de la relation entre l'expérience et la foi. La seconde rencontre, tenue à Rome en octobre 1979, aborda la relation entre Écriture et Tradition, et le ministère de guérison dans l'Église. À Venise, en octobre 1980, la réunion porta sur l'Église en tant que communauté de culte et sur la Tradition et les traditions. La rencontre d'octobre 1981, à Vienne, étudia le rôle de Marie. La dernière réunion de cette série de conversations se tint à Collegeville, Minnesota, en octobre 1982, et porta surtout sur la question du ministère.

 

LE PARLER EN LANGUES

8. La relation personnelle à Jésus Christ fait partie de la définition du chrétien. Les pentecôtistes n'ont jamais soutenu ou enseigné que cette relation doive nécessairement s'exprimer dans le parler en langues au sens qu'on ne saurait être chrétien sans parler en langues.

9. La manifestation du parler en langues n'a jamais entièrement disparu au cours de l'histoire de l'Église. On la retrouve de façon notable chez les catholiques et autres chrétiens engagés dans le renouveau charismatique, tout aussi bien que chez les pentecôtistes « classiques ».

10. Il fut entendu que toute discussion sur la glossolalie chrétienne prendrait comme fondement l'Écriture. Que certains auteurs du Nouveau Testament aient reconnu au parler en langues un rôle dans la vie chrétienne, cela est indiqué dans divers livres de la Bible: « Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer » (Ac 2, 4 ; cf. Ac 10, 46 ; 19, 6 ; Mc 16, 17 ; 1 Co 12, 4.10.18 ; 14, 2.5.22 ; Rm 8, 26).

11. L'enseignement des pentecôtistes sur les charismes cherche à demeurer fidèle à l'image de l'Église du Nouveau Testament telle qu'elle est décrite dans 1 Co 12-14. Les pentecôtistes ont rendu service en encourageant les différentes Communions à s'ouvrir et à demeurer réceptives à ces manifestations spirituelles auxquelles ils disent être restés fidèles.

 

FOI ET EXPÉRIENCE

12. Par expérience on entend, dans ce dialogue, le processus ou l'événement par lequel quelqu'un en arrive à une conscience personnelle de Dieu. L'expérience de la « présence » ou de l'« absence' » de Dieu peut être une question d'éveil de la conscience. Il reste, en même temps et à un niveau plus profond, la conviction stable et attentive de la foi que la présence amoureuse de Dieu se révèle dans la personne de son Fils, par l'Esprit Saint.

13. Le chrétien ne fait pas que l'expérience de la Pâque et de la Pentecôte ; il fait aussi celle de la Croix. L'expérience de l’« absence » de Dieu peut susciter chez lui un sentiment d'abandon semblable à celui que Jésus lui-même a ressenti sur la Croix. Au cœur de notre expérience chrétienne, nous devons trouver la mort du Christ et, en conséquence, vivre nous-mêmes une mort: « Avec le Christ, je suis un crucifié ; je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 19-20).

14. Il n'y a pas eu d'unanimité lorsqu'il s'est agi de reconnaître que les non-chrétiens peuvent recevoir la vie de l'Esprit Saint. Selon le point de vue actuel des catholiques, point de vue qui s'appuie sur l'autorité du Concile Vatican II, « il faut... que tous se convertissent au Christ connu par la prédication de l'Église » (Décret sur l'activité missionnaire de l'Église, par. 7). « Cette Église ... est nécessaire au salut » (Constitution sur l'Église, par. 14). Mais Vatican II affirme aussi que tous sans exception sont appelés par Dieu à la foi en Jésus Christ et au salut (cf. Constitution sur l'Église, par. 1, 16 ; Déclaration sur l'Église et les religions non chrétiennes, par. 1 et 2). Cela se produit « d'une façon que Dieu connaît » (Constitution sur l'Église dans le monde de ce temps, par. 22 ; cf. Décret sur l'activité missionnaire de l'Église, par. 7). Cette théologie se veut un prolongement légitime de tout l'enseignement néotestamentaire sur l'amour de Dieu qui sauve dans le Christ. Les pentecôtistes qui participaient à la rencontre n'acceptent pas cette théologie et retiennent leur interprétation de l'Écriture, à savoir que les non-chrétiens sont exclus de la vie de l'Esprit: « En vérité, en vérité, je te le dis: à moins de naître d'en-haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3, 3).

15. Lorsque l'Esprit se manifeste dans les personnes, leurs facultés naturelles se trouvent engagées. Dans l'exercice des charismes, les facultés humaines ne sont pas mises de côté, mais utilisées. L'action de l'Esprit ne s'identifie pas aux forces inhérentes à la nature.

16. L'expérience spirituelle d'un individu est perçue comme faisant partie de la dimension communautaire de l'Évangile. C'est en communauté que vivent les personnes. Et l'Église devrait être une expérience vivante de la communauté. Il y a une riche histoire d'expérience communautaire dans l'Église.

17. Quelque vive ou puissante que puisse être l'expérience spirituelle d'un individu, elle doit être soumise au discernement et au jugement de la communauté. L'amour, qui est le lien et la norme de la vie communautaire, est le critère biblique pour toute expérience spirituelle (cf. 1 Co 13).

 

ÉCRITURE ET TRADITION

18. Les pentecôtistes comme les catholiques soutiennent que l'Église primitive reconnut l'inspiration des livres de l'Ancien Testament. L'Église primitive a connu une période où elle n'avait pas d'écritures propres à elle-même. Des premiers écrits chrétiens, l'Église, éclairée par l'Esprit Saint, en reconnut un certain nombre comme inspirés.

19. Les catholiques croient que ces Écritures ont été transmises au cours des siècles par une tradition de foi vivante, une tradition qui a été l'expérience de l'Église tout entière sous la conduite de ses chefs, active dans tous les aspects de la vie chrétienne et s'exprimant, à l'occasion, sous la forme écrite de « symboles », de textes conciliaires, etc. Cette tradition ne constitue pas une source de révélation séparée de l'Écriture, mais une réponse à l'Écriture et une actualisation de celle-ci dans la vie de l'Église (cf. n. 26 et 52).

20 Les pentecôtistes maintiennent qu'il n'y a pas deux autorités, celle de l'Écriture et celle de la Tradition de l'Église, mais une seule, celle de l'Écriture, qui doit cependant être lue et comprise avec l'illumination de l'Esprit Saint. Ils croient qu'on ne peut interpréter l'Écriture que par un discernement dans l'Esprit. À l'intérieur des mouvements pentecôtistes existe un large consensus sur les éléments qui constituent le fondement de la foi chrétienne. On répugne, cependant, à attribuer à ce consensus un statut de tradition par crainte que cette tradition religieuse aille à l'encontre de l'Évangile.

21. Les pentecôtistes pensent nécessaire la poursuite d'un dialogue portant sur les raisons en vertu desquelles l'Église catholique peut proposer comme objets de foi des doctrines, comme celle de l'Assomption de Marie, qui vont au-delà de la lettre de l'Écriture et que les pentecôtistes croient être une tradition inacceptable.

 

L'EXÉGÈSE

22. Chez les exégètes catholiques, la méthode de la critique historique est acceptée aujourd'hui comme cadre de travail. Cette méthode insiste sur la connaissance de l'auteur ancien à travers ses propres expressions, son contexte culturel et sa culture religieuse.

23. Les pentecôtistes rejettent les principes philosophiques et théologiques de la critique des formes parce qu'ils militent contre l'inspiration totale de l'Écriture. Ils insistent sur la nécessité de la lumière de l'Esprit Saint pour que le lecteur puisse apporter une réponse de foi et comprendre la Parole de Dieu. La majorité des participants a reconnu que cette discussion avait été précieuse pour le dialogue.

24. Les catholiques croient que la lumière de l'Esprit Saint, donnée dans et par l'Église, constitue le principe ultime de l'interprétation de l'Écriture. Ils rejettent toute méthode d'exégèse qui s'opposerait à ce principe. Ils croient, cependant, les méthodes de critique compatibles avec une exégèse inspirée par l'Esprit et les considèrent nécessaires à une juste compréhension du texte.

25. La forme d'exégèse que pratiquent les pentecôtistes, tout en ayant ses racines dans l'évangélisme, n'est pas définie d'une façon précise. On admet qu'elle se situe au stade de l'élaboration. L'exégèse courante tend vers une interprétation littérale pneumatique.

 

L'INTERPRÉTATION DE LA BIBLE

26. Dans l'éventualité d'un conflit d'interprétation des textes scripturaires, les catholiques acceptent la conduite de l'Esprit telle qu'elle se manifeste dans la tradition vivante. Tout en étant soumis à la Parole de Dieu, le Magistère de l'Église sert la parole de Dieu en la communiquant au peuple avec autorité et authenticité (cf. Constitution dogmatique sur la Révélation divine, par. 10). Les catholiques croient que l'Écriture et la Tradition sont liées en cohérence l'une à l'autre et transmettent ainsi la Parole de Dieu, mais ils accordent en même temps une priorité à l'Écriture.

27. Dans l'éventualité d'un conflit d'interprétation des textes scripturaires, les pentecôtistes s'en remettent à la conduite de l'Esprit Saint, sans cette structure dogmatique développée que l'on trouve dans l'Église catholique. Bien qu'il puisse y avoir un certain danger de subjectivisme, on a confiance que Dieu accordera l'aide de l'Esprit pour guider la communauté locale des croyants. (Cf. Jn 14, 26 ; 15, 26 ; 16, 13 ; 2 Jn 2, 27).

 

FOI ET RAISON

28. Sur la question de la définition des limites et de la valeur de la connaissance religieuse, les participants se sont mis d'accord pour dire qu'on ne pouvait pas introduire une polarisation entre foi et raison. Les pentecôtistes toutefois insistent davantage sur l'inspiration de l'Esprit et les manifestations surnaturelles que sur la raison lorsqu'il s'agit de déterminer les limites et la validité d'une connaissance religieuse.

29. En dépit des différences mentionnées plus haut, on voit que les pentecôtistes et les catholiques s'entendent sur les éléments fondamentaux de la foi chrétienne, par exemple la Trinité, l'Incarnation, la Résurrection, l'inspiration de l'Écriture, l'annonce de l'Évangile comme partie intégrante du ministère de l'Église, et la conduite du Corps du Christ par l'Esprit Saint.

30. Dans ce dialogue, la question de la relation entre Écriture et Tradition a encore besoin d'être éclaircie. Les catholiques accordent une priorité à l'Écriture. Mais selon le décret du Concile Vatican II sur la Révélation, « la Tradition sacrée et la Sainte Écriture constituent l'unique dépôt sacré de la parole de Dieu » (par. 10). « C'est pourquoi l'Écriture et la Tradition doivent être reçues et vénérées l'une et l'autre avec un égal sentiment de piété, avec un égal respect » (par. 9). Il faudrait encore poursuivre la discussion sur les différentes méthodes d'exégèse comme par exemple la critique des formes pratiquée par la plupart des exégètes catholiques, et se demander si elles sont compatibles avec les principes pentecôtistes.

 

LE MINISTÈRE DE GUÉRISON DANS L'ÉGLISE

31. Le ministère de guérison s'exerce dans l'Église catholique comme dans les Églises pentecôtistes car il est partie intégrante du ministère global de l'Église. Et les pentecôtistes et les catholiques admettent que, à travers la prière de demande, ils recherchent la guérison de toute la personne, tant au point de vue physique que spirituel et émotif. Les catholiques considèrent « l'onction des malades » comme un sacrement. Les pentecôtistes reconnaissent que l'onction avec l'huile fait partie du mandat reçu d'exercer le ministère de guérison avec l'annonce de l'Évangile. (Dans l'Église catholique, le sacrement de l'onction des malades s'appelait autrefois « Extrême-onction »).

32. Dans la vie de l'Église catholique, il y a déjà eu et il y a encore des gens qui ont consacré leur vie au soin des malades et au ministère auprès d'eux. Les pentecôtistes s'engagent de plus en plus dans cet important aspect du ministère auprès des malades et de ceux qui souffrent.

33. Il y a une différence d'attitude en ce qui concerne la guérison. Les catholiques voient la guérison corporelle comme un des résultats du ministère auprès des malades. Les pentecôtistes mettent plus d'insistance sur l'attente chez celui qui est malade d'une guérison obtenue à travers la prédication et la prière. Il y a une différence fondamentale entre les deux approches. Les catholiques recherchent la guérison dans des rites sacramentels, des séances ou cérémonies de guérison, par des neuvaines et d'autres formes semblables de dévotion. Ils se rendent aussi en pèlerinage dans des sanctuaires où peuvent avoir lieu des guérisons. Dans ces endroits, nombreux sont ceux qui recherchent et trouvent un approfondissement de leur foi et une guérison spirituelle. Les pentecôtistes enseignent aux personnes à espérer la guérison partout et en tout temps.

34. L'un et l'autre groupe reconnaissent, dans leur enseignement officiel, que c'est Jésus qui guérit et que le croyant se tourne vers Jésus pour obtenir la grâce de la guérison. Les pentecôtistes aussi bien que les catholiques montrent une certaine réserve lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des manifestations et des guérisons miraculeuses.

35. En ce qui concerne l'espérance de guérison, il existe une différence d'attitude: chez les catholiques, elle est plus passive tandis qu'elle est plus active et dynamique chez les pentecôtistes. On note qu'il y a manifestement, dans l'Église catholique, une nouvelle prise de conscience de l'existence réelle de la guérison, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'ordre sacramentel. D'autre part, ceux qui prennent part au dialogue n'ignorent pas l'existence de certaines formes populaires d'expression religieuse qui peuvent manquer d'un fondement théologique suffisant.

36. La souffrance en cette vie est perçue par les catholiques et par certains pentecôtistes comme un chemin de la grâce, un moyen de purifier l'âme, un instrument pour nous ouvrir à la force spirituelle de Dieu qui nous soutient et nous permet de trouver la joie à travers l'affliction. Les catholiques comme les pentecôtistes croient que la souffrance peut conduire à saisir le sens des souffrances rédemptrices du Christ et à se conformer à lui (cf. Ph 3, 10). Les pentecôtistes, cependant, continuent d'espérer la guérison à moins d'avoir une révélation spéciale indiquant une autre intention de la part de Dieu. Les catholiques et les pentecôtistes reconnaissent que dans toute la question de la guérison l'élément fondamental est la volonté de Dieu.

37. Bien qu'il semble y avoir des similitudes au niveau de la participation des laïcs au ministère de guérison, les discussions ont montré qu'il existe encore un large fossé entre les catholiques et les pentecôtistes. Les catholiques prient individuellement et communautairement pour les malades et avec les malades. Mais seul le prêtre peut administrer l'onction des malades, qui est un sacrement. Les pentecôtistes administrent l'onction avec l'huile (cf. Je 5, 14-15) mais ne la réservent pas au ministre ordonné. Le ministère auprès des malades avec l'imposition des mains par tous les croyants s'exerce communément (cf. Mc 16, 17-18).

38. Pour la théologie catholique contemporaine, le besoin de guérison s'applique au spectre plus large des maladies de la société. Sur la question des remèdes à appliquer pour guérir les problèmes de justice sociale, les catholiques et les pentecôtistes divergent grandement dans leurs opinions. Plusieurs personnes souffrent de conditions économiques inhumaines en raison d'une exploitation économique et culturelle. Les catholiques et les pentecôtistes ont des façons différentes d'envisager la responsabilité de remédier aux conditions préjudiciables à la santé de la société.

39. Les pentecôtistes hésitent à appliquer la guérison divine à un champ aussi large d'injustices sociales. Bien qu'ils croient que les conditions d'exploitation doivent être corrigées, ils sont portés à insister sur la priorité à accorder à l'évangélisation directe comme meilleur moyen d'effectuer des changements sociaux.

40. Les catholiques et le pentecôtistes s'entendent sur un certain nombre de sujets: la nécessité de la Croix ; la guérison comme signe du Royaume ; la guérison de toute la personne ; l'engagement des laïcs dans la prière pour obtenir la guérison ; l'espérance de guérison dans l'Eucharistie, Repas du Seigneur ; le Christ en tant qu'Il est le Guérisseur.

 

COMMUNAUTÉ, CULTE ET COMMUNION

41. Les pentecôtistes insistent sur la profession de foi personnelle en Jésus Christ comme base de la communauté chrétienne, plutôt que sur une approche sacramentelle et ecclésiale de l'œuvre de médiation du Christ. Ils soutiennent que le croyant fait l'expérience du Christ à travers chacun des aspects du culte communautaire: le chant, la prière, les témoignages, la prédication, le rite du Baptême, la célébration de la Sainte Communion et aussi la vie quotidienne.

42. Les catholiques mettent l'accent sur la conversion au Dieu vivant à travers la rencontre personnelle du Christ vivant. Cette conversion se produit souvent par étapes. L'Église, son ministère et les sacrements sont les instruments et les manifestations ordinaires de l'action et de la présence du Christ, et du don de son Esprit. Les sacrements sont des actes du Christ qui révèlent et actualisent la puissance salvifique du Mystère pascal.

43. Pour être reconnu comme membre d'une Église pentecôtiste, on attend d'un individu qu'il ait fait l'expérience d'une foi personnelle en Jésus Christ, qu'il participe ensuite à la vie de l'Église, qu'il suive les directives de ses chefs et accepte de prendre des responsabilités. Dans certaines Églises pentecôtistes, l'admission est liée au baptême par immersion. Pour faire partie de l'Église catholique, il faut être baptisé, professer la foi catholique et être en communion active avec la communauté locale, les évêques et le successeur de Pierre.

44. Tant chez les pentecôtistes que chez les catholiques, les membres peuvent cesser d'appartenir à la communauté en raison d'un écart grave au plan de la doctrine ou de l'agir. Cette peine de la séparation d'avec l'Église est voulue comme un remède, un rappel de la faute commise devant Dieu et du besoin de se repentir.

45. La célébration de l'Eucharistie, repas du Seigneur, connaît d'importantes différences au plan de la doctrine comme de la pratique chez les pentecôtistes et chez les catholiques. Ces derniers considèrent l'Eucharistie comme le mémorial sacramentel du sacrifice du Christ sur le Calvaire dans le sens biblique du mot anamnèse. Dans la célébration eucharistique, Jésus, en vertu de la puissance de Dieu, est présent dans sa mort et sa Résurrection. Ce rite sacré est pour les catholiques un moyen privilégié de grâce et l'acte qui est au centre de leur culte. On le célèbre fréquemment, même quotidiennement. Chez les pentecôtistes, le repas du Seigneur ne tient pas une place aussi prédominante dans la pratique cultuelle. La plupart des pentecôtistes célèbrent le repas du Seigneur comme un rite accompli en obéissance au commandement du Seigneur. D'autres Églises pentecôtistes croient que ce mémorial est plus qu'un rappel de la mort et de la Résurrection de Jésus ; elles le considèrent comme un moyen de grâce.

46. En général, les pentecôtistes pratiquent la communion ouverte (open communion), c'est-à-dire que chacun peut prendre part au repas du Seigneur pourvu qu'il reconnaisse le Christ comme Seigneur et qu'il ait fait son propre examen de conscience (cf. 1 Co 11, 28). Hormis certains cas de nécessité spirituelle, qu'elle-même détermine, l'Église catholique n'admet à la communion que ses propres membres, pourvu qu'ils soient libres de toute faute grave. Elle n'entend pas par là refuser la communion avec les autres chrétiens mais exprimer sa façon de comprendre le lien qui existe entre l'Église et l'Eucharistie.

47. Les pentecôtistes contestèrent les raisons apportées par les catholiques pour justifier leur façon de faire. Ce fut un moment pénible pour les deux groupes en présence. Ils se mirent d'accord pour reconnaître que ce sujet de l'admission à la communion exigeait encore beaucoup de discussions.

48. Les pentecôtistes et les catholiques reconnaissent qu'une foi commune est la base d'une communion dans le Corps du Christ. Pour les catholiques, la pleine communion signifie l'unité collégiale entre les chefs des Églises locales, c'est-à-dire les évêques, avec l'évêque de Rome exerçant la primauté. Les pentecôtistes n'accordent pas la même importance aux liens structuraux entre les Églises et acceptent volontiers la communion avec plusieurs Églises autonomes. L'Église catholique reconnaît la médiation du Christ, opérant dans les Églises qui ne sont pas en pleine communion avec elle, par la Parole qui est annoncée et crue, les sacrements qu'on y célèbre et le ministère qui s'y exerce. Si elle considère que ces dons ne se trouvent pas en plénitude dans une Église particulière, elle n'entend pas par là juger de la sainteté réelle des membres de cette Église. Elle décrit les relations des autres chrétiens avec les catholiques comme celles de frères et sœurs en communion imparfaite (cf. Décret sur l'œcuménisme, par. 3).

 

TRADITION ET TRADITIONS

49. Les conceptions exprimées de part et d'autre sur le caractère sacré et l'importance des Saintes Écritures ont laissé entrevoir, d'une façon immédiate, qu'on trouvait chez l'autre plus de points positifs que de questions à poser. On s'entendit sur le caractère inspiré tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, donnant ainsi aux Écritures une place privilégiée dans les Églises respectives.

50. La canonicité du Nouveau Testament fait l'objet d'un accord portant sur la question du choix des livres et du processus de son établissement par l'Église. Les pentecôtistes comme les catholiques reconnaissent le rôle de l'Église dans la composition des livres du Nouveau Testament et dans la formation du canon, et ils reconnaissent que l'Église a précédé le nouveau Testament sous sa forme écrite.

51. Les représentants des Églises pentecôtistes insistent sur le fait que l'Église elle-même fut créée par l'appel (l'élection) du Christ et formée par les paroles de Jésus en tant que Seigneur, et l'interprétation messianique qu'il a lui-même donnée des Écritures (cf. Le 24, 45 ss.). C'est dans ce sens que, pour les pentecôtistes, l'Église fut formée par la Parole de Dieu. Le rôle de l'Église dans la formation du Nouveau Testament est alors essentiellement celui de transmettre, d'interpréter et d'appliquer le message de salut de Jésus Christ. Les catholiques insistent plus sur le rôle de l'Église comme détentrice de l'autorité pour reconnaître et formuler la vérité de l'Évangile sous forme d'énoncés doctrinaux.

52. De part et d'autre on reconnaît: que l'Écriture est nécessairement liée à la question de son interprétation ; que son contenu lui-même comporte une part d'interprétation ; qu'elle exige une interprétation et, en conséquence, un interprète autorisé. Il existe cependant une importante divergence sur le degré jusqu'où on peut interpréter l'Écriture tout en demeurant à l'intérieur de ses limites, et sur le genre d'interprétation que l'Église doit donner pour assurer une compréhension juste de l'Écriture. Le désaccord porte surtout sur ce qu'est un interprète autorisé ou qui est cet interprète. Pour les pentecôtistes, l'autorité vient d'un consensus atteint sous l'illumination de l'Esprit Saint. Pour les catholiques, c'est l'Église qui interprète l'Écriture telle qu'elle est comprise par le Peuple de Dieu et discernée par son Magistère. Les pentecôtistes comme les catholiques voient l'autorité qui interprète comme une expression de l'action de l'Esprit dans l'Église.

53. Catholiques et pentecôtistes reconnaissent l'existence, dans la vie courante de l'Église, d'un processus de discernement théologique. Les catholiques soutiennent que ceux qui ont charge d'enseigner dans l'Église exercent le ministère de discernement et reconnaissent aussi qu'un ministère de discernement peut exister en dehors de l'Église catholique. Le désaccord le plus marqué est survenu lorsqu'on fut traité la question du caractère inaltérable de certains de ces discernements. Les catholiques soutiennent que les fidèles ne peuvent être induits en erreur si l'Église engage toute son autorité dans une formulation de la foi. Les pentecôtistes ne revendiquent rien de semblable.

54. Les pentecôtistes reconnaissent la fermeté de la position catholique sur l'interprétation institutionnelle et collégiale de l'Écriture. Toutefois, ils aimeraient partager avec les catholiques leur expérience caractéristique d'une dépendance directe de l'Esprit Saint pour éclairer et interpréter l'Écriture.

55. On a constaté une divergence d'importance majeure sur la façon de comprendre le rôle de la tradition. Les catholiques donnent au mot tradition deux significations, les deux étant liées l'une à l'autre. La Tradition, avec un T majuscule, représente tout ce qui a été et est présentement transmis: la révélation faite une fois pour toutes par Dieu en Jésus Christ, la Parole de Dieu proclamée dans sa forme écrite et sa forme orale, et la réponse, prise globalement, que la communauté, remplie de l'Esprit, apporte à la vérité de l'Évangile. Comme telle, la Tradition comprend un aspect actif, celui de la transmission faite par l'Église, et un aspect passif qui est celui du contenu transmis. Dans la Tradition ainsi interprétée, la Parole de Dieu sous sa forme écrite exerce une sorte de primauté. C'est dans ce sens que la Tradition est un processus continu.

56. On ne doit pas confondre la Tradition au sens que l'on vient de voir avec les traditions qui sont les diverses façons de faire et d'enseigner, par lesquelles la Tradition est transmise. Ces traditions n'obligent que lorsqu'elles font l'objet d'une décision particulière de l'autorité de l'Église.

57. Les pentecôtistes n'accordent pas la même valeur que les catholiques à la Tradition (ou tradition), à moins d'un témoignage explicite de l'Écriture. Tout en reconnaissant que, au cours de leur propre histoire, ils ont accumulé des traditions, ils avouent qu'elles n'ont, à part celles tirées de l'Écriture, que peu d'autorité dans l'Église.

 

PERSPECTIVES MARIOLOGIQUES

58. La doctrine catholique sur Marie étant perçue comme un point de divergence, il était donc important pour les pentecôtistes d’aborder ce sujet. Un temps considérable a été nécessaire pour traiter les diverses questions: la doctrine elle-même, la méthode suivie pour trouver le fondement de cette doctrine, et les conséquences pratiques de cette doctrine pour le peuple. L'espace consacré à ce sujet dans ce rapport donne une idée du temps qui lui a été dédié.

Perspectives mariologiques

59. Les pentecôtistes et les catholiques s'entendent pour dire que les divers textes bibliques qui mentionnent Marie témoignent de son importance dans le Nouveau Testament. Le point de divergence porte sur la doctrine que l'on a élaborée à partir de ces textes. Les pentecôtistes soutiennent qu'ils ne peuvent pas aller au-delà du sens évident du texte qui est la norme de toute doctrine et de toute expérience. Les catholiques maintiennent, eux aussi, la valeur normative de l'Écriture pour toute doctrine élaborée ultérieurement. Mais ils soutiennent de plus que l'Église, en priant et en prêchant sur les Écritures, grâce à la conduite de l'Esprit Saint qui mène à toute vérité, peut trouver dans les textes bibliques, tout en leur demeurant totalement fidèles, une signification qui va au-delà de l'interprétation des pentecôtistes.

60. Derrière les différences existant entre pentecôtistes et catholiques sur l'interprétation des textes scripturaires mariaux, se cachent des différences d'ordre doctrinal souvent implicites. Les plus importantes peut-être sont celles touchant à la relation de Marie avec l'Église et à son rôle dans la communion des saints.

61. Les deux groupes ont été surpris de s'apercevoir qu'ils entretenaient une perception fausse de la pensée mariale de l'autre. Les pentecôtistes ont découvert avec satisfaction le souci qu'ont les autorités de l'Église catholique d'être prudentes dans l'évaluation des doctrines qui se réclament d'un fondement scripturaire. Tout en admettant que leur histoire n'est pas totalement exempte de doctrines s'appuyant clairement sur des preuves scripturaires, les pentecôtistes n'admettent aucune doctrine concernant Marie.

La maternité de Marie

62. Catholiques et pentecôtistes sont d'accord pour dire que Marie est la Mère de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, et qu'en tant que telle, elle occupe une place unique. Ils reconnaissent aussi les origines du titre de « Mère de Dieu » (Theotokos) qui remonte aux disputes théologiques du Concile d'Ephèse (en 431). C'est afin de préserver la foi en l'unité de la personne ayant deux natures à laquelle la Vierge a donné naissance, que ce Concile approuva le titre de « Theotokos » (Génitrice de Dieu, ou Mère de Dieu). Il ne s'agissait pas d'une définition mariale dans le but de donner à Marie un nouveau titre, mais d'une définition christologique portant sur l'identité de Jésus Christ. Ce n'est qu'au moment de l'Incarnation qu'elle est devenue la Mère de Dieu. Elle n'est pas la Mère du Fils de Dieu dans son éternelle existence trinitaire mais la Mère de Dieu le Fils dans son Incarnation.

La vénération de Marie

63. Catholiques et pentecôtistes sont d'accord sur le respect qui est dû à Marie en tant que Mère de Jésus. Ils la voient comme un modèle ou exemple éminent de foi, d'humilité et de vertu. Ils se soucient également du besoin de situer Marie dans une perspective juste. Il existe cependant d'importantes divergences de pensée sur la vénération que l'on doit accorder à Marie.

64. Les pentecôtistes ont exprimé leur inquiétude à propos de ce qu'ils considèrent comme excessif dans la vénération accordée à Marie de nos jours. Pour eux, certaines pratiques catholiques de vénération mariale paraissent superstitieuses et idolâtres. Pour les catholiques, les pentecôtistes omettent, du moins en apparence, de tenir compte de la place de Marie dans le plan de Dieu tel qu'il ressort des Saintes Écritures.

65. Tout en admettant le fait qu'il y a certains excès dans la pratique de la dévotion à Marie, les catholiques ont pris soin de souligner que la vraie dévotion à Marie est toujours christologique. Ils ont, de plus, fait ressortir que l'on prend les dispositions pratiques nécessaires pour corriger ces excès, lorsqu'ils se présentent, et cela dans la ligne des normes du Deuxième Concile du Vatican (cf. Constitution sur l'Église, ch. 8) et du pape Paul VI dans son encyclique 'Marialis Cultus' (1974), par. 24-36.

L'intercession de Marie

66. Les pentecôtistes comme les catholiques enseignent que Marie ne se substitue en aucune façon à l'unique Sauveur et Médiateur, Jésus Christ. Ils croient au contact direct, immédiat, entre le croyant et Dieu. Tous prient Dieu le Père par son Fils dans l'Esprit. Les catholiques croient que les prières d'intercession qu'ils adressent à Marie ne s'arrêtent pas à elle, mais rejoignent Dieu lui-même. Les pentecôtistes n'auraient pas recours à l'intercession de Marie ou des autres saints du ciel, parce qu'ils ne considèrent pas cette pratique comme fondée sur la Bible.

La doctrine des grâces accordées à Marie

67. Les catholiques soutiennent que la foi dans les grâces accordées à Marie appartient à la tradition de l'Église à travers laquelle on découvre la Parole de Dieu. Les pentecôtistes ne trouvent aucune justification de cette doctrine dans l'Écriture. En même temps qu'ils mettent en question la valeur de la tradition comme base de cette doctrine de foi, ils laissent entendre que les traditions qui portent sur la virginité perpétuelle de Marie, son Immaculée Conception et son Assomption sont sans fondement scripturaire.

69. Dans la « hiérarchie des vérités » de foi auxquelles tiennent les catholiques, ces trois points de doctrine font partie des vérités relevant de l'intégrité de leur foi. Les catholiques ne croient pas que ceux qui sont en dehors de l'Église catholique et ne professent pas ces vérités sont pour autant exclus du salut.

La virginité de Marie

70. Les pentecôtistes comme les catholiques reconnaissent que Marie était vierge lorsqu'elle a conçu Jésus, et voient dans les textes qui affirment ce fait une déclaration importante de la filiation divine du Christ. Les catholiques croient que Marie est demeurée vierge après la naissance de Jésus et qu'elle n'a pas eu d'autres enfants. Les pentecôtistes soutiennent, en général, que l'Écriture rapporte qu'elle a eu d'autres enfants et qu'elle a été l'épouse de Joseph au plein sens du terme.

71. Les catholiques considèrent le témoignage de l'Écriture comme étant ouvert à la doctrine de la virginité de Marie, qu'ils ont trouvée chez les tout premiers Pères de l'Église. Ils ont trouvé dans la Tradition (comprise dans le sens de l'expérience et de la réponse totale de l'Église dans sa prière et son annonce de la Parole de Dieu) la preuve de la virginité de Marie.

L'Immaculée Conception de Marie

72. Les catholiques soutiennent que la doctrine de l'Immaculée Conception se fonde sur la réflexion de l'Église faite à partir de l'Ancien comme du Nouveau Testament. Cette doctrine découle de la considération de son rôle de Mère du Sauveur et des textes qui la présentent comme la réalisation parfaite des figures de l'Ancien Testament, par exemple, « la fille de Sion » (cf. Lc 1, 26-38 ; So 3, 14-20 ; Za 2, 10 ; 9,9), la « femme » (cf. Jn 2, 1-11 ; 19, 25-27 ; On 3, 15). Ces textes constituent une théologie biblique mariale qui donne une base à l'élaboration de la doctrine de l'Immaculée Conception. L'explicitation progressive de cette doctrine dans la vie de l'Église a conduit à sa définition par le pape Pie IX en 1954.

73. Les pentecôtistes reconnaissent que les catholiques affirment que la grâce spéciale attribuée à Marie est une grâce rédemptrice qui vient de Jésus. Marie fait partie des rachetés et est membre de l'Église. Toutefois, les pentecôtistes ne trouvent dans l'Écriture aucun fondement à la doctrine de l'Immaculée Conception de Marie. En outre, ils ne voient dans cette doctrine aucune valeur de salut. Les catholiques voient dans l'attitude des pentecôtistes une insuffisance pour saisir pleinement les implications de l'Incarnation et la puissance de la grâce salvatrice et sanctifiante du Christ.

74. De plus amples éclaircissements sur les questions que soulève cette doctrine entraîneraient une discussion plus large portant sur la pneumatologie, la christologie et l'ecclésiologie. Les catholiques croient qu'il se produit une distorsion fondamentale lorsque l'on considère cette doctrine de manière isolée.

L'Assomption de Marie

75. Pour les catholiques, la doctrine de l'Assomption, que les Pères de l'Église soutenaient déjà explicitement dès le VIe siècle, est conforme aux enseignements fondamentaux de la Bible. Le Christ ressuscité est le commencement de la nouvelle création qui est née d'en-haut, de la mort et de la résurrection du Christ. En raison de la relation unique de Marie avec le Christ, cette nouvelle création dans l'Esprit atteint en elle une telle perfection que la vie de l'Esprit a connu en elle un triomphe total. C'est pourquoi Marie est déjà avec son corps dans la gloire de Dieu en compagnie de son Fils ressuscité.

76. L'objection que présentent les pentecôtistes repose sur l'absence de témoignage biblique. En général, ils considèrent que Marie est une fidèle parmi les autres et qu'elle attend le jour de la résurrection où, avec tous les autres chrétiens, elle sera unie, dans son corps, à son Fils glorieux. Les pentecôtistes établissent un parallèle entre « l'assomption » de Marie et ce qu'ils entendent par « la résurrection des corps » ou « l'enlèvement de l'Église » (cf. 1 Th 4, 13-18, en particulier v. 17), mais diffèrent sur le moment où cela aura lieu pour Marie.

 

LE MINISTÈRE DANS L'ÉGLISE

77. Tout en reconnaissant que, dans le Nouveau Testament, le mot ministère s'applique à plusieurs activités, le dialogue s'est arrêté au ministère dans l'Église en tant que prolongement de celui des Apôtres.

78. Pris dans ce sens, le ministère comprend tout ce qui relève de la prédication et de la proclamation de la Parole de Dieu sur laquelle se fondent les Églises, et tout ce qu'exige l'édification de l'Église dans le Christ.

79. Pour les catholiques, tous les ministères contribuent à la réalisation de ces fins, mais on attache une importance particulière au ministère des évêques et à celui des prêtres et des diacres qui sont leurs collaborateurs. Les pentecôtistes voient l'exercice du ministère apostolique partout où, par la prédication de la Parole de Dieu, une Église se fonde, des personnes et des communautés se convertissent à Jésus et où des manifestations de l'Esprit Saint sont évidentes. Dans les diverses formes de gouvernement que l'on retrouve dans les milieux pentecôtistes, on utilise des termes bibliques comme ceux d'ancien, de diacre, d'évêque et de pasteur, pour désigner toutes sortes de fonctions et de ministères, sans qu'on leur donne toujours le même sens.

80. De part et d'autre, on reconnaît la nécessité d'un ordre et d'une structure pour l'exercice du ministère.

81. Le Nouveau Testament ne présente pas de modèle unique dans la création et la structuration du ministère. L'Esprit a plusieurs fois conduit les Églises à adapter leurs ministères aux besoins de l'endroit et de l'époque.

82. Les catholiques voient dans le Nouveau Testament des témoignages sur les fonctions ministérielles et considèrent ces fonctions comme faisant partie du plan de Dieu sur l'Église primitive. Ils croient cependant que l'émergence progressive du triple ministère de l'évêque, du prêtre et du diacre constitue la voie par laquelle Dieu réalise son plan et l'Église comble ses besoins de structures et de ministères.

83. Les pentecôtistes présentent une plus grande diversité de positions. Bien que l'on répugne, dans certains milieux pentecôtistes, à parler des ministères d'apôtre et de prophète en raison des abus historiques auxquels on les associe parfois, on en reconnaît l'existence et l'importance dans la vie de l'Église. Même s'il n'y a pas, dans le Nouveau Testament, d'uniformité dans la façon de décrire le ministère, les pentecôtistes veulent y trouver des lignes de conduite pour l'exercice des ministères et des fonctions.

84. Les pentecôtistes se réfèrent avant tout au sacerdoce de tous les croyants, ce qui implique, pour tous ceux-ci, l'accès à Dieu, et une participation au ministère. Ils attirent l'attention sur le problème de l'institutionalisation à outrance du ministère dont ils croient trouver une preuve dans l'histoire et la pratique de l'Église catholique romaine.

85. Les catholiques insistent sur le besoin d'une institution des fonctions ecclésiales parce qu'elles font partie du plan de Dieu sur l'Église. Ils considèrent aussi ces institutions et ces ministères en relation avec le sacerdoce et le ministère de tous les fidèles à l'intérieur d'un même corps, et comme une aide apportée à ceux-ci. Ils sont en même temps éveillés aux dangers que présente l'institutionalisme. Au cours des dernières décennies, le développement du ministère de tous les croyants a connu un renouveau d'intérêt dans l'Église catholique. Les catholiques pensent, en outre, qu'il manque aux pentecôtistes une juste reconnaissance de l'aspect visible de l'Église ou du sacrement de l'Ordre et du ministère sacramentel.

L'ordination

86. Les pentecôtistes voient l'ordination comme une reconnaissance de dons spirituels déjà communiqués. Pour eux, il y a toujours, à l'origine du ministère, un appel divin dont témoigne la réception des dons et des grâces nécessaires. L'ordination de quelqu'un qui a reçu les dons appropriés accorde à celui-ci l'autorité nécessaire dans son Église pour poursuivre sa fonction dans le ministère auquel il a été appelé.

87. Chez les catholiques, le ministère officiel dans l'Église est un don de Dieu qui appelle un candidat, répand sur lui son Esprit et lui accorde une participation spéciale au sacerdoce du Christ. Ce don doit être discerné par l'Église sous la forme établie par sa discipline. L'ordination est considérée comme un sacrement qui communique grâce, dons et autorité d'exercer le ministère de la parole, des sacrements et de la charge pastorale.

La succession apostolique

88. Les catholiques et les pentecôtistes croient que l'Église vit en continuité avec les Apôtres du Nouveau Testament et ce qu'ils ont proclamé, ainsi qu'avec l'Église des premiers temps. La fidélité à l'enseignement des Apôtres en est une manifestation de première importance.

89. Pour les catholiques, la succession des évêques par une transmission ordonnée du ministère à travers l'histoire constitue une garantie en même temps qu'une manifestation de cette fidélité.

90. Pour les pentecôtistes, la dynamique courante de l'Esprit est perçue comme une garantie plus valable de la foi et du ministère apostolique qu'une ligne ininterrompue dans la succession épiscopale. Ils voient dans la vie apostolique et la puissance de la prédication qui conduit à des conversions à Jésus Christ une preuve de l'authenticité du ministère apostolique. Ils demandent aux catholiques si, dans leur insistance sur la succession apostolique, ils n'ont pas ignoré parfois les exigences de la vie apostolique. Les catholiques soutiennent la nécessité d'une vie apostolique pour assurer l'efficacité du ministère. Mais ils maintiennent que la souveraineté de l'action de Dieu dans la transmission de la Parole et le ministère sacramentel n'est pas annulée par l'infidélité personnelle du ministre.

91. De part et d'autre, on affirme avec force que la sainteté de vie est essentielle à l'efficacité du ministère et on reconnaît que la qualité de vie apostolique du ministre influe sur la qualité de son ministère. Les deux groupes, par leur discipline et leur façon de faire respectives, cherchent sérieusement à assurer la sainteté de leurs ministres. Ils reconnaissent tous deux que parfois la puissance souveraine de Dieu opère à travers le ministère d'un ministre faible et pécheur. Toutefois, la discipline des pentecôtistes comme des catholiques prévoit le retrait de son poste de tout ministre manifestement indigne.

La reconnaissance des ministères

92. Chaque groupe participant au dialogue reconnaît que Dieu est à l'œuvre à travers le ministère que l'autre exerce et que par ce ministère se construit le Corps du Christ (cf. Décret sur l'œcuménisme, par. 3 et 22). Le problème de la reconnaissance des ministères dépend de questions d'ecclésiologie qui ont encore besoin d'être élucidées. De profonds désaccords demeurent encore.

 

SUJETS POUR DE NOUVEAUX ÉCHANGES

93. Au cours des conversations, un certain nombre de sujets évoqués n’ont pu être étudiés suffisamment et devraient donc être repris à une date ultérieure. Parmi ceux-ci : a) les conséquences personnelles de la foi ; b) la communion des saints en relation avec la mariologie et l'intercession des saints ; c) le développement d'une doctrine en relation avec l'Écriture et la Tradition ; d) les insuffisances et les limites des formules doctrinales qui portent la marque d'un certain moment de l'histoire ; e) le caractère obligatoire de la doctrine mariale qui a été définie, dans l'Église catholique, dans sa relation au salut.

 

CARACTÈRE DU RAPPORT FINAL

94. Ce dialogue international entre des représentants d'Églises pentecôtistes et de l'Église catholique a été caractérisé par le sérieux des échanges. Les participants ont cherché à présenter en toute fidélité la doctrine de leur Église et, en même temps, à connaître, par le dialogue, les véritables positions de foi de l'autre Église. Ce rapport en est le résultat. Il est clair qu'il n'engage aucune Église ou tradition sur une position théologique quelle qu’elle soit. Il est présenté aux Églises pour être soumis à leur réflexion et à leur évaluation.

 

CONCLUSION

95. Ceux qui ont pris part au dialogue ont vécu les rencontres dans le respect et l'accueil mutuels, avec l'espoir que les points majeurs de divergence fourniront l'occasion de poursuivre ce dialogue pour un enrichissement mutuel.

96. Les participants souhaitent à l’unanimité que le dialogue se poursuive dans le même esprit. Tous les efforts seront faits pour favoriser des conversations théologiques bilatérales du même type au niveau local.

97. C'est dans ce but que le dialogue entre dans une phase d'assimilation des résultats atteints au cours des deux premières séries d'échanges, et de diffusion plus large des efforts conjoints entrepris pour favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

98. En dernier lieu, les participants désirent exprimer leur conviction que le dialogue constitue un instrument permanent de communication entre les deux traditions.