COMITE INTERNATIONAL DE LIAISON JUIF-CATHOLIQUE

 

6e RENCONTRE

Venise, Italie, 28-30 mars 1977

 

La sixième rencontre annuelle du Comité international de liaison entre catholiques et juifs a eu lieu à Venise, Italie, du 28 au 30 mars 1977. Les séances se sont tenues à la Casa Cardinale Piazza, centre de conférences du patriarcat de Venise.

Le Comité de liaison est composé de représentants de l'Eglise catholique romaine et du Comité juif international pour les consultations interreligieuses (IJCIC).

Les réunions précédentes du Comité de liaison ont eu lieu à Paris, Marseille, Anvers, Rome et Jérusalem.

La consultation de Venise a été ouverte par S. E. Mgr. Ramon Torrella, vice-président du Secrétariat pour l'unité des Chrétiens, qui présenta le R. P. Jorge Mejia, de Buenos-Aires, Secrétaire récemment désigné de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec les juifs. Le P. Mejia est l'ancien Secrétaire du Département oecuménique de la Conférence épiscopale latino-américaine (CELAM).

Le sujet principal de la consultation entre juifs et catholiques était la présentation d'un document d'étude sur « La mission et le témoignage de l'Eglise ». Le document a été lu par le professeur Tommaso Federici, professeur de théologie biblique à l'Université Pontificale Urbaniana et à l'Institut liturgique de de S. Anselme à Rome.

Des informations furent échangées sur des questions d'intérêt commun, notamment les programmes d'étude entre catholiques et juifs dans différents pays, le développement de la collaboration au niveau national et régional entre catholiques et juifs, et le statut des droits de l'homme. Un échange de vues préliminaire eut lieu sur la présentation du judaïsme et du christianisme dans leurs programmes de formation respectifs.

Dans son exposé, le professeur Federici déclara que l'Eglise catholique « revendique énergiquement comme lui appartenant le commandement sublime... de faire connaître le nom du Dieu Unique parmi tous les peuples de la terre en tous les temps ». Ce faisant, selon le professeur Federici, l'Eglise catholique se reconnaît étroitement liée à la tâche du peuple juif dans le monde. Il devient plus clair dans l'Eglise catholique aujourd'hui, dit-il, en dépit de toute tentation qui puisse exister en sens contraire, que la mission qu'elle a reçue de son Maître est par-dessus tout de vivre dans la fidélité à Dieu et à l'homme; c'est-à- dire l'unité dans l'amour, le respect pour tous les frères, le service sans distinction de personnes, le sacrifice, la bonté. Cette manière de comprendre sa mission exclut le prosélytisme, déclara le professeur Federici. « L'Eglise rejette ainsi clairement toute forme de prosélytisme. Cela signifie l’exclusion de toute forme de témoignage et de prédication qui constituerait de quelque manière une contrainte physique, morale, psychologique ou culturelle à l'égard des juifs, comme individus et comme communautés, et pourrait de quèlque manière détruire ou même simplement réduire leur jugement personnel, leur libre volonté et leur pleine autonomie de décision au niveau personnel ou communautaire ».

«Est exclue également toute espèce de jugement exprimant la discrimination, le mépris ou la réticence à l'égard du peuple juif comme tel, et à l'égard des juifs pris individuellement ou à l'égard de leur foi, de leur culte, de leur culture en général, et, en particulier, de leur culture religieuse, de leur histoire passée et présente, de leur existence et de sa signification. Sont exclues aussi les formes de comparaisons odieuses, et spécialement celles, pernicieuses, qui ont déjà été condamnées par Nostra Aetate, 4 (Déclaration sur les juifs du second Concile du Vatican) et ensuite par les “Orientations et suggestions pour l'application de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate, n. 4”, qui exaltent la religion chrétienne et le fait chrétien en jetant le discrédit sur la religion et le fait juifs, soit dans le passé, soit dans le présent ».

Le professeur Federici déclara que « les tentatives pour mettre sur pied des organisations de tout genre, en particulier des organisations éducatives ou caritatives pour la “ conversion” des juifs, doivent être rejetées. Au contraire, il faut encourager tous les efforts pour parvenir à connaître l'histoire d'Israël en partant de la Bible et en étudiant en profondeur l'esprit, l'existence, l'histoire et la mission d'Israël, sa survivance dans l'histoire, son élection et son appel, et ses privilèges qui sont reconnus par le Nouveau Testament ».

Le Professeur Federici insista pour que, du côté catholique, en développant les directives tracées dans la Déclaration sur les juifs du second concile du Vatican et dans les Orientations du Vatican pour l'application de cette Déclaration, les thèmes suivants soient rendus plus explicites: 1) La permanence du judaïsme dans le plan de Dieu; 2) le changement d'attitude irréversible de l'Eglise catholique touchant ses relations avec le judaïsme; 3) la nouvelle attitude de l'Eglise catholique favorisant le dialogue avec le peuple juif « sans restrictions mentales ».

Répondant à l'exposé du Professeur Federici, le Rabbin Henry Siegman de New-York remarque qu’il s'agissait là d’un document catholique traitant de questions de théologie catholique. Comme tel, sa condamnation sans restriction du prosélytisme et son rejet de « toutes tentatives de mettre sur pied des organisations d'aucune sorte» pour la conversion des juifs, représente dans l'Eglise catholique une évolution significative qui est destinée à contribuer à une compréhension plus profonde entre les deux fois.

Le Professeur Shemaryahu Talmon, de l'Université hébraïque de Jérusalem, informa la consultation de l'existence d'un programme d'étude en collaboration patronné conjointement par l'Institut biblique pontifical de Rome et par l'Université hébraïque. Le programme prévoit le séjour d'étudiants de l'Institut pontifical à l'Université hébraïque pendant deux semestres d'étude intensive de langue hébraïque, de Bible, d'histoire, de géographie et d'archéologie juives. Selon le Professeur Talmon, ce programme sert de modèle pour l'établissement de programmes académiques similaires en Israël et dans les pays européens.

Les évêques catholiques d'Allemagne fédérale ont désigné récemment un groupe de travail permanent sur « l'Eglise et le judaïsme », dont le but est la promotion du dialogue avec le peuple juif. Ce fut l'objet d'une communication de S. E. Mgr Karl B. Flügel, évêque auxiliaire de Ratisbonne. Le thème « Israël et le judaïsme » a été l'un des éléments réguliers des Katholikentage (assemblées générales des catholiques allemands).

Theodore Freedman, de New-York, dans un rapport au Comité de liaison, mit en lumière divers programmes de formation actuellement en cours aux Etats-Unis et destinés à promouvoir la compréhension entre juifs et catholiques. Il fit remarquer que les institutions catholiques et juives engagées dans la tâche des relations interreligieuses, prêtaient une attention spéciale à établir, dans les institutions éducatives de l'Eglise, l'étude systématique des juifs et du judaïsme.

En Amérique latine, le dialogue entre l'Eglise catholique et le judaïsme est mené au niveau le plus élevé par la Conférence épiscopale latino-américaine (CELAM) et les représentants des communautés juives d'Amérique latine. Ce fut l'objet du rapport du R.P. Jorge Mejia. Les membres juifs du Comité de liaison exprimèrent leur approbation pour le soutien donné aux juifs d'Amérique latine par l'Eglise catholique de ce continent face aux manifestations d'antisémitisme.

La Communauté juive de Venise offrit une réception en l’honneur des membres du Comité de liaison à la Casa Cardinale Piazza. Les invités d'honneur étaient le Cardinal Albino Luciani, patriarche de Venise, le représentant personnel du maire de Venise et les Rabbins de Padoue et de Trieste.

Les participants juifs à la rencontre étaient:

Membres

Le Rabbin Henry SIEGMAN, Vice-président du Conseil des Synagogues des Etats-Unis (New-York)

Dr. Gerhart RIEGNER, Secrétaire général du Congrès juif mondial (Genève)

M. Zachariah SHUSTER, Consulteur, Comité juif des Etats-Unis (Paris)

Dr. Joseph L. LICHTEN, représentant du B’nai B’rith à Rome

Prof. Shemaryahu TALMON, président, Conseil juif d'Israël pour les Consultations interreligieuses (Jérusalem)

 Experts

M. Fritz BECKER, Congrès juif mondial (Rome)

Rabbin Balfour BRICKNER, Union des Communautés juives des Etats-Unis (New-York)

Dr. Ernst Ludwig EHRLICH, Directeur, B’nai B’rith (Richen, Suisse)

M. Théodore FREEDMAN, Directeur, Division du programme national, B’nai B’rith (New-York)

M. Abraham KARLIKOW, Directeur européen, Comité juif des Etats-Unis (Paris)

Rabbin Mordecai WAXMAN, Président, Comité pour les affaires interreligieuses du Conseil des Synagogues des Etats-Unis (New-York)

Les participants catholiques étaient:

S. E. Mgr TORRELLA, Vice-président du Secrétariat pour l'Unité des chrétiens (Rome)

 Membres

Mgr Charles MOELLER, Vice-président de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec les juifs et secrétaire général du Secrétariat pour l'Unité des chrétiens (Rome)

R.P. Bernard DUPUY, O.P., Secrétaire de la Commission pour les relations avec les juifs de la Conférence épiscopale française et directeur d’ISTINA (Paris)

R.P. Roger LE DEAUT, CSSp, Professeur de littérature targumique araméenne à 1'Institut biblique pontifical à Rome.

S. E. Mgr Karl B. FLÜGEL, évêque auxiliaire de Ratisbonne (Allemagne fédérale)

R.P. Jorge MEJIA, Secrétaire de la Commission vaticane pour les relations religieuses avec les juifs (Buenos-Aires)

S. E. Mgr Francis J. MUGAVERO, évêque de Brooklyn, N.Y.

Experts

Prof. Tommaso FEDERICI, professeur de théologie biblique, Consulteur de la Commission pour les relations religieuses avec les juifs (Rome)

Mgr Georges HIGGINS, Secrétaire à la recherche, Conférence nationale des évêques catholiques (Washington D.C.)

Mgr Pietro ROSSANO, Secrétaire général du Secrétariat du Vatican pour les religions non-chrétiennes et consulteur de la Commission pour les relations religieuses avec les juifs (Rome)

Mgr Eric SALZMANN, Secrétariat pour l'Unité des chrétiens (Rome)