DIALOGUE ENTRE LA COMMISSION POUR LES RELATIONS RELIGIEUSES
AVEC LE JUDAISME ET LE GRAND RABBINAT D'ISRAEL

 

14e RENCONTRE

Rome, 30 novembre 2016 ; MarCheshvan 29, 5777

 

Promouvoir la paix face à la violence au nom de la religion

 

1. Le Coprésident catholique de la délégation, le Cardinal Peter Turkson, a ouvert la rencontre et donné la bienvenue aux délégations auxquelles il a présenté le thème de réflexion choisi et souhaité un fructueux travail. Le Coprésident juif, le Rabbin Rasson Arussi, a remercié pour l’hospitalité offerte et fait remarquer qu’il s’agissait de la première réunion depuis le décès du coprésident fondateur juif, le Rabbin Shear Yashuv Cohen, de mémoire bénie, dont le leadership a été fondamental pour la réussite des activités de cette commission bilatérale. Il a par ailleurs rappelé les autres coprésidents fondateurs de mémoire bénie, le Cardinal Jorge Mejía et le Cardinal Georges Cottier, pour l’exemple et la source d’inspiration qu’ils ont été. Le Rabbin Arussi a souhaité la bienvenue au nouveau membre de la délégation juive, le Rabbin Moshe Dagan, nouveau Directeur général du Grand Rabbinat d’Israël, et a exprimé sa satisfaction pour la décision du Conseil du Grand Rabbinat de maintenir M. Oded Wiener au poste de coordinateur de la délégation juive. L’ensemble des membres de la commission bilatérale a présenté ses félicitations à l’Archevêque Pierbattista Pizzaballa pour son élévation à l’épiscopat et sa nomination comme Administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem et lui a souhaité un plein succès dans son ministère.

2. La 14e rencontre de la commission bilatérale avait pour titre : « Promouvoir la paix face à la violence au nom de la religion ». Ella a reconnu les tragiques péchés de la violence du passé, perpétrés au nom de la religion, et aujourd’hui le terrible abus blasphématoire de la religion qui profane la vie humaine, nie la liberté et les différences humaines et pose à nos traditions respectives de très graves défis.

3. De son côté, l’intervention catholique a tenté d’établir si et dans quelle mesure les religions peuvent jouer un rôle dans la résolution des conflits et la construction d’un nouvel ordre international basé sur la justice, la paix et la sauvegarde de la Création. En affirmant le caractère sacré de la vie humaine, nos religions exigent que soient respectées la vie et l’identité de chaque personne. C’est ce qui doit aussi être garanti aux réfugiés et aux migrants qui doivent être accueillis de telle façon que leurs droits et leur liberté soient assurés.

4. La présentation faite du côté juif a offert une vue d’ensemble des divers facteurs qui mènent à une attitude agressive, à la violence et à la guerre, et a tenté de définir en particulier les critères et valeurs propres aux traditions abrahamiques permettant de les combattre – notamment le caractère sacré de la personne humaine, le principe du libre arbitre et la valorisation de la diversité en tant que reflet de la présence et de la volonté divine. À cet égard ont été rappelées les remarquables paroles du Cardinal Augustin Bea lorsqu’il commenta Nostra Ætate : le concept de Parternité divine implique que tous les êtres humains sont égaux en dignité. Par ailleurs, il incombe aux leaders religieux d’user d’humilité dans leur présentation et interprétation théologiques de leurs propres traditions de manière à éviter tout violence vis-à-vis des autres.

5. Face aux tragédies et défis humains actuels a été soulignée l’importance que les leaders religieux donnent l’exemple en matière de tolérance et de respect. Par ailleurs, les participants se sont engagés à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour persuader leurs leadership respectifs d’agir de façon plus tolérante et humaine envers « l’autre » et toute personne vulnérable. À cet égard, les récentes paroles prononcées par le Pape François aux représentants des différentes religions sont tout à fait pertinentes :

Que soient rejetés les chemins sans but de l’opposition et de la fermeture. Qu’il n’arrive plus que les religions, à cause du comportement de certains de leurs disciples, transmettent un message qui sonne faux, en désaccord avec celui de la miséricorde. Malheureusement, il ne se passe pas de jour sans que l’on n’entende parler de violences, de conflits, d’enlèvements, d’attaques terroristes, de victimes et de destructions. Et il est terrible que, pour justifier de telles barbaries, le nom d’une religion ou de Dieu lui-même soit parfois invoqué. Que soient condamnés de façon claire ces comportements iniques qui profanent le nom de Dieu et qui polluent la recherche religieuse de l’homme. Que soient au contraire favorisées, partout, la rencontre pacifique entre les croyants et une réelle liberté religieuse (Discours du Pape François aux représentants des différentes religions, Vatican, 3 novembre 2016).

6. Les membres de la commission ont rappelé et salué les initiatives visant précisément à rejeter l’abus violent de la religion – notamment la récente rencontre au sommet de Marrakech à la fin de laquelle a été rendue publique une déclaration historique pour la protection de la dignité humaine et de la diversité dans les pays musulmans.

7. Après plus d’un demi-siècle de réconciliation entre juifs et catholiques et de dialogue fécond, juifs et catholiques sont appelés à œuvrer ensemble pour contribuer à l’établissement de la paix pour toute la famille humaine et à faire en sorte que les paroles du psalmiste se réalisent : « Fidélité et Vérité se sont rencontrées, elles ont embrassé Paix et Justice » (Ps 85, 11). Les participants ont insisté sur l’importance de l’éducation des nouvelles générations pour promouvoir la paix et le respect réciproque.

8. Au cours du débat sur les enjeux actuels, le principe du respect universel pour les lieux sacrés de chaque religion a été réaffirmé ; il a également été relevé que des tentatives de nier le lien historique du peuple juif avec son site le plus sacré ont toujours cours. La commission bilatérale a vigoureusement mis en garde contre le déni politique et polémique de l’histoire biblique et appelé toutes les nations et religions à respecter ce lien religieux historique.

 

Rome, 30 novembre 2016 – MarCheshvan 29, 5777

 

 

Rabbin Rasson Arussi
(Coprésident de la délégation juive)

Rabbin David Rosen Rabbin
Prof. Daniel Sperber
Rabbin Prof. Avraham Steinberg
Rabbin Moshe Dagan
M. Oded Wiener

Cardinal Peter Turkson
(Coprésident de la délégation catholique)

Archevêque Pierbattista Pizzaballa, OFM
Archevêque Bruno Forte
Évêque Giacinto-Boulos Marcuzzo
Mgr Pier Francesco Fumagalli
P. Norbert Hofmann, SDB