RAPPORT FINAL SUR LE DIALOGUE 
ENTRE LE SECRÉTARIAT POUR L'UNITÉ DES CHRÉTIENS
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ET LES DIRIGEANTS 
DE CERTAINES ÉGLISES PENTECÔTISTES ET DES MEMBRES
DU MOUVEMENT PENTECÔTISTE DES ÉGLISES PROTESTANTES ET ANGLICANES

(1972-1976)

(traduction du texte anglais original)

 

 

Introduction

1. La série de conversations qualifiée de dialogue catholique-pentecôtiste a commencé par des contacts entre des membres individuels des Églises pentecôtistes et le Secrétariat romain pour l'unité des chrétiens en 1969 et 1970. Avec l'aide du Rév. David du Plessis, dirigeant pentecôtiste international, personnalité connue du Pentecôtisme, et invité au second Concile du Vatican, ainsi que du P. Kilian McDonnell, OSB, Directeur de l'Institut de recherche œcuménique et culturelle, Collegeville, U.S.A., l'impulsion initiale fut clarifiée et des propositions pratiques commencèrent à apparaître.

2. En 1970, la première des deux réunions préliminaires fut tenue afin de voir si de sérieuses discussions théologiques entre Catholiques et Pentecôtistes au niveau international seraient possibles. La première rencontre fut surtout une occasion permettant de commencer à se connaître mutuellement. Au cours de la seconde réunion en 1971 chaque partie posa des questions assez « dures » à l'autre, il en résulta une conversation plus motivée et il devint clair qu'il serait possible d'entreprendre des discussions de style plus systématique.

3. En conséquence, plus tard en 1971, un petit comité de direction comprenant des membres de chaque partie élabora un programme de points qui pourraient être traités au cours de réunions s'étendant sur une période de cinq années.

4. Ce dialogue a un genre qui lui est propre. Les conversations bilatérales que l'Église catholique a engagées avec de nombreuses communions internationales (v.g. la Communion anglicane, la Fédération luthérienne mondiale, etc.) visent à prendre en considération des questions concernant les structures ecclésiales et l'ecclésiologie et ont comme but l'unité organique ou au moins envisagent quelque forme d'unité structurelle éventuelle. Ce n'est pas le cas du présent dialogue. Avant qu'il commence, il fut précisé que son but immédiat n'était pas' d'avoir le souci de problèmes d'union structurelle immédiate', bien qu'il ait naturellement comme objet de rapprocher les chrétiens dans la prière et le témoignage commun. Son but a été que 'la prière, la vie spirituelle et la réflexion théologique constituent un souci partagé au plan international par le moyen d'un dialogue entre le Secrétariat pour l'Unité des Chrétiens de l'Église catholique et les dirigeants de certaines Églises pentecôtistes ainsi que les membres de mouvements charismatiques dans des Églises protestantes et anglicanes ».

5. Ce dialogue a cherché « à étudier la vie et l'expérience spirituelle de chrétiens et des Églises » en vue de « donner une attention particulière à la signification pour l'Église de la plénitude de vie dans l'Esprit-Saint », en prenant en considération « en même temps la dimension expérimentale et la dimension théologique» de cette vie. « Par le moyen de ce dialogue » ceux qui y prennent part « espèrent participer ensemble à la réalité du mystère du Christ et de l'Église, élaborer ensemble un témoignage unifié, indiquer de quelle manière le partage de la vérité rend possible ... un progrès ensemble ».

6. Certaines zones d'accord doctrinal ont été prises en considération en vue d'éliminer les incompréhensions mutuelles. En même temps, on n'a pas essayé de minimiser les points de réelle divergence. Un de ceux-ci, par exemple, est l'importance donnée à la foi et à l'expérience et à leurs rapports dans la vie chrétienne.

7. Le dialogue s'est déroulé entre l'Église catholique et certaines Églises pentecôtistes. Ici encore il a été marqué par des traits particuliers. Du côté catholique, le dialogue a bénéficié de l'autorisation courante donnée par le Secrétariat pour l'unité à de telles réunions au plan international et les participants furent officiellement nommés par le Secrétariat pour l'unité. Les participants pentecôtistes furent soit nommés officiellement par leurs propres Églises (et dans plusieurs cas ce sont des dirigeants de ces Églises), ou biens ils sont venus avec une certaine approbation de leurs Églises. De cette façon, cela a été un dialogue avec certaines Églises pentecôtistes et avec des délégués d'autres Églises pentecôtistes. Ces Églises sont venues à l'existence au cours des cinquante ou soixante dernières années quand certaines Églises protestantes expulsèrent ceux qui firent de la glossolalie et des autres manifestations charismatiques une partie essentielle de leur vie spirituelle.

8. En outre, invités par les Pentecôtistes, il y avait des membres du mouvement charismatique appartenant aux Églises protestantes ou anglicanes qui sont déjà engagées dans des dialogues bilatéraux avec l'Église catholique. Il en résulte que c'est en tant que participants au mouvement charismatique et non d'abord comme membres de leurs propres Églises qu'ils prennent part au dialogue.

9. On souligna aussi dès le début que « ce dialogue n'a pas à considérer directement le problème pastoral interne des relations entre le mouvement charismatique parmi les catholiques et l'Église catholique. Le dialogue peut contribuer indirectement à éclairer ces relations mais cela n'est pas l'objet direct de nos délibérations ».[1]

10. A la première réunion du dialogue, à Horgen, Suisse, en juin 1972, la perspective exégétique fut adoptée afin d'étudier « le baptême dans le Saint-Esprit » dans le Nouveau Testament, sa relation à la « metanoia » et au processus de sanctification et le lien des charismes avec lui. À Rome, en juin 1973, la seconde réunion traita de l'arrière-plan historique du mouvement pentecôtiste, du rapport entre le baptême dans le Saint-Esprit et les rites de l'initiation chrétienne, ainsi que du rôle du Saint-Esprit et des dons de l'Esprit dans la tradition mystique. La troisième réunion, tenue à Schloss Craheim, Allemagne Fédérale, en juin 1974, fut centrée sur la théologie de l'initiation chrétienne, la nature de l'activité sacramentelle, le baptême de l'enfant et de l'adulte. Au cours de la quatrième réunion, à Venise en mai 1975 on s'intéressa surtout au domaine du culte public (surtout à la célébration eucharistique), aux composantes humaines dans l'exercice des dons spirituels et au discernement des esprits. À Rome, en mai 1976, la réunion finale fut consacrée à la question de la prière et de la louange.

 

Baptême dans le Saint-Esprit

11. Dans le Nouveau Testament, l'expression « baptiser dans le Saint-Esprit » (Mc 1, 8) est utilisée pour exprimer, par contraste avec le baptême de Jean (Jn 1, 33), le baptême par Jésus qui confère l'Esprit au nouveau peuple eschatologique de Dieu, l'Église (Ac 1, 5). Tous les hommes sont appelés à entrer dans cette communauté par la foi au Christ qui, par le baptême, en fait des disciples et des participants à son Esprit (Ac 2, 38-39).

12. Dans le mouvement pentecôtiste, « être baptisé dans l'Esprit », « être rempli du Saint-Esprit » et « recevoir le Saint-Esprit » sont compris comme se produisant au cours d'une expérience décisive, distincte de la conversion, au cours de laquelle le Saint-Esprit se manifeste, remplit de puissance et transforme la vie de quelqu'un et l'illumine quant à la totalité du mystère chrétien (Ac 2, 4; 8, 17; 10, 44; 19, 6).

13. C'est l'Esprit du Christ qui donne à quelqu'un d'être chrétien (1 Co 12, 13) et sa vie est « chrétienne » dans la mesure où elle est sous la mouvance de l'Esprit. l'Esprit est souverainement libre, il distribue ses dons à qui il veut, quand et comme il le veut (1 Co 12, 11; Jn 3, 7-8). Mais il y a aussi pour l'homme la responsabilité de rechercher ce que Dieu a promis (1 Co 14, 1). Cette vie totale dans l'Esprit est une croissance dans le Christ (Ep 4, 15-16) qui doit être constamment purifiée. D'un autre côté, à cause d'une infidélité personnelle aux sollicitations de l'Esprit (Ga 6, 7-9; 1 Jn 3, 24), cette croissance peut s'interrompre. Mais également de nouvelles voies se présentent et de nouvelles crises se produisent qui peuvent être autant de jalons du progrès de la vie chrétienne (2 Co 3, 17-18; 2 Co 4, 8-11).

14. Les participants sont conscients du fait que pendant dix-neuf siècles d'autres expressions ont été utilisées pour parler de cette expérience qualifiée de « baptême dans le Saint-Esprit ». Cette expression est celle qui est utilisée aujourd'hui par le mouvement pentecôtiste, ainsi que d'autres expressions telles que « être rempli du Saint-Esprit » et « recevoir le Saint-Esprit ». Ces formules ne devraient pas être utilisées pour exclure l'interprétation traditionnelle de l'expérience et de la foi en la réalité de l'initiation chrétienne.

15. C'est gratuitement que le Saint-Esprit se manifeste par des signes et des charismes en vue du bien commun (Mc 16, 17-18); il travaille dans et par les dispositions naturelles du croyant mais va au-delà. Les ministères par lesquels l'Esprit se manifeste sont d'une très grande variété. Sans minimiser l'importance de ces expériences ni nier le fruit de ces dons pour l'Église, les participants ont désiré accorder une importance plus grande à la foi, à l'espérance et la charité comme guides assurés pour répondre à Dieu (1 Co 13, 13-14, 1; 1 Th 1, 3-5). C'est précisément par respect pour l'Esprit et ses dons qu'il est nécessaire de discerner entre les vrais dons et leurs contrefaçons (1 Th 5, 22; 1 Jn 4, 1-4). Dans ce processus de discernement l'autorité spirituelle de l'Église a un ministère propre à exercer (1 Jn 4, 6; Ac 20, 28-31; 1 Co 14, 37-38) car elle a une responsabilité particulière à l'égard du bien commun, de l'unité de l'Église et de sa mission dans le monde (Rm 15, 17-19; Ac 1, 8).

 

Initiation chrétienne et dons

16. Les premiers textes non-canoniques de l'Église témoignent déjà de la célébration de l'initiation chrétienne (baptême, imposition des mains/chrismation, eucharistie) comme exprimant clairement la demande de la venue du Saint-Esprit et sa réception effective. Le Saint-Esprit demeure dans tous les chrétiens (Rm 8, 9), et pas seulement en ceux qui ont été « baptisés dans le Saint-Esprit ». La différence entre un chrétien engagé sans une telle expérience pentecôtiste et celui qui a eu une telle expérience n'est pas seulement une question de focalisation théologique mais aussi une question d'un élargissement de l'ouverture et de l'attente à l'égard du Saint-Esprit et de ses dons. Parce que le Saint-Esprit comble selon son vouloir en toute liberté et souveraineté, les expériences religieuses des individus peuvent être différentes. Il souffle où il veut (Jn 3, 8). Bien que le Saint-Esprit ne cesse de se manifester tout au long de la totalité de l'histoire de l'Église, sa façon de se manifester a été différente selon les temps et les cultures. Cependant, dans le mouvement pentecôtiste, la glossolalie a eu et continue à avoir une importance particulière.

17. Aux époques de renouveau spirituel, quand les éléments charismatiques sont plus apparents, des tensions peuvent s'élever à cause des préjugés, du manque de compréhension et de communication mutuelles. C'est aussi en de telles périodes que le discernement des esprits est plus nécessaire que jamais. Cette nécessité ne devrait pas conduire à mésuser de ce discernement en excluant les manifestations charismatiques. Le véritable exercice des charismes s'insère dans l'amour et conduit à une plus grande fidélité au Christ et à son Église. La présence des dons charismatiques n'est pas un signe de maturité spirituelle et ceux à qui manque l'expérience de tels dons ne doivent pas être considérés comme des chrétiens d'une espèce inférieure. L'amour est le cadre dans lequel tous les dons sont correctement exercés car l'amour est plus définitif et plus primordial que les dons spirituels (1 Co 13). À des degrés divers tous les charismes sont des ministères orientés vers la construction de la communauté et au témoignage missionnaire. Pour cette raison, on distingue les expériences mystiques, qui sont plus généralement orientées vers la communion personnelle avec Dieu, des expériences charismatiques qui, tout en incluant une communion personnelle avec Dieu, sont plus orientées vers le service ministériel.

 

Le don de l'Esprit et l'initiation chrétienne

18. Agissant pour régénérer, le Saint-Esprit est donné dans l'initiation chrétienne non comme un avantage mais comme nous unifiant avec le Fils et le Père dans une relation personnelle. Être chrétien implique recevoir la grâce par le Saint-Esprit pour sa propre sanctification et aussi pour en communiquer les dons aux autres. D'une certaine façon, tout ministère manifeste la puissance de l'Esprit. On ne put s'accorder sur le point de savoir s'il y a une réception ultérieure du Saint-Esprit en vue d'un ministère charismatique, ou si le baptême dans le Saint-Esprit n'est pas plutôt une sorte de manifestation d'un certain don de l'Esprit déjà reçu. La discussion sur la question de savoir combien il y avait de réceptions de l'Esprit resta sans conclusion. Au sein du Pentecôtisme classique, certains tiennent que par la régénération le Saint-Esprit vient en nous et plus tard par le baptême dans le Saint-Esprit vient sur nous et commence à se répandre à partir de nous. En fin de compte, les charismes ne sont pas des accomplissements de la personne individuelle mais des manifestations souveraines du Saint-Esprit.

 

Le baptême

19. Le baptême implique un passage du royaume de l'obscurité au royaume de lumière du Christ, et il comporte toujours une dimension communautaire: on est baptisé dans le corps unique du Christ. Les conséquences de cet accord n'ont pas été développées.

20. Concernant le baptême, le Nouveau Testament témoigne de la situation missionnaire de la génération apostolique de l'Église et ne précise pas clairement ce qui a pu se produire à la seconde génération de croyants et aux générations suivantes.

21. Dans cette situation missionnaire, l'initiation chrétienne comportait un ensemble qui incluait normalement la proclamation de l'Évangile, la foi, la metanoia, le baptême d'eau, la réception du Saint-Esprit. Il y eut un désaccord sur les relations entre ces diverses composantes et sur l'ordre selon lequel elles pourraient ou devraient se succéder. Dans la tradition pentecôtiste comme dans la catholique, l'imposition des mains peut être utilisée pour exprimer le don de l'Esprit. L'immersion est la meilleure manière d'exprimer de la façon la plus adéquate la signification du baptême. Certains cependant considèrent l'immersion comme essentielle, d'autres non.

22. Dans la discussion sur le baptême des enfants, certaines convergences furent remarquées:

a) Les sacrements ne sont en aucune façon de la magie, leur efficacité est liée nécessairement à la foi.

23. b) Le don de Dieu précède et rend possible la réception par l'homme. Bien qu'il y ait eu désaccord sur la façon d'appliquer ce principe, on s'accorda pour affirmer que la grâce de Dieu agit précédemment à notre prise de connaissance consciente.

24. c) Là où le pédobaptisme n'est pas en usage et où les enfants des parents croyants sont présentés et consacrés à Dieu, les enfants sont par là même confiés à l'attention de la communauté chrétienne et bénéficient d'une protection Spéciale du Seigneur.

25. d) Là où le pédobaptisme est pratiqué, il n'a sa plénitude de sens que dans le cadre de la foi des parents et de la communauté. Les parents doivent élever l'enfant dans la vie chrétienne, dans l'espoir que, devenu grand, l'enfant vivra de façon personnelle et affirmera sa foi dans le Christ.

26. Des représentants du mouvement charismatique dans les églises historiques ont exprimé des vues diverses sur le baptême. Certains se sont montrés substantiellement d'accord avec la perspective catholique, d'autres avec la perspective pentecôtiste classique.

27. On fut attentif au problème pastoral des personnes baptisées comme enfants et qui plus tard au cours de leur vie recherchent une nouvelle expérience dans le baptême par immersion. On fit état du fait que dans certaines traditions des rites ont été prévus qui impliquent l'immersion dans l'eau afin de procurer une telle expérience. Les catholiques ont estimé que la liturgie actuelle donnait assez d'occasions de réaffirmer son propre baptême. Rebaptiser au sens strict de ce mot a paru inacceptable à tous. Les participants qui rejettent le pédobaptisme, cependant, ont expliqué qu'ils ne considèrent pas comme un rebaptême le baptême d'un croyant adulte qui a déjà reçu le baptême dans son enfance. Ce grave problème œcuménique demande une étude ultérieure.

 

L'Écriture, la tradition et les développements

28. L'Église est toujours soumise aux Saintes Écritures. Il y eut pourtant un désaccord considérable sur le rôle de la tradition dans l'interprétation de l'Écriture.

29. Le mouvement pentecôtiste et le mouvement charismatique ont apporté à la compréhension de l'Écriture une actualité et une fraîcheur nouvelles confirmant la conviction que l'Écriture est porteuse d'un message particulier, vital pour chaque génération. En outre, ces mouvements stimulent les exégètes à jeter un nouveau regard sur le texte sacré dans la perspective des nouvelles questions et attentes que ces mouvements apportent à l'Écriture.

30. On s'accorda sur le fait que toute Église a eu une histoire et est inévitablement marquée par son passé. Certains développements du passé sont bons, certains peuvent être mis en question; certains sont permanents, d'autres ne sont que temporaires. Un discernement doit être effectué par les Églises sur ces développements.

 

Le renouveau charismatique dans les Églises historiques

31. Le dialogue a considéré que dans le cadre du mouvement charismatique dans les Églises historiques on pouvait justifier la création de groupes nouveaux et de communautés nouvelles au sein des Églises. Bien que de tels mouvements aient un caractère prophétique légitime, leur intention ultime est de fortifier l'Église et de participer en plénitude à sa vie. C'est pourquoi le mouvement charismatique ne rivalise pas avec les Églises et il n'en est pas isolé. Aussi doit-il reconnaître les autorités ecclésiales. En un mot, le renouveau charismatique est un renouveau dans le Corps du Christ, l'Église, il est donc dans et de l'Église.

 

Le culte public

32. Le culte public devrait sauvegarder un ensemble composite d'éléments: spontanéité, liberté, discipline, objectivité. Du côté catholique, on fit remarquer que la nouvelle liturgie révisée autorise plus d'occasions de prière spontanée et de chant au cours de l'Eucharistie et des rites de réconciliation. La tradition pentecôtiste en est arrivée à un certain degré de structuration du culte et reconnaît qu'il y a eu dans sa propre histoire un développement vers la liturgie.

33. Dans le cadre de la perspective catholique la formule ex opere operato référée à la célébration des sacrements fut discutée. Son caractère insatisfaisant aux yeux de certains participants fut dissipé par la présentation de la doctrine catholique de la grâce qui insiste sur l'importance fondamentale de la foi vivante de celui qui reçoit un sacrement.

 

Le culte public et les dons

34. Le culte communautaire est le point de convergence de la vie quotidienne de celui qui rend un culte à Dieu puisque c'est là que l'on parle à Dieu et aux autres membres de la communauté par des chants de louange et des prières d'action de grâce (Ep 5, 19-20; 1 Co 14, 26). Notre Seigneur est présent dans les membres de son corps, se manifestant lui-même au cours du culte par le moyen d'une diversité d'expressions d'ordre charismatique. Il est aussi présent dans l'Eucharistie par la puissance de son Esprit. Les participants reconnurent qu'ils comprenaient de plus en plus l'unité entre la structure organique de la célébration eucharistique et la spontanéité des dons charismatiques. Cette unité nous est montrée dans le lien chez S. Paul entre les chapitres onze à quatorze de la 1e aux Corinthiens.

 

La composante humaine

35. Dans tous les phénomènes charismatiques authentiques, il y a à la fois une composante divine et une composante humaine. Pour ce qui est de la composante humaine, elle peut très justement être soumise aux études d'ordre psychologique, linguistique, sociologique, anthropologique ou autres, qui peuvent donner quelque compréhension sur les diverses manifestations du Saint-Esprit. Mais, en définitive, la composante proprement spirituelle du phénomène charismatique échappe à un examen de pure science. Bien qu'il n'y ait pas de conflit essentiel entre la science et la foi, il n'en reste pas moins que la science a ses limites intrinsèques tout particulièrement pour ce qui regarde le domaine de la foi et de l'expérience spirituelle.

36. Une enquête sur la littérature scientifique consacrée à la glossolalie fut présentée. Une autre présentation mettait en valeur une analyse psychologique jungienne de la phénoménologie du Saint-Esprit. Cependant aucun de ces points ne fut développé de façon adéquate au cours de la discussion et ils sont en attente d'une prise en considération plus ample. Ceci pourrait être fait dans le cadre futur d'une étude de la place de la glossolalie comme facteur essentiel de l'expérience pentecôtiste.

37. La relation entre la science et l'exercice des dons spirituels, y compris celui de la guérison, fut discuté. Les Pentecôtistes classiques, ainsi que d'autres participants, croient que par le ministère de la guérison divine il peut arriver quelque rétablissement d'une santé saine. On n'atteignit pas sur ce point un plein accord concernant l'importance des disciplines thérapeutiques et les participants demandèrent qu'il soit procédé ultérieurement à une étude approfondie.

 

Le discernement des esprits

38. Le Nouveau Testament témoigne de l'existence du charisme de discernement des esprits (1 Co 12, 10), et aussi d'une forme de discernement par la mise à l'épreuve des esprits (1 Jn 4, 1), et du discernement de la volonté de Dieu (Rm 12, 2), chacun étant exercé par le pouvoir de l'Esprit. Il y a une part du discernement des esprits qui autorise le recours à l'expérience humaine, à la prudence et à la raison comme conséquences d'une croissance dans l'Esprit, alors qu'une autre part implique une communication venant directement de l'Esprit pour discerner dans une situation concrète.

39. Le discernement est essentiel au ministère authentique. La tradition pentecôtiste insiste sur le discernement des esprits en vue de découvrir « l'intention de l'Esprit » dans le ministère et le culte public. Il est aussi compris comme un don révélateur qui conduit à la manifestation ultérieure d'autres charismes en vue de l'édification du Corps du Christ et du travail de l'Évangile. La mise en œuvre de ce don sous la dépendance de l'Esprit produit tout à la fois dans le croyant et dans la communauté une croissance dans une sensibilité plus mûre à l'Esprit.

40. Normalement, mais ce n'est pas absolu, l'attente du croyant et de la communauté est requise pour que se produisent des manifestations de l'Esprit dans des actes d'homme. Nous voulons dire par là une ouverture qui respecte néanmoins la souveraineté de l'Esprit quand il distribue ses dons. À cause de la fragilité humaine, de la pression du groupe et d'autres facteurs, il peut arriver que le croyant se trompe ou soit mal orienté dans sa prise de conscience de l'intention de l'Esprit et de son influence sur les actes du croyant. C'est pour cette raison que des critères sont indispensables pour confirmer et vérifier l'authenticité de l'action de l'Esprit de vérité (1 Jn 4, 1-6). Ces critères doivent prendre appui sur le fondement scripturaire de l'Incarnation et de la Seigneurie du Christ ainsi que sur l'édification de son Église. Un élément important des critères communautaires implique la prudence courante d'un groupe de croyants, marchant et vivant dans l'Esprit quand, sous la conduite de ceux qui exercent le ministère de discernement, il en résulte une discipline d'adultes et que le groupe est apte à discerner l'intention de Dieu.

41. La tradition catholique comprend que ce discernement communautaire est exercé par l'Église tout entière dont les dirigeants reçoivent dans ce but un charisme spécial. Toutes les traditions voient comme un critère individuel de confirmation le degré selon lequel le croyant est dans sa vie quotidienne sous l'influence de l'Esprit du Christ qui produit amour, joie, paix: la plénitude du fruit de l'Esprit (Ga 5, 22).

 

Prière et louange

42. On souleva la question du rapport entre l'aspect objectif et l'aspect subjectif de la vie chrétienne. La prière comporte deux formes principales: louange et demande. Toutes les deux ont un aspect objectif et un aspect subjectif.

Dans la prière de louange, la composante essentielle est le culte lui-même, l'adoration du Père dans l'Esprit et dans la vérité du Christ (v. Jn 4, 23-24). Une des expressions de cette prière de louange est la glossolalie, avec joie, enthousiasme, etc.

Dans la prière de demande, le croyant doit toujours distinguer entre Dieu qui donne et le don de Dieu.

43. On discuta aussi du rapport entre la Parole de Dieu et notre expérience de l'Esprit. La Bible doit toujours servir de contrôle et de guide dans l'expérience chrétienne; mais d'un autre côté, l'expérience spirituelle en elle-même nous invite de façon permanente à une lecture spirituelle de la Bible, afin qu'elle devienne le milieu nourricier de notre vie chrétienne.

44. Nous reconnaissons que l'expérience chrétienne complète comporte de multiples composantes qui incluent la présence de Dieu (joie, enthousiasme, consolation, etc.), mais aussi l'expérience de notre propre péché et l'expérience de l'absence de Dieu, avec le Christ à l'agonie sur la Croix (Mc 15, 34; Ph 3, 10) ; l'affliction, l'aridité et l'acceptation de notre mort personnelle dans le Christ sont des parties essentielles de la vie chrétienne authentique et aussi d'une vraie louange de Dieu.

 

Thèmes pour discussions ultérieures

45. Au cours des conversations, on toucha à de nombreux domaines dont on demanda qu'ils soient étudiés ultérieurement. Parmi eux, se trouvaient les suivants:

a) la glossolalie en tant qu'aspect caractéristique de l'expérience du mouvement pentecôtiste,
b) les dispositions subjectives à l'égard du baptême dans le Saint-Esprit,
c) du point de vue du contenu, le rapport entre la foi de l'individu et la foi de la communauté,
d) les relations entre la foi et l'expérience,
e) les composantes psychologiques de l'expérience charismatique,
f) un examen du charisme de guérison et de celui de chasser les démons,
g) les relations entre les sacrements et la réponse personnelle et consciente à Dieu,
h) la nature de l'événement sacramentel et, dans cette perspective, la nature de l'Église,
i) la question de l'interprétation de l'Écriture,
j) les ministères et les dons ministériels: leur but et leur action,
k) les implications sociales du renouveau spirituel.

 

Nature du rapport final

46. Le rapport final élaboré par le Comité de direction qui a mené à bien le dialogue ne prétend pas exprimer la position officielle des dénominations pentecôtistes classiques, celle du mouvement charismatique dans les Églises protestantes historiques, ni celle de l'Église catholique. Elle présente plutôt le contenu des discussions qui ont eu lieu. Bien que ces conclusions soient le fruit d'une étude sérieuse et d'un dialogue mené par des personnes responsables, le rapport ne compromet aucune des Églises ou traditions avec les positions théologiques ici exprimées, mais il leur est proposé en vue d'une utilisation convenable et de leurs réactions.

Tous les participants ont été d'accord pour dire que ce dialogue a donné occasion à un enrichissement et une compréhension réciproques et qu'il est porteur d'une promesse de continuation des relations.

 

NOTE

[1] Cette citation et toutes les autres citations dans le texte ci-dessus proviennent du « Rapport de la réunion du Comité de direction, Rome, 25-26 octobre 1971 ».