L’APPEL À LA SAINTETÉ : DE GLOIRE EN GLOIRE

Rapport de la Commission mixte internationale de dialogue
entre le Conseil méthodiste mondial et l’Église catholique romaine

 

2016

Dixième phase

 

PRÉFACE

Le présent rapport a été préparé par la Commission mixte internationale de dialogue entre le Conseil méthodiste mondial et l’Église catholique romaine pour être présenté à la Conférence du Conseil méthodiste mondial qui s’est tenue à Houston (Texas) en 2016, et au Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. C’est le dixième rapport publié depuis la création de la commission il y a cinquante ans, en 1967, dans le sillage du Concile Vatican II (1962-1965). Chacun de ces rapports examine des questions de doctrine chrétienne qui furent autrefois à l’origine de divisions historiques, afin de déterminer le degré de convergence entre catholiques et méthodistes et d’identifier les points sur lesquels un dialogue plus poussé sera nécessaire. Le travail de la Commission est publié pour favoriser son étude tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos deux communions et pour montrer les progrès accomplis dans la communion de foi entre catholiques et méthodistes.

Dans les derniers rapports de la Commission, ses membres sont convenus de parler des « méthodistes » et des « catholiques » (plutôt que des « catholiques romains »), sans que cela implique que les méthodistes ne seraient pas des chrétiens catholiques. Ils ont adopté cette convention sauf lorsqu’ils citent d’autres documents, y compris ceux des précédents rapports de la Commission. En conséquence, les termes « méthodistes » et « catholiques » désignent ici les membres de nos deux communions mondiales parmi lesquels certains se présentent sous d’autres noms tels que wesleyens, nazaréens, catholiques de rite latin ou catholiques de rite oriental. Mais comme le terme « Église catholique » est ambigu et que le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a nommé  les  membres  catholiques  de la  commission, c’est bien à l’« Église catholique romaine » qu’il est fait référence dans ce rapport.

Le présent rapport, construit sur les fondements théologiques établis au terme de longues discussions dans les précédentes phases de dialogue, devrait être lu idéalement à la lumière de ces précédents rapports, tous parus sous forme imprimée (puis réédités par le Conseil mondial des Églises dans le recueil des rapports des dialogues bilatéraux au niveau mondial sous le titre Growth in Agreement), consultables sur les sites Internet du Vatican et du Conseil méthodiste mondial.

La phase initiale de ce dialogue a été de nature exploratoire, délimitant les domaines où il existe une concordance de vues dans deux courts rapports : Le Rapport de Denver (Denver, 1971) et Grandir dans la compréhension (Dublin, 1976). La deuxième phase a marqué le début d’une investigation plus détaillée sur certaines questions théologiques cruciales : Vers une déclaration commune sur le Saint-Esprit (Honolulu, 1981) ; Vers une déclaration commune sur l’Église (Nairobi, 1986) ; La tradition apostolique (Singapour, 1991) ; La Parole de vie : Déclaration sur la révélation et la foi (Rio de Janeiro, 1996) ; et Dire la vérité dans l’amour : l’autorité d’enseignement chez les méthodistes et les catholiques (Brighton, 2001). Depuis lors, la commission a centré son attention sur l’Église et les sacrements, en mettant en lumière des convergences significatives dans deux rapports substantiels : La grâce qui vous est donnée en Christ : catholiques et méthodistes poursuivent leur réflexion sur l’Église (Séoul, 2006) ; et Rencontrer le Christ, notre Sauveur : Église et sacrements (Durban, 2011). Le lieu de la publication indique chaque fois la ville où se tenait la Conférence du Conseil méthodiste mondial à laquelle le rapport était soumis pour approbation.

En 2011, la Commission a publié un document de synthèse, Cheminer ensemble vers la sainteté : 40 ans de dialogue entre méthodistes et catholiques, qui résume l’état du consensus et des convergences sur une série de questions de doctrine chrétienne, telles qu’elles ont été constatées dans les huit premiers rapports. Ce document de synthèse, qui offre une vue d’ensemble de nos dialogues bilatéraux de 1967 à 2006, n’est pas destiné à remplacer les rapports originaux.

Les convergences mises en lumière dans le présent rapport sont le fruit non seulement des conversations bilatérales menées depuis le rapport de Durban (2011), mais de près de cinquante ans de dialogue entre catholiques et méthodistes au niveau mondial, comme l’indiquent les nombreuses références faites aux précédents rapports de la Commission. Comme d’habitude, ils sont désignés par le lieu associé à chaque rapport, suivi du numéro du paragraphe – par exemple (Nairobi 20).

Parmi les membres de la Commission, nommés en nombre égal par le Conseil méthodiste mondial et par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, il y avait des théologiens spécialisés dans les champs d’étude pris en considération, ainsi que des personnes ayant une expertise et une expérience en matière d’œcuménisme ou exerçant un ministère de surveillance, tels que des évêques ou des leaders religieux. Dans le choix des membres, il a été tenu compte aussi de la nécessité que les diverses zones géographiques soient représentées.

Pour se mettre à l’écoute des variations régionales dans les relations œcuméniques, la culture ecclésiastique et le contexte social où méthodistes et catholiques vivent, la Commission s’est réunie chaque fois en un lieu différent : Buenos Aires, Argentine (2012) ; Atlanta, États-Unis (2013) ; Assise, Italie (2014) ; et Kuala Lumpur, Malaysia (2015). Un sous-groupe, chargé de la rédaction du rapport, s’est réuni à Boston, aux États-Unis, en mars 2015, puis à Rome, en Italie, en mars 2016, pour la mise au point du texte en vue de sa publication.

En raison de la nature du dialogue œcuménique, une grande partie du temps disponible a été dédiée aux conversations théologiques. Cependant, la dimension spirituelle n’a pas été oubliée, puisque le dialogue n’est jamais uniquement un exercice intellectuel, mais comporte aussi une rencontre personnelle. Au fil des rencontres entre les membres de la Commission, l’œcuménisme spirituel a conduit à une expérience plus profonde de la communion réelle, quoique imparfaite, qui existe déjà entre méthodistes et catholiques en vertu de leur incorporation au corps du Christ par le baptême. Chaque jour, quel que soit le lieu où la Commission se réunissait, notre dialogue s’est toujours inscrit dans le cadre de la prière commune et dans un contexte qui permettait à ses membres d’interagir avec les communautés locales méthodistes et catholiques.

Dans les conclusions du rapport de Durban (2011), la Commission signalait ses intentions pour l’avenir, en indiquant un nouveau domaine d’investigation : « C’est toute la question de l’expérience du salut et de la réponse du croyant au don de la grâce de Dieu. Catholiques et méthodistes utilisent des accents différents lorsqu’ils en parlent, et cette différence d’accentuation pourrait être à la base d’un certain nombre de divergences sur d’autres questions » (Durban 197). Le présent rapport entend répondre à cette intention.

Étant donné que la grâce et la sainteté sont au cœur de la vie chrétienne, nous avons jugé utile d’illustrer cette réflexion théologique par des exemples concrets de sainteté de vie. C’est pourquoi ce rapport présente aussi quelques figures exemplaires issues des traditions catholique et méthodiste.

Ce rapport est dédié à deux personnalités œcuméniques éminentes et anciens coprésidents de cette Commission : Mgr Michael Putney (+2014) de Townsville, Australie, coprésident catholique de 1996 à 2012, jusqu’à ce que lui soit diagnostiqué un cancer en phase terminale, et le Rév. Geoffrey Wainwright, professeur de théologie chrétienne à l’Université de Duke, Caroline du Nord, États-Unis, coprésident méthodiste de 1986 à 2011. Rendons grâce à Dieu pour leur esprit d’équipe et leur dévouement au service de l’œcuménisme.

 

Mgr Donald Bolen
Coprésident catholique

Rév. Dr David M. Chapman
Coprésident méthodiste

 

 

 

Membres de la Commission

Catholiques :

Mgr Donald Bolen (coprésident), Canada (depuis 2013)

Mgr Michael Putney (coprésident), Australie (2012)

Rév. Mark Langham (cosecrétaire), Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (2012)

Rév. Anthony Currer (cosecrétaire), Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens (depuis 2013)

Sr Dr Lorelei Fuchs, États-Unis

Rév. Dr Gerard McCarren, États-Unis

Mgr Joseph Osei-Bonsu, Ghana

Rév. Dr Jorge Scampini, Argentine

Mgr John Sherrington, Angleterre

Dr Clare Watkins, Angleterre

 

Méthodistes :

Rév. Dr David M. Chapman (co-président), Grande-Bretagne

Rév. Dr Karen Westerfield Tucker (co-secrétaire), États-Unis

Rév. Dr Young-Ho Chun, Corée/États-Unis

Rév. Dr Edgardo Colón-Emeric, États-Unis

Rév. Dr James Haire, Australie (2012-13)

Rév. Dr Trevor Hoggard, Nouvelle-Zélande

Mgr Chikwendu Igwe, Nigeria

Rév. Dr Reynaldo Ferreira Leão Neto, Brésil/Grande-Bretagne

Rév. Dr Priscilla Pope-Levison, États-Unis (depuis 2014)

 

STATUT DE CE DOCUMENT

Le rapport publié ici est le travail de la Commission mixte de dialogue méthodiste-catholique. Les membres de la Commission ont été nommés par le Conseil méthodiste mondial et par le Conseil pour la promotion de l’unité des chrétiens du Saint-Siège. Les autorités qui ont nommé les membres de cette Commission ont autorisé la publication de ce rapport afin qu’il puisse faire l’objet d’une large discussion. Ce n’est pas une déclaration faisant autorité de l’Église catholique romaine
ou du Conseil méthodiste mondial, qui évalueront ce texte en temps opportun.

 

JÉSUS ET ZACCHÉE (LUC 19,1-10, TOB)

Entré dans Jéricho, Jésus traversait la ville. Survient un homme appelé Zachée ; c’était un chef des collecteurs d’impôts, et il était riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, et il ne pouvait y parvenir à cause de la foule, parce qu’il était de petite taille. Il courut en avant et monta sur un sycomore afin de voir Jésus qui allait passer par là. Quand Jésus arriva à cet endroit, levant les yeux, il lui dit : « Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. Vite, Zachée descendit et l’accueillit tout joyeux. Voyant cela, tous murmuraient ; ils disaient : « C’est chez un pécheur qu’il est allé loger ». Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Eh bien ! Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple ». Alors Jésus dit à son propos : « Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

La rencontre entre Jésus et Zachée, dans l’évangile de Luc, est le récit d’une grâce de Dieu et d’un appel à la sainteté. Zachée, un personnage notoirement indigne, est pourtant accueilli gracieusement par Jésus et introduit dans un rapport salvifique avec le Seigneur qui transforme son existence égocentriste et égoïste en une vie sainte. En recevant l’appel de Jésus, Zachée décide aussitôt de réparer ses fautes passées en promettant DE donner la moitié de ses biens aux pauvres et de restituer le quadruple à ceux qu’il a spoliés.

Certains détails à l’arrière-plan de cet épisode de l’évangile mettent fortement l’accent sur l’œuvre de la grâce divine et sur son puissant effet salvifique. Jéricho, ville frontalière, était un poste de douane important et l’une des villes les plus riches de Palestine, profitant économiquement de sa situation dans la partie la plus fertile de la Judée, et politiquement de la présence d’un palais d’Hérode. Tout cela faisait que les occasions de prélever des droits de douane et autres redevances étaient nombreuses. En tant que collecteur en chef des impôts, Zachée était responsable de la collecte des taxes et des droits de douane et de la supervision des fonctionnaires de rang inférieur. Dans cette position de pouvoir, Zachée avait maintes occasions d’amasser des richesses personnelles obtenues par la fraude ou par l’extorsion.

Même s’il possédait des richesses et un statut officiel, socialement Zachée était un réprouvé : en général, les Juifs méprisaient les collecteurs d’impôts qu’ils considéraient comme des traîtres d’Israël, compromis avec un occupant haï et corrompus par l’avidité. Pour ses compatriotes juifs, la petite taille de Zachée n’était pas seulement physique : il était vu comme une nullité, indigne de la compagnie des Juifs respectables. De son perchoir solitaire dans un sycomore, Zachée allait pouvoir apercevoir Jésus sans être vu de la foule.

Malgré l’intention de Zachée et son geste préalable, dans cet épisode la vraie initiative appartient à Jésus. Dans l’évangile de Luc, Jésus a souvent d’étranges intuitions sur les secrets de la vie des autres. Zachée ne passe pas inaperçu de Jésus, qui engage son observateur anonyme dans une rencontre personnelle vivificatrice. En s’invitant dans la maison de Zachée, Jésus fait un geste stupéfiant, mais significatif : si élevé que soit leur statut social, habituellement les Juifs ne s’invitaient pas dans la maison de quelqu’un d’autre. En outre, les Juifs scrupuleux, comme les scribes et les pharisiens, ne seraient jamais entrés dans la maison d’un collecteur des impôts et n’auraient jamais accepté de lui de la nourriture (implicite dans l’offre de l’hospitalité). En recevant Jésus comme son hôte, Zachée n’est plus un réprouvé.

L’assistance est scandalisée en voyant la reconnaissance sociale donnée par Jésus à ce pécheur notoire. Cependant l’acceptation gratuite de Jésus produit un changement profond dans la situation de Zachée, au point que sa vie s’en trouve transformée, tant intérieurement qu’extérieurement. La réponse de Zachée consiste à donner la moitié de sa fortune pour répondre aux besoins des pauvres et à prendre des dispositions généreuses pour redresser ses injustices passées, ce qui est une forme de sainteté de vie très concrète. Son geste va bien au-delà des prescriptions de la loi pharisaïque, qui demandait de rendre le quadruple ou le quintuple uniquement pour les bœufs ou les moutons volés, et cela seulement s’ils avaient été abattus ou vendus en présence du nombre requis de témoins. Par contraste, le geste extravagant de Zachée rappelle les anciens récits où les nouveaux disciples se défaisaient de leurs biens, cette réponse radicale étant vue comme le signe certain de leur dévotion nouvellement acquise au maître. De cette façon, Luc affirme clairement que Zachée a été introduit dans un rapport salvifique avec Jésus.

Tout au long de son évangile, Luc met en parallèle la présence de Jésus avec la venue du royaume de Dieu et avec le salut immédiat, même pour des personnages secondaires comme Zachée. En Jésus, « [Dieu] nous a suscités une force de salut dans la famille de David, son serviteur » (Lc 1,69). À la synagogue de Nazareth, Jésus annonce que la prophétie de salut d’Isaïe s’est accomplie « aujourd’hui » (Lc 4,21). Ainsi Zachée, l’archétype du réprouvé, a reçu le salut « aujourd’hui ». Là où la grâce abonde, la sainteté se manifeste.

 

INTRODUCTION

1.    L’histoire de Zachée rapportée dans l’évangile de Luc illustre merveilleusement comment un Dieu aimant invite gracieusement tous les hommes à répondre à son appel à la sainteté de vie, dans un rapport familier avec lui. Dans une perspective chrétienne, ce rapport est rendu possible par la vie, la mort, la résurrection et l’ascension au ciel de Jésus Christ et par la puissance vivificatrice de l’Esprit Saint. Catholiques et méthodistes décrivent la réponse chrétienne à cet appel en termes similaires, parlant d’une croissance dans la grâce et dans la sainteté à travers un rapport toujours plus étroit avec Jésus Christ (Denver 55).

2.    Ce consensus concernant la vie chrétienne – un consensus qui sera développé et consolidé dans le présent rapport – est bien résumé dans l’idée évocatrice d’« appel à la sainteté ». Pour les catholiques, cette idée fait écho à l’enseignement du Concile Vatican II sur « l’appel universel à la sainteté dans Église » (LG 5) ; pour les méthodistes, elle est conforme à la mission historique du méthodisme, qui consiste à « répandre la sainteté de l’Écriture dans le monde entier »[1].

3.    L’appel à la sainteté est relationnel, dynamique et holistique : il met en relation Dieu qui appelle et les hommes qui, individuellement et collectivement, répondent à cet appel dans le contexte historique et culturel particulier qui est le leur. L’appel à la sainteté met en relation Dieu qui parle au monde et les hommes qui l’écoutent et reçoivent la parole divine. Dans le Deutéronome, Dieu invite le peuple d’Israël à « choisir la vie » afin qu’il puisse vivre pleinement (Dt 30,19), en unissant dans l’amour le Dieu Très Saint et « un peuple consacré au Seigneur » (Dt 14,2). L’appel à la sainteté est une invitation à changer de vie, en entrant dans une nouvelle communauté, en vivant dans la joie, et en proclamant la bonne nouvelle de Jésus Christ : « Vous êtes la race élue, la communauté sacerdotale du roi, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis, pour que vous proclamiez les hauts faits de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 P 2,9).

4.    Intitulé L’appel à la sainteté, le présent rapport se penche sur la façon dont catholiques et méthodistes conçoivent la nature de la grâce de Dieu, ses effets sur les hommes, et ses implications pour la vie chrétienne. Dans ce but, il examine la grâce et la sainteté non seulement comme concepts théologiques, mais aussi à la lumière de la place centrale qu’elles occupent dans la vie chrétienne. Car le Dieu de grâce appelle les hommes à la sainteté de vie dans un rapport de communion et d’amour (koinonia) avec la Sainte Trinité et avec leurs semblables.

5.    L’appel à la sainteté est aussi un appel à l’unité au sein de l’Église, qui est le corps du Christ. Jésus a prié pour que ses disciples soient sanctifiés dans la vérité et pour qu’ils soient un (Jn 17,17-21). Sainteté et unité entre les chrétiens vont de pair comme deux aspects d’un même rapport avec la Trinité, de telle sorte que la poursuite de l’une implique la poursuite de l’autre. Le but du dialogue entre catholiques et méthodistes demeure la pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle (Nairobi 20).

6.    Parmi les fondements théologiques de ce rapport, trois d’entre eux méritent tout particulièrement d’être signalés. Le premier fondement est la mission trinitaire dans l’histoire du salut, telle qu’elle est rapportée par l’Écriture et par la tradition. Le rapport d’Honolulu (1981) a établi un accord important en situant la personne et l’œuvre de Dieu le Fils en relation avec la personne et l’œuvre de Dieu l’Esprit Saint, dans le dessein et le propos de Dieu le Père dans la création et la rédemption. Le deuxième fondement est la Déclaration méthodiste d’association à la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification entre l’Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale (MADCDJ) (2006/1999), sur certains éléments fondamentaux de la nature et de l’effet de la grâce divine et sur son rapport avec les œuvres de miséricorde et de piété. Le troisième fondement est le thème développé de façon si féconde dans le rapport de Durban (2011) : la participation commune des chrétiens au mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus Christ.

7.    Le présent rapport est divisé en trois parties. La première partie, qui comprend les chapitres un et deux, énonce une anthropologie et une vision chrétiennes communes de la nature de la grâce de Dieu, de ses effets sur l’homme, et de la sainteté, tout en signalant quelques points sur lesquels méthodistes et catholiques continuent à diverger de façon significative. La deuxième partie, qui comprend les chapitres trois et quatre, part de cette vision commune de la grâce et de la sainteté pour approfondir certains éléments particuliers de la sainteté de vie dans la communion des saints. La troisième partie, qui comprend le chapitre cinq, présente une synthèse des convergences et des divergences dégagées dans ce rapport, tout en se demandant ce qu’il faut faire pour que les fruits de ce dialogue puissent avoir un effet transformant sur les communautés catholique et méthodiste. Enfin, un appendice contient un choix de prières empruntées à nos deux traditions.

8.    Pour aider le lecteur, il peut être utile de résumer ici le contenu de chaque chapitre. Le chapitre un, « Le mystère de l’homme », formule une anthropologie chrétienne qui servira de base théologique aux chapitres suivants. Il examine ce que signifie pour l’homme être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu par rapport au reste de la création ; la chute et ses effets sur le genre humain et sur la création ; le désir de réconciliation ; et la personne de Jésus Christ, comme pleine mesure de l’homme. Catholiques et méthodistes ont beaucoup de choses à dire ensemble au sujet de l’humanité dans le plan et le propos de Dieu.

9.L’anthropologie chrétienne est nécessairement liée à la théologie du salut ou sotériologie. Le chapitre deux, « L’œuvre de Dieu de re-création de l’humanité », décrit l’œuvre salvifique du Christ et l’œuvre de l’Esprit Saint comme médiateur de la grâce divine, avant d’examiner trois aspects particuliers de la grâce : la grâce qui habilite, la grâce qui justifie et la grâce qui sanctifie. Ce chapitre aborde aussi la question du « mérite » découlant des bonnes œuvres de miséricorde et de piété, et celle de l’« assurance » chrétienne, qui ont été à l’origine de divisions entre les chrétiens dans le passé.

10.      De même que l’anthropologie chrétienne conduit à la sotériologie, les considérations sur l’œuvre salvifique du Christ sont inséparables de l’ecclésiologie puisque l’expérience de la grâce et l’expérience de la sainteté sont toujours orientées vers la création de relations dans l’Église et vers la transformation du monde. Le chapitre trois, « Le saint peuple de Dieu : les saints ici-bas », se penche sur les effets de la grâce aux niveaux personnel et ecclésial, en réfléchissant sur ce que signifie être appelé par Dieu à la sainteté de vie dans l’Église et dans le monde. Dans ce chapitre, l’Église en marche est décrite comme une « maison de la grâce », et la sainteté de vie est définie par rapport aux sacrements, au témoignage de l’Évangile, aux pratiques dévotionnelles et au service dans le monde.

11.      Puisque les vivants et les morts sont unis dans l’amour et dans la louange dans la maison de la grâce, le chapitre quatre, « Le saint peuple de Dieu : les saints au ciel », examine les effets eschatologiques de la grâce et ce que cela signifie pour une communion des saints qui transcende la mort. Ce chapitre aborde en outre diverses questions connexes telles que la mort et l’espérance de la résurrection ; le jugement dernier ; la purification et la croissance dans la grâce après la mort ; la prière pour les saints défunts ; l’intercession des saints défunts et de Marie, Mère de Jésus ; le retour du Seigneur ; les représentations du salut final ; et l’accomplissement du projet et du propos de Dieu pour l’humanité dans un ciel nouveau et une terre nouvelle.

12.      Le dernier chapitre, « Grandir ensemble dans la sainteté : ouvertures pour un témoignage, une dévotion et un service communs », met l’accent sur le rapport étroit qui existe entre sainteté et unité. En soi, le travail de réconciliation entre nos deux communions mondiales est déjà une réponse inspirée par l’Esprit Saint à l’appel à la sainteté. En repensant à la façon dont le dialogue entre méthodistes et catholiques a abouti, au cours des cinquante dernières années, à des consensus et des convergences significatifs, le rapport souligne que chaque nouveau pas en avant vers la pleine communion dans la foi devrait se traduire par un engagement fécond en matière de prière, mission et témoignage communs, par un redoublement des efforts de réconciliation et par un renforcement de nos relations mutuelles dans le Seigneur. Ce chapitre se termine par un résumé de ce que catholiques et méthodistes ont pu affirmer ensemble dans ce rapport, et par une série de questions à discuter au niveau local ou régional, portant sur les implications ecclésiales concrètes de nos consensus et de nos convergences dans la foi.

13.      Le sous-titre du rapport, De gloire en gloire, renvoie à la nature transformante de l’appel de Dieu à la sainteté, attestée par saint Paul : « Et nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande dans le Seigneur, qui est Esprit » (2 Co 3,18). Charles Wesley s’est inspiré de ce verset lorsqu’il a composé l’hymne « L’amour de Dieu qui surpasse tous les autres »[2], un hymne souvent chanté aujourd’hui encore tant par les méthodistes que par les catholiques. Le dernier couplet résume la vie du Christ et anticipe la consumation finale de l’appel à la sainteté :

Parachève ta nouvelle création,
Fais que nous soyons purs et sans péché     
Et que nous puissions voir ton salut.
Parfaitement rétablis en toi ;
Changés de gloire en gloire,
Jusqu’à ce qu’au ciel nous prenions place,
Jusqu’à ce que nous recevions notre couronne devant toi.
Émerveillés, éperdus d’amour et de louanges

 

Chapitre un

LE MYSTÈRE DE L’HOMME :
CRÉÉ PAR DIEU ET RE-CRÉÉ EN CHRIST POUR ÊTRE EN COMMUNION AVEC DIEU

 

14.      L’homme est un mystère pour lui-même. S’il n’est pas en communion avec Dieu, il se sent insatisfait. Comme le dit saint Augustin : « Notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en toi »[3]. Les hommes ont été créés avec le désir de Dieu, mais la puissance du péché a corrompu ce désir par des moyens insidieux. L’Esprit Saint vient au secours de leur cœur malade de péché et intercède « en gémissements inexprimables » (Rm 8,26), en témoignant de l’aspiration des hommes qui crient vers Dieu : « Abba ! Père ! » (Rm 8,15-16). Ensemble, méthodistes et catholiques affirment que « l’amour surabondant du Père crée l’humanité pour communier à Lui et c’est ce même amour créateur qui rassemble les disciples de son Fils dans la communauté visible de l’Église » (Séoul 54).

15.      Les hommes sont créés à l’image de Dieu. Cette affirmation est le point de départ d’une réflexion sur la dignité de tout homme et sur le fait que chacun est appelé à la sainteté. Même s’il n’y a pas dans la Bible une anthropologie systématique et pleinement développée, l’Écriture offre des aperçus profonds sur l’homme. Son témoignage sur le mystère de l’homme débute avec la création et trouve son accomplissement dans le mystère du Christ, vrai Dieu et vrai homme. L’Esprit Saint qui a ressuscité Jésus d’entre les morts (Rm 8,11) et qui a parlé par les prophètes (Ep 3,5), remplit un rôle crucial dans l’accomplissement et dans la révélation de ce mystère. Le plan de Dieu, révélé initialement dans le don de la création, est confirmé et re-créé dans les mystères de l’incarnation et de la rédemption.

16.      Le point de départ de ce chapitre est que l’humanité a été créée par Dieu et pour Dieu. Cette considération est suivie d’une évaluation des effets du péché sur la nature humaine, et se conclut par une réflexion sur l’humanité re-créée dans le Christ. La re-création du premier Adam dans le nouvel Adam est un don de Dieu qui ne peut être reçu que dans le repentir et la conversion. La re-création de l’homme ne signifie pas l’annihilation de la nature humaine. La nouvelle création n’a pas lieu à partir de rien (ex nihilo), mais à partir de l’ancienne (ex vetere). L’ancienne création n’est pas éliminée, mais transformée. Dieu ne dit pas : « Voici, je fais de nouvelles choses », mais : « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5). En définitive, l’origine et la destinée de l’homme sont liées à ce que Dieu est. C’est pourquoi, même à la lumière de la révélation, le thème de ce chapitre est traité non pas comme une énigme à résoudre, mais comme un mystère à approcher avec humilité et révérence.

 

Créé avec le don de la vie et appelé à la communion avec le Créateur

Créé pour être en relation avec Dieu

17.      Le récit de la création en Genèse 1,1―2,4 révèle l’unicité de l’homme par rapport à toutes les autres créatures : en créant les hommes, Dieu complète son œuvre créatrice. La place et la mission spéciales des hommes se fondent sur le fait qu’ils sont créés à l’image de Dieu (imago Dei) (Gn 1,26-27). Être créé « à l’image et à la ressemblance » de Dieu est à la fois un don et une responsabilité. L’homme est créé pour être en relation avec Dieu, pour être son interlocuteur, pour écouter et obéir à sa parole, et pour être en communion avec lui. La sainteté est une autre façon de nommer cette communion. Le mystère de ce que signifie être fait à l’image de Dieu n’est révélé pleinement qu’en Christ (cf. 2 Co 4,4 ; Col 1,15 ; He 1,3 ; Ph 2,6). S’il est vrai que tous les hommes ont été créés à partir de rien (ex nihilo)on peut affirmer aussi qu’ils ont été créés à partir de la plénitude (ex plenitudine) du Christ lui-même.

Créé pour être en relation avec les autres

18.      Depuis le commencement, les hommes ont été créés mâle et femelle (Gn 1,27). La Genèse rapporte que Dieu a donné à Adam une « compagne », Ève, car il n’était pas bon qu’il soit seul (cf. Gn 2,8.20-24). L’homme est un être social, créé pour être en relation. La théorie moderne du genre est un sujet controversé parmi les chrétiens, qui ne sera pas traité dans ce document. En ce qui concerne l’appel à la sainteté, il est important de souligner que la nature relationnelle l’homme s’exprime non seulement dans le mariage, mais aussi dans l’amitié, dans la vie économique et politique, et dans la culture. La différenciation sexuelle est un trait fondamental, mais pas exclusif, de la dimension sociale de l’existence humaine.

19.      Dans une perspective chrétienne, cette dimension sociale se fonde essentiellement sur la Trinité des Personnes divines, révélée en Christ. Dieu n’est pas un être solitaire, mais une communion parfaite de Personnes éternellement en relation entre elles. Par analogie, l’homme, créé à l’image de Dieu Trinité, exprime son identité dans ses relations avec Dieu, avec ses semblables, et avec le monde. C’est seulement dans l’exercice de sa dimension sociale, et en particulier dans la communion et le don de soi mutuel, que l’homme peut être pleinement lui-même. Dans la rencontre de l’autre en tant que personne, il se trouve devant une image qui n’a pas été façonnée des mains de l’homme. La notion de personne renvoie non seulement à l’identité de chaque individu, mais aussi à sa relation essentielle avec les autres, qui est à la base de la communauté humaine. Aucune personne, en tant que telle, n’est jamais seule dans l’univers. Chaque personne est toujours constituée avec les autres et appelée à former avec eux une communauté. L’homme ne se réalise pleinement que dans la mesure où il vit la nature essentiellement sociale de son humanité dans ses rapports avec sa famille, avec sa communauté, et avec la société tout entière. C’est la raison pour laquelle l’éthique et la moralité chrétiennes ne peuvent être réduites aux aspects individuels ; répondant à tout ce qui est proprement humain, la moralité participe également de la dimension sociale. C’est sur la base de cette réalité anthropologique que John Wesley a pu dire : « L’évangile du Christ ne connaît pas d’autre religion qu’une religion sociale ; pas d’autre sainteté qu’une sainteté sociale »[4]. La vie en communauté fait partie intégrante de la vie de grâce et de sainteté.

Créé pour être en relation avec la création

20.      D’après les Écritures, Dieu a placé les hommes en relation avec la création. Dieu a fait pousser des plantes dans le jardin de l’Éden et a attribué à Adam la tâche de nommer les animaux (Gn 2,9.19-20). Ces récits sont à l’origine d’une riche anthropologie : les hommes sont faits pour vivre en communion avec leurs semblables, et ils sont appelés à veiller sur la création. Mais ils ne vivront que s’ils demeurent en relation avec le Dieu qui les a créés et leur a insufflé sa vie, et s’ils demeurent fidèles à ses commandements. C’est ce que montre l’interdiction de manger « de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais », « car du jour où tu en mangeras, tu devras mourir » (Gn 2,17). Cet arbre représente symboliquement les limites infranchissables que l’homme, en tant que créature, doit reconnaître librement et accepter avec confiance. Cela signifie que la relation avec Dieu est essentielle pour l’homme, en tant qu’unique dimension absolue et point de référence de toutes les autres dimensions. L’homme a été créé pour vivre en harmonie avec Dieu, avec la création et avec son prochain. Cette harmonie originelle peut être désignée aussi sous le nom de sainteté, et l’un des principaux obstacles à la sainteté est le refus des hommes d’accepter leurs limites de créatures comme un don.

21.      L’homme a besoin du monde qui l’entoure pour sa subsistance. C’est une expérience fondamentale. En même temps, ce rapport de dépendance vis-à-vis du monde lui permet de prendre conscience de sa transcendance. Le travail de l’humanité est un phénomène nouveau dans l’univers. Par sa capacité de transformer la réalité qui l’entoure, l’homme peut être qualifié de « co-créateur », car avec la création de l’homme et avec sa capacité de transformer la réalité qui l’entoure, quelque chose de nouveau vient au jour : de nouvelles possibilités sont découvertes dans la nature qui, sans lui, ne seraient jamais apparues. Ces nouvelles possibilités lui ouvrent à leur tour de nouvelles perspectives. Même plongé dans le monde, l’homme montre par ses actes mêmes qu’il transcende le monde ; il n’est pas un simple rouage d’une machine. En outre, l’homme expérimente une insatisfaction permanente devant ses accomplis-sements, entre ce qu’il a et ce qu’il désire. Il ne peut donc guère s’attendre à ce que le monde lui indique le sens profond de sa vie. Le monde ne peut ni satisfaire les aspirations du cœur humain, ni donner une explication satisfaisante du sens de la vie humaine. Pourtant, le monde est rempli de la grâce de Dieu, et en veillant sur lui comme le lui a ordonné le Créateur, l’homme commence à vivre sa vocation orientée vers la communion avec son Créateur.

22.     Le témoignage de François d’Assise est la confirmation que « la dignité de l’homme lui vient de ce qu’il est fait à l’‘image’ de Dieu pour être le représentant royal du régulateur de la création, en exerçant sa domination sur le monde (Gn 1,26). Cette ‘domination’ n’est pas une licence d’exploiter la terre, mais de veiller sur elle comme Dieu le fait » (HEFG 16). Le jardin de l’Éden est décrit comme le premier lieu désigné pour vivre pleinement cette vocation ; c’était un lieu d’intimité avec Dieu et d’harmonie avec la création (Gn 2,8). Les hommes sont désormais coupés de cette réalité. En même temps, ils aspirent à la restauration de l’harmonie originelle. Cette aspiration est à la base de l’appel à la sainteté. Comme le dit le Pape François : « Il est significatif que l’harmonie que vivait saint François d’Assise avec toutes les créatures ait été interprétée comme une guérison de cette rupture » (Laudato si 66).

L’homme : un corps et une âme

23.     L’homme est constitué d’un corps et d’une âme. En tant qu’être incarné, l’homme est soumis à l’espace et au temps, et il est donc fini et mortel ; en tant qu’âme, il transcende le monde et est appelé à l’immortalité. Cette immortalité n’a de sens que dans la communion avec Dieu, qui assure la continuité du sujet personnel entre sa vie présente et la plénitude de la résurrection, en pleine conformité avec le Christ ressuscité. En conséquence, une conception chrétienne authentique de la sainteté exclut toute forme de dualisme ou de réductionnisme. Une idée de perfection qui voudrait que l’âme s’évade de son existence incarnée est incapable de reconnaître l’intégrité de l’homme dans sa réalité riche et complexe.

24.      L’homme est une unité mystérieuse. L’Écriture décrit de diverses façons ses dimensions incarnée et spirituelle, toutes deux nécessaires, témoignant ainsi du caractère insaisissable de la réalité qu’elle tente de décrire. Et puisque l’homme, dans son entièreté, est créé à l’image de Dieu, sa dimension incarnée fait partie intégrante de son identité personnelle. Cette perspective exclut les interprétations qui ne reconnaîtraient l’image de Dieu que dans un aspect de la nature humaine ou dans une de ses qualités ou fonctions.

25.      La théologie chrétienne affirme la bonté du corps. Le corps est lui aussi créé par Dieu et soumis à la transformation finale à la résurrection. Les visions négatives de l’incarnation qui, de temps à autres, ont obscurci le témoignage chrétien sur le don de la matérialité doivent être écartées. Mais en attendant cette transformation finale, le corps est actuellement faible, déchu. Comme le dit saint Paul : « Nous aussi, qui possédons les prémices de l’esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps » (Rm 8,23).

 

La chute et ses effets sur le genre humain et sur la création

Le don de la liberté

26.      Créés à l’image de Dieu pour participer à la communion de la vie divine, les hommes sont dotés de la capacité d’accepter librement cette communion. Les hommes reçoivent le don de la liberté afin qu’ils puissent aimer. Cette liberté, comme tous les aspects de la vie humaine, est finie et limitée. La liberté comporte non seulement la possibilité de choisir entre différents biens ou options spécifiques, mais aussi et surtout la faculté de se déterminer en fonction de ces choix. Malgré les limites évidentes, propres à toutes les créatures, qui conditionnent les hommes, leur pouvoir d’auto-détermination est réel. Méthodistes et catholiques croient qu’« il existe un ordre moral fondé en Dieu ; la dignité et la liberté humaines sont réelles et cruciales ; [tous les hommes] sont appelés à vivre de façon responsable, tant en communauté qu’individuellement » (Denver 40). On peut donc parler non seulement d’une liberté vis-à-vis des limites et des restrictions, qu’elles soient intérieures ou extérieures, mais aussi d’une liberté pour répondre à l’appel de Dieu à la sainteté.

27.      Toutefois, le don de la liberté s’accompagne de la faculté de faire mauvais usage de cette liberté. Au lieu de choisir le bien suprême qui consiste à participer à la vie divine, les hommes ont transgressé les limites propres à leur condition de créatures. L’homme, fait par Dieu dans un état de liberté en vue de la sainteté, a abusé de cette liberté, cédant à l’insistance du Malin (Gn 3). Alors qu’une longue lignée de théologiens n’a pas hésité à identifier l’« orgueil » comme étant le premier péché, l’origine du péché demeure mystérieuse. À l’aide d’un langage figuratif, l’Écriture décrit la chute comme un événement primordial, un acte qui se situe au début de l’histoire humaine. La révélation nous dit que toute l’histoire est marquée par le péché originel commis librement par Adam et Ève, premiers parents de l’espèce humaine. Effectivement, le monde tel que nous le voyons est à la fois marqué par le bien et abîmé par les hommes qui se détournent de Dieu de façon répétée, et dont le rapport avec Dieu, avec leurs semblables, et avec la création est dénaturé.

Le mauvais usage de la liberté : la réalité du péché

28.      L’Écriture décrit de façon suggestive les conséquences tragiques de cette première désobéissance. Adam et Ève perdent aussitôt leur sainteté originelle (Gn 3). L’harmonie dans laquelle ils se trouvaient est détruite. Ils craignent Dieu, qu’ils soupçonnent de vouloir garder jalousement ses prérogatives divines. Ils sont devenus étrangers à la création où Dieu les a placés, au point que leur propre corps est pour eux une source de honte. Ce premier péché a eu pour effet que le monde est désormais souillé par le péché. Il y a le meurtre d’Abel par son frère Caïn, et la corruption qui se propage dans le sillage de cet acte de violence. De même, le péché se manifeste fréquemment dans l’histoire d’Israël, en particulier sous la forme d’infidélités au Dieu de l’Alliance et de transgressions de la Loi.

L’éloignement des hommes de Dieu

29.      La réalité du péché, mise en lumière par la révélation divine, trouve un écho dans l’expérience humaine. En examinant son cœur, l’homme se découvre un penchant pour le mal et se voit pris dans les filets de maintes formes de mal qui ne sauraient venir de son Créateur, lequel est infiniment bon. En refusant de reconnaître en Dieu son Créateur, l’homme perturbe son rapport à sa fin dernière, à lui-même, à ses semblables, et à toutes les choses créées. C’est pourquoi l’homme est divisé intérieurement. La conséquence en est que sa vie devient inévitablement le théâtre d’une lutte entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres. L’homme se découvre incapable de vaincre les assauts du mal par ses propres forces, et il a le sentiment d’être enchaîné (Rm 7,15 ss).

30.      Tant pour les méthodistes que pour les catholiques, la chute n’a pas détruit l’imago Dei. La tradition catholique a toujours insisté sur le fait que le péché peut défigurer ou déformer l’image de Dieu en l’homme, mais pas la détruire. De même, les méthodistes enseignent que la chute d’Adam et Ève a terni l’image de Dieu, mais ne l’a pas détruite : le pécheur demeure un homme fait à l’image de Dieu.

Non sans espérance

31.      Dieu n’a pas abandonné les hommes après la chute. Bien au contraire, d’après Genèse 3,15, Dieu continue à s’adresser à ses créatures en leur annonçant par des moyens mystérieux la victoire future sur le mal et la restauration de l’humanité dans l’état qui a précédé sa chute. La tradition catholique voit en Genèse 3,15 la première proclamation de l’Évangile (protoevangelium), la première annonce de la venue du « nouvel Adam », du combat entre la Femme et le serpent et de la victoire finale d’un de ses descendants. Les frères wesleyens ont vu eux aussi dans ce verset une annonce de la venue du Rédempteur, « semence céleste de la femme », de « celle qui écrase la tête du serpent » et qui « écrase le démon qui nous a tous écrasés »[5]. Ensemble, méthodistes et catholiques affirment que le propos salvifique de Dieu pour l’humanité est évident depuis le commencement.

32.      L’amour de Dieu pour ses créatures déchues se concrétise dans l’histoire du salut. Les méthodistes peuvent dire avec les catholiques que « par les patriarches, et après eux par Moïse et les prophètes, il forma ce peuple pour qu’il le reconnaisse comme le seul Dieu vivant et vrai, Père prévoyant et juste juge, et pour qu’il attende le Sauveur promis, préparant ainsi au cours des siècles la voie à l’Évangile » (Dei Verbum 3). Par le choix d’Israël comme peuple élu, l’appel à la sainteté de Dieu assume une particularité historique et sociale. Israël est appelé à être saint comme le Seigneur est saint (Lv 11,44). La description du peuple de la foi en Hébreux 11 est un témoignage éloquent de la façon dont Dieu est à l’œuvre non seulement dans l’histoire d’Israël, mais aussi en dehors du peuple élu dans des personnes comme Rahab (He 11,31). Ces personnes ont vécu dans l’attente de la venue de celui « qui est l’initiateur de la foi et qui la mène à son accomplissement » (He 12,2).

33.      L’incarnation du Verbe éternel et l’envoi de l’Esprit Saint ont mis fin à l’éloignement des hommes vis-à-vis de Dieu, de la création, et d’eux-mêmes subi à cause de la chute. L’Écriture enseigne que le remède contre le péché a un effet qui surpasse le péché lui-même : « Là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Ou encore, comme le dit le Pape François : « Dieu ne veut pas qu’un seul homme se perde. Sa miséricorde est infiniment plus grande que nos péchés, son remède est infiniment plus fort que nos maux qu’il doit guérir »[6]. Grâce à l’œuvre rédemptrice de Dieu, dit John Wesley, « se fera jour un état sans mélange de sainteté et de béatitude, bien supérieur à celui qu’Adam a connu au paradis »[7]. En vertu de l’œuvre de salut de Dieu Trinité, la chute du premier Adam se révèle être une felix culpa, une heureuse faute[8], car ce qui est gagné est plus grand que ce qui est perdu.

 

Le Christ, Nouvel Adam, révèle pleinement le mystère de l’homme

Créé à l’image de Dieu et appelé à être l’image du Christ

34.      L’image créée (imago Dei), ternie par le péché, est changée en une nouvelle création à l’image du Christ (imago Christi). Le thème de l’image du Christ est développé de façon très claire chez saint Paul, qui proclame que le Christ est l’image de Dieu. Être re-créé à l’image du Christ ne remplace pas l’image de Dieu. Les hommes sont appelés à se revêtir du Christ et à devenir membres de son unique corps en accueillant son offre du salut dans la foi (Ga 3,27-28). Dieu le Père a fait les hommes pour qu’ils soient conformés à l’image de son Fils par la puissance de l’Esprit, en sorte que le Fils soit le premier-né d’une multitude de frères et de sœurs (Rm 8,29). De même que l’homme porte l’image du premier Adam, façonné avec de la poussière et animé par le souffle du Créateur, ainsi nous sommes faits pour porter l’image de l’Adam céleste, Jésus Christ, en participant à son corps ressuscité (1 Co 15,45-49). L’espérance chrétienne est l’attente du retour du Christ qui « qui transfigurera notre corps humilié pour le faire semblable à son corps de gloire » (Ph 3,21). On peut donc dire que la destinée de l’homme est d’être changé de la gloire du premier Adam en la gloire du second (2 Co 3,18). La vocation chrétienne à la sainteté consiste à être conformé au Christ et revêtu de son image.

35.      Durant sa vie terrestre, Jésus a vécu pleinement son rapport éternel de Fils du Père, tout en travaillant de ses mains, en aimant avec son cœur, et en pensant avec son intelligence. En la personne de Jésus, toutes les dimensions de l’existence humaine sont devenues des lieux où vivre son rapport divin au Père ; ce faisant, il a sanctifié tout ce qui est proprement humain. Le premier Adam est une préfiguration du dernier Adam. En Christ, la dignité du premier Adam est affirmée, renouvelée et exhaussée. Pris ensemble, le mystère de la création et le mystère de la rédemption sont les justes fondements d’une compréhension authentique de l’humain.

36.     Être recréé à l’image du Christ a une orientation eschatologique. Si l’orientation vers le Christ est le but final de la vie humaine, il doit en avoir été ainsi depuis le commencement. Le but de la création et le but du salut sont intimement liés. Tout a été fait par le Christ, et tout est dirigé vers lui (1 Co 8,6 ; Col 1,15-20 ; Ep 1,3-10 ; Jn 1,3.10 : He 1,2-3). Jésus est l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin de toutes choses (Ap 1,8 ; 21,6 ; 22,13). Dans cette perspective, le salut est avant tout la libération du péché et la réconciliation avec Dieu.

La vie chrétienne comme don déjà reçu et comme appel à être vécue

37.     La vie chrétienne commence par la reconnaissance des nombreux dons reçus : pardon, adoption, grâce, vertus. Ces dons entraînent une responsabilité : celui qui donne appelle celui qui reçoit à se rapprocher de lui. Les frères et les sœurs du Christ sont appelés à grandir jusqu’à atteindre sa stature. Atteindre la stature du Christ, c’est aussi partager sa filiation divine ; autrement dit, c’est partager la relation spéciale que Jésus, le Fils unique de Dieu, a avec son Père. Cette relation n’est possible qu’en vertu du don de l’Esprit Saint, en qui tous ont accès au Père par le Christ (Ep 2,18). Autrement dit, la sainteté consiste pour les chrétiens à vivre leur identité baptismale. Les saints sont ceux qui vivent une vie de repentir et de conversion constants, animés par la gratitude pour les dons généreux et la miséricorde de Dieu.

38.     En Christ est révélée la vraie vocation de chaque homme. Puisque « tout a été créé par lui et pour lui » (Col 1,16), tout trouve en lui sa direction et sa destinée. Par l’Esprit Saint, la vocation de tout homme peut être vécue pleinement. À la fin des temps, l’Esprit Saint portera à son accomplissement la conformité finale des chrétiens au Christ lors de la résurrection des morts. Mais dès maintenant, les chrétiens prennent part à la gloire du Seigneur ressuscité. Dans le temps et dans l’histoire, la fin est proche, quoique non encore pleinement advenue.

 

En Christ, tous les aspects de l’existence humaine sont re-créés

39.     Le drame de l’existence humaine se déroule dans l’histoire entre la création et sa consumation finale. Le sens profond de la situation existentielle présente de l’humanité ne peut être trouvé qu’en Christ. Le Christ est celui qui donne à l’image de Dieu en l’homme sa forme véritable et définitive : « Car il a plu à Dieu de tout réconcilier par lui et pour lui, et sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20). Au milieu de leur vie de péché, les hommes sont pardonnés et, par l’Esprit Saint, ils connaissent l’amour salvifique de Dieu et grandissent dans la conformité au Christ.

40.     En Christ, la liberté humaine atteint son but, qui est la liberté dans l’Esprit. L’Esprit brise les liens du péché et de l’égocentrisme qui asservissent les hommes afin qu’ils puissent jouir de la liberté des enfants de Dieu. Jésus a révélé la vraie nature de cette liberté. En lui, la liberté se manifeste comme réceptivité au Père et ouverture à tous les hommes dans une attitude de service, de miséricorde et d’amour. « C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés », a dit saint Paul (Ga 5,1). La liberté vis-à-vis du péché est une liberté pour Dieu dans le Christ et dans l’Esprit Saint ; la liberté vis-à-vis d’une observance pointilleuse de la loi est une liberté pour une obéissance joyeuse ; la liberté vis-à-vis de la mort est une liberté pour vivre une vie nouvelle en Dieu. Dans l’histoire de l’Église, de nombreux saints ont témoigné cette liberté, en particulier les martyrs qui ont offert librement leur vie par amour.

41.     En Christ, la vie humaine prend un sens nouveau et plus profond ; toute la création est restaurée. En tant que « co-créateurs », les hommes sont appelés à participer à cette œuvre de re-création de tout l’univers. Il n’est donc pas surprenant que depuis les premiers siècles, à l’exemple de la communauté apostolique (cf. Ac 2,42-44), un grand nombre de chrétiens ont partagé une vie fraternelle en communauté, en mettant en commun tous leurs biens et en s’encourageant mutuellement dans la suite du Christ. Dans les formes de vie consacrée propres aux traditions catholique et méthodiste, les chrétiens rendent gloire au Créateur et défendent la dignité de l’homme et l’intégrité de la création. « En réalité, cette profonde admiration devant la valeur et la dignité de l’homme s’exprime dans le mot évangile » (Redemptor hominis 10). Saint François en est un témoin éminent : « C’était un mystique et un pèlerin qui vivait avec simplicité et dans une merveilleuse harmonie avec Dieu, avec les autres, avec la nature et avec lui-même. En lui, on voit jusqu’à quel point sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure » (Laudato si 10). Mais ce n’est pas seulement dans la vie consacrée que les chrétiens contribuent à renouveler la face de la terre. En vivant leur identité baptismale dans les tâches ordinaires de leur vie de tous les jours, les chrétiens contribuent à la re-création de l’univers. Par leur don de soi mutuel dans la famille, dans l’Église, et dans la société, des personnes de tous horizons trouvent le chemin de leur réalisation humaine dans l’amour et de leur sanctification en Christ.

42.     « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu », écrit saint Irénée de Lyon[9]. La vie humaine et l’appel à la sainteté doivent être vus ensemble. Être « changé de gloire en gloire » ne diminue pas l’humain en l’homme ; bien au contraire, la sainteté humanise. Par la grâce de Jésus Christ et sous la conduite fraternelle de l’Esprit Saint, accueillis dans l’amour de Dieu, les hommes découvrent et vivent leur véritable appel. Cette affirmation ne vide pas la vie humaine de son mystère. Comme le dit Jean : « Dès à présent nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsque le Christ paraîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2).

 

Sainte Marie de la Croix MacKillop

Marie Hélène MacKillop (1824–1909) est née à Melbourne, en Australie, à l’époque coloniale, de parents d’origine écossaise. Même si sa famille n’était pas aisée, son père veilla à ce qu’elle reçoive une bonne éducation. Marie dut commencer à travailler très tôt, alors qu’elle n’était qu’une adolescente, pour offrir un soutien financier aux siens. Elle s’engagea comme gouvernante : ce fut pour elle le début d’un apostolat de l’éducation qui allait durer toute sa vie.

En 1866, Marie et le Père Julian Tenison Woods, curé de sa paroisse, réalisèrent leur rêve de fonder une congrégation de religieuses au service des pauvres, se vouant à l’éducation des enfants dans les régions les plus reculées du pays. Dans la règle de vie que le Père Woods et Marie MacKillop rédigèrent pour la nouvelle communauté, l’accent était mis sur le vœu de pauvreté ; dépendant entièrement de la Divine providence, les sœurs ne devaient posséder aucun bien personnel. Les « joséphites » – tel fut le nom donné à cette nouvelle congrégation – se distinguaient par le fait qu’elles ne vivaient pas dans des couvents fermés, mais parmi les communautés qu’elles servaient. Outre les écoles, elles ouvrirent aussi d’autres institutions sociales comme des orphelinats et des maisons d’accueil pour les personnes âgées et les malades. Toutes ces œuvres avaient en commun le désir constant de servir les pauvres. Les religieuses refusaient d’accueillir les enfants des familles aisées : leur principal objectif était d’éduquer les pauvres. Et comme les besoins étaient nombreux, la congrégation et ses écoles se développèrent rapidement.

Au cours de sa vie, Marie dut faire face à des oppositions et à des accusations mensongères. Elle connut des tribulations à cause de l’hostilité de certains membres de la hiérarchie religieuse et même de ses propres sœurs. Pendant une courte période, elle fut excommuniée par son évêque. Mais sa foi profonde et sa dévotion spéciale à la croix du Christ lui donnèrent la force et le courage nécessaires pour continuer son travail, qui l’obligeait souvent à parcourir de grandes distances. La vision de Marie n’avait pas de limite, et elle bénéficia du soutien et de l’amitié de personnes de toutes confessions et religions. Le caveau où elle fut inhumée fut financé par un fidèle ami presbytérien. Les sœurs de Saint-Joseph et leurs associés laïcs travaillent aujourd’hui dans de nombreuses régions du monde : elles recueillent l’héritage de Marie en s’efforçant d’apporter à tous amour et dignité.

 

John Sung (Song Shangjie)

John Sung (1901–1944) fut le premier « revivaliste » chinois du XXe siècle. Il conduisit plus de 100 000 personnes – soit près de dix pour cent de tous les protestants chinois – à confesser leur foi en Jésus Christ. Sung s’était converti au christianisme alors qu’il était encore un tout jeune homme, après avoir souffert d’une dépression nerveuse. Dans le désordre mental où il se débattait, il trouva le chemin pour proclamer que Jésus est le Seigneur : dès lors, toute sa vie se recomposa autour de son Sauveur.

Cette expérience de guérison divine marqua le début de sa proclamation de l’Évangile. Il se mit à parcourir toute la Chine et le Sud-Est asiatique comme prédicateur de l’Église épiscopale méthodiste. Sung exhortait ceux qui l’écoutaient à vivre une vie de sainteté, en mettant l’accent à la fois sur le salut du corps et de l’âme puisque Jésus délivre les hommes du péché et de la maladie. La restauration totale, disait-il, est le résultat d’une entière sanctification ; seul l’Esprit Saint peut purifier les cœurs et rendre la santé aux corps.

Pour Sung, ceux qui répondaient à l’appel à la sainteté de vie devaient s’attendre à ce que l’intégrité morale s’épanouisse dans leur vie, car l’Esprit de Dieu allait les guider dans les chemins de la droiture. Sung ne prêchait pas une perfection exempte de tout péché, mais une conscience vivifiée. Sa vie elle-même en est un exemple. Un jour, il s’aperçut que, de façon inexplicable, ses sermons manquaient de force, jusqu’à ce que l’Esprit Saint lui rappelle que dans les jours précédents il avait refusé à quelqu’un l’aide qu’il lui avait demandée (Mt 5,42). Sung alla trouver celui qu’il avait offensé, lui confessa son péché et chercha à le réparer. Ainsi purifié de sa faute, Sung eut la joie de constater que Dieu avait recommencé à œuvrer à travers sa prédication.

Par certains côtés, l’idée que Sung se faisait de la sainteté de vie pourrait paraître trop rigoureuse, puisqu’il demandait aux chrétiens de s’abstenir du cinéma, du tabagisme, de la lecture des romans, de la danse, des jeux et même des pique-niques. Mais Sung expliquait ainsi cette position. L’opium des peuples n’était pas la religion, disait-il, mais plutôt les formes de loisirs qui enténèbrent l’esprit et absorbent le temps. Au lieu d’employer leur temps libre à se faire plaisir, les convertis devaient répandre l’Évangile. Partout où il allait, il créait des équipes d’évangélisateurs qu’il chargeait de sauver le pays en éradiquant le péché[10].

 

Chapitre deux

L’ŒUVRE DIVINE DE RE-CRÉATION DE L’HUMANITÉ

 

43.     Après avoir présenté notre vision commune de l’homme créé à l’image de Dieu, il nous est maintenant possible de considérer ce que nous pouvons dire ensemble, en tant que méthodistes et catholiques, au sujet de l’œuvre divine de re-création de l’humanité. Cette œuvre révèle toute la profondeur de l’amour de Dieu, puisqu’elle vise à vaincre l’éloignement des hommes vis-à-vis de Dieu causé par la chute. Un concept central, dans ce deuxième chapitre, est celui de la « grâce ». Le salut des hommes n’est possible que parce qu’un Dieu aimant et miséricordieux entreprend l’œuvre de re-créer l’humanité par le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus Christ. En commençant par un court résumé sur la grâce de Dieu dans la personne et dans l’œuvre du Christ et de l’Esprit Saint, ce chapitre examine la nature et les effets de la grâce divine tant au niveau personnel que collectif. Ce chapitre se conclut par un approfondissement sur deux questions qui ont été un motif de discorde entre catholiques et protestants : le mérite découlant des œuvres de miséricorde et de piété, et s’il est approprié de parler d’« assurance » du salut.

44.     Il convient, pour la commodité de la présentation, de considérer les effets de la grâce sous trois sous-titres : la grâce qui habilite, la grâce qui justifie, et la grâce qui sanctifie. Il ne s’agit cependant pas de trois effets distincts, comme si la grâce était simplement un processus linéaire, mais plutôt de trois aspects liés entre eux de l’œuvre du salut de Dieu et de l’appel à la sainteté. Sur la question de la grâce, la Déclaration méthodiste d’association avec la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification représente une base d’accord importante entre catholiques et méthodistes (et luthériens) sur des questions théologiques qui ont divisé catholiques et protestants depuis la Réforme.

 

La grâce de Dieu en Jésus Christ

45.     Catholiques et méthodistes définissent la « grâce » en termes similaires. Pour les catholiques, la grâce est « la faveur, le secours gratuit que Dieu nous donne pour répondre à son appel : devenir enfants de Dieu, fils adoptifs, participants de la divine nature, de la vie éternelle » (CEC 1996). Pour les méthodistes, la grâce est « l’amour et la faveur de Dieu dispensés souverainement et librement à des hommes hostiles et indignes » (CPM 10). Le mystère du salut est l’œuvre d’un Dieu miséricordieux à travers la vie, le ministère, la mort et la résurrection de Jésus Christ : « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16).

46.     Ainsi loin d’être une idée abstraite, la grâce est l’amour salvifique de Dieu révélé dans la personne et dans l’œuvre de Jésus Christ, le Verbe fait chair et le seul « plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). Les chrétiens confessent que « Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs » (1 Tm 1,15), et que sa grâce envers l’humanité est révélée par le fait qu’« il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Ph 2,8). La grâce de Jésus Christ (2 Co 13,13) est dirigée vers le salut de l’humanité : « De sa plénitude, tous nous avons reçu, et grâce sur grâce » (Jn 1,16).

47.     Dans le mystère du salut, la grâce de Jésus Christ transforme la nature et la condition humaines, car « si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature » (2 Co 5,17-18). Être re-créés « en Christ » en tant qu’êtres humains constitue une nouvelle façon de vivre dans le monde, réconciliés avec Dieu et les uns avec les autres. Saint Paul exhorte les membres du corps du Christ, qu’est l’Église, en ces termes : « Ayez entre vous les dispositions que l’on doit avoir dans le Christ Jésus » (Ph 2,5). En conformité croissante avec l’esprit du Christ, la vie chrétienne est consciemment façonnée d’après sa vie terrestre, en sorte que ceux qui sont « en Christ » suivent son exemple de sainteté de vie.

48.     L’amour salvifique de Dieu que les chrétiens proclament pour tous les hommes ne se limite pas au genre humain, comme si le reste de la création était un simple décor où se déroule l’histoire humaine du salut. Même si le présent rapport se concentre sur la grâce à l’œuvre dans les individus et dans les communautés, les implications de la conception biblique du salut, comme nouvelle création, sont beaucoup plus vastes, puisque l’œuvre du Christ conduit à l’accomplissement du propos de Dieu pour toute la création, et pas seulement pour l’humanité. En conséquence, la sainteté de vie implique que les chrétiens témoignent ensemble la responsabilité des hommes en tant que gardiens de la terre (Gn 2,15b), qui est la création bonne de Dieu (Dublin 22 ; cf. HEFG).

 

La grâce de Dieu et l’Esprit Saint

49.     Luc-Actes montre que l’Esprit Saint est constamment présent et agissant dans la personne et dans l’œuvre de Jésus Christ. Marie conçoit par la puissance de l’Esprit Saint (Lc 1,35). Au baptême de Jésus, l’Esprit descend sur lui « sous une apparence corporelle, comme une colombe » (Lc 3,22). De ce fait, il est « rempli d’Esprit Saint » (Lc 4,1), « avec la puissance de l’Esprit » (Lc 4,14). Jésus est oint par l’Esprit pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, et annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur (Lc 4,18-19).

50.     Jésus promet que Dieu le Père donnera le don de l’Esprit à ceux qui le demandent (Lc 11,13). L’Esprit enseignera aux disciples de Jésus ce qu’ils doivent dire pour se défendre devant les autorités (Lc 12,12). Le Seigneur ressuscité dit aux apôtres : « Vous allez recevoir une puissance, celle de l’Esprit Saint qui viendra sur vous » (Ac 1,8). Le jour de la Pentecôte, les apôtres sont « tous remplis d’Esprit Saint » (Ac 2,4), ce qui fait dire à Pierre que ceux qui se repentent et sont baptisés « recevront le don de l’Esprit Saint » (Ac 2,1-38). La descente de l’Esprit Saint à la Pentecôte établit l’Église comme communauté de foi et de culte (Ac 2,42-46), et non plus seulement comme groupe d’individus.

51.     L’Esprit Saint continue d’être présent et agissant dans l’Église au cours des siècles, en rendant témoignage de Jésus (Jn 15,26), en instruisant les communautés de foi et en les faisant se ressouvenir de ses paroles (Jn 14,26), et en conduisant l’Église à la vérité tout entière, révélée en Christ (Jn 16,13). L’Esprit Saint est « l’Esprit de la grâce » (He 10,29), qui rend la grâce du Christ présente et agissante et qui guide les hommes vers un approfondissement de leur rapport de communion et d’amour avec Dieu et avec leur prochain. L’effet sur les hommes est profond : « La grâce du Christ est le don gratuit que Dieu nous fait de sa vie infusée par l’Esprit Saint dans notre âme pour la guérir du péché et la sanctifier » (CEC 1999).

52.     Les divers dons de l’Esprit Saint sont toujours des dons de la grâce, sous une forme ou une autre. L’Esprit dispense ces dons individuellement pour le bien commun de toute l’Église (1 Co 12,7 ; LG 12). Il existe une grande variété de dons spirituels, avec les services correspondants en vue de l’édification de l’Église, mais un seul Esprit (1 Co 12,4). Outre les dons spirituels associés aux sacrements et aux ministères établis, catholiques et méthodistes attestent la liberté de l’Esprit Saint d’accorder des dons ou des charismes particuliers « comme il le veut » (1 Co 12,11). Dans les deux traditions catholique et méthodiste, les courants de renouveau charismatique parmi les baptisés ont été un trait récurent.

 

La grâce qui habilite

53.     Catholiques et méthodistes « confessent ensemble que la personne humaine est pour son salut entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu » (DCDJ 19). En tant que pécheur, l’homme est incapable d’atteindre le salut par ses propres efforts, même en se tournant vers Dieu pour être délivré du péché. Étant entièrement dépendant du jugement de Dieu, il ne peut être sauvé que par sa miséricorde. L’initiative du salut appartient donc toujours à Dieu, dont la grâce précède et facilite la réponse humaine. Dans tous les aspects de l’œuvre de salut de Dieu, l’initiative, l’accomplissement et la consumation sont l’œuvre de l’Esprit Saint qui nous apporte le Christ et nous conduit à la foi en lui (Honolulu 15).

54.     L’Esprit Saint est à l’œuvre avant même que les individus arrivent à la foi en Jésus Christ, puisque la préparation des hommes à la réception de la grâce est déjà une œuvre de la grâce (CEC 2001). C’est uniquement par la grâce de Dieu que l’homme a « la capacité de répondre au salut qui lui est offert par Jésus Christ »[11]. La grâce qui habilite, à l’œuvre en tout homme, est ce que le Concile de Trente a appelé « la grâce prévenante », un terme repris plus tard par John Wesley dans son récit du salut (Honolulu 14). Puisque les hommes ne sont jamais privés de la grâce qui habilite, il ne peut y avoir de séparation radicale entre « nature » et « grâce » ; ainsi, l’œuvre de salut de Dieu en Jésus Christ comporte « grâce sur grâce » (Jn 1,16).

55.     Mais la grâce qui habilite n’est que cela ; elle n’élimine pas la nécessité d’une réponse libre de l’homme à l’initiative de salut de Dieu. Catholiques et méthodistes rejettent l’idée d’un salut universel qui signifierait que tous seront sauvés, qu’ils y consentent librement ou non. Pour les catholiques, la grâce qui habilite éveille et soutient la coopération des hommes à l’œuvre de salut de Dieu, tout en demandant de leur part une réponse libre (CEC 2001-2). De même pour les méthodistes, la grâce qui habilite « assiste » mais « ne force pas » la réponse des hommes[12]. Catholiques et méthodistes s’accordent à dire que « la personne est sauvée par la grâce avec son libre consentement (dans le cas des adultes), mais qu’elle n’est pas sauvée par son libre consentement » (JCS, p. 89). Ou encore, comme saint Augustin l’a exprimé de façon éloquente : « Dieu nous a créés sans nous, il n’a pas voulu nous sauver sans nous »[13].

56.     La réponse positive de l’homme à l’amour salvifique de Dieu est ce que le Nouveau Testament appelle le repentir. Au début de son ministère, Jésus proclame : « Le temps est accompli et le Règne de Dieu s’est approché ; convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1,15). Pour les méthodistes, « le repentir consiste à se détourner du péché avec douleur et à se tourner vers Dieu en implorant son pardon et en lui demandant une nouvelle vie en Jésus Christ » (CPM 4). De même, pour les catholiques, « sous la motion de la grâce, l’homme se tourne vers Dieu et se détourne du péché » (CEC 1989). Catholiques et méthodistes désignent souvent cette première œuvre de grâce de l’Esprit Saint sous le terme de conversion.

57.     La personne de Marie, Mère du Seigneur, illustre admirablement l’œuvre de la grâce qui habilite et ses effets puissants. Elle incarne d’une manière spéciale la grâce librement donnée et imméritée de Dieu. Marie peut être considérée comme le signe ou l’icône de « la grâce seule » (sola gratia). Par la grâce seule, elle a été rendue capable de prononcer librement et courageusement son « oui » en réponse à l’appel de Dieu : « Je suis la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi comme tu me l’as dit » (Lc 1,38). Par la grâce seule, Marie, dans son l’humilité, a reçu le don de devenir la mère du Seigneur » (MML 8).

 

La grâce qui justifie

58.     L’une des grandes controverses de la Réforme portait sur la doctrine de la justification. Pour les réformateurs, Éphésiens 2,8-9 était un passage biblique fondamental : « C’est par la grâce, en effet, que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi ; vous n’y êtes pour rien, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des œuvres, afin que nul n’en tire orgueil ». Pour les théologiens catholiques de l’époque, l’accent mis par les réformateurs sur le rôle de la grâce reléguait au second plan la nécessité des bonnes œuvres dans la vie chrétienne : « De même la foi qui n’aurait pas d’œuvres est morte dans son isolement » (Jc 2,17). Ces points de vue contrastés se cristallisèrent en différences doctrinales apparemment inconciliables au sujet de la justification.

59.     Au regard de l’histoire de la controverse entre catholiques et protestants sur la justification, il est extrêmement significatif que catholiques et méthodistes puissent confesser ensemble aujourd’hui : « C’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes » (DCDJ 15). Même la foi n’est pas un acte humain puisqu’elle est un « don de Dieu par le Saint-Esprit qui agit dans la communauté des croyants par la parole et les sacrements » (DCDJ 16).

60.     Le Nouveau Testament décrit de diverses façons ce que signifie pour les pécheurs « être justifié devant Dieu ». La justification est la libération de l’emprise dominante du péché et de la mort (Rm 5,12-21) et de la malédiction de la loi (Ga 3,10-14) par le pardon des péchés (Rm 3,23-25 ; Ac 13,39 ; Lc 18,14). La justification unit le pécheur au Christ, et à sa mort et résurrection (Rm 6,5). La justification signifie être accueilli dans une relation de communion (koinonia) avec Dieu – dès à présent, et plus tard pleinement dans le royaume de Dieu à venir (Rm 5,1 ss ; DCDJ 11).

61.     Quoique les bonnes œuvres ne contribuent pas à la justification, elles en sont la conséquence inévitable. La foi en l’action salvifique de Dieu dans le Christ est toujours et nécessairement agissante dans l’amour, et de ce fait elle se traduit par des bonnes œuvres de miséricorde et de piété. Néanmoins, « tout ce qui dans la personne humaine précède et suit le don libre de la foi, n’est pas la cause de la justification et ne la mérite pas » (DCDJ 25).

62.     La justification advient par la réception de l’Esprit Saint et l’incorporation au corps du Christ (Rm 8,1-11 ; 1 Co 12,12 s), dont le sacrement du baptême est le signe efficace. Nouvelle naissance, purification, régénération, conversion : tous ces termes sont utilisés pour décrire le processus par lequel les hommes sont amenés par Dieu de l’état de péché à une vie nouvelle en Christ (CPM 15 ; CEC 1214, 1987).

63.     La grâce de la justification re-crée l’homme, même si l’état de grâce n’est pas nécessairement permanent. Catholiques et méthodistes rejettent l’idée que le justifié persévèrera toujours dans la grâce jusqu’au bout. Il est toujours possible qu’un justifié perde la grâce et retombe dans l’état de péché. Mais même alors, la grâce de Dieu fait qu’il peut se repentir et recevoir à nouveau la grâce qui justifie.

 

La grâce qui sanctifie

64.     La justification n’est pas un événement isolé dans la vie des chrétiens, mais une étape du processus de sanctification qui les fait devenir saints en approfondissant leur rapport avec le Christ dans son corps qu’est l’Église (Honolulu 13). « Justification et sanctification vont de pair comme les deux faces d’une même médaille : distinctes mais inséparables » (JCS, p. 88). Après avoir reçu la grâce de la justification, le processus de sanctification comporte un approfondissement de l’expérience de la grâce qui sanctifie à mesure que le chrétien grandit à l’image du Christ et qu’il est attiré plus profondément dans la participation à la vie de la Trinité (Séoul 110).

65.     La grâce sanctifiante n’est pas seulement intérieure à l’âme humaine : elle implique aussi un engagement de sainteté de vie dans toutes les sphères de la vie humaine (cf. Rm 12,1). Catholiques et méthodistes confessent ensemble que les bonnes œuvres de miséricorde et de piété sont le fruit de la justification et une obligation de la sainteté de vie (DCDJ 37). Comme telles, elles participent de la victoire de Dieu sur le péché et sur la mort. Pour les catholiques, « la grâce sanctifiante est un don habituel, une disposition stable et surnaturelle perfectionnant l’âme même pour la rendre capable de vivre avec Dieu, d’agir par son amour » (CEC 2000). De façon analogue, pour les méthodistes la grâce sanctifiante est une disposition habituelle qui fait que « la foi agissant par l’amour » (Ga 5,6) produit de bonnes œuvres dans la vie des fidèles.

66.     La sainteté de vie en elle-même conduit à une croissance dans la grâce sanctifiante. Pour les catholiques, « les bonnes œuvres qui sont réalisées par la grâce et l’action du Saint-Esprit contribuent à une croissance dans la grâce afin que la justice reçue de Dieu soit préservée et la communion avec le Christ approfondie » (DCDJ 38). Pour les méthodistes, « les œuvres [de piété et de miséricorde] aident aussi les croyants à vivre leur vie en communion avec Dieu et à être des ‘ouvriers avec Dieu’ (1 Co 3,7) dans le champ de la mission de Dieu et dans le ministère en faveur des pauvres et de ceux qui ont le plus besoin de l’amour de Dieu » (MADCDJ 4.7 ; cf. BDUMC/ART 10).

67.     Être engagé dans la sainteté de vie ne doit pas rendre les chrétiens complaisants au sujet de leur état de vie. Comme on a pu le voir, la justification n’est pas nécessairement un état permanent. Les chrétiens doivent être constamment conscients du risque d’un retour en arrière qui les feraient retomber au pouvoir du péché (cf. 1 Jn 1,6-9 ; MADCDJ 4.4). En même temps, la conscience du risque toujours présent du péché ne doit pas amener les chrétiens à douter de l’efficacité de la grâce sanctifiante dans leur vie.

 

L’appel universel à la sainteté

68.     La grâce qui habilite, la grâce qui justifie et la grâce qui sanctifie sont trois aspects de l’amour salvifique de Dieu et de l’appel à la sainteté. Comme tels, ils sont toujours et nécessairement liés directement ou indirectement à l’Église, qui est le peuple de Dieu, le corps du Christ, et le temple de l’Esprit Saint. L’Église elle-même est un fruit de la grâce de Dieu : sa nature et sa mission font partie du mystère du plan d’amour de Dieu pour le salut de tous les hommes (Séoul 49).

69.     Les catholiques croient en « l’appel universel à la sainteté dans l’Église » : puisque le Christ est saint, « dans l’Église tous, qu’ils appartiennent à la hiérarchie ou qu’ils soient régis par elle, sont appelés à la sainteté » (LG 39). De même, l’appel à la sainteté est au cœur du méthodisme, dont la mission providentielle a été de « réformer la nation, et en particulier l’Église, et de répandre la sainteté des Écritures dans le monde »[14].

70.     L’appel à la sainteté s’adresse aux hommes dans le contexte culturel, social et historique qui est le leur ; il est donc à la fois personnel et collectif, transcendant mais pas étranger à ces contextes. Dans l’Ancien Testament, Dieu appelle le peuple d’Israël à être lumière des nations (Dt 7,6). Dans le Nouveau Testament, il lui donne le grand mandat : « Allez, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). En tant que communauté visible de ceux qui ont répondu à l’appel à la sainteté, l’Église, dans le Nouveau Testament, comprenait déjà des Juifs et des Gentils : « la race élue, la communauté sacerdotale du roi, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est acquis » (1 P 2,9).

71.     En tant que peuple de Dieu, l’Église « est appelée à être pour le monde un signe concret du plan salvifique et d’unité de Dieu pour toute l’humanité, et un avant-goût de notre rassemblement final par Dieu au ciel » (Séoul 62). Même si des éléments de grâce et de sainteté existent hors de l’Église visible comme fruits de l’œuvre de l’Esprit Saint, en définitive, ils sont toujours et nécessairement dirigés vers l’incorporation au Christ. Ainsi, tous ceux qui reçoivent la grâce sont d’une certaine façon liés ou « ordonnés » à l’Église.

72.     En tant qu’agent et instrument de l’appel à la sainteté choisis par Dieu, l’Église sur terre est essentiellement missionnaire, orientée vers la transformation de toutes choses dans la nouvelle création en Christ. L’œuvre d’évangélisation a pour but d’amener tous les hommes dans la communauté de foi et de développer des relations et des structures sociales conformes à la nouvelle création en Christ.

 

La perfection dans l’amour et dans la sainteté

73.     Jésus exhorte ses disciples à être parfaits comme leur Père céleste est parfait (Mt 5,48). Alors que la perfection absolue appartient à Dieu seul, catholiques et méthodistes s’accordent à dire que « la sanctification est un processus qui conduit à l’amour parfait » (Honolulu 18), à mesure que les chrétiens grandissent dans la grâce et se vouent à l’amour de Dieu et de leur prochain. Le sommet de la sainteté de vie et de la croissance personnelle dans la grâce est l’amour parfait, que les méthodistes appellent aussi sanctification totale ou perfection chrétienne (cf. 1 Th 5,23 ; Séoul 66).

74.     Pour les méthodistes, la perfection chrétienne est d’aimer Dieu « de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » et « ton prochain comme toi-même » (cf. Mt 22,37-39 ; 1 Jn 2,5 ; MADCDJ 4,4). Cet amour « n’implique pas une exemption de l’ignorance, ni de l’erreur, ni des infirmités, ni des tentations »[15]. Ceux qui reçoivent la grâce sanctifiante continueront à lutter contre la tentation et le péché. Mais dans ce combat, ils sont fortifiés par la promesse de l’Évangile qu’en Christ, Dieu a brisé les chaînes du péché. La perfection chrétienne restera toujours un don de Dieu et l’œuvre de la grâce de Dieu, et jamais notre mérite ni notre accomplissement humains (MADCDJ 4,4).

75.     Bien que les termes « perfection chrétienne » et « sanctification totale » ne soient pas aussi courants dans la théologie catholique, l’enseignement catholique dit que « l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie […]. Les fidèles doivent s’appliquer de toutes leurs forces, dans la mesure du don du Christ, à obtenir cette perfection, afin que, marchant sur ses traces et se conformant à son image, accomplissant en tout la volonté du Père, ils se vouent de toute leur âme à la gloire de Dieu et au service de leur prochain. Ainsi la sainteté du Peuple de Dieu s’épanouira en fruits abondants, comme en témoigne avec éclat à travers la vie de tant de saints l’histoire de l’Église » (LG 40).

76.     Catholiques et méthodistes affirment, chacun à leur façon, que la perfection dans l’amour est possible avant la mort. Les catholiques soulignent la difficulté de vaincre le péché à cause des tentations ou de l’aveuglement (cf. 1 Jn 1,8). Néanmoins « tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu, chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père » (LG 11). Les méthodistes reconnaissent eux aussi la réalité du péché, mais ils croient que la perfection dans l’amour est possible dans la vie présente car il n’y a pas de limite à la puissance de la grâce de Dieu. Pour Wesley, une telle perfection, qui est aussi bien un parcours qu’un état final, est le désir profond et le but de la sainteté de vie – l’anticipation dans le temps de la sanctification chrétienne, rendue possible par la grâce. Cette différence d’accentuation historique entre catholiques et méthodistes ne doit pas faire oublier qu’il existe entre eux un accord substantiel sur la perfection chrétienne. La vie des saints dans la tradition catholique et la vie des chrétiens exemplaires dans la tradition méthodiste témoignent de la possibilité de la perfection dans l’amour.

77.     Être amené à l’état final de perfection dans l’amour et dans la sainteté de vie est l’œuvre de la grâce. Pour les catholiques, cet état final de perfection n’est atteint, pour la plus grande partie d’entre eux, qu’après une expérience de purification après leur mort appelée traditionnellement « purgatoire ». Les méthodistes prennent très au sérieux les passages de l’Écriture qui suggèrent un processus de purification des effets du péché, mais n’acceptent pas la doctrine catholique du purgatoire telle qu’elle a été comprise et rejetée par les réformateurs (cf. BDUMC/ART 14). Ce sujet sera traité au chapitre quatre.

 

Les bonnes œuvres et le mérite

78.     La question de savoir si et comment les chrétiens acquièrent du « mérite » devant Dieu à cause de leurs bonnes œuvres de miséricorde et de piété a fait l’objet de controverses entre catholiques et protestants depuis la Réforme. Les réformateurs considéraient l’enseignement catholique sur le mérite comme étant contraire à leur conviction théologique fondamentale selon laquelle la justification advient par la grâce en vertu de la foi. Les méthodistes ont hérité de cette perspective. Ils disent par exemple : « Nous sommes comptés parmi les justes devant Dieu uniquement à cause du mérite de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, par la foi et non à cause de nos œuvres ou de nos mérites personnels » (BDUMC/ART 9).

79.     Mais aujourd’hui, catholiques et méthodistes peuvent déclarer ensemble que « c’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes » (DCDJ 15). Les bonnes œuvres de miséricorde et de piété dans la vie chrétienne ne contribuent pas à la justification, mais en sont les fruits.

80.     Pour les catholiques, la possibilité que les bonnes œuvres dans la vie chrétienne acquièrent du mérite découle du fait que Dieu a choisi librement de faire participer les hommes à l’œuvre de la grâce. Le mérite des bonnes œuvres doit être attribué d’abord à la grâce de Dieu, et seulement de façon secondaire au fidèle (CEC 2008). « Lorsque les catholiques affirment le ‘caractère méritoire’ des bonnes œuvres, ils entendent par là que, selon le témoignage biblique, un salaire céleste est promis à ces œuvres. Loin de contester le caractère de ces œuvres en tant que don ou, encore moins, de nier que la justification reste un don immérité de grâce, ils veulent souligner la responsabilité de la personne pour ses actions » (DCDJ 38).

81.     De façon analogue, les méthodistes affirment que les hommes collaborent librement à l’œuvre de la grâce en sorte qu’ils sont pleinement responsables de leurs actes[16]. Dans la mesure, donc, où les bonnes œuvres, motivées par l’amour de Dieu et du prochain, sont « agréables et acceptables pour Dieu dans le Christ, et qu’elles naissent d’une foi véritable et vivante » (BDUMC/ART 10), Dieu, dans sa miséricorde, les récompensera selon les « mérites » de ces mêmes actions humaines. C’est ainsi que Jésus parle d’une « récompense » de Dieu le Père en réponse à l’aumône, à la prière et au jeûne (Mt 6,4.6.18).

82.     Toutefois catholiques et méthodistes continuent d’être en désaccord sur la possibilité que les mérites découlant des bonnes œuvres des chrétiens puissent contribuer à la sanctification d’autrui. Pour les catholiques, « le terme mérite désigne, en général, la juste rétribution due par une communauté pour l’action d’un de ses membres, éprouvée comme un bienfait ou un méfait » (CEC 2006). Dans l’Église, le mérite du Christ est partagé et célébré par tous. Puisque, l’amour salvifique du Père permet aux chrétiens de devenir les cohéritiers du Christ (Rm 8,17), leurs prières invoquant une récompense imméritée ne seront pas ignorées : « Sous la motion de l’Esprit Saint et de la charité, nous pouvons ensuite mériter pour nous-mêmes et pour autrui les grâces utiles pour notre sanctification, pour la croissance de la grâce et de la charité, comme pour l’obtention de la vie éternelle. Les biens temporels eux-mêmes, comme la santé, l’amitié, peuvent être mérités suivant la sagesse de Dieu » (CEC 2010).

83.     Tout en affirmant la valeur suffisante et universelle de l’action salvifique de Dieu dans le Christ, les catholiques croient que les liens d’amour entre chrétiens rendent possible un « échange admirable » par lequel « la sainteté de l’un profite aux autres, bien au-delà du dommage que le péché de l’un a pu causer aux autres » (CEC 1475 ; Indulgentiarum doctrina 5). Le « trésor de l’Église » comprend des mérites du Christ dont la valeur est infinie, mais aussi les « prières et les bonnes œuvres » de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints de Dieu (CEC 1476-77 ; Indulgentiarum doctrina 5). En vertu du pouvoir de lier et délier qui lui a été attribué par le Christ, l’Église « intervient en faveur d’un chrétien et lui ouvre le trésor des mérites du Christ et des saints pour obtenir du Père des miséricordes la remise des peines temporelles dues pour ses péchés » (CEC 1478 ; Indulgentiarum doctrina 5). Lorsque l’Église intervient pour garantir une « indulgence », elle le fait au nom des saints défunts qui ont été purifiés de leurs péchés.

84.     Alors que les catholiques affirment que la valeur infinie des mérites du Christ est suffisante pour soutenir chaque chrétien dans sa lutte contre le péché, les méthodistes se demandent pourquoi ces derniers jugent nécessaire de maintenir une réserve de mérites découlant des prières et des bonnes œuvres du peuple de Dieu. Reconnaissant l’indignité de leurs appels à Dieu, les méthodistes se réfèrent souvent aux « mérites de Notre Seigneur Jésus Christ » quand ils invoquent la miséricorde de Dieu dans leurs prières. Mais pour la pensée méthodiste, l’idée qu’une récompense des bonnes œuvres puisse venir s’ajouter de quelque façon que ce soit aux mérites du Christ au bénéfice d’une personne en particulier revient à remettre en cause la suffisance de sa mort salvifique, et risque de créer une vision mécanistique et mercantile de ces œuvres.

85.     Néanmoins en raison des liens d’amour qui existent entre les chrétiens, les méthodistes reconnaissent que les prières des fidèles peuvent être mutuellement bénéfiques. Les prières d’intercession ferventes invoquant l’amour et la miséricorde de Dieu sur certaines situations ou certaines personnes en particulier ont toujours été au cœur du culte méthodiste. De même, les rencontres de prière au cours desquelles les fidèles ordinaires prient ensemble Dieu pour une intention spécifique ont été une caractéristique marquante du méthodisme, et font toujours partie intégrante de la vie congrégationnelle de nombre d’Églises méthodistes. L’efficacité de ces prières découle de la conviction que, dans sa grâce et dans sa miséricorde, Dieu répond aux prières d’intercession de l’Église. En ce sens, les méthodistes peuvent admettre que les bonnes œuvres de piété puissent bénéficier à certaines personnes en particulier.

86.     Certains méthodistes reconnaissent même que les prières des saints défunts et les prières des saints sur la terre peuvent être mutuellement bénéfiques pour leur salut, quoique par des moyens qui ne peuvent pas être identifiés précisément. En suivant l’exemple de John Wesley, les liturgies autorisées de nombre d’Églises méthodistes contiennent des dispositions en vue d’une prière générale d’intercession pour les fidèles défunts. Une réflexion théologique plus approfondie sur les implications des liens d’amour dans la communion des saints pourrait mener à une convergence accrue entre catholiques et méthodistes quant à la possibilité d’un « échange » par lequel la sainteté des uns profite aux autres.

 

L’assurance de la foi et le salut

87.     « La foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas » (He 11,1). La Lettre aux Hébreux dit aussi que « nous avons ainsi pleine assurance d’accéder au sanctuaire par le sang de Jésus. Nous avons là une voie nouvelle et vivante, qu’il a inaugurée à travers le voile, c’est-à-dire par son humanité. Et nous avons un prêtre éminent, établi sur la maison de Dieu. Approchons-nous donc avec un cœur droit et dans la plénitude de la foi, le cœur purifié de toute faute de conscience et le corps lavé d’une eau pure » (He 10,19-22).

88.     Ce que la Lettre aux Hébreux appelle l’assurance « de posséder déjà ce que l’on espère » ou « pleine assurance » de la foi découle des promesses de Dieu en Christ. Catholiques et méthodistes « confessent ensemble que les croyants peuvent compter sur la miséricorde et les promesses de Dieu. Même face à leurs propres faiblesses et aux menaces multiples mettant en péril leur foi, ils peuvent, grâce à la mort et à la résurrection du Christ, se fonder sur la promesse efficace de la grâce de Dieu dans la parole et le sacrement et avoir ainsi la certitude de cette grâce » (DCDJ 34).

89.     La certitude de la grâce de Dieu découle de la fiabilité de ses promesses, et elle est confirmée par le travail intérieur de l’Esprit Saint : « L’expérience religieuse chrétienne comprend l’assurance de la miséricorde non méritée de Dieu dans le Christ, le témoignage intérieur de l’Esprit que [les chrétiens] sont vraiment les enfants de Dieu, pardonnés par le Père et réconciliés avec lui (Rm 8,12-17) » (Honolulu 24). Cette expérience de « pleine assurance de la foi » est propre à la tradition méthodiste comme à la tradition catholique. L’expérience vécue par John Wesley, le 24 mai 1738, est célèbre : ce jour-là il sentit dans son cœur une « étrange chaleur », accompagnée de l’« assurance » que Dieu avait effacé ses péchés, en le délivrant du mal et de la mort. Dans la tradition catholique, certaines vies de saints témoignent de cette même assurance joyeuse de la foi (par ex. Filippo Neri).

90.     Mais comment, et en quel sens, est-il possible de parler d’« assurance du salut » ? Autrefois, quand les catholiques entendaient les méthodistes dire qu’ils avaient l’assurance du salut, ils y voyaient une affirmation présomptueuse basée sur une expérience subjective. Pour leur part, quand les méthodistes entendaient les catholiques douter de cette expérience, ils y voyaient un manque de confiance en l’action de l’Esprit Saint. En réalité, il n’y a entre méthodistes et catholiques qu’une différence d’accentuation qui ne constitue pas un désaccord substantiel sur la nature de l’assurance chrétienne. L’œuvre objective du salut et la conscience subjective du salut se fondent en une expérience personnelle dynamique.

91.     Pour les catholiques, avoir la foi c’est avoir confiance en Dieu. On ne peut pas à la fois croire en Dieu et douter de la fiabilité de sa promesse. En reconnaissant leurs faiblesses, leurs manquements et leurs échecs, les croyants peuvent être certains que malgré tout Dien veut leur salut (DCDJ 36). « La considération des bienfaits de Dieu dans notre vie et dans la vie des saints nous offre une garantie que la grâce est à l’œuvre en nous et nous incite à une foi toujours plus grande » (CEC 2005). Avoir confiance ou avoir l’assurance que la grâce salvifique est à l’œuvre en eux ne doit pas amener les chrétiens à supposer qu’ils sont assurés de leur salut en un sens qui exclurait la possibilité de perdre la grâce.

92.     Pour les méthodistes, l’assurance du salut découle « des promesses qui nous sont faites dans la Bible, de l’assurance intérieure qui nous est donnée par l’Esprit Saint, de la preuve dans nos actes que Dieu œuvre en nous, et de l’encouragement de nos frères chrétiens » (CMP 18). L’expérience de l’assurance est un aspect cher à la piété méthodiste, non pas comme garantie de persévérance qui supprimerait la nécessité de l’espérance, mais comme conviction intérieure inspirée par l’Esprit Saint d’avoir reçu la grâce du salut (Séoul 120). C’est pourquoi « l’assurance de la foi et l’assurance du salut ont toujours été au cœur même de la prédication méthodiste. Cette assurance n’est pas vue comme une certitude de possession, mais comme la fiabilité d’un rapport fondé sur l’amour de Dieu. Ce rapport est vécu en utilisant les ‘moyens de la grâce’, surtout en étudiant l’Écriture et en recevant la Cène du Seigneur » (MADCDJ 4,6). L’assurance du salut ne représente pas une garantie d’obtenir le salut final dernier, car il est toujours possible de perdre la grâce.

 

Phoebe Worrall Palmer

Phoebe Worrall naquit à New York en 1807 de parents méthodistes pieux, qui nourrirent en elle la foi chrétienne par la prière, l’étude de la Bible et la pratique du culte en famille deux fois par jour. Depuis son enfance, Phoebe aspirait à vivre l’expérience émotionnelle et datable de conversion attestée par tant d’autres. Cette aspiration spirituelle se réalisa en 1837, dix ans après son mariage avec le médecin méthodiste Walter Clarke Palmer : le 26 juillet, le « jour des jours » comme elle l’appela par la suite, elle comprit que l’Esprit Saint l’appelait à une alliance absolue et inconditionnelle avec Dieu.

Animée par son amour sincère pour Dieu et par le désir de promouvoir la sainteté de vie, Phoebe organisa des rencontres hebdomadaires de prière pour les femmes d’abord chez elle, puis à l’extérieur, en les ouvrant ensuite aussi aux hommes. Excellente oratrice et prédicatrice publique, elle appelait ses auditeurs à mettre toute leur vie sur l’autel de Dieu pour devenir parfaits dans l’amour. Proclamant que la sainteté se traduit nécessairement par le service en faveur de son prochain et de la société, Phoebe en donnait l’exemple par son soutien à la Ligue de tempérance et au mouvement anti-esclavagiste, et par son engagement dans la Société des dames missionnaires méthodistes des États-Unis. Elle fut fondatrice et directrice de la Mission « Five Points » dans le quartier défavorisé de Lower Manhattan.

Elle est l’auteur de divers ouvrages, parmi lesquels : The Way of Holiness (1843, réédité plusieurs fois), Entire Devotion to God (1845), et Faith and its Effects (1848). Elle écrivit régulièrement des articles pour le bulletin Guide to Holiness, dont elle devint l’éditrice à la fin de sa vie. Par l’exemple de sa vie et par ses écrits, Phoebe est considérée comme la mère du Holiness movement. Phoebe Palmer mourut à New York, le 2 novembre 1874. Jusqu’à la veille de sa mort, elle continua à diriger des rencontres de prières.

 

Le bienheureux Frédéric Ozanam

Le bienheureux Frédéric Ozanam a su concilier sa vie familiale et sa vie professionnelle avec son amour profond pour les pauvres et son désir de soulager leurs souffrances. Son exemple a inspiré un grand nombre d’hommes et de femmes dans le monde entier, qui se sont engagés en faveur des plus démunis dans la Société de Saint-Vincent de Paul, renommée et respectée pour sa spiritualité et son apostolat concrets.

Né à Milan en 1813 et éduqué à Lyon, Frédéric devint avocat. Il contribua à la vie intellectuelle catholique française par ses écrits et par son association avec des figures marquantes du mouvement néo-catholique du début du XIXe siècle telles que François-René de Chateaubriand, Jean-Baptiste Henri Lacordaire et Charles-René de Montalembert. Il s’engagea activement dans un groupe de discussion d’étudiants qui s’intéressait tout spécialement à l’enseignement social de l’Évangile.

Au cours de ses discussions, l’un de ses contradicteurs critiqua le manque d’engagement de l’Église en faveur des pauvres de Paris. Piqué par ce défi, Frédéric et un de ses amis commencèrent à visiter les logements parisiens habités par des indigents. Mu par la compassion, Frédéric fonda la Société de Saint-Vincent de Paul en mai 1833. Cette association d’avocats se mettait au service des plus démunis en s’inspirant de l’exemple de saint Vincent de Paul (1581-1660) et sous l’influence de Sœur Rosalie Rendu (aujourd’hui Bienheureuse), une Fille de la Charité qui se vouait au service des pauvres dans les logements insalubres de Paris. Pendant l’épidémie de choléra, la Société nouvellement fondée soigna les malades et devint un exemple de foi chrétienne agissante dans le 12e arrondissement de Paris.

Ozanam intervenait dans la vie intellectuelle et universitaire tout en accomplissant son service en faveur des pauvres et des plus démunis. Il mourut de consomption en 1853 à l’âge de 40 ans. Depuis lors, la Société de Saint-Vincent de Paul a grandi en s’inspirant de son exemple. Elle est présente aujourd’hui dans de nombreuses paroisses du monde entier. Sa spiritualité concrète a aidé nombre de laïcs catholique à trouver le chemin de la sainteté de vie en répondant aux besoins des moins fortunés qu’eux.

 

Chapitre trois

LE SAINT PEUPLE DE DIEU : LES SAINTS ICI-BAS

 

93.     La sainteté de vie consiste fondamentalement pour les chrétiens à marcher avec le Christ ressuscité. Dans l’évangile de Luc, la première rencontre des disciples avec Jésus après la résurrection se situe sur une route, où leur étonnement, leur anxiété et leurs doutes se dissipent en reconnaissant la présence de Jésus (Lc 24,13-35). À la suite de leurs conversations sur l’Écriture, de la communion fraternelle et de la fraction du pain, Cléophas et son compagnon comprennent qu’ils ont rencontré le Seigneur ressuscité et sentent leur cœur « brûler en eux ». Cette rencontre les incite à faire demi-tour et à retourner à Jérusalem auprès des disciples. Ils leur font part de la bonne nouvelle de la résurrection de Jésus et de sa présence constante, en faisant ainsi accomplir à la communauté des apôtres un nouveau pas en avant sur le chemin de la mission dans et pour le monde. C’est cette marche vers la sainteté et vers la mission que ce chapitre va maintenant examiner.

 

L’Église : un peuple saint

94.     Catholiques et méthodistes affirment ensemble la nature sociale de la sainteté de vie. « Être un chrétien a nécessairement à la fois un aspect personnel et communautaire. C’est un rapport vital avec Dieu dans et par Jésus Christ, dans lequel la foi, la conversion de vie et l’appartenance à l’Église jouent un rôle essentiel. Tous ensemble, les croyants forment la famille des disciples, en sorte qu’appartenir au Christ signifie appartenir à l’Église, qui est son corps » (Nairobi 11). C’est le fait d’appartenir ensemble au corps du Christ qui caractérise la pratique de sainteté de vie, une pratique commune aux méthodistes et aux catholiques. Nous sommes appelés à être saints ensemble, comme Église.

95.     Les précédents rapports de cette commission ont révélé une identité de vues substantielle entre nous sur la nature de l’Église, malgré quelques différences évidentes dans nos pratiques ecclésiales respectives. Cette identité de vues se base principalement sur notre conviction partagée que l’Église est essentiellement missionnaire, et sur notre engagement commun à mener une vie de grâce et de sainteté incarnée dans la société : « En fait les Églises catholique et méthodiste se soucient aujourd’hui des structures ainsi que de la sainteté et de la mission, et en particulier du rapport existant entre elles. Nous sommes d’accord pour dire que les structures de l’Église doivent effectivement servir et la sainteté de ses membres et la mission de l’Église » (Séoul 101 ; cf. CLP 4.7.10).

96.     La sainteté de l’Église est celle d’un peuple en marche, en pèlerinage : c’est donc à la fois une réalité présente, puisque le Christ ressuscité marche avec nous, et la promesse d’une sainteté future vers laquelle les disciples avancent pas à pas. Dans ce cheminement, l’Église est encore marquée par les péchés et les manquements de ses membres, et pourtant elle est indéniablement orientée vers son accomplissement futur en Dieu. En ce sens, catholiques et méthodistes, reprenant les mots des credo de Nicée et des Apôtres, confessent ensemble qu’ils croient à la sainteté de l’Église.

97.     L’orientation eschatologique de la vie ecclésiale nous offre un contexte théologique où situer et résoudre certaines questions qui nous ont divisés dans le passé, comme celle de savoir si l’Église elle-même est pécheresse. Les catholiques soulignent que l’Église, en tant que réalité eschatologique présente dans le monde, est sans péché, même si ses membres peuvent être des pécheurs. L’Église est sancta simul et semper purificanda, « sainte, mais toujours appelée à se purifier », et donc « à poursuivre constamment son effort de pénitence et de renouvellement » (LG 8). Mais cette réalité eschatologique de l’Église en Christ ne se traduit pas toujours par l’absence de péché en ce monde déchu où des membres de l’Église, ainsi que certaines structures ecclésiales, portent la marque de la faiblesse du péché.

98.     Les méthodistes reconnaissent aussi la sainteté de l’Église, mais soulignent que les structures ecclésiales elles-mêmes peuvent être contaminées par le péché. La réticence des méthodistes à affirmer que l’Église est sans péché vient de leur sensibilité aux risques inhérents à une telle proposition, qui peut conduire à l’incapacité pour l’Église de se repentir et de se réformer lorsqu’elle est touchée par le péché. La sainteté ne doit jamais être vue comme un fait acquis ou comme une caractéristique indiscutable de l’Église, mais plutôt comme un acte et un don gratuit de Dieu.

99.     Sans s’exclure mutuellement, ces accentuations différentes ont des implications sur la façon dont méthodistes et catholiques parlent respectivement de l’Église, de ses formes institutionnelles, de la possibilité et des limites d’un discernement qui fasse autorité. Ces implications ne sont pas négligeables, puisqu’elles sont à l’origine de nombre de divergences ou de divisions persistantes entre les chrétiens, notamment à propos du rapport entre l’Église « visible » (sa réalité historique, institutionnelle) et l’Église « invisible » (sa réalité spirituelle en Christ). Tout en s’accordant à dire que ces réalités sont liées entre elles, ils définissent ce rapport de façon différente. Pour les méthodistes, la corrélation entre Église visible et Église invisible est moins précise du point de vue théologique qu’elle ne l’est pour les catholiques. Ces divergences ecclésiologiques fondamentales ne seront pas traitées ici, mais elles influent sur le contexte dans lequel méthodistes et catholiques pratiquent respectivement la sainteté de vie.

100.       L’idée de cheminement est au cœur de tous les aspects de l’Église et de la vie chrétienne. Le Christ ressuscité apparaît d’abord sur la route de Jérusalem, et ensuite au milieu de ses disciples réunis à Jérusalem (Lc 24,36 ss), mais son message est toujours le même : il dissipe les craintes et les doutes de ses amis, qui font place à la confiance et à la joie, et les envoie dans le monde comme témoins de sa résurrection (Lc 24,48-49). Les communautés chrétiennes peuvent être considérées, au sens littéral, comme des « maisons » de la grâce et de la sainteté. Comme telles, ce sont des lieux d’où l’on est envoyé et où l’on revient, et où le peuple de Dieu se prépare à la mission de Dieu dans et pour le monde. En ce sens, mission et service sont les traits caractéristiques de l’appel à la sainteté.

101.       L’Église, en tant que maison de la grâce se préparant toujours à se mettre en chemin, est sainte parce qu’elle communique avec assurance les bienfaits et les grâces du mystère pascal du Christ. Mais cette croyance partagée dans la sainteté de l’Église ne doit pas nous faire oublier que l’Église est aussi une maison de pécheurs marquée par la fragilité humaine ou encore, pour citer le Pape François, un « hôpital de campagne »[17]. La communauté chrétienne vit la sainteté en pratiquant l’amour malgré et dans sa propre fragilité. En tant que peuple formé par la Prière du Seigneur, méthodistes et catholiques savent qu’ils sont un peuple entièrement dépendant de Dieu le Père qui veille à tous les besoins de ses enfants, et un peuple pardonné, appelé à pardonner et à incarner le plan d’amour de Dieu pour ce monde meurtri. La sainteté de l’Église n’est pas le fruit des efforts humains, mais un don gratuit de Dieu qui doit être reçu avec gratitude et humilité, et avec le désir de le partager avec tous les hommes.

102.       La notion de sacrement peut être un point de départ en vue d’une vision partagée de la nature de l’Église. Cette notion a été développée tout particulièrement chez les catholiques, pour qui « l’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG 1). En tant que corps du Christ, l’Église n’est pas seulement un moyen de grâce parmi d’autres ; elle est le moyen de grâce essentiel pour le monde. En même temps, on ne peut pas dire que l’Église est un sacrement, comme on le dirait par exemple de l’Eucharistie ; l’Église est plutôt comme un sacrement, en tant que moyen de grâce visible, réalisé et assuré concrètement dans le monde.

103.       Les méthodistes disent aussi que l’Église est un moyen de grâce. Comme instrument et avant-goût du royaume de Dieu, l’Église en soi est pleine de grâce et confère la grâce (CLP 1.4.1 ; 3.1.7 ; 3.2.1 ; cf. Séoul 102). De même, comme « communauté des rachetés » en Christ, l’Église est pleine de grâce ; et comme « communauté des rachetés », elle est un moyen de grâce (BDUMC/CON 5). Les méthodistes peuvent dire avec les catholiques que l’Église a un caractère sacramentel, tout en préférant réserver uniquement le terme de « sacrement » au baptême et à l’Eucharistie (cf. Séoul 102).

104.       Partant de cette vision commune de l’Église comme moyen de grâce sacramentel et missionnaire pour le monde, les paragraphes qui suivent vont examiner les pratiques ecclésiales de l’Église destinées à nourrir la sainteté de vie et la mission du peuple de Dieu en marche. Dans les paragraphes qui suivent, nous commencerons par examiner la célébration liturgique des sacrements et des rites dans nos Églises ; nous passerons ensuite à une réflexion commune sur les pratiques de justice sociale, les questions éthiques, les dévotions personnelles et publiques ; et nous terminerons par une réflexion sur l’approche de nos deux traditions aux mourants et à la mort, terme du pèlerinage des chrétiens sur la terre.

 

La maison de la grâce : sainteté de vie et sacrements

105.       De même que Jésus, le Verbe incarné, a communiqué avec les hommes par l’intermédiaire des sens, les chrétiens rencontrent le Christ dans l’Église par des moyens compatibles avec leur nature humaine d’êtres incarnés et sociaux. L’économie du salut est sacramentelle par nature ; Dieu utilise des expériences sensorielles particulières (vue, ouïe, toucher, odorat et goût) pour communiquer sa grâce de façon certaine, en invitant les hommes à entrer dans un rapport de communion et d’amour toujours plus profond avec lui et les uns avec les autres, et en les appelant à la sainteté de vie. Les liturgies et les pratiques de culte, en particulier la célébration des sacrements et la prédication, sont des moyens ecclésiaux publics destinés à nourrir la sainteté de vie dans le monde.

106.       Tant pour les catholiques que pour les méthodistes, le sacrement du Baptême est « une vocation – un appel permanent à une vie de cheminement vers le royaume » (Durban 68) ; « être baptisé est une réalité vivante, continue » (Durban 67). En tant que grâce sacramentelle pour toute la vie en vue du pèlerinage chrétien, le Baptême est la participation au Christ qui fait « brûler notre cœur en nous » en entendant la parole de Dieu, et nous met en communion avec le Christ dans la fraction du pain, en nous consacrant pour le saint travail de la mission de Dieu.

107.       Malgré quelques différences dans leurs croyances au sujet du sacrement de la Cène du Seigneur, méthodistes et catholiques peuvent affirmer ensemble qu’une participation régulière à l’Eucharistie renouvelle les fidèles en vue de la mission et de la sainteté de vie. Dans la fraction du pain, le Christ est vraiment présent, et les croyants sont envoyés sur les chemins du monde pour lui porter à nouveau témoignage. L’Eucharistie est la nourriture des pèlerins pour ce voyage qui transforme les disciples chaque jour davantage à la ressemblance du Fils de Dieu (cf. Séoul 94). Pour les catholiques, l’Eucharistie est la « source et le sommet de toute la vie chrétienne » (SC 7 ; LG 11). Pour les méthodistes, la Cène du Seigneur est l’un des principaux moyens de grâce[18].

108.       Pour les catholiques, baptême et Eucharistie constituent, avec la confirmation, les sacrements de l’initiation. Les méthodistes considèrent que le baptême est le seul sacrement de l’initiation, tout en reconnaissant qu’il culmine normalement dans la participation à la Cène du Seigneur. Certains méthodistes ont un rite supplémentaire de confirmation ou une autre forme liturgique de réception comme « membre à part entière » de l’Église qui, pour certains d’entre eux, aurait un caractère comparable à celui d’un sacrement. Les rites de la confirmation, pour les catholiques comme pour les méthodistes qui les pratiquent, sont destinés à renforcer les liens entre les personnes et la communauté chrétienne et à soutenir leur croissance dans la sainteté en vue de la mission, par la puissance de l’Esprit Saint (Durban 70).

109.       Les catholiques ont aussi quatre autres sacrements : Mariage, Ordres, Pénitence ou Réconciliation, et Onction des malades. Les méthodistes reconnaissent à ces rites un caractère sacramentel, sans leur donner le nom de sacrement. Ces rites demandent au Seigneur de conférer sa grâce pour la sainteté d’un chrétien en particulier, et pour celle de la maison de la grâce. Les deux principaux rites de la vocation des adultes, Mariage et Ordres, donnent à la maison de la grâce sa structure. Avant chaque rite, il y a une longue tradition de discernement et de questionnement priant : à quoi Dieu m’appelle-t-il, et quelle est ma place dans la communauté chrétienne ? Ces deux questions sont étroitement liées entre elles : la grâce donnée et la sainteté recherchée dans la vie conjugale ou dans la vie ordonnée s’inscrivent toujours dans le cadre d’une communauté de foi, et sont vécues comme un service pour le monde. La grâce sacramentelle conférée à un individu est destinée à rejaillir sur la communauté tout entière.

110.       À côté des états conjugal et ordonné, certains chrétiens se sentent appelés à la sainteté dans le célibat ou dans diverses formes de vie consacrée ou de vie en communauté. Chez les catholiques, historiquement, les modes de vie consacrée se sont souvent inspirés d’un fondateur charismatique. Dans certains cas, l’accent est mis sur une approche particulière à la prière. Dans d’autres, le charismeconsiste en un mode de vie évangélique qui revigore la vie spirituelle de l’Église. De nouvelles communautés ont été fondées pour répondre à des besoins particuliers tels que le secours des pauvres, l’éducation ou les soins de santé. Chez les catholiques comme chez les méthodistes, la vie en communauté et de nouvelles formes de vie consacrée continuent d’être découvertes et vécues avec intégrité à mesure que les chrétiens discernent dans la prière comment Dieu les appelle à répondre à l’Évangile et aux besoins du monde. Il n’y a pas de hiérarchie entre les divers états de vie chrétienne : tous sont appelés à être des chemins et des expressions de sainteté (cf. LG 39).

111.       Dans tous les états de vie – et parfois de façon manifeste dans le ministère ordonné ou dans la vie conjugale – il y a des tragédies dues au péché, à la faiblesse ou à la fragilité humaine. Le pèlerinage terrestre vers la sainteté est marqué non seulement par la présence du Christ, mais aussi par la faiblesse et le péché. Ici aussi, les célébrations ecclésiales de nos communautés s’efforcent de nourrir la sainteté de vie. Catholiques et méthodistes partagent la même vision de l’Église en tant que communauté proche de tous ceux qui sont dans le besoin, et en particulier de ceux qui, à cause du péché, de la faiblesse ou de la marginalisation, ont le plus besoin de compassion, d’un accompagnement et d’une guérison de leurs blessures. La sainteté n’est pas tant de réussir à être bons que d’être ouverts à la grâce transformante de Dieu dans les échecs comme dans les réussites de la vie humaine.

112.       Pour répondre à la réalité du péché, de la faiblesse et de la fragilité des hommes, les catholiques reconnaissent deux sacrements de la guérison : Repentir et Réconciliation (appelé communément « confession »), et Onction des malades. Les méthodistes ne donnent pas à ces rites le nom de « sacrements », préférant les considérer comme des « moyens de grâce prudentiels » (Nairobi 13 ; Brighton 59-60).

113.       Les méthodistes ont une longue tradition d’examens de conscience collectifs méticuleux : les premiers méthodistes les pratiquaient en petits groupes, notamment dans leurs réunions de classe hebdomadaires. Ce même désir de se confronter à la question : « Qu’en est-il de ton âme ? » et de parler à cœur ouvert de tout ce qui fait obstacle à la sainteté de vie se retrouve dans les pratiques catholiques de la confession et de l’examen de conscience du soir. Tant chez les catholiques que chez les méthodistes, les rites d’examen de soi, de repentir et de réconciliation sont vus comme des pratiques fondamentales pour un peuple en marche.

114.       À la suite du ministère de guérison de Jésus, depuis le début de l’Église les chrétiens ont prié avec ceux d’entre eux qui étaient malades, leur ont imposé les mains et les ont oints (Jc 5,14-15). Catholiques et méthodistes ont considéré le soin des malades comme faisant partie intégrante de la sainteté de vie, y compris en créant des établissements de soins et des lieux où les infirmes sont pris en charge. Par ce moyen et par bien d’autres encore, nos deux traditions invitent ceux qui sont appelés à la sainteté à faire une place dans leur vie à la fragilité physique, sachant que la maladie elle-même peut être transformée par la grâce en une forme particulière de sainteté de vie et de service.

115.       Si, en soi, la participation aux sacrements ou aux rites ne conduit pas nécessairement à la sainteté de vie, ces cérémonies n’en restent pas moins des moments particuliers et efficaces pour recevoir la grâce qui fortifie le peuple en marche dans les épreuves. Pour les méthodistes comme pour les catholiques, les grâces conférées dans la « maison » qu’est l’Église sont toujours orientées vers la sainteté vécue dans et pour le monde, en incitant les disciples à partir sur les routes pour y reconnaître la présence du Seigneur sous des formes nouvelles et parfois surprenantes.

 

Pratiques partagées de sainteté de vie

116.       L’importance des sacrements et autres célébrations liturgiques dans la vie de l’Église ne doit pas reléguer dans l’ombre les nombreuses autres pratiques de sainteté dans le monde, constitutives elles aussi de la sainteté de vie. Parmi celles-ci, la lecture et l’étude des Écritures, tant individuellement qu’en communauté, occupent une place centrale. La sainte Écriture est l’« autorité suprême en matière de foi » (Ut unum sint 79) : elle est donc un moyen privilégié pour entrer en contact avec la vie de Dieu. Alors que nous marchons sur le chemin de la sainteté, « c’est le Christ, par le Saint-Esprit, qui nous ouvre l’intelligence pour comprendre les écritures » (Séoul 55), en sorte que nous sentons notre cœur brûler en nous. Tant chez les catholiques que chez les méthodistes, le culte public comprend toujours une lecture des Écritures, considérée en soi comme un moyen de grâce qui nourrit la croissance dans la sainteté (Rio 107).

117.       Tant la tradition catholique que celle méthodiste encouragent la lecture et l’étude de la Bible en petits groupes, ainsi qu’une lecture personnelle régulière des Écritures. Cet aspect de la sainteté de vie a connu un renouveau significatif chez les catholiques auprès des deux dernières générations. Rappelant les paroles de saint Jérôme pour qui « ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », le Concile Vatican II a exhorté « tous les chrétiens [...] à acquérir par la lecture fréquente des divines Écritures une ‘science éminente de Jésus Christ’ (Ph 3.8) » (Dei Verbum 25). Ce renouveau de la dévotion pour les Écritures contribue à rapprocher nos deux communions, puisque de plus en plus de chrétiens ont l’occasion de lire et d’étudier les Écritures ensemble.

118.       Quoique selon des modalités diverses, catholiques et méthodistes se sont efforcés de définir les caractéristiques de la sainteté personnelle à la lumière de certains passages des Écritures, en particulier des Béatitudes et des Lettres du Nouveau Testament. John Wesley parlait de « sainte disposition » ou « saint tempérament » pour donner une idée plus concrète et précise de ce qu’est la sainteté de vie chrétienne. La « sainte disposition » ou « saint tempérament » est une orientation du cœur humain (c.-à-d. de la volonté) vers Dieu qui se traduit par des comportements particuliers. Les saints tempéraments sont « des dispositions stables, qui orientent » suscitées par l’amour de Dieu et découlant de la grâce et de la responsabilité humaine. C’est ainsi que Wesley pouvait parler de « gagner » son salut. Ces saints tempéraments sont l’humilité, la douceur et la simplicité. Par comparaison, les « affections » sont plus « transitoires » (le mot est de Wesley), moins durables et habituelles ; elles comprennent les expériences passagères de la joie, de l’espérance, de la gratitude, de la peur, de la sainte affliction et de la paix. Les tempéraments sont fondamentaux et ils informent aussi les affections.

119.       La notion wesleyenne de saints tempéraments, qui met fortement l’accent sur les dispositions et les habitudes de base qui modèlent les affections, a beaucoup en commun avec ce que les catholiques entendent par « vertus ». Saint Grégoire de Nysse définit ainsi le rôle des vertus dans l’appel à la sainteté des chrétiens : « Le but d’une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu »[19]. Comme pour les « tempéraments » de Wesley, les vertus ne sont pas à proprement parler des actes, mais plutôt une orientation de toute la personne vers le bien caractérisant ses actes et ses décisions (cf. CEC 1803). D’après la tradition catholique, la croissance dans les vertus demande un effort humain, surtout dans le cas des vertus morales de prudence, justice, force et tempérance. D’autre part, à la base de la vie morale chrétienne il y a les vertus théologales – foi, espérance et charité – infusées par Dieu et données par l’Esprit Saint, qui sont « le gage de la présence et de l’action de l’Esprit Saint dans les facultés de l’être humain » (CEC 1813).

120.       La sainteté de vie chrétienne est caractérisée par la proclamation joyeuse du Christ ressuscité, rencontré sur la route : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9,16 ; cf. Rm 10,14-15). Ce témoignage requiert un engagement convaincu face à la complexité du monde et à la diversité des cultures humaines. Sous la conduite de l’Esprit Saint, rendre compte de l’espérance chrétienne demande toute l’intelligence et tout le savoir-faire que les disciples peuvent apporter à cette tâche. Méthodistes et catholiques s’accordent à dire que les chrétiens témoignent l’Évangile et évangélisent non seulement par leurs paroles, mais aussi et surtout par la sainteté de leur vie, qui s’exprime par leur fidélité personnelle et par leur façon d’agir dans le monde selon l’Évangile.

121.       Tant les catholiques que les méthodistes ont une longue tradition de témoignage de l’Évangile à travers un engagement actif dans le monde au service du royaume de Dieu et peuvent donc parler d’une seule voix dans les lieux de pouvoir où les décisions sont prises.  La sainteté est concrète autant que spirituelle. La sainteté de vie s’exprime au plan social par la recherche de la justice et par des actes de miséricorde, comme par exemple : intervenir dans les débats publics portant sur l’environnement et sur la façon dont les hommes sont appelés à habiter la création ; accueillir l’étranger, offrir un refuge au voyageur, protéger les plus vulnérables, lutter contre l’esclavage et contre le trafic d’êtres humains ; s’élever contre les structures sociales injustes et promouvoir l’amélioration des conditions de vie des plus pauvres, en se battant pour qu’ils aient accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi en échange d’un juste salaire ; et éradiquer les causes structurelles de la pauvreté[20]. Une telle sainteté de vie demande de la part des chrétiens qu’ils renoncent, personnellement et collectivement, à leur statut social et à leurs privilèges par solidarité avec ceux qu’ils veulent aider, afin d’être une « Église pauvre pour les pauvres », incarnant la compassion et l’amour de Dieu pour le monde.

122.       Les œuvres de sainteté dans et pour le monde sont profondément ancrées dans la pratique de la prière individuelle et commune sous toutes ses formes, dont beaucoup sont communes aux traditions catholique et méthodiste : prière personnelle et en famille ; chants et hymnes chrétiens ; pèlerinages aux lieux saints et aux sanctuaires ; jours de repos et retraites spirituelles. De même, méthodistes et catholiques encouragent la pratique du jeûne et de l’aumône, comme moyens pour grandir dans la sainteté personnelle et comme actes de charité et de solidarité envers les autres. En maints endroits du monde, ces saintes pratiques sont partagées avec d’autres chrétiens dans un esprit œcuménique.

 

Domaines où le dialogue devra être poursuivi

123.       Alors que méthodistes et catholiques ont beaucoup en commun dans leur façon de pratiquer la sainteté de vie dans le monde, il subsiste cependant entre eux des zones d’incompréhension et de divergence. C’est le cas en particulier de certaines pratiques dévotionnelles traditionnelles des catholiques qui suscitent des interrogations et même une certaine inquiétude chez les méthodistes, telles que : l’accent mis par les catholiques sur certains gestes corporels, l’utilisation et la vénération des images, la bénédiction d’objets inanimés, les dévotions spécifiques à Marie et aux saints, la vénération des reliques, et l’adoration de l’Eucharistie. Ils craignent en effet que la centralité de la personne et de l’œuvre de Jésus Christ puisse être compromise et que le message de l’Évangile puisse être entaché de superstitions. Même si certains méthodistes apprécient l’utilisation d’images chrétiennes dans le culte, les dévotions et l’éducation, ils gardent néanmoins présente à l’esprit la préoccupation de John Wesley que « ce qui était conçu à l’origine comme des monuments d’édification ne devienne des instruments de superstition »[21].

124.       En maints endroits du monde, les méthodistes sont cependant en train de redécouvrir une spiritualité plus sensorielle ou incarnée comme chemin de sainteté, en recourant à l’utilisation de bougies et autres objets religieux dans le culte, à l’onction avec de l’huile, et aux pratiques dévotionnelles liées à l’année liturgique. Ces nouveautés ne sont pas seulement le reflet de la sensibilité spirituelle holistique propre à la culture occidentale contemporaine ; elles représentent aussi un retour à la forte sacramentalité de la tradition wesleyenne, en ouvrant ainsi la porte à une meilleure compréhension des dévotions plus spécifiquement catholiques.

125.       Les pratiques dévotionnelles naissent du cœur et de la vie du peuple des fidèles en un lieu et en un temps donnés ; elles reflètent donc nécessairement les traits de la culture et du contexte où elles sont apparues. C’est ainsi que les pratiques dévotionnelles propres à une région du monde peuvent paraître étranges et même non-chrétiennes ailleurs, y compris à ceux qui appartiennent à la même tradition ecclésiale. Le discernement ecclésial qui permet de déterminer si une pratique dévotionnelle est appropriée, est une tâche délicate, tant pour les méthodistes que pour les catholiques.

126.       Nombre de dévotions catholiques traditionnelles sont caractérisées par la recherche de formes de sainteté incarnées. « Les formes propres à la religiosité populaire sont incarnées, parce qu’elles sont nées de l’incarnation de la foi chrétienne dans une culture populaire. Pour cela même, elles incluent une relation personnelle, non pas avec des énergies qui harmonisent mais avec Dieu, avec Jésus Christ, avec Marie, avec un saint. Ils ont un corps, ils ont des visages. Les formes propres à la religiosité populaire sont adaptées pour nourrir des potentialités relationnelles et non pas tant des fuites individualistes » (Evangelii gaudium 90). En même temps, l’Église catholique se montre prudente vis-à-vis des pratiques dévotionnelles qui ont pris une forme exagérée et peuvent être considérées comme de fausses expressions de piété (cf. LG 67)[22]. Dans cette tâche, les catholiques peuvent être aidés par les observations de leurs frères et sœurs méthodistes.

127.       Ensemble, méthodistes et catholiques reconnaissent, sur la base de l’Écriture, le rôle unique de Marie comme mère de Jésus et déipare (Theotokos) (Mt 1,18-25 ; Lc 1,26-29), modèle de sainteté (Lc 2,19.51), avocate des pauvres et des plus démunis (Lc 1,46-55) et disciple (Ac 1,12-14). Les catholiques donnent aussi à Marie les noms de médiatrice (Jn 2,5) et mère de tous les chrétiens (Jn 19,26-27). Les catholiques ont une longue tradition de dévotions à la Mère du Seigneur : prières mariales et hymnes, prière du rosaire, jours de fête dédiés à la Vierge Marie et pèlerinages aux sites des apparitions mariales, contrairement aux méthodistes qui n’ont pas de telles pratiques et pour qui beaucoup de ces dévotions mariales sont un motif de préoccupation.

128.       Pour les catholiques, une authentique dévotion mariale met les chrétiens en contact étroit avec le mystère de la maternité de Marie par la puissance de l’Esprit Saint et avec l’incarnation et l’humanité de Dieu en Jésus. Même si la dévotion à Marie n’est pas considérée comme une obligation, en regardant Marie comme leur « Mère », en lui adressant leurs prières et en priant avec elle, les catholiques expriment leur réponse naturelle et aimante au mystère de cette femme fidèle, dans la chair de qui Dieu s’est incarné et sur l’amour et les soins maternels de qui tous peuvent compter. En Marie, les catholiques voient une femme qui a connu Jésus d’une façon unique et privilégiée. Les dévotions mariales sont simplement l’expression de l’amour qu’ils lui portent.

129.       Un exemple de la vie dévotionnelle catholique est la prière du « Je vous salue Marie », et en particulier celle du rosaire. Si les origines de la prière du rosaire demeurent obscures, on sait cependant qu’à partir du Moyen-Âge la coutume de réciter cent cinquante « Je vous salue Marie » disposés en quinze méditations ou mystères s’est répandue comme alternative laïque à la récitation monastique des cent cinquante psaumes de l’Office divin. Cette pratique était considérée comme un chemin de sainteté pour les fidèles qui, à l’époque, étaient dans leur grande majorité illettrés. Ces méditations portent sur l’Incarnation (mystères joyeux), la Passion (mystères douloureux), et la Résurrection (mystères glorieux) du Christ. En 2002, saint Jean-Paul II y a ajouté cinq nouveaux mystères (mystères lumineux), centrés sur la vie et le ministère de Jésus. Les catholiques considèrent le rosaire comme une « prière évangélique » (Marialis cultus 44), et voient dans la répétition de ces prières un moyen pour contempler l’incarnation du Christ, son ministère, ses souffrances et sa résurrection. En récitant le rosaire, les chrétiens s’approchent de Jésus dans la compagnie aimante de sa Mère, mère de tous les chrétiens et modèle des disciples, et en gardant comme elle « toutes ces choses dans [leur] cœur » : « Dans le parcours spirituel du Rosaire, fondé sur la contemplation incessante – en compagnie de Marie – du visage du Christ, on est appelé à poursuivre un tel idéal exigeant de se conformer à Lui grâce à une fréquentation que nous pourrions dire ‘amicale’ » (Rosarium Virginis Mariae 15). Les catholiques invitent les autres chrétiens à reconnaître les bienfaits spirituels de la prière du rosaire, qui peut les aider à approfondir leur rapport avec Jésus.

130.       La pratique catholique de vénérer les reliques préoccupe nombre de méthodistes. Bien que moins courante qu’autrefois, la vénération des reliques – souvent prélevées sur le corps ou sur les biens personnels des saints – est une pratique très ancienne dans le catholicisme. Les autels permanents des églises catholiques renferment généralement dans leur structure de petites reliques ayant appartenu à un saint lié d’une certaine façon à la communauté du lieu. Cette coutume remonte à l’ancienne pratique de célébrer l’Eucharistie dans les catacombes ou les cimetières où les tombes des martyrs ou des fidèles défunts servaient d’autels, en mettant ainsi l’accent sur la croyance chrétienne en la résurrection des corps. La prière sur les tombeaux des saints et la vénération de leurs reliques est une extension de cette pratique. Ces gestes d’affection donnent une expression tangible à la communion réelle qui unit les saints ici-bas et les saints au ciel.

131.       Cette pratique dévotionnelle naît du désir humain bien naturel de se rendre sur la tombe de ceux que nous aimons et de garder quelque chose qui leur a appartenu en souvenir d’eux. De façon analogue, les méthodistes révèrent certains objets ou certains lieux associés à une figure marquante de leur tradition. Les catholiques demandent aux méthodistes si la pratique de vénérer les reliques leur paraîtrait plus acceptable s’ils la considéraient à la lumière de l’affectivité humaine. En même temps, l’inquiétude des méthodistes concernant le risque d’idolâtrie lié à la vénération des reliques devrait interpeller les catholiques, car même un objet très saint peut être à l’origine d’une idolâtrie coupable. Tant pour les catholiques que pour les méthodistes, la dévotion populaire des saintes reliques doit toujours être soumise à un discernement attentif pour qu’elle n’empiète pas sur le culte dû à Dieu seul.

 

La mort sainte

132.       Une vie sainte arrive à sa conclusion naturelle à l’heure de la mort, terme du voyage des pèlerins sur terre. Catholiques et méthodistes croient qu’une mort sainte fait partie de la sainteté de vie, et que le peuple de Dieu peut aussi témoigner de l’Évangile par sa façon de mourir. À chaque génération, les récits édifiants de morts saintes ont inspiré et encouragé les fidèles qui contemplent la perspective de leur propre mort. La possibilité de rechercher une « bonne mort » dans l’espérance de la résurrection et de la vie éternelle est un témoignage très fort de l’Évangile dans la société d’aujourd’hui où la fin de vie est souvent considérée comme une expérience négative qu’il convient de hâter.

133.       Dans la tradition catholique, le thème de la « bonne mort » revient souvent dans la prière, personnelle et commune. À la fin de la vie, les prières et les rites de l’Église accompagnent la sainteté de vie sous la forme particulière de la mort sainte. En se repentant, en confessant ses péchés dans le sacrement de la réconciliation, et en recevant l’onction dans le sacrement des malades, le mourant est fortifié en vue de son dernier voyage. En cette circonstance particulière, il reçoit l’Eucharistie comme une « nourriture pour le voyage » (viaticum). Le passage de la vie à la mort est donc vu comme un grand moment de grâce. Le respect pour la fin de vie et le désir de favoriser une mort sainte continuent de s’exprimer de nos jours dans le mouvement des soins palliatifs, promu par les catholiques et par d’autres chrétiens.

134.       De façon analogue, les premiers méthodistes croyaient que la sainteté de vie préparait les personnes à une mort sainte ou « bonne mort », vue comme un témoignage fort et exemplaire rendu au Christ. La littérature méthodiste contient d’ailleurs de nombreux récits de morts saintes. La mort, considérée comme une occasion de grandir encore dans la grâce, était souvent accompagnée de prières, hymnes, lectures de passages de l’Écriture, ainsi que du partage de la Cène du Seigneur au chevet du mourant. De nos jours, les méthodistes continuent de pratiquer ces rites et d’autres similaires pour les mourants et pour les défunts. On trouve dans les textes liturgiques méthodistes quelques prières empruntées à la tradition catholique, telles que « Quitte ce monde, âme chrétienne » (Proficiscere) (par ex. UMBW, p. 167 ; MWB, p. 431).

135.       Ensemble, méthodistes et catholiques croient que la mort est une expérience de grâce, malgré la souffrance et le deuil. C’est pourquoi, la mort sainte n’est pas une affaire privée ou quelque chose qui est réservé à une élite spirituelle. Au contraire, leur croyance commune dans la mort sainte incite catholiques et méthodistes à intervenir dans la sphère des politiques sociales et des soins de santé où l’appel à la sainteté s’exprime aussi par le respect de la dignité des mourants et de leurs proches, en montrant que la fin de vie peut être un lieu d’amour, de patience, d’attentions et d’espérance. À une époque où la fin de vie est considérée de plus en plus souvent comme une « perte de temps » et où on semble se diriger à grands pas vers la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, méthodistes et catholiques peuvent parler d’une seule voix aux autorités publiques en s’opposant à certaines approches laïques de la fin de vie qui avilissent les mourants.

 

Sur la route de Jérusalem, et au-delà

136.       Dans ce chapitre, nous avons vu comment les Églises catholique et méthodiste assistent et accompagnent le peuple de Dieu en marche dans sa croissance vers la sainteté. Ce parcours de sainteté de vie – à travers la rencontre avec le Christ ressuscité dans l’Écriture, les sacrements, la prière et l’action – comporte implicitement un appel à la vie de béatitude auprès de Dieu. Le parcours chrétien est un cheminement vers ce qui est au cœur de la Trinité, vers l’amour parfait, commencement et fin de toute sainteté. Ces considérations sur la sainteté de vie des pèlerins « en marche » nous introduisent ainsi à une réflexion sur les « saints au ciel » et sur le but final de la sainteté de vie.

Sainte Joséphine Bakhita

Joséphine Bakhita (nom qui signifie « fortunée ») a été canonisée en l’an 2000. Elle a été proclamée sainte à cause de sa sainteté et de la façon dont elle a surmonté d’indicibles souffrances, découvert la liberté humaine, mis toute sa confiance en son Sauveur Jésus Christ, et professé sa foi en lui.

Née en 1869 dans la région du Darfour au Soudan du Sud, Bakhita fut enlevée alors qu’elle était une jeune fille et vendue comme esclave sur les marchés d’El Obeid et Khartoum. Ses maîtres la traitaient cruellement, et elle portera toute sa vie les cicatrices physiques de ces souffrances. Elle finit par être achetée par le consul italien Callisto Legnani, qui la traita bien et lui montra du respect par de petits gestes bienveillants. Quand Legnani dut rentrer en Italie pour des motifs politiques, Bakhita fut autorisée à partir avec sa famille. Ainsi s’ouvrit pour elle le chemin vers la liberté. Après avoir vécu un certain temps dans une autre famille, elle fut confiée aux Filles de la Charité canossiennes de Venise. Là, elle eut l’occasion de mieux connaître ce Dieu qu’elle reconnaissait depuis son enfance : « Je me souviens qu’enfant, en contemplant le soleil, la lune, les étoiles et les merveilles de la nature, je me demandais qui était le maître de tout cela, et j’éprouvais un désir ardent de le voir, de le connaître, et de lui rendre hommage »[23].

En 1890, elle reçut le baptême, et on lui donna le nom de Joséphine. Six ans plus tard, elle entra au couvent, où elle allait passer le reste de sa vie à prier, à remplir des tâches simples et à accueillir des personnes avec gentillesse et hospitalité chaleureuse. Malgré la maladie et les souffrances, elle ne perdit jamais confiance et continua à prier « comme le veut le Maître ». Elle mourut en 1947. Les catholiques ont fait d’elle la Patronne des victimes du trafic d’êtres humains : ils demandent son intercession pour défendre la liberté et la dignité de ceux qui subissent des abus durant leur voyage.

 

Le Révérend Dr Donald Oliver Soper Baron Soper de Kingsway

Donald Soper a laissé une trace dans le monde comme le prophète des tribunes improvisées. Il prêchait en plein air à Londres, le mercredi, et le dimanche à Tower Hill et au Speakers’ Corner – un ministère qu’il exerça de 1926 jusqu’à trois mois avant sa mort en 1998, à l’âge de 95 ans. En toutes circonstances, il réussit à conjuguer sa piété chrétienne fervente, sa sainteté de vie et son témoignage évangélique avec son souci pour la justice sociale et son service en faveur des pauvres. Pendant quarante-deux ans, il dirigea la West London Mission et ses œuvres sociales.

Pour Donald, le Sermon sur la Montagne n’était pas un projet idéaliste beau mais inaccessible ; bien au contraire, c’était un programme de vie concret. Sa foi le conduisit à accomplir un ministère qui était à la fois ancré dans la vie spirituelle et axé sur l’action politique et sociale. Il forgea l’expression Fellowship of controversy qui décrit bien la façon dont il vivait sa foi chrétienne. Donald promouvait le pacifisme en un temps de guerres et de conflits. Quoique orateur hors pair à la radio, il fut écarté de la BBC pendant la Deuxième guerre mondiale pour avoir refusé de mitiger ses convictions pacifistes. Il était régulièrement chassé de la tribune de Tower Hill à cause de ses opinions.

En 1953, Soper fut nommé Président de la Conférence méthodiste de Grande-Bretagne, la plus haute fonction dans cette dénomination. En outre, il fonda ou s’engagea activement dans diverses organisations qui reflétaient les convictions découlant de sa foi. Il fut le co-fondateur du Mouvement socialiste chrétien en 1960 ; il fut pendant un certain temps Président du Homelessness Charity Shelter, Président de la Ligue contre les sports cruels, Président du Methodist Sacramental Fellowship, et Président du Methodist Peace Fellowship. En 1981, le Conseil méthodiste mondial lui décerna le World Methodist Peace Award. Malgré toutes ces distinctions, Donald Soper se présentait simplement comme « l’un des prêcheurs itinérants de Mr Wesley ».

 

Chapitre quatre

LE SAINT PEUPLE DE DIEU : LES SAINTS AU CIEL

 

137.       Ce chapitre examine la transition des chrétiens de la mort à la vie éternelle et à la consumation finale de toutes choses dans le Christ à la fin des temps, en se concentrant sur les saints au ciel – les saints « là-haut ». Dans la culture de la pensée scientifique contemporaine, il est devenu difficile pour beaucoup de personnes d’appréhender les mystères chrétiens relatifs à l’au-delà. C’est pourquoi le sujet de ce chapitre doit être appréhendé avec une foi chrétienne humble et avec les réserves voulues, en reconnaissant que les mots, les concepts et les images sont inadéquats pour exprimer le mystère de l’amour de Dieu et de la vie après la mort. En présence d’un mystère, il vaut mieux en dire moins que de chercher à spéculer.

138.       La richesse de la révélation de Dieu dans les Écritures est à la base de l’enseignement chrétien sur la résurrection et sur la vie éternelle. Cette vérité est connue à la fois à travers l’enseignement de Jésus – « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11,25) – et à travers les témoignages de la résurrection. Saint Paul enseigne que si le Christ n’est pas ressuscité des morts, notre foi est vaine (1 Co 15,20-21). Les chrétiens croient que « ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2). L’espérance chrétienne nous dit que « nous serons toujours avec le Seigneur » (1 Th 4,17).

139.       En tant qu’amis et disciples du Christ, les chrétiens marchent ensemble en pèlerins vers la promesse de vie éternelle, en compagnie des saints « debout devant le trône » (Ap 7,9). Jésus a ordonné à ses disciples d’aimer Dieu et de s’aimer les uns les autres, dans un rapport qui commence en cette vie et se prolonge au-delà de la mort, quand la connaissance et l’amour seront parfaits. « À présent nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors ce sera face à face. À présent ma connaissance est limitée, alors, je connaîtrai comme je suis connu » (1 Co 13,12).

140.       Il y a beaucoup de questions relatives aux « choses dernières » sur lesquelles les chrétiens s’interrogent, car « la foi cherche à comprendre ». Les Évangiles contiennent de nombreuses références au jugement dernier (cf. Mt 25.31-46), et parlent du retour du Christ dans la gloire (cf. Mc 13,26). Dans l’évangile de Luc (23,43), Jésus dit au malfaiteur repenti sur la croix : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Cette promesse soulève la question de savoir ce qu’il advient entre la mort d’une personne et le jugement dernier, avec la résurrection générale. Y a-t-il un état intermédiaire ? Que signifie l’expression « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21,1), quand « le Christ sera tout en tous » (Col 3,11) et que le royaume de Dieu sera établi ? Quel rapport y a-t-il entre les saints ici-bas et les saints en-haut ?

141.       Catholiques et méthodistes professent ensemble les credo œcuméniques qui proclament la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle. Cette profession de foi commune exprime notre espérance chrétienne partagée. Il existe cependant des différences entre nos deux communions dans l’interprétation théologique, dont certaines remontent aux controverses de la Réforme. En outre, ce qu’une communauté chrétienne croit est formulé dans le cadre d’une culture locale particulière, en sorte que cette croyance commune dans la résurrection et la vie après la mort peut s’exprimer à travers une grande variété de formes liturgiques et culturelles.

 

La communion avec les saints au ciel

142.       Tous les baptisés, vivants et morts, forment la communion des saints. Au sein de cette communion, méthodistes et catholiques reconnaissent la présence exemplaire de la grâce de Dieu dans certaines personnes dont les paroles et la sainteté de vie – allant parfois jusqu’à verser leur sang pour Jésus – témoignent de l’action transformante de l’Esprit. Cette « nuée de témoignages » transcende les divisions ecclésiastiques (Singapour 66). Les saints au ciel, entrés dans la plénitude du mystère de la grâce de Dieu, font partie à jamais de cette communauté. Leur témoignage et leur exemple passés continuent d’être vénérés ; les saints au ciel sont considérés comme faisant l’objet de l’amour le plus proche du Christ, et comme des signes de l’accomplissement final de toutes les promesses de Dieu (Singapour 75). Les saints sur la terre peuvent s’inspirer de ces figures exemplaires en contemplant et en méditant sur leur témoignage.

143.       La communion entre les saints sur la terre et les saints au ciel est semblable à celle d’une famille, où les liens d’amour continuent d’exister entre les vivants et les morts. Il est fait mémoire des défunts comme membres de la famille dans les prières, ainsi qu’en certains jours et lieux particuliers. Il y a un sentiment de solidarité avec les saints au ciel, ces chrétiens qui ont vécu fidèlement l’Évangile et qui ont atteint la sainteté pendant leur vie.

Allons rejoindre nos amis là-haut,
qui ont obtenu leur récompense,
et qui, sur les ailes puissantes de l’amour,
s’élèvent vers la joie céleste ;
Que tous les saints sur la terre chantent
avec ceux qui sont allés vers la glore,
car tous les serviteurs de notre Roi
ne font qu’un sur la terre et au ciel[24].                       .

 

La mort et l’espérance de la résurrection

144.       La mort met les hommes devant la limite extrême de l’expérience humaine en leur imposant une finalité entourée de mystère. La vie humaine conduit à la mort. C’est précisément face à la mort qu’est née la proclamation de l’Évangile : Jésus Christ a vaincu le péché et la mort, et promet à tous ceux qui croient en lui le salut, la résurrection et la vie éternelle (Jn 3,16-17). Les fidèles prennent part à la résurrection du Christ par leur baptême : ils deviennent des enfants adoptifs et « mènent une vie nouvelle » (Rm 6,3-8) en tant que membres de son corps et peuple saint de Dieu. L’assurance du triomphe du Christ sur le mal et sur le péché inspire le pèlerinage des chrétiens qui désirent voir Dieu face à face, et dont la vie est une anticipation de la résurrection finale. La mort physique complète la mort avec le Christ qui a commencé le jour du baptême, et anticipe l’accomplissement de la promesse de résurrection. Malgré le sentiment de deuil et de séparation qui entoure la fin de vie, les chrétiens attribuent à la mort un sens positif : « Pour moi, vivre c’est Christ, et mourir est un bien » (Ph 1,21).

145.       Les rites des mourants sont suivis des rituels funéraires. Méthodistes et catholiques ont en commun les prières avec la famille en deuil, souvent en présence du défunt ; la veillée funèbre ; le service ou la messe de funérailles ; l’inhumation ou la crémation suivie de la dispersion respectueuse des cendres. Par ces rites, la communauté chrétienne offre une consolation à ceux qui sont en deuil et proclame son espérance dans la résurrection en lisant un passage des Écritures, en chantant des hymnes chrétiens, et en confiant le défunt à la miséricorde de Dieu.

146.       L’enseignement chrétien met en tension la continuité de l’identité personnelle dans ce monde et dans le monde à venir, et la discontinuité entre la vie sur terre et la vie au ciel. Saint Paul exprime la conviction que même la mort ne peut nous séparer de l’amour de Jésus Christ (Rm 8,38-39). Cette espérance vaut pour tous les hommes. La foi chrétienne affirme que la puissance créatrice de Dieu réunira le corps et l’âme à la résurrection générale, sur le modèle de Jésus Christ (cf. 1 Co 15,49-53).

147.       Ensemble, catholiques et méthodistes croient que Dieu désire le salut de tous les hommes, mais que ce salut ne peut être atteint qu’en Jésus Christ (Ac 4,12). Pour ceux qui ne sont pas arrivés à une foi salvifique explicite en Jésus Christ, l’espérance repose sur un Dieu juste et miséricordieux. D’après l’enseignement catholique, « ceux qui, sans qu’il y ait de leur faute, ignorent l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent pourtant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent, sous l’influence de sa grâce, d’agir de façon à accomplir sa volonté telle que leur conscience la leur révèle et la leur dicte, eux aussi peuvent arriver au salut éternel » (LG 16). Les méthodistes n’ont pas jugé nécessaire de formuler un enseignement faisant autorité quant à la possibilité du salut pour ceux qui ne sont pas arrivés à une foi salvifique explicite en Jésus Christ. Néanmoins la tradition théologique wesleyenne soutient qu’une connaissance de base de Dieu est accessible à ceux qui n’ont jamais entendu parler de l’Évangile du Christ. Cette connaissance est le résultat de la grâce prévenante universelle, qui est fondée sur l’œuvre de rédemption du Christ. Quand les hommes répondent à l’appel de Dieu à la sainteté selon la connaissance éclairée qu’ils ont reçue de la grâce et par la puissance de l’Esprit Saint, il y a des raisons d’espérer que cela les conduira à un rapport salvifique avec Dieu, lequel passe toujours et nécessairement par Jésus Christ.

148.       Ensemble, méthodistes et catholiques affirment leur confiance dans la miséricorde de Dieu pour ce qui est des enfants et de tous ceux qui meurent sans avoir reçu le sacrement du baptême, croyant qu’ils prendront part aussi à la promesse de vie éternelle. Néanmoins, catholiques et méthodistes sont invités à baptiser les enfants nés prématurés ou en danger de mort. En cas d’urgence, n’importe qui peut baptiser quelqu’un d’autre avec de l’eau en prononçant la formule trinitaire. En réponse à un besoin pastoral, catholiques et méthodistes proposent un rituel de funérailles pour les enfants mort-nés, en les recommandant à la miséricorde de Dieu (cf. UMBW, p. 171 ; MWB, p. 492). Au niveau pastoral, il est important de proposer aux parents un rite liturgique qui leur permette d’exprimer leur deuil face à la perte de leur enfant mort-né, en reconnaissant et en respectant sa dignité humaine. Plus récemment, un rite liturgique a été mis en place pour les femmes qui ont fait une fausse-couche et pour leur famille. Dans ces circonstances douloureuses, les rites liturgiques et l’accompagnement pastoral aident les personnes en deuil à accepter la réalité de la mort et de la séparation, tout en les aidant à élaborer leur deuil.

 

Le jugement de Dieu

149.       Le credo des Apôtres proclame que le Christ « reviendra pour juger les vivants et les morts ». Alors que certains chrétiens sont réticents à accepter l’idée du jugement divin, préférant se concentrer uniquement sur la miséricorde de Dieu, l’Évangile exhorte les croyants à ne pas séparer la miséricorde de la justice. Le jour du Jugement dernier, chaque personne se tiendra devant le Dieu Très Saint, et l’histoire de toute sa vie sera mise à nu (Mt 12,35-37). Les conséquences de la sainteté de vie et des fautes liées au péché seront révélées devant le Seigneur, qui a ordonné à ses disciples d’aimer Dieu et leur prochain (Mc 12,30-31), de donner à manger aux affamés et à boire aux assoiffés, d’accueillir l’étranger, de vêtir ceux qui sont nus, et de visiter les malades et les prisonniers (Mt 25,31-46). En même temps, Dieu accorde à tout homme le don de la liberté, en lui laissant toujours la possibilité d’accepter ou de refuser le don gratuit du salut et l’appel à la sainteté.

150.       Ensemble, méthodistes et catholiques croient que le jugement particulier de Dieu au moment de la mort de chaque personne détermine son destin final. À part certaines traditions méthodistes Holiness qui enseignent la perfection en cette vie et la demandent à leurs membres, nos deux traditions reconnaissent que beaucoup échoueront à atteindre la sainteté non mieux définie requise pour qu’une personne puisse voir Dieu face à face (He 12,14). Pour ceux qui sont morts sans avoir atteint une telle perfection, méthodistes et catholiques s’accordent à dire qu’il y aura une transition vers la vie éternelle (JCS, p. 90). La nature de cette transition fait l’objet de débats.

151.       La miséricorde de Dieu est infinie, mais ni les catholiques ni les méthodistes ne croient à l’universalisme (la doctrine selon laquelle tous sont sauvés, indépendamment de leur libre choix), acceptant qu’une personne puisse choisir d’interrompre ses rapports avec Dieu. Les traditions méthodistes et catholiques ont une série d’interprétations sur ce qui adviendra lors du jugement dernier, mais toutes deux admettent la possibilité de la damnation éternelle. De même, nos deux traditions décrivaient l’enfer à l’aide de l’image scripturale suggestive du feu éternel. De nos jours, les représentations du ciel et de l’enfer se concentrent sur le rapport avec Dieu. Comme tout rapport, le rapport d’une personne avec Dieu après son baptême peut grandir et murir, ou au contraire s’étioler et dépérir. Dans cette perspective, l’enfer peut être vu comme la mort du rapport avec Dieu, et donc comme un éloignement total de Dieu. Mais tant les catholiques que les méthodistes veulent espérer que nul ne sera damné éternellement.

152.       Une différence significative entre méthodistes et catholiques a trait à la question de savoir comment une sainteté non mieux définie est conférée à ceux qui sont morts sans l’avoir atteinte. La doctrine catholique du purgatoire envisage un processus de purification après la mort, un état intermédiaire dans lequel le défunt est purgé de ses péchés et rendu parfait dans la sainteté par l’effet purificateur de la grâce de Dieu. Les réformateurs ont rejeté cet enseignement comme étant purement spéculatif et se prêtant à un usage inapproprié. Sous la conduite de John Wesley qui rejetait lui aussi la doctrine du purgatoire telle qu’elle était comprise par les réformateurs, les méthodistes se sont montrés circonspects dans leur enseignement au sujet de cette transition. Pour certains méthodistes, la perfection est un don de Dieu dispensé immédiatement au moment de la mort ; pour d’autres, la croissance dans la sainteté se poursuit dans un état intermédiaire au-delà de la mort. Il est intéressant de noter que Wesley semble avoir soutenu ce dernier point de vue en parlant des âmes accueillies dans le giron d’Abraham, « mûrissant continuellement pour le ciel » ; il dit encore : « Il est certain que l’esprit humain progresse vite dans la connaissance, la sainteté et la béatitude en conversant avec toutes les âmes sages et saintes qui ont vécu en tout temps et dans toutes les nations depuis le commencement du monde »[25].

153.       Récemment, l’Église catholique a encore raffiné la doctrine du purgatoire. Le Pape Benoît XVI, dans son encyclique Spe salvi(l’espérance qui sauve) de 2007, ouvre de nouvelles perspectives qui pourraient favoriser une compréhension œcuménique de la purification après la mort. Dans cette encyclique, la purification de l’âme est décrite comme la rencontre décisive avec le Christ devant qui toute fausseté s’évanouit. Cette rencontre provoque une souffrance, car tout ce qui était malsain dans notre vie nous devient évident, mais « c’est une heureuse souffrance, dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous pénètre comme une flamme, nous permettant à la fin d’être totalement nous-mêmes et par là totalement de Dieu » (Spe salvi 47). S’efforçant de surmonter la controverse théologique apparue quand le purgatoire était conçu en termes d’espace et de temps, l’encyclique dit que « la ‘durée’ de cette brûlure qui transforme, nous ne pouvons la calculer avec les mesures chronométriques de ce monde. Le ‘moment’ transformant de cette rencontre échappe au chronométrage terrestre – c’est le temps du cœur, le temps du ‘passage’ à la communion avec Dieu dans le Corps du Christ » (Spe salvi47). Les catholiques offrent cette encyclique aux méthodistes comme moyen possible pour décrire un processus de purification et de perfection après la mort. La croyance partagée par les catholiques et les méthodistes que la transition entre la vie sur la terre et la vie au ciel dépend de l’action miséricordieuse de Dieu fournit un fondement christologique en vue de la poursuite du dialogue sur la purification après la mort et sur la doctrine du purgatoire.

 

La prière pour les défunts

154.       De même que les chrétiens prient les uns pour les autres ici-bas, les catholiques continuent de prier pour ceux dont la purification n’est pas encore complète, et en particulier pour leurs proches. La conviction que « les liens d’affection qui nous unissent durant notre vie ne sont pas dénoués par la mort », encourage les catholiques à croire à la possibilité et à l’efficacité d’un échange spirituel de prières entre tous les membres du corps du Christ[26]. Il existe d’ailleurs un précédent à cette pratique dans une prière pour les morts des Écritures deutérocanoniques (2 M 12,44-45 ; cf. 1 Co 3,15). Les prières d’intercession sont un acte de confiance dans le pouvoir miséricordieux de Dieu de nous sauver en vertu de l’œuvre rédemptrice du Christ. De même, les actes de charité, la prière, la célébration de la messe à l’intention d’un proche, ou les bonnes œuvres telles que l’aumône peuvent, avec l’aide de la grâce de Dieu, assister ceux qui ne sont plus de ce monde. Les catholiques prient pour les fidèles défunts afin que leurs péchés leurs soient remis et qu’ils puissent être accueillis au ciel : « Donne-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine. Au milieu de tes saints et à jamais, car tu es miséricordieux, qu’ils reposent en paix ».

155.       En rejetant la doctrine du purgatoire, les réformateurs du XVIe siècle ont également rejeté la pratique de prier pour les défunts. Mais depuis le XXe siècle, on assiste à un regain d’intérêt pour la prière pour les défunts en réponse aux besoins pastoraux créés par le nombre considérable de personnes décédées au loin en temps de guerre. En conséquence, des indications montrent que les méthodistes sont de plus en plus ouverts à la pratique de prier pour les défunts. Certains rites liturgiques méthodistes reconnaissent la place des fidèles défunts dans la communion des saints. Dans les liturgies eucharistiques, le Sanctus se réfère aux saints au ciel qui se joignent à ceux qui sont sur la terre dans la prière d’action de grâce et l’adoration de Dieu. Certains rituels funèbres méthodistes citent la communion des saints, notamment lors de l’éloge du défunt (« En la compagnie glorieuse des saints dans la lumière », UMBW, p. 150) ; et quelques-unes de leurs prières pour les défunts s’inspirent du texte de la messe de Requiem catholique. Par exemple : « Nous te prions pour ceux que nous aimons et pour ceux qui sont partis vers toi » (MWB p. 458) ou « Nous te rendons grâce pour la compagnie innombrable de ceux qui ont achevé leur parcours dans la foi et qui se reposent maintenant de leurs travaux […] Que la lumière éternelle les illumine » (UMBW, p. 143).

 

Les saints réunis dans l’amour et dans la louange

156.       Méthodistes et catholiques honorent les saints au ciel en tant que témoins et modèles de sainteté de vie. Certains d’entre eux, comme les apôtres et les martyrs de l’Église primitive, sont nommés et honorés publiquement comme saints par tous les chrétiens. Les saints au ciel louent Dieu et les saints sur la terre se joignent à leurs louanges dans la prière, les chants, le culte, et plus particulièrement dans l’Eucharistie. Les saints au ciel encouragent les saints sur la terre engagés dans leur pèlerinage terrestre : « Les saints sur la terre poursuivent leur pèlerinage en avançant vers, et en priant pour, une expression toujours plus pleine de l’unité, de la sainteté, de la catholicité et de l’apostolicité. Les saints au ciel sont leurs amis invisibles, séparés d’eux temporairement par la mort, mais unis à eux dans la foi, l’amour, l’action de grâce et la louange » (CLP 2.4.13).

157.       Pour les catholiques, les saints au ciel sont aussi des intercesseurs en raison des liens d’amour qui lient tous les membres de l’Église au Christ. L’intercession des saints est une pratique quotidienne, puisque les saints sont mentionnés dans les prières liturgiques. Comme il est dit dans la Préface de la messe pour les saints : « Par la façon dont ils ont vécu tu nous montres un exemple, par la communion avec eux tu nous donnes des amis, par leur intercession, un soutien sûr, afin qu’encouragés par une telle nuée de témoignages, nous puissions courir en vainqueurs l’épreuve qui se présente à nous, afin de recevoir avec eux l’impérissable couronne de gloire » (Missel romain). Outre que de solliciter les prières de leurs proches, les pèlerins sur terre peuvent demander à leurs amis au ciel d’intercéder pour eux. Ce fort sentiment d’amitié et de soutien mutuel édifie la communion de l’Église à travers les prières réciproques. Toutes ces prières s’appuient sur les mérites gagnés par la mort et la résurrection du Christ, l’unique médiateur, lesquels sont appliqués au bénéfice des individus et de la communauté. Dans l’imaginaire catholique, les chœurs au ciel et les chœurs sur la terre chantent à l’unisson la gloire de Dieu et prient les uns pour les autres en tant qu’amis dans le Christ.

158.       Les méthodistes reconnaissent la solidarité mystérieuse entre les saints au ciel et les saints sur la terre qui découle du lien indissoluble d’amour et de communion qui les unit dans le corps du Christ. Mais ils préfèrent éviter d’entrer dans le détail des implications possibles de cette solidarité et des encouragements mutuels entre saints sur la terre et saints au ciel. En général, ils sont contraires à l’invocation des saints pour ne pas compromettre l’unicité absolue du Christ comme seul médiateur. L’article 14 de l’Abrégé des trente-neuf articles de l’Église d’Angleterre de John Wesley condamne l’invocation des saints (entre autres pratiques catholiques) comme « une chose folle, inventée vainement, ne reposant sur aucune garantie de l’Écriture, et incompatible avec la Parole de Dieu ». Mais par ailleurs, Wesley n’exclut pas que les esprits des fidèles défunts puissent veiller sur les vivants aux côtés des anges : « Ne pouvons-nous pas supposer avec quelque probabilité que les esprits des justes, quoique généralement logés au paradis, puissent venir quelquefois au secours des héritiers du salut, en conjonction avec les saints anges ? ». Et il ajoute : « Comme la béatitude de ces esprits détachés du corps serait accrue s’il leur était permis de venir au secours de ceux qu’ils ont laissés derrière eux ! »[27]. Tout ceci laisse entendre que Dieu pourrait charger les saints défunts de venir en aide aux vivants, même si les vivants n’ont pas invoqué spécifiquement les saints pour demander leur intervention. La possibilité d’une convergence accrue entre catholiques et méthodistes dépendra de la façon dont les méthodistes développeront les implications liturgiques et pratiques de la solidarité entre saints au ciel et saints sur la terre.  

159.       À cet égard, l’attribution d’un jour de fête à chaque saint souligne l’importance accordée aux saints dans le calendrier liturgique catholique, mais aussi dans celui de certains méthodistes qui ont découvert la valeur de l’observance des fêtes des saints et de la réflexion priante sur leur vie, comme signe de l’amour de Dieu et fruit de l’Esprit qui inspire la croissance dans la sainteté.

 

Marie : une vie et un signe de grâce et de sainteté

160.       Au chapitre trois nous avons décrit Marie, la Mère du Seigneur, comme une femme de prière (Ac 1,14) agréable à Dieu (Lc 1,30), servante du Seigneur (Lc 1,38), dont la sainteté renvoie toujours au Christ. Nous allons maintenant examiner brièvement ici le dogme de l’Assomption de Marie en relation avec la grâce et la sainteté, conscients que les méthodistes, comme d’autres protestants, font des réserves sur ses fondements scripturaux.

161.       Les catholiques croient qu’à la fin de sa vie terrestre, Marie a été assumée corps et âme dans la gloire du ciel. La fête de l’« endormissement » de Marie remonte à la fin du VIe siècle. En Orient, cette fête est connue sous le nom de « dormition », ce qui implique sa mort sans exclure qu’elle ait été enlevée au ciel. En Occident, on utilise le terme d’« assomption », qui souligne qu’elle avait été enlevée au ciel sans exclure la possibilité de sa mort. Cette croyance se reflète dans la théologie de l’Église primitive, bien que le dogme de l’Assomption n’ait été défini formellement qu’en 1950.

162.       Il est important de noter que « le dogme ne prend pas position sur la façon dont la vie de Marie s’est terminée et n’utilise pas les termes de mort et de résurrection, mais se concentre plutôt sur l’action de Dieu en elle »[28]. Au cœur de ce dogme, il y a la conviction qu’à la fin de sa vie, Marie a été portée au ciel en la présence immédiate du Dieu qui avait pris chair en son sein. Préparée par la grâce à remplir son rôle unique dans l’histoire du salut, en tant que Mère de Jésus elle a vécu son chemin de sainteté dans l’intimité du Verbe incarné. Marie prend déjà pleinement part à l’espérance de la résurrection, qui est celle de tous les hommes. Son assomption au ciel porte sa rédemption à son accomplissement, étant élevée par le Christ et totalement dépendante de lui. Les catholiques proclament Marie toute sainte, Panagia, entièrement sanctifiée et rendue parfaite par le don de l’Esprit Saint qui l’a couverte de son ombre et a rempli sa vie. En cela, Marie est le signe et l’anticipation de ce que les chrétiens sont appelés à devenir en tant qu’individus, mais aussi et surtout en tant que sainte Église de Dieu. Elle est un signe et une icône de l’appel universel à la sainteté (cf. MML 26).

163.       De la même façon, les méthodistes reconnaissent le rôle unique de Marie dans l’histoire du salut tel qu’il est rapporté dans les Écritures – et surtout sa réponse pleine de grâce à l’invitation de Dieu à porter en son sein le Verbe incarné, et sa vie de disciple exemplaire dans laquelle elle exhorte les autres à écouter l’appel à la sainteté (Jn 2,5). Bien qu’ils ne trouvent aucun fondement scriptural au dogme catholique de l’Assomption, les méthodistes saluent son intention profonde consistant à témoigner l’œuvre salvifique de Dieu dans le Christ et la consumation finale de la sainteté de vie. Par le pouvoir de la grâce, Marie a été rendue parfaite dans l’amour et dans la sainteté par sa proximité à son fils. Les méthodistes n’hésitent pas à voir dans la vie de Marie un exemple de perfection chrétienne et de pleine sanctification. Ainsi, son « endormissement » anticipe et témoigne l’avenir glorieux réservé à tous les enfants de Dieu, rendu possible par le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus Christ.

164.       Cependant catholiques et méthodistes continuent à diverger dans leur interprétation des implications spirituelles et pastorales pour les saints sur la terre de la place unique occupée par Marie dans la communion des saints. Lorsqu’ils invoquent les prières des saints défunts, les catholiques considèrent l’intercession de Marie comme étant particulièrement efficace à cause de sa place exaltée dans la communion des saints en sa qualité de « Mère de Dieu ». Les méthodistes ne voient pas de raison d’invoquer l’intercession de Marie (ou de n’importe quel autre saint défunt), puisque tous sont également dépendants du Christ pour leur rédemption. Les méthodistes demandent aux catholiques si l’appel à l’intercession de Marie n’est pas le signe d’un manque de confiance en Jésus Christ qui vit à jamais pour intercéder pour nous (He 7,25 ; cf. Rm 8,34). En outre, l’appel à l’intercession de Marie encourage une dévotion excessive au détriment du culte dû à Dieu seul, malgré les distinctions théoriques présentes dans la doctrine catholique. Les catholiques demandent aux méthodistes si leur fidélité au témoignage de l’Écriture ne les conduit pas à reconnaître le statut exalté de Marie dans la nouvelle création : « Mon esprit s’est rempli d’allégresse à cause de Dieu, mon sauveur, parce qu’il a porté son regard sur son humble servante » (Lc 1,48). En outre, l’Écriture elle-même semble ouvrir la voie à une dévotion appropriée à Marie : « Désormais toutes les générations me proclameront bienheureuse » (Lc 1,48). On peut espérer qu’en poursuivant leur réflexion commune sur ces questions, catholiques et méthodistes pourront parvenir à une meilleure compréhension mutuelle et à une convergence accrue sur le rôle de Marie, Mère du Seigneur, comme signe de grâce et de sainteté.

 

En attendant le retour du Seigneur

165.       Pour les chrétiens, l’espérance de la résurrection est l’attente du jour où « la mort ne sera plus, il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien aura disparu » et où toutes choses seront faites nouvelles (Ap 21,4-5). Les Écritures décrivent la fin de l’histoire du salut à l’aide d’images suggestives, parmi lesquelles se détache celle d’« un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21,1). Dans cet état céleste, tous les saints connaîtront enfin la vie éternelle dans la communion d’amour la plus pleine et immédiate avec Dieu, en participant joyeusement au « festin messianique » (Is 25,6 ; Mt 22 ; Lc 14,15 ; Ap 7,16). Car « à présent nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors [nous verrons Dieu] face à face » (1 Co 13,12). Catholiques et méthodistes croient que le ciel est le but final et l’accomplissement des aspirations humaines les plus profondes, un état de suprême béatitude et bénédiction.

166.       L’article du credo des Apôtres : « Je crois à la résurrection de la chair » indique que notre âme immortelle survivra après notre mort et que notre « corps mortel » ressuscitera aussi. Les images scripturales parlent d’une transformation dans laquelle le Christ « transfigurera notre corps humilié pour le rendre semblable à son corps de gloire » (Ph 3,21), en sorte que notre corps périssable sera changé en un « corps spirituel » (1 Co 15,44. 49-55). Puisque le Christ a assumé tout ce qui est humain, tout ce qui est humain sera racheté. Catholiques et méthodistes partagent cette espérance commune, ainsi que la responsabilité de garder vivante la promesse de vie éternelle dans le cœur des croyants et d’évangéliser le monde.

167.       Unis aux saints au ciel dans le culte et la prière, les saints sur la terre attendent le retour du Seigneur tel qu’il est décrit de façon suggestive dans les Écritures (1 Th 4,16-17 ; Ap 21,2), marquant la fin de l’histoire du salut. La mission et le ministère de l’Église seront enfin portés à terme quand toutes choses seront rétablies en Christ par la puissance de l’Esprit Saint (Ep 1,10). Entourés d’une telle nuée de témoignages parmi les saints au ciel, les saints sur la terre courent avec endurance l’épreuve qui leur est proposée, le regard fixé sur celui qui est l’initiateur de leur foi et qui la porte à son accomplissement (He 12,1-2). « Amen. Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22,20).

 

Heleny Guariba

Heleny Guariba fait partie des « disparus » de l’époque de la dictature militaire, durant ce qu’on a appelé les « années de fer » (anos de ferro) au Brésil (1964-1985). Elle fut persécutée, incarcérée, torturée et, semble-t-il, exécuté par les services secrets de son pays. Au milieu de toutes ses souffrances, Heleny demeura fidèle à son Seigneur et Sauveur et à sa foi dans le Royaume de justice et de paix de Dieu. 

Heleny était méthodiste et leader du mouvement des jeunes de son Église. Elle se consacrait à leur éducation religieuse, notamment dans ses articles pour la revue Cruz de Malta. Ses écrits pédagogiques mettaient toujours l’accent sur l’œcuménisme, sur les questions sociales et sur le courage chrétien nécessaire pour témoigner dans le Brésil de son temps. À cause de ces articles, Heleny perdit son emploi dans l’Église lorsque le régime renforça son emprise.       

Cependant, Heleny continua sa résistance. Elle faisait partie d’un réseau clandestin qui prenait en charge les personnes qui étaient suspectes aux autorités ou qui risquaient d’être arrêtées, en les aidant à se mettre en lieu sûr. Parmi ceux qu’elle aida, il y a le Fr Beto, un théologien dominicain. Un an après qu’il ait réussi à s’enfuir, ils se rencontrèrent de nouveau, cette fois en prison. Le Frère Beto raconte : « Même en prison, ta joie était contagieuse. Je me souviens de la dernière fois où nous nous sommes vus : c’était ton anniversaire, et tes enfants t’avaient apporté un gâteau avec des bougies et un petit cadeau. Quand tu as défait le ruban rose et ouvert le paquet, tu as regardé le cadeau et tu as trouvé cela très amusant : quel paradoxe, après toutes les tortures que tu avais subies. Tu as montré ton cadeau à tout le monde et tu as embrassé tes enfants qui riaient avec toi […]. Peu après, tu as été libérée de prison. Même sous la torture, on n’avait rien pu prouver contre toi ! En juillet 1971, la nouvelle de ta disparition commença à circuler. La seule chose que l’on sait, c’est que tu as été prélevée par les services secrets et que tu es morte sous la torture. J’ai entendu dire que ton corps a été jeté à la mer. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux pas l’accepter. La seule chose que je sais, c’est que désormais Iemanjá (la Reine des mers) a pour moi un visage joyeux »[29].

 

Christian de Chergé

Christian de Chergé (1937–1996) naquit en France, mais passa une partie de son enfance en Algérie. Il y retourna ensuite comme séminariste. À cette époque, un ami algérien lui sauva la vie au cours d’une embuscade militaire ; le lendemain, cet ami fut assassiné pour l’avoir protégé. Des années plus tard, Christian écrivit : « Dans le sang de cet ami, j’ai compris que mon appel à suivre le Christ devrait être vécu un jour, tôt ou tard, dans ce même pays où j’avais reçu le gage du plus grand amour qui soit »[30].

Par la suite, Christian entra chez les trappistes, et devint plus tard prieur du monastère de Notre-Dame de l’Atlas à Tibhirine, en Algérie. Lui et sa communauté vivaient leur observance monastique avec dévotion. Ils étaient en paix avec leurs voisins musulmans, ayant noué avec eux de solides relations. À l’occasion, Christian allait prier avec l’un d’entre eux, appelé Mohammed, sans perdre de vue les différences significatives entre musulmans et chrétiens. Ils appelaient de cette prière commune « creuser un puit ensemble ». Un jour, Christian demanda à Mohammed : « Au fond de notre puits, qu’allons-nous trouver ? De l’eau musulmane ou de l’eau chrétienne ? ». Mohammed lui répondit : « Vous savez bien que ce que nous allons trouver au fond de ce puit, c’est l’eau de Dieu »[31].

En 1993, il y eut des soulèvements contre le gouvernement algérien parmi les forces rebelles. Tous les étrangers furent invités à quitter le pays. La petite communauté des moines décida de rester et refusa la protection du gouvernement, en signe de solidarité avec ses voisins musulmans.

Le 27 mars 1996, sept moines furent enlevés par les rebelles du groupe islamique armé (GIA). Quelques semaines plus tard, on retrouva leurs cadavres, et le corps de Christian était parmi eux.

Deux ans avant cet enlèvement, conscient du danger que sa communauté courait, Christian avait envoyé à sa famille en France une lettre à ouvrir en cas de mort. Cette lettre se terminait par une prière pour ses futurs bourreaux :

Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « À-DIEU » en-visagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Inch’ Allah[32].

 

Chapitre cinq

GRANDIR ENSEMBLE DANS LA SAINTETÉ :
OUVERTURES POUR UN TÉMOIGNAGE, UNE DÉVOTION ET UN SERVICE COMMUNS

 

Où catholiques et méthodistes en sont-ils dans leur pèlerinage commun ?

168.       Dans l’introduction de ce rapport (par. 5), il est dit que « l’appel à la sainteté est aussi un appel à l’unité au sein de Église », et que « sainteté et unité entre les chrétiens vont de pair comme deux aspects d’un même rapport avec la Trinité, de telle sorte que la poursuite de l’une implique la poursuite de l’autre ». C’est précisément en raison du rapport étroit qui existe entre sainteté et unité que d’une part nos deux communions mondiales ont décidé au début d’entrer en dialogue, et que d’autre part nous avons choisi de traiter ce thème ici. Comme Cléophas et son compagnon marchant sur le chemin d’Emmaüs puis rentrant à Jérusalem, catholiques et méthodistes sont des communautés de disciples qui ont rencontré le Seigneur ressuscité et qui ont été transformées par cette rencontre. Nous parcourons le même chemin en nous efforçant de suivre fidèlement le même Seigneur, en désirant être guidés par le même Esprit, et en aspirant à vivre notre identité d’enfants du même Père. En nous appelant à la sainteté, le Dieu Trinité nous appelle aussi à l’unité.

169.       Cela fait maintenant cinquante ans que le Conseil méthodiste et l’Église catholique ont entamé un dialogue, qui s’est révélé extraordinairement fécond. Au cours des dix phases de ce dialogue, les membres de la commission ont maintes fois découvert des convergences plus larges que celles anticipées. Le consensus entre catholiques et méthodistes sur les fondements trinitaires et christologiques de la foi, ainsi que sur bien d’autres aspects, sont le signe tangible que l’Esprit Saint est fructueusement à l’œuvre dans nos Églises, dans notre dialogue et dans nos efforts de réconciliation. Lorsque nous regardons tout ce que l’Esprit de Dieu a réalisé au cours de ces cinquante années de dialogue et de rapprochement entre nous, nous avons beaucoup de raisons de nous réjouir.

170.       L’expérience de la commission, dans la phase actuelle de dialogue, a été extrêmement encourageante. Conscients que l’appel à la sainteté est une invitation à la fois universelle et collective, nous avons essayé de comprendre comment nos communautés conçoivent et poursuivent la sainteté, en délimitant le terrain qui nous est commun et en cherchant à réduire les différences. Nous nous sommes découverts un terrain commun dans notre conception de l’homme créée par et pour Dieu ; dans notre compréhension de la grâce divine qui habilite, justifie et sanctifie une humanité faillible, en faisant de nous des enfants de Dieu, capables de témoigner de l’action salvifique de Dieu dans le monde et d’y participer ; dans notre conviction que les chrétiens sont appelés à vivre la sainteté de vie dans l’Église et dans le monde ; et dans notre espérance partagée dans la vie avec Dieu après la mort. Nous avons réfléchi sur les divergences persistantes entre nous, et cette réflexion commune nous a conduits à une meilleure compréhension mutuelle. Quand nous avons rencontré des divergences qui nous empêchent d’être en pleine communion, nous les avons regardées non pas comme des obstacles insurmontables, mais comme des questions à approfondir, confiants que l’Esprit de Dieu nous indiquera le moyen de les surmonter au temps de Dieu.

171.       Dans ce travail de dialogue, l’identification d’un terrain commun et l’examen attentif des divergences comportent différentes tâches pour nos deux communions, en tant que partenaires du dialogue en marche vers la pleine unité visible de l’Église. Quelles seront nos prochaines étapes ? Où l’Esprit Saint nous conduira-t-il ensuite ? À l’issue de la première phase de dialogue catholique-méthodiste, le rapport de Denver (1971) indiquait les objectifs suivants : « Apprendre à nos Églises et à nos laïcs, aux niveaux ministériel et local, à surmonter les préjugés et les incompréhensions » (121) ; instaurer une communication plus étroite, et « promouvoir de bonnes relations s’appuyant sur le dialogue et la collaboration aux niveaux national et local » (122) ; favoriser le renouveau spirituel, le partage spirituel (129) et un témoignage commun des valeurs chrétiennes (131). En 1986, le rapport de Nairobi se donnait un but plus ambitieux : la « pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle » (20). Ce but a été réaffirmé dans les rapports postérieurs, et il demeure l’objectif du dialogue entre catholiques et méthodistes.

172.       Méthodistes et catholiques en sont venus à se regarder mutuellement comme des frères et des sœurs dans le Christ, et à regarder leurs Églises comme étant dans un rapport de communion réelle, quoique incomplète et imparfaite. Parmi ceux d’entre nous qui se sont engagés dans ce dialogue dans les cinquante dernières années, le sentiment d’une communion réelle qui nous unit dans l’amour de Dieu, est devenu chaque jour plus fort et plus tangible.

173.       La commission est consciente que nos rapports de dialogue ne sont pas suffisamment connus des fidèles catholiques et méthodistes, et que les consensus et les convergences enregistrés dans ces documents n’ont pas eu l’effet transformant espéré sur nos relations mutuelles. Les déclarations de convergences telles que celle-ci possèdent un riche potentiel, mais en définitive elles restent lettre morte si les idées et les conclusions qu’elles contiennent ne sont pas reçues. Ceci suscite en nous à la fois un sentiment d’urgence et l’espoir tenace que tous les efforts accomplis par nous et par d’autres en vue de la réconciliation des chrétiens divisés contribueront à un engagement fécond dans nos Églises.

174.       Les membres de la commission, qui proviennent de onze pays différents, se sont réunis dans quatre continents différents. Ils ont eu ainsi de nombreuses occasions de constater à quel point les rapports entre méthodistes et catholiques diffèrent selon le contexte géographique. En certaines régions, ces rapports sont cordiaux ; ailleurs, ils sont marqués par la suspicion. En certains endroits, il est courant que catholiques et méthodistes, rejoints quelquefois par les chrétiens d’autres communautés, œuvrent ensemble pour la justice ou dans l’action caritative ; en d’autres endroits, la perspective d’une collaboration paraît difficile et problématique. Dans certains pays, il est fréquent et naturel que les chrétiens se réunissent pour prier et pour rendre un témoignage commun de leur foi ; dans d’autres, de tels rassemblements sont rares. Des raisons historiques, sociales et ecclésiales peuvent contribuer à expliquer ces différences dans l’état des rapports entre catholiques et méthodistes dans les différentes parties du monde. Mais sur la base de son expérience du dialogue et de la rencontre les uns avec les autres, la commission est convaincue que ces rapports pourraient être renforcés partout dans le monde ; que nul n’incarne la pleine réalisation de ce qui est possible ; et que Dieu désire que catholiques et méthodistes apprennent à cheminer ensemble dans une plus grande proximité.

175.       En 1952, peu après la création du Conseil œcuménique des Églises, le principe de Lund a été formulé, invitant les Églises à se demander « si elles désirent avec suffisamment d’ardeur entrer en conversation avec d’autres églises, et si elles ne devraient pas agir ensemble en toutes matières sauf en celles où des différences de conviction profondes les obligent à agir séparément ». Les méthodistes se sont référés au principe de Lund dans de nombreux engagements œcuméniques au cours des dernières décennies. Une version catholique du principe de Lund est présentée dans le Directoire œcuménique de 1993, qui souligne que la contribution que les chrétiens peuvent apporter pour répondre aux besoins du monde « est plus efficace quand ils l’accomplissent tous ensemble et quand on voit qu’ils sont unis en le faisant. Ils désireront donc faire ensemble tout ce que leur foi leur permet » (162). Malheureusement, l’histoire du mouvement œcuménique montre qu’il n’est pas facile de changer la façon d’agir des Églises, et que ceux qui voudraient s’engager à fond dans le témoignage commun et la mission partagée rencontrent des résistances ; les Églises ont tendance à vouloir agir séparément, sauf quand des circonstances extraordinaires les poussent à agir ensemble.

176.       En abordant le dernier chapitre, nos lecteurs sont invités à méditer sur le rapport qui existe entre sainteté et unité, en mettant en corrélation la poursuite de la sainteté et les efforts de réconciliation entre nos deux communions, fondés sur leur perception commune de ce qui les unit. Chaque domaine où il existe un consensus dans notre compréhension d’un article de foi peut se traduire par une forme de témoignage commun, de prière commune, ou de partage accru de la mission confiée par le Christ à son Église. Chaque convergence peut nous encourager à poursuivre notre réflexion commune et à approfondir notre dialogue. Chaque pas en avant vers une plus grande communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle est un acquis précieux.

177.       À l’occasion de l’ouverture du bureau œcuménique méthodiste à Rome, le 6 avril 2016, le Cardinal Kurt Koch, Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a déclaré à propos de tous ces pas en avant qui font avancer catholiques et méthodistes vers la réconciliation : « Nous affirmons que le devoir primordial de l’œcuménisme est de nous unir dans le témoignage commun et dans la mission partagée. Mais comment nous engagerons-nous dans le témoignage commun si nous ne savons pas que nous sommes inspirés par un amour commun, infusé en nous par la Trinité ? Et comment prendrons-nous conscience de cet amour commun si nous ne prions pas ensemble et si nous ne nous parlons pas ? Enfin, en tant que communions mondiales, comment pouvons-nous espérer nous retrouver ensemble dans la prière commune devant le Seigneur et dans la sainte conversation, si nous ne créons pas des lieux pour nous rencontrer et pour resserrer les rapports entre nos structures, notre mission, et même notre vie ecclésiale ? ».

178.       Les relations œcuméniques n’avancent pas par les compromis ou les négociations. Elles avancent quand la rencontre avec l’autre nous amène à reconnaître que nos frères et nos sœurs dans le Christ d’une autre communauté chrétienne ont beaucoup de choses en commun avec nous ; que chacune de nos communautés s’enrichit en s’ouvrant pour recevoir les dons de l’autre, et que ce à quoi nous croyons ensemble peut s’exprimer dans le vécu de nos Églises à travers la prière commune, l’amitié œcuménique, la mission partagée et le témoignage commun. S’engager dans ce travail de réconciliation fait partie intégrante du chemin de sainteté voulu par le Dieu Très-Saint. Oui, c’est l’Esprit Saint qui nous guide dans ce parcours, et c’est le Seigneur ressuscité qui nous accompagne alors que nous marchons ensemble.

179.       Dans ce dernier chapitre, la commission présente un résumé, sous la forme de déclarations de foi basées sur les chapitres précédents, de ce que catholiques et méthodistes peuvent dire ensemble. Lorsque des divergences ont été constatées, elles sont également indiquées. Ensuite, nous soulevons une série de questions sur ce qui peut découler de ces déclarations communes et de ces divergences, conscients que la réponse à ces questions doit être apportée avant tout non pas au niveau de l’Église universelle, mais dans chaque pays, chaque région, chaque congrégation ou paroisse où méthodistes et catholiques vivent côte à côte. Notre espoir est que ces résumés de nos croyances et cette série de questions seront étudiés dans les congrégations, les écoles, les familles, parmi les prêtres et les pasteurs, là où les rapports entre méthodistes et catholiques sont solides comme là où ils sont réduits au minimum, sans jamais perdre de vue le rapport étroit qui existe entre recherche de l’unité et poursuite de la sainteté. Toutes les références ci-dessous renvoient aux paragraphes du présent rapport sauf indication contraire.

 

Approfondissements sur le chapitre un : l’homme

180.       Méthodistes et catholiques en sont venus à reconnaître qu’ils ont, dans une large mesure, une conception identique de l’homme. Ensemble, nous croyons que :

  • Les hommes sont un mystère pour eux-mêmes, un mystère qui doit être vécu en relation avec Dieu, avec les autres et avec la création (14, cf. 17-22) ;
  • les hommes sont créés par et pour Dieu (16), à l’image de Dieu (15), pour être les interlocuteurs de Dieu, pour écouter et obéir à sa parole (17) ;
  • l’origine et la destinée des hommes sont liés à l’identité de Dieu (16) ; nous sommes créés avec une soif qui ne peut être étanchée que par la communion avec Dieu (14) ;
  • notre rapport avec Dieu est la seule dimension absolue et le point de référence de toutes les autres dimensions de notre vie (20) ;
  • par notre nature sociale, nous sommes le reflet du Dieu Trinité à l’image de qui nous sommes créés (19) ; en tant qu’êtres sociaux, nous sommes créés pour être en relation avec une famille, avec une communauté et avec toute la société ; la vie en communauté, qui requiert le don de soi interpersonnel, fait partie intégrante de la sainteté de vie (18-19) ;
  • dans sa rencontre avec l’autre en tant que personne, l’homme se trouve devant une image qui n’a pas été créée des mains de l’homme (19) ; c’est pourquoi nous avons l’obligation de respecter l’autre et de veiller sur l’autre ; notre identité et notre réalisation personnelle sont intrinsèquement liées aux autres ;
  • les hommes sont créés par Dieu de telle sorte qu’ils ont besoin du monde qui les entoure pour leur subsistance ; et comme le monde est rempli de la grâce de Dieu, les hommes ont pour vocation de prendre soin de la création et de veiller sur elle (20-22) ;
  • les hommes sont créés pour vivre en harmonie avec Dieu, avec la création et avec leur prochain (20), et ce faisant ils sont porteurs à la fois de dons et de responsabilités qui font partie intégrante de la sainteté de vie ;
  • les hommes sont une unité mystérieuse constituée d’un corps et d’une âme (23-24) ; parce qu’ils sont incarnés, les hommes sont finis et mortels ; et parce qu’ils ont une âme, ils transcendent le monde et sont appelés à l’immortalité (23-24) ; 
  • le corps humain a été créé bon ; il est essentiel à l’identité personnelle, et il est appelé à la transformation finale de la résurrection, mais dans le moment présent il est faible, déchu, et nécessitant une transformation (24-25) ;
  • les hommes ont été créés avec la liberté, qui les rend capables d’amour, de communion, de construire leur identité par les choix qu’ils font ; mais comme tous les aspects de la vie humaine, leur liberté est finie et limitée (26) ;
  • la sainteté exige que les hommes reconnaissent et respectent les limites de leur condition de créatures ; ne les ayant pas reconnues, ils sont tombés dans le péché et se sont éloignés de Dieu, des autres, et de la création (27-29) ; toute leur histoire est marquée à la fois par le péché et par la grâce de Dieu ;
  • le péché peut défigurer et déformer l’image de Dieu en l’homme, mais il ne peut pas la détruire (30) ;
  • Dieu ne veut pas que quiconque se perde ; dans sa grande miséricorde, Dieu n’abandonne pas ses créatures déchues, mais continue à vaincre l’éloignement des hommes en œuvrant dans l’histoire et en les appelant à entrer en relation avec lui (31-33).

181.       Catholiques et méthodistes s’accordent à dire que le mystère de l’homme est pleinement révélé en Jésus Christ :

  • de même que l’homme porte en lui l’image du premier Adam, nous sommes créés pour porter aussi l’image de Jésus Christ, en prenant part à son corps ressuscité ; l’image créée (imago Dei) brouillée par le péché, devient une nouvelle création dans l’image du Christ (imago Christi), par la puissance de l’Esprit Saint (34) ;
  • la vocation chrétienne à la sainteté est de se conformer au Christ et de se revêtir de son image (34) ;
  • tout a été créé par le Christ et tout est dirigé vers lui ; le Christ est celui qui donne à l’image de Dieu en l’homme sa forme véritable et définitive ; il est la pleine mesure de l’homme et le but final de l’existence humaine (8, 36, 39) ;
  • le plan de Dieu, révélé initialement dans le don de la création, est confirmé et re-créé dans les mystères de l’incarnation et de la rédemption (15) ;
  • le salut est avant tout la libération du péché et la réconciliation avec Dieu en Christ (36) ;
  • la sainteté de vie commence par la reconnaissance des nombreux dons reçus ; elle consiste à vivre son identité baptismale dans les tâches ordinaires de la vie de tous les jours ; ce faisant, les chrétiens contribuent à la transformation du monde, à la re-création de l’univers (37, 41) ;
  • en Christ, la liberté humaine atteint son but, qui est la réceptivité au Père et l’ouverture à tous les hommes dans une attitude de service, de miséricorde et d’amour (40) ;
  • la gloire de Dieu est la plénitude de vie de l’homme, et la vie de l’homme est la vision de Dieu ; être conformé au Christ dans la sainteté ne diminue par l’humain, mais l’humanise (42).

 

182.       Quelques questions à discuter au niveau local ou régional :

Comment catholiques et méthodistes pourraient-ils s’encourager mutuellement à vivre la vocation chrétienne à la sainteté en étant plus profondément conformés au Christ ? Comment pourrions-nous apprendre les uns des autres alors que nous nous efforçons de vivre notre identité baptismale ?

Puisqu’ensemble nous croyons que les hommes ont été créés par et pour Dieu, pour être les interlocuteurs de Dieu et pour écouter et obéir à sa parole, quels moyens créatifs pourrions-nous imaginer pour pouvoir prier ensemble ou étudier ensemble la parole de Dieu ?

Connaissez-vous dans votre région des situations où la dignité humaine est menacée ou bafouée ? Quelles sont les principales questions éthiques auxquelles vous êtes confrontés dans votre société ? Puisque méthodistes et catholiques partagent dans une large mesure la même vision de l’homme, que pourriez-vous faire ensemble pour la défense de la dignité et de l’intégrité de la personne humaine ? 

Puisque nous reconnaissons ensemble que l’homme a pour vocation de prendre soin de la création et de veiller sur elle, et que nous sommes appelés à vivre en harmonie avec la nature, de quelles façons pourrions-nous unir nos forces au service de l’environnement et de la sauvegarde de la terre et de ses créatures ?

Puisque nous proclamons ensemble que Dieu ne veut pas que quiconque se perde et qu’il ne nous abandonne pas, comment pourrions-nous travailler ensemble à surmonter l’éloignement des hommes, en nous mettant au service des marginalisés et des plus démunis parmi nous ?

Comment pourriez-vous structurer un dialogue local ou régional entre méthodistes et catholiques ? Un partage sur la façon dont nos communautés respectives conçoivent et poursuivent la sainteté serait-il un bon point de départ en vue de cette discussion ?

 

Approfondissements sur le chapitre deux : la grâce de Dieu

183.       Catholiques et méthodistes partagent la même vision de la grâce de Dieu. Ensemble nous croyons que :

  • la grâce est l’œuvre de Dieu de re-création de l’humanité, pour vaincre l’éloignement des hommes résultant du péché et nous conduire au salut (45) ;
  • la grâce est l’amour salvifique révélé dans la personne et dans l’œuvre de Jésus Christ, dans son incarnation et dans le mystère pascal de sa mort et de sa résurrection ; dans le mystère du salut, la grâce de Jésus Christ transforme la nature et la condition humaines en nous indiquant une nouvelle façon de vivre dans le monde, réconciliés avec Dieu et avec nos semblables, et conformés d’après sa façon de vivre la sainteté (43, 46-47) ;
  • le don de l’Esprit Saint, qui est « Esprit de grâce » (He 10,29), a été répandu sur les Apôtres le jour de la Pentecôte. L’Esprit a continué d’être présent et agissant dans l’Église à travers les siècles : il vient au secours de notre condition de pécheurs et rend la grâce du Christ présente dans notre vie. Les dons de l’Esprit Saint sont toujours des dons de la grâce dans notre vie (49-52, cf. 14) ;
  • la grâce qui habilite, la grâce qui justifie, et la qui grâce sanctifie sont trois aspects liés entre eux de l’amour salvifique de Dieu et de l’appel à la sainteté (68) ;
  • la grâce qui habilite ou « grâce prévenante », dispensée universellement aux hommes, est à l’œuvre avant même que les hommes n’arrivent à la foi, en les préparant à recevoir le salut qui leur est offert par Jésus Christ et à y répondre. C’est à l’initiative de Dieu que nous sommes sauvés, et notre salut est uniquement le fruit de la miséricorde de Dieu. Puisque les hommes ne sont jamais privés de la grâce qui habilite, il ne peut y avoir de séparation radicale entre « nature » et « grâce » (53-54) ;
  • la grâce qui habilite précède et facilite la réponse de l’homme à l’offre de salut de Dieu, mais ne supprime pas la nécessité d’une réponse donnée librement par l’homme. Catholiques et méthodistes se réfèrent à ce premier travail de la grâce de l’Esprit Saint en parlant de repentir ou de conversion (53, 55-56) ;
  • « c’est seulement par la grâce au moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et que nous recevons l’Esprit Saint qui renouvelle nos cœurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des œuvres bonnes » (59, citant DCDJ 15) ;
  • es œuvres de miséricorde et de piété ne contribuent pas à la justification mais en sont la conséquence inséparable ; elles sont pour les chrétiens une obligation de la sainteté de vie (61, 79) ;
  • « la justification n’est pas un événement isolé dans la vie des chrétiens, mais un aspect du processus de sanctification consistant à être rendu saint par l’approfondissement du rapport avec le Christ dans son corps, l’Église » (64, citant Honolulu 13). La grâce qui sanctifie est un don habituel ou disposition qui fait que le chrétien grandit dans l’image du Christ, et qu’il est attiré toujours plus profondément dans la vie de Dieu Trinité (64-65) ;
  • par la grâce de Dieu, tous dans l’Église sont appelés à la sainteté qui est à la fois personnelle et collective (68-70 ; cf. 94) ;
  • la grâce qui sanctifie conduit à l’amour parfait à mesure que les chrétiens grandissent dans la grâce et se vouent à l’amour de Dieu et de leur prochain : et comme il n’y a pas de limite à la puissance de la grâce de Dieu, catholiques et méthodistes affirment que la perfection dans l’amour est possible avant la mort (73-77) ;
  • l’expérience de la grâce et de la sainteté est toujours destinée à fortifier l’Église et à porter toutes choses dans la nouvelle création en Christ ; en tant qu’agent et instrument de l’appel à la sainteté choisis par Dieu, l’Église sur la terre est essentiellement missionnaire, orientée vers la transformation du monde ; il existe des éléments de grâce et de sainteté hors de l’Église visible, mais ils sont toujours orientés vers l’incorporation au Christ (71-72, cf. 10) ;
  • être assuré de la grâce de Dieu – ce que Hébreux 11,1 appelle « posséder déjà ce que l’on espère » – découle de la fiabilité des promesses de Dieu, et est confirmé par le travail intérieur de l’Esprit Saint (89 ; cf. Honolulu 24). Catholiques et méthodistes « confessent ensemble que les croyants peuvent compter sur la miséricorde et les promesses de Dieu » (88, citant DCDJ 34) ; ceci n’est pas vu comme la certitude du salut personnel, mais comme la confiance dans un rapport fondé sur l’amour de Dieu  (92).

184.       Méthodistes et catholiques n’ont pas encore trouvé un plein accord sur la grâce de Dieu. Les méthodistes sont beaucoup plus confiants que les catholiques quant à la possibilité d’atteindre l’amour parfait en cette vie (77). Le présent rapport revient sur ce sujet au chapitre 4, qui traite la question du purgatoire. Le principal point de désaccord porte sur les bonnes œuvres et le mérite (80-86). Catholiques et méthodistes affirment ensemble que les individus peuvent collaborer librement à l’œuvre de la grâce en étant pleinement responsables de leurs actions, mais que « la justification reste un don immérité de grâce » (80, citant DCDJ 38). Là où méthodistes et catholiques divergent, c’est sur la possibilité que le mérite découlant des bonnes œuvres d’un chrétien puisse contribuer à la sanctification d’un autre. Pour les catholiques, les liens d’amour entre chrétiens rendent possible un « échange admirable » par lequel « la sainteté de l’un profite aux autres » (83, citant CEC 1475). Les méthodistes sont contraires à tout ce qui pourrait empiéter sur la suffisance de la mort salvatrice du Christ et risquerait de créer une vision mécanistique et transactionnelle des bonnes œuvres (84). Une réflexion plus approfondie sur les implications des liens d’amour dans la communion des saints sera nécessaire (86).

185.       Quelques questions à discuter au niveau local ou régional :

Catholiques et méthodistes partagent la même conception de la grâce comme étant l’amour salvifique révélé dans la personne et l’œuvre de Jésus Christ, et l’œuvre de Dieu de re-création de l’humanité, qui nous indiquent une nouvelle façon de vivre dans le monde. Dans votre région et dans votre culture, qu’est-ce qui fait qu’il est difficile de croire dans la grâce de Dieu, et que pourrions-nous faire pour rendre un témoignage commun de ce que Dieu fait pour nous en Christ et dans l’Esprit Saint ?

Comment notre conception commune de la grâce de Dieu peut-elle nous aider à nous considérer comme des frères et des sœurs dans le Christ et à prendre davantage conscience du rapport de communion réelle, quoique imparfaite, qui existe entre nos Églises ? Et comment cela peut-il nous faire avancer vers le but de la pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle ?

Méthodistes et catholiques confessent ensemble que les fidèles peuvent avoir confiance dans la miséricorde de Dieu, dans ses promesses, et dans l’œuvre de la grâce de Dieu qui habilite, justifie et sanctifie. Sachant que Jésus désire que ses disciples soient un, que pourrions-nous faire pour que cette vision commune de la grâce de Dieu et de sa fidélité se traduise par des pratiques de culte partagées ?

La Déclaration commune sur la Doctrine de la justification (DCDJ), signée par l’Église catholique et par la Fédération luthérienne mondiale (1999) et confirmée par la Conseil méthodiste mondial (2006), a apporté la réconciliation sur une controverse majeure de la Réforme. Quels seraient dans votre région les contextes appropriés pour étudier la DCDJ et les implications pastorales de cet accord ?

Méthodistes et catholiques s’accordent à dire que l’Église sur la terre est essentiellement missionnaire, orientée vers la transformation du monde. Quelles sont les principales causes d’injustices dans votre région, et où le besoin de réconciliation se fait-il le plus sentir ? Comment pourrions-nous agir ensemble en tant qu’artisans de réconciliation et agents de justice ?

Reconnaissant que des éléments de grâce et de sainteté existent hors de l’Église visible comme fruit de l’action de l’Esprit Saint, y aurait-il des moyens pour que catholiques et méthodistes, en liaison avec d’autres communautés chrétiennes, nouent des rapports avec les membres d’autres traditions religieuses et entament un dialogue avec eux ?

 

Approfondissement sur le chapitre trois : les saints sur la terre

186.       Méthodistes et catholiques reconnaissent que la sainteté de vie chrétienne consiste à marcher avec le Christ ressuscité, et que ses composantes essentielles sont la foi, la conversion de vie, et la participation à la vie de l’Église (93-94). Ensemble nous croyons que :

  • « tous les croyants sont réunis dans la famille des disciples, en sorte qu’appartenir au Christ signifie appartenir à l’Église qui est son corps » ; nous sommes appelés à être saints ensemble, en tant qu’Église (94, citant Nairobi 11) ;
  • « les structures de l’Église doivent être mises au service de la sainteté des fidèles et de la mission de l’Église » (95, citant Séoul 101) ;
  • le Christ ressuscité appelle ses disciples à passer de la crainte et des doutes à la foi et à la joie, et il les envoie témoigner dans le monde ; l’Église est sainte parce qu’elle communique avec assurance les bienfaits et les grâces du mystère pascal du Christ (100-101) ;
  • ’Église prépare les croyants à la mission de Dieu dans et pour le monde ; mission et service font partie intégrante de l’appel à la sainteté (100) ;
  • la sainteté de l’Église est celle d’un peuple en marche ; étant marquée par le péché de ses membres, elle est un lieu où se manifeste la faillibilité humaine ; mais l’Église est aussi un peuple pardonné, appelé à pardonner et à incarner le plan d’amour de Dieu dans un monde déchu ; la sainteté n’est pas tant de réussir à être bons que d’être ouverts à l’œuvre transformante de la grâce de Dieu dans les succès comme dans les échecs de notre vie (96, 101, 111) ;
  • es communautés chrétiennes sont appelées à être des « maisons » de la grâce et de la sainteté ; l’Église est sacramentelle par nature ; comme signe, instrument et avant-goût du royaume de Dieu, elle est pleine de grâce et confère la grâce (100, 102-103) ;
  • l’économie du salut est sacramentelle par nature ; les liturgies et les pratiques de culte, en particulier la célébration des sacrements et la prédication, sont des moyens ecclésiaux publics destinés à nourrir la sainteté de vie dans le monde (105) ;
  • le baptême est une grâce sacramentelle qui accompagne le parcours chrétien pendant toute la vie, en nous plongeant dans le mystère pascal et en nous consacrant pour l’œuvre sainte de la mission de Dieu (106) ;
  • une participation régulière à l’Eucharistie renouvelle les fidèles pour la mission et pour la sainteté de vie, en transformant toujours davantage les disciples à la ressemblance du Christ ; dans la fraction du pain, le Christ est vraiment présent, et ceux qui le reçoivent sont envoyés dans le monde pour lui rendre témoignage (107) ;
  • les deux principaux rites de vocation des adultes – mariage et ordres – donnent une grâce à l’individu ou au couple afin que la communauté tout entière puisse grandir dans la grâce ; il n’y a pas de hiérarchie entre les divers états de la vie chrétienne, qui tous peuvent être un chemin et une expression de sainteté ; la vie en communauté et de nouvelles formes de vie consacrée continuent d’être découvertes et vécues avec intégrité à mesure que les chrétiens discernent dans la prière ce à quoi Dieu les appelle pour répondre à l’Évangile et aux besoins du monde (109-110) ;
  • l’Église, comme communauté, est appelée à être proche de ceux qui sont dans le besoin, et en particulier de ceux qui, à cause du péché, de la faiblesse ou de la marginalisation, ont le plus besoin de compassion, d’accompagnement et de guérison de leurs blessures (111) ;
  • les rituels d’examen de conscience, de repentir et de réconciliation sont des pratiques destinées à soutenir le peuple en marche (113) ;
  • prendre soin des malades fait partie intégrante de la sainteté de vie ; la maladie elle-même peut être changée par la grâce en une forme particulière de sainteté de vie et de service (114) ;
  • la lecture et l’étude des Écritures, tant individuellement qu’en communauté, est un moyen de grâce privilégié pour nourrir la croissance dans la sainteté ; lire et étudier les Écritures ensemble (dans une réunion œcuménique) est une source de grâce (116-117) ;
  • la poursuite de la sainteté est favorisée par certaines dispositions fondamentales ou habitudes qui modèlent les affections ; ces vertus ou « saints tempéraments », orientent toute la personne vers le bien, en modelant ses actions et ses décisions (118-119) ;
  • la sainteté de vie chrétienne est caractérisée par une proclamation joyeuse du Christ ressuscité, en rendant compte de l’espérance qui est en nous ; le témoignage de l’Évangile demande un engagement convaincu face à la complexité du monde et des cultures dans lesquelles nous vivons (120) ;
  • nous témoignons non seulement par nos paroles, mais aussi et surtout par la sainteté de notre vie, caractérisée à la fois par la fidélité personnelle et par un engagement actif dans le monde au service du royaume de Dieu ; la sainteté de vie s’exprime socialement par la recherche de la justice et par des actes de miséricorde qui incarnent la compassion et l’amour de Dieu pour le monde (120-121) ;
  • la sainteté est nourrie par la prière personnelle et en famille, les chants et les hymnes chrétiens, les pèlerinages aux lieux saints et aux sanctuaires, les jours de repos et les retraites spirituelles, le jeûne et l’aumône (122) ;
  • la mort sainte fait partie de la sainteté de vie ; les saints sur la terre témoignent l’Évangile par leur façon de mourir ; le passage de la vie à la mort est un moment de grâce profondément humain, malgré la souffrance et le deuil ; en accompagnant les mourants et leurs proches, en leur montrant du respect et en leur montrant que la fin de vie peut être un lieu d’amour, de patience, d’attentions et d’espérance, catholiques et méthodistes s’opposent aux approches laïques de la fin de vie et de la mort (132-135).

187.       Certaines différences dans la conception de la sainteté de vie sont le reflet de divergences théologiques sous-jacentes entre méthodistes et catholiques qui remontent aux disputes de la Réforme. Ces différences portent en particulier sur le nombre des sacrements, bien que les méthodistes reconnaissent un caractère sacramentel à ce que les catholiques considèrent comme des sacrements (107-114). Mais il existe aussi d’autres divergences à propos de la sainteté de vie :

  • les catholiques affirment que l’Église, en tant que réalité eschatologique présente dans le monde, est sans péché, même si ses membres pris individuellement peuvent être des pécheurs. Les méthodistes parlent aussi de la sainteté de l’Église, mais ils évitent de donner des contours théologiques aussi précis à la corrélation entre Église visible et Église invisible, et en général ils rejettent l’idée que l’Église puisse être sans péché (97-99) ;
  • ensemble, méthodistes et catholiques reconnaissent le rôle unique de Marie comme Mère de Jésus et déipare, et voient en elle le modèle des disciples et l’avocate des pauvres. Cependant les méthodistes ont tendance à remettre en question les dévotions mariales de l’Église catholique romaine, y compris la prière du rosaire et les pèlerinages aux lieux des apparitions mariales, craignant que la centralité de la personne et de l’œuvre de Jésus Christ ne s’en trouve obscurcie (127) ;
  • de même, la pratique catholique de la vénération des reliques rencontre des réserves chez les méthodistes, qui y voient un risque d’idolâtrie. Catholiques et méthodistes s’accordent à dire que la dévotion populaire envers les saintes reliques doit toujours être convenablement discernée pour éviter qu’elle n’empiète sur le culte dû à Dieu seul (130-131) ;
  • les méthodistes sont également réticents envers d’autres pratiques dévotionnelles des catholiques telles que la vénération des saints, l’adoration eucharistique, l’utilisation et la vénération d’images et la bénédiction d’objets inanimés, en mettant en avant le risque que l’Évangile ne soit obscurci par la superstition (123).

188.       Quelques questions à discuter au niveau local et régional :

Méthodistes et catholiques s’accordent à dire qu’appartenir au Christ, c’est appartenir à l’Église, et que nous sommes appelés à être saints ensemble. Dans nos dernières phases de dialogue, nous avons fait de grands pas en avant vers une vision commune de l’Église. Pourtant les rapports de ces dialogues ont à peine commencé à exprimer leur capacité de transformer les relations entre nous ; aucun document ne peut, à lui seul, édifier et renforcer ces relations. Essayez d’identifier dans votre région des contextes où catholiques et méthodistes pourraient se rencontrer pour nouer des amitiés œcuméniques et discerner les moyens pour grandir ensemble dans la communion et la mission.

Comment pouvons-nous manifester de façon plus visible notre reconnaissance réciproque du baptême donné par chacune de nos communions et notre conviction commune que le baptême confère une grâce sacramentelle qui accompagne le parcours chrétien pendant toute la vie, en nous plongeant dans le mystère pascal et en nous appelant à participer à la mission du Christ ? Sachant que, malgré un large terrain d’entente entre eux sur la Cène du Seigneur, un dialogue plus approfondi sera nécessaire avant que méthodistes et catholiques puissent partager pleinement leurs célébrations eucharistiques, comment faire pour que nous puissions dès à présent prier et louer le Seigneur ensemble ?

Qu’est-ce que méthodistes et catholiques peuvent apprendre les uns des autres sur la valorisation et l’encouragement de toutes les formes de vocation chrétienne, que ce soit le mariage, le célibat, le ministère sacerdotal ou la vie consacrée ? De nouvelles formes de vie en communauté, y compris celles d’inspiration œcuménique, sont-elles apparues dans les communautés chrétiennes de votre région ?

Là où catholiques et méthodistes vivent côte à côte, ils font face au défi commun de témoigner de l’Évangile en s’engageant dans la complexité du monde et des cultures où ils vivent. Comment pourrions-nous travailler ensemble en rendant compte de l’espérance qui est en nous (1P 3,15) ?

Dans de nombreuses parties du monde, l’euthanasie et le suicide assistés sont autorisés ; ailleurs leur légalisation fait l’objet d’un débat public. Catholiques et méthodistes témoignent ensemble que la mort sainte fait partie intégrante de la sainteté de vie, convaincus que la fin de vie est un temps de grâce malgré la souffrance et le deuil. Comment pourriez-vous œuvrer ensemble dans votre région pour défendre la dignité de la vie humaine et la liberté de conscience des travailleurs de la santé, et pour améliorer nos structures sociales afin que les mourant puissent être accompagnés avec compassion ?

Comme on a pu le voir de façon détaillée dans ce chapitre, il y a des pratiques dévotionnelles qui nous sont communes et d’autres sur lesquelles nous divergeons. Encouragez les conversations sur ces pratiques dévotionnelles entre voisins méthodistes et catholiques, en veillant à discuter à la fois de ce qui nous est commun et de ce qui nous sépare dans la poursuite de la sainteté. Encouragez les participants à se mettre respectueusement à l’écoute les uns des autres afin de découvrir ensemble de nouvelles pistes, tout en étant capables de se poser mutuellement des questions qui dérangent mais permettent d’apprendre les uns des autres.

 

Approfondissements sur le chapitre quatre : les saints au ciel

189.       Méthodistes et catholiques reconnaissent ensemble que les mots, les concepts et les images sont inadéquats pour exprimer le mystère de l’amour de Dieu et de la vie après la mort (137). Cependant, la richesse de la révélation divine dans les Écritures nous permet de professer ensemble que :

  • a victoire de Jésus Christ sur le péché et sur la mort et sa promesse de vie éternelle sont une source d’espérance pour les hommes qui affrontent la mort, dernière limite de l’expérience humaine (144) ;
  • l’espérance de la résurrection nous conduit à attendre le temps où « la mort ne sera plus, il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien aura disparu », et « où toutes choses seront faites nouvelles » ; le ciel est le but final et l’accomplissement des aspirations humaines les plus profondes, un état de suprême béatitude et bénédiction (165, citant Ap 21,4-5) ; notre espérance chrétienne est que « nous serons toujours avec le Seigneur » (138, citant 1 Th 4,17). Catholiques et méthodistes partagent cette espérance, ainsi que la responsabilité de garder vivante la promesse de vie éternelle dans le cœur des croyants et d’évangéliser le monde (166) ;
  • les credo œcuméniques proclament la communion des saints, le pardon des péchés, la résurrection des corps et la vie éternelle (141) ;
  • nous sommes appelés à aimer Dieu et nos semblables : ce rapport d’amour commence en cette vie et s’étend au-delà de la mort, quand notre connaissance et notre amour seront parfaits (139) ; la communion entre les saints sur la terre et les saints au ciel est semblable à celle d’une famille, où des liens d’amour continuent d’exister entre les vivants et les morts (143) ;
  • dans la communion des saints, nous reconnaissons la présence exemplaire de la grâce de Dieu en particulier dans certaines personnes qui, par leurs paroles et leur sainteté de vie – allant parfois jusqu’à verser leur sang pour Jésus –, témoignent de l’action transformante de l’Esprit ; leur témoignage est une source d’inspiration pour les saints sur terre (142) ; certains d’entre eux, comme les apôtres et les martyrs de l’Église primitive, sont nommés et honorés publiquement comme saints ; les saints au ciel sont pour les saints sur terre des amis invisibles qui les encouragent alors qu’ils poursuivent leur pèlerinage sur terre (156) ;
  • Dieu désire le salut de tous les hommes, et ce salut peut être atteint uniquement par Jésus Christ. L’espérance, pour ceux qui ne sont pas arrivés à une foi salvifique explicite en Jésus Christ, repose dans un Dieu juste et miséricordieux (147). Nous confions à la miséricorde divine les enfants et tous ceux qui meurent sans avoir reçu le sacrement du baptême, dans la conviction qu’ils prendront part aussi à la promesse de vie éternelle (148) ;
  • la puissance créatrice de Dieu réunira le corps et l’âme à la résurrection générale selon le modèle de Jésus Christ (146) ; et puisque le Christ a assumé tout ce qui est humain, tout ce qui est humain sera racheté (166) ;
  • e Christ  « reviendra pour juger les vivants et les morts » ; au jour du Jugement dernier, chaque personne se tiendra debout devant le Dieu Très Saint, et toute l’histoire de sa vie sera mise à nu (149). La miséricorde de Dieu est infinie ; elle comprend le don de la liberté humaine, y compris celle d’accepter ou de rejeter le don gratuit de Dieu du salut et son appel à la sainteté (149, 151) ; alors que les hommes peuvent choisir d’interrompre leurs rapports avec Dieu, catholiques et méthodistes veulent espérer que nul ne sera damné pour l’éternité (151) ;
  • nous attendons le retour du Seigneur, dont la venue marquera la fin de l’histoire du salut. La mission et le ministère de l’Église seront portés à leur terme quand toutes choses seront rétablies en Christ par la puissance de l’Esprit Saint (167).

190.       Découlant de leur profession de foi commune en la résurrection des corps, catholiques et méthodistes ont certaines pratiques en commun :

  • rituels pour les mourants et les défunts qui offrent une consolation à ceux qui les pleurent et proclament notre espérance dans la résurrection, parmi lesquels : prières avec la famille en deuil, souvent en présence du défunt ; lecture des Écritures, chant d’hymnes chrétiens, invocation de la miséricorde de Dieu sur le défunt ; veillée funèbre ; service ou messe de funérailles en mémoire du défunt ; inhumation ou crémation suivie de la dispersion respectueuse des cendres (145).

191.       Méthodistes et catholiques n’ont pas encore trouvé un plein accord sur la transition des chrétiens de la mort à la vie éternelle, et sur le rapport entre les saints sur la terre et les saints du ciel. Les principales divergences entre eux portent sur :

  • la doctrine du purgatoire. Pour ceux qui, à leur mort, ne sont pas préparés à voir Dieu face à face, la doctrine catholique du purgatoire envisage un processus de purification après la mort dans un état intermédiaire où le défunt est purgé de ses péchés et rendu parfait dans la sainteté par l’effet purificateur de la grâce de Dieu. Les réformateurs ayant rejeté la doctrine du purgatoire, les méthodistes se sont montrés circonspects dans leur enseignement au sujet de cette transition. Méthodistes et catholiques s’accordent à dire que le jugement particulier de Dieu au moment de la mort détermine la destinée finale d’une personne, et que la transition de la vie sur terre à la vie au ciel dépend de l’action miséricordieuse de Dieu : cette croyance commune peut constituer une base pour un dialogue futur (150-153) ;
  • la prière pour les défunts. Les catholiques croient à la possibilité et à l’efficacité d’un échange spirituel de prière entre tous les membres du corps du Christ. C’est pourquoi ils continuent de prier pour les défunts dont la purification n’est pas complète et à invoquer pour eux l’intercession des saints au ciel. Même si certains signes indiquent une plus grande ouverture des méthodistes à la pratique de prier pour les défunts, cela reste un sujet à examiner dans de nouvelles conversations (154-155) ;
  • l’intercession des saints est liée de près à ce qui précède. Les catholiques considèrent les saints du ciel comme des intercesseurs pour eux-mêmes et pour ceux qui sont sur terre, tout en considérant que Jésus est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Les méthodistes reconnaissent qu’il existe une solidarité mystérieuse entre les saints du ciel et les saints sur terre, mais ils sont généralement hostiles à l’invocation des saints pour ne pas compromettre l’unicité absolue du Christ comme seul médiateur (157-158) ;
  • le dogme catholique de l’Assomption de Marie et l’intercession de Marie. Les catholiques croient que Marie a été assumée corps et âme dans la gloire du ciel à la fin de sa vie terrestre. Les méthodistes, tout en saluant l’intention qui est au cœur de ce dogme de porter témoignage de l’action salvifique de Dieu en Jésus Christ et de la consumation finale de la sainteté de vie, ne trouvent aucun fondement scriptural à ce dogme (160-163). Catholiques et méthodistes continuent de diverger en ce qui concerne les implications spirituelles et pastorales de la place unique attribuée à Marie dans la communion des saints pour les saints sur terre. Il serait utile que méthodistes et catholiques continuent à se poser mutuellement des questions sur Marie, comme signe de grâce et de sainteté (164-165).

192.       Quelques questions à discuter au niveau local ou régional :

L’espérance chrétienne se fonde en définitive sur la mort et la résurrection de Jésus ; sa victoire sur le péché et sa résurrection d’entre les morts est la bonne nouvelle qui est au cœur de notre témoignage. Comment faire en sorte que méthodistes et catholiques puissent proclamer, avec les autres chrétiens, la vie nouvelle et la promesse de vie éternelle qui nous sont données en Christ ?

Catholiques et méthodistes s’accordent à dire qu’il existe des liens d’amour entre les vivants et les morts, qu’il y a une communion réelle entre les saints sur la terre et les saints du ciel, et que ces derniers nous inspirent et nous encouragent dans notre pèlerinage sur terre. Mais ils ne sont pas entièrement d’accord sur la prière pour les défunts, l’intercession des saints, et le rôle de Marie dans la vie des croyants. Pouvez-vous imaginer des moyens pour faire en sorte que catholiques et méthodistes puissent partager leurs histoires et leurs réflexions sur le rapport entre les saints du ciel et les saints sur la terre ? Et pour qu’ils puissent se réunir afin de prier ensemble pour ceux qui ne sont plus de ce monde ?

Ensemble, méthodistes et catholiques croient que Dieu veut le salut de tous les hommes et qu’il n’y a de salut qu’en Christ, qui a laissé aux chrétiens le mandat de répandre l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. De même, nous croyons et espérons ensemble que Dieu, toujours plein de miséricorde, peut offrir le salut aux non-baptisés et aux non-croyants. Catholiques et méthodistes sont-ils engagés ensemble dans le dialogue interreligieux dans votre région, et s’ils ne le sont pas encore, comment ce processus pourrait-il être facilité ?

Méthodistes et catholiques reconnaissent volontiers que les mots, les concepts et les images sont inadéquats pour exprimer et communiquer le mystère de l’amour de Dieu et celui de la vie après la mort. Quelle que soit la représentation que nous en avons, ensemble nous croyons que nous nous tiendrons devant Dieu, entièrement confiants en sa miséricorde infinie. Invitez vos pasteurs à partager sur la façon dont ils mettent en relation la miséricorde et la justice de Dieu dans leur enseignement et dans leur prédication.

La doctrine du purgatoire a été à l’origine de profondes divergences entre catholiques et protestants à l’époque de la Réforme, mais aujourd’hui certains signes montrent que ces divergences ne sont plus aussi graves qu’autrefois. Lorsque vous abordez ensemble la question du purgatoire et celle de la transition entre la mort et la vie éternelle, efforcez-vous d’éviter que vos divergences de vues ne vous conduisent à une impasse, et soyez toujours prêts à poursuivre le dialogue en regardant plutôt ces divergences comme des questions à approfondir.

Dans toutes ces questions et ces réflexions, ne perdez jamais de vue le rapport entre sainteté et unité, et encouragez les membres de nos deux communautés à toujours faire le lien entre la poursuite de la sainteté et les initiatives concrètes en vue de la réconciliation entre nous.

 

Éphésiens 1,1-10 (Bible TOB)

Paul, apôtre de Jésus Christ par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles en Jésus Christ : à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Béni soit Dieu le Père de notre Seigneur Jésus Christ : il nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les cieux en Christ. Il nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus Christ ; ainsi l’a voulu sa bienveillance à la louange de sa gloire et de la grâce dont il nous a comblés en son Bien-aimé : en lui, par son sang, nous sommes délivrés, en lui, nos fautes sont pardonnées, selon la richesse de sa grâce. Dieu nous l’a prodiguée, nous ouvrant à toute sagesse et intelligence. Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement : réunir l’univers entier sous un seul chef : le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre.

Au début de sa lettre aux Éphésiens, saint Paul réfléchit sur les thèmes de la grâce et de la sainteté à la lumière de toute l’histoire du salut. Par la grâce, Dieu a donné aux hommes la possibilité d’atteindre le salut. Avant la fondation du monde, Dieu a choisi un peuple en Christ pour qu’il soit « saint et irréprochable sous son regard », un état rendu possible uniquement par la mort rédemptrice du Christ pour le pardon des péchés.

La rédemption accomplie par le Christ est source d’abondantes bénédictions. En retour, Dieu doit être béni pour nous avoir bénis de toute bénédiction « dans les cieux ». La bénédiction des temps à venir a été prodiguée au Christ, qui siège à la droite de Dieu. En union avec le Christ, son peuple élu prend déjà part à cette espérance de bénédiction.

Dire que l’élection dans le Christ est advenue avant la fondation du monde revient à souligner qu’elle n’est due ni aux contingences historiques, ni au mérite des hommes, mais uniquement à la grâce souveraine de Dieu. Il est fait référence ici à une élection collective, plutôt qu’individuelle : Dieu choisit éternellement un peuple en Christ (c’est-à-dire l’Église), pour qu’il soit saint et irréprochable sous son regard au jour du jugement dernier, et qu’il participe ainsi à la pleine bénédiction des temps à venir.

L’élection est décrite comme un lien familial, puisqu’elle fait de nous les enfants adoptifs de Dieu par Jésus Christ. Pour décrire le nouveau rapport privilégié avec Dieu dont jouissent ceux qui sont en Christ, saint Paul se réfère à la loi gréco-romaine pour qui l’adoption conférait le statut d’héritier à ceux qui ne l’étaient pas par leur naissance. En vertu de la libre volonté d’élection de Dieu, ceux qui sont en Christ sont adoptés dans la famille de Dieu et jouissent de sa proximité en tant qu’enfants et héritiers.

La rédemption en Christ est rendue possible par la grâce « dont Dieu nous a comblés en son Bien-aimé », « à la louange de sa gloire ». Ces termes suggèrent à la fois l’abondance et l’extravagance de ce don, même si les mots sont inadéquats pour décrire les richesses inépuisables de la grâce de Dieu qui non seulement rend la rédemption possible, mais donne aussi la compréhension spirituelle et la sagesse nécessaires pour nourrir et approfondir la sainteté de vie.

Le « mystère » de la volonté élective et salvifique de Dieu a été révélé par la vie, le ministère, la mort et la résurrection-glorification de Jésus Christ. Saint Paul affirme que le but de l’élection de Dieu est sans limite : son intention est en effet « d’unir toute chose en lui, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » dans la plénitude des temps.

 

APPENDICE

Textes pour la prière et la méditation*

 

Prières de consécration à Dieu

 

Prière de saint Anselme

Seigneur Jésus Christ,
fais qu’en désirant je te cherche,
et qu’en te cherchant je désire,
qu’en aimant je te trouve,
et qu’en te trouvant j’aime.

En te rendant grâce, Seigneur,
je confesse que tu m’as fait à ton image,
pour que je puisse me souvenir de toi,
penser à toi et t’aimer.

Mais cette image est tellement abîmée,
effacée par mes fautes,
et obscurcie par la fumée du péché,
qu’elle ne saurait faire ce pourquoi elle a été faite,
si tu ne la renouvelles et ne la reconfectionnes pas.

Seigneur, je n’essaie pas de me hausser jusqu’à ta hauteur,
car mon intelligence en est totalement incapable,
mais je désire comprendre un peu de ta vérité
à laquelle mon cœur croit, et que déjà il aime.

Je ne cherche pas à comprendre pour croire,
je crois pour comprendre, et surtout,
je crois que je ne comprendrai pas
si je ne crois pas.

 

Prière d’alliance wesleyenne

Je ne m’appartiens plus : je suis à toi. Fais de moi ce que tu veux, mets-moi auprès de qui tu veux, mets-moi à agir, mets- moi à souffrir, fais que je sois utilisé pour toi ou laissé de côté pour toi, exalté pour toi ou abaissé pour toi, fais que je sois plein, fais que je sois vide, fais que j’aie toutes choses, fais que je n’aie rien. De tout cœur et librement je renonce à toutes choses selon ton bon plaisir et tes dispositions. Désormais, Dieu glorieux et Très-Saint, Père, Fils et Saint-Esprit, tu es à moi et je suis à toi. Ainsi soit-il. Et que l’alliance conclue aujourd’hui sur terre soit ratifiée dans le ciel. Amen[33].

 

Suscipe de saint Ignace de Loyola

Prends Seigneur et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence, toute ma volonté. Reçois tout ce que j’ai, tout ce que je possède. C’est toi qui m’as tout donné, à toi, Seigneur, je le rends. Tout t’appartient, disposes-en selon ton entière volonté et donne-moi ta grâce, elle seule me suffit.

 

Hymne de Charles Wesley

Toi qui connais tous les cœurs,
Écoute le cri du mien,
Entends en moi ton Esprit gémir
Aspirant à la pureté divine :
Et languissant de mon départ,
J’attends de retrouver ton image ;
Remplis-moi, Jésus, de ton amour,
Et reçois-le.

Dépourvu de sainteté,
Je ne suis pas comme mon Seigneur,
Et je ne suis pas prêt à posséder
L’immense récompense des saints.

Non, je ne puis pas voir mon Dieu
Sauf si, avant que je ne parte d’ici
Tu ne t’implantes en moi
Et me rends pur de cœur.

Alors participant de ta nature,
Et fondé dans ton image,
Sauveur, appelle-moi dans ton royaume
Couronné de vie immortelle ;
Comblé par ta présence glorieuse
Contemplant en extase muette,
Reposant blotti dans tes bras,
Et chantant des louanges éternelles[34].

 

Prières d’action de grâce pour avoir été sauvés et prières exprimant le désir d’imiter le Christ

 

Prière de Susannah Wesley

Je te remercie, mon Dieu, pour les innombrables raisons que j’ai de t’adorer, de te louer, d’exalter ta bonté et ton amour pour avoir envoyé ton Fils en ce monde mourir pour les pécheurs. Que de raisons j’ai de louer, d’adorer et d’aimer ce Sauveur qui a tant souffert pour me racheter ! Quels sentiments de gratitude je dois concevoir devant cette charité infinie envers nos âmes ! Aide-moi à porter ma croix gaiement et joyeusement pour Celui qui est mort sur la croix pour moi. Rend-moi capable de louer et d’adorer l’Esprit qui sanctifie et éclaire l’esprit ; qui coopère avec les moyens de grâce ; qui condescend à visiter, à assister et à vivifier mon âme par sa puissante influence. Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, auteurs ensemble de mon salut ! Amen[35].

 

Prière de Carlo Maria Martini, s.j.

Nous te louons et te remercions, Seigneur Jésus glorieux, d’être présent parmi nous et en nous. En nous, tu loues le Père par la voix de l’Esprit que tu nous as donné. Seigneur, alors que nous écoutons les paroles de l’Écriture, fais que cette voix s’éveille en nous de manière juste et correcte, appropriée au sens du texte et en harmonie avec ce qui nous est révélé. Fais que nous soyons prêts à distinguer comment répondre à l’enseignement et à l’exemple qui nous y sont proposés, car tu es Dieu, qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.

 

Prière de Mary Ward

Ô Parent des parents et ami de tous les amis, toi qui, sans en avoir été prié, as veillé sur moi et m’as aidée à me détacher progressivement de tout le reste pour pouvoir enfin mettre tout mon amour en toi.

Qu’ai-je jamais fait, mon Dieu, pour te plaire ? Ou qu’y avait-il en moi qui puisse te servir ? Comment ai-je jamais pu mériter d’être choisie par toi. Ô heureuse liberté qui s’ouvre à moi, commencement de tout mon bien, plus précieuse à mes yeux que tout ce qu’il y a au monde. Si je n’avais jamais entravé ta volonté et ton œuvre en moi, à quel degré de grâce ne serais-je pas parvenue ?

Me voici telle que je suis.

Mon Jésus, pardonne-moi, souviens-toi de ce que tu as fait pour moi et où tu m’as menée, et par un excès de ta bonté et de ton amour, fais que je ne fasse plus obstacle à ta volonté sur moi.

 

Hymne de Charles Wesley

Comme il est heureux l’enfant de la grâce
Qui sait que ses péchés lui sont pardonnés !
Ce monde, crie-t-il, n’est pas ma place,
Je cherche ma place au ciel :
Un pays éloigné de la vue des mortels.
Déjà je vois avec les yeux de la foi
La terre de repos, le délice des saints,
Le ciel préparé pour moi.

Comme un étranger en ce monde,
Je séjourne calmement ici-bas,
Ni son bonheur, ni son malheur
Ne suscitent mon espérance ou ma crainte :
Ses maux cessent en un instant,
Ses joies sont vite passées ;
Mais la bénédiction à laquelle j’aspire
Durera éternellement.

À cette Jérusalem céleste
Je me rends en chantant.
Bien qu’étant encore dans la chair,
Mon espérance, mon amour,
mon cœur et mon âme y sont déjà.
Là se tient mon Sauveur exalté,
Mon grand prêtre miséricordieux,
Il me tend ses mains blessées
Pour me serrer dans ses bras[36].

 

Prières pour les saints ici-bas

 

Prière traditionnelle à l’Esprit Saint

Viens, Esprit Saint, remplis le cœur de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour. Envoie, Seigneur, ton Esprit. Et tu feras toute chose nouvelle. Ô Dieu, qui as enseigné le cœur de tes fidèles par la lumière du Saint-Esprit, donne-nous, par ce même Esprit, d’avoir le goût de ce qui est droit et, grâce à son réconfort, d’être toujours dans la joie. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.  Amen.

 

Prière de John Henry Newman – Notre place dans la maison de Dieu

Dieu m’a créé en vue d’un service bien précis. Il m’a confié une tâche qu’il n’a confiée à nul autre.  J’ai ma mission. Je peux ne jamais la connaître en cette vie, mais elle me sera révélée dans l’autre. Je suis un maillon de la chaîne, un lien qui unit les personnes. Il ne m’a pas créé pour rien. Je ferai le bien : j’accomplirai son œuvre. Je serai un ange de la paix, un prédicateur de la vérité là où je suis, même sans le vouloir, si seulement je garde ses commandements.

C’est pourquoi je mettrai ma confiance en lui, et qui que je sois, je ne serai jamais rejeté. Si je suis malade, ma maladie peut le servir ; si je suis troublé, mon trouble peut le servir ; si je suis dans la peine, ma peine peut le servir. Car il ne fait rien en vain. Il sait ce qu’il fait. Il peut m’enlever mes amis. Il peut m’envoyer parmi les étrangers. Il peut me précipiter dans la désolation ou l’abattement, me cacher l’avenir. Mais toujours, il sait ce qu’il fait.

 

Une prière extraite de la Didaché pour l’unité des chrétiens

Nous te rendons grâces, ô notre Père,
Pour la vie et la connaissance
Que tu nous as accordées par Jésus, ton Serviteur.
Gloire à toi dans les siècles !

Comme ce pain rompu, autrefois disséminé
sur les montagnes,
A été recueilli pour n’en faire plus qu’un,
Rassemble ainsi ton Église des extrémités de la terre
Dans ton Royaume.
Oui, à Toi la gloire et la puissance,
Par Jésus Christ pour les siècles des siècles !

 

Hymne de Charles Wesley

Ô Christ, source de toute bénédiction,
Toi qui rends parfaits les saints ici-bas,
Écoute-nous, qui partageons ta nature,
Et qui sommes ton corps mystique :
Viens en nous, unis-nous en un seul esprit,
Fais que nous recevions encore de toi,
Pour recevoir davantage nous t’appelons,
Toi qui es tout en tous.

Garde notre esprit plus près de toi,
Nourris-nous, ô Christ, et rassasie-nous
Pour que nous grandissions de jour en jour,
Toujours plus dans la vie de Jésus :
Jésus ! Nous qui sommes tes membres,
Chéris-nous, veille sur nous avec le plus grand soin,
Ta chair et tes os, aime-les :
Aime les tiens à jamais.

Inspire-nous, envoie-nous, guide-nous,
Distribue entre nous tes dons divers :
Afin que placés dans le monde selon ta volonté,
Chacun de nous remplisse sa tâche,
Sans jamais s’écarter de son devoir,
Et en montrant son besoin des autres,
Utilise la grâce répandue sur chacun,
Tempérée par l’art de Dieu.

Avec douceur, désormais nous acceptons tous,
Touchés par la sympathie la plus douce,
De veiller les uns sur les autres avec bonté.
Chaque membre connaît son lot :
Chagrinés lorsqu’un membre est dans l’affliction,
Tous souffrent et gémissent ;
Fiers lorsqu’un membre est honoré,
Tous prennent part à la bénédiction commune.

Nous sommes nombreux maintenant,
et nous sommes un
Nous qui nous sommes revêtus de Jésus :
En toi, Seigneur, il n’y a plus ni esclave, ni homme libre,
Ni homme, ni femme.
L’amour, comme la mort, a tout détruit,
En annulant toute distinction :
Noms, sectes, partis disparaissent,
Toi, ô Christ, tu es tout en tous !

 

Prières sur les saints au ciel

 

Prière de saint Ambroise à sa mort

Emporte-moi, ô Christ, sur ta croix, salutaire aux errants, reposante aux fatigués, vivifiante aux mourants.

 

Prière pour les mourants (Proficiscere)

Maintenant tu peux quitter ce monde, âme chrétienne, au nom du Père Tout-Puissant qui t’a créé, au nom de Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant, qui a souffert pour toi, au nom du Saint-Esprit qui a été répandu en toi. Au nom des anges et des archanges, […] et de tous les saints et les saintes de Dieu. Qu’aujourd’hui ta place soit dans la paix et que ton séjour soit fixé dans la sainte Sion. Par Jésus Christ, notre Seigneur. Amen[37].

 

Prière d’action de grâce pour les fidèles défunts

Père éternel, Dieu des vivants et non des morts ; nous te rendons grâce et nous te louons pour les fidèles de toutes les générations qui t’ont servi avec piété et amour, et qui sont maintenant avec toi dans la gloire. Nous te rendons grâce pour ceux qui ont enrichi le monde de vérité et de beauté, pour les hommes sages et bons de tous les lieux et de tous les temps. Apprends-nous à les suivre comme ils ont suivi le Christ ; pour qu’à la fin nous puissions recevoir avec eux la récompense de la vie éternelle, par Jésus Christ, Notre Seigneur[38].

 

Hymne de Charles Wesley

Heureuses les âmes qui ont rejoint Jésus,
Sauvées par la grâce seule,
En marchant dans toutes tes voies, nous découvrons
Que notre ciel a commencé sur la terre.

De l’Église triomphante dans ton amour
Nous connaissons les joies puissantes,
Ils chantent là-haut des hymnes à l’Agneau,
Et nous des hymnes ici-bas.

Ils te louent dans ton royaume glorieux,
Et s’inclinent devant ton trône,
Et nous dans le royaume de ta grâce :
Ces royaumes ne font qu’un.
Le saint conduit au très saint,
De là nos esprits s’élèvent,
Et celui qui marche dans ta loi
Te rencontrera dans les cieux[39].

 

Prières pour la mission

Une prière pour la terre du Laudate Si du Pape François

Dieu Tout-Puissant
qui es présent dans tout l’univers
et dans la plus petite de tes créatures,
Toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe,
répands sur nous la force de ton amour pour que
nous protégions la vie et la beauté.
Inonde-nous de paix, pour que nous vivions
comme frères et sœurs
sans causer de dommages à personne.
Ô Dieu des pauvres,
aide-nous à secourir les abandonnés
et les oubliés de cette terre
qui valent tant à tes yeux.
Guéris nos vies,
pour que nous soyons des protecteurs du monde
et non des prédateurs,
pour que nous semions la beauté
et non la pollution ni la destruction.
Touche les cœurs
de ceux qui cherchent seulement des profits
aux dépens de la terre et des pauvres.
Apprends-nous à découvrir
la valeur de chaque chose,
à contempler, émerveillés,
à reconnaître que nous sommes profondément unis
à toutes les créatures
sur notre chemin vers ta lumière infinie.
Merci d’être avec nous tous les jours.
Soutiens-nous, nous t’en prions,
dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix.

 

Abréviations

BDUMC  The Book of Discipline of The United Methodist Church. Nashville, The United Methodist Publishing House, 2012.

BDUMC/ART   Articles of Religion of the Methodist Church (1808), 104, pp. 63-70.

BDUMC/CON   Confession of Faith of the Evangelical United Brethren Church (1963), 104, pp. 7075.

CEC   Catéchisme de l’Église catholique, deuxième édition1997.

CLP  The Methodist Church in Britain. Called to Love and Praise. 1999.

CPM   The Methodist Church in Britain. A Catechism for the Use of the People called Methodists, Rev. ed. 2000.

ENNT  John Wesley. Explanatory Notes on the New Testament.

GUG   Grace Upon Grace: The Mission Statement of the United Methodist Church, Nashville, Tenn., Graded Press, 1990.

HEFG   Heaven and Earth are Full of Your Glory (Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire, Document de la conférence des évêques des États-Unis et des représentants de l’Église méthodiste unie, sur l’eucharistie et l’écologie), 2012.

JCS   English Roman Catholic–Methodist Committee. ‘Justification – A Consensus Statement’. 1991; in One in Christ 28 (1992), 87-91.

DCDJ   Fédération luthérienne mondiale et Église catholique : Déclaration commune sur la Doctrine de la Justification, 1999.

LG   Lumen Gentium (Constitution Dogmatique sur l’Église), 1964.

MADCDJ   Déclaration méthodiste d’association avec la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, 2006.

MML   British Methodist/Roman Catholic Committee. Mary, Mother of the Lord: Sign of Grace, Faith and Holiness. Towards a Shared Understanding. Londres, CTS. Publications and Peterborough: Methodist Publishing House, 1995.

MR   Missel romain (3e édition, 2002).

MSB   The Methodist Service Book. Londres, Methodist Publishing House, 1975.

MWB   The Methodist Worship Book. Peterborough, Methodist Publishing House, 1999.

PL  Migne, Patrologia latina

RVM  Rosarium Virginis Mariaei (2002).

SC  Sacrosanctum Concilium (Constitution sur la liturgie, 1963).

UMBW  The United Methodist Book of Worship. Nashville, Tenn., The United Methodist Publishing House, 1992.

UR  Unitatis Redintegratio (Décret sur l’œcuménisme, 1964).

WJW  The Works of John Wesley, divers volumes et éditeurs (Oxford, Clarendon Press, 1975-1983 ; Nashville, Abingdon Press, 1984–).

 

Brighton   Dire la vérité dans l’amour – L’autorité d’enseignement chez les catholiques et les méthodistes, 2001.

Denver   Rapport de Denver, 1971.

Dublin   Rapport de Dublin, 1976.

Durban   Rencontrer le Christ, notre Sauveur : Église et sacrements, 2011.

Honolulu   Rapport d’Honolulu, 1981.

Nairobi  Vers une déclaration sur l’Église, 1986.

Rio  La Parole de vie : Déclaration sur la révélation et la foi, 1996.

Séoul   La grâce qui nous est donnée en Christ – Catholiques et méthodistes poursuivent leur réflexion sur l’Église, 2006.

Singapour   La tradition apostolique, 1991.

 

Des traductions en français des documents de l’Église catholique se trouvent sur www.vatican.va.

Note sur les citations des Écritures : Toutes les citations des Écritures sont extraites de la Bible TOB.

 

 

[1]. « Large Minutes » (1763), WJW 10,845.

[2]. WJW 7:547; première publication dans Charles Wesley, Hymns for Those that Seek and Those that have Redemption in the Blood of Jesus Christ (London: Strahan, 1747), no. 9. Traduction ad hoc.

[3]Confessions, Livre I, Chapitre 1.

[4]. John Wesley, Préface, Hymns and Sacred Poems (Londres, Strahan, 1739), p. viii.

[5]. Charles Wesley, Short Hymns on Select Passages of the Holy Scriptures, vol. 1 (Bristol, Farley, 1762), n. 22.

[6]. Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, conversation avec Andrea Tornielli, Robert Laffont, Presses de la Renaissance.

[7]. Sermon de John Wesley, « The New Creation », WJW 2,510, 18.

[8]. Cf. l’Exsultet ou Proclamation pascale.

[9]Adversus haereses, Livre IV, Chapitre 20.7.

[10]. Ces informations sur Sung sont tirées de Daryl R. Ireland, « John Sung : Christian Revitalization in China and Southeast Asia » (Ph.D. diss., Boston University, 2015).

[11]. Saved by Grace: A Statement of World Methodist Belief and Practice (1986; réédité en 1996) 7.

[12]. Cf. le sermon de John Wesley, « The General Spread of the Gospel », 11, WJW 2,489, MADCDJ 4.1.

[13]. Cité en CEC 1847, Sermo 169, 11, 13, PL 38, 923.

[14]. BDUMC, « Our Distinctive Heritage as United Methodists », p. 49 ; cf. British Methodist « Deed of Union », 4.

[15]. Sermon de John Wesley sur la perfection chrétienne, I.9, WJW 2,104.

[16]. Cf. le sermon de John Wesley « Working out your own salvation », WJW 3,199–209.

[17]. Interview du Pape François à Antonio Spadaro s.j., août 2013: https://w2.vatican.va/content/francesco/en/speeches/2013/september/documents/papa-francesco_ 20130921_intervista-spadaro.html.

[18]. Sermon de John Wesley sur « les moyens de grâce », II.1, WJW 1:381.

[19]. Saint Grégoire de Nysse, De beatitudinibus, 1.

[20]. Le Pape François met fortement l’accent sur ce point dans ses enseignements : cf. « Vivre Laudate si : le défi du Pape François pour l’Église catholique au Canada », Commission épiscopale pour la justice et la paix de la Conférence des évêques catholiques du Canada (2015), (http://www.cccb.ca/site/images/stories/pdf/184-902.pdf).

[21]. John Wesley « The Origin of Image-Worship among Christians », The Works of John Wesley, 3e ed., vol. 10 (Peabody, MA: Hendrickson, 1984; repr. 1872 ed.), p. 176.

[22]. Voir aussi le Directoire sur la piété populaire et la liturgie, 2001.

[23]. Maria Luisa Dagnino, Bakhita raconte son histoire (Rome, Casa Generalizia, Canossiane Figlie della Carità, 1993), p. 61.

[24]. D’après la première version des Funeral Hymns (Londres, Strahan, 1759), n. 1.

[25]. Sermon de John Wesley « On Faith », 6, WJW 4,191-92.

[26]. Cf. Ordre des funérailles chrétiennes, Proposition pour la veillée des défunts, et CEC 1475-6.

[27]. Sermons de John Wesley « Sur la foi », 12, WJW 4,197.

[28]. Accords ARCIC, Marie, grâce et espérance dans le Christ, 58.

[29]. Frère Beto, O Batismo de Sangue, 6e ed. (1983), pp. 51-52. 

[30]. Christian Salenson, Christian de Chergé, Une théologie de l’espérance, Bayard, 2009, Paris.

[31]Ibid.

[32]Ibid.

[33]. MWB, p. 290.

* Traductions ad hoc.

[34]. Cité par ST Kimbrough, Jr. and Oliver A. Beckerlegge, eds., The Unpublished Poetry of Charles Wesley, vol. 3 (Nashville, Kingswood, 1992), pp. 367-68.

[35]. W. L. Doughty, ed., The Prayers of Susannah Wesley (Londres, Epworth, 1956), p. 37.

[36]. Charles Wesley, Funeral Hymns (London: Strahan, 1759), no. 2, ss 1-3.

[37]. MWB, p. 431.

[38]Uniting in Worship 2 (Sydney, Assemblée de l’Église unie d’Australie, 2000), p. 304.

[39]. John Wesley et Charles Wesley, Hymns on the Lord’s Supper (Bristol, Farley, 1745), n. 96.