RENCONTRER LE CHRIST, NOTRE SAUVEUR : ÉGLISE ET SACREMENTS

 

Neuvième rapport du Dialogue international
entre le Conseil méthodiste mondial et l’Église catholique

Durban, 2011

 

 

PRÉFACE

 

Les membres de la Commission sont :

Catholiques

Évêque Michael Putney (coprésident), Australie

Père Mark Langham (cosecrétaire), Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens)

Évêque Michael Evans, Grande-Bretagne

Sr Dr Lorelei F. Fuchs, États-Unis

Père Dr Gerard McCarren, États-Unis

Père Dr Paul McPartlan, Grande-Bretagne/États-Unis

Évêque Joseph Osei-Bonsu, Ghana

Dr Clare Watkins, Grande-Bretagne

 

Méthodistes

Rev. Dr Geoffrey Wainwright (coprésident), États-Unis

Rev. Dr George Freeman (cosecrétaire), Conseil méthodiste mondial

Évêque Paolo Ayres Mattos, Brésil

Rev. Dr David Chapman, Grande-Bretagne

Rev. Dr Young-Ho Chun, Corée/ États-Unis

Rev. Dr James Haire, Australie

Évêque Walter Klaiber, Allemagne

Rev. Dr Karen Westerfield Tucker, États-Unis

 

Assistante de secrétariat 

Mme Roma Wyatt, Bureau du Conseil méthodiste mondial, Lake Junaluska, North Carolina[1]

 

 

Statut du présent document

Le présent rapport est l’œuvre de la Commission internationale de dialogue méthodiste-catholique. Ses membres ont été nommés par le Conseil méthodiste mondial et par le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens du Saint-Siège. Il s’agit d’un rapport commun de cette Commission, non d’une déclaration autorisée émanant de l’Église catholique romaine ou du Conseil méthodiste mondial, qui étudieront ce document en temps utile.

 

 

Liste des abréviations

BDUMC The Book of Discipline of The United Methodist Church, 2008.

BEM       Baptême, Eucharistie, Ministère, Commission Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises, Genève 1982.

BWS       By Water and the Spirit, Église Méthodiste Unie, 1996.

CCC        Catéchisme de l’Église catholique, Editrice vaticana, Mame-Plon pour l’édition française, 1992.

HLS        John et Charles Wesley, Hymns on the Lord’s Supper, Bristol, Felix Farley, 1745.

HPMF    His Presence Makes the Feast, Conférence méthodiste britannique, 2003.

DCDJ     Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification (Fédération luthérienne mondiale et Église catholique, 1999). Le Conseil méthodiste mondial s’y est associé en 2006

 

LG         Lumen Gentium, Constitution dogmatique sur l’Église, Concile Vatican II, 1964.

SC          Sacrosanctum Concilium, Constitution sur la Sainte Liturgie, Concile Vatican II, 1963.

THM      This Holy Mystery, Église Méthodiste Unie, 2004.

UR         Unitatis Redintegratio, Décret sur l’œcuménisme, Concile Vatican II, 1964.

WJW       The Works of John Wesley, vols. 1-3, Sermons, ed. Albert C. Outler, Nashville, Abingdon Press, 1984-86).

 

Abréviations des rapports de la Commission internationale de dialogue entre l’Église catholique romaine et le Conseil méthodiste mondial 

Brighton       Dire la vérité dans l’amour : l’autorité d’enseignement chez les catholiques et les méthodistes, 2001

Denver        Rapport de Denver, 1971

Dublin         Rapport de Dublin, 1976

Honolulu     Vers une Déclaration sur le Saint-Esprit, 1981

Nairobi        Vers une Déclaration sur l’Église, 1986

Rio              La Parole de Vie : Déclaration sur la Révélation et la foi, 1996

Seoul           La grâce qui vous est donnée en Christ ; catholiques et méthodistes poursuivent leur réflexion sur l’Église, 2006.

Singapore     La tradition apostolique, 1991

    

Ce neuvième rapport du dialogue international entre le Conseil méthodiste mondial et l’Église catholique romaine est le fruit de cinq années de travail de la part de la Commission mixte. Ses membres ont participé à une série de rencontres d’une semaine, d’abord au Monastère de Bose dans le nord de l’Italie, puis à Dublin, à Boston, et enfin à Fulda en Allemagne. Dans chacun de ces lieux, des contacts ont été organisés avec les communautés locales méthodistes ou catholiques chaque fois que possible. Les participants au dialogue ont prié ensemble chaque jour, et pendant la semaine une Eucharistie méthodiste et une Eucharistie catholique romaine ont été célébrées.

Le présent rapport traite des sacrements de l’Église et, plus en général, de la nature sacramentelle de l’Église. Ce thème, déjà apparu à diverses reprises dans les sessions précédentes, a été soulevé une nouvelle fois dans le dernier rapport du dialogue, La grâce qui vous est donnée en Christ, qui recueille également les fruits de nos précédentes discussions sur l’Église et autres questions connexes. Partant de la base solide de ce dernier rapport, la Commission de dialogue a pu aborder la question des sacrements du baptême et de l’eucharistie, et celle de la nature sacramentelle de l’ordination. Dans son premier chapitre, elle réfléchit également sur la nature sacramentelle du Christ lui-même. Toutes ces questions ont été étudiées à la lumière du mystère pascal du Christ, de sa mort et de sa résurrection pour notre salut à tous, un mystère qui est au cœur de la réalité sacramentelle.

Durant ces rencontres de dialogue d’une semaine, les participants ont grandi dans l’amitié et la compréhension mutuelle. L’amitié entre nous s’est développée dans bien des cas sur une période de plus de quinze ans. Et la compréhension mutuelle est le résultat d’un dialogue sérieux, honnête, qui, parce qu’il est authentiquement œcuménique, ne comporte aucun compromis ni ambiguïté.

L’espoir de ceux qui participent au dialogue est toujours que leur rapport soit reconnu par les méthodistes et les catholiques comme une expression appropriée et exacte de leur foi. Les participants au dialogue espèrent en outre que beaucoup pourront connaître leur joie en découvrant que leur foi dans ces réalités sacramentelles est, dans une large mesure, une foi partagée. Il reste encore beaucoup de questions à étudier mais, encore une fois, ce rapport est présenté au Conseil méthodiste mondial et au Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens avec l’espoir qu’il sera accepté comme un nouveau jalon sur le chemin de la pleine communion entre méthodistes et catholiques romains.

 

 

Professeur Geoffrey Wainwright
Coprésident méthodiste

Évêque Michael Putney
Coprésident catholique

 

 

Pentecôte 2011

 

MÉDITATION SCRIPTURALE

Philippiens 2,1-11

 

1S’il y a donc un appel en Christ, un encouragement dans l’amour, une communion dans l’Esprit, un élan d’affection et de compassion, 2alors comblez ma joie en vivant en plein accord. Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité. 3Ne faites rien par rivalité, rien par gloriole, mais avec humilité considérez les autres comme supérieurs à vous. 4Que chacun ne regarde pas à soi seulement, mais aussi aux autres. 5Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ : 6lui qui est de condition divine n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu. 7Mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes, et reconnu à son aspect comme un homme, 8il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. 9C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, 10afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, 11et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père [2].

 

1. Ce texte, qui « exprime tant de choses en si peu de versets », est en fait « une petite somme du message paulinien »[3]. Saint Paul y présente de façon condensée tout le drame du salut apporté par l’incarnation du Christ Jésus, le Fils de Dieu, et par le mystère pascal de sa mort et de son exaltation. Il s’adresse ici aux chrétiens de Philippes qu’il exhorte à vivre dans la concorde, en évitant toute rivalité entre eux. Le point décisif, c’est que la « communion dans l’Esprit » à laquelle il les appelle est celle-là même qui est « dans le Christ Jésus » (v. 5), et que le moyen pour y parvenir consiste à vivre « dans le Christ » (v. 1), selon l’enseignement constant de Paul à ses communautés (par ex. : Rm 6,11 ; 1 Co 1,30 ; Gal 3,28 ; Ep 1,3-10 ; Col 1,14-18). Vivre dans le Christ instillera en eux les attitudes et le comportement de leur Seigneur ; son humilité aimante et son obéissance désintéressée nourriront les leurs, et en partageant sa croix, ils auront part aussi à sa résurrection (cf. Rom 6,3-4).

2. Aux vv. 1-4, Saint Paul fait appel à ses dons de rhétoricien pour encourager l’Église de Philippes à rechercher l’unité. En fait, l’appel à l’unité de Paul aux Philippiens se base sur leur expérience de vie avec le Christ dans la communion de l’Esprit au sein de la communauté chrétienne. Cette communion est déjà donnée en Jésus Christ, et les chrétiens (ceux qui sont « dans le Christ ») sont appelés à la manifester en tout lieu et en tout temps. À l’aide de ses quatre propositions conditionnelles initiales, il cherche à convaincre les Philippiens qu’ils sont les destinataires de la sollicitude et de l’amour du Christ, membres d’une communion extraordinaire créée par l’Esprit de Dieu, et objets de l’amour et de la compassion de Dieu. C’est pourquoi ils doivent être attentifs à l’appel que Dieu leur adresse par sa bouche à cultiver l’harmonie et l’humilité. Saint Paul ne recherche pas l’uniformité d’opinion. Il ne demande pas aux Philippiens de penser tous de la même manière. Il leur demande plutôt d’avoir un regard plein d’amour, d’avoir un même cœur, une même affection les uns pour les autres, un même désir de vivre ensemble dans la bonne entente en renonçant au sectarisme qui va de pair avec la vanité et la convoitise, et en adoptant l’attitude humble de celui qui considère les autres comme supérieurs à lui-même. Bref, il leur demande de vivre « en plein accord » (v. 2), comme on le fait « en Christ Jésus » (v. 5). Avec l’union des cœurs et des esprits, l’unité se renforce, l’Église grandit, et les chrétiens sont affermis dans la foi.

3. Les versets 6-11 sont généralement considérés par les commentateurs comme l’un des tout premiers hymnes chrétiens sur Jésus à cause notamment de la façon dont ce passage débute, de sa cadence rythmée, de ses phrases bâties sur le modèle des strophes, des particularités de son vocabulaire, etc. Ces versets rapportent les paroles et les actes de Jésus tels qu’ils ont été conservés dans la tradition évangélique (voir en particulier Jn 13,3-17 ; Mt 16,25-26 ; 18,4 ; 23,12 ; Lc 14,11 ; 18,4). Au cœur de cet hymne, il y a l’évangile même de Jésus Christ.

4. Les Philippiens s’étaient laissés guider par l’ambition, se croyant meilleurs que les autres, se jugeant trop supérieurs pour servir leurs frères, soucieux surtout de primer et de dominer sans prêter suffisamment attention aux besoins de leur prochain (vv. 1-4). Or le Christ, tel qu’il apparaît dans cet hymne, remet radicalement en question chacune de ces fausses valeurs. C’est pourquoi il est pour Paul le vrai modèle d’une vie authentique. L’hymne christologique (vv. 6-11) présente Jésus comme l’exemple suprême du service humble, désintéressé, altruiste et généreux, celui-là même que Paul exhorte les Philippiens à pratiquer dans leurs rapports entre eux. Alors que cet hymne a probablement été composé à l’origine avec une intention christologique et sotériologique, les motivations de Paul en le citant ici sont principalement d’ordre éthique et ecclésiologique. Les Philippiens doivent se comporter comme on le fait en Jésus Christ, et ils le feront en vivant « en Jésus Christ », en ayant un même amour et un même cœur.

5. L’hymne commence par décrire le Christ avant l’incarnation, lorsqu’il partageait la nature de Dieu et était l’égal de Dieu. Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, la vraie nature de Dieu n’est pas de posséder toutes choses et de les garder pour lui, mais de les distribuer généreusement pour l’enrichissement des autres, comme l’a montré le Christ : il n’a pas revendiqué la condition de Dieu qui lui appartenait de droit, mais s’est au contraire abaissé en revêtant délibérément la condition la plus humble. Lui qui était dans la condition de Dieu est devenu pleinement homme – et même serviteur – pour servir les autres.

6. Dans l’acte d’abaissement de l’incarnation, Dieu s’est fait homme, et il s’est dévoué entièrement au bien de l’humanité. Jésus n’a jamais cherché à défendre son honneur ou ses droits, mais en se livrant, et renonçant à lui-même, en s’offrant en sacrifice, il a défendu l’honneur et les droits de tous les hommes. Obéir comme un serviteur faisait sa joie. Son obéissance était si radicale qu’il ne se déroba pas même devant la mort, et la plus cruelle des morts, celle par crucifixion. Sur la croix, Jésus était entièrement sans défense, dans un état de dépouillement total. Comme le Serviteur souffrant (cf. Es 42,1-7 ; 49,1-6 ; 50,4-9 ; 52,13-53,12) dont l’image se dessine en toile de fond de cet hymne, Jésus a donné librement sa vie par obéissance et par fidélité à Dieu, en devenant vraiment un homme pour les autres. Et comme le Serviteur souffrant, Dieu l’a ensuite « souverainement élevé » (v. 9) et établi comme « Alliance du peuple » et « Lumière des nations » (Es 42,6).

7. Jésus a institué l’eucharistie comme célébration et renouvellement de l’Alliance nouvelle et éternelle (cf. Mt 26,28 ; Mc 14,24), pour que ses disciples puissent communier (koinonia) à son corps et à son sang (1Co 10,16), et vivre vraiment en Christ (cf. Jn 6,56). Le baptême est le sacrement qui impartit cette incorporation dans le Christ. Les baptisés doivent se considérer comme « morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Rm 6,11). Le présent rapport étudie dans le détail comment catholiques et méthodistes comprennent le baptême et l’eucharistie comme donnant et nourrissant la vie en Christ, et plus particulièrement comme donnant et nourrissant la participation des baptisés à la mort et à la résurrection salvifiques du Christ. Il examine aussi comment catholiques et méthodistes comprennent la nature et le rôle des ministres ordonnés dans l’Église, de ceux qui vont en mission prêcher l’Évangile et baptiser (Mt 28,19) et qui guident le peuple de Dieu dans la célébration de l’eucharistie (cf. Lc 22,19 ; 1 Co 11,24-25). C’est en effet à travers la Parole, le baptême et l’eucharistie que les membres du corps du Christ vivent en lui. Ces questions sont d’une importance vitale pour l’unité, la paix et la réconciliation dans l’Église de notre temps, car ce que Paul enseignait aux Philippiens est encore vrai aujourd’hui, à savoir que c’est en vivant dans le Christ et dans son mystère pascal que l’Église peut trouver l’unité et la paix.

8. Dans l’économie divine, c’est en donnant qu’on reçoit, c’est en perdant sa vie qu’on la trouve, c’est en mourant qu’on vit, c’est en s’abaissant qu’on est exalté. Tel est le message de Paul aux Philippiens, un message qu’il communique de façon si éloquente sous la forme d’un hymne. Les derniers versets de l’hymne (vv. 10-11) ont un sens christologique profond ; ils suggèrent que c’est en vivant dans le Christ et en annonçant son mystère pascal que les chrétiens confessent vraiment le Christ. C’est en se comportant comme on le fait en Jésus Christ, comme Paul les y exhorte (v. 5), que les Philippiens fléchissent le genou devant le Christ, comme toute créature doit le faire (v. 10). Ces versets finaux vont aussi dans le sens de la prédication de Pierre (Ac 2,36) selon laquelle Dieu a fait de Jésus, que les hommes avaient crucifié, le Seigneur et le Christ, Celui que tous doivent servir, objet d’un culte universel. Il se peut que certaines créatures rejettent la souveraineté du Christ et refusent de s’y soumettre. Mais chaque fois que quelqu’un confesse ouvertement et joyeusement que Jésus Christ est Seigneur, le Père est glorifié (v. 11) et sa volonté est faite. À la fin des temps, toutes choses seront soumises au Christ, « tout genou… dans les cieux, sur la terre et sous la terre » fléchira à son nom (v. 10), et toutes choses seront réunies en lui, « ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,10), réconciliées à Dieu par le Christ qui a apporté la paix « par le sang de sa croix » (Col 1,20). Et « quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15,28).

 

 

CHAPITRE UN

Le Mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ

 

9. « Allez par le monde entier, proclamez l’Évangile à toutes les créatures » (Mc 16,15). En se basant sur ces paroles d’adieu de Jésus au moment de son ascension, les chrétiens croient que le monde entier a besoin d’entendre la bonne nouvelle, l’Évangile de Jésus Christ, que Paul résume ainsi : « Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts, issu de la race de David » (2 Tm 2,8). Autrement dit, Jésus n’a pas seulement annoncé la bonne nouvelle ; il est la bonne nouvelle, le Sauveur (cf. Lc 2,11), Celui qui « enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Les chrétiens croient que le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort (cf. Rm 5,12). Dieu est la source de toute vie (cf. Gn 1-2), et en rejetant Dieu, le péché se coupe de lui. Livré à lui-même, l’homme ne peut pas s’affranchir du cycle du péché et de la mort. « Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir, puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais... Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? » (Rm 7,18-19, 24). En réponse à cette question angoissante, Paul proclame ce qu’il a eu la grâce de découvrir : « Grâce soit rendue à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur ! » (Rm 7,25).

10. Pour nous sauver et nous réconcilier avec lui (cf. 2 Co 5,18), Dieu nous a envoyé son Fils « qui a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans péché » (He 4,15 ; cf. 1 Jn 3,5), « agneau sans défaut et sans tache » (1 P 1,19). Vrai Dieu et vrai homme[4], « issu de la race de David », il est mort par solidarité avec l’humanité pécheresse, « obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Ph 2,8). Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, l’a « souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus Christ, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,9-11). Ainsi, le cycle du péché et de la mort est maintenant rompu. Dans le plan de grâce de Dieu, le Fils a assumé la nature humaine « afin de réduire à l’impuissance, par sa mort, celui qui détenait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable, et de délivrer ceux qui, par crainte de la mort, passaient toute leur vie dans une situation d’esclave » (He 2,14-15). Le Christ « nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime, comme un parfum d’agréable odeur » (Ep 5,2), et le Père l’a ressuscité dans l’Esprit (cf. Rm 8,11). « Christ est ressuscité ! » – tel est le cœur de la bonne nouvelle – et par sa mort et sa résurrection nous sommes délivrés de notre esclavage et pouvons vivre la plénitude de vie pour laquelle Dieu nous a créés. Jésus a dit : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10).

11. Dans le Nouveau Testament, le mot « mystère » renvoie au « plan divin du salut autrefois caché, mais maintenant révélé dans le Christ incarné »[5]. Étant donné que ce plan est centré sur la mort et sur la résurrection du Christ, et que les premiers chrétiens appliquèrent aux événements de Pâques le terme Pascha qui désignait à l’origine la Pâque juive, la mort et la résurrection du Christ et le moyen extraordinaire par lequel notre salut a été ainsi obtenu sont appelés aussi « mystère pascal ». « L’Église n’est pas née de sa propre initiative : elle a pris naissance dans l’acte rédempteur de Dieu en Christ et vit en union avec la mort et la résurrection du Christ, réconfortée, guidée, et puissamment aidée par le Saint-Esprit. Comme membres de l’Église du Christ, et en communion avec les chrétiens de tous les temps, nous croyons que nous continuons aujourd’hui encore à prendre part à la vie et au mystère pascal du Fils incarné, soutenus par l’Esprit de Dieu »[6]. Le rapport de chaque chrétien et de l’Église tout entière avec le mystère pascal de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ est le sujet de la présente réflexion commune entre catholiques et méthodistes.

12. Saint Paul exprime ce qui est au cœur de la vie chrétienne lorsqu’il dit : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Il s’en est remis entièrement à lui, au point que sa vie est désormais le Christ : « Pour moi, vivre c’est Christ » (Phil 1,21). Et plus précisément, il dit clairement que c’est le Christ crucifié qui vit en lui : « Avec le Christ, je suis un crucifié… car ma vie présente dans la chair, je la vis dans ma foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,19-20). Mais le Christ qui a été crucifié a été ensuite ressuscité, et Saint Paul sait que la résurrection est à l’œuvre aussi en lui. Tous les baptisés ont été « ressuscités avec le Christ » (Col 2,12 ; 3,1). C’est pourquoi ils doivent se considérer comme « morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Rm 6,11). Cette vie nouvelle, vécue en union intime avec Christ et avec sa mort et sa résurrection, est déjà le début de la vie éternelle ; le « mystère » longtemps caché mais maintenant révélé, c’est « Christ au milieu de vous, l’espérance de la gloire » (Col 1,27).

13. Comment les chrétiens peuvent-ils vivre « en union avec la mort et la résurrection du Christ »[7] ? C’est évidemment une question fondamentale à laquelle nous, catholiques et méthodistes, devons apporter une réponse commune si nous voulons établir entre nous la « pleine communion de foi, de mission et de vie sacramentelle »[8] que nous recherchons. Cette pleine communion ne peut être qu’une pleine communion dans le Christ et dans le « mystère pascal ». Déjà, nous pouvons dire ensemble que la foi chrétienne est la foi au Christ qui nous a aimés et s’est livré pour nous (cf. Ga 2,20) ; que la mission des chrétiens est d’annoncer « Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié » (1 Co 2,2), « Jésus Christ, ressuscité d’entre les morts » (2 Tm 2,8) ; et que, par les sacrements du baptême et de l’eucharistie, nous participons au Christ, à sa mort et à sa résurrection. Les chrétiens sont baptisés « dans sa mort… afin que comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle » (Rm 6,3-4). Et comme Jésus nous l’a enseigné, nous recevons dans l’eucharistie sa chair « donnée pour que le monde ait la vie » (Jn 6,51) et son sang « versé pour la multitude pour le pardon des péchés » (Mt 26,28).

14. En premier lieu, il est important de reconnaître que l’union avec le Christ est en elle-même une union avec sa mort et sa résurrection. Vivre la vie « cachée avec le Christ, en Dieu » (Col 3,3) c’est aussi participer à son mystère pascal. Nous n’avons pas besoin de regarder ailleurs que vers le Christ pour trouver sa mort et sa résurrection. Et ces événements n’appartiennent pas seulement au passé, puisque le Christ est toujours présent. Bien qu’elles soient advenues dans le passé, sa mort et sa résurrection sont désormais incorporées dans le Seigneur vivant de notre foi. Car comme le disent les Écritures, il était nécessaire « que le Christ souffrit cela et qu’il entrât dans sa gloire » (Lc 24,26). Le Seigneur ressuscité porte à jamais les marques de son sacrifice dans son corps (cf. Jn 20,20, 27 ; Ap 5,6). Il occupe maintenant sa place de Grand-Prêtre dans le sanctuaire céleste, portant le sang par lequel il a assuré une rédemption éternelle et intercédant dorénavant « pour sauver ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu » (He 7,24-25 ; cf. 5,10 ; 8,1-2 ; 9,11-12 ; 12,24). Au ciel, les chants des saints célèbrent sa victoire : « Il est digne, l’agneau immolé, de recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange ! » (Ap 5,12). Autrement dit, le Christ, son sacrifice et sa victoire ne font qu’un et sont indissociables. Toute rencontre avec le Seigneur vivant est donc nécessairement une rencontre avec le mystère de sa mort et de sa résurrection, comme l’ont découvert les apôtres le soir de Pâques quand Jésus ressuscité est apparu parmi eux et leur a montré les marques de ses blessures (cf. Jn 20,19-29). Vivre en union avec le Christ, c’est vivre en union avec sa mort et sa résurrection. En participant au Christ, nous participons aussi à son mystère pascal : « Sans cesse, nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps » (2 Co 4,10). Saint Paul a indiqué la voie à tous les chrétiens quand il a dit : « Il s’agit de le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances, de devenir semblable à lui dans sa mort, afin de parvenir, s’il est possible, à la résurrection d’entre les morts » (Ph 3,10-11).

15. Ce désir, nous l’exprimons au moment de notre baptême, et nous le renouvelons chaque fois que nous célébrons l’eucharistie. Notre vie en Christ débute sacramentellement par le baptême ; et elle est nourrie, affermie et soutenue par l’eucharistie où nous recevons « la chair de notre Sauveur Jésus Christ qui a souffert pour nos péchés, et que le Père a ressuscité par sa bonté »[9]. Comme l’a dit Saint Ignace d’Antioche, le pain eucharistique est « un remède d’immortalité, un antidote contre la mort, pour la vie éternelle dans le Christ »[10]. John Wesley, qui considérait le péché des hommes comme une maladie, reconnaissait avec Saint Ignace d’Antioche[11], Saint Clément d’Alexandrie[12] et d’autres Pères de l’Église que Jésus Christ est à la fois le médecin des corps et des âmes[13]. Dans l’un de ses hymnes, Charles Wesley dit : « Que ton sang soit mon remède »[14].

16. L’Église est la communion de ceux qui, ayant entendu la Parole et répondu dans la foi (cf. Rm 10,14-17), vivent en Christ à jamais, lavés par baptême et nourris par la Parole et par l’eucharistie. Pour les Pères de l’Église, l’eau et le sang qui ont jailli du côté du Christ crucifié figurent respectivement le baptême et l’eucharistie (cf. Jn 19,34) ; ils enseignaient que l’Église est sortie du côté de Jésus Christ, comme Ève est sortie du côté d’Adam[15]. L’Église est donc l’épouse du Christ : il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier et de la prendre avec lui (cf. Ep 5,25-27). Mais l’Église est aussi le corps du Christ (cf. 1 Co 12,12-30), comme Paul le découvre sur le chemin de Damas en entendant Jésus ressuscité lui demander : « Pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9,4-5). Il découvre ainsi que le Christ est présent dans ses disciples ; il vit en eux, et eux en lui, comme Jésus lui-même l’a enseigné : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jn 6,56). Plus tard, Saint Augustin dira que la Tête et le Corps ne font qu’un : ils forment l’unus Christus[16], le totus Christus[17].

17. Méthodistes et catholiques reconnaissent cet enseignement scriptural et patristique comme un précieux héritage partagé. Ensemble, nous proclamons que nous sommes sauvés en participant à la mort et à la résurrection du Christ, et que l’Église est la communion de ceux qui, comme membres du Christ (cf. 1 Co 6,15 ; 12,27) sont aussi membres les uns des autres (cf. Rm 12,5). La qualité de membre est donnée par le baptême et renouvelée par l’eucharistie, et ces sacrements sont les moyens ordinaires de la grâce et du salut (cf. Mc 16,16 ; Jn 6,53). L’Église est le corps et l’épouse de Jésus Christ[18], la communion du salut.

18. Tout en étant essentiellement social, le salut est aussi essentiellement corporel, comme le montrent les nombreuses références faites ci-dessus à la nature corporelle du Christ, à ses souffrances, à sa mort et à sa résurrection. Ce ne sont pas seulement nos âmes qui sont sauvées ; les chrétiens croient à la « résurrection des corps ». Saint Paul exhorte les Corinthiens à ne pas mépriser leur corps : « Glorifiez donc Dieu par votre corps » (1 Co 6,20). Les actes sacramentels sont des célébrations corporelles du salut que le Christ a acquis pour nous ; ils utilisent des éléments physiques de la création tels que l’eau, le pain, le vin et l’huile, toujours accompagnés de la proclamation de la Parole.

19. L’Église sera à jamais le corps et l’épouse du Christ (cf. Ep 1,22-23 ; Ap 21,2, 9-10). En ce sens transcendant, l’Église est eschatologique et invisible, elle appartient au Royaume de Dieu. Mais catholiques et méthodistes croient que l’Église est aussi une réalité présente et visible, aussi présente et visible que l’eau du baptême et le pain et le vin de l’eucharistie, aussi présente et visible que le prédicateur de la bonne nouvelle et la communauté chrétienne rassemblée. L’Église est donc une « réalité complexe »[19], à la fois présente et future, terrestre et céleste, « le lieu où les premiers signes du Royaume de Dieu sont identifiés et reconnus dans le monde »[20]. « Emplie de la puissance de l’Esprit », l’Église est sur la terre « signe, sacrement et héraut du Royaume de Dieu dans le temps »[21]. Proclamer la parole, célébrer les sacrements, et vivre dans la charité sont ses activités fondamentales en tant que corps du Christ. Ensemble, catholiques et méthodistes croient que lorsque les Écritures sont proclamées et prêchées fidèlement, c’est le Christ lui-même qui parle, comme il le fit sur le chemin d’Emmaüs en expliquant les Écritures aux disciples avant de rompre le pain avec eux (cf. Lc 24,13-35) ; que lorsque les sacrements sont célébrés, le Christ lui-même en est le ministre (cf. Luc 24,31, 35) ; et que l’amour que les chrétiens pratiquent est « l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur » (Rm 8,39), l’amour « répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5)[22]. La proclamation de la parole et la célébration des sacrements sont donc des actes du Christ accomplis dans et à travers son corps qu’est l’Église, afin de l’édifier dans l’amour et d’y attirer sans cesse de nouveaux membres.

20. Dans cette perspective, méthodistes et catholiques n’opposent plus parole et sacrements comme deux catégories distinctes de la présence et de l’action du Christ, mais regardent plutôt les importants points communs qui existent entre eux. « Nous croyons que le Verbe incarné est sacramentel, que les Écritures sont sacramentelles, que les sacrements… sont tous des proclamations de la Parole (cf. 1 Co 11,26) »[23]. Comme on vient de le voir, nous disons ensemble que l’Église, corps du Christ, est en sacramentelle elle-même[24] et que, tout en étant autre que le Christ, et même parfois insoumise, elle a néanmoins été prise par le Christ pour épouse, afin que dans et à travers elle il puisse être présent et agissant dans le monde : « Qui vous écoute m’écoute et qui vous repousse me repousse ; mais qui me repousse, repousse celui qui m’a envoyé » (Lc 10,16 ; cf. Mt 10,40 ; Jn 13,20). Il en résulte que l’Église est en elle-même une proclamation la Parole, « une lettre du Christ... écrite non avec de l’encre mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur vos cœurs » (cf. 2 Co 3,3).

21. L’Église primitive avait conscience de l’état de chute de l’humanité et de toute la création. Le fait que Dieu veuille que tous les hommes soient sauvés (cf. 1 Tm 2,4) montre que tous ont besoin du salut. La doctrine du « péché originel », développée progressivement dans le temps, est en quelque sorte l’« autre face » de la bonne nouvelle que Jésus Christ est le Sauveur de tous les hommes, et que par lui le salut est offert à tous[25]. Adam a été vu en contrepoint du Christ, le second Adam : « Comme tous meurent en Adam, en Christ tous recevront la vie » (1 Co 15,22). Mais le salut dans le Christ a aussi une dimension cosmique : toutes choses ont été créées « par lui et pour lui » (Col 1,16), et toutes seront réunies en lui, « ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,7-10). Cependant la création endure l’« esclavage de la corruption », souffre entre les mains des pécheurs, « gémit dans les douleurs de l’enfantement », et attend « avec impatience la révélation des fils de Dieu » (cf. Rm 8,19-22). Toute la création a besoin du Christ, le Fils unique de Dieu, et ceux qui sont devenus les enfants de Dieu, « cohéritiers de Christ » (Rm 8,16-17), par l’action du Saint Esprit, manifestent sa présence non seulement devant les hommes, mais devant toute la création. C’est pourquoi, pour les catholiques comme pour les méthodistes, le Christ est aussi le « Christ cosmique » qui a pris avec lui l’Église, son corps, et agit à travers elle pour le bien de l’humanité et de toute la création.

22. En tant que corps du Christ, formée par la Parole de Dieu et par les sacrements du baptême et de l’eucharistie, l’Église participe de ce double mouvement du Christ. Elle prend part au ministère et au service du Christ, envoyé dans le monde pour manifester l’amour de Dieu pour le monde (cf. Jn 3,16-17), mais aussi au don de soi du Christ Grand-Prêtre (cf. He 7,27 ; 9,26) et à sa louange du Père et du Saint-Esprit (cf. Lc 10,21). En Christ, l’Église est donc essentiellement « à la fois une communauté de culte et de mission »[26].

23. En perspective de sa mort imminente, Jésus annonça aux apôtres qu’il leur enverrait le Saint-Esprit : « Le Saint-Esprit… vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26) et il « vous fera accéder à la vérité tout entière » (Jn 16,13). Lors de son ascension, Jésus leur dit : « Et moi je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). Mettant toute leur espérance dans la promesse de la présence du Christ et de la conduite du Saint-Esprit, les chrétiens croient aux sacrements célébrés par l’Église, sachant qu’à un niveau profond ce sont non seulement des actes de l’Église, mais des actes du Christ lui-même dans l’Esprit. Les sacrements ont ainsi une valeur objective, ce que les catholiques soulignent parfois à l’aide de l’expression ex opere operato(« par la puissance du rite »), indiquant qu’ils confèrent infailliblement la grâce de Dieu lorsqu’ils sont célébrés validement. En même temps, ils permettent aux individus d’avoir une expérience subjective du salut dès lors que la grâce offerte est reconnue et accueillie, un aspect qui est plus marqué dans l’enseignement méthodiste sur l’« assurance ». En tant qu’aspects objectif et subjectif, respectivement, d’une même réalité, non seulement les approches catholique et méthodiste peuvent être réconciliées, mais elles auraient beaucoup à gagner d’une recomposition dans laquelle elles pourraient se compléter mutuellement. Il n’est donc pas nécessaire que catholiques et méthodistes considèrent cette différence particulière entre eux comme un motif de division.

24. Y a-t-il néanmoins une divergence entre méthodistes et catholiques dans leur façon de définir ce qu’est exactement l’Église, ce qui l’identifie ? Ici aussi, la différence d’approche est évidente. Les catholiques auraient tendance à partir de la communauté pour arriver à l’individu, tandis que les méthodistes iraient plutôt dans la direction opposée[27]. Cependant cette différence ne doit pas être exagérée. John Wesley a dit : « L’Évangile du Christ ne connaît pas d’autre religion que sociale, ni d’autre sanctification que la sanctification sociale »[28]. Les méthodistes comprennent l’Église comme une communauté de fidèles « au sein de laquelle la Parole de Dieu est prêchée dans sa pureté et les sacrements dûment administrés »[29]. Pour les méthodistes, il est important aussi que l’Église se situe fidèlement dans la continuité de l’Église primitive, spécialement dans la mission[30]. Cette description est centrée sur les réalités objectives de la parole et des sacrements, mais en même temps elle s’inspire de la vision méthodiste de l’histoire chrétienne marquée à différents moments par des risques et des discontinuités en matière de foi[31]. Pour les méthodistes, ces discontinuités sont embrassées par la puissance du Saint Esprit qui réforme, renouvelle et recrée l’Église en marche dans l’histoire. L’Église catholique insiste elle aussi sur la réalité objective de la parole et des sacrements et reconnaît que l’Église a besoin d’une « réforme permanente » dans son pèlerinage à travers l’histoire[32]. Mais elle souligne également l’importance de la continuité visible dans la vie de l’Église ; elle enseigne que « l’ordre des évêques… succède au collège des apôtres »[33], et que l’Église que le Christ a fondée et confiée à Pierre et aux apôtres après la résurrection « constituée et organisée en ce monde comme une communauté, subsiste dans l’Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui »[34]. À la lumière de tout ceci, il est vraiment remarquable que « les catholiques et les méthodistes voient aujourd’hui une occasion de situer le ministère méthodiste dans un cadre plus reconnaissable de succession apostolique »[35].

25. Dans l’Église catholique, les évêques sont considérés comme étant insérés dans la succession apostolique : « grands-prêtres » de leur troupeau[36], ils sont ceux qui offrent le sacrifice eucharistique[37], « source et sommet de toute la vie chrétienne »[38]. Or historiquement, ces fonctions sacerdotales et sacrificielles ont été jugées problématiques par les protestants. De leur côté, les catholiques estiment généralement que ces aspects du ministère ordonné font défaut chez les protestants[39]. L’un des buts du présent rapport est précisément d’examiner ces importantes questions dans l’espoir de rapprocher davantage les méthodistes et les catholiques.

26. Il faut rappeler que le présent rapport traite de la façon dont les chrétiens vivent « en union avec la mort et la résurrection du Christ »[40] au moyen des sacrements ; l’importance de la Parole dans notre vie en Christ a été examinée dans un précédent rapport de ce dialogue[41]. Au début de cette réflexion commune, nous tenons à réaffirmer notre conviction que « la personne humaine est pour son salut entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu »[42]. C’est uniquement par la grâce de Dieu que nous vivons en union avec la mort et la résurrection du Christ, et nous sommes entièrement dépendants du don de soi que le Christ a d’abord fait pour nous. « Dans la justification, les justifiés reçoivent du Christ la foi, l’espérance et l’amour et sont ainsi reçus dans la communion avec lui. Cette nouvelle relation personnelle à Dieu est exclusivement fondée dans la miséricorde de Dieu et demeure toujours dépendante de l’œuvre créatrice et salvatrice du Dieu miséricordieux qui est fidèle à lui-même et en qui la personne humaine peut, pour cette raison, placer sa confiance »[43]. En même temps, nous devons garder toujours présent à l’esprit qu’« un point vital d’accord entre les méthodistes et les catholiques romains est le besoin d’une participation libre et active, par la grâce, à l’œuvre de salut de Dieu »[44].

27. Les chapitres qui vont suivre vont tenter de mieux préciser notre compréhension commune des réalités sacramentelles du baptême, de l’eucharistie et du ministère, en se concentrant sur les points qui, historiquement, ont été problématiques entre catholiques et méthodistes. Ce premier chapitre a posé les bases de ce qui va suivre, en soulignant notre compréhension commune de l’enseignement scriptural sur la nature sacerdotale du Christ, sur l’unité entre le Christ et son sacrifice, offert une fois pour toutes mais toujours actuel, et sur l’unité entre le Christ et l’Église, son corps et son épouse.

 

 

CHAPITRE DEUX

Le baptême comme participation à la mort et à la résurrection du Christ

 

I. Notre affirmation commune de base

28. « Ignorez-vous que nous tous, baptisés en Jésus Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? Par le baptême, en sa mort, nous avons donc étés ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle » (Rm 6,3-4). Catholiques et méthodistes ont en commun la foi scripturale selon laquelle, par leur baptême, les croyants sont rendus participants du mystère pascal du Christ. Le baptême, célébré validement, unit les baptisés au Christ, et donc aussi les uns aux autres, en dépit des divisions historiques prolongées entre chrétiens.

29. En conformité avec la compréhension du baptême comme « lien sacramentel d’unité »[45] du Concile Vatican II, et suivant la recommandation de Baptême, Eucharistie, Ministère[46] du Conseil œcuménique des Églises relative à la reconnaissance du baptême, catholiques et méthodistes reconnaissent mutuellement leurs baptêmes dans maintes parties du monde. Comme le déclare le rapport de Séoul : « Notre baptême commun au nom de la Trinité est notre lien sacramentel d’unité, le fondement visible de la profonde communion qui existe déjà entre nous et qui nous pousse à une unité toujours plus profonde les uns avec les autres ainsi qu’à participer toujours davantage à la vie et à la mission du Christ lui-même »[47].

30. Méthodistes et catholiques partagent un certain nombrer de pratiques baptismales qui manifestent leur foi commune :

a. Tant dans l’Église catholique que dans les Églises du Conseil méthodiste mondial, on est baptisé avec de l’eau au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Dans les deux traditions, le baptême peut être donné par immersion ou par aspersion, et il n’y a aucune tendance à accepter une seule de ces modalités comme valide.

b. Les rituels du baptême, chez les méthodistes comme chez les catholiques, font appel au langage scriptural du baptême tel qu’il a été fixé par la tradition. Par exemple : Dieu nous aime comme un père ; l’œuvre salvifique du Christ et l’incorporation dans son corps ; la puissance du Saint-Esprit ; la repentance et le pardon des péchés ; la foi et la nouvelle naissance. Notre langage témoigne que le baptême nous fait participer à la vie de la Trinité.

c. Nos deux communautés sont conscientes que la forme originelle du baptême était le baptême des adultes, capables de professer leur foi lorsqu’ils recevaient le baptême. Catholiques et méthodistes croient que l’amour salvifique de Dieu manifesté par la mort et la résurrection de Jésus Christ précède l’articulation de notre foi ; c’est pourquoi ils baptisent à la fois les nouveau-nés et les adultes. « Aussi bien l’Église méthodiste que l’Église catholique considèrent qu’il est juste de baptiser les enfants de parents croyants. Elles encouragent leurs membres à saisir les occasions qui leur sont offertes pour renouveler les vœux qu’ils ont faits ou qui ont été faits pour eux lors du baptême »[48].

De cette foi baptismale fondamentale et de cette célébration découlent un fort sens de la mission et un appel à une « vie sainte », communs aux méthodistes et aux catholiques.

31. Par notre baptême, nous participons au mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus Christ. Il existe cependant entre méthodistes et catholiques des accentuations diverses, notamment sur le rapport entre baptême et foi ; entre baptême et vie nouvelle ; et entre baptême et Église. Nous allons maintenant examiner ces trois thèmes à la lumière de notre conviction commune qui prime sur tout le reste : tout ce qui advient dans le baptême est l’œuvre de la grâce de Dieu en Jésus Christ. Par le baptême, Dieu nous donne sa grâce et son amour, et ce que le baptême crée et réalise dans la vie de l’Église et dans celle des croyants est le fruit ce que Dieu a accompli par la mort et la résurrection de Jésus Christ et de ce qu’il accomplit en nous par l’action du Saint-Esprit.

II. Baptême et foi

32. « Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités puisque vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts » (Col 2,12). Ce verset souligne avec force notre participation baptismale à la mort et à la résurrection du Christ. Ce faisant, il semble lier tout spécialement le baptême à la mort de Jésus, et la foi à sa résurrection. Mais il ne s’agit pas tant ici de distinguer entre baptême et foi comme moyens pour participer à la vie en Christ, que de mettre en lumière leur lien indissociable : le baptême appelle la foi et la foi appelle le baptême. On trouve des témoignages nombreux et complexes en ce sens dans le Nouveau Testament.

33. Dans les Actes, le lien semble apparemment simple. Le jour de la Pentecôte, Pierre conclut son sermon par cette exhortation : « Convertissez-vous : que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit ». Il est dit ensuite : « Ceux qui accueillirent sa parole reçurent le baptême » (Ac 2,38-41). De même, à Philippes, le geôlier qui demande aux apôtres : « Que dois-je faire pour être sauvé ? » reçoit d’eux cette réponse : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison » ; et après avoir entendu la parole de Dieu, « sans plus attendre, il reçut le baptême, lui et tous les siens » (Ac 16,30-34). Dans d’autres passages, l’accent est mis davantage sur l’enseignement préalable et sur la conversion personnelle, même si la séquence croire-recevoir le baptême apparaît toujours clairement : « Crispus, chef de synagogue, crut au Seigneur avec toute sa maison, et beaucoup de Corinthiens, en écoutant Paul, devenaient croyants et recevaient le baptême » (Ac 18,8).

34. Les Épîtres pauliniens nous offrent une double perspective sur baptême et foi. C’est la foi qui sauve, car « nous savons que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la foi, mais seulement par la foi de Jésus Christ » (Ga 2,16) ; et « si, de ta bouche, tu confesses que Jésus est Seigneur, et si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Rm 10,9). Mais lorsque Saint Paul exhorte les croyants à fonder leur foi en Jésus Christ, il met plutôt l’accent sur le baptême : « Mais vous avez étés lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1 Co 6,11). Dans certains passages, foi et baptême sont mentionnés ensemble : « Car tous, vous êtes, par la foi, fils de Dieu en Jésus Christ. Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ » (Ga 3,26-27). Foi et baptême sont donc intimement liés, et ils sont nécessaires ensemble pour obtenir le salut de Dieu par Jésus Christ.

35. S’il existe clairement un rapport de complémentarité entre foi et baptême dans le Nouveau Testament, ce n’est pas un rapport qui peut être défini une fois pour toutes, ni décrit de façon simple et linéaire comme l’un précédant l’autre. Dans une situation missionnaire, devenir un croyant précède normalement le baptême. Mais il y a d’autres circonstances, en particulier dans le baptême des nouveau-nés, où recevoir le baptême appelle la foi, une foi qui embrasse ce qui a été reçu dans le baptême. En recevant le baptême, nous recevons ce que Dieu a accompli pour nous par la mort et la résurrection de Jésus Christ ; la foi consiste dans notre acceptation personnelle de ce don fondamental pour notre vie. Dans le Nouveau Testament, foi et baptême correspondent à deux aspects distincts mais indissociables de notre participation au mystère pascal.

36. La centralité de la foi dans le baptême est bien mise en évidence par les rituels des catholiques et des méthodistes. Dans un rituel méthodiste, les candidats au baptême (s’ils sont capables de répondre pour eux-mêmes) sont appelés à dire « Oui » aux questions : « Confessez-vous que Jésus Christ est votre Sauveur, mettez-vous toute votre foi dans sa grâce, et promettez-vous de le servir comme votre Seigneur ? »[49]. De même dans l’Église catholique, les candidats adultes au baptême sont invités à professer leur foi avant de recevoir le baptême[50].

37. Mais en dépit de cette croyance commune, catholiques et méthodistes interprètent différemment le rapport entre foi et Église, ce qui peut aussi influer sur leur compréhension du baptême. Dans l’Église catholique, une grande importance est donnée à « la foi de l’Église ». Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que « c’est d’abord l’Église qui croit, et ainsi porte, nourrit et soutient ma foi… C’est par l’Église que nous recevons la foi et la vie nouvelle par le Baptême »[51]. Les méthodistes peuvent admette que les candidats au baptême reçoivent leur foi de la prédication de l’Église. Dans les rituels baptismaux méthodistes, toute la congrégation professe la foi de l’Église universelle où les baptisés – adultes ou nouveau-nés – sont reçus[52]. Néanmoins les méthodistes tendent plutôt à considérer la foi comme le choix personnel de croire à Jésus Christ et d’avoir confiance en Dieu pour l’amour du Christ et par la puissance du Saint-Esprit. Cette dimension n’est pas absente dans l’Église catholique. La confession de l’Église nourrit la foi des baptisés : « Avec elle et en elle [l’Église], nous sommes entraînés à confesser : ‘Je crois’, ‘Nous croyons’ »[53]. Il y a clairement ici une convergence fondamentale entre catholiques et méthodistes, mais aussi une différence d’accentuation dans l’interprétation de ce rapport.

38. Entre eux il existe cependant un terrain commun, qui découle d’une compréhension de la foi dans laquelle les aspects personnel et communautaire sont intimement liés : « La foi est toujours personnelle et jamais privée, car la foi incorpore la croyance individuelle dans une communauté de foi. Une telle foi est à la fois une conviction personnelle et un partage de ce qui est soutenu par la communauté des croyants. La foi n’est jamais uniquement un assentiment intellectuel à ce que l’Église enseigne, ni une conviction personnelle purement émotionnelle : croire en Dieu et dans le salut qu’il a préparé pour nous est la réponse vivante de toute la vie du croyant, et change nos vie dans tous ses aspects ; c’est une foi personnelle, une foi vivante »[54].

39. Cette déclaration contient trois points communs importants entre méthodistes et catholiques sur la compréhension de la foi :

  • La foi est orientée à la transformation de la vie tout entière : la foi a le pouvoir de tout changer dans la vie du croyant.
  • Ensemble, méthodistes et catholiques reconnaissent que la foi n’est ni une simple adhésion intellectuelle aux enseignements de l’Église, ni une émotion, ou une expérience, ou une conviction personnelle. La foi comporte à la fois une adhésion au message de l’Évangile et une réponse personnelle, affective.
  • Pour les méthodistes comme pour les catholiques, foi personnelle et foi de l’Église vont ensemble.

40. Les méthodistes ont tendance à mettre l’accent sur l’aspect « subjectif », et les catholiques sur l’aspect « objectif »[55], et cette différence d’accentuation a une implication directe sur la compréhension du rapport entre foi et baptême. Alors que pour les catholiques le baptême est le fondement de toute la vie chrétienne, les méthodistes tendent à insister plutôt sur l’importance de la foi – sans que ni les uns ni les autres ne nient le rôle crucial de l’autre aspect.

41. Dans l’histoire de l’Église, on a assisté à une lutte constante pour « équilibrer » les rôles de la foi et du baptême. Chacune à sa manières, nos deux communautés se sont efforcées d’éviter chacun des deux extrêmes décrits dans le document Par l’eau et par l’Espritde l’Église méthodiste unie : « L’Église méthodiste unie n’accepte pas l’idée selon laquelle seul le baptême du croyant serait valable, ni la notion selon laquelle le baptême des enfants procurerait magiquement le salut indépendamment d’une foi personnelle »[56]. Cette seconde préoccupation en particulier – sur la nécessité d’une foi personnelle active – découle de l’expérience missionnaire de Wesley et des premiers évangélisateurs méthodistes.

42. Dans nos deux communautés, l’expérience a montré que le fait d’être baptisé ne garantit pas une foi personnelle active (tout en nous gardant bien de juger trop hâtivement en quoi consiste cette « foi personnelle active »). C’est pourquoi la pratique largement répandue dans l’Église catholique de baptiser les nouveau-nés repose non seulement sur la notion de foi de la communauté, mais aussi sur l’« espoir fondé », discerné par le ministre du baptême, que l’enfant sera éduqué dans la religion catholique[57]. Dans le rite latin du baptême des nouveau-nés, le célébrant s’adresse ainsi aux parents : « Vous demandez le baptême pour votre enfant. Ce faisant, vous vous engagez à l’éduquer dans la foi »[58]. Le baptême des enfants présuppose une catéchèse continue au foyer et dans la vie de la communauté ecclésiale. De même, Par l’eau et par l’Esprit dit que « le baptême d’un enfant est bien compris et apprécié lorsqu’il est aimé et entouré à la fois par une Église fidèle dans le culte et par sa parenté. Si un enfant a été baptisé, mais que sa famille ou son parrain/sa marraine ne l’élève pas fidèlement dans la foi, la congrégation a une responsabilité toute particulière d’intégrer cet enfant en son sein »[59]. Pour nos deux communautés, se pose alors la grave question de la façon dont nous veillons à la croissance dans la foi de ceux qui ont reçu le baptême. Méthodistes et catholiques reconnaissent que dans bien des cas, nos églises ont encore beaucoup de travail à faire dans le domaine de la préparation et de la catéchèse pré- et post-baptismale.

43. Méthodistes et catholiques s’accordent donc sur la notion fondamentale du rapport nécessaire entre foi et baptême et sur la complexité de ce rapport. Il y a ici, dans une large mesure, un terrain commun entre nous. Sur la base de cette convergence, nous pouvons apprendre les uns et les autres en tirant profit de nos accentuations différentes. C’est un encouragement à poursuivre nos conversations mutuellement enrichissantes sur : les dimensions personnelle et communautaire de la foi baptismale ; sur comment discerner et nourrir pastoralement cette foi ; et en particulier sur le rapport entre foi et appartenance, toutes deux présentes dans nos traditions quoique avec des accentuations différentes, comme aspects authentiques de notre foi. Cette réflexion partagée sur foi et baptême débouche sur la perspective de la mission et de l’évangélisation, une perspective qui concerne tous ceux qui cherchent à être disciples du Christ dans les cultures contemporaines. Le processus d’apprentissage mutuel entre catholiques et méthodistes peut nous aider à approfondir la compréhension du rapport entre baptême et foi, comme moyens par lesquels Dieu partage avec nous ce qu’il a accompli pour nous dans la mort et la résurrection de Jésus Christ.

44. Ces réflexions mettent en lumière l’importance d’un cheminement dans la foi. La prière : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » (Mc 9,24) témoigne du sentiment humain d’être appelé à approfondir continuellement sa foi. La foi personnelle n’est pas une « chose » que nous recevons une fois pour toutes. La foi est quelque chose qui grandit et mûrit en vivant une vie chrétienne[60]. La redécouverte du catéchuménat comme préparation au baptême dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes (RICA) de l’Église catholique, souligne ce sens d’un cheminement dans la foi. Le fait que les méthodistes attribuent également une grande importance à la préparation au baptême indique que nos deux communautés se rejoignent dans la compréhension de ce processus de foi.

Cette compréhension de la foi a des conséquences sur la façon dont nous comprenons le rapport entre foi et baptême. Tant pour les catholiques que pour les méthodistes, le baptême ne peut être célébré qu’une fois. Si nous concevons la foi comme un processus, il nous est plus facile d’accepter que cet unique baptême, comme sacrement de la foi, soit célébré à des moments différents du cheminement de foi selon les individus. Cela pourrait valoir dans nos communautés respectives, mais aussi entre elles. L’Évangile nous montre Jésus en marche depuis son baptême dans le Jourdain jusqu’à son « baptême » du Calvaire (cf. Mc 10,38). Il nous indique ainsi que le baptême est un appel à suivre Jésus, une vocation à partager sa vie et ses souffrances, mais aussi à participer à l’œuvre salvifique de Dieu par la croix du Christ et par sa résurrection. Notre foi nous dispose à centrer toute notre vie sur ce que Dieu a accompli pour nous en Jésus.

III. Baptême et vie nouvelle

45. Comme chrétiens, nous avons part à la vie éternelle par le sacrifice que le Fils de Dieu a fait pour nous (Jn 3,14-16). Mais d’après l’Évangile, il faut pour cela que nous naissions à une « vie nouvelle ». Jésus a dit à Nicodème : « En vérité, je te le dis, nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jn 3,5 ; cf. Jn 3,1-16). Au cours des siècles, cet enseignement évangélique a été interprété par les chrétiens comme mettant en relation la nouvelle naissance avec le baptême et avec l’action du Saint-Esprit. Naître à une vie nouvelle « par l’eau et par l’Esprit » renvoie à la fois à l’acte sacramentel et à la mystérieuse liberté de l’Esprit : « Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3,8). L’Écriture nous présente l’éternelle question du lien entre action de Dieu et rituel dans les sacrements. Et plus précisément, ces versets posent la question du rapport entre baptême et « nouvelle naissance » ou « régénération ». Il convient que nous examinions cette question ensemble, catholiques et méthodistes, à la lumière de nos traditions respectives.

46. Comme méthodistes et comme catholiques, nous croyons que nous sommes transformés par le baptême. Dans la fidélité à l’Écriture (par ex. Rm 6,3-4), nous disons ensemble que « le baptême est une action de Dieu par laquelle les baptisés commencent leur vie avec le Christ Rédempteur et participent à sa mort et à sa résurrection »[61]. Le baptême fait des baptisés des membres de l’Église du Christ, en leur ouvrant le chemin qui les fera participer à la sainteté de Dieu[62]. Le baptême est un acte irrévocable et divin : « Lorsque le Christ est reçu dans la foi, le péché originel est effacé, les péchés sont pardonnés, les baptisés sont justifiés aux yeux de Dieu et deviennent une nouvelle création ; avec tous les croyants ils ont part à la communion de l’Esprit ; et ils sont appelés à chercher la perfection dans l’espérance et dans l’amour par la réponse dans la foi aux dons de grâce incessants venant de Dieu »[63].

47. La vie nouvelle ne peut commencer et grandir que lorsque prend fin l’ancienne vie qui faisait obstacle à la grâce de Dieu. Le baptême marque donc à la fois l’entrée dans la vie nouvelle dans l’Esprit et le renoncement à l’ancienne vie de péché. Ces deux aspects de l’œuvre salvifique de Dieu sont profondément enracinés dans l’enseignement biblique sur le baptême. Jean le Baptiste proclamait « un baptême de conversion en vue du pardon des péchés » (Mc 1,4). À la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus, Pierre dit à la foule après le sermon de la Pentecôte : « Convertissez-vous : que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint-Esprit » (Ac 2,38).

Nos deux traditions reconnaissent explicitement ce modèle de repentance et de vie nouvelle dans le baptême. Le Catéchisme de l’Église catholique mentionne les « deux effets principaux » du baptême : « la purification des péchés et la nouvelle naissance dans l’Esprit Saint »[64]. Le Livre liturgique des méthodistes britanniques décrit ce qui se passe dans le baptême en termes similaires : « Dieu nous appelle et nous purifie, il nous délivre du péché et nous fait entrer dans une vie nouvelle »[65]. De même, dans l’« action de grâces sur l’eau », le ministre prie ainsi : « Envoie ton Saint Esprit afin que ceux qui sont baptisés dans cette eau meurent au péché, ressuscitent avec le Christ, et naissent à une nouvelle vie dans la famille de ton Église »[66].

D’après l’enseignement catholique, tous les péchés sont remis par le baptême, en y incluant à la fois le « péché originel » et les « péchés personnels »[67]. Bien que l’enseignement wesleyen et méthodiste ne lie pas aussi explicitement la question du péché originel à une lecture théologique du baptême, la doctrine du péché originel fait partie des croyances méthodistes[68]. C’est l’expression la plus claire de la vérité selon laquelle « devant Dieu tous les hommes sont condamnés, incapables de se sauver eux-mêmes, ayant besoin de la miséricorde et du pardon divins »[69]. Le baptême est le sacrement de la grâce inconditionnelle de Dieu : par le baptême, Dieu guérit tout ce qui nous sépare de lui et nous fait entrer dans la vie nouvelle en Christ par la puissance de l’Esprit.

48. Cette croyance partagée soulève la question plus spécifique de savoir comment méthodistes et catholiques conçoivent le rapport entre l’événement ou la célébration du baptême et la « régénération » ou la « nouvelle naissance ». La régénération est-elle un effet nécessaire du baptême ? La nouvelle naissance dans le Christ ressuscité requiert-elle toujours la célébration baptismale ?

49. En répondant à ces questions, nos traditions respectives n’utilisent pas le même langage. Le langage catholique classique sur les sacrements s’inspire beaucoup de la pensée scholastique qui s’appuie sur l’Écriture et sur les Pères. La compréhension méthodiste est en grande partie le fruit des expériences fondatrices vécues par Wesley dans sa mission et dans sa prédication, ainsi que de l’héritage historique anglican. Cette provenance différente de notre langage sur le baptême requiert une certaine prudence lorsque nous nous interrogeons sur la compréhension que nous en avons les uns des autres. En elles-mêmes, les différences linguistiques n’indiquent pas nécessairement des différences de croyances substantielles susceptibles d’être un facteur de division pour nos communautés.

50. Les méthodistes reconnaissent qu’il existe une certaine ambivalence dans la prédication de John Wesley sur le rapport entre baptême et régénération. Cette ambivalence apparaît notamment dans son adaptation de l’article XXII des trente-neuf « Articles de l’Église d’Angleterre », devenu l’Article XVII des « Articles de la religion méthodiste ». Dans cet article, Wesley considère le langage du baptême comme le signe d’une réalité intérieure, en se démarquant de la position des baptistes (telle qu’il l’entendait) pour qui le baptême consistait uniquement dans l’acte de confession du baptisé. « Le baptême n’est pas seulement un acte de profession de foi chrétienne ou un signe qui distingue les croyants des autres ; il est aussi le symbole de la régénération ou nouvelle naissance »[70].

51. En principe, John Wesley partageait la doctrine anglicane de la nouvelle naissance baptismale. Dans un hymne composé pour les premiers méthodistes, il compare le baptême à un « sceau » qui fait des baptisés les héritiers de la rédemption :

 

Esprit éternel, descend des cieux,
Baptiseur de nos esprits,
Applique le sceau sacramentel,
Et témoigne maintenant avec l’eau.
Oh ! Que les âmes baptisées dans cette eau,
Puissent connaître ta vérité et ta miséricorde,
Qu’elles naissent à nouveau, lavées de leur péché
Viens, Saint-Esprit, sceller leur pardon[71].

                                          (traduction libre)

 

De même, dans son sermon sur « Les marques de la nouvelle naissance », Wesley déclare que la régénération est « associée ordinairement au baptême »[72].

52. Cependant, dans son expérience de prédicateur, Wesley rencontrait des personnes qui ne vivaient pas une vie chrétienne, tout en affirmant qu’elles étaient sauvées par leur baptême, ce qui l’amena à s’interroger sur le rapport entre baptême et régénération. Confronté à ces personnes qui rejetaient son invitation à une foi personnelle sous prétexte qu’elles avaient été baptisées, John Wesley n’hésita pas à leur dire, à propos de leur référence de routine au baptême : « Vous vous appuyez sur un bâton brisé en disant que vous êtes nés de nouveau au moment de votre baptême »[73]. Plus tard, il affirma expressément dans un sermon qu’en lui-même « le baptême n’est pas une nouvelle naissance » : il n’est que le « signe extérieur et sensible » d’une « grâce intérieure et spirituelle », qui est « la mort au péché » et « la nouvelle naissance pour la justice ». « Car on voit sans peine qu’il y a là deux opérations [en parlant de baptême et régénération], l’une extérieure, l’autre intérieure »[74]. On retrouve cette distinction dans un hymne baptismal de Charles Wesley qui dit :

 

Que la grâce intérieure promise
Accompagne le signe,
Imprimé dans l’âme nouvellement née
Le nom divin glorieux :
Père, révèle-lui tout ton amour,
Jésus, impartis-lui tout ton esprit,
Saint-Esprit, renouvelle-la
Et demeure à jamais en elle[75].           

 

                                          (traduction libre)

 

53. L’ambivalence de Wesley sur le point de savoir si le baptême est en lui-même une régénération, et si la nouvelle naissance est rendue effective par la célébration, se retrouve dans le méthodisme contemporain. Les Articles de foi utilisent le langage des « signes » et des « symboles »[76] tout en laissant ouverte la question de l’effectivité. De nos jours, les méthodistes expriment généralement leur point de vue sur cette question en ces termes : « Le baptême est le signe sacramentel d’une nouvelle vie par et dans le Christ, par la puissance du Saint-Esprit. Défini aussi comme régénération, nouvelle naissance ou naissance à une vie nouvelle, cette œuvre de la grâce fait de nous de nouvelles créatures dans l’Esprit (2 Co 5,17). Nous mourrons à notre ancienne nature dominée par le péché et entrons dans la vie même du Christ qui nous transforme. Le baptême est le moyen qui nous fait entrer dans une vie nouvelle dans le Christ (Jn 3,5 ; Tt 3,5), mais la nouvelle naissance ne coïncide pas toujours avec le moment de l’administration de l’eau ou de l’imposition des mains. La conscience et l’acceptation de notre rédemption par le Christ et de la vie nouvelle en lui peut varier au cours de notre vie. Mais de quelque façon que soit vécue la réalité de cette nouvelle naissance, elle réalise la promesse que Dieu nous a faite dans notre baptême »[77].

Ce texte ne définit pas la régénération comme étant véritablement un effet du baptême, et il tient compte aussi de la réalité pastorale qui montre que cet effet n’est pas immédiat, ni même certain, du point de vue de la conversion personnelle et de la transformation de la vie.

54. Les rituels du baptême pratiqués de nos jours chez les méthodistes soulignent l’existence d’un rapport entre baptême et nouvelle naissance. Les nouveaux baptisés sont accueillis dans la congrégation par ces mots : « Par le Baptême vous avez été incorporés par le Saint-Esprit dans la nouvelle création de Dieu et rendus participants du sacerdoce royal du Christ ».

Lorsque le pasteur invoque le don de l’Esprit sur les baptisés, il/elle les désigne comme « ceux qui sont nés de l’eau et de l’Esprit »[78].

On note ici une tendance à identifier le baptême avec une nouvelle naissance, en considérant la régénération comme un effet de la grâce toujours associé au baptême. Mais cela ne signifie pas que la nouvelle naissance découle causalement de la célébration du rituel baptismal. L’observation de Wesley selon laquelle il y a beaucoup de baptisés qui (apparemment) ne sont pas « nés à une vie nouvelle » – une observation valable encore aujourd’hui – rend problématique un strict lien causal.

55. Le méthodisme reconnaît que nombre de personnes, surtout parmi celles qui ont été baptisées à la naissance, auront besoin plus tard « de professer la foi de l’Église proclamée dans le baptême comme étant leur propre foi »[79]. On touche ici au cœur de la foi méthodiste. D’une part, les méthodistes considèrent le baptême – y compris celui des nouveau-nés – comme un signe puissant de la grâce prévenante à l’œuvre dans notre vie avant même que nous soyons capables de croire et de professer notre foi. De l’autre, ils sont fermement convaincus que la grâce opère envers une foi proclamée personnellement, et que les croyants doivent être invités à professer leur foi publiquement en paroles et en actes. Cette double conviction relative au baptême et à ses effets trouve en quelque sorte une expression structurelle dans la distinction faite dans nombre de communautés méthodistes entre baptisés et membres professants/confirmés de l’Église.

56. Les catholiques mettent l’accent sur l’efficacité du baptême. Le baptême efface les péchés, fait du baptisé une création nouvelle, l’incorpore dans le Christ, impose sur lui « une marque spirituelle indélébile » ou « caractère sacramentel » et lui confère la grâce divine[80]. Ce langage reflète l’accentuation plus « objective » des catholiques, qui croient dans l’efficacité des sacrements ex opere operato[81]. Mais il présente aussi une ressemblance frappante avec celui de Par l’eau et par l’Esprit cité ci-dessus.

57. Les catholiques reconnaissent que l’expérience pastorale peut sembler en contradiction avec la croyance dans un changement objectif apporté par le baptême. Parfois, la réalité du caractère sacramentel conféré par le baptême ne semble pas être accompagnée d’un signe clair de régénération personnelle – ou vie nouvelle – dans le vécu réel du baptisé. Dans ces conditions, les catholiques peuvent partager les préoccupations de Wesley et du méthodisme contemporain décrites précédemment : comment identifier purement et simplement la nouvelle naissance avec le baptême, alors qu’il y a des baptisés qui, apparemment, ne vivent pas la vie nouvelle en Christ ? C’est une question qui a trait à l’effet subjectif de ce sacrement.

Cette préoccupation pastorale partagée ne remet pas en question la croyance catholique dans l’efficacité du baptême ex opere operato. Pour les catholiques, le baptême est toujours efficace en tant qu’acte de Dieu, qui fait du baptisé un membre du corps du Christ qu’est l’Église. Cette « maque spirituelle indélébile » du baptême peut être vue comme un effet ecclésial ; les baptisés sont immanquablement incorporés dans l’Église. En même temps, la grâce impartie par le baptême – la grâce d’une nouvelle naissance – porte des fruits spirituels dans la vie du baptisé à mesure qu’il grandit dans la foi et la maturité. L’œuvre de la grâce peut être entravée par notre péché et notre faiblesse humaine ; mais la réalité dont elle découle – l’action de Dieu – ne saurait être effacée par ces échecs. Les catholiques affirment donc d’une part que le baptême est toujours efficace en tant qu’acte divin, et de l’autre que les baptisés doivent grandir dans la vie de grâce inaugurée par cet acte. Une telle croissance est nécessaire pour que la fin propre du baptême – la régénération – se réalise dans la vie du baptisé. Comme l’enseigne le Concile Vatican II : « Les fidèles incorporés dans l’Église par le baptême ont reçu un caractère qui les délègue pour le culte religieux chrétien ; devenus fils de Dieu par une régénération, ils sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l’Église ils ont reçue de Dieu »[82].

58. Les catholiques reconnaissent en outre que dans certaines circonstances, la grâce baptismale peut être efficace même en-dehors du rituel, conformément aux anciennes traditions relatives au « baptême de sang » en cas de martyre pour le Christ sans rituel baptismal, et au « baptême de désir » pour les catéchumènes qui meurent sans avoir pu recevoir le baptême. La doctrine catholique actuelle a étendu ce concept à ceux qui cherchent la vérité et font la volonté de Dieu, mais n’ont pas encore reçu le baptême, à supposer qu’ils le demanderaient explicitement s’ils en comprenaient la nécessité[83]. Donc, lorsque les catholiques affirment les effets du baptême, ils ne disent pas que le rituel est la seule cause de ces effets. La nouvelle naissance est un effet propre du baptême, mais elle peut précéder le baptême, et elle peut même être présente dans la vie d’une personne qui n’est pas baptisée. Comme l’enseigne le Concile Vatican II : « Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal »[84].

59. En faisant du baptême l’un des trois « sacrements de l’initiation »[85], l’Église catholique indique clairement que le baptisé est appelé à approfondir continuellement sa participation au mystère pascal, cœur de la vie sacramentelle de l’Église. La pratique pastorale de l’Église catholique dans les pays occidentaux, consistant à séparer très souvent dans le temps la célébration du baptême de celles de la première réception de l’eucharistie et de la confirmation, suggère l’idée d’un cheminement à partir du baptême vers un vécu plus profond de « nouvelle créature », orienté vers le ciel où notre vraie vie est « cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3). La promesse du baptême est réelle et efficace ; mais elle attend de se réaliser à l’avenir – à travers une vie d’engagement, de repentance, de réconciliation, de communion et de mission, formée sacramentellement : « Le baptême, de soi, n’est que le commencement et le point de départ, car il tend tout entier à l’acquisition de la plénitude de la vie dans le Christ. Il est donc ordonné à la profession de foi intégrale, à la totale intégration dans l’économie du salut, telle que le Christ l’a voulue, et enfin à la totale insertion dans la communion eucharistique »[86].

60. Méthodistes et catholiques partagent le même contexte de mission dans le monde actuel. Les convictions anglicanes premières de John Wesley quant à l’efficacité du baptême comme acte de Dieu ont été remises en question par son expérience pastorale d’évangélisateur. De nos jours, méthodistes et catholiques sont confrontés à des défis analogues dans différentes parties du monde. Le fait que notre mission se déroule dans le même contexte culturel donne un nouvel élan à notre appel commun à annoncer l’Évangile en paroles et en actes. Les demandes de baptêmes de nouveau-nés motivées par les pressions sociales ou familiales sont un défi pastoral pour nos deux communautés. La tension entre baptême comme « rite de passage » culturel et baptême comme sacrement de la foi au Christ, point de départ d’une conversion continue, requiert une nouvelle articulation du rapport entre baptême et régénération pour notre temps.

61. Les traditions différentes du méthodisme et du catholicisme ont conduit non seulement à l’emploi d’un langage différent pour exprimer les effets du baptême, mais aussi à des accentuations différentes. Mais il est évident que pour nos deux communions, célébration du baptême et régénération ou nouvelle naissance vont ensemble. Cette foi partagée nous encourage à voir dans nos différences d’accentuation une occasion d’apprendre les uns des autres et de reconnaître que nous rencontrons les mêmes défis culturels et missiologiques dans la pratique pastorale du baptême. Tant chez les catholiques que chez les méthodistes, l’expérience pastorale a conduit à une réflexion sur la tension entre le baptême comme acte certain de Dieu et la nécessité d’une réponse personnelle de la part des fidèles qui le vivent. Réfléchir ensemble sur ces questions est une source potentielle d’enrichissement mutuel.

IV. Baptême et Église

62. En tant qu’acte sacramentel initial par lequel Dieu nous fait participer au mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, le baptême ne nous fait pas seulement entrer en communion avec le Christ, il nous incorpore dans le corps du Christ qu’est l’Église. « Le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps : il en est de même du Christ. Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps » (1 Co 12,12-13a). L’affirmation de cette foi biblique partagée entre catholiques et méthodistes est à la base d’une convergence croissante entre nous sur le rapport entre baptême et incorporation dans l’Église comme corps du Christ. Certaines affirmations du document Par l’eau et par l’Esprit s’accordent remarquablement bien avec celles du Concile Vatican II :

Le Christ constitue l’Église comme son corps par la puissance du Saint-Esprit (1 Co 12, 13, 27). L’Église attire à elle de nouvelles personnes en s’efforçant de rester fidèle au commandement de proclamer et témoigner l’Évangile. Le baptême est le sacrement de l’initiation et incorporation dans le corps du Christ »[87].

En communiquant son Esprit à ses frères, qu’il rassemblait de toutes les nations, il les a constitués, mystiquement, comme son corps. Dans ce corps, la vie du Christ se répand à travers les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié. Par le baptême, en effet, nous sommes rendus semblables au Christ : « Car nous avons tous été baptisés en un seul Esprit pour n’être qu’un seul corps[88].

Pour nos deux communautés, le baptême est une incorporation dans le corps du Christ qu’est l’Église.

63. Les précédents rapports avaient déjà indiqué un certain niveau d’accord sur les points suivants :

  • Le baptême est l’acte divin par lequel le baptisé entame sa vie dans le Christ Rédempteur et participe à sa mort et à sa résurrection. Par le baptême, « le péché originel est effacé, les péchés sont pardonnés, les baptisés sont justifiés aux yeux de Dieu et deviennent une nouvelle création ; avec tous les croyants ils ont part à la communion de l’Esprit ; et ils sont appelés à chercher la perfection dans l’espérance et dans l’amour par la réponse dans la foi aux dons de grâce incessants venant de Dieu »[89].
  • « Notre baptême commun au nom de la Trinité est notre lien sacramentel d’unité, le fondement visible de la profonde communion qui existe déjà entre nous et qui nous pousse à une unité toujours plus profonde les uns avec les autres ainsi qu’à participer toujours davantage à la vie et à la mission du Christ lui-même »[90].
  • Par le Baptême, nous sommes accueillis dans une communauté de foi. « Étant reçu dans le cadre d’une Église locale et dans une communauté chrétienne donnée, il introduit les personnes dans l’Église universelle du Christ et dans la communion des saints »[91].
  • « Parce que les fidèles du Christ sont incorporés en lui par le baptême, ils ont part à son office sacerdotal, prophétique et royal, ensemble comme communauté de foi, et individuellement chacun à sa manière personnelle »[92].

64. Le fait de partager un même baptême pousse beaucoup d’entre nous à poser la question du partage de l’eucharistie entre catholiques et méthodistes. D’une part puisque par notre baptême nous ne faisons qu’un dans le Christ et dans son Église, nous devrions pouvoir nous réunir aussi autour de la table eucharistique ; de l’autre, notre compréhension différente de l’importance d’une unité visible, organique, dans l’eucharistie suggèrerait que le partage eucharistique ne pourra faire partie de notre vie ensemble que quand cette unité visible et organique sera réalisée. Cette question demande à être approfondie dans une perspective ecclésiologique plus large. L’une des façons de l’aborder pourrait être de partir de la notion de baptême comme « communion ».

65. Le Concile Vatican II a développé une ecclésiologie de communion (communiokoinonia). Il enseigne que la communion entre chrétiens peut être considérée en termes de « degrés » de communion dans le corps du Christ. Le baptême de l’eau, « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », administré avec une intention droite, unit le baptisé au corps du Christ, à sa mort et à sa résurrection, et crée un lien sacramentel entre tous les chrétiens nés par lui à une vie nouvelle. Le baptême est le premier pas sur le chemin qui mène à la plénitude de vie dans le Christ. « Ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique »[93]. Le baptême est ordonné à la « pleine communion », laquelle trouve son accomplissement le plus haut dans la communion eucharistique[94]. Le Directoire sur l’œcuménisme dit : « La communion dans le baptême est ordonnée à la pleine communion ecclésiale. Vivre son baptême, c’est être entraîné dans la mission du Christ qui est de tout rassembler dans l’unité »[95]. L’affirmation de notre baptême commun nous unit dans le cheminement que nous faisons ensemble, méthodistes et catholiques, vers le but de la « pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle »[96].

66. Dans nos deux traditions, la participation à la vie chrétienne est vue comme un processus. Ensemble, méthodistes et catholiques reconnaissent que le baptême est un point de départ, quoique selon des modalités différentes, comme l’illustre le fait que chez les catholiques, ceux qui ont été baptisés enfants doivent suivre ensuite un parcours de catéchèse et de formation de la foi pendant un certain nombre d’années avant d’être admis aux deux autres sacrements de l’initiation, l’eucharistie et la confirmation. Chez les méthodistes, la distinction entre membres baptisés et membres professants/confirmés dans certains domaines suggère l’idée qu’un cheminement vers une communion plus pleine est nécessaire à partir du baptême. Ces exemples ne correspondent pas vraiment à la notion de « degrés de communion » dont parle Unitatis Redintegratio. Néanmoins la reconnaissance de ces étapes, à travers lesquelles le degré de communion s’intensifie, peut aider les méthodistes et les catholiques à prendre conscience de la nature à la fois réelle et incomplète de la communion qui s’exprime dans le baptême que nous nous reconnaissons mutuellement.

V. Conclusion : participation des baptisés à la vie et à la mission du Christ

67. Être baptisé est une réalité vivante, en évolution constante. En nous incorporant dans l’Église, le baptême ne fait pas seulement de nous les membres d’une institution, il ne nous fait pas seulement entrer dans une communauté de foi plus large. Pour les méthodistes comme pour les catholiques, cette incorporation dans l’Église est aussi une incorporation dans la vie du corps du Christ : en participant au mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, le baptisé commence une vie nouvelle dans l’Esprit. En tant que sacrement de la foi et de la vie nouvelle, le baptême nous appelle à une mission partagée, à une koinonia de service du Royaume de Dieu.

68. Tant pour les catholiques que pour les méthodistes, le baptême est une vocation, un appel permanent à une vie de cheminement vers le Royaume. En rappelant l’accentuation de la tradition wesleyenne sur la sainteté de vie personnelle et sociale, le document Par l’eau et par l’Esprit dit que le baptême « est la porte qui mène à une vie de sanctification. Ce sacrement nous enseigne à vivre dans l’attente d’autres dons de la grâce de Dieu… Les croyants baptisés et la communauté de foi sont obligés de manifester au monde la nouvelle humanité rachetée qui vit dans une relation d’amour avec Dieu et s’efforce de mettre un terme à toutes les séparations humaines »[97].

69. Dans l’Église catholique, le caractère vocationnel, vivant, du sacrement du baptême est fortement mis en évidence dans l’enseignement du Concile Vatican II sur l’incorporation baptismale dans la mission du Christ et dans son office de prêtre, prophète et roi[98]. Recevoir le baptême, ce n’est pas être introduit statiquement dans une communauté particulière, mais c’est être envoyé comme disciple en mission au service du Royaume à venir.

70. Dans le cadre de cette vie baptismale, il faut rappeler que dans l’Église catholique, le baptême est orienté vers le sacrement de la confirmation. C’est tout spécialement la confirmation qui donne une expression à la vocation missiologique du baptême : « La confirmation parfait la grâce baptismale »[99] ; elle apporte « une croissance et un approfondissement de la grâce baptismale », en insérant plus profondément le confirmé dans la filiation divine et en l’affermissant dans l’Esprit en vue du témoignage et de la mission[100]. Il est significatif que lorsque la confirmation est célébrée après le baptême, elle débute par le renouvellement des promesses baptismales et de la profession de foi de la part du confirmant[101].

La confirmation n’est pas habituelle dans toutes les Églises méthodistes. Souvent, elle est remplacée par un rite de « réception comme membre à part entière », mais ces rites ne sont jamais considérés comme des sacrements. Dans les deux cas, ceux qui ont été baptisés enfants sont appelés à renouveler leurs promesses baptismales et à « s’en approprier ». L’existence de ces rituels, chez les catholiques comme chez les méthodistes, indique que nos deux traditions partagent la conviction que le baptême est administré dans un but, qui est la plénitude de vie et de mission chez ceux qui le reçoivent.

71. Le baptême comme appel à une vie et à une mission permanentes dans le Christ est un thème qui demanderait à être approfondi par nos deux communautés. Cette compréhension plus active et explicitement missiologique du baptême pourrait fournir un nouveau cadre potentiellement fécond à notre réflexion commune, en approfondissant ensemble l’appel à l’unité dans le cadre de notre appel à la sainteté, à la mission partagée et au service de la grâce dans le monde. Au cours de nos conversations, le baptême comme participation à la mort et à la résurrection salvifiques du Christ est nous apparu fondamentalement comme un appel à suivre le Christ et à porter sa croix chaque jour pour l’édification du royaume de Dieu (Mt 16,24).

72. La perspective du baptême comme vocation – et plus précisément comme appel à grandir dans la sainteté et dans la mission par la participation au mystère pascal – fournit un cadre de référence aux nombreux points de convergence déjà apparus entre méthodistes et catholiques dans ce domaine. Ensemble, catholiques et méthodistes croient fermement que le baptême incorpore les baptisés dans le mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus Christ.

Au-delà de nos accentuations différentes, nous pouvons dire ensemble que baptême et foi sont indissociables. La foi appelle le baptême et le baptême appelle la foi. La foi personnelle n’est pas une « chose » que l’on reçoit une fois pour toutes. La foi est quelque chose qui grandit et mûrit en vivant une vie chrétienne. Nos deux communions reconnaissent que l’unique baptême sacramentel peut intervenir à des moments différents du parcours de foi selon les personnes qui le reçoivent. Le rapport entre foi et baptême n’est ni simple, ni linéaire.

Ensemble, méthodistes et catholiques peuvent dire que baptême et régénération sont intimement liés. Les uns et les autres sont conscients que la réalité sacramentelle de la nouvelle naissance est un don qui demande à être réaffirmé par le croyant à différentes phases de sa croissance dans la vie baptismale. Et même s’ils sont plus enclins à souligner la réalité objective de l’action de Dieu dans le baptême, les catholiques partagent avec les méthodistes la préoccupation de faire fructifier la grâce du baptême dans la vie subjective des chrétiens. De leur côté, les méthodistes affirment aussi que les effets du baptême ne sont pas uniquement d’ordre subjectif.

Catholiques et méthodistes s’accordent à dire que le baptême fait de ceux qui le reçoivent des membres du corps du Christ qu’est l’Église. Le baptême crée entre nous une communion fondamentale dans le Christ ; cette communion, quoique incomplète, constitue une base solide dans notre cheminement commun vers la pleine communion.

 

 

CHAPITRE TROIS

L’eucharistie : présence et sacrifice

 

73. Dans le rapport de Séoul de 2006, La grâce qui vous est donnée dans le Christ, la commission mixte affirmait : « Méthodistes et catholiques sont néanmoins déjà d’accord que lorsque nous célébrons l’eucharistie, nous entendons d’une manière renouvelée la Parole de Dieu qui nous est adressée ; nous pénétrons ensemble plus profondément dans le mystère salvifique du Christ ; nous rencontrons a nouveau le Christ d’une façon qui garantit sa présence vivante au cœur de l’Église; nous recevons l’onction de l’amour transformant qu’est le Saint-Esprit de Dieu, et devenons plus réellement le corps du Christ; nous sommes envoyés ensemble, dans le Christ, pour participer plus profondément à l’œuvre de Dieu dans le monde et nous partageons cet avant-goût du festin céleste. Quand, appelés ensemble par le Père, nous célébrons l’eucharistie, le Seigneur ressuscité, par la puissance du Saint-Esprit, fait de nous plus pleinement ce qu’il veut que soit son Église. Ensemble, ces affirmations constituent déjà une ample base à partir de laquelle nous pouvons faire face aux questions qui restent en suspens, dans l’espoir qu’un jour catholiques et méthodistes pourront se rassembler dans la pleine communion autour de la table du Seigneur »[102].

74. Le rapport de Séoul reconnaît qu’il y a encore des questions cruciales à examiner et à résoudre ensemble, notamment : la façon particulière dont le Christ est présent dans la sainte Communion, le sens précis de l’eucharistie comme « mémorial » sacramentel de la mort et de la résurrection salvifiques du Christ, le lien entre communion eucharistique et communion ecclésiale, la nature et la validité du ministère de ceux qui président à l’eucharistie[103]. Ce chapitre, divisé en deux parties, va examiner les deux premières de ces questions, en se concentrant particulièrement sur l’eucharistie comme moyen pour entrer ensemble plus avant dans le mystère salvifique du Christ présent parmi nous. Il existe d’importantes différences d’approche entre nous, en particulier dans l’emploi du langage du « sacrifice » appliqué à l’eucharistie : alors que les catholiques parlent généralement d’« offrir » le sacrifice du Christ, les méthodistes préfèrent dire qu’ils « plaident » ce sacrifice. Notre intention ici est de chercher à dépasser ces différences apparentes pour tenter de découvrir ce que nous pouvons encore affirmer ensemble.

75. Dans ce but, nous avons beaucoup utilisé les Hymnes sur le Repas du Seigneur, un recueil de 166 hymnes eucharistiques publié en 1745 sous les deux noms de John et Charles Wesley[104]. Ces hymnes présentent de nombreux éléments de réflexion pour les catholiques et les méthodistes ensemble. Les liturgies et les déclarations méthodistes récentes sur l’eucharistie s’en inspirent beaucoup. Dans un document de 2004 intitulé Ce Saint Mystère, l’Église méthodiste unie déclare : « Les 166 Hymnes sur le repas du Seigneur de John et Charles Wesley constituent notre ressource la plus riche pour apprécier la compréhension wesleyenne de la présence du Christ dans l’eucharistie »[105]. Certes, tous les méthodistes n’adhèrent pas entièrement à l’enseignement contenu dans ces hymnes[106], et les catholiques n’y retrouvent pas la totalité de leur doctrine sur l’eucharistie. Néanmoins, ces textes nous offrent une importante source de vérités en vue de l’approfondissement de notre compréhension commune. Nous invitons les méthodistes à reprendre en main cette source fondamentale de leur tradition[107], et les catholiques à y trouver un riche complément à leur enseignement et à leur spiritualité eucharistiques.

76. Dès 1971, le rapport de Denver de la Commission mixte avait signalé que les Hymnes sur le Repas du Seigneur pouvaient constituer une « base et une espérance » dans les discussions doctrinales sur l’eucharistie. Les 166 hymnes sont divisés en six parties :

a. Comme mémorial des souffrances et de la mort du Christ
b. Comme signe et moyen de la grâce
c. Les sacrements comme gage de vie éternelle
d. La Sainte Eucharistie comme impliquant un sacrifice
e. Sur le sacrifice de nos personnes
f. Après le sacrement

77. Les hymnes sont centrés sur l’union intime entre le Christ et son peuple dans le Repas du Seigneur, une union par laquelle le Christ attire ses disciples dans son sacrifice. « Les wesleyens enseignaient que dans le sacrifice eucharistique, l’offrande de la part des communiants de leurs cœurs dociles et de leur vie tout entière était unie par la grâce au sacrifice parfait, complet, toujours actuel et pleinement rédempteur du Christ »[108]. D’après l’enseignement catholique, l’eucharistie est « le cœur et le sommet de la vie de l’Église, car en elle le Christ associe son Église et tous ses membres à son sacrifice de louange et d’action de grâces offert une fois pour toutes sur la croix à son Père ; par ce sacrifice, Il répand les grâces du salut sur son corps, qui est l’Église »[109]. Ce sont précisément ces idées que nous allons tenter d’approfondir dans ce chapitre, à la recherche d’une plus grande convergence entre catholiques et méthodistes.

I. « Nous rencontrons à nouveau le Christ d’une façon qui garantit sa présence vivante au cœur de l’Église »[110]

78. Le Christ a dit que là où deux ou trois seront réunis en son nom, il sera au milieu d’eux (Mt 18,20), comme il le sera aussi dans « les plus petits » et les plus démunis (Mt 25,35-40), et il a promis à ses disciples qu’il sera toujours avec eux jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20). Pendant la dernière Cène et après la résurrection, il a révélé à ses disciples une forme diverse et distinctive de sa présence : dans la fraction du pain (Mt 26,26 ; Lc 24,30-31, 35). Celui qui a été crucifié, qui est ressuscité, et qui est monté au ciel, nous invite à son repas où il est présent dans la plénitude de son être à la fois humain et divin[111]. Le Christ invite ses disciples à participer à son festin céleste en mémoire de lui et à le rencontrer, comme individus et comme son corps qu’est l’Église. Sa présence « fait la fête » :

Jésus, nous obéissons donc
À tes dernières paroles aimantes ;
Ici, comme tu nous l’as enseigné,
Nous sommes venus te rencontrer, Seigneur.
Comme tu nous l’as dit
Tu vas maintenant paraître,
Confiants, nous sommes venus trouver ici
Ta présence spéciale.
Ouvrons tout grands nos cœurs,
Pour y faire place au Sauveur :
Le voici qui vient, l’Agneau, le Crucifié,
L’ami des pécheurs !
Sa présence fait la fête ;
Et nous sentons au fond de nous-mêmes
La gloire qu’on ne peut exprimer,
La joie indicible[112].

                                          (traduction libre)

 

79. Le Christ fait don de sa présence à l’Église, une présence qui ne dépend pas de l’expérience ou de la foi du communiant, ni de celles de l’assemblée réunie. Cette présence ne peut être vraiment discernée qu’avec les yeux de la foi[113].

80. Le Christ est toujours présent dans les célébrations liturgiques de son peuple. Il fait connaître sa présence de diverses manières : il est présent au milieu de l’assemblée (Mt 18,20), dans la proclamation de la Parole, dans la prédication, dans les chants et dans les prières[114]. Pour les catholiques, le Christ est présent également en la personne de son ministre ordonné[115]. Pour les méthodistes, le Christ est présent dans le cœur des fidèles[116]. Mais tant les catholiques que les méthodistes croient que dans chacun de ces moyens ou modalités, le Christ est pleinement présent[117].

81. Le Christ est présent dans ses sacrements. Mais dans l’eucharistie, le Christ est présent d’une façon spéciale, selon « une modalité ou manifestation distinctive »[118]. Catholiques et méthodistes sont d’accord pour dire que non seulement « le Christ est présent et agissant, de diverses manières, dans l’ensemble de la célébration eucharistique »[119], mais que sa présence se manifeste à travers les éléments du pain et du vin, « signe par excellence de la présence rédemptrice du Christ au milieu de son peuple »[120]. C’est pourquoi les fidèles s’approchent de la table du Christ confiants dans sa présence « spéciale » et certaine, et conscients que là, son « amour tout proche unit les membres à leur Tête »[121].

82. La présence du Christ dans l’eucharistie ne peut pas être perçue par nos sens naturels, et pourtant par cette présence, nous pouvons être en communion avec lui et ne former qu’un seul corps. Le pain et le vin, tout en demeurant tels dans leur apparence extérieure de pain et de vin, deviennent sacramentellement, par les paroles du Christ et par la puissance du Saint-Esprit, le Corps et le Sang du Christ, et ont le pouvoir de nous conférer le don de sa grâce. Celui par qui toutes choses ont été créées et qui fait toutes choses nouvelles (Jn 1,3 ; Ap 21,5), utilise les éléments de sa création pour se donner à cette création. Le pain et le vin eucharistiques sont les signes efficaces par lesquels les fidèles sont invités à « fêter le Dieu incarné »[122].

83. Les catholiques croient que la présence du Christ dans l’eucharistie est une présence « substantielle »[123]. Par les paroles du Christ et par l’action du Saint-Esprit dans la prière eucharistique, le pain et le vin deviennent « mystérieusement »[124] le Corps et le Sang du Christ, par un changement de leur réalité intérieure ou substance : « Parce que le Christ, notre Rédempteur, a dit que ce qu’Il offrait sous l’espèce du pain était vraiment son corps, on a toujours eu dans l’Église cette conviction, que déclare le saint Concile de nouveau : par la consécration du pain et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son Sang ; ce changement, l’Église catholique l’a justement et exactement appelé transsubstantiation »[125]. Durant la prière eucharistique, ce qui était du pain devient le Corps du Christ, et ce qui était du vin devient le Sang du Christ, selon les paroles du Christ lui-même : « Ceci est mon Corps… Ceci est mon Sang ».

84. Les méthodistes reconnaissent eux aussi le rôle significatif au Saint-Esprit dans le Repas du Seigneur et parlent de la présence réelle du Christ, mais ils le font dans un sens spirituel. En général, les méthodistes ne cherchent pas à définir le mystère de la transformation du pain et du vin : ils croient que la présence du Christ et le don de sa grâce sont « certains et réels », même si la manière par laquelle ils adviennent demeure inconnue.

 

O profondeur de l’amour divin,
Ta grâce est insondable !
Qui peut dire comment le pain et le vin
Communiquent Dieu aux hommes ?
Comment le pain impartit son corps,
Comment le vin transmet son sang,
Emplissant le cœur des fidèles
De la vie même de Dieu !
Que le plus sage des mortels nous montre
Comment nous recevons la grâce :
Comment ces humbles éléments confèrent
Un pouvoir qu’il ne leur appartient pas de donner :
Qui peut expliquer par quels moyens merveilleux
Ils nous ont transmis la vertu,
Tout en restant les mêmes ?
Certaine et réelle est la grâce,
Mais les moyens sont inconnus ;
Viens à notre rencontre dans tes voies
Et parfais-nous dans l’unité,
Laisse-nous goûter les pouvoirs célestes,
Seigneur, nous ne demandons rien de plus ;
À toi de bénir,
À nous de nous émerveiller et de t’adorer[126].          

                                                (traduction libre)

 

85. Dans la liturgie eucharistique catholique et dans nombre de liturgies eucharistiques méthodistes, le Saint-Esprit est invoqué à la fois sur les dons du pain et du vin, afin qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Christ, et sur les destinataires du saint repas, afin qu’ils deviennent le corps du Christ[127]. Cette double invocation du Saint-Esprit, sur les éléments et sur le peuple, met en lumière le lien qui existe entre le corps du Christ comme pain eucharistique et le corps du Christ comme communauté chrétienne : « Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps : car tous nous participons à cet unique pain » (1 Co 10,16b-17 ; cf. 1 Co 12,27). La communauté, comme corps du Christ, se reconnaît ainsi dans ce qu’elle reçoit, et devient ce qu’elle voit et goûte[128]. En mangeant et en buvant ce que le Seigneur leur donne, les croyants sont transformés plus pleinement à la ressemblance du Christ, et ils sont nourris dans le cheminement qui les fait participer à sa vie, sa mort et sa résurrection. Ceux qui se rassemblent autour de la table du Seigneur et partagent le « remède » spirituel sont unis plus étroitement les uns aux autres dans le corps du Christ qu’est l’Église, et par là-même, ils sont habilités à devenir les agents du Christ afin de racheter et de guérir ce monde meurtri.

86. Catholiques et méthodistes sont d’accord pour dire que le Christ est pleinement présent lorsque le sacrement est partagé. Le sens du festin eucharistique est signifié plus pleinement lorsque la sainte Communion est reçue sous les deux espèces du pain et du vin.

87. Les éléments consacrés doivent être traités avec respect comme fruits de la terre, devenus les dons sacramentels de Dieu. Les catholiques croient à la persistance de la présence eucharistique du Christ « aussi longtemps que les espèces eucharistiques subsistent »[129]. Les méthodistes ne font pas une telle affirmation, mais ils consomment les éléments consacrés avec respect, et distribuent les éléments restants aux absents involontaires ou les restituent à la terre.

88. Bien qu’ils l’expriment et l’expliquent différemment, méthodistes et catholiques affirment ensemble la présence réelle du Christ dans l’eucharistie. Pour les uns comme pour les autres, le Christ est présent pour nous ici et maintenant et nous unit à lui, comme mémorial de sa mort et de sa résurrection salvifiques et comme avant-goût du festin céleste « en attendant la bienheureuse espérance et la venue de notre Sauveur Jésus Christ »[130] : « Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11,26).

II. « Nous pénétrons ensemble plus profondément dans le mystère salvifique du Christ »[131]

89. Le Christ est présent dans l’eucharistie de telle sorte que ses disciples ne font qu’un avec lui et sont attirés plus profondément dans son mystère salvifique. Les nombreuses croyances partagées par les méthodistes et les catholiques suggèrent qu’un degré d’accord plus poussé pourrait être trouvé sur l’eucharistie comme mémorial sacramentel de la mort et de la résurrection salvifiques du Christ, autrement dit sur « la Sainte Eucharistie comme impliquant un sacrifice ».

90. Le mystère salvifique du Christ est entièrement un don de Dieu aux hommes : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16). La vie éternelle, comme participation à la vie de Dieu, a été rendue possible pour nous par l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus Christ et par l’effusion du Saint-Esprit : « Parce que Dieu a tant aimé le monde, il a envoyé son Fils et le Saint-Esprit pour nous conduire à la communion avec lui. Cette participation à la vie de Dieu, qui résulte de la mission du Fils et du Saint-Esprit, trouve son expression dans la koinonia visible des disciples du Christ, l’Église »[132]. À travers la vie de l’Église, et en particulier à travers la célébration et la participation aux sacrements du baptême et de l’eucharistie, les disciples sont appelés à entrer plus profondément dans le mystère pascal du Christ, et par là-même dans la vie éternelle.

91. Par notre baptême, nous sommes déjà unis au Christ comme son corps par la puissance du Saint-Esprit. L’eucharistie est toujours une célébration des baptisés, peuple sacerdotal de Dieu. C’est en premier lieu le Christ qui préside à l’eucharistie et qui l’offre ; il vient nous y rencontrer pour nous unir plus intimement à lui, chacun individuellement et en tant que communion des baptisés. Le Seigneur ressuscité, uni à l’Église comme la tête à son corps, présente au Père son sacrifice salvifique, et ses membres reçoivent les fruits de ce sacrifice dans la foi. Ainsi, l’Église est consacrée à nouveau et fortifiée par la grâce de Dieu en vue sa mission, afin de proclamer au monde entier la bonne nouvelle de l’amour salvifique de Dieu en Jésus Christ.  

92. L’Église « vit en union avec la mort et la résurrection du Christ, réconfortée, guidée et puissamment aidée par le Saint-Esprit »[133]. L’eucharistie est un don de Dieu à l’Église en vue de sa participation continue à la mort et à la résurrection du Christ.

93. L’eucharistie est la célébration du sacrifice total, parfait et suffisant du Christ, offert une fois pour toutes et pour le monde entier. En tant que mémorial, l’eucharistie n’est pas simplement la remémoration d’un événement passé ou de sa signification, mais la proclamation efficace, de la part de l’Église, de l’œuvre puissante accomplie par Dieu en Jésus Christ. Dans cette célébration, nous prenons réellement part au don de soi du Christ en obéissance à la volonté du Père[134].

94. D’importantes croyances sur l’eucharistie sont proclamées ensemble par les catholiques et les méthodistes. Premièrement, l’eucharistie est toujours un libre don de la grâce de Dieu à son Église. L’eucharistie est toujours une initiative de Dieu et un acte salvifique de Jésus Christ. Nous ne pouvons donner à Dieu que ce qu’il nous a déjà donné lui-même ; nous ne pouvons lui « offrir » que ce que nous avons d’abord reçu[135] ; Dieu seul est « la source et le dispensateur de toute grâce excellent et de tout don parfait »[136]. L’eucharistie est le sacrement du salut, et ce salut nous vient de Dieu seul[137]. Toute communion ou participation au mystère du salut du Christ est en elle-même un effet de la grâce de Dieu, et elle dépend entièrement du don de soi du Christ pour nous qui l’a précédée[138]. Tout ce que catholiques et méthodistes peuvent affirmer ensemble sur l’eucharistie comme « moyen de grâce » dépend de la grâce infinie de Dieu, et est entièrement l’œuvre de cette grâce. « Ni la foi, ni l’amour ne sont le résultat des efforts humains, mais un appel de Dieu à la foi, et par l’effusion de l’amour divin nous les hommes sommes inclus dans la réalité du salut de Dieu »[139].

95. Deuxièmement, c’est par un effet de l’amour gratuit et miséricordieux de Dieu que le Christ s’est livré et offert pour nous au Père, et c’est toujours cette offrande du Christ « pour nous », accomplie une fois pour toutes sur la croix, qui est célébrée et actualisée dans le mémorial eucharistique. L’humanité a besoin du sacrifice du Christ au Père pour être attirée par le Christ dans la communion avec Dieu. Dans son amour miséricordieux, Dieu « n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous » (Rm 8,32 ; cf. 3,24-25). Le Christ Grand-Prêtre a « offert pour les péchés un sacrifice unique » (He 10,12), qui était « son propre sacrifice » (He 9,26) : il a donné sa vie « en rançon pour la multitude » (Mc 10,45). En effet, c’est le Christ en personne qui est le sacrifice rédempteur, lui qui s’est livré à son Père par amour pour notre salut : « Voici ce qu’est l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d’expiation pour nos péchés » (I Jn 4,10 ; cf. 2,2). C’est pourquoi Saint Paul nous exhorte : « Imitez Dieu puisque vous êtes des enfants qu’il aime ; vivez dans l’amour comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous, en offrande et victime » (Ep 5,1-2).

96. Troisièmement, bien que le salut dans le Christ soit entièrement un don de l’amour de Dieu – œuvre de sa grâce libre et imméritée – « un point vital d’accord entre les méthodistes et les catholiques romains est le besoin d’une participation libre et active, par la grâce, à l’œuvre de salut de Dieu »[140]. Méthodistes et catholiques affirment ensemble que Dieu nous appelle à entrer dans le mystère du salut, à participer par la grâce à ce que Dieu a accompli pour nous dans le Christ, et à « vivre en union avec la mort et la résurrection du Christ »[141]. Notre communion avec le Christ par la puissance du Saint-Esprit fait de nous un peuple sacerdotal, participant de l’unique sacerdoce du Christ : « Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, entrez dans la construction de la maison habitée par l’Esprit, pour constituer une sainte communauté sacerdotale, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 P 2,5). S’adressant aux chrétiens, Paul a dit : « Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint, et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel » (Rm 12,1). Nous sommes appelés à être un peuple sacrificiel en communion avec le sacrifice du Christ, et à vivre une vie d’amour humble et désintéressé pour Dieu et pour notre prochain : « Par lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. N’oubliez pas la bienfaisance et l’entraide communautaire, car ce sont de tels sacrifices qui plaisent à Dieu » (He 13,15-16).

La « Grande Oblation » offerte une fois pour toutes par le Christ

97. À la suite de l’Épître aux Hébreux, catholiques et méthodistes affirment ensemble que le Christ, Grand-Prêtre éminent (He 4,14f ; 7,1f), s’est offert une fois pour toutes dans un unique sacrifice pour nos péchés (He 7,27 ; 9,12, 26 ; 10,10, 12, 14). Depuis la Réforme, beaucoup de chrétiens, parmi lesquels les méthodistes, craignaient que l’enseignement catholique sur l’eucharistie n’implique une répétition de – ou une addition à – l’unique sacrifice du Christ. Les catholiques croient fermement que le Christ a offert un sacrifice unique, parfait et suffisant, pour les péchés du monde, et qu’il ne peut y avoir ni répétition de ce sacrifice, ni addition. Le Concile de Trente a enseigné que « le Christ s’offrit lui-même une fois pour toutes à Dieu le Père sur l’autel de la croix »[142].

98. De façon analogue, les Hymnes sur le Repas du Seigneur de Wesley présentent l’eucharistie comme un acte sacrificiel qui ne remet pas en question l’unicité et l’entièreté du don de soi du Christ sur la croix, sa « Grande Oblation »[143], son « sacrifice absolument suffisant » qui « demeure éternellement unique » :

C’est en vain qu’anges et hommes s’efforceraient
D’ajouter le moindre grain
À la force réparatrice de ta mort,
Ton sacrifice est entièrement accompli,
Ta mort ne se répétera jamais,
Tu t’es livré une fois pour ne plus jamais mourir[144].

                                                   (traduction libre)

 

Le sacerdoce éternel du Christ ressuscité

99. « Ressuscité des morts, Christ ne meurt plus » (Rm 6,9). L’Épître aux Hébreux nous enseigne que « puisqu’il demeure pour l’éternité, [le Christ] possède un sacerdoce exclusif. Et c’est pourquoi il est en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur » (7,24-25). Car « après avoir offert pour les péchés un sacrifice unique » (10,12), le Christ « est entré dans le ciel même, afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu » (9,24). Ensemble, catholiques et méthodistes croient que l’« offrande » ou le « plaidoyer »[145] de l’unique sacrifice du Christ – celui de son Sang – est fondamental pour son intercession au ciel (cf. He 12,24). En nous approchant de l’eucharistie, nous annonçons « la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11,26).

100. Il fut un temps où la pensée des catholiques et des méthodistes sur l’eucharistie était centrée principalement sur la résurrection de Jésus, en passant peut-être un peu trop vite de sa mort sacrificielle sur la croix à son intercession au ciel, assis à la droite du Père. L’eucharistie était considérée comme soit un mémorial de la passion et de la croix, soit comme une anticipation du festin céleste futur.

101. L’enseignement récent se concentre davantage sur le mystère du salut, en considérant l’eucharistie à la fois comme un mémorial de la mort et de la résurrection de Jésus Christ et comme une anticipation du festin céleste futur. Dans l’eucharistie, le Christ ressuscité, monté au ciel et exalté, vient à notre rencontre, et il vient vers nous avec le passé et l’avenir rendus présents en lui. « La Pâque du Christ comprend aussi, avec sa passion et sa mort, sa résurrection… le sacrifice eucharistique rend présent non seulement le mystère de la passion et de la mort du Sauveur, mais aussi le mystère de la résurrection, dans lequel le sacrifice trouve son couronnement »[146].

102. Dans l’évangile de Saint Jean, quand le Seigneur ressuscité apparaît aux disciples, il porte les marques de sa passion, ses plaies aux mains et au côté (Jn 20,27) ; il invite Thomas à mettre le doigt dans ses blessures pour qu’il cesse d’être incrédule et devienne un homme de foi. Dans la liturgie céleste de l’Apocalypse, l’Agneau porte les marques de son sacrifice : « Un agneau se dressait, qui semblait immolé » (5,6). Quand le Christ ressuscité est présent, il vient comme Celui dont le corps a été livré et le sang versé pour nous, comme Celui qui a donné sa vie en rançon pour la multitude.

103. Ce don de soi sacrificiel du Christ s’est « incarné » une fois pour toutes dans l’histoire des hommes sur la croix, mais la réalité profonde de la « Grande Oblation » du Christ est un éternel mystère au cœur même de la Sainte Trinité. Dieu le Père engendre éternellement le Fils – vrai Dieu de vrai Dieu – et le Fils répond éternellement au Père par le don total de lui-même. La mort de Jésus au Calvaire peut être vue comme le « sacrement » – qui rend tangible, visible, disponible pour le salut de l’humanité tout entière – de l’éternel don de soi de Dieu le Fils à Dieu le Père dans l’amour du Saint-Esprit, et de l’accueil et de l’acceptation de ce don par le Père.

104. La question du temps – passé, présent et avenir – ne saurait être ignorée quand on parle de l’eucharistie : le Saint-Esprit unit dans le présent passé et avenir, en couvrant « les années entre les deux »[147].

105. L’Église est « la Fiancée, l’Épouse de l’Agneau » (Ap 21,9), et nous sommes « invités au festin de noces de l’Agneau » (Ap 19,9). Dieu le Fils, fait chair et vivant parmi nous, vient à nous dans l’eucharistie pour nous unir à lui afin que nous ne fassions qu’un avec lui dans son éternel don de soi au Père, et que nous partagions l’éternel accueil que lui fait son Père. Telle est la réalité profonde du sacrifice sacerdotal et de l’intercession du Christ[148]. Le Christ est le chemin vers le Père : « Personne ne va au Père, si ce n’est par moi » (Jn 14,6), la seule porte d’entrée dans la vie éternelle de Dieu. Nous ne marchons pas seulement à la suite du Christ ; nous entrons dans le Chemin, qui est le Christ lui-même.

106. Il s’agit en définitive du mystère de l’amour de Dieu. C’est donc très justement que l’eucharistie a été appelée « le sacrement d’amour ». Le Catéchisme de l’Église catholique décrit l’amour parfait, qui est l’essence même de Dieu. Cet amour parfait est offert à tous les hommes comme don du salut, et il l’est d’une manière spéciale dans l’eucharistie, sacrement de l’amour salvifique de Dieu :

Saint Jean... atteste : « Dieu est amour ». L’Être même de Dieu est amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime : Il est lui-même éternellement échange d’amour, Père, Fils et Esprit Saint, et il nous a destinés à y avoir part[149].

107. Ces considérations peuvent aider catholiques et méthodistes à approfondir leur convergence sur l’eucharistie comme sacrifice, en particulier sur la base d’une réflexion commune sur les Hymnes sur le Repas du Seigneur. Ensemble, catholiques et méthodistes insistent sur le fait que le sacrifice du Christ a eu lieu une fois pour toutes au Calvaire, et ensemble, ils croient que l’eucharistie rend d’une certaine manière cet unique sacrifice présent et disponible pour nous, afin que l’Église du Christ puisse ne faire qu’un avec lui dans son don de soi. Par la puissance du Saint-Esprit, toute l’œuvre du salut de Dieu dans le Christ est rendue présente pour nous ici et maintenant. Comme l’a dit Saint Thomas d’Aquin, l’eucharistie est le sacrement dans lequel « est contenu tout le mystère de notre salut »[150].

108. Faisant écho à l’Épître aux Hébreux, le Concile de Trente enseignait qu’« il ne fallait pas que le sacerdoce du Christ soit éteint par la mort »[151]. C’est pourquoi il a laissé à son Église un sacrifice visible : « Dans ce divin sacrifice qui s’accomplit à la messe, ce même Christ est contenu et immolé de manière non sanglante, lui qui s’est offert une fois pour toutes de manière sanglante sur l’autel de la Croix ». Seule la manière de s’offrir diffère : « C’est une seule et même victime, c’est le même qui… s’est offert alors lui-même sur la Croix »[152].

109. En s’inspirant aussi de l’Épître aux Hébreux, les wesleyens considéraient l’unique sacrifice de Jésus au Calvaire comme étant en même temps « toujours nouveau »[153]. Jésus présente éternellement son sacrifice au ciel :

Ton offrande continue, toujours nouvelle,
Tes habits portent des traces de sang,
Tu te dresses, Toi, l’Agneau toujours immolé,
Ton sacerdoce demeure le même[154].        

                                       (traduction libre)

Des participants, et non de simples spectateurs

110. L’eucharistie est une grande action de grâces à Dieu pour le don du Christ, « liée indissociablement au sacrifice de louange du Christ au Père » durant la dernière Cène[155] et au don de soi du Christ au Père pour nous au Calvaire. L’action de grâces de l’Église est toujours une réponse par la grâce au don de Dieu. Nous pouvons répondre seulement par la grâce, car c’est Dieu qui nous a donné la capacité d’agir. La participation à l’eucharistie conduit le peuple des baptisés, peuple sacerdotal, à être transformé toujours plus profondément par le Saint-Esprit à la ressemblance du Christ, à travers une suite et une imitation toujours plus radicales du Christ, et une participation toujours plus profonde au Christ et à tout ce qu’il a accompli pour nous, en entrant « ensemble plus profondément dans le mystère salvifique du Christ »[156]. L’Église comme « sainte communauté sacerdotale » est appelée à « offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 P 2,5).

111. Pour Saint Paul, le mystère du salut implique une dynamique de participation par la grâce pour ceux qui sont touchés et transformés par le Seigneur ressuscité. Être disciple du Christ, c’est mourir et ressusciter avec le Christ (Rm 6,3-11) à partir de la célébration du baptême et pendant toute de sa vie. Prendre part à l’eucharistie, c’est « communier » au Sang du Christ versé pour nous et à son Corps livré pour nous (cf. 1 Co 10,16). Paul s’adressait ainsi aux premiers chrétiens : « Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-même en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel » (Rm 12,1). Ceci ne peut advenir que par la grâce de Dieu et par l’intervention du Saint-Esprit qui nous unit en un seul corps dans le Christ, en faisant de nous un peuple qui « connait le Christ et la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances, en devenant semblable à lui dans sa mort » (Ph 3,10).

112. Les hymnes de Wesley insistent sur la présence de la croix pour ceux qui viennent au Repas du Seigneur, comme participation active, par la grâce, au sacrifice de leur Sauveur. Le Christ attire à lui ses disciples et unit leurs sacrifices à son grand sacrifice[157].

Le Sauveur de l’humanité
Mourra-t-il sans son peuple ?
Non, nous nous unissons tous à lui
Et sommes bien plus que de simples spectateurs[158].

                                                      (traduction libre)

Les chrétiens ne jouissent pas seulement des bienfaits du sacrifice du Christ : ils s’unissent à ce sacrifice et peuvent dire au Christ :

Nous paraissons ensemble devant Dieu
Et nous nous offrons avec toi[159].       

                                 (traduction libre)

Le Christ unit son Église à son don de soi

113. « Il y a… un sacrifice historique non répétable, offert une fois pour toutes par le Christ et accepté une fois pour toutes par le Père. Dans la célébration du mémorial, le Christ dans l’Esprit Saint unit son peuple à lui d’une manière sacramentelle de telle sorte que l’Église entre dans le mouvement de son don de soi »[160]. Pour Benoît XVI, au cœur de l’eucharistie, il y a la mort du Christ en croix, « l’amour sous sa forme la plus radicale ». « À cet acte d’offrande, Jésus a donné une présence durable par l’institution de l’Eucharistie au cours de la dernière Cène.… L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande de Jésus. Nous ne recevons pas seulement le Logos incarné de manière statique, mais nous sommes entraînés dans la dynamique de son offrande »[161]. En nous approchant de l’eucharistie, nous devenons participants de la vie la plus intime de Dieu, car « Jésus nous a attirés à lui »[162].

114. C’est le Christ lui-même qui fait l’offrande et qui nous y attire. C’est le Christ qui plaide son sacrifice devant le Père : nous pouvons seulement y participer par la grâce. Jésus nous unit à lui. Cette union intime entre le Christ et son Église est au cœur même de notre compréhension commune de l’eucharistie. Méthodistes et catholiques ont reçu cet enseignement de Saint Paul : « Le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps : il en est de même du Christ » (1 Co 12,12). Christ la Tête et son corps demeurent distincts, comme le Divin Fiancé demeure distinct de sa Fiancée, et pourtant « la réalité la plus profonde de l’Église est sa communion invisible avec le Seigneur ressuscité, par la puissance du Saint-Esprit »[163]. Ce que nous affirmons ensemble d’une manière générale sur l’union entre le Christ et son corps vaut aussi d’une manière spéciale pour l’eucharistie dans laquelle le Christ nous attire dans sa mort et sa résurrection et dans la vie éternelle. À la question : « Qui offre le sacrifice eucharistique ? » méthodistes et catholiques répondent ensemble : « Le Christ, notre Tête, en union avec son corps qu’est l’Église ».

115. En cela, nous nous faisons l’écho de la pensée de Saint Augustin selon laquelle « cette cité rachetée tout entière, c’est-à-dire l’assemblée et la société des saints, est offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le grand-prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa passion, pour faire de nous le corps d’une si grande Tête », et que l’Église « est elle-même offerte dans ce qu’elle offre »[164]. L’enseignement de Saint Paul sur l’union entre le corps et la Tête est très présent chez Saint Augustin.

116. Dans les hymnes de Wesley, le Christ Grand-Prêtre unit si intimement à lui son Église qu’elle participe à son sacrifice et s’offre avec lui, « nous présentant avec notre Tête »[165]. Nous allons au Père comme ceux « parmi lesquels se tient Jésus Christ »[166], et nous pouvons lui dire : « Nous paraissons maintenant au ciel avec toi »[167]. Quand le Christ présente son offrande au Père, il le fait en union avec le peuple de Dieu, car « on ne voit jamais le Christ sans son peuple »[168] :

Pour nous il intercède toujours,
Au nom de sa passion qui nous vaut le ciel
En nous présentant devant le trône ;
Nous ne voulons pas d’autre sacrifice,
Sanctifiés par cette grande offrande,
À jamais nous ne faisons qu’un avec notre Tête[169].     
À lui, la pierre angulaire
Les pierres vivantes se sont jointes,
Le Christ et son Église ne font qu’un,
Un seul corps et un seul vin,
Pour nous, il use de tous ses pouvoirs,
Tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, est à nous[170].

                                             (traduction libre)

117. À cause de cette unité entre la Tête et le corps qui est un don de Dieu, les catholiques peuvent faire écho aux hymnes de Wesley en disant que dans l’eucharistie, l’Église « présente » en Christ la mort de Jésus et « offre l’Agneau à Dieu »[171], et que ce faisant, « nous nous élevons par ton sacrifice »[172]. Notre sacrifice est uni au sacrifice du Christ, et en Christ nous « plaidons », « présentons » et « offrons » l’unique sacrifice du Christ au Père.

Avec une foi solennelle nous présentons
notre offrande
Et déposons devant tes yeux glorieux
L’unique raison de notre espérance,
Ce précieux sacrifice sanglant,
Qui attire ta grâce sur les pécheurs,
Et parfait nos âmes dans l’unité[173].                

                               (traduction libre)

118. Les prières eucharistiques du Missel romain soulignent que l’Église s’unit au Christ ressuscité lorsqu’il offre son sacrifice au Père, et que nous offrons l’unique sacrifice du Christ. En union avec le Christ, nous élevons nos cœurs vers toi et te rendons honneur et gloire, « en présentant cette offrande vivante et sainte »[174]. « Par lui, avec lui et en lui… dans l’unité du Saint-Esprit » l’Église devient une « éternelle offrande » au Père[175] et un « sacrifice vivant » à la gloire du Père[176].

119. Les méthodistes soulignent que dans l’eucharistie « nous nous offrons en louange et en action de grâces comme sacrifice saint et vivant, en union avec l’offrande du Christ pour nous »[177]. Les prières d’action de grâces de l’Église méthodiste anglaise expriment cette idée de différentes façons. En union avec le Christ dans l’eucharistie, la communauté prie le Père : « Par lui, nous nous offrons à toi »[178] ; « Par lui, notre Grand-Prêtre éminent, accepte ce sacrifice de louanges »[179] ; « Par son offrande pour nous tous, nous t’offrons notre vie tout entière en action de grâces et de louange »[180] ; « Reçois nos prières et celles de tout ton peuple sur la terre et au ciel par l’intercession du Christ, notre Grand-Prêtre éminent »[181].

120. Comment la « Grande Oblation » et notre « humble offrande » se combine-t-elle ? Elles se mêlent « en une unique flamme »[182], en sorte que le Sauveur et son peuple ne forment qu’une seule offrande :

Ensemble, elles s’élèvent en une unique flamme,
Et ensemble elles ne font qu’un aux yeux de Dieu[183].
Sauvés et Sauveur disent ensemble
Unis dans une communion étroite,
Nous pleurons, nous mourrons,
nous vivons avec toi,
À ton Père nous nous confions ;
Et Dieu nous accueille tous
comme tes propres membres
Ne faisant qu’un avec toi, un à jamais[184].        

                                                    (traduction libre)

 

« Vous ferez ceci en mémoire de moi »

121. Les chrétiens ne peuvent participer à l’offrande que le Christ fait de lui-même, unis par le Saint-Esprit à sa « Grande Oblation », que si ce sacrifice est présent d’une certaine manière ici et maintenant. Comme moyen complémentaire pour exprimer cette notion, catholiques, méthodistes, ainsi que beaucoup d’autres chrétiens, utilisent le concept biblique et patristique d’anamnèse ou « mémorial » (cf. Lc 22,19 ; 1 Co 11,24-25)[185].

122. Dans son document sur l’eucharistie de 2003 intitulé Ce Saint Mystère, l’Église méthodiste unie déclare que cette « réminiscence, commémoration et mémorial » est beaucoup plus qu’un simple rappel intellectuel : « Cette action dynamique devient représentation des actes de grâce passés de Dieu dans le présent, si puissamment qu’ils deviennent vraiment présents »[186].

123. L’Église catholique enseigne que « quand l’Église célèbre l’Eucharistie, elle fait mémoire de la Pâque du Christ, et celle-ci devient présente : le sacrifice que le Christ a offert une fois pour toutes sur la croix demeure toujours actuel »[187]. Ainsi, « le sacrifice du Christ et le sacrifice de l’eucharistie sont un unique sacrifice »[188].

124. Dans le cadre de cette compréhension commune du sens du « mémorial », catholiques et méthodistes se font l’écho du document de Lima du Conseil œcuménique des Églises Baptême, Eucharistie, Ministère qui dit : « L’eucharistie est le sacrement du sacrifice unique du Christ, toujours vivant pour intercéder en notre faveur. Elle est le mémorial de tout ce que Dieu a fait pour le salut du monde »[189]. Jean Paul II a dit : « Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent »[190]. Une grande partie de ce qui a été dit dans ce chapitre sur le rapport entre le sacrifice du Christ accompli une fois pour toutes et l’eucharistie peut être résumé par les concepts de « sacrement » et de « mémorial ». En intercédant au ciel pour l’humanité, le Christ ressuscité « plaide » son sacrifice, en présentant au Père son offrande sur la croix[191]. Le Christ lui-même est le sacrifice offert. C’est le Christ qui « plaide », « présente » et « s’offre » lui-même au Père, en attirant son peuple sacerdotal dans son « plaidoyer » et sa « présentation », dans le mouvement de son « offrande ». Comme le dit l’Église méthodiste britannique, dans l’eucharistie « les méthodistes plaident le sacrifice complet et éternel du Christ, et s’offrent eux-mêmes à nouveau dans et par ce sacrifice éternel ; mais en aucune façon ils n’offrent une nouvelle fois ce sacrifice. Dans la sainte Communion, ce que les méthodistes font est un mémorial de et une participation à l’offrande du Christ »[192]. L’eucharistie est le « sacrement » et le « mémorial » – le fait de rendre présent ici et maintenant – du plaidoyer et de l’offrande que le Christ a fait de lui-même pour notre salut.

« Un mémorial des choses à venir »

125. L’eucharistie n’est pas seulement un mémorial de la mort et de la résurrection du Christ advenue une fois pour toutes ; c’est aussi « un mémorial des choses à venir »[193]. L’eucharistie rend présent ici et maintenant non seulement le passé, mais aussi le festin céleste futur qui nous a été promis (cf. Es 25,6-9 ; Ap 19,9).

126. Dans les hymnes de Wesley, l’eucharistie est décrite comme une « fête exaltante » qui porte le ciel dans notre présent car « notre ciel a commencé ici-bas »[194]. « Dès à présent, nous participons au festin de noces »[195], et notre nourriture est « son amour infini »[196] et « le vin de son amour éternel »[197] :

Au ciel le festin mystique nous porte,
Élevons-nous jusqu’au ciel,
Et portons cette joie sur nos visages
Jusqu’à la gloire finale :
Jusqu’à ce que tous ceux qui s’y joignent
Qui participent au festin de noces,
Entrent dans la bénédiction du Maître,
Et fassent la fête pour l’éternité[198].

                               (traduction libre)

127. L’eucharistie n’est pas seulement la promesse d’une gloire future ; elle nous fait déjà participer ici et maintenant au don de Dieu de la vie éternelle : « Celui qui se nourrit du Christ dans l’Eucharistie n’a pas besoin d’attendre l’au-delà pour recevoir la vie éternelle : il la possède déjà sur terre, comme prémices de la plénitude à venir, qui concernera l’homme dans sa totalité »[199]. « Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem, à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle (cf. Ap 21,2 ; Col 3,1 ; He 8,2) »[200]. « Participer, c’est recevoir un avant-goût du futur, un gage du ciel jusqu’à ce que le Christ vienne dans la victoire finale et que nous participions à son festin céleste »[201]. Une ancienne prière sur l’eucharistie dit : « O festin sacré où le Christ est notre aliment, où est ravivé le souvenir de sa passion, où la grâce emplit notre âme, où nous est donné le gage de la vie à venir »[202].

Le Saint-Esprit, « mémorialiste divin »

128. Tout ceci est possible uniquement par la puissance du Saint-Esprit, qui est le « mémorialiste divin » et le « vrai archiviste de la Passion »[203]. Le Christ envoie le Saint Esprit qui, a-t-il dit, « vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26). C’est par l’Esprit que les paroles prononcées par Jésus pendant la dernière Cène deviennent efficaces dans l’eucharistie, en rendant présent le Seigneur crucifié et ressuscité qui règne maintenant à jamais. Le Saint-Esprit est « la mémoire vivante de l’Église »[204]. « La liturgie chrétienne non seulement rappelle les événements qui nous ont sauvés, mais les actualise, les rend présents. Le mystère pascal du Christ est célébré, il n’est pas répété ; ce sont les célébrations qui se répètent ; en chacune d’elles survient l’effusion de l’Esprit Saint qui actualise l’unique mystère »[205]. En unissant la Tête au corps, le Saint-Esprit unit l’offrande du peuple du Christ à l’offrande éternelle du Christ.

129. C’est par la puissance du Saint-Esprit que la communauté de foi « proclame et participe à ce que Dieu a accompli, accomplit et continuera d’accomplir pour nous en Christ »[206]. C’est par le Saint-Esprit que passé, présent et futur s’unissent ici et maintenant lorsque nous célébrons l’eucharistie : « Comme appropriation de la réalité de la présence du Christ par la congrégation, l’anamnèse (mémorial, réminiscence, représentation) signifie que passé, présent et futur coïncident dans l’événement sacramentel. Tout ce que Jésus signifie, dans sa personne et dans sa rédemption, n’est plus seulement un fait historique, mais s’actualise dans notre expérience présente, avant-goût du plein accomplissement futur du royaume de Dieu. Cette présence devient une réalité pour nous par l’action de l’Esprit de Dieu que nous appelons par notre invocation (épiclèse) à descendre sur les offrandes et sur le peuple »[207]. Dans l’eucharistie, nous sommes unis au passé et au futur par l’Esprit de Dieu.

130. Par le baptême et par la participation à l’eucharistie, nous sommes rendus participants du Saint-Esprit et conduits à la résurrection, car « si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11). Nous sommes ainsi le peuple qui mange et boit avec Jésus après sa résurrection d’entre les morts (cf. Ac 10,41).

III.  Conclusion : « La sainte Eucharistie comme impliquant un sacrifice »

131. Ce qui a été dit ci-dessus – et qui très présent dans les Hymnes sur le Repas du Seigneur des frères Wesley – fournit une base solide en vue d’une réflexion commune ultérieure et d’un accord entre méthodistes et catholiques sur la nature sacrificielle de l’eucharistie, dans une dynamique de convergence croissante. Tant pour les catholiques que pour les méthodistes, il pourrait être fructueux d’approfondir ce que signifie s’approcher de l’eucharistie, être attiré par le Christ dans sa vie, sa mort et sa résurrection, et entrer dans le mouvement de son don de soi au Père.

132. Mais par ailleurs, il y a encore des aspects importants de la compréhension sacrificielle de l’eucharistie qui nécessitent des discussions ultérieures entre nous. La riche théologie des Hymnes sur le Repas du Seigneur n’a pas toujours été aussi centrale dans la théologie et la spiritualité méthodistes que ne l’eussent souhaité John et Charles Wesley. Mais même s’il existe des opinions diverses parmi les méthodistes à ce propos, la compréhension sacrificielle n’est jamais totalement absente dans la pensée et la dévotion eucharistiques méthodistes. Ce chapitre suggère que la notion catholique d’« offrande » eucharistique du sacrifice du Christ et celle méthodiste de « plaidoyer » de ce sacrifice pourraient être réconciliées, et qu’une réflexion sur les Hymnes sur le Repas du Seigneur de Wesley pourrait nous ouvrir de nouvelles perspectives communes en examinant sous un jour nouveau les questions qui nous ont divisés dans le passé.

133. Les catholiques offrent le sacrifice eucharistique non seulement pour les présents, mais aussi pour tous les vivants et les morts. Si le sacrifice eucharistique est effectivement le sacrifice du Christ accompli une fois pour toutes, il en résulte que ce sacrifice est présent dans toute sa force pour le salut de l’humanité. Un certain nombre de questions en jeu ici, telles que celles concernant le purgatoire ou la prière pour les morts, devront être examinées à l’avenir.

134. Au cœur de notre compréhension commune du sacrifice eucharistique, il y a l’union intime entre le Christ et son Église, entre le Grand-Prêtre et son peuple sacerdotal. C’est le Christ ressuscité et monté au ciel qui, par la puissance du Saint-Esprit, unit son don de soi accompli une fois pour toutes et pourtant éternel au nôtre en une unique offrande, plaidée et présentée au Père et acceptée par lui. Nous nous approchons de l’eucharistie pour participer à l’offrande du Christ au Père, et nous sommes conduits au Père « par lui, avec lui et en lui » dans l’unité du Saint-Esprit.

 

CHAPITRE QUATRE

Le ministère ordonné comme service des baptisés

 

I. Le ministère dans le Nouveau Testament

135. Le point de départ de toute considération sur le ministère dans l’Église est le Nouveau Testament, dont de nombreux passages décrivent le ministère de Jésus comme prêtre, prophète et roi, et le don subséquent de ce ministère à l’Église en la personne des apôtres. D’après le Nouveau Testament, Jésus est un prêtre, médiateur entre Dieu et les hommes ; il est un prophète ou maître, et un exemple ; et il est un roi qui règne à la manière d’un serviteur, le Bon Berger qui dirige et conduit son peuple par son service sacrificiel. L’Épître aux Hébreux met en lumière le ministère sacerdotal de Jésus, dont l’intercession trouve son expression la plus haute dans sa crucifixion et son exaltation : « En tous points semblable à ses frères » et ayant « souffert lui-même l’épreuve », il est « un grand-prêtre miséricordieux en même temps qu’accrédité auprès de Dieu pour effacer les péchés du peuple » (He 2,17-18). Tout au long des Évangiles, Jésus enseigne en « proclamant la bonne nouvelle de Dieu », et en appelant le peuple à accepter le royaume de Dieu par une conversion des cœurs (Mc 1,14-15). Il se sert de paraboles pour apprendre au peuple à voir les choses comme son Père les voit, et agir en conséquence. Quant à son ministère royal, Jésus « est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,45).

136. Le ministère de Jésus sur la terre culmine dans le mystère pascal de sa mort salvatrice et de sa résurrection, dans lequel son triple office de prêtre, prophète et roi se réalise complètement. Précédemment, chaque aspect de son ministère tendait, au moins implicitement, vers cet événement et vers le passage à travers la mort pour accéder à la vie ressuscitée, qu’il initie et mène à son accomplissement (cf. He 12,2), devenant ainsi le précurseur de tous ceux qui auront la vie éternelle en participant à sa mort et à sa résurrection. Comme le dit la Constitution sur la sainte Liturgie du Concile Vatican II, « cette œuvre… le Christ Seigneur l’a accomplie principalement par le mystère pascal de sa bienheureuse passion, de sa résurrection du séjour des morts et de sa glorieuse ascension ; mystère pascal par lequel en mourant il a détruit notre mort, et en ressuscitant il a restauré la vie »[208]. L’hymne de Pâques de Charles Wesley « Christ Notre Seigneur est ressuscité en ce jour » exprime de façon similaire la force du mystère pascal et notre participation à ce mystère :

Le Christ nous a montré le chemin,
En suivant notre Tête exaltée,
Devenus comme lui,
comme lui nous nous élèverons,
À nous la croix, à nous la tombe, à nous le ciel[209].

                                                   (traduction libre)

137. Déjà, dans le Nouveau Testament (Mt 10,1-2 ; Mc 3,14-16 ; Lc 6,13), Jésus parle du temps où les apôtres qu’il a choisis continueront le ministère initié par sa vie, sa mort et sa résurrection. La mission des apôtres comprend la proclamation de l’Évangile ainsi que d’autres formes d’enseignement : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28,19-20). Dans l’évangile selon Saint Jean, le Seigneur ressuscité donne aux apôtres le pouvoir nécessaire pour continuer sa mission sacerdotale : « ‘Comme mon Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie’. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : ‘Recevez l’Esprit Saint ; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus’ » (Jn 20,21-23). En lui impartissant sa mission royale de service, le Seigneur ressuscité charge Pierre de poursuivre son ministère en l’instruisant ainsi : « Pais mes agneaux », « Sois le berger de mes brebis » (Jn 21,15-16 ; cf. v. 17). Le ministère royal de guider le peuple prend la forme du service à l’imitation de Jésus. Au seuil de sa passion, Jésus dit à ses disciples : « Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le aussi » (Jn 13,14-15). C’est l’imitation de Celui qui a été obéissant jusqu’à la mort. Jésus dit à Jacques et à Jean : « La coupe que je vais boire, vous la boirez, et du baptême dont je vais être baptisé, vous serez baptisés » (Mc 10,39). Là où le service est sacrificiel, il a un caractère sacerdotal. Saint Paul, dernier venu parmi les apôtres, est le destinataire de la grâce divine afin « d’être un officiant de Jésus Christ… consacré au ministère de l’évangile de Dieu » (Rm 15,15-16). Ces ministres sont « en ambassade au nom du Christ » prêtre, maître et serviteur (2 Co 5,20).

138. Après la Pentecôte, les apôtres appellent d’autres disciples à partager leur ministère apostolique. De même qu’ils avaient reçu le triple office du Christ, les apôtres chargent ces disciples d’exercer un ou plusieurs aspects de ce même ministère. Ainsi, les Actes des Apôtres relatent la désignation par les apôtres de collaborateurs : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer le service de la prière et le service de la parole » (Ac 6,2-7 ; voir aussi Ac 13,2-3). Il pourrait sembler, à la lecture de ce passage, que ces sept hommes avaient été nommés uniquement pour un ministère de service ; en réalité, ils exerçaient aussi d’autres aspects du ministère apostolique : Philippe, par exemple, proclamait que Jésus est le Messie et baptisait (Ac 8,5-6, 12-13, 35-38, 40) ; Étienne proclamait l’Évangile devant ses persécuteurs (Ac 6,8-60). De même, les épîtres pastoraux témoignent d’une transmission ordonnée, de la part des apôtres, de leur ministère à d’autres (1 Tm 4,14 ; 2 Tm 1,6 ; Tt 1,5, 7-9). Quelle que soit leur tâche particulière, tous ceux qui, dans le Nouveau Testament, sont désignés pour prendre part au ministère apostolique participent aussi d’une certaine manière au ministère du Christ crucifié et ressuscité, prêtre, prophète et roi[210].

II. Le ministère apostolique dans l’Église

139. Il existe aujourd’hui un large consensus œcuménique entre les chrétiens, fondé sur une convergence, dans la lecture du Nouveau Testament, sur le fait que « le Saint-Esprit accorde à la communauté des dons divers et complémentaires pour le bien commun de tout le peuple. Ces dons se manifestent dans des actions de service au sein de la communauté et pour le monde. Ce peuvent être des dons de communication de l’Évangile en parole et en acte, des dons de guérison, de prière, d’enseignement et d’écoute, des dons de service, de direction et d’obéissance, d’'inspiration et de vision. Tous les membres sont appelés à découvrir, avec l’aide de la communauté, les dons qu’ils ont reçus et à les utiliser pour l’édification de l'Église et au service du monde vers lequel l’Église est envoyée »[211].

140. Catholiques et méthodistes sont d’accord que « le peuple de Dieu tout entier a été envoyé par le Christ dans le monde pour témoigner de l’amour du Père, dans la puissance du Saint-Esprit. En ce sens, ce peuple est apostolique. Tous ses membres reçoivent les dons de l’Esprit et il n’est aucun don sans le service correspondant. Dans le cadre de ce service de l’ensemble, il y a eu depuis le commencement un ministère uniquement appelé et habilité pour édifier le corps du Christ dans l’amour. Ce ministère est ‘apostolique’ dans le sens spécifique du terme parce qu’il a commencé avec le choix par le Christ, parmi ses disciples, des douze ‘qu’il appela apôtres’ (Lc 6,13) »[212]. Le ministère des apôtres est affirmé par le Seigneur ressuscité, qui les a envoyés pour faire des disciples de toutes les nations (Mt 28,19-20).

141. Le ministère apostolique n’a pas pris fin avec la mort des Douze, mais est nécessaire dans l’Église en tout temps. « Les communautés apostoliques ont besoin de gens pour faire à leur époque ce que les apôtres ont fait en leur temps : paître, enseigner et servir sous l’autorité du Bon Pasteur et Maître, le Seigneur Serviteur »[213]. Ce ministère apostolique existe à travers le ministère des individus et des institutions reconnus par la communauté de foi comme étant ceux qui continuent le travail des apôtres. Nos deux communions identifient tout particulièrement le ministère apostolique dans l’Église avec les ministres ordonnés, et croient que « le Christ, qui a choisi et envoyé les apôtres, continue, par le Saint-Esprit, à choisir et appeler des personnes en vue du ministère ordonné »[214].

142. Catholiques et méthodistes partagent déjà dans une large mesure une pratique commune du ministère ordonné. « Dans les Églises catholique et méthodistes certains reçoivent par ordination un appel spécial : ils sont consacrés et habilités à proclamer et enseigner l’Évangile de l’amour de Dieu en Jésus-Christ, à conduire la communauté en prière au trône de la grâce et à administrer les dons sacramentels de Dieu ; ils ont à guider la vie de l’Église, son action en faveur des nécessiteux et son expansion missionnaire »[215]. Dans l’Église catholique, ces tâches sont confiées en premier lieu aux évêques ordonnés dans la succession apostolique, ainsi qu’à leurs presbytres et leurs diacres[216]. Les méthodistes ont également des ministres ordonnés, comprenant des évêques (dans bien des cas), des anciens/presbytres et des diacres. En outre « dans la tradition méthodiste, d’après Wesley, le ministère ordonné est considéré comme étant dans la succession des apôtres, quoique ne dépendant pas de la même manière de la succession des évêques »[217].

143. Mais alors que catholiques et méthodistes sont d’accord que la transmission ordonnée du ministère apostolique fait partie de l’essence même de l’Église, il subsiste entre eux des différences significatives dans la compréhension de la succession ministérielle. D’après la doctrine catholique, l’office des apôtres de « guider le troupeau de Dieu » est une « charge qui doit s’exercer perpétuellement par l’ordre sacré des évêques »[218]. « La succession authentique dans le ministère ne peut être garantie que par l’imposition des mains par un évêque inscrit lui-même dans cette succession historique, et par la transmission authentique de la foi au sein du collège apostolique »[219]. La succession des évêques garantit, symbolise et sauvegarde la continuité apostolique de l’Église. Pour qu’une communauté ou tradition ecclésiale puisse être reconnue pleinement comme « Église », il doit y avoir une succession épiscopale depuis les apôtres. Si un tel ministère fait défaut dans une communauté ecclésiale, il lui manque un élément essentiel, aux yeux des catholiques, bien qu’ils reconnaissent que l’unique Église du Christ peut néanmoins être « effectivement présente » en elle[220].

144. Les méthodistes croient que « dans l’ordination, l’Église affirme et continue le ministère apostolique par l’intermédiaire de personnes habilitées par le Saint-Esprit. Les ministres ordonnés s’engagent à vivre tout l’Évangile et à le proclamer pour le salut du monde »[221]. En conséquence, « les méthodistes… conservent une forme de succession ministérielle en pratique, et ils considèrent la succession des ordinations depuis les premiers temps comme un symbole précieux de continuité avec l’Église du Nouveau Testament, bien qu’ils n’en fassent pas un critère »[222]. Cela étant, en fait, les méthodistes voient dans la continuité du ministère ordonné à la fois un signe et un instrument de la succession apostolique dans l’Église. Les méthodistes attachent une grande importance à la succession ministérielle par l’intermédiaire de la Conférence, comme preuve de leur fidélité continue à la tradition apostolique.

145. En matière d’apostolicité, il ne saurait être question de « tout ou rien ». Tout comme la communion, elle a différents degrés. L’une des intuitions du dialogue œcuménique récent est que la succession apostolique comporte de nombreux autres éléments, outre la succession ministérielle. Il en résulte que catholiques et méthodistes sont déjà en mesure de se reconnaître mutuellement de nombreuses caractéristiques de l’Église. Comme ils l’ont déclaré ensemble : « L’apostolicité de l’Église implique une fidélité continue à l’enseignement du Nouveau Testament dans la doctrine, le ministère, les sacrements et la vie »[223]. Cette « fidélité continue », qu’il ne faut pas confondre avec la permanence dans l’histoire, est la présence continuée du Saint-Esprit auprès du peuple de Dieu dans chacune des modalités qui font que l’Église est apostolique. Ministère, mission, foi, culte et témoignage sont tous des aspects de la continuité apostolique qui sont liés entre eux, et qui découlent de l’action de l’Esprit Saint parmi le peuple de Dieu. Alors que les catholiques tendent à insister plus particulièrement sur l’importance de la continuité dans le ministère apostolique, les méthodistes soulignent traditionnellement l’importance de la continuité dans le témoignage et dans la mission apostolique[224].

146. Catholiques et méthodistes sont d’accord que l’Église a besoin d’un ministère ordonné, apostolique. Ce ministère est « l’un des ‘éléments ecclésiaux’ que nous cherchons lorsque nous désirons affirmer autant que cela est possible le caractère ecclésial de nos deux communautés de foi »[225]. Bien que nos ministères ordonnés respectifs demandent encore à être réconciliés pour que catholiques et méthodistes puissent jouir de la pleine communion dans la vie sacramentelle, « nous affirmons ensemble avec joie que les ministères et les institutions de nos deux communions sont des moyens de grâce par lesquels le Christ ressuscité conduit, guide, enseigne et sanctifie en personne son Église sur la route de son pèlerinage »[226]. En particulier, « méthodistes et catholiques peuvent se réjouir que le Saint-Esprit se serve des ministères et des structures des deux Églises comme moyens de grâce pour conduire le peuple à la vérité de l’Évangile du Christ »[227]. En raison de cette convergence sur la succession ministérielle comme signe et instrument de l’apostolicité de l’Église, catholiques et méthodistes « voient aujourd’hui une opportunité de situer le ministère méthodiste dans un cadre plus reconnaissable de succession apostolique »[228]. Une telle éventualité ne doit pas être vue comme une fin en soi, mais doit être orientée à l’édification de l’Église en vue de sa mission dans le monde. La reconnaissance mutuelle de nos ministères ordonnés découlera d’« un nouvel acte créatif de réconciliation qui reconnait l’activité diversifiée et pourtant unifiée de l’Esprit Saint au cours des siècles. Cela impliquera un acte commun d’obéissance à la souveraineté de la parole de Dieu »[229].

III. La nature du ministère ordonné

147. Catholiques et méthodistes sont d’accord que le Christ lui-même est la source du ministère, que toute l’Église participe à son triple ministère de prophète, prêtre et roi[230], et que les ministres ordonnés agissent en tant que représentants du Christ dans l’Église, signes et instruments de sa grâce et de sa puissance, rendant les baptisés capables de s’affermir en Christ et de servir selon sa volonté. D’après l’enseignement catholique, « le Christ est lui-même la source du ministère dans l’Église », et dans le service ecclésial du ministre ordonné « c’est le Christ lui-même qui est présent à son Église »[231]. De même, les méthodistes enseignent que « le ministère de l’Église chrétienne découle du ministère du Christ »[232]. Ensemble, catholiques et méthodistes affirment que dans l’Église « le ministère fondamental est celui du Christ, qui entend réconcilier tous les hommes à Dieu et entre eux en les rassemblant dans une nouvelle communauté où ils pourront grandir ensemble dans la pleine liberté des enfants de Dieu. Ce ministère était centré sur la vie, la mort et la résurrection du Christ. Il n’a pas pris fin avec la fin de sa vie sur terre mais, par la puissance de l’Esprit, il se poursuit maintenant dans et à travers son Église. Le Christ continue de choisir et d’équiper des hommes pour son ministère, comme il l’a fait au début »[233]. Les ministres ordonnés sont les représentants publics autorisés et authentiques du ministère du Christ dans l’Église.

148. Méthodistes et catholiques partagent déjà à un degré significatif une compréhension commune de la nature du ministère ordonné de l’Église. D’après une source méthodiste autorisée, « les ministres du Christ sont les intendants de la maison de Dieu et les bergers de son troupeau dans l’Église »[234]. De façon similaire, d’après l’enseignement du Concile Vatican II, les évêques sont « les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu »[235]. Les ministres sont les bergers du peuple de Dieu. Ils sont les « intendants » de la vie de l’Église, de son témoignage et de son service. Comme bergers et par leur ministère de la parole et des sacrements, les ministres ordonnés rendent le peuple de Dieu capable de participer plus pleinement au ministère du Christ, prêtre, prophète et roi.

149. De même que les premiers apôtres avaient été choisis parmi le groupe nombreux des disciples, l’appel au ministère ordonné est une forme distincte, quoique inclue dans l’appel commun du peuple de Dieu. « Il s’agit d’un appel spécial au sein de l’appel général adressé à tous »[236]. Cet « appel spécial » distingue le ministère ordonné de la vocation baptismale de service, même s’il existe un rapport étroit entre ces deux vocations.

150. Puisque c’est Dieu qui appelle chacun personnellement à la vie de disciple, l’exercice du ministère ordonné n’est ni un droit humain, ni une simple question d’organisation, de nomination ou de délégation ecclésiale. Dans le peuple de Dieu, « participer au ministère du Christ est un don, dépendant entièrement de l’initiative de Dieu qui appelle et habilite, et non des capacités ou des choix humains »[237]. Ce don n’est pas une fin en soi ; il est destiné au service du peuple de Dieu, afin d’édifier l’Église en vue de sa mission dans le monde. De même, l’institution et la transmission du ministère ordonné découlent de la volonté de Dieu et de son projet pour l’Église.

151. Alors que l’appel au ministère dépend uniquement de Dieu, l’Église a un rôle à jouer en discernant l’authenticité de cet appel. « L’expérience de Paul qui, d’après ses propres paroles, a reçu l’appel à être un apôtre directement du Christ ressuscité, atteste de la liberté et du mouvement de l’Esprit Saint qui appelle les personne à son gré à ce ministère. Cet appel peut être vécu de diverses façons : comme une compulsion intérieure à laquelle nous nous sentons tenus d’obéir ; à travers la convergence de plusieurs facteurs extérieurs qui indiquent tous cette possibilité ; à travers l’influence de l’Église et de son peuple qui nous le demandent instamment ; ou à travers l’indication d’un besoin et de la capacité de répondre à ce besoin selon la volonté de Dieu. De quelque manière que cet appel est vécu, il ne demeure pas une compulsion intérieure mais est testé par l’Église et devient finalement confirmé avant que le candidat ne soit ordonné »[238].

152. Le ministère ordonné est « exercé de l’intérieur de l’Église qui éprouve et confirme l’appel, invoque le don de l’Esprit, et met à part la personne appelée pour remplir ce ministère »[239]. Ce faisant, l’Église agit au nom du Christ, qui est en réalité celui qui identifie et autorise le ministère[240]. « Méthodistes et catholiques romains sont d’accord que par l’ordination une personne est appelée irrévocablement et mise à part par Dieu pour un service spécial dans la communauté des croyants, mais cela n’implique pas que les ministres soient séparés de cette communauté »[241]. Le ministère ordonné doit être exercé en collaboration active avec le peuple de Dieu et en communion avec la communauté des croyants.

153. Le ministère ordonné ne doit pas être confondu avec le service exercé par le peuple de Dieu en vertu de sa vocation baptismale. Comme appel spécial dans le cadre de l’appel général du peuple de Dieu, l’exercice du ministère ordonné se distingue du service de tous les baptisés. Car alors que l’appel général du peuple de Dieu se réalise dans la vie de disciple quotidienne et dans le service chrétien dans le monde, l’appel particulier du ministre ordonné est orienté à l’édification du corps du Christ en vue de sa mission apostolique.

154. Munis d’un appel spécial à être des intendants dans le peuple de Dieu, les ministres ordonnés sont associés à l’exercice de fonctions particulières. Catholiques et méthodistes reconnaissent ensemble que « la fonction spécifique du ministère ordonné est de rassembler et construire le corps du Christ, par la proclamation et l’enseignement de la Parole de Dieu, par la célébration des sacrements, et par la direction de la vie de la communauté dans sa liturgie, sa mission et sa diaconie »[242]. En même temps, nos deux communions rejettent toute vision purement fonctionnelle du ministère ordonné. Comme l’a déclaré l’Église méthodiste britannique : « Il serait inapproprié de restreindre l’appel spécial [du ministre ordonné] à un ensemble de fonctions »[243]. De façon analogue, l’Église catholique appelle le prêtre à « préserver avec un amour vigilant le ‘mystère’ qu’il porte en lui pour le bien de l’Église et de l’humanité », sans céder à la tentation de réduire son ministère à l’« activisme », de « s’occuper de façon impersonnelle de toutes sortes de choses », ou d’exercer « un fonctionnariat »[244].

155. Dans leur ministère, les ministres ordonnés sont au service de l’appel général du peuple de Dieu. « Les ministres ordonnés ont la responsabilité spéciale d’exercer et de concentrer les fonctions de proclamer l’évangile, appeler le peuple à la foi, nourrir le troupeau avec la parole et les sacrements, et faire connaître le Christ à travers le ministère de service au monde »[245]. Les ministres ordonnés sont un signe de l’Évangile et de l’unité de l’Église du Christ devant l’Église et devant le monde[246].

156. Les ministres ordonnés sont des représentants dans un double sens, puisque en exerçant leur ministère, ils représentent à la fois le Christ dans l’Église, et le peuple des fidèles devant Dieu et devant le monde. « Chargé de la pastorale communautaire, ils agissent au nom et en la personne du Christ en conduisant la prière des fidèles, en proclamant et expliquant la Parole, et en administrant les sacrements de la foi »[247]. En même temps, « choisis parmi les fidèles, les ministres ordonnés représentent ceux-ci devant Dieu en rassemblant la communauté priante »[248]. C’est pourquoi catholiques et méthodistes peuvent affirmer ensemble : « Comme hérauts et ambassadeurs, les ministres ordonnés représentent Jésus-Christ pour la communauté et proclament son message de réconciliation. Comme guides et enseignants, ils appellent la communauté à se soumettre à l'autorité de Jésus-Christ le maître et le prophète, en qui la loi et les prophètes sont accomplis. Comme pasteurs, sous l'autorité de Jésus-Christ le grand pasteur, ils rassemblent et conduisent le peuple de Dieu dispersé, dans l'attente du Royaume qui vient »[249].

157. Méthodistes et catholiques définissent d’une façon différente la permanence de l’ordination. Pour les catholiques, le sacrement de l’ordre est indélébile. Par le sacrement de l’ordre, le ministre ordonné est marqué par le Saint-Esprit d’un caractère spécial, en sorte qu’il est configuré au Christ-Prêtre et habilité à agir au nom du Christ-Tête en personne[250]. Les évêques et les prêtres reçoivent un don permanent qui les rend capables « de prêcher la parole de Dieu avec autorité, de présider à l’eucharistie et d’absoudre les pécheurs au nom de l’Église »[251]. L’idée d’un caractère sacramentel imprimé dans l’âme respectivement par le baptême, par la confirmation et par l’ordination a une histoire complexe dans l’Église. De nos jours, les catholiques tendent à interpréter le caractère sacramentel de l’ordination comme une consécration irréversible à servir Dieu et le peuple de Dieu. C’est une caractérisation fondamentale de la vocation baptismale qui modèle toute la vie de la personne. « Cette configuration au Christ et à l’Église, réalisée par l’Esprit, est indélébile, elle demeure toujours dans le chrétien comme disposition positive pour la grâce, comme promesse et garantie de la protection divine, et comme vocation au culte divin et au service de l’Église »[252].

158. « Les méthodistes parlent pas habituellement de l’indélébilité de l’ordination »[253]. Néanmoins, les ministres ordonnés qui renoncent à la pleine communion avec la Conférence ou qui ont été suspendus ou écartés, et qui par la suite sont autorisés à reprendre leur ministère, ne sont pas ordonnés une seconde fois : en ce sens, leurs ordres sont inamovibles[254]. Le fait que, dans la discipline méthodiste, une personne ne puisse être ordonnée qu’une seule fois au même ordre de ministère repose implicitement sur la conviction théologique que cet événement (tout comme le baptême) est tellement significatif pour l’individu et pour la communauté qu’il ne peut être répété.

159. Malgré leur façon différente de décrire ses effets sur l’individu, « catholiques et méthodistes s’accordent à dire que par l’ordination, un rapport nouveau et permanent s’établit avec le Christ et son Église »[255]. Ce rapport nouveau et permanent qui se crée quand l’Église « met à part » une personne pour le ministère affecte toute la personne, en sorte que l’état d’ordonné entraîne principalement qu’on « est » un ministre, et pas seulement qu’on exerce des fonctions ministérielles particulières. Les ministres ordonnés qui ne remplissent plus de devoirs ministériels parce qu’ils sont en retraite ou pour d’autres motifs ne cessent pas pour autant d’être des ministres ordonnés.

160. Les effets de l’ordination sur la personne qui la reçoit sont liés à la question théologique plus fondamentale de savoir si l’ordination est un sacrement. Alors que les catholiques considèrent l’ordination comme un sacrement de l’Église, les méthodistes ne considèrent comme des sacrement que le baptême et l’eucharistie. La possibilité de trouver éventuellement un accord entre catholiques et méthodistes sur la nature sacramentelle de l’ordination sera examinée plus avant.

IV.   Sacerdoce ministériel et sacerdoce commun des fidèles

161. L’une des controverses les plus sérieuses de la Réforme fut la dispute centrée sur le concept de sacerdoce. Le slogan polémique « le sacerdoce de tous les croyants » a été forgé contre ce qui était perçu comme l’enseignement l’Église catholique, selon lequel les ministres ordonnés étaient les intermédiaires entre Dieu et le peuple des fidèles en tant que prêtres sacrificiels. Pour les Réformateurs, le « sacrifice de la Messe » déformait la nature du sacrifice du Christ accompli une fois pour toutes au Calvaire et déniait aux chrétiens la liberté d’approcher Dieu directement pour recevoir la grâce qui justifie et sanctifie. En conséquence, les Églises influencées par la Réforme ont toujours été réticentes à attribuer aux ministres ordonnés des pouvoirs sacerdotaux allant au-delà de ceux conférés par le baptême. Les méthodistes ont eux aussi mis l’accent sur le sacerdoce royal ou commun des fidèles (1 P 2,9) et rejeté la notion d’un sacerdoce ministériel distinct. Néanmoins, lorsque la question du sacerdoce dans l’Église est située théologiquement dans le contexte du ministère sacerdotal du Christ, il devient évident que catholiques et méthodistes ont beaucoup plus de choses en commun qu’on ne le suppose généralement.

162. La possibilité réelle d’une convergence significative ou même d’un plein accord entre catholiques et méthodistes dans ce domaine découle de notre affirmation commune qu’il n’y a un seul sacerdoce dans l’Église, celui du Christ lui-même, auquel toute l’Église participe, comme son corps[256]. Lorsque l’Église exerce son ministère sacerdotal, elle le fait uniquement en vertu de sa participation au sacerdoce du Christ, car lui seul est le prêtre de la Nouvelle Alliance au sens le plus vrai et le plus plein.

163. C’est dans la célébration de l’eucharistie que le ministère sacerdotal du Christ est le plus visible dans l’Église. Ici aussi, la fonction représentative du ministère ordonné se manifeste très clairement comme centre visible de la communion entre le Christ et les membres de son corps, l’Église. « Dans la célébration de l’eucharistie, le Christ rassemble, enseigne et nourrit l’Église. C'est le Christ qui invite au repas et le préside »[257]. Dans l’Église catholique et normalement dans les Églises méthodistes, la présidence du Christ dans l’eucharistie est signifiée et représentée par un ministre ordonné, qui signifie et représente en même temps la communion entre l’assemblée eucharistique et les autres assemblées ecclésiales.

164. Le chapitre trois de ce rapport montre que, correctement comprise, l’eucharistie peut être définie comme le sacrifie ou offrande par lequel l’Église participe au sacrifice du Christ. Dans l’eucharistie, le sacrifice du Christ est présent sacramentellement avec tous ses effets salvifiques pour le peuple de Dieu. Dans la prière eucharistique, l’Église prie et offre « par Christ, avec Christ et en Christ, par la puissance du Saint-Esprit »[258].

165. Les catholiques enseignent que chaque célébration liturgique est un acte du « Christ Prêtre et de son corps qui est l’Église »[259]. Il y a dans l’Église deux modes de participation à l’unique prêtrise du Christ qui sont « ordonnés l’un à l’autre », à savoir le sacerdoce commun de tous les fidèles et le sacerdoce ministériel des fidèles qui ont été appelés et ordonnés pour représenter le Christ lui-même au milieu de son peuple, agissant au nom et en la personne du Christ pour effectuer le sacrifice eucharistique et l’offrir à Dieu au nom de tout le peuple[260]. « Les catholiques croient que, puisqu’il n’y a qu’un seul sacrifice, il n’y a aussi qu’un seul prêtre, le Christ. Ceux que l’on appelle des ‘prêtres’ ne sont jamais que des représentants du Christ-prêtre au milieu du peuple sacerdotal. À travers eux, le Christ-prêtre est sacramentellement présent pour servir son peuple »[261].

166. Pour les catholiques, sacerdoce du ministre ordonné et sacerdoce commun des fidèles sont distincts, mais liés entre eux. « Les catholiques affirment que par le fait que le ministre ordonné représente le Christ devant le corps des fidèles, son sacerdoce diffère de celui des autres chrétiens »[262]. Toutefois, le sacerdoce ministériel ne peut pas être conçu indépendamment du sacerdoce royal du peuple de Dieu. « Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, s’ils diffèrent essentiellement et non pas seulement en degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre puisque l’un comme l’autre participent à sa façon de l’unique sacerdoce du Christ »[263]. La différence essentielle est définie ainsi : « Grâce au pouvoir sacré dont il est investi, le prêtre, ministre du Christ, instruit et gouverne le peuple sacerdotal, accomplit, en qualité de représentant du Christ, le sacrifice eucharistique et l’offre à Dieu au nom de tout le peuple »[264]. Cette différence essentielle entre sacerdoce commun du peuple de Dieu et sacerdoce ministériel se reflète dans la façon dont chacun d’eux est exercé : « Alors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d’espérance et de charité, vie selon l’Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun, il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens. Il est un des moyens par lesquels le Christ ne cesse de construire et de conduire son Église »[265].

167. L’enseignement méthodiste sur le sacerdoce et sur le sacrifice eucharistique n’a pas encore été formulé officiellement, même si les Hymnes sur le repas du Seigneur de Wesley constituent une source qui fait autorité. Conformément à la théologie de l’Église d’Angleterre de l’époque, les frères Wesley enseignaient que l’eucharistie est un mémorial de la mort du Christ, un moyen de grâce présent, un gage de gloire future, et un « sacrifice commémoratif »[266].

168. De façon regrettable, les disputes de la Réforme ont eu pour effet de forcer le choix entre sacerdoce des ministres ordonnés et sacerdoce des laïcs, comme si c’était le principal facteur à prendre en considération quand on étudie le sacerdoce dans l’Église[267]. On trouve des échos des disputes du passé dans les critères doctrinaux du méthodisme britannique qui dit que les ministres ordonnés « ne détiennent aucun sacerdoce différent en genre de celui commun à tout le peuple du Seigneur ». Et encore « l’Église méthodiste [britannique] maintient la doctrine du sacerdoce de tous les croyants, et croit par conséquent qu’il n’existe aucun sacerdoce appartenant exclusivement à un ordre ou à une catégorie particulière de personnes »[268].

169. Quel qu’ait pu être leur propos à l’origine, ces déclarations et d’autres similaires ne sont pas nécessairement irréconciliables avec l’enseignement catholique actuel sur la nature et sur l’exercice du sacerdoce dans l’Église. Méthodistes et catholiques peuvent affirmer ensemble qu’il n’existe qu’un seul sacerdoce dans l’Église, et qu’il « appartient exclusivement » au Christ. Pour les catholiques, cette affirmation n’est pas incompatible avec le maintien d’une distinction qualitative entre sacerdoce ministériel et sacerdoce commun des fidèles, qui tous deux participent du ministère sacerdotal du Christ. Sans désavouer les controverses passées, catholiques et méthodistes peuvent reconnaître aujourd’hui que des développements ont eu lieu, qui nous permettent d’envisager la question litigieuse du sacerdoce ministériel sous un jour nouveau et plus favorable[269].

170. Méthodistes et catholiques partagent la conviction commune que l’appel spécial du ministère ordonné consiste à parler et à agir à la fois au nom du peuple de Dieu et au nom du Christ dans la communauté. En agissant et en parlant au nom du Christ, en tant que ses représentants, les ministres ordonnés ne tiennent pas leur autorité du peuple de Dieu par délégation. De même, le sacerdoce du ministère ordonné ne découle pas du sacerdoce commun du peuple de Dieu. Ainsi, les ministres ordonnés participent du sacerdoce du Christ d’une manière qui est propre à leur ministère distinctif, et pas seulement en tant que baptisés.

171. Il existe des différences entre catholiques et méthodistes sur le sens que les uns et les autres attribuent au sacerdoce commun des fidèles et au sacerdoce ministériel. Alors que Baptême, Eucharistie, Ministère affirme que les évêques et les prêtres « peuvent être proprement appelés prêtres, parce qu’ils accomplissent un service sacerdotal, particulier en fortifiant et en construisant le sacerdoce royal et prophétique des fidèles par la Parole et les sacrements, par leurs prières d’intercession et leur direction pastorale de la communauté »[270], cet usage est beaucoup plus répandu chez les catholiques, qui associent normalement le sacerdoce au ministère ordonné. Pour leur part, les méthodistes attribuent généralement le sacerdoce de l’Église au peuple de Dieu dans son ensemble, et n’ont pas coutume d’appeler leurs ministres ordonnés « prêtres ».

172. Les différences de terminologie ne sont pas nécessairement significatives en soi. Ce qu’il faut considérer, c’est si et comment ces différentes formes de participation à l’unique sacerdoce du Christ peuvent être vues comme constituant une « différence essentielle » entre sacerdoce ministériel et sacerdoce commun des fidèles. Il faut se demander en particulier si et comment il est possible de considérer le ministère ordonné comme le moyen par lequel le Christ rend son sacerdoce présent et efficace parmi le peuple de Dieu durant la célébration de l’eucharistie. La conviction partagée, exprimée précédemment, que le ministre ordonné représente le Christ dans l’Église pourrait être à la base d’une convergence accrue. Puisque c’est le Christ, Tête et Berger de l’Église, qui invite son peuple à l’eucharistie et qui préside lui-même l’assemblée, le ministre ordonné, qui agit en son nom, peut être vu comme le moyen par lequel le Christ rend son sacerdoce présent et efficace parmi le peuple de Dieu. Néanmoins la capacité du ministre ordonné d’agir dans l’Église au nom du Christ dépend aussi de l’effet particulier que l’ordination exerce sur celui qui la reçoit.

V. L’ordination comme signe efficace

173. Chacun à leur manière, catholiques et méthodistes « mettent à part » solennellement des ministres pour le service des baptisés par le moyen liturgique de l’ordination à un ordre de ministère particulier. Chez les catholiques, par le sacrement de l’ordre, les ordonnés sont configurés sacramentellement au Christ par la puissance du Saint-Esprit afin d’exercer le ministère dans l’un de ses trois ordres (évêques, prêtres, diacres). Chez les méthodistes, en l’absence d’une doctrine officielle en la matière, les rituels d’ordination autorisés sont une source précieuse pour comprendre ce que les méthodistes croient au sujet de l’ordination. Le premier ordinal méthodiste fut celui que John Wesley rédigea en 1784, en remaniant l’ordinal anglican Book of Common Prayer de 1662 à l’intention des méthodistes des États-Unis. Mais bien que l’héritage wesleyen demeure important, les rites d’ordination pratiqués actuellement dans l’Église méthodiste ont été considérablement influencés, du point de vue théologique et liturgique, par les intuitions œcuméniques du mouvement liturgique moderne.

174. D’après le rapport de Séoul, l’ancien principe du lex orandi, lex credendi (nous croyons comme nous prions) peut être appliqué utilement au dialogue entre catholiques et méthodistes car « une grande partie de la foi méthodiste s’exprime dans la liturgie et dans les hymnes … et n’a pas été plus amplement traduite sous d’autres formes. Dans certains cas, cela reste implicite »[271]. À la suite des avancées du mouvement liturgique au XXe siècle, méthodistes et catholiques peuvent maintenant « partager une méthodologie fortement liturgique dans la formulation de nos professions de foi et dans l’enseignement de la doctrine »[272]. En appliquant cette méthodologie liturgique aux rites d’ordination de nos deux communions, il est évident qu’il existe un accord théologique substantiel entre méthodistes et catholiques sur la nature de l’ordination. L’idée d’« intention » est centrale pour parvenir à un plein accord entre nos deux communions sur les effets de l’ordination.

175. L’actuel rituel d’ordination de l’Église catholique découle des réformes liturgiques qui ont suivi le Concile Vatican II. Dans la liturgie révisée de l’ordination, « le rite essentiel du sacrement de l’Ordre est constitué, pour les trois degrés, de l’imposition des mains par l’évêque sur la tête de l’ordinand, ainsi que de la prière consécratoire spécifique qui demande à Dieu l’effusion de l’Esprit Saint et de ses dons appropriés au ministère pour lequel le candidat est ordonné »[273].

176. Le moment central du rituel d’ordination méthodiste est l’imposition des mains par un ministre ordonné au nom de la Conférence, accompagnée d’une invocation au Saint-Esprit pour qu’il confère les dons nécessaires au ministère dans un ordre particulier. Par exemple : « Seigneur, répands sur Nom le Saint-Esprit pour l’office et le travail d’Ancien [diacre] » (Église méthodiste unie) ; ou « Père, envoie le Saint-Esprit sur Nom pour l’office et le travail de presbytre [diacre] dans ton Église » (Église méthodiste britannique).

177. Dans les rituels d’ordination des méthodistes et des catholiques, on perçoit très clairement l’intention de conférer l’ordination dans le ministère apostolique de l’Église une, sainte, catholique et apostolique. En outre, les rituels d’ordination méthodiste et catholique sont construits de manière à signifier qu’un charisme ministériel particulier est conféré par l’invocation du Saint-Esprit. Cette intention et ces formes liturgiques communes laissent entrevoir la possibilité d’un accord théologique de base sur le caractère sacramentel de l’ordination.

178. Les divergences historiques entre méthodistes et catholiques sur le nombre précis de sacrements ne doivent pas être considérées nécessairement comme constituant une impasse œcuménique. La catégorie de « signe efficace » permet de définir l’économie sacramentelle dans une optique qui va au-delà du baptême et de l’eucharistie. Méthodistes et catholiques affirment ensemble que « les sacrements sont des signes efficaces par lesquels Dieu donne sa grâce par la foi »[274]. Ils sont également d’accord pour dire que « l’Église a autorité pour instituer d’autres rites et ordonnances qui sont considérés comme des gestes sacrés et des signes de l’amour rédempteur de Dieu en Christ »[275]. Dans l’économie sacramentelle, méthodistes et catholiques « considèrent l’ordination comme un signe efficace par lequel la grâce de Dieu est accordée à celui qui est investi du ministère de la parole et des sacrements »[276].

179. Tout en appliquant uniquement le terme « sacrement » aux deux rites pour lesquels l’Évangile indique expressément qu’ils ont été institués par le Christ, les méthodistes n’excluent pas que d’autres rites puissent avoir une « qualité sacramentelle »[277]. Pour les catholiques, l’ordination est un sacrement de l’Église. Méthodistes et catholiques conviennent que l’ordination est sacramentelle par nature, s’agissant d’un rite qui contient et confère la grâce qu’il signifie. En conférant les dons appropriés au ministère, l’ordination met le ministre ordonné dans un rapport nouveau et permanent avec le Christ et avec le peuple de Dieu. Les catholiques décrivent cet état en disant que le ministre est « sacramentellement configuré au Christ ». Bien qu’un tel langage soit leur nouveau, les méthodistes peuvent se dire d’accord sur ce qu’il signifie par rapport à l’ordination.

VI. Le ministère de supervision

180. Depuis l’origine, il y a eu un ministère d’episcopè (supervision) dans l’Église[278]. D’une façon générale, ce ministère a pour but de « garantir que la communauté demeure unie, qu’elle grandisse en sainteté, qu’elle préserve sa catholicité, et qu’elle soit fidèle à l’enseignement apostolique et au commandement d’évangéliser donné par le Christ lui-même »[279]. « Sans l’exercice de ce don de supervision, le désordre et donc la désunion sont inévitables. Koinonia et episcopè s’appellent l’une l’autre »[280]. Même si le ministère de supervision recouvre de multiples fonctions, « la tâche de maintenir l’unité dans la vérité est centrale dans l’exercice de l’episcopè. Ainsi, la tâche d’enseigner est une partie essentielle de la tâche d’episcopè »[281]. Ensemble, méthodistes et catholiques affirment que « la direction pastorale a toujours comporté d’enseigner et de prêcher avec autorité, car l’unité dans l’amour et l’unité dans la vérité vont ensemble »[282].

181. En ce qui concerne l’exercice du ministère de supervision, « méthodistes et catholiques affirment ensemble la place qu’occupe dans la communauté des croyants les ministres responsables de la communion et connexion dans l’amour et la vérité, agents autorisés du discernement et de la proclamation de la vérité de l’Évangile »[283]. Dans nos deux communions, le ministère de supervision est exercé selon des modalités à la fois personnelles, collégiales et communautaires. Toutefois méthodistes et catholiques identifient différemment les agents et les instruments d’un discernement et d’une proclamation qui font autorité.

182. Dans l’Église catholique, ce sont les évêques qui sont les serviteurs de la communion faisant autorité. Le Concile Vatican II enseigne que « les évêques, de par l’institution divine, ont occupé, dans la succession, la place des apôtres en tant que pasteurs de l’Église ; et que quiconque les écoute, écoute le Christ ; quiconque les méprise, méprise le Christ et celui qui a envoyé le Christ »[284]. Pour les catholiques, « les évêques de l’Église reçoivent une assistance spéciale de l’Esprit Saint quand, par un acte collégial avec l’Évêque de Rome dans un concile œcuménique, ils définissent la doctrine énoncée irrévocablement »[285]. Le Concile Vatican II dit que l’enseignement des évêques est infaillible quand, en communion avec l’Évêque de Rome, Successeur de Pierre, ils enseignent avec pleine autorité et unanimement sur les questions de foi et de morale, même s’ils sont dispersés dans le monde entier ; c’est ce qu’on appelle le « magistère universel ordinaire »[286]. Par ailleurs, il réaffirme la doctrine du premier Concile du Vatican selon laquelle le pape lui-même enseigne infailliblement quand « en sa qualité de pasteur et de docteur suprême de tous les fidèles… il proclame, en la définissant, une doctrine de foi ou de morale »[287]. Dans certaines circonstances particulières, l’enseignement du pape et des évêques est réputé préservé de l’erreur par le fait qu’il est un exercice du « charisme de l’infaillibilité de l’Église », un don de l’Esprit dont l’Église a été dotée par le Christ lui-même[288]. Pour l’Église catholique, même si la réception d’une doctrine n’est pas nécessairement un critère de vérité, une doctrine qui ne serait pas reçue par le peuple de Dieu dans la pratique de sa foi ne produirait pas les effets attendus dans la vie de l’Église. Ainsi circonscrite, la réception de la doctrine est certainement importante pour les catholiques.

183. Dans le méthodisme, le ministère de supervision est exercé collégialement par la Conférence, et personnellement et collégialement par les évêques ou les ministres surintendants[289]. « Dans toutes les Églises méthodistes, c’est à la Conférence qu’il revient de faire avec autorité le discernement de la vérité de l’Évangile pour l’Église »[290]. Les méthodistes ne reconnaissent de charisme ou d’infaillibilité à aucun ministre ou institution, mais ils croient cependant à l’indéfectibilité de l’Église. Les méthodistes font confiance à la conduite et à la fidélité du Saint-Esprit, sans investir aucun agent ou institution en particulier d’un charisme certain de discernement faisant autorité. « Les méthodistes sont habitués à voir l’aide du Saint-Esprit d’une manière plus générale : à travers les réformateurs, les figures prophétiques, les chefs religieux, les Conférences méthodistes, par exemple, aussi bien qu’à travers les Conciles généraux »[291]. Les déclarations doctrinales des Conférences méthodistes ne se proclament pas exemptes d’erreur. L’adhésion du peuple de Dieu est une composante essentielle du processus d’enseignement qui fait autorité, en sorte que la réception par les fidèles ordinaires confirme les décisions de ceux qui sont chargés de l’exercice de l’autorité dans l’Église. Dans la compréhension méthodiste, l’exercice de l’autorité dans l’Église est nécessairement provisoire et sujet aux révisions sous la conduite du Saint-Esprit, qui guide l’Église vers la vérité.

Il est clair, par conséquent, qu’il existe des différences entre méthodistes et catholiques quant au ministère de supervision et à l’exercice d’un enseignement faisant autorité. Néanmoins, « catholiques et méthodistes sont d’accord sur le besoin d’une forme d’autorité pour avoir une certitude au-delà de tout doute concernant l’action de Dieu dans la mesure où c’est décisif pour notre salut »[292]. Le cadre d’une convergence théologique entre nos deux communions sur le ministère de supervision nous est fourni par la conviction partagée que « garder le peuple de Dieu dans la vérité est l’œuvre aimante de l’Esprit dans l’Église »[293].

Vois comme l’Église de l’Évangile est solide
Car elle est fondée sur le roc !
Toutes ses promesses sont certaines ;
Ses remparts, qui peut les ébranler ?
Compte tous ses beaux sanctuaires ;
Proclame dans les siècles, proclame
Que fortifiée par la puissance divine,
L’Église ne pourra jamais faillir[294].        

                           (traduction libre)

En raison de l’action de l’Esprit, l’Église est considérée comme indéfectible par les méthodistes et infaillible par les catholiques[295]. Les différences entre nous portent sur la façon dont cette caractéristique fondamentale de l’Église s’incarne dans le ministère de ceux qui exercent avec autorité le ministère d’episcopè ou supervision.

VI.  Questions théologiques nécessitant une étude ultérieure

184. Méthodistes et catholiques n’ont pas encore trouvé un accord sur la structure du ministère ordonné et sur la signification du développement graduel, dans l’Église primitive, d’un triple ministère d’évêque, de prêtre et de diacre. Pour les catholiques, ce triple ministère ordonné est d’institution divine[296], et la transmission des ordres sacerdotaux en continuité avec la communauté apostolique est la condition d’une pleine identité ecclésiale[297]. Les méthodistes ne considèrent pas ce triple ministère comme la seule structure du ministère ordonné permissible dans l’Église, même si nombre d’Églises méthodistes ont un ministère ordonné comprenant des évêques, des prêtres et des diacres.

185. Il existe une divergence entre méthodistes et catholiques au sujet des personnes qui peuvent administrer l’ordination au nom de l’Église. Dans l’Église catholique, seuls les évêques peuvent administrer l’ordination épiscopale, sacerdotale ou diaconale. Et dans le cas de l’ordination épiscopale, seuls les évêques en communion hiérarchique avec le Pape et autorisés par une lettre papale de nomination de l’ordinand peuvent administrer l’ordination validement et licitement. Chez les méthodistes, c’est la Conférence qui administre l’ordination par l’intermédiaire de ses représentants désignés, qu’ils soient évêques (dans l’Église méthodiste unie et dans la plupart des autres Églises méthodistes) ou prêtres (en Grande-Bretagne et dans quelques autres Églises méthodistes). Cette divergence, qui découle de notre compréhension différente de l’exercice du ministère de supervision, ne doit pas obscurcir notre conviction partagée sur la nature de la supervision elle-même. Il est significatif que dans nos deux communions, l’ordination soit administrée par le principal agent/instrument de supervision.

186. Méthodistes et catholiques ne sont pas encore entièrement d’accord sur celui qui peut présider l’eucharistie. Dans l’Église catholique, seuls ceux qui ont reçu l’ordination sacerdotale (évêques ou prêtres) peuvent présider l’eucharistie, en rendant présent et efficace le sacerdoce du Christ au milieu du peuple de Dieu. Dans la discipline méthodiste, ce sont les évêques et les prêtres qui président normalement l’eucharistie ; toutefois en leur absence, et à titre exceptionnel, les Conférences et/ou les évêques peuvent autoriser d’autres personnes à présider l’eucharistie en un lieu donné et pour une durée de temps limitée. Cette différence significative entre nos deux traditions demande à être approfondie.

187. Les méthodistes sont prêts à reconnaître qu’il est normatif et approprié que ce soit un évêque ou un prêtre, en tant que représentant du Christ Tête et Berger de l’Église, qui préside les principaux événements liturgiques de l’Église, et notamment l’eucharistie. Sous l’impulsion du présent rapport, les méthodistes pourraient souhaiter reconsidérer leur pratique actuelle de faire présider les événements liturgiques par d’autres personnes, en se demandant si elle est réellement compatible avec leur compréhension du rôle de l’évêque ou du prêtre comme représentant du Christ dans la communauté, et de l’ordination comme rite sacramentel efficace par lequel ces ministres reçoivent les dons et le pouvoir nécessaires pour agir en son nom.

188. Méthodistes et catholiques ne sont pas encore pleinement d’accord sur les personnes qui peuvent recevoir validement l’ordination dans l’Église. « Les catholiques n’ordonnent pas les femmes, croyant qu’ils n’ont pas autorité pour changer une pratique qui est liée au sacrement de l’Ordre tel que reçu dans la Tradition de l’Église »[298]. « Les méthodistes ordonnent les femmes parce qu’ils croient que les femmes reçoivent aussi l’appel, mis en évidence par la conviction intérieure et la manifestation extérieure des dons et des grâces et confirmé par l’assemblée des fidèles »[299].

VIII. En bref

189. Dans ce chapitre, nous avons concentré notre attention sur le rôle du ministère ordonné, consistant à rendre le peuple de Dieu capable de participer au ministère du Christ dans l’Église et dans le monde. Voici en résumé les points positifs qui ont été dégagés. Catholiques et méthodistes affirment ensemble que : 1) tout ministère dans l’Église est en dernière analyse celui du Christ, et ceux qui exercent un ministère le font seulement comme ses représentants ; 2) le ministère ordonné est à la fois signe et instrument du ministère du Christ ; 3) le rituel d’ordination (comportant l’imposition des mains et l’invocation du Saint-Esprit pour qu’il accorde les dons appropriés au ministère) est par nature sacramentel ; 4) en vertu de leur ordination, les ministres sont habilités à représenter le Christ devant l’Église, et l’Église devant Dieu ; 5) sacerdoce ministériel et sacerdoce commun des fidèles participent de l’unique sacerdoce du Christ de manière distincte, mais conjointement ; 6) dans la célébration de l’eucharistie, l’évêque ou le presbytre ordonné représente le Christ au milieu du peuple sacerdotal de Dieu ; 7) la transmission ordonnée du ministère ordonné est un signe et un instrument de l’apostolicité de l’Église.

 

CONCLUSION

190. Le rapport de Séoul, La grâce qui vous est donnée dans le Christ : catholiques et méthodistes réfléchissent plus à fond sur l’Église, a recueilli les fruits du dialogue entre méthodistes et catholiques sur l’Église pendant les quarante années précédentes. À la lumière des résultats acquis, il a pu recommander des moyens pratiques pour réaliser un échange mutuel des dons entre nos deux communions en attendant la pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle, but déclaré de ce dialogue dès le départ.

191. Le rapport de Séoul reconnaissait également que des divergences significatives subsistaient entre nos deux communions sur certaines questions, et en particulier sur la nature sacramentelle de l’ordination, sur la compréhension du ministère ordonné comme sacerdoce, ainsi que sur la compréhension sacrificielle de l’eucharistie. Le présent document a traité ces questions, et il a examiné en outre pour la première fois de façon approfondie l’approche de la théologie et de la pratique du baptême dans nos deux communions. Il l’a fait dans le contexte plus vaste du caractère sacramentel de l’Église, un point qui était apparu de façon insistante dans les rapports des dialogues des décennies précédentes, du mystère pascal du Christ, et de la façon dont les membres de l’Église participent de la mort et à la résurrection de Jésus à travers les sacrements.

192. Une compréhension plus sacramentelle de l’Église, et une compréhension de plus en plus partagée de l’eucharistie et de l’ordination ont été quelques-uns des résultats importants de ce dialogue. Par ailleurs, nombre de questions en suspens ont pu être abordées de façon efficace et constructive dans ce rapport.

193. Le premier chapitre marque un grand pas en avant vers une compréhension commune de la nature sacerdotale du Christ, de l’unité entre le Christ et son sacrifice offert une fois pour toutes et à jamais, et de l’union entre le Christ et l’Église, son corps et son épouse. Cette compréhension commune est à la base des convergences particulières sur les questions du baptême, de l’eucharistie et du ministère, dégagées dans les chapitres suivants.

194. Le chapitre deux se penche sur les accentuations différentes des méthodistes et des catholiques dans leur compréhension du baptême. Les uns et les autres soulignent le lien entre baptême et foi, entre baptême et vie nouvelle, et entre baptême et Église, mais ils le font d’une manière différente. La difficile question du rapport entre célébration sacramentelle du baptême et régénération ou nouvelle naissance y est abordée sans chercher à minimiser la tension entre les accentuations diverses des catholiques et des méthodistes. La compréhension missiologique du baptême comme appel à vivre une vie de disciple nous est apparue comme un thème qui mériterait d’être étudié ultérieurement par les méthodistes et les catholiques.

195. Le chapitre sur l’eucharistie ouvre la voie à une convergence sur la nature sacrificielle de l’eucharistie, en réfléchissant sur la notion catholique d’« offrir » le sacrifice du Christ et sur la préférence des méthodistes pour celle de « plaider » ce sacrifice. La conclusion du chapitre est que cette différence de terminologie pourrait être réconciliée, et que méthodistes et catholiques pourraient rapprocher encore davantage leurs points de vue en approfondissant ensemble les Hymnes sur le Repas du Seigneur de Wesley. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de question qui demande une étude ultérieure, par exemple la pratique catholique d’offrir le sacrifice non seulement pour les présents, mais pour tous les vivants et les morts.

196. En ce qui concerne l’ordination, ce rapport va encore plus loin en direction d’un plein accord entre catholiques et méthodistes, puisque les uns et les autres affirment que l’ordination est de nature sacramentelle, et que son rituel contient et confère la grâce qu’il signifie. Ensemble, nous disons qu’elle met le ministre ordonné dans un rapport nouveau et permanent avec le Christ et avec le peuple de Dieu. Diverses questions théologiques sont signalées, qui pourraient faire l’objet d’un stade ultérieur du dialogue entre méthodistes et catholiques.

197. Au terme de cette phase du dialogue, il nous apparaît qu’une question en particulier mériterait de faire l’objet d’un dialogue ultérieur entre catholiques et méthodistes : il s’agit de toute la question de l’expérience du salut et de la réponse du croyant au don de la grâce de Dieu. Les différences d’accentuations qui existent sur cette question entre catholiques et méthodistes semblent mettre en jeu d’autres questions sur lesquelles des divergences sont souvent apparues aussi entre eux. Ensemble, catholiques et méthodistes rendent grâces à Dieu pour ce dialogue, qui les a tellement rapprochés qu’ils peuvent maintenant aborder ensemble même les questions les plus profondes, celles qui sont à la base de leurs identités respectives.

 

 

[1]. Le texte des documents du Concile Vatican II ainsi que la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification et la Déclaration d’association du Conseil méthodiste mondial se trouvent sur le site Internet du Vatican www.vatican.va.

[2]. Toutes les citations bibliques sont tirées de la traduction œcuménique de la Bible (TOB) de la Société Biblique Française, parue aux éditions du Cerf, Paris 2004.

[3]. Karl Barth, Commentaire de l’Épitre aux Philippiens, Éditions Labor et Fides, 1965.

[4]. Comparer avec la définition du Concile de Chalcédoine.

[5]. Séoul n. 48 ; cf. Rm 16,25-27; Ep 1,3-10; 3,8-10; Col 1,25-27.

[6]. Séoul n. 52, citant Nairobi n. 3.

[7]. Séoul n. 52 ; Nairobi n. 3.

[8]. Nairobi n. 20 ; Séoul n. 98, n. 144.2.

[9]. Ignace d’Antioche, Lettre aux chrétiens de Smyrne, 7.

[10]. Ignace d’Antioche, Ephésiens, 20.

[11]. Cf. Ignace d’Antioche, Ephésiens, 7.

[12]. Cf. Clément d’Alexandrie, Paidagogos, 1, 2, PG 8, 255B.

[13]. Par exemple dans le sermon « La peine et le repos du Juste » (Sermon 109), John Wesley dit : « Le monde entier n’est en fait, en l’état présent, qu’une grande infirmerie : tous ceux qui s’y trouvent sont malades de péché, et leur principal souci est d’en être guéris. C’est justement dans ce but que le grand Médecin des âmes est continuellement présent auprès d’eux, notant toutes les maladies de chaque âme et donnant des remèdes pour les guérir » (WJW, vol. 3, p. 533).

[14]. Charles Wesley, Hymns and Sacred Poems, vol. 1, Bristol: Farley, 1749, Hymne 153, st. 4; cf. Hymne 159, st. 2 : « Qu’il a coûté cher, Seigneur, le remède, / Le remède apporté par tes blessures ! / Pour que je vive, pour que je guérisse / Mon Agneau, mon Bon Médecin est mort ».

[15]. Cf. Jean Chrysostome, Catéchèses 3, 13-19 (cf. Bréviaire romain, Office des lectures, Vendredi Saint).

[16]. Saint Augustin, Du mérite et de la rémission des péchés, 1, 31, 60, PL 44, 144-145.

[17]. Saint Augustin, Sermon 22, 10, PL 38, 154. Cf. HLS, Hymne 129, st. 2 : « Le Christ est son Église ne font qu’un, / Un seul Corps et un seul Vin, / Pour nous, il utilise tous ses pouvoirs, / Et tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, est pour nous ». Ce point sera développé plus avant au chapitre trois.

[18]. Cf. Séoul n. n. 55-57.

[19]LG n. 8.

[20]BDUMC 101, section 1, « Our Doctrinal Heritage », p. 44.

[21]. Nairobi n. 8; Séoul n. 77.

[22]. Cf. SC n. 7; et THM, Deuxième partie : « Christ is Here: Experiencing the Mystery ».

[23]. Séoul n. 104.

[24]. Cf. Séoul n. 102.

[25]CEC n. 389. Ensemble, catholiques et méthodistes reconnaissent le salut par la foi, « à l’origine de toutes bonnes œuvres et de toute sainteté » (WJW, « Le salut par la foi » [Sermon 1, III.1], vol. 1, p. 125); voir aussi Sermon 85, « Travailler à son salut » ; cf. CEC n. n. 161-62). Le 23 juillet 2006, le Conseil méthodiste mondial s’est officiellement associé à la Déclaration Conjointe sur la Doctrine de la Justification(1999) de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique. Une déclaration commune officielle d’association a été signée par les trois partenaires à Séoul.

[26]. Conférence méthodiste britannique, Called to Love and Praise : The Nature of the Christian Church in Methodist Experience and Practice, 1999, n. 1.4.1 ; cf. Séoul n. 98, n. 124.

[27]. Cf. Séoul n. n. 99-100.

[28]. John Wesley, Préface, Hymns and Sacred Poems, London, Strahan, 1739, p. viii.

[29]BDUMC 103, section 3, Article XIII « Of the Church », p. 62 ; voir aussi Deed of Union des méthodistes britanniques, n. 4.

[30]. Cf. John Wesley, Sermon 74, « De l’Église » ; et Sermon 4, « Le christianisme scripturaire ».

[31]. Cf. Séoul n. 99, n. 106.

[32]UR n. 5 ; cf. LG n. 8, voir aussi LG chapitres 2 et 7.

[33]LG n. 22.

[34]LG n. 8.

[35]. Séoul n. 106.

[36]. Cf. SC n. 41.

[37]. Cf. LG n. 26.

[38]LG n. 11.

[39]. Cf. Séoul n. 130.

[40]. Nairobi n. 3.

[41]. Cf. Rio.

[42]DCDJ n. 19.

[43]DCDJ n. 27.

[44]. Brighton n. 52.

[45]UR n. 22.

[46]BEM, Baptême n. 15.

[47]. Séoul n. 78.

[48]. Singapore n. 63.

[49]The United Methodist Book of Worship, Nashville, The United Methodist Publishing House, 1992, pp. 88, 96, 100, 111.

[50]. Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n. 223.

[51]CEC n. 168.

[52]. Ainsi, par exemple, dans le méthodisme britannique, The Methodist Worship Book, Peterborough, Methodist Publishing House, 1999 : « Le ministre s’adresse à tous les présents en disant : ‘Croyez-vous et avez-vous foi en... ’ » (pp. 66-67, 80, 91-92) ; et dans The United Methodist Book of Worship : « Unissons-nous dans la profession de la foi chrétienne... » (pp. 89, 96).

[53]CEC n. 168.

[54]. Brighton n. 37.

[55]. Voir chapitre 1, n. 15 ci-dessus.

[56]By Water and the Spirit n. 38.

[57]Code de Droit canonique, 1983, canon 868 1/2.

[58]. « Rituel du Baptême des enfants ».

[59]By Water and the Spirit n. 36.

[60]. Rio n. 27.

[61]. Rio n. 101; cf. BEM, Baptême n. 3.

[62]. Singapore n. n. 64-65.

[63]. Rio n. 101.

[64]CEC n. 1262.

[65]. The Methodist Worship Book, p. 63.

[66]The Methodist Worship Book, p. 66.

[67]CEC n. 1263.

[68]. Cf. « Déclaration d’association du Conseil Méthodiste avec la Déclaration Conjointe sur la Doctrine de la Justification », Séoul, 2006, n. 4.1.

[69]By Water and the Spirit n. 16.

[70]BDUMC 103, section 3, Article XVII « Of Baptism », p. 63.

[71]. Charles Wesley, Hymns and Sacred Poems, vol. 2, Bristol, Farley, 1749, Hymne 181, sts. 5-6.

[72]WJWThe Marks of the New Birth (Sermon 18, 1), vol. 1, p. 417.

[73]WJWThe Marks of the New Birth (Sermon 18, IV.5), vol. 1, p. 430.

[74]WJWThe New Birth (Sermon 45, IV.1), vol. 1, p. 197.

[75]. Charles Wesley, Hymns and Sacred Poems, vol. 2, Bristol: Farley, 1749, Hymne 182, st. 2.

[76]. Voir Article XVII de l’Église méthodiste, cité ci-dessus au n. 23. Voir aussi Article VI de la Confession de foi de l’Église évangélique United Brethren : « Le Baptême est l’entrée dans la maison de la foi, c’est un symbole de repentance et lavement intérieur du péché, une représentation de la nouvelle naissance en Jésus Christ » (BDUMC 103, section 3, Article VI « The Sacraments », p. 68).

[77]By Water and the Spirit n. 31.

[78]. « Baptismal Covenant I », n. n. 11-12 dans The United Methodist Book of Worship, pp. 91-92.

[79]By Water and the Spirit n. 48.

[80]CEC n. n. 1263-74.

[81]. Voir chapitre 1, n. 15 ci-dessus.

[82]LG n. 11.

[83]CEC n. n. 1258-60.

[84]Gaudium et Spes (Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps, Concile Vatican II, 1965) n. 22.

[85]CEC n. 1212 ; RCIA, Introduction n. 1-2.

[86]UR n. 22.

[87]By Water and the Spirit n. 28.

[88]. LG n. 7, citant 1 Co 12:13.

[89]. Rio n. 101.

[90]. Séoul n. 78.

[91]. Rio n. 101.

[92]. Brighton n. 36.

[93]. UR n. 3.

[94]. UR n. 22.

[95]Directoire pour l’application des principes et normes sur l’œcuménisme (1993) n. 38.

[96]. Nairobi n. 20.

[97]By Water and the Spirit n. 32.

[98]. Par ex. LG n. n. 10-17.

[99]. CEC n. 1316.

[100]. CEC n. 1303.

[101]. CEC n. 1298.

[102]. Séoul n. 94.

[103]. Séoul n. 94.

[104]. Les premiers hymnes furent publiés pour la première fois avec une préface de John Wesley, qui était une version abrégée de On the Christian Sacrament and Sacrifice de Daniel Brevint (1616-1695), membre des Caroline Divines (école de prédicateurs et de théologiens anglicans sous le règne de Jacques Ier) qui a eu une forte influence sur les frères Wesley. Le contenu des hymnes s’inspire en grande partie des textes de Brevint.

[105]. THM, p. 12 ; ce document cite plusieurs fois les hymnes à l’appui de ses enseignements sur l’eucharistie (par ex. pages 11, 12, 21).

[106]. HPMF n. 72.

[107]. HPMF n. 73.

[108]. HPMF n. 1.

[109]. CEC n. 1407.

[110]. Séoul n. 94.

[111]. Cf. Denver n. 83.I.1-5 ; Dublin n. 54.

[112]. HLS, Hymne 81, sts. 1-2.

[113]. Cf. Denver n. 83.I.2-3.

[114]. Cf. SC n. 7 ; Paul VI, Mysterium Fidei (Encyclique sur l’Eucharistie, 1965) n. 36 ; et THM, pp. 10-11.

[115]. SC n. 7; Voir aussi chapitre 4 ci-dessous.

[116]. « Toi seul prépare mon cœur /À trouver ta présence réelle en ce lieu » (HLS, Hymne 66, st. 2).

[117]. Dublin n. 56.

[118]. Denver n. 83.I.4.

[119]. Dublin n. 55a ; cf. HPMF n. 172 ; et BEM, Eucharistie n. 13.

[120]. Denver n. 83.I.6-7.

[121]. HLS, Hymne 60, st. 1.

[122]. HLS, Hymne 71, st. 2.

[123]. CEC n. 1374; cf. Conférence épiscopale d’Angleterre et Pays de Galles, Irlande et Écosse, One Bread One Body (1998) n. n. 50-51 ; et Mysterium fidei n. n. 38-39.

[124]. CEC n. 1333.

[125]. Concile de Trente, Session 13 (1551), Chapitre 4 (cité dans CEC n. 1376).

[126]. HLS, Hymne 57, sts. 1-2, 4 ; cf. Hymne 92, sts. 5-6.

[127]. Par ex. Prière Eucharistique 2, Missel Romain (1970) (« Sanctifie ces offrandes en répandant sur elles ton Esprit ; qu’elles deviennent pour nous le corps et le sang de Jésus, le Christ, notre Seigneur ») ; la grande action de grâces fondamentale du United Methodist Book of Worship (p. 38 : « Répands ton Esprit Saint sur nous ici rassemblés et sur ces dons du pain et du vin. Fais qu’ils deviennent pour nous le corps et le sang du Christ pour que nous soyons pour le monde le corps du Christ, racheté par son sang ») ; et l’ « action de grâces pour le Temps ordinaire (1) » du Methodist Worship Book (p. 194 : « Fais descendre ton Esprit Saint pour que ces dons du pain et du vin puissent être pour nous le corps et le sang du Christ »).

[128]. Cf. Saint Augustin, Sermons 227 et 72.                  

[129]. CEC n. 1377.

[130]. Missel Romain (2011), prières avant la Communion. La liturgie méthodiste unie utilise un langage similaire : « jusqu’à Christ revienne en vainqueur et que nous prenions part au festin céleste » (The United Methodist Book of Worship, p. 38).

[131]. Séoul n. 94.

[132]. Nairobi n. 1.

[133]. Nairobi n. 3.

[134]. Cf. Denver n. 83 ; Dublin n. 63.

[135]. Cf. Première prière eucharistique pour assemblées d’enfants de la liturgie catholique romaine : « Alors nous pourrons t’offrir ce qui vient de toi » ; Deuxième prière eucharistique pour assemblée d’enfants : « Il se met dans nos mains pour être le sacrifice que nous t’offrons ».

[136]. WJW, « Les moyens de grâce » (Sermon 16, II. 3), vol. 1, p. 382.

[137]. Cf. citation de la DCDJ n. 19 voir note 41 ci-dessus.

[138]. Cf. citation de la DCDJ n. 27 voir note 42 ci-dessus.

[139]. « Déclaration d’association du Conseil Méthodiste Mondial à la Déclaration conjointe sur la Doctrine de la Justification », n. 4.3.

[140]. Brighton n. 52.

[141]. Nairobi n. 3.

[142]. Concile de Trente, Session 22 (1562), Chapitre 1.

[143]. HLS, Hymne 123, st. 2.

[144]. HLS, Hymne 124, st. 2.

[145]. Voir n. 74 ci-dessus.

[146]. Jean Paul II, Ecclesia de Eucharistia (Sur l’Eucharistie dans son rapport à l’Église, 2003) n. 14 ; cf. THM, p. 7.

[147]. HLS, Hymne 5, st. 3.

[148]. La dynamique centrale de l’eucharistie – le Christ nous unit à lui dans son don de soi au Père – est exprimée simplement et succinctement dans la Première Prière eucharistique pour assemblées d’enfants de la liturgie romaine : « Jésus nous conduit vers toi, notre Père : nous t’en prions, accueille-nous avec lui ».

[149]. CEC n. 221.

[150]Summa Theologica III,83.4.

[151]. Concile de Trente, Session 22 (1562), Chapitre 1.

[152]. Concile de Trente, Session 22 (1562), Chapitre 2.

[153]. HLS, Hymne 3, st. 2.

[154]. HLS, Hymne 5, st. 2.

[155]. HPMF n. 148.

[156]. Séoul n. 94.

[157]. Cf. Benoît XVI, Sacramentum caritatis (Exhortation sur l’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’Église, 2007) n. 70.

[158]. HLS, Hymne 131, st. 1.

[159]. HLS, Hymne 141, st. 7.

[160]. Commission internationale anglicane-catholique, Déclaration commune sur la doctrine eucharistique (Salisbury, 1979) n. 5; cf. Commission internationale anglicane-catholique, Déclaration de Windsor sur la doctrine eucharistique (1971).

[161]. Benoît XVI, Deus Caritas Est (Lettre encyclique, 2005) n. n. 12-13.

[162]Sacramentum caritatis n. 11; cf. n. 70 ; citant l’homélie de Benoît XVI sur l’Esplanade de Marienfeld, 21 août 2005.

[163]. Séoul n. 80.

[164]. Saint Augustin, La cité de Dieu, X,6 (PL 41, 284).

[165]. HLS, Hymne 140, st. 3.

[166]. HLS, Hymne 121, st. 1.

[167]. HLS, Hymne 117, st. 1.

[168]. HLS, Hymne 129, st. 1.

[169]. HLS, Hymne 117, st. 2.

[170]. HLS, Hymne 129, st. 2.

[171]. HLS, Hymne 118, st. 4.

[172]. HLS, Hymne 136, st. 4.

[173]. HLS, Hymne 125, st. 2; cf. Hymne 124, st. 3.

[174]. Prière eucharistique 3, Missel Romain (2011).

[175]. Prière eucharistique 3, Missel Romain.

[176]. Prière eucharistique 4, Missel Romain.

[177]The United Methodist Book of Worship, p. 38 ; cf. « Action de grâces pour le Carême et la Semaine Sainte », The Methodist Worship Book, p. 155.

[178]. « Action de grâces pour Noël et l’Epiphanie », The Methodist Worship Book, p. 138.

[179]. « Action de grâces pour le Temps de Pâques », The Methodist Worship Book, p. 170.

[180]. « Action de grâces pour le Temps Ordinaire (2) », The Methodist Worship Book, p. 206.

[181]. « Action de grâces pour le Temps Ordinaire (3) », The Methodist Worship Book, p. 217.

[182]. HLS, Hymne 141, st. 8.

[183]. HLS, Hymne 147, st. 4.

[184]. HLS, Hymne 133, st. 5.

[185]. Cf. n. 21 ci-dessus.

[186]. THM, p. 8.

[187]. CEC n. 1364.

[188]. CEC n. 1367.

[189]. BEM, Eucharistie n. 8.

[190]Ecclesia de Eucharistia n. 11.

[191]. Dublin n. 65 ; Rio n. 102.

[192]. HPMF n. 171.

[193]. Cf. La Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome, où le prêtre dit : « Faisant donc mémoire de ce commandement pour notre salut et de tout de qui a été fait pour nous : la Croix, le Tombeau, la Résurrection au troisième jour, l’Ascension au ciel, le siège à ta droite, le second et glorieux Nouvel Avènement, ce qui est à Toi et qui vient de Toi, nous te l’offrons en tout et pour tout ».

[194]. HLS, Hymne 158, st. 2.

[195]. HLS, Hymne 93, st. 4.

[196]. HLS, Hymne 93, st. 2.

[197]. HLS, Hymne 108, st. 2.

[198]. HLS, Hymne 99, sts. 3-4.

[199]Ecclesia de Eucharistia n. 18.

[200]. SC n. 8.

[201]. THM, p. 9, citant The United Methodist Hymnal, p. 10.

[202]. Cité dans le CEC n. 1402 ; attribué à saint Thomas d’Aquin et autrefois inclus dans le Missel Romain comme antienne pour la Fête du Corpus Christi.

[203]. HLS, Hymne 16, sts. 1-2.

[204]. CEC n. 1099.

[205]. CEC n. 1104.

[206]. THM, p. 16, citant Par l’eau et par l’Esprit n. 55.

[207]. « Église Méthodiste Unie [États-Unis] », Les Églises répondent au BEM : Réponses officielles au texte sur Baptême, Eucharistie, Ministère, vol. 2, Genève, Conseil œcuménique des Églises, 1986.

[208]. SC n. 5, citant la Préface de Pâques du Missel Romain (1962).

[209]. Publié à l’origine comme « Hymne pour le Jour de Pâques » dans John and Charles Wesley, Hymns and Sacred Poems (Londres, Strahan, 1739).

[210]. Anamnèse de la Prière eucharistique, 4, Missel Romain ; cf. Ac 28,28.

[211]. BEM, Ministère n. 5.

[212]. Rio n. 84.

[213]. Rio n. 86.

[214]. BEM, Ministère n. 11.

[215]. Rio n. 88.

[216]. Cf. LG n. 21, n. n. 28-29.

[217]. Rio n. 88.

[218]. LG n. 20.

[219]. Dublin n. 85.

[220]. Cf. Paul VI, Ut Unum Sint (Lettre encyclique, 1995) n. 11.

[221]. BDUMC 303.1.

[222]. Dublin n. 87, caractères italiques dans l’original.

[223]. Dublin n. 84.

[224]. Cf. Séoul n. 101.

[225]. Séoul n. 91.

[226]. Brighton n. 68.

[227]. Brighton n. 81.

[228]. Séoul n. 106.

[229]. Singapore n. 94.

[230]. Cf. BDUMC 125, 301.1 ; et Paul VI, Apostolicam Actuositatem (Décret sur l’apostolat des laïcs, 1965) n. 2.

[231]. CEC n. 874, n. 1548.

[232]. BDUMC n. 301.1.

[233]. Dublin n. 77.

[234]Deed of Union des méthodistes britanniques, n. 4.

[235]. LG n. 21; cf. LG n. 28 for priests.

[236]. Brighton n. 63.

[237]. Dublin n. 78.

[238]. Singapore n. 79.

[239]. Dublin n. 78.

[240]. Cf. Denver n. 89.

[241]. Brighton n. 63.

[242]. BEM, Ministère n. 13.

[243]Ordination, Conférence Méthodiste Britannique (1974), n. 13.

[244]. Jean Paul II, Pastores Dabo Vobis (Exhortation apostolique post-synodale sur la formation des prêtres dans les circonstances actuelles, 1992) n. 72.

[245]. Singapore n. 86.

[246]. Cf. Dublin n. 98.

[247]. Singapore n. 71.

[248]. Singapore n. 71.

[249]. BEM, Ministère n. 11.

[250]. CEC n. 1563.

[251]. Dublin n. 99.

[252]. CEC n. 1121.

[253]. Dublin n. 100.

[254]. Cf. Dublin n. 100 ; BDUMC 366.

[255]. Dublin n. 98.

[256]. Cf. Séoul n. 132.

[257]. BEM, Ministère n. 14.

[258]The Methodist Worship Book, p. 194.

[259]. SC n. 8.

[260]. Cf. LG n. 10.

[261]. Séoul n. 132.

[262]. Dublin n. 97.

[263]. LG n. 10.

[264]. LG n. 10.

[265]. CEC n. 1547.

[266]. Voir chapitre 3.

[267]. Séoul n. 132.

[268]Deed of Union des Méthodistes britanniques, n. 4.

[269]. Cf. Séoul nn. 132-33.

[270]. BEM, Ministère n. 17.

[271]. Séoul n. 98.

[272]. Séoul n. 98.

[273]. CEC n. 1573, avec une référence à Pie XII, Sacramentum Ordinis (Denzinger-Schoenmetzer, Enchiridion Symbolorum n. 3858).

[274]. Nairobi n. 15.

[275]. Nairobi n. 13.

[276]. Singapore n. 88.

[277]. Brighton n. 60.

[278]. Cf. Brighton n. 71.

[279]. Singapore n. 74.

[280]. Singapore n. 92.

[281]. Singapore n. 93.

[282]. Brighton n. 51.

[283]. Brighton n. 51.

[284]. LG n. 20.

[285]. Nairobi n. 68; cf. LG n. 25.

[286]. Cf. LG n. 25.

[287]. LG n. 25.

[288]. Cf. LG n. 25.

[289]. Brighton n. 74.

[290]. Brighton n. 74.

[291]. Nairobi n. 72.

[292]. Nairobi n. 75.

[293]. Honolulu n. 34.

[294]. Strophe 9 de l’hymne de Charles Wesley « Grand est le Seigneur, notre Rédempteur », publié pour la première fois dans The Arminian Magazine, vol. 20 (1797), p. 616.

[295]. Brighton n. 84.

[296]. Cf. LG n. 20.

[297]. Cf. UR n. 15, n. 22.

[298]. Singapore n. 97.

[299]. Singapore n. 96.